Alors que les députés britanniques vont voter dans les jours à venir pour ou contre une intervention britannique contre l’organisation Etat islamique en Syrie, The Guardian donne la parole à des Syriens de Raqqa exilés en Turquie.
Dans ce café de Gaziantep, en Turquie, tout le monde vient de Raqqa, en Syrie. Et tous portent sur leur visage “un voile d’épuisement et de tragédie”, écrit la journaliste du Guardian qui est allée à leur rencontre fin novembre. Ils ont fui leur pays quand l’ombre de l’organisation Etat islamique a commencé à assombrir les rues de Raqqa. “Nous sommes ici, mais notre cœur est là-bas”, précise un homme d’affaires d’une quarantaine d’année prénommé Abu Ahmad.
Dans le café, ils dénoncent l’hypocrisie de la communauté internationale qui a fait semblant de ne pas voir les dizaines de milliers de Syriens tués par leur gouvernement ces dernières années, avant de décider d’agir quand Daech s’en est pris à des Américains et à des Européens. “Tous redoutent que ces nouveaux bombardements tuent encore plus d’innocents, dans une ville où Daech se sert des populations civiles comme d’un bouclier humain”, écrit The Guardian.
Daech, le moins pire ?
“Les gens n’aiment pas du tout Daech, mais si les forces kurdes viennent prendre la place de l’Etat islamique à l’aide de la coalition, ce ne sera pas mieux, et entre ces deux maux, certains penseront que le moins pire est Daech” et décideront de rejoindre le groupe terroriste, explique un infirmier qui a quitté Raqqa cet automne.
Pour lui, l’Armée syrienne libre ne peut pas s’attirer un large soutien, “parce qu’elle n’est pas crédible”. Un autre Syrien renchérit : “J’aime bien l’Armée syrienne libre, mais nous avons besoin d’une vraie armée ; ils sont mal organisés et ont peu de ressources.”
“S’attaquer à la source de notre problème, pas au symptôme”
Abu Ahmad imagine ce qu’il dirait aux députés britanniques qui vont voter, dans les jours qui viennent, pour ou contre une interventione britannique en Syrie. “La première chose que je ferais, c’est leur demander de s’attaquer à la source de notre problème, c’est-à-dire Bachar El-Assad, et non pas au symptôme – Daech.” Il rappelle que des centaines de milliers de [Syriens] ont été tués ces dernières années. “Et pourtant, personne n’est allé bombarder Damas.” Mona, une enseignante, s’interroge : “Pourquoi n’intervenir que face à l’Etat islamique ? Pourquoi ne pas avoir bougé quand le régime [syrien] nous bombardait ? Est-ce uniquement parce que le terrorisme a touché les pays occidentaux ?”
Plusieurs Syriens interviewés dans le reportage accusent Bachar El-Assad d’avoir délibérément soutenu la montée en puissance de l’organisation Etat islamique, car cela a fait passer au second plan les exactions commises par l’armée syrienne.
Avec la touche d’humour noir “propre à de nombreux exilés”, écrit le Guardian, Abu Ahmad résume : “Tout le monde a bombardé Raqqa”. Quiconque est de mauvais poil décide d’aller bombarder Raqqa. “La Jordanie, les Emirats arabes unis, les Etats-Unis, la Russie et la France.”