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Egypte, état des lieux (NPA)

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Politique

Depuis qu’il a destitué l’islamiste Mohamed Morsi en juillet 2013, l’ex-chef de l’armée et actuel président Abdel Fattah al-Sissi permet le retour sur la scène publique des caciques de Moubarak. Plusieurs figures de l’ère Moubarak négocient des accords à l’amiable avec les autorités, comme Rachid Mohamed Rachid, ancien ministre de l’Industrie et du Commerce extérieur, ou encore Zakareya Azmi, l’ancien chef de cabinet du président Moubarak.
Le cas le plus emblématique étant celui de Hussein Salem : L’Egypte a demandé aux autorités judiciaires en Espagne, en Suisse et à Honk-Kong l’annulation du gel de ses avoirs après un accord à l’amiable concernant des accusations de corruption.
Cette demande intervient selon la même source « après un accord à l’amiable définitif passé avec l’Etat égyptien qui récupère (auprès de M. Salem) des avoirs et des liquidités d’une valeur de 5,3 milliards de livres égyptiennes ».
Les autorités ont également contacté Interpol pour demander l’annulation de leur notice rouge visant l’homme d’affaires, qui s’était réfugié en Espagne après la révolte de 2011 qui chassa Hosni Moubarak du pouvoir. Proche de la famille Moubarak, Hussein Salem avait été condamné par contumace à des peines de prison dans plusieurs procès pour corruption, notamment pour la vente de gaz à Israël à un prix inférieur à celui du marché.
Tout cela alors que Sissi a plusieurs fois répété qu’il faisait de la lutte contre la corruption l’une de ses priorités.

Corruption toujours 

Le ministre de l’approvisionnement Khaled Hanafi a démissionné suite au scandale des ventes fictives de blé. Le pain étant l’aliment le plus consommé par le peuple (un pain baladi subventionné coûte 1 ct d’euro) et la production locale étant insuffisante (le pays est le plus gros importateur de blé du monde), les autorités avaient décidé de subventionner le blé local en le payant plus cher qu’au prix mondial mais sur le blé acheté aux producteurs locaux 220 000 tonnes payées 530 000 LE étaient fictives (jamais livrées)

Situation au Sinaï 

Les Forces armées sont impuissantes, elles ont recours à des supplétifs qu’elles arment sans passer par les structures tribales. C’est très mal vu par les chefs tribaux qui jugent qu’il y a un risque à armer des civils non contrôlés par eux contrairement à ce qui se passait auparavant, d’autant que ces supplétifs abusent de leur force vis à vis des civils, particulièrement des femmes.
Ils sont la cible évidemment de la Province du Sinaï au même titre que la police et l’armée : 60 d’entre eux ont été exécutés en un an.

Économie, prêt du FMI

L’Egypte et le Fond monétaire international (FMI) ont signé fin août un accord pour un prêt de 12 milliards de dollars s’étalant sur trois ans. En contrepartie, les autorités égyptiennes doivent adopter des réformes économiques drastiques pour augmenter les revenus de l’Etat et réduire leurs coûteuses subventions publiques. « Le Parlement a approuvé le projet de loi présenté par le gouvernement concernant la Taxe sur la valeur ajoutée ». La TVA remplace une autre taxe sur la vente qui était de 10%. Selon le gouvernement, une cinquantaine de produits et de services sont exemptés de la nouvelle taxe, dont des produits de première nécessité comme le pain.
Une lettre ouverte signée par le Parti de l’Alliance Populaire Socialiste(1), Karama(2), Egypte Libre(3), le Courant Populaire(4), le Parti Communiste et des personnalités comme Hamdeen Sabahi(5), Georges Ishak du Conseil National des droits de l’homme... a été adressée à Sissi pour qu’il suspende les négociations avec le FMI. Ils y dénonçaient la politique économique suivie jusque là qui ne tient pas compte des intérêts des travailleurs. Ils y critiquaient la dévaluation de la Livre égyptienne (LE) intervenue en mars (- 13% et maintenant aux alentours de 15%), l’instauration de la TVA, la poursuite des privatisations des entreprises d’état et la nouvelle loi sur la Fonction Publique portant un coup d’arrêt aux embauches de diplômés. Ils mettaient en garde sur le risque de voir la dette de l’Égypte s’élever dangereusement si on ajoute au prêt du FMI le prêt de 25 milliards de dollars accordé par la Russie pour financer la centrale nucléaire de Dabaa et si on prend en compte les baisses très importantes des investissements directs, des revenus du tourisme et du Canal de Suez ainsi que celles des devises envoyées par les Égyptiens de l’étranger.
De fait l’accord, l’Egypte devra baisser significativement son déficit de 10% en un an avec dévaluation de la Livre égyptienne(LE) et suppression des subventions sur les prix du carburant d’ici 2019, prix qui augmenteront de plus de 65% durant l’année fiscale 2016-2017.

