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Turquie-Syrie : sur la frontière (Npa)

Mi-novembre, deux militants du NPA ont participé à une délégation qui s’est rendue à la frontière turco-syrienne, en face de la ville de Kobané. Cette mission était organisée par la Coordination nationale solidarité Kurdistan (CNSK), un collectif unitaire pour s’informer et témoigner sur la situation politique, militaire et humanitaire du Kurdistan.

La délégation a rejoint la ville de Suruç, à quelques kilomètres de la frontière. À l’entrée, deux camps de plus de 200 tentes, puis un camp dans le centre, le camp « Rojava ». En tout, plus de 45 000 réfugiéEs s’entassent sous ces tentes.


À la mairie, nous sommes reçus par Ismaïl Kaplan, président du BDP du district de Suruç, et Faruk Kaplan qui nous explique les conditions difficiles de l’accueil des réfugiéEs : l’aide internationale, qui transite par l’État turc, va directement à un seul organisme, l’AFAD, qui ne prend en charge que 6 000 réfugiéEs, alors que plus de 145 000 réfugiéEs sont pris en charge par les municipalités kurdes.


Mais Ismaïl Kaplan va surtout insister sur l’expérience du Rojava, la région à forte population kurde de Syrie qui borde la frontière turque. « La révolution de Rojava a commencé il y a 3 ans et a tout de suite cherché à rompre avec le type de gouvernance qui prévaut dans cette région du Moyen-Orient et du Golfe. Elle est fondée sur l’autonomie démocratique comme mode de gestion, avec la mise en place d’assemblées du peuple, le respect des différentes ethnies, religions et cultures, la parité hommes-femmes à tous les niveaux des instances de pouvoir et de la société, et la laïcité. »


Un projet effrayant pour les islamistes de Daesh, que certains États occidentaux et la Turquie ont soutenu et armé. « À ce jour, la Turquie traite toujours le PKK et le PYD comme des organisations terroristes. Chaque jour des manifestants solidaires des combattants de l’YPG tombent sous les balles de la police en Turquie, sont battus à mort par les fascistes turcs. Par contre, les terroristes de Daesh traversent librement la frontière et acheminent armes et matériel. Nous avons demandé une commission parlementaire pour enquêter sur ces faits, mais nous ne sommes pas assez nombreux au sein de l’assemblée pour que cette demande aboutisse. »

Chaîne humaine pour Kobané


La délégation s’est ensuite rendue à Mahser, un hameau qui fait face à Kobané, à quelques centaines de mètres à vol d’oiseau. À l’ouest du village, sur la colline, les tanks turcs stationnent depuis des semaines, immobiles... et inutiles. Dans le village, la sentinelle postée sur son mirador a ses jumelles braquées sur le village, et non sur la frontière...


Mais ici, c’est une atmosphère surprenante, quasi festive, qui règne, une espèce de Larzac sur fond de bombardements et de détonations. Des centaines de Kurdes – hommes, femmes, enfants, jeunes et vieux venuEs de tout le Kurdistan turc – se relayent pour former une chaîne humaine le long de la frontière et tenter d’empêcher le passage des islamistes. Repas collectifs, discussions politiques autour des feux, patrouilles le long de la frontière, Mahser ne dort pas parce que toutes et tous sont là pour soutenir les résistantEs de Kobané. L’émotion et la détermination se lisent sur les visages.


La bataille de Kobané est loin d’être terminée et son enjeu est crucial pour l’expérience démocratique de Rojava. Le gouvernement turc et François Hollande, qui pensaient que Kobané tomberait en quelques jours, ont dû remballer leur projet de zone tampon et d’occupation turque de la région.


Il reste au gouvernement français à exiger l’ouverture du couloir humanitaire pour soulager la résistance et acheminer d’urgence les armes et les munitions dont elle a tant besoin, et à ouvrir sa frontière aux milliers de réfugiéEs qui risquent de passer de longues semaines d’hiver sous des tentes.

Mireille Court et Yann Puech

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