Soixante ans après, retour sur ces événements qui ont constitué un moment charnière dans la mise en place d’un ordre mondial aujourd’hui disparu…
Il y a 60 ans, à la fin du mois d’octobre 1956, la France et l’Angleterre organisaient secrètement avec Israël une intervention militaire contre le régime égyptien de Nasser qui, deux mois auparavant, avait osé défier les puissances occidentales en nationalisant le canal de Suez.
Tandis qu’à l’ONU, on recherchait une solution diplomatique pour garantir la libre circulation sur le canal, Paris et Londres déployèrent leurs avions de chasse et leurs bâtiments de guerre au large d’Alexandrie, après trois mois de propagande guerrière contre Nasser, alors décrit comme le « nouvel Hitler ». Elles armèrent et couvrirent l’intervention de l’armée israélienne, qui occupa le Sinaï. Mais moins de 48 heures après que leurs parachutistes eurent sauté sur Port-Saïd, les gouvernements du socialiste Guy Mollet et du très conservateur Anthony Eden retiraient leurs troupes sur l’injonction des Etats-Unis et de l’URSS.
L’événement annonçait la fin de l’influence de la France et de l’Angleterre au Moyen-Orient.
Plus généralement, alors que le gouvernement socialiste de Guy Mollet, incapable de venir à bout de la révolte de la population algérienne, venait d’intensifier la « sale guerre » dans ce pays, il présageait la fin de la domination coloniale des vieilles puissances européennes, désormais supplantées de façon irréversible par l’impérialisme américain.
Quant à l’Etat d’Israël, qui devait son existence et sa survie à la détermination des colons juifs pour qui, après le génocide nazi, il n’y avait pas d’autre perspective que la solution sioniste, il apparut à cette occasion, pour la première fois de façon très claire, comme un gendarme de l’impérialisme au Moyen-Orient.
Alors qu’au même moment les chars russes écrasaient l’insurrection ouvrière hongroise, c’était aussi une expression du nouvel équilibre international qui naissait de la stabilisation des rapports de forces entre les Etats à l’issue de la Deuxième Guerre mondiale, un ordre basé sur le partage du monde et du maintien de l’ordre contre les peuples entre les deux grandes puissances victorieuses, la bureaucratie soviétique et l’impérialisme américain.
Le Canal de Suez, sous la tutelle des puissances coloniales
Long de 193 kilomètres et large de 300 mètres en moyenne, le Canal de Suez permet de raccourcir de 8000 kilomètres – distance du contournement de l’Afrique – la navigation entre l’Asie et l’Europe. C’est un élément stratégique fondamental pour les puissances occidentales car il est une des routes les plus rapides pour acheminer le pétrole du Moyen-Orient jusqu’en Méditerranée. Mais au-delà, sa nationalisation par Nasser le 26 juillet 1956 avait éclaté comme un défi insupportable à ceux qui se pensaient comme les maîtres du monde : « le défi qu’il vient de lancer à l’Occident », s’indignait l’éditorialiste du Monde le 28 juillet 1956, en parlant de cette décision de Nasser qu’il rapprochait de la nationalisation par Mossadegh du pétrole iranien, en 1951.
Le diplomate Ferdinand de Lesseps, qui avait conçu le projet de canal et en avait négocié la réalisation avec le « vice-roi » d’Egypte Mohamed-Saïd, avait obtenu de celui-ci, le 30 novembre 1854, « le pouvoir exclusif de constituer et de diriger une compagnie universelle pour le percement de l’isthme de Suez et l’exploitation d’un canal entre les deux mers ». Le 15 décembre 1858, il avait fondé la Compagnie universelle du canal maritime de Suez – ancêtre de la multinationale française Suez-Lyonnaise des eaux –, qui avait son siège social à Alexandrie et son siège administratif à Paris.
La compagnie bénéficiait en outre d’une concession qui lui donnait le pouvoir de construire, entretenir et exploiter le canal pendant une durée de 99 ans à compter de son ouverture à la navigation. Société par actions, elle était possédée à 44 % par l’Etat égyptien et, pour le reste, par 21 000 actionnaires français.
Les travaux qui commencèrent en avril 1859 furent achevés en novembre 1869.
