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Arabie Saoudite - Page 4

  • Moyen-Orient : Iran et l’Arabie Saoudite, le conflit entre les forces de la contre révolution (Essf)

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    Les tensions politiques entre la République Islamique d’Iran (RII) et l’Arabie Saoudite à la suite de l’exécution le 2 janvier par l’Arabie Saoudite de l’opposant Cheikh Nimr,[i] un des leaders des manifestations populaires contre le royaume saoudien débutées en 2011 dans les régions orientales du pays en majorité chiite, et 46 autres personnes, dont 43 djihadistes affiliés au groupe Al-Qaida, et qui a entrainé des manifestations en Iran où l’ambassade saoudienne à Téhéran et son consulat à Machhad ont été prise d’assaut et brûlées et dans plusieurs autres pays de la région également, particulièrement au Bahreïn et en Irak, n’ont cessé d’augmenter depuis lors.

    L’Arabie Saoudite à coupé ses relations diplomatiques avec l’Iran, et cette décision a été suivie par Bahreïn, le Soudan et Djibouti. Les Émirats arabes unis ont, eux, décidé de réduire leurs relations diplomatiques avec Téhéran, et le Koweït, tout comme le Qatar, ont rappelé leur ambassadeur en Iran. La Jordanie a de son côté convoqué l’ambassadeur iranien à Amman.

    Quelques jours après, le 7 janvier, les dirigeants de la RII ont accusé l’aviation saoudienne d’avoir bombardé son ambassade au Yémen et a interdit l’entrée de tous les produits saoudiens en réaction.

    Les tensions confessionnelles entre sunnites et chiites, de la Syrie au Yémen en passant par l’Irak et le Liban, vont encore être aggravés par ces évènements. Il faut savoir que ces deux états n’ont cessé d’utiliser l’arme du confessionnalisme pour faire avancer leurs intérêts politiques.

    Rivalités politiques

    Depuis la chute du Shah et l’instauration de la RII en 1979 sous l’égide de Khomeini, les relations entre Téhéran et Riyadh ont été sources de tensions dans la région et montée du confessionnalisme. Elles avaient rompu leurs relations de 1987 à 1991, après de sanglants affrontements entre pèlerins iraniens et forces saoudiennes lors du hajj à La Mecque en en Juillet 1987, lorsque 402 pèlerins, dont 275 iraniens, sont morts lors d’affrontements dans la ville sainte musulmane de la Mecque.

    En réponse, des manifestants à Téhéran ont occupé l’ambassade d’Arabie Saoudite et dont mis le feu à l’ambassade du Koweït. Un diplomate saoudien, Mou Saad al-Ghamdi, est d’ailleurs décédé à Téhéran des blessures subies quand il est tombé d’une fenêtre de l’ambassade et Riyad a accusé les dirigeants iraniens d’avoir retarder son transfert à un hôpital en Arabie Saoudite. Après une petite période d’accalmie au début des années 2000 avec l’élection de Mohammad Khatami au poste de président en 2001, les rivalités reprendront de plus belle à la suite de l’invasion des Etats Unis et de la Grande Bretagne de l’Irak qui tombera progressivement dans les mains des forces islamiques fondamentalistes chiites alliés à la RII. Les tensions politiques entre les deux pays n’ont cessé de rendre la situation dans la région de plus en plus volatile et fragile.

    Au début des années 1980, l’établissement de la RII et de la volonté du leadership du nouveau régime à Téhéran d’exporter le modèle de « révolution islamique » dans la région, en finançant certains groupes confessionnelles chiites, ont provoqué une réaction de l’Arabie Saoudite et des monarchies du Golfe, qui étaient la cible de la propagande de Téhéran. La RII, les groupes alliés avec ce dernier et les populations chiites de la région en général, vont dès lors devenir progressivement l’ennemi principal et la cible de l’Arabie Saoudite et des monarchies du Golfe, à la place des forces nationalistes et progressistes qui ont été la cible des ces dernières les décennies auparavant en promouvant les mouvements islamiques fondamentalistes. Le régime monarchique du Bahrain avait par exemple soutenu les forces islamiques fondamentalistes chiites (le partie Al-Dawa et les membres du mouvement Shirazistes), aujourd’hui réprimées et accusées d’être des simples instruments de la RII, contre les forces nationalistes arabes et de gauche dans les années 1950 à fin des années 1970.

    La famille régnante des Saoud voit jusqu’à aujourd’hui l’expansion de l’influence politique de la RII au Moyen-Orient comme une menace à leur sécurité et à leur ambition de jouer un rôle de leader parmi les Etats arabes. De plus la nouvelle jeune génération au pouvoir au sein royaume saoudien, illustrée par le prince héritier et ministre de l’intérieur Mohammed Ben Nayef et le vice-prince héritier et ministre de la défense Mohammed Ben Salman, n’hésite pas à s’émanciper de la tutelle stratégique américaine et démontrer que son pays prend l’initiative face aux craintes d’expansion de l’influence de la RII.

    Dans le royaume saoudien, les discriminations sociales et politiques contre les minorités chiites, qui faisaient déjà l’objet d’un discours salafistes et wahabiste haineux, ont été renforcées et elles ont été la cible d’une propagande politique les stigmatisant comme autant d’éléments d’une « 5 ème colonne iranienne ». Cela n’a pas changé jusqu’à aujourd’hui, d’ailleurs, une enquête sur les attaques contre les rassemblements religieux chiites dans le village d’Al-Dalwa en 2015 située dans la province orientale du royaume a révélé que sur les 77 suspects, 44 étaient des bénéficiaires du programme de réhabilitation « Munasaha » et de “déradicalisation” mis en place en 2004, destiné aux anciens djihadistes. Une autre attaque contre une mosquée ismaélienne à Najran le 26 Octobre a été revendiqué par un membre de l’Etat islamique en Arabie Saoudite, qui avait également suivi ce programme et avait été libéré quelques mois auparavant.[ii] Cela n’est guère surprenant lorsque l’on sait que le discours officiel du royaume wahabite est rempli de discours de haine et de théories du complot contre les chiites (voir plus bas).

    De plus, cette situation est aggravée par l’utilisation politique des divisions sunnites-chiites afin de promouvoir les politiques du royaume saoudien au Bahreïn, en Syrie et au Yémen. Au Yémen, l’intervention militaire saoudienne depuis mars 2015 contre les forces Houtis, soutenus par la RII,[iii] et de l’ancien dictateur Abdallah Saleh, a provoqué la mort de plus de 5.800 morts, dont 2.800 civils et plus de 27.900 personnes ont été blessées, tandis que plus 2,5 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays.[iv]

    Des religieux saoudiens, le 3 Octobre 2015, ont aussi publié un communiqué en réponse à l’intervention militaire russe en Syrie appelant les vrais croyants à lutter contre le gouvernement “safavide” de la Syrie et ses alliés, décrivant le conflit en Syrie comme une reconstitution des croisades, avec les « hérétiques chiites » joignant leurs forces avec les croisés russes.[v]

    Il faut savoir que la RII discrimine aussi, politiquement et socialement, ses populations arabes de confession sunnite, et que Téhéran a interdit toute construction de mosquée sunnite dans la capitale. Pour rappel, en 2011, les politiciens sunnites et les résidents de la capitale Téhéran ont été contraints par les services de sécurités de la RII à se joindre à aux jours officiels de prière afin de démontrer leur loyauté au guide suprême iranien l’ayatollah Khamenei.

