Depuis 2011, l’espoir d’une avancée de la démocratie en Syrie, porté par ces grandes manifestations d’occupation des places urbaines (dans tout le monde arabe, mais aussi en Europe de l’Est), est écrasé petit à petit sous l’action d’une guerre féroce contre des populations civiles taxées de « terroristes » ; et, d’autre part, des vétos russes (ou chinois) bloquant toute action internationale de l’ONU, assortis des reculs navrants des autres nations au premier rang desquelles les Etats-Unis – comme en cette fin août 2013, où plus de 1 400 civils ont été assassinés sous le bombardement de gaz interdits – fait que nulle désinformation ne peut récuser – et où le refus américain d’intervenir, malgré toutes les menaces antécédentes, a ouvert la voie aux interventions russe et iranienne des années suivantes.
Depuis l’été 2016, Poutine a envoyé ses bombardiers appliquer à Alep la tactique dite de Grozny : terre brûlée dans l’anéantissement de toute possibilité de survie, avec l’attaque ciblée des lieux symboliques de la vie la plus quotidienne et fondamentale (marchés, écoles, hôpitaux, cimetières, etc.). En une dizaine de jours, fin décembre 2016, la ville tombe dans un cauchemar sous les yeux du monde, encore inachevé au moment où nous écrivons ces lignes : les bus verts doivent en principe encore quitter la ville avec les populations coincées dans leurs propres rues, aux pieds de leur habitat en ruine. Combien de villages, de villes, jusqu’à Idlib, qui ne sont pas encore tombés sous le talon de fer ? Tout n’est pas fini…
Alors, en cas de maintien en Syrie de la famille dictatoriale en place depuis deux générations, annoncé par le triangle Russie-Iran-Turquie qui prend en main le pays, que faire ?
Que penser ? En Syrie, que faire d’une victoire destructrice, accompagnée d’un partage du territoire avec l’Etat Islamique – ce pire cauchemar des femmes et des hommes épris de liberté –, sous l’égide d’une Russie confortée par la nouvelle présidence américaine ? En France, comment influer sur une année électorale hystérisée par une extrême droite légitimée par un étrange glissement d’ensemble, régressif et sapant la confiance dans le fonctionnement démocratique, alors que les outils classiques de la société civile (manifestations, pétitions) semblent aussi irremplaçables qu’usés et dérisoires. Et en Europe ?
C’est au retour de manifestations éclatées dans Paris, le 17 décembre 2016, que nous avons souhaité la création d’un lieu de convergence de nos forces, pour ne pas se résigner à la situation désespérée en Syrie et au recul démocratique qui l’accompagne dans le monde et dans notre pays. Il est tard, mais il n’est pas trop tard. Le comité Syrie-Europe, après Alep voudrait lier l’urgence morale et politique à la liberté de penser en apportant son soutien aux forces œuvrant en faveur de la démocratie, en suivant l’évolution de la situation sur le terrain, en proposant des réflexions et analyses qui éclairent les liens entre les défis auxquels font face les Syriens et nos propres démocraties, et réfléchir aux conditions de possibilité de l’exercice d’une justice face à l’ampleur des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité perpétrés.
Plusieurs axes de travail sont envisagés : constitution d’un tribunal d’opinion sur les crimes commis en Syrie, mise en place d’un site internet permettant de rassembler et de relayer les textes pertinents ; mise en place d’un groupe de travail visant à interroger la remise en cause du droit international et les nouvelles catégories politiques de notre présent ; interventions intempestives dans la campagne présidentielle ; aide à la création d’autres comités Syrie, etc.
Les réunions auraient lieu un vendredi sur deux dans les locaux de la revue Esprit.
La première aura lieu le vendredi 6 janvier à 18h, au 212 rue Saint-Martin, 75003 Paris (code porte : 36A63).
Les premiers signataires : Jonathan Chalier, Catherine Coquio, Joël Hubrecht, Lucas Mongin, Véronique Nahoum-Grappe, Pierre Zaoui.