Travaux pharaoniques exécutés par plus d’un million et demi d’Egyptiens dont 120 000 – nombre cité par Nasser, dans son discours annonçant le 26 juillet 1956 à la radio la nationalisation du canal – moururent sur le chantier, la plupart du choléra.
Ce qui aurait dû être une source de revenus pour l’Egypte précipita en fait sa ruine.
L’Etat égyptien, qui s’était fortement endetté en achetant la moitié des actions du canal, croulait sous cette dette. La Grande-Bretagne, qui s’était un temps opposée à la construction du canal, se saisit de l’occasion pour se remettre dans le jeu et racheter ses actions à l’Egypte, dont les finances furent néanmoins déclarées un peu plus tard en faillite. En 1876, le gouvernement égyptien fut placé sous la tutelle d’une caisse de dettes dont les administrateurs – deux Français et deux Britanniques, un Autrichien et un Hongrois – organisèrent les restrictions budgétaires, le licenciement des fonctionnaires et autres plans comparables à ceux imposés aujourd’hui à la Grèce ou à d’autres pays par la Banque mondiale, le FMI et la BCE.
Les réactions dans la population furent tellement vives que le gouvernement égyptien fut renversé par un groupe de militaires. En 1882, les troupes britanniques intervinrent sur place et prirent le contrôle de l’administration du pays.
Après sa rupture avec l’Empire ottoman pendant la Première Guerre mondiale, l’Egypte devint un sultanat sous protectorat britannique mais en 1922, confrontée à des révoltes populaires de grande ampleur, la Grande-Bretagne renonça à son protectorat, tout en conservant une grande influence sur le régime du roi Fouad 1er. Et ceci, jusqu’au renversement du fils et successeur de ce dernier en 1952 par de jeunes officiers progressistes, au premier rang desquels s’imposa deux ans plus tard Gamal Abdel Nasser.
La nationalisation du canal, un « défi lancé à l’Occident »
Comme ce sera le cas plus tard avec les exploitations sucrières à Cuba, la nationalisation du Canal de Suez se fit en représailles à des pressions impérialistes, au refus en l’occurrence des Etats-Unis d’honorer la promesse de crédits qu’ils avaient faite à l’Egypte pour la construction d’un barrage sur le Nil, à Assouan. Le barrage devait doubler ou tripler la surface des terres irriguées et fournir de l’énergie hydro-électrique.
Les relations internationales et les alliances étaient encore mouvantes dans le Moyen-Orient issu de la guerre.
C’est ainsi que l’URSS avait voté dans le même sens que les Etats-Unis en faveur du partage de la Palestine à l’ONU et que la Tchécoslovaquie fut le premier Etat à livrer des armes à Israël.
Le 24 février 1955 fut signé sous les auspices des Etats-Unis le pacte de Bagdad, une alliance militaire entre la Turquie et l’Irak, à laquelle adhérèrent ensuite la Grande-Bretagne, le Pakistan et l’Iran. L’Egypte, sollicitée de façon pressante, refusa de la rejoindre, essentiellement à cause de la présence de la Grande-Bretagne, l’ancienne puissance coloniale détestée de la population.
Un autre grief contre Nasser fut qu’en novembre de cette même année 1955, il annonça officiellement avoir conclu un accord avec l’URSS pour des livraisons d’armes par la Tchécoslovaquie, destinées à faire face aux incidents frontaliers qui se multipliaient avec Israël. Enfin, Nasser affirmait publiquement son accord avec les principes adoptés lors de la conférence des « non-alignés » qui s’était tenue avec Tito et Nehru, en avril 1955 à Bandoeng.
Le 19 juillet 1956, le secrétaire d’Etat américain, John Foster Dulles, faisait savoir que les Etats-Unis retiraient l’offre de prêt précédemment faite à Nasser et invitaient la Banque mondiale à en faire autant. L’URSS, de son côté, affirmait le 22 juillet qu’elle ne financerait pas le barrage.
Le 26 juillet, Nasser annonçait à la radio, en terminant son allocution par un éclat de rire, que le canal de Suez était nationalisé. Les actionnaires, essentiellement anglais et français, de la Compagnie du canal seraient indemnisés et les droits de passage serviraient à financer le barrage. Plus tard, en septembre, la compagnie du canal renvoya ses pilotes en escomptant que les Egyptiens seraient incapables de s’en passer. Des pilotes égyptiens furent recrutés, se formèrent sur le tas et remplirent avec succès leur toute nouvelle tâche.
