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Médias - Page 7

  • Informer sur le Proche-Orient : « La tentation est de se rabattre sur ce qui apparaît comme un "juste milieu" » (Acrimed)

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    Nous remettons à la « une », trois ans après sa première publication, une interview de Benjamin Barthe, journaliste au Monde, consacrée au traitement médiatique du conflit opposant Israël aux Palestiniens. Les événements de ces derniers jours, et leur couverture par les « grands médias », confirment en effet malheureusement la plupart des constats opérés dans cette interview (Acrimed, 19 octobre 2015).

    Dans quelles conditions travaille-t-on lorsque l’on est journaliste dans les territoires palestiniens ?

    Le terrain est assez singulier. Il n’est pas accessible à tous les journalistes, il y a une forme de filtrage effectué par les autorités israéliennes, avec notamment la nécessaire obtention d’une carte de presse. Si l’on travaille pour une publication installée, renommée, cela s’obtient sans trop de problèmes. Dans le cas contraire, on ne l’obtient pas toujours. Or, par exemple, il est impossible de se rendre à Gaza sans carte de presse. Un second filtrage est effectué par Israël : c’est la censure militaire. Les journalistes à qui une carte est attribuée doivent s’engager à respecter la censure et à ne pas porter atteinte à la sécurité de l’État d’Israël. Enfin, la fragmentation géographique des territoires palestiniens est, de facto, un filtrage. Toutes les zones ne sont pas toujours accessibles. C’est ainsi que, lors des bombardements israéliens sur Gaza, à l’hiver 2008-2009, l’accès était fermé aux journalistes.

    Le territoire palestinien est exigu, ce qui crée en réalité des conditions favorables au travail de journaliste. On peut se rendre dans un lieu donné, mener son enquête, rentrer le soir même et rédiger son article. Par ailleurs, cela permet de faire des micro-enquêtes, des micro-reportages, de s’intéresser de manière précise au quotidien des Palestiniens. Parfois j’ai eu l’impression de faire des articles de type presse quotidienne régionale, à ceci près que le moindre de ces micro-reportages met toujours en jeu des questions politiques. Si l’on a envie de bien faire son travail, on peut donc proposer aux lecteurs des sujets originaux, variés, qui peuvent rendre palpable l’expérience quotidienne des Palestiniens et expliquer, beaucoup mieux que bien des sujets sur les épisodes diplomatiques tellement répétitifs et stériles, les enjeux de la situation.

    Comment manier les différentes sources sans être victime de la propagande ?

    On est confronté à une surabondance de sources, en réalité. Il y a bien sûr la presse, notamment la presse israélienne, avec des journalistes qui font très bien leur travail, par exemple au quotidien Haaretz. Il y a aussi une abondance d’interlocuteurs, notamment du côté palestinien, avec une réelle disponibilité. Ils veulent parler de leur situation, la faire connaître. Ils estiment que c’est dans leur intérêt de parler aux médias. Par exemple, il est relativement facile de parler, à Gaza, à un ministre du Hamas. Il y a aussi les sources venues de la société civile, avec les nombreuses ONG, tant du côté palestinien que du côté israélien, ou des différentes agences de l’ONU, très présentes sur le territoire. Ces ONG et ces agences produisent en permanence des rapports, des enquêtes, qui représentent une matière première considérable.

    L’important, c’est la gestion de ces sources. Le fait qu’il y ait surabondance peut en effet s’avérer être un piège. Premièrement, ces sources ne sont pas toutes désintéressées, elles peuvent avoir un agenda politique, il faut donc en être conscient et les utiliser à bon escient. Mais il y a un autre danger : on constate une tendance, dans la communauté des journalistes, à considérer que les sources israéliennes et les sources palestiniennes sont par définition partisanes. La tentation est donc de se rabattre sur ce qui apparaît comme un « juste milieu » : les sources venues de la communauté internationale, notamment les rapports de l’ONU, de la Banque mondiale, du FMI, etc. Ce n’est pas mauvais en soi, certains de ces rapports sont très fournis, très documentés, mais il y a tout de même des précautions à prendre. En effet, ces sources internationales restent prisonnières d’une certaine vision du conflit : la plupart d’entre elles sont arrivées dans la région après les accords d’Oslo et leur lecture du conflit est imprégnée de la logique et de la philosophie d’Oslo.

