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M’hamed Rachedi était "l’arabe" héros du printemps amazigh. La fondation Bacha a exhumé son étincelant souvenir. Sous le bleu de Bab El Oued.
C’était une silhouette aérienne, une énergie explosive haranguant les assemblées générales étudiantes du printemps 1980. Un jeune homme d’un grand courage.
"Il savait qu’il en prendrait pour 20 ans incompressibles dans sa situation" a rappelé un de ses compagnons de lutte de cette période sur sa tombe ce samedi 25 avril, jour choisit par la fondation Bacha, grande figure du militantisme des années 80, pour faire le pèlerinage commémorative du cimetière El Kettar à Alger.
M'hamed Rachedi, est né en mars 1955 d’une modeste famille de la basse Casbah. Il restera pour l’éternité le détenu arabophone parmi les 24 historiques de Berrouaghia, les animateurs du mouvement avril 1980 que le régime "débutant" de Chadli Bendjedid, voulait traduire devant la cour de sureté de l’Etat.
"Ces interrogatoires à la sécurité militaire étaient particulièrement féroces". Les barbouzes ne comprenaient pas ce qu’un non kabyle faisait là, à la pointe d’un mouvement pour la reconnaissance du tamazight.
M’hamed Rachedi ne s’est pas retrouvé par hasard dans cette galère. Il était militant clandestin du GCR , l’organisation de la gauche révolutionnaire.
D’où le risque des 20 ans de prison sous le régime du parti unique – et l’un des leaders les plus actifs des campus d’Alger – avant 1980 - pour le droit des étudiants à s’organiser librement en dehors de la tutelle de l’UNJA, l’organisation de jeunesse du FLN.
Il a été, à la salle Ben Baatouche de la faculté centrale, lieu mythique du mouvement à Alger, l’un des meilleurs pédagogues du lien entre la reconnaissance de la pluralité linguistique et culturelle de l’Algérie et l’avancée des libertés démocratiques.
Tribun hors pair, M'hamed Rachedi était un cauchemar pour les RG de la DGSN. Après son intervention à la tribune, les actions du mouvement devenaient plus audacieuses, plus subtiles aussi.
Salarié puis élu syndical à l’ARDESS, ancêtre du CNEAP, (Le Centre National d'Etudes et d'Analyses pour la Population et le Développement), à la fin de son cursus de licence, Mhamed avait également une expérience du syndicalisme d’entreprise, qui a beaucoup servi, avant son arrestation, la coordination des comités étudiants autonomes d’Alger durant le printemps 1980.
Une étoile filante
Face à la superbe crique de Bab El Oued, sur les pentes du cimetière d’El Kettar, un attroupement de quelques dizaines d’amis de M’hamed Rachedi a évoqué, ce samedi matin, le militant disparu en mars 1989 à quelques jours de son 35e anniversaire.
Une étoile filante du combat démocratique et social en Algérie. Après les épreuves de l’interrogatoire et de la prison, le reflux du mouvement les années suivantes, M’hamed a poursuivi son crédo sur la scène du monde. A partir de Paris.
Toujours engagé dans sa famille politique de la gauche révolutionnaire (GCR – Trotskyste devenu PST note du blog), il a, comme en Algérie était de tous les combats. Celui du peuple palestinien était un qui lui tenait le plus à cœur. Mhamed était l’homme au Keffieh. Elégance et fierté.
Au cœur de l’attroupement, deux hommes, Mahmoud Rachedi, son frère cadet, porte-parole du PST, et Karim Bacha, frère cadet de Mustapha Bacha et co-fondateur de la fondation éponyme.
Mahmoud témoigne de ce moment de la dernière volonté où M’hamed, condamné sur son lit d’hôpital à Paris, chuchote son souhait de revenir voir la lumière d’Alger avant de partir.
Il a revu sa Casbah natale avant de s’adosser à son flanc d’El Kettar. Karim a rappelé combien il était important que la génération qui a animé les luttes démocratiques des années 80 transmette des repères aux jeunes d’aujourd’hui. M’hamed Rachedi, Mustapha Bacha et Salah Boukrif, les trois aujourd’hui disparus, étaient amis. C’étaient, sans doute avec Arezki Ait Larbi, les figures les plus emblématiques du printemps amazigh à Alger.
La fondation Bacha, récemment créée a décidé de leur rendre hommage à l’occasion de ce 35e anniversaire du 20 avril. Le travail de la transmission commence dans l’émotion.
M'hamed Rachedi , une épopée militante faite d'engagements, d'activisme mais aussi d'une envie terrible de vivre la vie.
M’hamed nous a quitté après un long exil qui l'a éloigné de sa casbah populaire. Il était profondément imprégné des pulsions que dégageait ce quartier fait d'histoires, de mémoires mais aussi de marginalisation sociale. Il a été travaillé par cette culture populaire faite de protesta, de frustrations, d'humour et d'envie de vivre qui l'a projeté dans des expériences singulières et si enrichissantes pour sa personnalité. De l'esprit vif que les études universitaires ont exacerbé, il fera très vite le chemin de l'éveil politique et de l'expression critique envers le pouvoir mais aussi envers une société cultivant la castration de l'esprit et le conformisme de la vie sociale. Il ne voulait ni l'une ni l'autre et c'est ce qui l'a radicalisé dans son activisme étudiant et dans son vécu existentiel.