Cette politique déterminée face à la vieille puissance coloniale anglaise valut à Nasser une popularité extraordinaire en Egypte même et dans l’ensemble du Moyen-Orient. C’était une forme de revanche pour les populations qui avaient subi tant d’humiliations de la part des puissances coloniales. Et pour ces dernières, une raison supplémentaire de vouloir se débarrasser de Nasser.
Telles furent les raisons véritables de l’intervention militaire franco-britannique contre l’Egypte. Mais les deux compères européens se livrèrent à une machination des plus perverses, négociée en secret avec les dirigeants israéliens pour tenter de légitimer leur forfait.
Israël entre dans le jeu
Les dirigeants israéliens réagirent immédiatement, comme les dirigeants français et britanniques, à la nationalisation du canal. Depuis la première guerre israélo-arabe, en 1948-49, la bande de Gaza était occupée par l’Egypte et les tensions territoriales entre les deux Etats étaient incessantes. A l’origine de l’Etat d’Israël, il y avait les foyers d’implantations juives que l’Angleterre, par la déclaration Balfour de 1917, avait autorisées… sur les terres déjà occupées par les Arabes palestiniens. Une stratégie du diviser pour régner en Palestine qui était alors une de ses colonies.
Après la guerre, en 1947, une résolution de l’ONU, votée aussi bien par les Etats-Unis que par l’URSS, organisa le partage de la Palestine et la naissance de l’Etat d’Israël.
Un an plus tard, les dirigeants israéliens, qui pouvaient compter sur la détermination des Juifs à s’assurer un refuge en Palestine, élargirent leur territoire à l’issue de la première guerre israélo-arabe.
Les accrochages étaient réguliers à la frontière égyptienne. Les Palestiniens qui avaient été chassés de chez eux faisaient des incursions en territoire israélien pour récupérer une partie de leurs biens et l’Etat d’Israël organisait en retour des représailles en territoire égyptien. La tension monta encore d’un cran après les achats d’armes de l’Egypte à la Tchécoslovaquie. Israël profita de la situation pour obtenir de la France des avions de chasse et des chars AMX.
Les dirigeants de l’Etat sioniste se saisirent de l’occasion de la nationalisation du canal pour justifier une intervention de leur armée en territoire égyptien. Ils allaient bénéficier d’un sérieux coup de main de la part des gouvernements français et britannique.
Indignité de la gauche française
Ces derniers auraient voulu non seulement reprendre le contrôle du canal de Suez, mais aussi renverser Nasser. Cependant, le Premier ministre britannique Anthony Eden hésitait, la majorité gouvernementale conservatrice était divisée. La bourgeoisie anglaise était soucieuse de préserver ses bonnes relations avec les Etats arabes.
En France, le Premier ministre était le socialiste (SFIO) Guy Mollet.
Elu au sein du Front républicain au début de l’année 1956 en promettant de faire la paix en Algérie, il avait fait volte-face moins de trois mois plus tard après un voyage en Algérie où il avait été hué et malmené par des colons français et l’extrême droite. Le 12 mars 1956, son gouvernement s’était fait voter à une très large majorité, les voix des 146 députés du PCF incluses, les pouvoirs spéciaux qui donnaient à l’état-major de l’armée toute latitude et la liberté d’utiliser la torture. Il envoya en Algérie des renforts militaires malgré les manifestations d’appelés qui ne voulaient pas de cette sale guerre.
Pour le ministre résident Robert Lacoste, il fallait « punir » Nasser qui hébergeait au Caire des dirigeants de la rébellion algérienne et dont la radio « La Voix des Arabes » soutenait les nationalistes algériens. Un homme se signalait aussi par sa détermination à intervenir, François Mitterrand qui était alors ministre de la Justice et prônait la défense de la civilisation contre « un émule de Hitler », en reprenant le leitmotiv de la campagne politique et médiatique qui s’était déchaînée pendant l’été à Paris. Si Nasser était identifié à Hitler ; le « laisser-faire » des puissances occidentales était comparé à la lâche capitulation, à Munich en 1938, des dirigeants français et anglais devant Hitler qui venait d’envahir la Tchécoslovaquie. Cette même analogie mensongère, un summum de mauvaise foi, fut d’ailleurs utilisée une nouvelle fois par Mitterrand, devenu alors président de la République, contre Saddam Hussein après l’invasion du Koweit en août 1990.