Problème de l’eau

En mars 2015 un accord a été signé entre le Soudan, l’Egypte et l’Ethiopie au sujet du méga barrage de la Renaissance fixant la répartition de l’eau entre les 3 pays.
Cet accord baisse la proportion allouée à l’Egypte mais dès maintenant l’Egypte fait face à une pénurie d’eau sévère. Selon le ministre des ressources hydriques et de l’irrigation la crise a pour principale cause la poussée démographique qui réduit la part d’eau de chaque individu. « Les Egyptiens consomment bien plus que leur part d’eau provenant du Nil. La consommation du pays est de 80 milliards de m3 par an, alors que notre part est seulement de 55 milliards de m3 », a-t-il poursuivi avant d’indiquer que le déficit était compensé par d’autres sources comme l’eau des pluies de la côte nord, les nappes d’eau souterraines et l’eau traitée, provenant de sources agricoles.
Il n’a pas évoqué la question des infrastructures ; canalisations et autres, arrivées à saturation et non entretenues ce qui fait que 35 % de l’eau potable se retrouve dans le sol.

Répression

Le gouvernement militaire égyptien est devenu l’un des plus répressifs du monde, bien plus répressif que sous la dictature policière de Moubarak, contre laquelle les jeunes se sont battus. Aujourd’hui, il est interdit de manifester, les tagueurs sont punis de prison ferme, toute liberté d’expression est sévèrement réprimée, les réseaux sociaux sont muselés, des dizaines de milliers d’opposants au régime croupissent dans les prisons ou sont tout simplement portés disparus. En 2016, l’Égypte a été jugée un des pays les plus liberticides au monde par le Legatum Institute en se classant 140e sur 142 pays pour l’index des libertés personnelles – seuls le Yémen et le Soudan seraient plus liberticides que l’Égypte.
En Egypte, plusieurs ONG accusent le gouvernement et la justice égyptienne d’utiliser la détention provisoire comme un moyen de punition politique. Un cas célèbre, celui du photojournaliste Shawkan. Avec 343 autres personnes, il encourt la peine de mort pour avoir manifesté le 14 août 2013 contre la dispersion ultra-violente du sit-in pro-Morsi de Rabaa Adaweya par la police égyptienne. Il faisait un reportage sur cette évacuation pendant laquelle les forces de l’ordre ont tué plus de 1 000 personnes en moins de 24 heures. Il est aujourd’hui en détention provisoire depuis plus de trois ans, une violation du droit international mais également du droit égyptien. En Egypte, plusieurs centaines de personnes se trouvent en détention provisoire depuis plus de deux ans. L’ONG égyptienne Egyptian Initiative for Personal Rights (EIPR) estime que la détention provisoire a remplacé la détention administrative utilisée pendant les 30 ans d’état d’urgence sous Hosni Moubarak.

Des libérations quand même

- L’avocate Mahienour El Masri, militante Socialiste révolutionnaire, a été libérée il y a 2 semaines environ.
- Le 21 août dernier, l’avocat Islam Khalil a été transféré au poste de police de Mahattet Raml, à Alexandrie, en vue de sa libération, un tribunal ayant ordonné sa remise en liberté contre une caution de 50 000 livres égyptiennes mais il a été torturé et n’a été libéré que 10 jours après.
- Malek Adly un avocat du Centre égyptien pour les droits économiques et sociaux (ECESR) a été remis en liberté le 28 août après son soutien aux rassemblements contre la rétrocession des îles Tiran et Sanafir.
- Amr Badr, rédacteur en chef du site yanair.net impliqué dans la même affaire a lui aussi été inculpé. Il avait été raflé dans la fameuse charge de la police contre le local du syndicat des journalistes. Le chef du syndicat et deux de ses adjoints sont d’ailleurs toujours détenus pour avoir accueilli dans leur local Amr Badr et un de ses collègues.