    Par ailleurs, ces deux pays ont chacun soutenu des groupes extrémistes chiites et sunnites en Irak menant à une guerre civile entre 2006 et 2008, qui a également alimenté les tensions confessionnelles dans toute la région. L’invasion de l’Irak par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, en 2003, a vu, après la chute du dictateur Saddam Hussein, le pays tomber dans l’orbite pro-iranienne par l’arrivée au pouvoir de groupes fondamentalistes islamiques chiites proches de la RII. Ces derniers ont été coupables de politique de discriminations politiques et socio économiques contre les populations sunnites d’Irak, sans oublier les nombreuses exactions et crimes confessionnels commis par ces groupes.

    Face aux soulèvements populaires qui ont secoué la région depuis l’hiver 2010-2011, ces mêmes acteurs ont encore fait usage du confessionnalisme pour justifier des interventions dans la région, soutenir des dictatures, ou bien discréditer des mouvements populaires en les présentant comme des complots soutenus par une puissance étrangère. En Syrie, chaque camp a également soutenu des forces confessionnelles et réactionnaires, toute en en promouvant un discours confessionnel. L’Iran et le Hezbollah libanais, qui est lié idéologiquement par le Willayat al Faqih et politiquement et financièrement à la RII, ont de leurs côté pas hésité aussi à parfois justifier leur intervention militaire en Syrie aux côtés du régime syrien d’Assad par un discours confessionnel. En même temps, l’Arabie Saoudite avec d’autres monarchies du golfe ont soutenu financièrement principalement des forces islamiques fondamentalistes en Syrie, tout en promouvant un discours confessionnel sur leurs chaines satellitaires, pour transformer cette révolution populaire ayant pour objectif la liberté et l’égalité en guerre civile confessionnelle.

    L’arme du confessionnalisme est d’autant plus utilisé par ces deux pays pour détourner les populations locales des problèmes économiques et sociaux locaux toujours plus importants. Confrontée à la chute des cours du pétrole, l’Arabie saoudite a adopté au début de l’année son budget 2016 avec un déficit prévu de près de 80 milliards d’euros et des mesures d’austérité incluant des augmentations de plus de 50% du prix de l’essence. Ryad entend par ailleurs augmenter les taxes sur les services, imposer de nouvelles taxes et finaliser les « dispositions nécessaires pour l’introduction d’une TVA », en coordination avec les autres monarchies du CCG. Ces mesures vont certainement appauvrir encore davantage les 25% de la population saoudienne vivant déjà sous le seuil de pauvreté.[vi] En 2011, trois blogueurs saoudiens ont été emprisonnés pendant deux semaines après avoir fait un film décrivant la pauvreté en Arabie Saoudite.

    En Iran, l’inflation se situe aux alentours de 20% (selon les chiffres officiels) et la carence de produits de première nécessité tels que les médicaments, continuent, tandis que le taux de chômage est de l’ordre de 25 % et 40 % de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté (A). Les politiques néolibérales des précédents gouvernements, y compris et surtout celles du populiste Ahmadinéjad, ont continué.

    Eshaq Jahangiri, vice-président du régime d’Hassan Rohani, a d’ailleurs déclaré au début de l’année 2016 : « le régime est pris dans une situation politique et économique particulière qui demande des actions importantes. Nous devons répondre à des enjeux importants, dont le chômage, qui est proéminent » et il a ajouté que « l’Iran compte une large population de jeunes. Si nous ne sommes pas capables de résoudre ces problèmes, cette opportunité se transformera en menace ».

    De même ces deux pays répriment sévèrement les travailleurs-euses et syndicalistes. En Iran, le pouvoir et le patronat s’acharnent sur les travailleurs qui constituent des syndicats indépendants en les emprisonnant. Ils licencient systématiquement les porte-parole des grévistes, en procédant à leur arrestation pour « crime de sabotage économique »… En Arabie Saoudite, le ministère de l’Intérieur a déclaré avoir expulsé plus de 370 000 migrants étrangers au cours des cinq derniers mois de l’année, tandis que 18.000 autres sont actuellement toujours en détention.[viii]

    Il est à noter aussi que ces deux pays rivalisent également en terme de nombre de personnes exécutées. En Iran, plus de 800 personnes ont été exécutées les neuf premiers mois de l’année 2015, un record depuis 1989,[ix] tandis qu’en Arabie Saoudite plus de 135 personnes avaient été executés dans la même période.

    Un autre message aussi dans ces exécutions : contre les djihadistes

    L’exécution du samedi 2 janvier était également un message contre une autre force qui inquiète le royaume saoudien : les courants salafistes-djihadistes du type d’Al-Qaida et Daech. L’exécution de Riyad des 43 djihadistes membres d’Al-Qaida, condamnés pour des attentats à la bombe et des attaques d’armes à feu dans le royaume,[x] avait en effet pour objectif d’envoyer un message clair que tout soutien ou participation à ces courants seraient réprimés avec la plus grande fermeté. La « coalition antiterroriste » de 34 pays, menée par l’Arabie Saoudite, annoncée le 14 décembre 2015, doit être aussi mis dans cette perspective de lutte contre les courants djihadistes.

    Al-Qaida et Daech, qui ont tous deux promis de renverser le régime des Saoud, ont promis de venger ses exécutions. Al-Qaïda a accusé l’Arabie saoudite d’avoir effectué ces exécutions « des mudjahidines » dans le but de consolider la règne de la dynastie des Saoud et comme un cadeau pour les « croisés », en d’autre terme les alliés occidentaux de Riyad. [xi]

    La branche d’Al-Qaïda au Yémen avait déjà menacé en Décembre 2015 de “verser le sang des soldats d’Al-Saoud” si ces membres étaient exécutés, tandis qu’au début de l’année 2016, Daech a menacé à la suite des exécutions de détruire les prisons saoudiennes qui logent des djihadistes. Les deux organisations ont déclaré la guerre contre l’Arabie Saoudite, qui les considèrent comme groupes terroristes et a arrêté des milliers de leurs partisans. Daech a d’ailleurs revendiqué une série d’attentats à la bombe et de fusillades en Arabie saoudite depuis novembre 2014 qui ont tué plus de 50 personnes, dont la grande majorité était de saoudiens de confessions chiites, mais aussi plus de 15 membres des forces de sécurité.