Le « coup monté »
En août, Guy Mollet obtint un large accord à l’Assemblée nationale pour une intervention militaire en Egypte. Seuls les députés du PCF et poujadistes s’abstinrent.
Alors qu’à l’ONU, les discussions tournaient autour de la recherche de solutions diplomatiques et négociées pour permettre un retour à la libre circulation sur le Canal de Suez, à Sèvres, en France, se tinrent le 24 octobre des négociations secrètes entre les dirigeants français, britanniques et israéliens. Il y avait entre autres Guy Mollet et le chef d’état-major des armées, Challe, un des futurs putschistes d’Alger en 1961, Ben Gourion, Shimon Peres et Moshe Dayan.
Le plan imaginé consistait en une première attaque de l’armée israélienne aboutissant à l’invasion du Sinaï, suivie d’un ultimatum franco-britannique ordonnant aux deux parties, Israël et Egypte, de retirer leurs troupes de chaque côté du canal pour y assurer la liberté de circulation, puis, après un constat prévisible de refus de l’Egypte, d’une intervention des troupes françaises et anglaises.
Le 29 octobre, comme prévu, les troupes israéliennes de Moshe Dayan pénétrèrent dans le Sinaï, appuyées par des avions de chasse français sous camouflage israélien, et progressèrent très rapidement et plus loin que prévu, dans l’ensemble du Sinaï et jusqu’aux bords du canal de Suez. Le 30 octobre, les gouvernements français et britannique adressèrent leur ultimatum, comme convenu, aux états-majors israélien et égyptien pour leur intimer l’ordre d’arrêter les combats et, comme il était prévisible, l’Egypte refusa.
Ce fut le prétexte au déclenchement de l’intervention. Dès le lendemain de l’ultimatum, le 31 octobre, les avions français et britanniques attaquèrent l’Égypte depuis Chypre et détruisirent tous les avions égyptiens au sol. Le 5 novembre, les troupes franco-britanniques débarquèrent à Port-Saïd au mépris de l’adoption la veille d’une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU, exigeant un cessez-le-feu.
Les Etats-Unis et l’URSS sifflent la fin de la partie
Les Etats-Unis et l’URSS avaient déjà présenté le 30 octobre au Conseil de sécurité de l’ONU un projet de résolution ordonnant un cessez-le-feu et le retrait des troupes israéliennes du Sinaï, mais la France et la Grande-Bretagne y avaient opposé leur veto. De même Guy Mollet, Anthony Eden et Ben Gourion ignorèrent-ils la résolution votée le 4 novembre par l’Assemblée générale de l’ONU.
Le 5 novembre, au lendemain de la deuxième intervention des troupes « soviétiques » en Hongrie1, le maréchal Boulganine adressait à la France, à la Grande-Bretagne et à Israël un ultimatum dans lequel l’URSS menaçait d’intervenir contre leur agression « coloniale » de l’Egypte, avec toutes les armes dont elle disposait. Pour les dirigeants de la bureaucratie, l’affaire de Suez offrait une diversion, un écran de fumée qui leur permettait de masquer leur forfait contre la classe ouvrière hongroise en prenant la défense des peuples opprimés par le joug colonial.
Eisenhower, de son côté, était furieux que ses alliés soient intervenus sans aucune concertation avec le gouvernement américain. Le 6 novembre, les Etats-Unis vendirent massivement des livres sterling pour faire pression sur le gouvernement anglais. Celui-ci d’abord, puis le gouvernement français, acceptèrent le même jour le cessez-le-feu.
L’Egypte accepta la présence le long du canal d’une force d’interposition de l’ONU à la place des forces françaises et anglaises, dont le retrait s’acheva le 12 décembre. Elle avait été défaite militairement, et même sévèrement, mais la victoire politique de Nasser était totale et fut un formidable encouragement au nationalisme arabe. L’impérialisme anglais était supplanté au Moyen-Orient par l’impérialisme américain dont Israël devint le gendarme, le bras armé dans la région.