Hamid, pour les militants, avait participé activement à la révolte étudiante de 78-82 où s'entremêlaient revendications sociales et pédagogiques et des aspirations démocratiques et identitaires. Lui; le "non-kabyle" s'est identifié à la revendication berbère en partageant la prison en avril 80 avec les militants de la cause idenditaire, en faisant de cette thématique militante un vecteur premier de ses engagements. sa soif de démocratie réelle l'a amené à se battre pour un mouvement étudiant autonome, à agir pour une autonomisation des syndicats sectoriels de l'Ugta à l'image du secteur des finances dans lequel il travaillait et qui a produit un texte de référence au sein du congrès de l'UGTA.
Hamid avait une visibilité programmatique qu'il savait transmettre, avec une pédagogie et un verbe si accrocheur qui fait sa popularité et son respect par ses adversaires politiques. Hamid était militant du Groupe Communiste Révolutionnaire et rapidement est devenu un membre actif de sa direction clandestine. Jeune, plein d'énergie et d'une fougue militante séduisante, il a gagné à sa cause beaucoup de jeunes et étudiants à un moment où la politisation n'était pas la chose recherchée. Le PAP, la télé en couleur et la voiture Honda commandée par Sonacome occupaient le quotidien et le fantasmes des algériens.
Recherché, il fera un passage à Constantine où dans un autre quartier populaire à Oued-El-Had, il se fait un plaisir de découvrir la ville des ponts et d'enjamber des rapports sociaux si bloquants et s'est fait plaisir de les voir de haut. Avec Ghania Mouffok si jeune et angélique et Ouiza, une Angéla Davis version kabyle, on avait passé un bon moment avant qu'il ne se faufile vers le sud dans une 2CV de musée.
Il finira par partir, sans papiers , en France après avoir tant donné, moins fatigué par la dictature quotidienne du pouvoir que par le conformisme rétrograde d'une société qui n'entrevoyait pas de printemps en perspective. On s'est retrouvé fin 82 à Paris où la survie sociale se conjuguait à la survie politique pour un Hamid entouré d'amis(es) mais dépossédé de sa casbah. Mais le sentiment libertaire et de liberté était plus fort et donnait à sa personnalité des expressions multiples.
Il a été en phase avec ses convictions.
Engagement, honnêteté, sincérité, humilité, c'était ça Hamid. Il a donné du sens à son existentiel quand la liberté a enveloppé son quotidien. L'Algérie ne lui a malheureusement pas offert cette magie humaine. Au moment où la fondation "Mustapha Bacha", un autre compagnon de M'hamed, parti trop tôt après un engagement militant forçené, Nous penserons à tous les militantes et militants morts, ceux et celles assassinés, à tous leurs amis et à leurs familles qui continuent à les pleurer car ils hanteront nos esprits comme l'exemple d'engagements et de probité pour une révolution sociale et politique qui se pointera un jour dans ce pays qu'on appelle l'Algérie. Nous continuerons à espérer M'Hamed ADEL Abderrezak / 20 avril 2015
El Watan 09.05.14
Mahmoud Rachedi : Convaincre les jeunes
Né à Alger, le 18 avril 1961, il s’engage en politique dès le lycée Emir Abdelkader de Bab El Oued, comme animateur de la Coordination des lycéens d’Alger.
C’est aussi une histoire de famille : son grand frère M’hamed, était parmi les détenus du Printemps berbère, et jeune, Mahmoud était membre du collectif des parents de détenus de la prison de Berrouaguia. Etudiant en droit, il adhère à la troupe de gauche Debza et au GCR clandestin (Groupe des communistes révolutionnaires), et a été plusieurs fois interpellé par l’ex-SM. Comme journaliste, à la fin des années 1980, il rejoint le Mouvement des journalistes algériens (MJA). Lors du dernier congrès clandestin du GCR de 1989, décision est prise de constituer un parti légal, le PST dont il sera membre fondateur. Il devient son numéro 1 après le départ de Chawki Salhi en 2012.
Projet politique : Le PST reste sur une ligne trotskiste et anti libérale «sans crispation idéologique», pour épouser les revendications socio-économiques de larges couches sociales. Il appelle aussi à constituer une plateforme politique consensuelle, cadre de concertation pour combattre le libéralisme. Le parti veut aller aussi vers une assemblée constituante «représentative du peuple» mais qui ne sera possible qu’après «un rapport de forces politique.»
Il a dit : Communiqué du PST le 3 mars dernier : «Le droit de grève des travailleurs est systématiquement remis en cause par les décisions de justice, l’intimidation et le licenciement des syndicalistes. Les libertés d’expression, d’organisation, de manifestation et de faire grève, sont muselées quotidiennement».
Incarne t-il la relève ?
Oui : «Avec lui, le parti a beaucoup misé sur les ‘‘nouvelles luttes’’ : les mouvements des chômeurs, les syndicats autonomes, les dynamiques de la jeunesses à travers le pays… Les militants de ce partis sont très chevronnés, encadrent et forment les jeunes pour une meilleure efficacité dans la lutte sociale». Syndicaliste. Ouis, mais : «Le parti n’est pas obnubilé par le «jeunisme» ni par l’effet «alternance» : il y a bien des partis qui affichent de nouvelles-anciennes têtes et ça ne dupe personne. Le plus important n’est pas, pour un parti comme le PST, d’afficher un jeune leader, mais de travailler réellement avec la jeunesse et l’amener à revenir à la politique qui a si mauvaise image chez la nouvelle génération».