    Al-Qaida de son côté a commencé ses actions terroristes au sein du royaume saoudien depuis 2003, tuant plusieurs centaines de personnes. L’organisation d’Al-Qaida a excommunié le royaume saoudien, le considérant comme anti-islamique, surtout pour son association et collaboration avec des Etats « infidèles » dans la guerre contre l’Afghanistan gouvernés par les Talibans.

    Ce n’est pas la première fois dans l’histoire du royaume que la famille des Saoud est menacée à l’intérieur du pays par des courants fondamentalistes et ultra fondamentalistes :

    – La rébellion armée des « Ikhwan » entre 1927 et 1930, une force armée fondamentaliste au service des Saoud (lui permettant d’ailleurs de nombreuse conquêtes territoriales, d’imposer un ordre islamique autoritaire et wahabite sur les populations conquises et, commettant des massacres contre les populations shiites en 1913 à Hasa et à Taef en 1924)[xii] qui vas se retourner contre le pouvoir, notamment pour les relations des Saoud avec les britanniques (les relations avec les nons musulmans, considérés comme infidèles, proscrites), la nature légitime de la royauté, la légitimité islamique des impôts des Saoud, la conduite personnelle du souverain Saoud (mariages et luxes), la nécessité d’islamiser les populations shiites du royaume, l’interdiction de pratiques considérée comme anti-islamique telle que la musique et le chant, etc…[xiii]

    – Le siège de la Grande Mosquée de La Mecque en 1979 pendant deux semaines par Jouhaymane Al-Utaybi (lui même né dans une colonie de « Ikhwan » en Arabie Saoudite et Muhammad Al-Qahtani, et leur groupe de plusieurs centaines de personnes (entre 200 et 400). Ils avaient présenté leur action comme un soulèvement islamique pour protester contre le laxisme religieux et moral et la dégénération de la famille règnante des Saoud, les relations diplomatiques avec de « Etats infidèles », etc…

    – Dans les années 1990, l’opposition des Sahwa très différente de toute les autres oppositions fondamentalistes par son refus de l’utilisation de la violence et de sa reconnaissance de la légitimité de la famille régnante des Saoud, demandait une ouverture politique du système, critiquait la demande du souverain roi Fahd aux « infidèles » pour assister le royaume durant la libération du Kuwait de l’occupation irakienne, et demandait une islamisation des politiques sociales, économiques, médiatiques, et militaires.

    Cette guerre entre d’un côté le royaume saoudien et de l’autre Al-Qaida et Daech ne doit pas néanmoins nous faire penser que leurs idéologies fondamentaliste et réactionnaires seraient fondamentalement différentes. Le royaume saoudien à bien dire depuis des années que l’idéologie de ces organisations est étrangère au pays et à ces institutions, mais serait au contraire le résultat de la radicalisation des mouvements des Frères Musulmans et des discours de Sayyeb Qotb et d’Ayman al-Zawahiri, mais ces explications ne convainc plus personne.[xiv] Sayyeb Qotb et Ayman al-Zawahiri sont bien sûrs des sources d’inspirations pour des formes de djihadismes, mais les organisations ultra fondamentalistes du type Al Qaida et Daech trouvent déjà et de manière beaucoup plus profonde un terreau fertile idéologique avec le discours wahabite officiel diffusé par le clergé et les institutions du royaume saoudien.

    Par exemple, le discours officiel saoudien dénonce les idéologie laiques tel que le nationalisme arabe (considéré comme « une « jahaliyya » (ignorance) athéiste, d’origine européenne mais de motivation juive, un mouvement ignorant qui a pour objectif principal de combattre l’Islam et son enseignement, ce sont des ennemis de l’Islam, promu par le occidentaux et les sionistes pour diviser les musulmans ») et le communisme (considéré comme un mouvement asservissant les individus au matérialisme et à l’abandon des qualités morales et spirituelles), tandis que le danger de “l’occidentalisation” est compris comme l’adoption de système politiques occidentaux, avec des partis politiques et des parlements au détriment de la cohésion et du consensus social.[xv] Au niveau social, l’occidentalisation sape et ébranle les musulmans et conduit à la mixité entre les femmes et les hommes, l’ouverture de bars et discothèques, la célébration de fêtes non musulmanes comme la fête des mères, noel, ou la fête des travailleurs le 1er mai.[xvi] Un grand nombre de ces thèmes se retrouvent aujourd’hui dans la propagande de Daech et Al-Qaida.

    Un certain nombre de djihadistes saoudiens font références aux premiers textes du wahabisme, qui sont les mêmes sources de l’Islam officiel dans le pays, et autres auteurs de références wahabites, mais avec des interprétations différentes.

    Plus généralement, la source principale de recrutement de ces organisations en Arabie Saoudite se trouve dans des raisons politiques et socio économiques : dans son système autoritaire et l’absence de démocratie, la répression féroce de toutes formes d’oppositions à la famille régnante, les inégalités sociales, pauvreté et chômage croissant, alliance avec les puissances occidentales impérialistes coupables de crimes contre d’autres populations arabes et musulmanes, etc… Encore une fois les raisons de ce genre de groupes trouvent leur origine dans notre époque actuelle, et non dans une histoire lointaine. Ce sont des produits de la modernité actuelle dans laquelle vit ces populations.

    Conclusion

    En conclusion, ces deux états et leurs alliés respectifs constituent des forces réactionnaires et destructrices pour leurs sociétés et la région auxquelles il faut s’’opposer sans relâche. Croire encore une fois qu’une de ces deux puissances peut être un appui dans les révolutions populaires pour la liberté et la dignité qui ont traversé la région est illusoire et stratégiquement dangereux. Il s’agit de deux puissances contre révolutionnaires qui oppriment leurs peuples et d’autres et assistent d’autres dictateurs et groupes réactionnaires, tout en promouvant et intensifiant les discours et tensions confessionnelles. Il faut soutenir et se solidariser avec toutes les forces démocratiques et progressistes dans ces deux pays qui défient leurs classes dominantes.

    Ni Téhéran, Ni Riyadh

    Solidarité avec les peuples de la région en lutte pour leur émancipation et libération

    Joseph Daher

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article36948

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  • Bahreïn. La répression «normale» à l’heure des «tensions» entre l’Arabie saoudite et l’Iran (Al'Encontre.ch)

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    Le Royaume de Bahreïn a annoncé mercredi 6 janvier avoir «démantelé» une cellule projetant des attentats, liée aux Gardiens de la révolution iraniens et au Hezbollah libanais. La cellule, qui projetait «plusieurs attentats à l’explosif» selon le ministère de l’Intérieur, comprenait de nombreuses personnes dont dix ont été arrêtées. Bahreïn et le Soudan ont rompu, après l’Arabie saoudite, leurs liens diplomatiques avec l’Iran. Cela suite à l’exécution du cheikh chiite (voir sur ce site l’article en date du 3 janvier 2016) Nimr al-Nimr, non violent, dans une «charretée» de 47 décapitations qui place le Royaume des Saoud en tête des exécutions capitales.