Loi sur la construction des églises 

Sujet très sensible depuis la montée en puissance des FM et des salafistes. Les Coptes représentent environ 10% (peut être plus) des 92 millions d’habitants, il n’y a pas de statistiques bien que l’inscription de la religion sur la carte d’identité soit obligatoire. La question des églises donne lieu régulièrement à des émeutes particulièrement en Moyenne et Haute Egypte. En général ce sont des musulmans qui attaquent les chrétiens en les accusant de transformer des maisons en églises, ça se solde en général par des « médiations », en fait on reloge les chrétiens dans un autre lieu et les assaillants ne sont que très rarement poursuivis. Sissi avait promis de régler la question avant la fin de l’actuelle session parlementaire, la loi actuelle datant de 150 ans (empire ottoman révisée en 1934) et très restrictive puisque tous les ministères devaient se prononcer y compris celui des chemins de fer et de l’irrigation. Il faut savoir qu’il n’y a que 2 869 églises pour les 9 millions de chrétiens. La loi a été adoptée par 2/3 des députés sans véritable débat.
La nouvelle loi stipule que le gouverneur de province doit répondre sous quatre mois à toute demande de construction d’églises présentée par la communauté chrétienne. En cas de refus, le gouverneur doit motiver sa décision, et la communauté peut faire appel de cette décision devant la justice administrative. La loi précise que « la superficie de l’église (...) doit convenir au nombre et aux besoins des citoyens de la communauté chrétienne et doit prendre en considération la croissance de la population », a précisé M. Hamrouch. Mais cet article a fait débat car il est « trop vague et imprécis », déplore Mona Gaballah, affiliée au parti des Egyptiens libres fondé par l’homme d’affaires milliardaire copte Naguib Sawiris. « Quelle surface va-être accordée ? Qui décide de la surface ? »
L’Eglise copte orthodoxe a salué dans la nouvelle loi un pas dans la bonne direction mais certains députés chrétiens et les organisations de défense des droits de l’homme ont déploré que l’Etat n’ait pas plutôt opté pour une loi unique pour l’ensemble des lieux de culte. La construction des mosquées est en effet régie par une loi de 2001 beaucoup moins restrictive, puisqu’elle pose comme seule condition la propriété du terrain et le respect des normes de construction. « La nouvelle loi est une loi confessionnelle qui traduit la préférence de l’Etat pour les adeptes d’une religion par rapport à une autre », a déclaré à Reuters Ishak Ibrahim, de l’Initiative égyptienne pour les droits personnels (EIPR). « Une loi unique aurait montré que l’Etat protège les droits de tous ces citoyens de manière égale. Cela aurait envoyé un message fort aux extrémistes », a-t-il ajouté.

Mouvement ouvrier

Le directeur général de l’OIT (Organisation internationale du travail, organisation regroupant syndicats, patronat et gouvernements dépendant de l’ONU ), avait écrit au président Sissi pour rappeler au gouvernement égyptien de « garantir l’application des conventions internationales du travail sur la liberté syndicale ».
Il lui a demandé de révoquer la décision interdisant la reconnaissance officielle des syndicats indépendants en la justifiant par le fait que les syndicats indépendants sont contraires à la loi 35 de 1976, qui interdit le pluralisme syndical. D’autres personnes signalent que l’article 76 de la Constitution de l’Égypte de 2014 indique que la formation d’organisations de travailleurs « sur une base démocratique est un droit garanti par la loi ».
L’OIT estime que l’interdiction de reconnaître les syndicats indépendants va à l’encontre de la Convention 87 de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et de la Convention 98 sur l’application des principes du droit d’organisation et de négociation collective. L’Égypte a ratifié ces deux conventions dans les années 1950.
Le secrétaire général de la fédération syndicale Egyptian Trade Union Federation (ETUF), Gebaly al-Maraghy, a fustigé l’OIT dans un commentaire paru dans le journal privé Al-Masry Al-Youm, qualifiant le courrier de Ryder6 ( « d’ingérence injustifiée dans les affaires de l’Égypte ».
Maraghy souhaitait même une « déclaration officielle pour condamner cette intervention dans les affaires de l’Égypte ou de tout autre État arabe ».
Kamal al-Fayoumi, qui était à la tête des grèves pendant les manifestations historiques contre le gouvernement, le 6 avril 2008 à Mahalla a expliqué que les travailleurs ne recevaient « aucune aide de l’ETUF, qui est un syndicat illégal et qui participe à la corruption [de l’État] ».