    Un exemple : la Banque mondiale a sorti récemment un rapport sur la corruption dans l’Autorité palestinienne. Les conclusions du rapport étaient en forme d’encouragement à la nouvelle administration palestinienne et au Premier ministre, Salam Fayyad, pour son travail de transparence, de modernisation des infrastructures et des institutions palestiniennes. Ce qui est assez choquant ici, c’est que la Banque mondiale est partie prenante de ce travail de réforme, elle verse de l’argent, elle participe aux programmes de développement qui sont mis en place dans les territoires palestiniens, etc. Que la Banque mondiale s’érige donc en arbitre des élégances palestiniennes, qu’elle distribue les bons et les mauvais points sur la corruption, est assez déplacé, puisque ce sont des politiques dans lesquelles elle est pleinement investie qu’elle prétend juger.

    J’ai rencontré la personne qui a enquêté et fait ce rapport, et il s’avère qu’elle a démissionné. En effet, son rapport a été en partie réécrit. C’est la philosophie même de son rapport qui a été remaniée, puisqu’elle y expliquait qu’en réalité c’était la structure même d’Oslo qui expliquait la corruption : un régime censé gérer une situation d’occupation pour le compte d’un occupant, en l’aidant par exemple à y faire la police, est par nature, par essence, générateur de corruption, qu’elle soit morale, politique ou économique. Or la Banque Mondiale n’a pas voulu que cette question soit abordée, y compris par sa principale enquêtrice : cela en dit long sur la situation, de plus en plus bancale, de plus en plus problématique, dans laquelle se trouvent ces organismes internationaux. Ils demeurent prisonniers d’un paradigme qui date de plus de vingt ans, et qui a largement failli. Il faut donc manier ces sources avec prudence.

    Certains insistent particulièrement sur le poids des mots, et notamment sur la portée symbolique de certains termes : mur/barrière, colonies/implantations, etc. Qu’en penses-tu ?

    Le débat au sujet de la clôture construite par Israël (faut-il parler d’un mur ? D’une barrière ? D’une clôture ?) est pour moi assez vain. Par endroit il s’agit effectivement d’une clôture électronique, avec des barbelés, à d’autres endroits il s’agit bien d’un mur... Donc le débat sur le nom m’intéresse assez peu. Pour moi, ce qui est essentiel, c’est de montrer les processus à l’œuvre derrière les mots, de montrer les réalités.

    On peut tout à fait dire qu’Israël construit un mur, mais si l’on oublie de préciser que ce mur est construit dans les territoires palestiniens et non pas entre Israël et la Cisjordanie, on passe à côté de la réalité de ce mur. Si on oublie de préciser, à propos des portes qui ont été aménagées par Israël dans le mur en expliquant qu’il ne s’agissait donc pas d’une annexion car les agriculteurs dont les champs se situent de l’autre côté du mur pourraient le franchir, qu’en réalité ces portes demeurent, la plupart du temps, fermées, ou que les soldats censés les ouvrir arrivent régulièrement en retard, de nouveau on rate la réalité.

    Il y a bien des mots qui sont piégés, mais pas nécessairement ceux auxquels on pense. Ainsi en va-t-il de Gilad Shalit, que presque tout le monde a présenté comme un « otage » qui avait été « kidnappé ». J’ai pour ma part toujours fait attention, dans mes écrits, à le qualifier de « prisonnier ». En effet, pour moi il ne fait aucun doute qu’il s’agissait bien d’un prisonnier de guerre, au même titre qu’un grand nombre de détenus palestiniens dans les prisons israéliennes. Et Gilad Shalit n’avait pas été « kidnappé », mais bien capturé par les Palestiniens.