    Depuis le «printemps arabe» la monarchie sunnite des Al-Khalifa n’a cessé de réprimer les manifestants qui revendiquent des droits démocratiques élémentaires. Il n’est donc pas étonnant que le pouvoir monarchique développe des accusations concernant «un complot terroriste piloté par l’Iran». Que des opposants soient poussés suite à des années de répression à prendre des armes, à la différence de Nimr al-Nimr, est du domaine du possible. Mais la main de fer des Al-Khalifa s’abat plus fort dans ce contexte qui doit «tout expliquer». Ce d’autant plus que Bahreïn, voisin de l’Arabie saoudite, abrite la Ve Flotte des Etats-Unis dans la région.

    L’article publié ci-dessous porte la lumière sur la répression usuelle à Bahreïn. (Rédaction A l’Encontre)

    Mohammed al-Tajer est un homme courageux.

    Depuis plus d’une décennie, cet avocat bahreïni défend des activistes dans le royaume insulaire du Golfe, tels que Nabeel Rajab, un défenseur des droits de l’homme réputé. Il a été détenu et torturé. Il a été harcelé et menacé sur les réseaux sociaux. Malgré cela, il continue d’exprimer sa pensée et de maintenir tant bien que mal son équilibre, mélangeant perspicacité et ironie.

    Pourtant, même lui a été abasourdi par le sort qui a été réservé à son jeune frère Ali, un homme sans passé d’activiste politique. Arrêté le 4 novembre 2015, sa famille est restée sans nouvelles de lui pendant presque un mois. Après plusieurs semaines d’inquiétude, ils ont été informés de la tenue d’un interrogatoire officiel qui a eu lieu le 30 novembre.

    Deux avocats du cabinet de son frère ont été autorisés à représenter Ali, après que Mohammed a lancé une campagne épistolaire à l’intention des autorités pour exiger que celles-ci honorent le droit à une représentation juridique, garanti par la loi mais souvent ignoré. Il a publié les lettres en ligne: «Ils [les autorités] ne pouvaient dès lors pas s’échapper.»

    Les avocats sont repartis avec un sombre récit. Ali a raconté avoir été privé de sommeil et forcé à rester debout pendant vingt jours, mais aussi battu à plusieurs reprises autour de la tête, du torse et des parties génitales. Il a expliqué que ceux qui le battaient se moquaient de lui: «Nous n’avons pas ton frère, mais nous sommes heureux d’avoir un [autre membre] de la famille al-Tajer.»

    Les vêtements portés par Ali lors de son arrestation ont été restitués. Ils étaient maculés de sang.

    Al-Tajer est certain que son travail en tant qu’avocat défenseur des droits de l’homme est ce qui a entraîné l’arrestation de son frère. Il s’agit selon lui d’efforts visant à le faire taire, à le contraindre d’arrêter de défendre les activistes pacifiques qui contrarient les efforts du régime pour étouffer les critiques.

    Les autorités ont indiqué que 47 personnes, dont Ali, ont été arrêtées le 4 novembre, et que les personnes arrêtées planifiaient des attentats terroristes imminents.

    «L’organisation entretient des liens étroits avec des partis iraniens et des terroristes résidant en Iran», a revendiqué le ministère de l’Intérieur au moment des arrestations, ajoutant que certains membres avaient été formés à l’usage d’armes et d’explosifs dans la République islamique.

    Ali avait rendu visite à son beau-père, universitaire bahreïni officiant à l’université de Téhéran et détracteur du régime de Bahreïn, pour une affaire familiale. Les autorités ont accusé Ali d’avoir reçu lors de cette visite une formation militaire et, bizarrement, des conseils pour répondre aux questions au cours d’interrogatoires, des allégations que Mohammed al-Tajer juge absurdes: «Ils n’ont pas la moindre preuve, seulement des allégations globales et des faux témoignages d’autres personnes extorqués sous la torture.»

    Mohammed al-Tajer a vu son frère le 24 décembre: «Mentalement, il va bien, il est très fort, il sourit toujours.» Toutefois, un médecin qui l’a examiné a recommandé de présenter Ali à un urologue et à un chirurgien orthopédique.

    «Ceci est dû aux coups qu’il a reçus et au fait d’avoir été forcé à rester debout pendant une si longue période», précise son frère.

    Ali n’a pas encore rencontré les spécialistes en question.

    Pour les amis et la famille de Mahmoud Jaziri, journaliste à Al-Wasat arrêté le 28 décembre, l’attente continue. Son frère a reçu un appel de Mahmoud, qui lui a seulement indiqué qu’il était détenu dans une unité des enquêtes criminelles. On ne lui a pas donné la raison de son arrestation.

    Al-Wasat, seul média d’information indépendant en activité à Bahreïn, venait de publier un article de Jaziri, correspondant pour le journal au Conseil de la Choura, au sujet d’une question à caractère politique sensible liée à la déchéance de citoyenneté, une tactique punitive de plus en plus employée par le gouvernement contre ses détracteurs.

    Le 31 décembre 2015, Khalil Marzouk, haut dirigeant de la Société nationale islamique d’al-Wefaq, un parti d’opposition, a été convoqué au bureau du procureur avec un autre responsable du Wefaq. Dans le même temps, le cheikh Maytham al-Salman, ecclésiastique éminent et activiste de renommée internationale pour la paix interconfessionnelle, a été convoqué pour interrogatoire.

    Le 2 janvier 2015, immédiatement après les exécutions de masse en Arabie saoudite, le ministère bahreïni de l’Intérieur, citant l’article 168 du code pénal, a averti qu’il «[n’accepterait] aucune forme d’ingérence dans les verdicts de la magistrature saoudienne ou de tout autre pays frère ou ami».

    L’article 168 prévoit une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans «pour tout individu qui diffuse délibérément des faux rapports, des déclarations ou des rumeurs malveillantes dans le but de nuire à la sécurité publique, de terroriser la population ou de porter préjudice à l’intérêt public».

    Cet article, qui fait partie de la législation anti-terroriste draconienne de Bahreïn, a été largement exploité pour accuser des détracteurs du régime, les déclarer coupables de délits et leur infliger des amendes et des peines d’emprisonnement.

    Ainsi, tout commentaire critique au sujet de l’exécution par les Saoudiens du cheikh Nimr al-Nimr, un haut dignitaire chiite, a été érigé au rang de crime.

