Au Yémen, les orphelins sont laissés à leur sort (Reuters)
Plongé dans la guerre civile depuis deux ans, le Yémen est frappé également par la famine. Rien ne semble apaiser les deux parties qui s'opposent
Le Yémen est un trou noir que seuls des chiffres effrayants viennent tristement éclairer. Deux ans après avoir été chassé de la capitale Sanaa par les rebelles Houthis , Abd Rabbo Mansour Hadi reste le président "légitime" mais réside le plus souvent à Ryad, en Arabie saoudite. Il est devenu le spectateur impuissant et lointain de ce que certains appellent "le bourbier yéménite". Selon les toutes dernières estimations de l'ONU, les combats auraient fait plus de 10.000 morts, majoritairement des civils dont au moins 1.546 enfants,dans un pays où près de 50% des 27 millions d'habitants ont moins de 18 ans. De son côté le Haut Commissariat aux Réfugiés (UNHCR), rappelle que 21 millions de Yéménites, soit 82% de la population, sont dans un besoin urgent d'assistance humanitaire. Il y aurait en outre près de trois millions de déplacés.
A l’initiative de Handicap International, six organisations humanitaires françaises non gouvernementales (ONG) - Médecins du Monde, Care, Solidarités international, Première urgence internationale et Action contre la Faim - sont montées au créneau cette semaine, après l’annonce de l’ONU invoquant "la pire crise humanitaire" et "un grave risque de famine" pour ce pays, déjà l’un des plus démunis au monde. Onze millions de personnes vivent dans les zones disputées où les combats font rages. Les Nations-Unies font état de 325 attaques, soit près d’un bombardement par jour que Jean-Pierre Delomier, directeur de l’action humanitaire de Handicap, dénonce comme "la preuve d’un mépris absolu pour la vie des civils". L’organisation CARE s’alarme "des zones grises" où la famine aurait frappé et Médecins du Monde rappelle que "les humanitaires sont confrontés chaque jour à la détresse des civils sans accès aux soins". Aujourd'hui, vingt et un million de Yéménites vivent sous assistance humanitaire et près de 3,5 millions de jeunes sont déscolarisés. Soit le double en deux ans. "Toute une génération risque de voir son avenir compromis", a prévenu la porte-parole du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) pour le Yémen, Shabia Mantoo.
Sept trêves depuis le début du conflit
Les frappes aériennes n'épargnent pas les pêcheurs nombreux dans la région. Toujours selon le UNHCR, les petites embarcations sont visées sans sommation. Le 15 mars, un hélicoptère Apache a pilonné un bateau de pêcheur près de la côte de Al Hudaydah, faisant deux morts et en blessant cinq autres. Un autre bateau a été pulvérisé par un missile, dans la même région et le même jour cinq pêcheurs ont péri, touchés par un missile de la Coalition, commandée par l'Arabie saoudite et parti-prenante du conflit depuis le 26 mars 2015, près de la côte de Ad Durayhimi, toujours dans le district de Al Hudaydah.
Il y a eu sept trêves arrangées par l'ONU depuis le début du conflit et l'ex-Secrétaire d'Etat américain John Kerry. Mais selon l'ONU, les belligérants refusent de négocier. L'enjeu est crucial pour les Saoudiens qui cherche ainsi à contrer leur grand rival iranien, accusé de soutenir les rebelles Houthis. Barack Obama n'était pas très bien disposé à leur égard et ils semblent compter davantage sur Donald Trump qui semble mieux disposé à leur encontre. Jusqu'à présent, Washington fournit les armes à la coalition et l'assiste en ravitaillement aérien et en renseignements. La question est de savoir si l'administration Trump va augmenter cette aide. Ce qui serait perçu selon Joost Hiltermann et April Alley de l'International Crisis Group, "comme un signal fort de sa déterminationface à l'Iran".
L'ancien Président Ali Abdallah Saleh s'est rallié aux Houthis alors que pendant longtemps il les a combattus.
Saleh avait été obligé de laisser sa place en 2012, après un accord politique passé avec les Saoudiens qui lui garantissaient en échange l’immunité à vie. Il n'a clairement pas abandonné l'idée de revenir au centre du jeu politique yéménite. Pendant ce temps-là, le Président "légitime" Hadi campe sur ses positions et affirme qu'il ne remettra le pouvoir qu'à un "président élu". Deux ans, jour pour jour, après le début du conflit, il persiste à exiger une reprise du processus politique.
Karen Lajon - leJDD.f
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