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Les débuts triomphants de l’orchestre des Jeunes de Palestine au Royaume Uni (AURDIP)

L’orchestre des Jeunes de Palestine au Royal Concert Hall de Glasgow, le 26 juillet 2016

Fidèle à ses habitudes, la pluie tombe en martelant les toits de Glasgow. Dans le foyer du Royal Concert Hall, des jeunes gens vêtus de noir strict et portant des écharpes imprimées du quadrillage manifeste du keffiey palestinien, déambulent anxieusement. On perçoit la nervosité d’avant concert.

C’est le deuxième soir de ce début de tournée de six soirées en Grande Bretagne de l’Orchestre des Jeunes de Palestine. Pour la première soirée de leur tournée, l’orchestre a rempli la salle de concert de Perth ; leur performance dans la monumentale salle de concert de Glasgow a fait le plein. Dans les étapes suivantes, il y aura Leeds, Birmingham, Cardiff et enfin Londres.

S’il y eut en effet de la nervosité avant le concert, elle n’était pas nécessaire : l’Orchestre des Jeunes de Palestine a reçu une véritable standing ovation. Même les grands comme le Philarmonic de Saint Petersbourg ne reçoivent pas cet accueil lorsqu’ils se produisent en Ecosse.

L’orchestre des Jeunes de Palestine connaît son public. Son programme varié a démontré son talent, mais a aussi tenu compte du fait que, en tant que nouveau venu sur la scène internationale, la vente des billets repose pour l’instant autant sur la solidarité que sur un public passionné de musique classique. Avec un échantillon diversifié de styles et de sensations, le programme de l’ensemble avait clairement – et avec succès – l’intention de satisfaire tous les goûts.

Beethoven trouve un écho

Le premier morceau fut l’Ouverture Leonore N°3 du seul opéra de Beethoven, Fidelio. Comme Layth Sidiq, le talentueux chef d’orchestre, l’a fait remarquer dans l’une des nombreuses courtes introductions et commentaires des différents membres durant la soirée, l’intrigue de cet opéra trouve un écho puissant chez ces jeunes Palestiniens puisqu’elle raconte l’histoire d’une jeune femme qui se déguise pour libérer son mari d’une prison politique.

Ensuite, l’orchestre a accompagné la soliste Nai Barghouti dans trois chants arabes du 20ème siècle : deux écrits par les frères Rahbani, Libanais, pour la grande chanteuse Fayrouz, et un troisième par Zakariyya Ahmad, avec des paroles tirées d’une œuvre du poète égyptien Bayram al-Tunisi, composé originellement pour la diva égyptienne Oum Kalsoum.

L’étoile montante Barghouti – née à Akka, diplômée du Conservatoire National de Musique Edward Saïd, compositrice et flûtiste aussi bien que chanteuse – a une voix étonnante. Avec des tonalités riches et profondes malgré son jeune âge, elle n’essaie pas de rivaliser avec Fayrouz ou Oum Kalsoum, mais elle fait siens ces chants, dans un style plus naturaliste et ouvert, une prestation sincère.

La première moitié du concert s’est terminée avec « Métal », courte pièce du compositeur contemporain Graham Fitkin, œuvre festive inspirée de la musique classique britannique d’aujourd’hui. Cette œuvre hardie, rythmée, optimiste est le résultat d’une compétition ouverte organisée par l’orchestre des Jeunes de Palestine en 2015.

Choisie parmi plus de trente enregistrements, l’oeuvre de Fitkin met en valeur la tension et le sens du rythme de l’orchestre ; d’une vibration vivante, presque pop, la percussion marquée a besoin d’être soutenue, plutôt qu’aléatoire, pour sonner juste. Heureusement, ce fut le cas.

La seconde moitié du programme consista dans le choix d’une œuvre internationale favorite de l’orchestre, les Tableaux d’une Exposition de Moussorgski. Série de vignettes répondant aux peintures de l’ami du compositeur, Victor Hartmann, émaillant un motif de Promenade qui représente le compositeur marchant entre les images, c’est un morceau varié qui met en valeur le talent – ou, en cas de malchance, les défauts – des différents solistes et parties de l’orchestre.

L’Orchestre des Jeunes de Palestine s’empare magnifiquement de l’oeuvre de Moussorgski, faisant alterner la Promenade limpide et touchante et les différents « tableaux », allant du « Ballet des Poussins Non-éclos dans leurs Coquilles », vivant et même comique, aux menaçantes « Catacombes ».

Le contexte de l’occupation

Lorsqu’on écoute cet orchestre talentueux, on oublie facilement que l’âge des musiciens va de 26 à tout juste 14 ans, et que rien que leur présence dans une salle de concert, pour une soirée, implique de surmonter d’énormes défis politiques et logistiques.

Même si l’Orchestre des Jeunes de Palestine est issu du Conservatoire National de Musique Edward Saïd, qui a des ramifications en Cisjordanie occupée et dans le Bande de Gaza, les membres de l’orchestre se trouvent dans toute la Palestine, y compris à l’intérieur de l’État d’Israël.

En réalité, deux musiciens n’ont pas pu rejoindre cette tournée, bien que prévus pour ces concerts : venant de Gaza, on leur a refusé la sortie par Israël.

L’éloignement de leurs origines, joint à la réalité du contrôle sévère d’Israël sur la circulation des Palestiniens, fait que les musiciens n’arrivent à répéter avec la totalité de l’orchestre que pendant les tournées. Le programme de cette tournée a été peaufiné en Grande Bretagne, travaillé avec des professeurs au Conservatoire Royal d’Ecosse, et finalisé auprès de musiciens invités du Royaume Uni.

L’histoire de beaucoup des membres de l’orchestre montre à quels obstacles politiques supplémentaires celui-ci est confronté. L’altiste Omar Saad, par exemple, est un jeune Druze citoyen d’Israël dont les talents musicaux ont souvent été ombragés par les nombreuses peines de prison auxquelles il a été condamné depuis ses 17 ans pour refus de servir dans l’armée d’Israël.

Mostafa, le frère d’Omar, joueur d’alto dans l’Orchestre des Jeunes de Palestine, a lui aussi fait de la prison pour refus de conscription.

Quelques membres de l’orchestre viennent de camps de réfugiés de Cisjordanie et plus largement du Moyen-Orient.

D’autres sont des citoyens d’Israël qui ont grandi séparés de leurs camarades musiciens palestiniens ; la flûtiste Nardin Ballan, par exemple, a grandi à Nazareth et a étudié et joué à Tel Aviv avec des musiciens israéliens.

Selon un porte-parole de PalMusic, organisation représentative de l’Orchestre des Jeunes de Palestine en Grande Bretagne, les toute premières visites de Ballan en Cisjordanie ont eu lieu avec l’orchestre et ont « changé sa vie ».

En fin de compte cependant, l’Orchestre des Jeunes de Palestine a été constitué pour jouer de la musique et, à Glasgow, il a surmonté tous ses défis pour jouer si merveilleusement bien. Voir se produire cet orchestre, ce n’est pas un acte de solidarité, c’est un régal musical.

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