    Autre exemple, et autre catégorie de mots piégée : c’est toute la nomenclature qui a été mise en place avec le processus d’Oslo. On parle de « processus de paix », de « président palestinien », de « gouvernement palestinien », etc. Le terme de « président » ne figurait pas, au départ, dans les accords d’Oslo. C’est la vanité de Yasser Arafat, et l’intelligence politique de Shimon Pérès, notamment, qui a vite compris l’intérêt qu’il avait à utiliser lui aussi ce terme. L’idée qu’il y avait un « président palestinien » entretenait l’idée qu’il se passait quelque chose d’historique : les Palestiniens avaient désormais un « président », ils n’étaient donc pas loin d’avoir un État... Or il est intéressant de questionner ce vocabulaire, cette sémantique : quels sont exactement les pouvoirs de ce « président » ? En réalité, il n’a pas beaucoup plus de pouvoir et d’attributions qu’un préfet (sécurité, aménagement du territoire), si ce n’est le fait qu’il peut se déplacer à l’étranger en prenant un avion prêté pour l’occasion par un pays arabe. Ses « pouvoirs » ne s’exercent en outre que sur une partie de la Cisjordanie, 40 % si l’on est optimiste, 18 % si l’on est plus réaliste et que l’on ne prend en compte que ce que l’on nomme les « zones autonomes » palestiniennes. Voilà qui donne une idée un peu plus précise de ce qu’est le « président » palestinien.

    Il en va de même avec le « processus de paix ». Ce terme entretient l’idée que même si parfois il y a des incidents, des moments un peu compliqués, globalement il y a un processus, une dynamique. Or force est de constater que, s’il y a peut-être eu au départ une dynamique, le « processus de paix » est très rapidement devenu un processus de chantage, un bras de fer totalement déséquilibré entre le géant israélien et le lilliputien palestinien, duquel Israël n’avait rien à craindre. C’est ainsi qu’avec sa mainmise sécuritaire Israël a pu continuer à acculer les Palestiniens, à construire les colonies, etc. Je pense donc que c’est bien du devoir des journalistes d’interroger ces termes, ces mots, et de leur redonner leur véritable sens.

    Je voudrais finir en ajoutant que ce qui est valable pour les mots est également valable dans un autre domaine : les cartes. Il existe en effet une production cartographique « classique » qui structure l’imaginaire, y compris l’imaginaire médiatique. On serait face à une région que l’on peut diviser en deux : à l’ouest, Israël, et à l’est, la Cisjordanie. Cela entretient l’idée que l’on va vers la création de deux États, qu’il suffirait d’opérer un découpage le long de la « ligne verte » qui séparerait Israël de la Cisjordanie. Or la réalité est bien différente : il y a, partout d’est en ouest, l’État d’Israël, avec en son sein quelques enclaves palestiniennes. Et lorsque l’on déplace le curseur géographique, comme lorsque l’on interroge le vocabulaire, on questionne vraiment les schémas classiques et les paradigmes sur la base desquels est trop souvent construite l’information. lundi 19 octobre 2015

    Avant de devenir journaliste au Monde (desk Proche-Orient), Benjamin Barthe a été pigiste à Ramallah durant neuf ans, de 2002 à 2011. Il a reçu le prix Albert Londres en 2008 pour ses reportages sur Gaza. Il est l’auteur de Ramallah Dream, voyage au cœur du mirage palestinien [1]. En octobre 2010, il participait à un « Jeudi d’Acrimed » dont la vidéo est visible ici-même. Pour le n° 3 de Médiacritique(s) (avril 2012), il nous a accordé l’entretien reproduit ci-dessous.

    http://www.acrimed.org/Informer-sur-le-Proche-Orient-La-tentation-est-de-se-rabattre-sur-ce-qui

  • Informer sur le Proche-Orient : le syndrome de Tom et Jerry (Acrimed)

     

    Nous remettons à la « une », trois ans après sa première publication, un article consacré au traitement médiatique du conflit opposant Israël aux Palestiniens. Les événements de ces derniers jours, et leur couverture par les « grands médias », confirment en effet malheureusement la plupart des constats opérés dans cet article (Acrimed, 15 octobre 2015).