    La fin de l’année 2015 a ainsi vu le gouvernement accélérer considérablement sa campagne contre les voix indépendantes et chercher sans relâche à les contraindre au silence sous le prétexte commode de la prétendue guerre contre le terrorisme.

    «Nous ne pouvons pas respirer: tout ce que nous disons peut être utilisé contre nous, les murs se referment sur nous», a déploré l’une de ces voix, qui a demandé à rester anonyme par crainte de se faire arrêter.

    Dans un tel environnement, il est compréhensible que les gens ne s’expriment pas. Ce qui est incompréhensible et inadmissible, c’est le quasi-silence des alliés occidentaux de Bahreïn. Ces derniers devraient écouter l’avocat Mohammed al-Tajer.

    Lorsqu’on lui a demandé s’il avait peur des répercussions pour lui et sa famille au cas où ses propos seraient relayés, il a répondu: «Pas du tout. Nous ne céderons pas. Poursuivez. »

    Ce sont précisément les déclarations courageuses de ce type que Washington et Westminster devraient écouter. N’est-il pas honteux qu’ils y restent sourds?

    Publié par Alencontre le 8 - janvier - 2016

    Bill Law est un spécialiste des pays du Golfe. Il écrit dans The Independent et M.EE, article publié le 7 janvier 2016

    http://alencontre.org/bahrein-la-repression-normale-a-lheure-des-tensions-entre-larabie-saoudite-et-liran

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  • Nouveautés sur "Lutte Ouvrière"

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  • Allié privilégié de Hollande, le régime saoudien assassine ! (Npa)

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    L'Arabie Saoudite vient d'exécuter par balles ou par décapitation quarante-sept hommes ce 2 janvier dans différentes villes du pays.

    Ils étaient condamnés pour « terrorisme », un qualificatif si flou qu'il peut s'appliquer à toutes celles et ceux dont les idées ou les actes s’opposent au régime.

    Parmi les condamnés figurent plusieurs militants de l'opposition, notoirement actifs lors du soulèvement populaire initié en 2011. C'est ainsi que Nimr Baqer Al Nimr, qui avait pris la tête du soulèvement de la province orientale, et avait tenu des propos virulents contre les dictateurs de la région, avec en tête les Al Saoud, Al Khafila et Al Assad, a été exécuté.

    Le NPA dénonce cette nouvelle série d'exécutions perpétrée par le régime du souverain soi-disant « réformateur ».  Toutes les condamnations à morts prononcées par les tribunaux saoudiens doivent être annulées, les accusés doivent avoir droit à des procès publics et équitables.

    Nous ne sommes pas dupes de l'hypocrisie des dirigeants iraniens qui protestent bruyamment mais utilisent de la même façon les condamnations à mort pour faire taire leurs propres opposants. Mais nous dénonçons particulièrement celle du gouvernement français qui s'est contenté de « déplorer » ces peines capitales, alors que depuis la visite de Hollande à Ryad en mai dernier et la tenue de la commission jointe franco-saoudienne, c'est un permis de tuer qui a été délivré par la France, avec à la clé des promesses de ventes pour au moins 20 milliards d'euros en jeu : hélicoptères Air Bus H 145, patrouilleurs maritimes, centrales nucléaires EPR, accords sur la formation à la sûreté nucléaire et le traitement de déchets…

    En exacerbant les tensions au Moyen Orient, l’Arabie Saoudite apporte une nouvelle preuve du cynisme des politiques extérieures de la France et des USA qui sont ses alliés privilégiés. Loin d’être un rempart au terrorisme djihadiste, les régimes dictatoriaux et théocratiques ont contribué à sa formation, et leurs exactions le renforce !

    Le NPA apporte son soutien aux manifestants de Bahrein qui, en solidarité avec les victimes du régime saoudien, occupent les rues de plusieurs villes depuis deux jours, et s’opposent à la répression qui les vise.

    Il apporte son soutien à tous les opposants au régime des Al Saoud qui se battent pour la démocratie, la justice sociale et réclament « le renversement du régime ».

    Montreuil, le 4 janvier 2015

    https://npa2009.org/communique/allie-privilegie-de-hollande-le-regime-saoudien-assassine

    Lire aussi:

    https://npa2009.org/actualite/international/notre-ami-le-roi

     
  • Violents affrontements à Bahreïn entre manifestants chiites et police (Anti-k)

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    Dubaï – Des affrontements ont opposé dimanche à Bahreïn la police à des manifestants chiites qui protestaient contre l’exécution la veille du chef religieux Nimr al-Nimr dans le royaume saoudien voisin, ont rapporté des témoins.

    Ces violences ont fait des blessés. Elles se sont produites dans plusieurs localités chiites de la banlieue de Manama où la police a tiré des gaz lacrymogènes et, dans certains cas, des balles de chevrotine en direction de manifestants qui ont lancé des cocktails Molotov, ont ajouté ces témoins.

    Le cheikh Nimr était vénéré par la communauté chiite majoritaire à Bahreïn et les manifestants brandissaient des portraits de lui dans les localités de Jidhafs, Sitra, Duraz et Bilad al-Qadeem.

    Les affrontements les plus violents ont eu lieu à Sitra, à l’ouest de Manama, où 400 manifestants se sont heurtés à la police, selon des témoins.

    A Duraz, les forces de sécurité ont tiré des gaz lacrymogènes sur les manifestants qui ont bloqué une route et jeté des pierres en direction des policiers, selon les mêmes sources.

    Dès samedi, les autorités bahreïnies avaient prévenu qu’elles prendraient toutes les mesures légales nécessaires contre les auteurs d’actions offensantes ou négatives à l’égard de la décision du royaume saoudien d’exécuter Nimr al-Nimr.

    Ces fauteurs de troubles pourraient être poursuivis pour incitation à la sédition et menace à l’ordre civil, avait averti le ministère de l’Intérieur.

    Bahreïn, siège de la Ve Flotte américaine et dirigé par une dynastie sunnite, est le théâtre de troubles sporadiques depuis des manifestations de masse en 2011 de la majorité chiite qui demandait des réformes et un plus grand rôle politique pour cette communauté.

    Le pouvoir à Bahreïn fait montre d’une extrême fermeté à l’égard des opposants, mais nie toute discrimination envers les chiites. Les dissidents sont souvent accusés d’être liés à l’Iran, une accusation qu’ils rejettent. 4 janvier 2016

    http://www.anti-k.org/violents-affrontements-a-bahrein-entre-manifestants-chiites-et-police

    Commentaire: Nous ne classons pas ces évènements dans la rubrique "religions"

  • En Arabie saoudite, des exécutions de masse qui aggravent les tensions confessionnelles (Orient21)

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    Fuite en avant du régime

    Dimanche 3 janvier à midi, la France n’a toujours pas réagi à l’exécution de l’opposant chiite saoudien Nimr Baqer Al-Nimr, alors que l’Union européenne et les États-Unis ont chacun exprimé leur inquiétude. L’ambassade saoudienne à Téhéran a été prise d’assaut et brûlée, tandis que la tension avec Riyad est au plus fort. Ces assassinats vont encore aggraver les tensions dans la région et aviver encore plus les tensions confessionnelles entre sunnites et chiites, de la Syrie au Yémen en passant par l’Irak et le Liban.