Un nouvel équilibre mondial aujourd’hui révolu
En ces mois d’octobre et de novembre 1956, c’est sur fond de la sale guerre d’Algérie que les vieilles puissances coloniales anglaise et française avaient lancé à l’assaut de l’Egypte leurs marines, avions de chasse et parachutistes. Les dirigeants de l’URSS, quoiqu’ils aient lancé un ultimatum pour exiger le retrait de ces troupes, n’étaient pas mécontents que l’attention soit détournée ailleurs que sur leur propre zone d’influence. Au même moment en effet, la bureaucratie « soviétique », toute déstalinisée qu’elle était, faisait intervenir contre la classe ouvrière hongroise son armée et ses blindés pour écraser les insurgés qui se battaient pour un socialisme démocratique.
A la guerre pour faire rentrer dans le rang les peuples qui se soulevaient contre le colonialisme correspondait dans leur zone, à l’Est de l’Europe, la répression des révoltes ouvrières.
Ces dernières, comme les luttes de libération nationale, représentaient un danger pour l’ordre international et l’ordre social. Mais bien peu nombreux étaient ceux et celles qui dénonçaient les crimes des deux camps. Dans l’un et l’autre bloc, les crimes d’un camp servaient de justification à ceux de l’autre.
Derrière la rivalité entre les deux blocs, derrière la « guerre froide » qu’avait déclenchée l’impérialisme américain pour tenter d’enlever à l’URSS sa mainmise sur les territoires qu’elle avait occupés à la fin de la guerre, il y avait en fait une alliance tacite contre les peuples. C’en était fini du partage officiel et déclaré du monde, que les craintes d’une révolution après la guerre avaient persuadé les dirigeants impérialistes et Staline de conclure à Yalta. Mais la convergence d’intérêts contre les peuples perdurait, en particulier face à la vague des révolutions anticoloniales.
L’impérialisme bénéficiait d’un allié qui faisait la police contre les peuples et les travailleurs, en URSS même et dans son glacis, la bureaucratie stalinienne, un facteur réactionnaire indispensable au maintien de l’ordre international. Non seulement d’ailleurs par ses capacités d’intervention contre les travailleurs, mais également parce que le stalinisme, produit de la pression de la réaction contre la vague révolutionnaire qui avait suivi la Première Guerre mondiale, avait profondément perverti les partis et les idées qui se réclamaient du communisme.
La guerre froide avait connu et connut encore des crises très chaudes où le monde se vit à deux doigts de la guerre mondiale – la guerre de Corée puis la crise des fusées à Cuba. Mais l’ordre international, le pouvoir des classes dirigeantes, se stabilisait et assura, sous cette forme, la perpétuation de l’exploitation des travailleurs et des peuples pendant plusieurs décennies.
Aujourd’hui, 25 ans après la disparition de l’URSS, sous la pression de l’offensive de la mondialisation libérale et financière, ce monde a définitivement disparu, la page est tournée.
Mis à l’épreuve de la nécessité de maintenir l’ordre mondial à lui seul, l’impérialisme américain apparaît fragilisé, son hégémonie menacée à plus ou moins longue échéance par les nouvelles puissances impérialistes que sont la Chine, l’Inde, la Russie. La situation en Syrie où le bourreau de son peuple, Bachar al-Assad, a reçu l’appui de la Russie de Poutine sous les yeux complices des Etats-Unis et de l’Europe, est un révélateur de ce nouvel ordre mondial, fait de chaos et de violences, en proie aux forces les plus réactionnaires. Le monde des Trump, Poutine, Erdogan ou Le Pen.
Tel est le résultat de l’offensive des classes dirigeantes pour reprendre systématiquement ce qu’elles avaient dû concéder aux travailleurs et aux peuples, les acquis de leurs luttes et de leurs révolutions. Les organisations et partis – sociaux-démocrates, communistes, anticolonialistes – qui avaient conduit ces luttes ont épuisé leurs forces, fait faillite, domestiqués d’abord puis intégrés à l’ordre dominant.
Mais à travers les bouleversements entraînés par la mondialisation libérale et financière, la classe ouvrière a connu un développement considérable à l’échelle internationale. C’est elle qui détient les clés de l’avenir.
Vendredi 6 janvier 2017