    Contrairement à d’autres questions d’actualité internationale, le conflit opposant Israël aux Palestiniens est l’objet de nombreux articles, sujets et reportages. Le problème de la couverture médiatique de ce conflit n’est donc pas tant quantitatif que qualitatif. Un décryptage de cette couverture nous conduit à distinguer trois travers majeurs qui caractérisent l’information relative au Proche-Orient, telle qu’elle nous est proposée par les « grands médias ».

    De l’art d’équilibrer une situation déséquilibrée

    Le premier de ces biais est celui de l’injonction permanente à un traitement « équilibré » du conflit. Les événements du Proche-Orient suscitent en France, pour des raisons politiques, historiques et culturelles que l’on ne pourra pas développer ici, une attention toute particulière. Ils sont générateurs de passions et leur perception est marquée par une lourde charge émotive, ce qui ne manque pas d’avoir des répercussions sur la manière dont les grands médias essaient de les couvrir.

    D’où l’injonction au traitement « neutre », que l’on peut parfois assimiler à une forme de censure, voire d’autocensure de la part de certains journalistes et de certaines rédactions : il ne faudrait pas froisser l’un des deux « camps » et, pour ce faire, adopter une position « équilibrée ».

    Or la situation ne s’y prête pas, pour la bonne et simple raison que l’Etat d’Israël et les Palestiniens ne sont pas dans une situation équivalente. S’il existe bien un « conflit » opposant deux « parties », nul ne doit oublier que ses acteurs sont, d’une part, un Etat indépendant et souverain, reconnu internationalement, doté d’institutions stables, d’une armée moderne et suréquipée et, de l’autre, un peuple vivant sous occupation et/ou en exil, sans souveraineté et sans institutions réellement stables et autonomes.

    Adopter une démarche qui se veut équilibrée conduit donc nécessairement à occulter certains aspects de la réalité, tout simplement parce qu’ils n’ont pas d’équivalent dans l’autre « camp ». C’est ainsi que les grands médias privilégieront les moments de tension visible, en d’autres termes militaires, les « échanges de tirs », les « victimes à déplorer dans les deux camps » ou, dans un cas récent, les « échanges de prisonniers ». Il s’agit de montrer que la souffrance des uns ne va pas sans la souffrance des autres, et que les moments de tension ou d’apaisement sont liés à des décisions ponctuelles prises par l’un ou l’autre des deux « camps », ou par les deux conjointement.

    C’est ainsi qu’un tel traitement médiatique occulte presque totalement ce qui est pourtant l’essentiel de la vie quotidienne des Palestiniens et l’un des nœuds du « conflit » : l’occupation civile (colonies) et militaire (armée) des territoires palestiniens. Les camps militaires israéliens et les colonies n’ont pas d’équivalent en Israël, pas plus que les centaines de checkpoints qui morcellent les territoires palestiniens, le mur érigé par Israël, les réquisitions de terres et les expulsions, les campagnes d’arrestations, les attaques menées par les colons, les périodes de couvre-feu, les routes interdites sur critère national, etc.

    Une couverture qui se veut « équilibrée » conduit nécessairement, par la recherche permanente d’un contrepoint, d’un contrechamp, d’une équivalence, à passer sous silence des informations pourtant essentielles : c’est ainsi qu’il faut aller consulter la presse israélienne pour savoir, par exemple, que pour la seule année 2010 ce sont pas moins de 9 542 Palestiniens de Cisjordanie qui ont été déférés devant les tribunaux militaires israéliens, avec un taux de condamnation de 99,74 %. Une information des plus parlantes, mais qui n’a pas d’équivalent côté israélien. Elle ne sera donc pas traitée.

    Cette couverture biaisée, cette « obsession de la symétrie », au nom d’une prétendue neutralité, conduit donc les grands médias à offrir une image déformée des réalités proche-orientales. Le public est ainsi dépossédé d’une partie pourtant indispensable des éléments de compréhension de la persistance du conflit opposant Israël aux Palestiniens. A fortiori dans la mesure où ce premier biais se double d’un second, tout aussi destructeur pour la qualité de l’information : le « syndrome de Tom et Jerry ».

