François Fillon et Jean-Luc Mélenchon avaient tous deux bruyamment célébré la « libération » de Palmyre par Assad et Poutine en mars 2016. Leur silence, trois semaines après la reprise de cette cité-martyre par Daech, n’en est que plus accablant.
François Fillon et Jean-Luc Mélenchon ont construit une partie de leur stature diplomatique de présidentiable sur leur position tranchée face à la crise syrienne. L’un comme l’autre n’ont pas ménagé leur énergie pour contester les orientations de la France et sa volonté de promouvoir en Syrie une troisième voie qui ne soit ni Assad ni Daech.
Tout à leurs amalgames, le futur candidat des Républicains et l’Insoumis auto-proclamé avaient porté aux nues l’importance de la reconquête de Palmyre par Assad et Poutine, en mars 2016, après dix mois de supplice de la ville aux mains de Daech. Relisons MM. Fillon et Mélenchon avec attention. Car pour qui prétend aux plus hautes fonctions de la République, chaque mot compte. Et pèse.
François Fillon publie alors dans l’hebdomadaire « Marianne » une tribune intitulée « Les Leçons de Palmyre ». La conclusion en est catégorique :
« Pour endiguer la progression de l’Etat islamique en Syrie, Vladimir Poutine a fait preuve d’un pragmatisme froid mais efficace. Il a sauvé le régime alaouite d’un effondrement probable et lui a donné les moyens de reconquérir le terrain perdu. Pendant qu’Obama et Hollande s’offusquaient du choix des Russes de bombarder les opposants à Assad sans distinction, Poutine redonnait de l’air aux forces syriennes qui sont désormais en mesure de combattre efficacement l’Etat Islamique ».
On a du mal à comprendre comment le « choix des Russes de bombarder les opposants à Assad sans distinction » permettrait de « combattre efficacement l’Etat Islamique ».
D’aucuns ont d’ailleurs dénoncé le fait que l’oasis de Palmyre, isolée en plein désert, avait été livrée sans grand combat à Daech en mai 2015, afin de mieux mettre en scène sa « libération » ultérieure. C’est sans doute ce que M. Fillon appelle du « pragmatisme froid mais efficace ».
Quant à Jean-Luc Mélenchon, il s’approprie sur son blog la reconquête de Palmyre avec son narcissisme coutumier :
« Comme je suis pour ma part équipé d’un cerveau doté de mémoire (aussi longtemps que l’addiction au smartphone ne sera pas parvenu à effacer l’un et l’autre), je suis donc en état de jouir finement de l’avantage de me souvenir de ce que les uns et les autres disent, gribouillent, éructent, profèrent, fulminent, et ainsi de suite. Que ce jour est suave de ce point de vue. Oui, comment laisser passer cette douce revanche sur les détracteurs permanents de mes positions sur la Syrie, la Russie et ainsi de suite ».
Les deux candidats à la présidentielle ont été nettement moins éloquents lors de l’abominable siège d’Alep. Il a fallu attendre le 15 décembre 2016, soit un mois après le début de l’offensive généralisée de la Russie et de l’Iran, en appui au régime Assad, pour que l’un et l’autre trouvent le temps de s’exprimer. Le temps, mais pas forcément les mots. Pour M. Fillon, il est urgent de « mettre autour de la table toutes les personnes qui peuvent arrêter ce conflit sans exclusive, et donc y compris ceux qui commettent des crimes aujourd’hui ».
M. Mélenchon, pour sa part, exprime son indignation face aux bombardements, mais où qu’ils se produisent, à Alep, à Mossoul ou au Yémen. Il martèle que « la paix consiste à nommer les problèmes et à tâcher de les régler un à un ». Il en appelle à une « coalition universelle pour en finir avec Daech ».
Or, au moment même où M. Fillon parle de « crimes » sans en désigner les auteurs et où M. Mélenchon s’avère incapable de « nommer les problèmes », Daech a repris le contrôle de Palmyre depuis plusieurs jours. Le bien mal-nommé « Etat islamique » a en effet profité de l’acharnement d’Assad, de Poutine et de l’Iran sur Alep pour s’emparer de la seule ville que le régime syrien pouvait prétendre avoir « libérée » des mains des jihadistes.
La destruction à l’explosif d’un dépôt de munitions par des unités russes à Palmyre a accentué le désordre du retrait des pro-Assad face à Daech. En revanche, ce sont des avions américains, qui, le 15 décembre, ont détruit des blindés que Daech avait pu saisir à Palmyre. Quant à la malheureuse population de l’oasis, elle ne voit à ce stade aucune issue proche à son calvaire.
Que MM. Fillon et Mélenchon aient des problèmes d’expression sur Alep, on peut le comprendre, à défaut de l’excuser. En revanche, qu’ils expliquent clairement pourquoi Palmyre signifiait tant en mars et ne signifie plus rien en décembre. Prôner une diplomatie alternative en campagne présidentielle participe de la vitalité du débat républicain. Mais ce droit implique un certain nombre de devoirs, au premier rang desquels celui de cohérence.