    Les huit bourreaux saoudiens recrutés en mai 2015 par petites annonces ne sont pas restés longtemps inactifs. Il fallait bien ces renforts pour organiser samedi 2 janvier l’exécution simultanée de 47 condamnés dans douze villes différentes du royaume. Il n’y a qu’un seul précédent à ces exécutions de masse : le 9 janvier 1980, moins de deux mois après la prise de la Grande Mosquée de La Mecque (elle durera deux semaines et fera plusieurs centaines de morts), 63 insurgés, parmi lesquels leur leader, Jouhaymane Al-Oteïbi, étaient décapités en public dans huit villes d’Arabie. Le fait d’avoir dispersé le lieu des exécutions indiquait que pour le régime, celles-ci avaient moins valeur de châtiment que d’exemple pour ceux de ses sujets qui seraient tentés de suivre la voie des suppliciés. Il en va de même avec les exécutions du 2 janvier, censées illustrer le caractère implacable de «  la guerre contre le terrorisme  » endossé publiquement par Riyad depuis plusieurs mois. D’après l’agence de presse officielle, elles se sont déroulées dans douze prisons  ; dans quatre d’entre elles, les condamnés ont été fusillés et, dans les huit autres, ils ont été décapités.

    Ce n’est pas davantage une surprise : le 23 novembre 2015, le quotidien Okaz, proche du ministère de l’intérieur et dirigé d’une main de fer par le prince héritier Mohammed Ben Nayef, annonçait l’exécution imminente d’une cinquantaine de «  terroristes  ».

    Il est vrai que la définition légale du terrorisme par l’Arabie saoudite répond à une acception très large. Il ne s’agit pas seulement des djihadistes d’Al-Qaida ou de l’organisation de l’État islamique (OEI), mais plus largement de tout opposant à la monarchie saoudienne. En février 2014, feu le roi Abdallah promulguait une nouvelle loi1 qualifiant pénalement de «  terrorisme  » toute activité «  visant à affaiblir le système politique  », à «  nuire à la réputation du royaume  » ou relevant de la propagande en faveur de l’athéisme. C’est à ce titre qu’en octobre 2014, un tribunal saoudien a condamné à mort Cheikh Nimr Baqer Al-Nimr, influent religieux chiite qui a joué un rôle important dans la mobilisation des chiites saoudiens lors du «  printemps arabe  » avorté de 2011.

    C’est principalement dans la province orientale, où est concentrée la très grande majorité de la population chiite du royaume (près de 10 % de l’ensemble de la population), que les soulèvements contre le régime se sont fait sentir. En fait, dès la fin de 2010, des troubles récurrents se sont produits dans la région de Qatif, et notamment dans la localité d’Awamiyya. Depuis, dans l’indifférence quasi générale des médias étrangers, où un soulèvement latent secoue Awamiyya, avec une alternance de manifestations, d’emprisonnements, d’attaques contre les policiers, de tirs à balles réelles. Le bilan précis de cette intifada chiite rampante et très localisée n’est pas connu, mais elle a probablement causé plusieurs dizaines de morts depuis cinq ans.

    Des opposants discriminés depuis longtemps

    Depuis la création du royaume en 1932 par le roi Abdelaziz Ibn Saoud, les chiites se plaignent à juste titre des discriminations dont ils sont l’objet. Des mouvements de révolte ont eu lieu périodiquement dans la province orientale  ; ils ont culminé à l’automne 1979, en partie sous l’effet de la victoire en Iran de la révolution islamique. Le roi Fahd (1982-2005) a nommé son fils gouverneur de la province et si la discrimination n’a pas pris fin, d’importants investissements et travaux publics ont réduit le sous-développement de la région, comparativement aux autres provinces saoudiennes. Plus tard, dans les années 1990, un dialogue politique s’est esquissé, aboutissant à un accord avec certains leaders en exil en 1993. Ceux-ci, comme le cheikh Hassan Al-Saffar sont rentrés au pays et une poignée de chiites ont été nommés au majlis ach-choura(conseil consultatif). Plus tard, au début des années 2000, alors que les relations avec l’Iran se normalisaient, certaines ouvertures ont paru possibles. Une conférence de dialogue national s’est tenue en 2003, sous l’égide du prince héritier — mais dirigeant de fait — Abdallah, avec des responsables sunnites et chiites, une première dans l’histoire du royaume2. Mais cette ouverture a fait long feu, les promesses se sont dissipées et la dégradation des rapports avec l’Iran n’a fait que confirmer l’opinion de ceux qui, dans la communauté chiite, n’espéraient rien de ces ouvertures.

    C’était le cas de Cheikh Nimr Baqer Al-Nimr qui, pour sa part, campait sur une position intransigeante et refusait de discuter avec le régime, d’où son aura au sein de la jeunesse chiite radicalisée par l’échec du processus politique lors de mouvement de contestation de 2010-2011. Pour autant, contrairement aux assertions du régime, aucune preuve n’a été apportée de son implication dans une action violente. Selon des diplomates en poste à Riyad, leurs gouvernements avaient reçu l’assurance3 que les chiites condamnés à mort après les manifestations ne seraient pas exécutés. Manifestement, c’est une autre logique qui a prévalu au sommet du pouvoir à Riyad.

    Les porte-parole officieux du régime ont été prompts à assurer sur les réseaux sociaux qu’on ne pouvait pas interpréter ces exécutions à l’aune de la fracture chiites-sunnites puisqu’il y a davantage de sunnites que de chiites parmi les suppliciés.

    Le «gendarme» du monde sunnite

    On ne fera pas aux dirigeants saoudiens l’insulte de les croire incapables d’avoir mesuré les conséquences politiques de la mise à mort d’opposants politiques du calibre de Nimr Al-Nimr, qui bénéficie d’un puissant soutien chez les chiites saoudiens  ; ni d’avoir mésestimé les conséquences régionales de ces exécutions. Téhéran avait préventivement mis en garde l’Arabie saoudite à ce sujet. Sans surprise, l’Iran, l’Irak et le conseil suprême chiite libanais ont promptement réagi avec fureur à l’annonce saoudienne, le porte-parole du ministère iranien des affaires étrangères allant jusqu’à affirmer que l’Arabie «  paiera un prix élevé  » à la suite de l’exécution de Cheikh Nimr. La nouvelle a aussitôt suscité des manifestations anti-saoudiennes dans le petit royaume voisin de Bahreïn, où la population est majoritairement chiite mais qui est dirigé par une monarchie sunnite4. Une situation qui n’est pas sans rappeler les émeutes chiites qui avaient enflammé Bahreïn et la province orientale de l’Arabie en avril 1980, après la pendaison en Irak de l’ayatollah Mohammed Bakr Al-Sadr par le régime de Saddam Hussein.

