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Syrie, reportage à Kobané : "Nous sommes obligés de nous battre" (CI)

 

Dans la ville kurde située à la frontière turco-syrienne, la population vit accompagnée des tirs d'artillerie et est condamnée à observer la progression des combattants de l'Etat islamique. Une reporter de CNN témoigne.

 

Les deux femmes ne voulaient pas parler. Épuisées, elles ont jeté au sol leurs affaires emballées dans des couvertures. C’est tout ce qu’elles pouvaient porter. Désormais, c'est tout ce qui leur reste. Les enfants avalent de grosses gorgées d'eau, leurs visages couverts d'une couche de crasse, leurs cheveux emmêlés après des jours de souffrance passés dans d'incessantes tempêtes de sable alors qu'ils attendaient de passer la frontière vers la Turquie.
 
Submergées par l’émotion, ces femmes craquent, incapables de retenir leurs larmes plus longtemps.
 
C'était le lendemain des premières frappes aériennes de la coalition menée par les Etats-Unis. Parmi cette nouvelle et massive vague de réfugiés, il y avait encore ce sentiment que peut-être, l’humiliation qu'ils subissaient serait de courte durée.

Scènes surréalistes

 
Mais quel que soit le coup que les Etats-Unis et leurs alliés aient l'intention de frapper, il ferait à peine vaciller l'Etat islamique (EI). Nous avons observé ces scènes surréalistes, pendant lesquelles l'EI et l'YPG – les combattants kurdes – ont procédé à des échanges de tirs d'artillerie entre deux collines. Les Kurdes se sont rassemblés du côté turc de la frontière et ont lancé des acclamations à chaque fois que l'EI était touché.

Mais cette allégresse allait être de courte durée. En effet, l'emprise de l'EI sur Kobané s'est resserrée, la foule qui observe les événements a grossi et tente parfois de prendre d'assaut la frontière. Les forces de sécurité turques, qui n'hésitent pas à utiliser des gaz lacrymogènes, leur tirent dessus régulièrement et ciblent aussi délibérément les médias.

Le drapeau de l'EI
 
Lundi matin [le 6 octobre], nous avons observé l'EI continuer à bombarder sans relâche Kobané. Non loin de là, un petit groupe d'hommes se fait passer des jumelles. "Vous avez vu ça ?  Regardez, le drapeau de l'EI est sur ce bâtiment",  dit l'un. "On peut aussi voir leur tank. Il est juste là."
 
Ils nous invitent à déjeuner. Ces hommes sont des Kurdes turcs de Cizre, à environ six heures de voiture de là, et déclarent être venus pour montrer leur solidarité à leurs frères kurdes de Syrie.
 
Assis dans l'ombre, ils se partagent une pastèque et du fromage blanc tandis que l'écho des tirs d'artillerie résonne à travers la plaine. Ils répètent la question qu'ils ont entendue en boucle ces deux dernières semaines : pourquoi la coalition ne frappe-t-elle pas ? Pourquoi laissent-ils l'EI entrer dans Kobané ?
 
Quelques heures plus tard, l'EI remporte une nouvelle victoire stratégique, plantant son drapeau sur une colline juste à l'entrée de la ville.
 
"Nous n'avons pas choisi cette guerre mais nous sommes obligés de nous battre", nous a dit Idriss Nassan, fonctionnaire kurde qui se trouve à Kobané. Nous lui demandons plusieurs fois s'il va partir, et sa réponse est toujours la même : "non".
 
Des deux côtés de la frontière, la confusion s'ajoute à la colère. Comment le monde peut-il continuer à regarder cela sans rien faire ?

 Retrouvez la page Moyen-Orient du site web de CNN (an anglais)
Note :Arwa Damon, Correspondant CNN International pour le Moyen Orient

 CNN Arwa Damon 10 octobre 2014

http://www.courrierinternational.com/article/2014/10/10/reportage-a-kobane-nous-sommes-obliges-de-nous-battre

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