    Le syndrome de Tom et Jerry

    Tom et Jerry, célèbres personnages de dessins animés, sont en conflit permanent. Ils se courent après, se donnent des coups, construisent des pièges, se tirent parfois dessus et, quand ils semblent se réconcilier, sont en réalité en train d’élaborer de nouveaux subterfuges pour faire souffrir l’adversaire. Le spectateur rit de bon cœur, mais il reste dans l’ignorance : il ne sait pas pourquoi ces deux-là se détestent, on ne lui a jamais expliqué pourquoi Tom et Jerry ne peuvent pas parvenir à une trêve durable, voire une paix définitive.

    La comparaison a ses limites, mais il n’est sans doute pas exagéré de considérer que les grands médias, notamment audiovisuels, nous offrent souvent, lorsqu’il s’agit du Proche-Orient, une information digne de Tom et Jerry : « le cycle de la violence a repris » ; « la trêve a été brisée » ; « la tension monte d’un cran » ; « les deux parties haussent le ton » ; etc.

    Mais pourquoi ces deux-là se détestent-ils ? Bien souvent, le public n’aura pas de réponse. Il devra se contenter d’une couverture médiatique qui se focalise sur la succession des événements, sans s’interroger sur les causes profondes ou sur les dynamiques à long ou moyen terme. L’information est donc la plupart du temps décontextualisée, dépolitisée, déshistoricisée, quitte à flirter allègrement avec le ridicule.

    C’est ainsi qu’en décembre 2010, un véritable morceau de bravoure a été publié dans le quotidien Libération. Ce « reportage », que nous avons analysé en détail sur notre site [1], cumulait la quasi-totalité des travers de l’information relative au Proche-Orient, entre autres le syndrome de Tom et Jerry. Nous écrivions alors :

    L’absence de la mention des racines politiques et historiques des « tensions » peut parfois confiner au ridicule. Témoin ce passage de l’article, un véritable chef-d’œuvre du genre : « Les tensions se sont pourtant multipliées ces derniers temps. En août, l’élagage d’un arbre par des soldats israéliens sur la ligne bleue, tracée par l’ONU après le retrait israélien du Sud-Liban en 2000, a fait quatre morts et failli dégénérer en conflit ouvert. » On se frotte les yeux et on relit pour être sûr de bien comprendre, en retenant seulement cette fois-ci le sujet, le verbe et le complément : L’élagage d’un arbre… a fait quatre morts.

    Mais que s’est-il passé ? Les élagueurs sont-ils tombés de l’arbre ? Ou alors est-ce l’arbre qui est tombé sur une famille qui pique-niquait tranquillement ? Ou peut-être, autre explication plausible, est-ce le Hezbollah, mouvement islamique et donc, à sa façon, « vert », qui a manifesté sa fibre écologiste en voulant venger la mort d’un arbre ?

    Trêve d’ironie : malheureusement, l’incident dit « de l’arbre » a, lui aussi, été tragique, se soldant par la mort de deux policiers et d’un journaliste libanais, ainsi que celle d’un officier israélien. La seule explication qui permet de comprendre comment les choses ont ainsi pu dégénérer est bien évidemment le contentieux frontalier entre Israël et le Liban. En effet, même si Israël s’est retiré du Liban en 2000 après vingt-deux années d’occupation, le tracé de la « frontière » est toujours objet de polémique. Polémique aussi au sujet de la zone dite des « fermes de Chebaa », conquise par Israël en 1967. Et quiconque observe la vie politique régionale sait que c’est notamment parce qu’il revendique la souveraineté arabe sur les zones occupées que le Hezbollah se considère toujours en guerre contre Israël.

    C’est ainsi que bien souvent les grands médias proposent au public de se focaliser sur l’arbre qui cache la forêt. Les événements spectaculaires et les causalités immédiates sont privilégiés, au détriment de l’exposé et de l’analyse des causes profondes et des tendances sur la longue durée. Le pseudo-équilibre et la course à l’événement vont peut-être offrir au public les moyens de s’émouvoir, mais absolument pas de comprendre.