    Il est vrai cependant que la détermination saoudienne à combattre les djihadistes semble connaître un regain de vigueur. Cela est davantage dû au fait que ces derniers, qu’il s’agisse d’Al-Qaida dans la péninsule Arabique (AQPA) ou de l’OEI, ont ouvertement déclaré la guerre à la famille Saoud, ce qui ne lui laisse guère d’autre choix que de riposter. C’est ainsi qu’il faut comprendre, le 14 décembre 2015, l’annonce précipitée de la formation d’une «  coalition antiterroriste  » de 34 pays, parmi lesquels ne figurent ni l’Iran, ni l’Irak auxquels l’invitation n’a pas été adressée. Trois des pays cités par l’Arabie (le Pakistan, le Liban et la Malaisie ont d’ailleurs purement et simplement nié avoir été informés de leur appartenance à cette coalition dont la configuration et le mode de fonctionnement apparaissent particulièrement peu clairs5. De manière significative, les pays occidentaux, États-Unis en tête, qui faisaient depuis plusieurs mois pression pour que l’Arabie intensifie sa lutte contre les djihadistes de l’OEI, se sont montrés particulièrement discrets après la révélation par Riyad de la formation de cette coalition. D’autant qu’au Yémen, dans leur offensive contre les rebelles houthistes, les Saoudiens ferment les yeux, voire encouragent AQPA à étendre ses activités, les deux parties étant liées par une hostilité commune aux chiites.

    Tout comme la guerre menée par l’Arabie au Yémen depuis le mois de mars 2015 qui a déjà causé près de 6 000 morts, les exécutions du 2 janvier paraissent obéir davantage à une logique punitive qu’à un projet politique mûrement réfléchi. Les autorités de Riyad veulent affirmer leur détermination face à l’Iran, se poser en leader du monde sunnite, s’émanciper de la tutelle stratégique américaine. La jeune génération, illustrée par le prince héritier et ministre de l’intérieur Mohammed Ben Nayef et le vice-prince héritier et ministre de la défense Mohammed Ben Salman, veut démontrer que son pays prend l’initiative et ne se contente plus d’être sur la défensive.

    Sombres perspectives pour le royaume

    Soit. Mais après  ? Rien ne montre à ce jour que l’Arabie saoudite a une approche politique de l’après-guerre au Yémen. De même, à quel objectif politique répond l’assassinat d’un dirigeant estimé au sein de l’opposition chiite  ? La famille Saoud offre-t-elle une porte de sortie pour la minorité chiite  ? Ou bien la stratégie saoudienne se limite-t-elle à mener une guerre sans fin au Yémen et une répression continue de la minorité chiite du royaume, au risque de donner raison à l’écrivain algérien Kamel Daoud pour qui «  l’Arabie saoudite est un Daesh qui a réussi  », The New York Times,20 novembre 2015]  ?

    On notera que la guerre au Yémen est menée par Mohammed Ben Salman. La lutte contre les djihadistes, en revanche, est l’apanage du prince héritier Mohammed Ben Nayef, qui a mené le combat de façon déterminée contre l’insurrection islamiste du début des années 2000, au point d’échapper de justesse à la mort en 2009 lors d’un attentat-suicide d’un militant d’Al-Qaida qui avait réussi à l’approcher, et d’être, pour cela, très estimé par l’administration américaine. Se pourrait-il qu’une partie même infime de l’explication de la guerre au Yémen et des exécutions massives de ce début d’année soit à chercher dans la sourde rivalité entre les deux Mohammed, chacun cherchant à prouver qu’il est l’homme fort dont le pays a besoin, alors que la santé du roi Salman, âgé de plus de 80 ans, est fragile  ?

    Le royaume, durement affecté par la chute importante et durable des cours du pétrole, auquel il a largement contribué par l’augmentation de sa production d’hydrocarbures, vient d’annoncer des mesures d’austérité draconiennes6 sans précédent, au risque de susciter un mécontentement social que le régime a toujours tenté d’éviter en achetant la paix sociale avec l’argent du pétrole.

    Austérité et crise sociale, pauvreté, enlisement au Yémen, aliénation de la minorité chiite... : les perspectives pour l’Arabie saoudite en ce début d’année sont bien sombres. Et la politique menée par les dirigeants de Riyad pour répondre à ces défis donne le sentiment de relever de la fuite en avant bien davantage que d’une stratégie mûrement réfléchie.

    Olivier Da Lage  3 janvier 2016
     
     
  • Royaume des Saoud. L’effet baril explosif d’une exécution (A l'Encontre.ch)

     Cheikh Nimr al-Nimr, dignitaire chiite et opposant à la dynastie sunnite des Saoud

    Cheikh Nimr al-Nimr, dignitaire chiite et opposant à la dynastie sunnite des Saoud

    Le Royaume des Saoud – client militaire des Etats-Unis, de la France, du Canada, de Grande-Bretagne et soutien de la dictature Sissi en Eygpte – bombarde le Yémen, depuis le 26 mars 2015, sous un logo militaire que l’on dirait cousu au Pentagone: «Tempête décisive». Plus exactement, les bombes royales – aux prix somptueux – devaient viser les positions des tribus Houthis, assimilés très rapidement au pouvoir de Téhéran [1]. Un Iran concurrent du Royaume dans cette région où les livres sacrés sentent le pétrole. Et une aire constituant une articulation géopolitique de première importance au même titre, dans les temps présents, qu’un champ de guerres agies par de nombreuses puissances impérialistes et sous-puissances impérialiste régionales dans un Moyen-Orient où les Etats-Unis ont perdu la main.

    Le type de coalition formée pour la «Tempête décisive» ­– qui a fait des milliers de morts civils, détruit des villes historiques et provoqué une des dites crises humanitaires les plus terribles, pour reprendre le langage orwellien de l’ONU – parle d’elle-même: 30 avions de combat fournis (initialement) par les Emirats Unis; 15 par le Bahreïn, où la majorité chiite est réprimée fermement; 15 par le Koweït et 10 par le Qatar. Des bombardiers gérés par les firmes les ayant vendues qui assurent le service dit «technique».

