Qatif, 2011
Des militants pacifiques des droits humains sont régulièrement harcelés, arrêtés comme des délinquants et souvent maltraités en détention, les autorités saoudiennes allant très loin pour faire taire les critiques, écrit Amnesty International dans un rapport rendu public vendredi 10 octobre.
Ce document, intitulé Saudi Arabia’s ACPRA: How the Kingdom silences its human rights activists, dresse le portrait de 11 membres de l’Association saoudienne des droits civils et politiques (ACPRA) - l’une des rares organisations indépendantes de défense des droits humains dans le pays - qui sont emprisonnés ou encourent une peine de prison à l’issue de leur procès en raison de leur travail en faveur des droits humains au cours des trois dernières années.
« Les autorités saoudiennes ont consolidé leur mainmise sur le pouvoir en menant une campagne systématique et impitoyable de persécution des militants pacifiques dans le but d’étouffer toute critique de l’État à la suite des révoltes arables de 2011 », a déclaré Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
Les autorités saoudiennes s’en sont prises aux membres fondateurs de l’ACPRA un à un, dans le cadre des efforts menés sans relâche pour démanteler cette organisation et faire taire ses membres. Ces manœuvres s’inscrivent dans une répression plus vaste visant les militants indépendants et la liberté d’expression depuis 2011. Parmi les personnes concernées figurent deux militants de premier plan : Abdullah al Hamid et Mohammad al Qahtani.
« Les autorités saoudiennes tentent d’effacer toute trace de l’ACPRA, tout comme elles ont tenté d’éradiquer toutes les voix dissidentes réclamant une réforme pacifique, a déclaré Said Boumedouha.
« Les condamnations de tous les militants de l’ACPRA en détention doivent être annulées et ils doivent être libérés immédiatement et sans condition. Toutes les poursuites en cours contre d’autres membres de l’ACPRA doivent être abandonnées. »
Deux des membres de cette organisation sont actuellement détenus sans avoir été jugés, trois sont en attente d’un nouveau procès, trois purgent des peines de prison allant jusqu’à 15 ans et trois sont en liberté dans l’attente de leur jugement.
Depuis sa création en 2009, l’ACPRA est l’une des rares voix qui ont osé dénoncer les violations des droits humains en Arabie saoudite. Cette audace vaut à ses membres d’être poursuivis en justice pour des faits tels que « rupture de l’allégeance et désobéissance au souverain », « manipulation de l’opinion publique contre les autorités » ou d’autres chefs d’accusation formulés en termes vagues qui ont été rassemblés dans de nouvelles lois antiterroristes qui criminalisent de fait toutes les formes de dissidence pacifique.
L’Arabie saoudite échappe depuis longtemps à toute réelle surveillance internationale malgré son manque de respect des droits humains. Ce pays reste l’un des alliés historiques des États-Unis dans la « guerre contre le terrorisme », y compris lors des récentes frappes aériennes visant le groupe armé État islamique (EI) en Irak et en Syrie.
« Les alliés de l’Arabie saoudite doivent montrer que les normes internationales relatives aux droits humains s’appliquent de la même manière pour tous les États. En l’absence de condamnation internationale et de pression concrète sur ses autorités, l’Arabie saoudite continuera de bafouer de façon flagrante les principes les plus fondamentaux des droits humains sans être inquiétée », a déclaré Said Boumedouha.
Le rapport d’Amnesty International fait également état du traitement inhumain infligé aux membres de l’ACPRA, dont certains ont subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements en détention. D’autres ont été détenus au secret pendant des périodes allant de quelques jours à plusieurs mois avant d’être jugés.
L’un d’eux, Saleh al Ashwan, a été arrêté en juillet 2012 alors qu’il rentrait chez lui de la prière du matin. Il a été maintenu en détention au secret pendant deux mois et interrogé en l’absence d’un avocat. Il aurait également été torturé, battu et déshabillé puis suspendu par les bras et les jambes au plafond d’une salle d’interrogatoire. Un autre membre de l’ACPRA, Suliaman al Rashudi, qui avait alors 76 ans, a été détenu au secret et à l’isolement pendant deux mois avant d’être autorisé à entrer en contact avec sa famille.
Au moins quatre prisonniers membres de l’ACPRA ont entamé une grève de la faim pour protester contre leur traitement et leurs mauvaises conditions de détention. L’un d’eux, Mohammed al Bajadi, a été alimenté de force par voie intraveineuse après avoir observé plusieurs grèves de la faim.
10 octobre 2014
Complément d’information
Les 11 membres de l’ACPRA emprisonnés ou en cours de procès en raison de leurs activités sont :
1. Abdullah al Hamid, 66 ans, qui purge actuellement une peine de 11 ans à la prison d’Al Hair, à Riyadh, où il aurait été maltraité. Cet homme est un prisonnier d’opinion.
2. Mohammad al Qahtani, 46 ans, qui purge actuellement une peine de 10 ans à la prison d’Al Hair, à Riyadh, où il aurait été maltraité. Cet homme est un prisonnier d’opinion.
3. Suliaman al Rashudi, 78 ans, qui purge actuellement une peine de 15 ans à la prison d’Al Hair, à Riyadh, où il aurait été maltraité. Cet homme est un prisonnier d’opinion.
4. Mohammed al Bajadi, 36 ans, initialement condamné à quatre ans d’emprisonnement, qui est actuellement rejugé devant le Tribunal pénal spécial. Il est détenu à la prison d’Al Hair, à Riyadh, où il aurait été maltraité. Cet homme est un prisonnier d’opinion.
5. Abdulkarim al Khodr, 48 ans, initialement condamné à huit ans d’emprisonnement, qui est actuellement rejugé devant le Tribunal pénal spécial. Il est détenu à la prison de Buraydah, dans la province de Qasim, où il aurait été maltraité. Cet homme est un prisonnier d’opinion.
6. Omar al Said, 22 ans, initialement condamné à quatre ans d’emprisonnement, qui est actuellement rejugé devant le Tribunal pénal spécial. Il est détenu à la prison de Buraydah, dans la province de Qasim, où il aurait été maltraité. Cet homme est un prisonnier d’opinion.
7. Abdulrahman al Hamid, 52 ans, actuellement détenu sans avoir été jugé ni même inculpé à la prison de Buraydah, dans la province de Qasim, où il aurait été maltraité. Cet homme est un prisonnier d’opinion.
8. Saleh al Ashwan, 30 ans, actuellement détenu sans avoir été jugé ni même inculpé depuis son arrestation en avril 2012. Il aurait subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements en détention. Cet homme est un prisonnier d’opinion.
9. Fowzan al Harbi, 36 ans, condamné à sept ans d’emprisonnement. Il est actuellement en liberté dans l’attente de son jugement en appel, après avoir été détenu pendant six mois.
10. Abdulaziz al Shubaily, 30 ans, actuellement jugé devant le Tribunal pénal spécial.
.11 Issa al Hamid, 47 ans, actuellement jugé devant le Tribunal pénal spécial.