    Un journalisme de diplomates ?

    Un troisième et dernier biais peut être identifié : il s’agit de l’alignement quasi-systématique des lignes éditoriales sur l’agenda diplomatique. Il ne s’agit pas seulement de privilégier, ou de valoriser, les analyses et les propositions de la diplomatie française et, plus généralement, occidentale. Il s’agit bien souvent de trier les informations, consciemment ou non, en fonction des aléas du mal-nommé « processus de paix ».

    Deux exemples illustrent cette idée. C’est seulement à partir de l’année 2002 que la thématique de la nécessaire « réforme » de l’Autorité palestinienne a fait son apparition marquée dans les grands médias français. Corruption, clientélisme, népotisme, etc. : le « système Arafat » était un véritable échec, et toute perspective de « sortie du conflit » passerait nécessairement par une refonte du système institutionnel palestinien et par l’émergence de nouveaux acteurs. Coïncidence ? C’est précisément à cette période que les Etats-Unis et Israël ont considéré que Yasser Arafat, qui avait pourtant été un acteur central du « processus de paix », n’était plus un interlocuteur crédible et devait être mis hors-jeu.

    La corruption et l’incurie de l’appareil politico-administratif palestinien étaient un secret de polichinelle pour quiconque s’intéressait un tant soit peu à la question. Nombre de rapports d’ONG ou de commissions parlementaires étaient en circulation depuis le milieu des années 1990. Ces informations avaient été rarement relayées et ne semblaient pas, à l’époque, nécessiter une attention médiatique particulière. L’explication la plus probable est qu’alors, le « processus de paix » dans sa version originelle semblait demeurer une perspective crédible pour les Occidentaux et qu’il ne fallait pas prendre le risque de le mettre en péril en critiquant ouvertement la direction Arafat. C’est lorsque la donne diplomatique a changé, au début des années 2000, que l’attention des médias s’est progressivement déplacée vers des questions jusqu’alors ignorées.

    Deuxième exemple, parmi d’autres : Mahmoud Abbas. Le président de l’Autorité palestinienne est lui aussi un personnage central du « processus de paix ». Considéré comme plus « modéré » et plus « pragmatique » que son prédécesseur, Yasser Arafat, il a durant de longues années bénéficié des louanges de l’administration états-unienne, des chancelleries occidentales et même des responsables israéliens. Et même si la démarche qu’il a entreprise à l’ONU lui a attiré de nombreuses critiques, il continue d’être considéré comme un élément clé dans la perspective d’éventuelles négociations.

    Tel est le personnage que donnent également à voir les grands médias. Mais le public sait-il, par exemple, que Mahmoud Abbas a préfacé en 1983 un ouvrage de Robert Faurisson sur les chambres à gaz, avant de publier une thèse de doctorat contenant des éléments négationnistes ? Non. Cette information est-elle indispensable et mériterait-elle nécessairement d’être communiquée ? La question mérite débat. Mais imaginons, l’espace d’un instant, que ce ne soit pas Mahmoud Abbas mais l’un des deux dirigeants les plus en vue du Hamas (Khaled Meshaal et Ismaïl Haniyah) qui ait préfacé Faurisson ou publié une thèse négationniste. Peut-on imaginer que cette information serait longtemps dissimulée au public ? La réponse est, bien évidemment, dans la question.

    L’hypothèse selon laquelle Mahmoud Abbas jouit d’un traitement « différencié » en raison de son rôle, avéré ou non, potentiel ou plausible, dans une solution diplomatique telle que la conçoivent les pays occidentaux, est donc très largement probable. Elle est, à l’image du changement de ton par rapport à Yasser Arafat, une des très nombreuses confirmations de l’alignement, volontaire ou non, de la plupart des grands médias sur les positions et les rythmes diplomatiques français, phénomène typique du « journalisme de guerre » (voir à ce sujet sur notre site la rubrique « Journalisme de guerre »). Il ne s’agit évidemment pas de porter un jugement sur la politique française ou sur les dirigeants palestiniens eux-mêmes, mais bien de constater, une fois de plus, que la rigueur journalistique s’efface lorsque la diplomatie s’en mêle.