    Dans la foulée, les «combattants» de cette coalition sous-traitent «leur» guerre sur le terrain yéménite – qui est à la jonction d’une nappe pétrolière ne respectant pas les limites des cartes de géographie – à des mercenaires colombiens qui ont fait leur apprentissage dans une armée ayant combattu les FARC (Forces armées révolutionnaire de Colombie) et l’ELN (Armée de libération nationale) et aussi ayant servi de tueurs pour permettre aux grands propriétaires de Colombie – parmi lesquels de nombreux militaires haut gradés – d’étendre leur propriété en expulsant des paysans pauvres. Le New York Times du 25 novembre 2015 en donnait une bonne description.

    La firme organisant cette sous-traitance militaire pour des princes «guérilleros» était dirigée par un ancien de Blackwater, rebaptisée depuis les scandales trop médiatisés Academi (sic), Erik Pirince. Depuis lors, cette firme privée de mercenaires est passée sous la direction de l’armée émiratie. Les salaires sont à hauteur de 3000 dollars. Pour ce qui est du personnel inclus dans les «contrats d’assistance» garantis par les vendeurs d’armes et l’appareil militaire des pays livreurs, les salaires ne sont pas mentionnés dans les comptes du Royaume des Saoud. Il est vrai qu’ils sont aussi transparents que ceux de Nestlé ou d’Amazon. Car, sur la voie de la démocratie, le Royaume des Saoud a pris le risque de permettre aux femmes de conduire et même de voter pour des élus: des mercenaires galonnés d’un pouvoir qui leur échappe). Sans oublier d’infliger, en 2014, des peines capitales, exécutées proprement, à la hauteur de tête de 135 personnes (Les Echos, 15 octobre 2015).

    Ce pouvoir des Saoud a annoncé, le samedi 2 janvier 2016, l’exécution de 47 personnes condamnées pour «terrorisme». En dehors du caractère massif de ces exécutions, c’est un nom parmi tous les suppliciés qui fait l’effet d’un «baril d’huile enflammé» sur une région en feu: celui du cheikh al-Nimr. Un chef religieux chiite, opposant acharné et non-violent au régime saoudien incarné par la dynastie sunnite des Al-Saoud. Aussitôt rendue publique, son exécution a provoqué des manifestations à Bahreïn, des condamnations au Liban ainsi qu’en Irak. La réaction de Téhéran ne s’est pas fait attendre: «Le gouvernement saoudien soutient d’un côté les mouvements terroristes et extrémistes [allusion à la Syrie et au Yémen, ici Al-Qaida au sud Yémen] et dans le même temps utilise le langage de la répression et la peine de mort contre ses opposants intérieurs (…) il paiera un prix élevé pour ces politiques.» Ces paroles ont été prononcées par le ministre des Affaires étrangères Hossein Jaber Ansari; un diirigeant qui ne prononce pas de tels termes sans l’accord de plus hautes instances de la mollarchie.

    Une exécution strictement politique

    Agé de 56 ans, al-Nimr était un ardent défenseur de la minorité chiite dans ce pays où la population est à 90 % sunnite. Le dignitaire avait notamment mené, en 2011, la contestation populaire qui avait éclaté dans l’est du royaume, dans la foulée des «printemps arabes». «Cheikh al-Nimr était l’une des responsabilités religieuses les plus respectées de la communauté chiite. Il était un opposant assez déterminé. Contrairement à d’autres dirigeants qui avaient à partir de 1993 ouvert un dialogue avec les autorités, il était hostile à ce dialogue. Mais autant que l’on sache, il n’était pas impliqué dans des actions violentes contre le régime», décrit Alain Gresh, directeur du journal en ligne Orient XXI et journaliste du Monde diplomatique.

    Lors de son arrestation Cheikh al-Nimr – non-violent reconnu – avait été accusé d’avoir ouvert le feu sur les forces de l’ordre, sans que ces assertions soient vérifiées. Lui-même avait été blessé par balle entraînant plusieurs mois d’hospitalisation. Les autorités saoudiennes lui reprochaient «essentiellement de provoquer la division entre les musulmans et de mettre en cause l’unité nationale [..] on lui reprochait évidemment d’avoir des relations avec l’Iran, ce qui était sans doute le cas, mais au sens où de nombreux religieux chiites ont des relations avec ce pays», ajoute A. Gresh.

    Ce chef religieux avait ensuite été condamné en 2014 à la décapitation suivie de crucifixion pour «terrorisme», «sédition», «désobéissance au souverain» et «port d’armes» par un tribunal de Riyad spécialisé dans les affaires de terrorisme. «Lors de son procès, l’accusation s’est essentiellement appuyée sur ses prêches. Donc, il a surtout été condamné pour ses sermons», fait remarquer Adam Coogle, spécialiste du Moyen-Orient auprès Human Rights Watch (HRW).

    Selon HRW: «Son procès a été entaché de nombreuses irrégularités. En outre, il n’a pas eu de représentation légale lors de ses interrogatoires et les autorités ne lui ont pas donné l’opportunité de bénéficier d’une défense digne de ce nom. On ne peut pas considérer qu’il ait eu droit à un procès équitable.»

    Faire taire toute opposition

    L’exécution du cheikh al-Nimr exprime les prétentions régionales du nouveau roi Salman. Une décision propre à ceux, selon Gresh, qui ont «pris le pouvoir depuis la mort du roi Abdallah, avec notamment le roi Salman et surtout son fils et le ministre de l’Intérieur Mohammed Ben Nayef. Donc on a deux des trois principaux dirigeants qui sont très jeunes et qui ont fait preuve d’une agressivité sur le plan régional qui n’était pas habituelle chez les Saoudiens. On l’a vu lorsqu’ils ont déclenché la guerre contre le Yémen (…). Beaucoup s’interrogent, y compris parmi les alliés de l’Arabie saoudite, comme les Etats-Unis, sur la sagesse de cette équipe.»

    Washington marche sur un tapis de verres, sans être exactement un fakir. John Kirby, ancien contre-amiral de la marine des Etats-Unis et porte-parole du Pentagone, fait savoir: «Nous avons maintes fois fait connaître au plus haut niveau des autorités saoudiennes nos inquiétudes, et appelons à nouveau le gouvernement à respecter les droits de l’homme et à garantir des procès honnêtes.» Comme à Guantanamo? Salman a appris la leçon. Au-delà de la déclaration, le Département militaire comprend que le Royaume des Saoud est englué au Yémen, «mal pris» en Syrie et que Daech appelle la population à se soulever contre le pouvoir. Cela dans un contexte où la chute drastique des cours du pétrole a poussé les nouveaux dirigeants à imposer une politique d’austérité à laquelle la population saoudienne n’est pas accoutumée, pour utiliser un euphémisme. La crise régionale, redoublée de guerres, frappe à la porte du dit Occident.

    Publié par Alencontre le 3  janvier 2016

    [1] Nous reviendrons sur les traits et l’évolution de ce conflit. (Réd. A l’Encontre)

    http://alencontre.org/arabie-saoudite/royaume-des-saoud-leffet-baril-explosif-d'une-execution

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