Arsenal d’Alexandrie :

Suite à la grève de mai 2016, 26 ouvriers ont été poursuivis pour incitation à la grève et attendent leur procès devant un tribunal militaire le 18 septembre. Alors que l’entreprise était fermée depuis trois mois la direction a brusquement ordonné sa réouverture le 24 août avec seulement 600 des 1 800 ouvriers qui n’ont touché pendant ces 3 mois que le salaire de base les obligeant à recourir à des emprunts vu sa faiblesse. La question est de savoir quel sera le sort des ouvriers mis de côté : sont ils licenciés et quid des indemnités prévues par le code du travail égyptien ?
D’autre part les causes de la grève de mai qui étaient la mort de deux ouvriers en février et le manque de sécurité sont toujours là puisqu’un 3e ouvrier est mort sans que la direction ne le reconnaisse.

Femmes

Harcèlement sexuel :
Après l’obstination de Noha Elostaz, première égyptienne à faire condamner son agresseur pour harcèlement sexuel à 3 ans de prison il y a 8 ans, la mobilisation sur le terrain a permis que ce fléau qui touche 90% des femmes soit pris en compte et jugé. En 2015 sept hommes qui avaient agressé une femme Place Tahrir ont été condamnés à la prison à vie et 2 autres à 20 ans de prison.

Excision :
L’excision a beau être illégale en Egypte depuis 1996 (sauf « nécessité médicale »), elle reste tout de même très courante. Un récent rapport international de l’UNICEF classait en effet encore l’Egypte parmi les plus touchés avec 87% de la population féminine concernée, toutes religions confondues, dont beaucoup de mineures (14% des excisions se font sur des filles de 7 ans et moins, 75% sur les filles de 9 à 12 ans). Bien que tous ceux qui la pratiquent s’exposent à la prison, elle est en grande partie réalisée dans des cliniques privées, sous surveillance médicale, ce qui n’empêche pas cette opération d’avoir d’effroyables conséquences sur la santé des jeunes filles.

En mai dernier, Mayar Mohamed Moussa, 17 ans, est morte des suites de son excision dans un établissement hospitalier où ses parents l’avaient conduite. Son décès avait provoqué une vague d’indignation et forcé le gouvernement à envisager de nouvelles mesures pour qu’une telle tragédie ne se reproduise pas. Fin août, le gouvernement et le parlement ont adopté un amendement visant à durcir les auteurs de mutilations génitales et toute personne les ayant assistés. Le texte prévoit ainsi une peine allant de cinq à sept ans de prison pour « toute personne pratiquant une excision sur une femme », une peine d’un à trois ans de prison pour « quiconque fait pratiquer l’opération sur une femme » et des circonstances aggravantes si l’excision a entraîné une « infirmité permanente ou la mort ». Cette loi est d’autant bienvenue que l’année dernière, la libération après seulement 3 mois d’incarcération d’un médecin ayant pratiqué une excision mortelle sur une adolescente et condamné à 2 ans de prison avait créé le scandale dans le pays. Des ONG le soupçonnent aujourd’hui de continuer d’exercer en toute liberté et donc potentiellement de continuer à perpétrer ce crime dans le nord du pays.

LGBTQ

En 2014, les révélations d’un webzine cairote attestaient que la police égyptienne employait Grindr et d’autres applications de rencontre pour identifier leurs utilisateurs et les arrêter. En 2016 Solidarity with Egypt LGBTQ, un organisme qui s’emploie à dénoncer les exactions commises contre la communauté gay en Egypte, a révélé qu’entre 2013 et 2015, 125 gays et 47 personnes trans ont été inculpés suite à des affaires d’ « immoralité » et condamnés à des peines allant d’1 à 12 ans de prison ; dans 53% des affaires, internet et les réseaux sociaux ont été utilisés pour localiser et arrêter les accusés.
En avril dernier, onze hommes gays ont été condamnés à des peines allant de 3 à 12 ans d’emprisonnement. Ils avaient été arrêtés en septembre 2015 pour « débauche » suite à des rapports sexuels consentis. Cumulées, ces peines s’élèvent à 101 années de prison.

Ce texte a servi de base à une discussion lors de la réunion de la Commission Maghreb Moyen-Orient du NPA du 6 septembre 2016

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article38973

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