    Quelques notables exceptions permettent d’éclaircir un peu ce sombre tableau, notamment du côté des rares correspondants permanents de la presse écrite et audiovisuelle. Mais leur rareté ne fait que confirmer les tendances générales telles que nous venons de les décrire. Les trois écueils que nous avons signalés ici sont rarement évités par les grands médias et ajoutent une victime supplémentaire au conflit opposant Israël aux Palestiniens : l’information.

    Julien Salingue  jeudi 15 octobre 2015

    - Article publié dans le magazine trimestriel d’Acrimed, Médiacritique(s), n°3 (avril 2012)

    http://www.acrimed.org/Informer-sur-le-Proche-Orient-le-syndrome-de-Tom-et-Jerry

     
  • Festival de films « Proche-Orient, ce que peut le cinéma » (Ujfp)

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    Vendredi 20 au dimanche 29 novembre – Paris (75), festival de films « Proche-Orient, ce que peut le cinéma » organisé par Janine Euvrard, critique de cinéma, écrivaine et membre de l’UJFP.

    Notre association est partenaire de ce festival, qui présente 37 films d’Israël, de Palestine et du monde arabo-musulman (le Liban, la Syrie, l’Irak, la Libye et l’Iran).

    De nombreuses projections sont suivies de débats avec la participation d’intervenants tels Leila Shaid, Carol Mansour, Françoise Germain-Robin, Vanessa Rousselot, Dominique Vidal, Sylvain Cypel et Zaid Medoukh.

    Présentation par les organisateurs :

    La 7è édition de notre Biennale Proche orient, ce que peut le cinéma se déroulera du 20 au 29 novembre prochain dans le cinéma historique Les 3 Luxembourg, premier complexe Art et Essai du Quartier Latin.

    The Wanted 18 de Amir Shomali, sélectionné aux Academy Awards pour représenter la Palestine, ouvrira notre manifestation, en présence de Leila Shahid (ex délégué de la Palestine à l’Union Européenne) et Dominique Vidal (journaliste/écrivain).

    Ces 10 jours de programmation proposeront entre 35-40 films, la plupart inédits en France, et 9 grands débats chaque soir abordant les thèmes comme Israël-Palestine, Les leviers de la paix, Le chaos libyen, Egypte, le calvaire des femmes égyptiennes, Iran, un accord historique Irak et Syrie, Les racines de Daesh, Le Liban submergé par les réfugié, Gaza, un an après…

    La photo qui illustre, cette année, notre manifestation grâce à l’UNRWA, est signée d’un jeune photographe palestinien, Khalid Hasan Atif, qui a remporté le Prix du public au Concours de Photographie UNRWA de la jeunesse 2014.

    Le gagnant de ce même concours, Niraz Said, 23 ans, dont la photo a été prise dans le camp de réfugiés de Yarmouk, près de Damas en Syrie, participe au film de Rashid Masharawi Lettres de Yarmouk programmé le 28 novembre.

    Eyes of a Thief de Najwa Najjar, également inédit en France, clôturera notre Biennale.

    Ces projections, toutes enrichies soit d’un Q&A, soit d’un débat avec des spécialistes des sujets traités, donneront, nous l’espérons, l’occasion au public d’en apprendre davantage sur le travail de tous ces cinéastes et sur la politique de tous ces pays du Moyen Orient.

    Rendez-vous

    À Paris (6ème) : Festival de films « Proche-Orient, ce que peut le cinéma (...) 
    du vendredi 20 novembre 2015 à partir de 09h00 au dimanche 29 novembre 2015 jusqu'à 23h00
    Au cinéma Les 3 Luxembourg

    67 rue Monsieur le Prince, 75006 Paris (RER Luxembourg)

    http://www.ujfp.org/spip.php?article4416

  • Palestine, quand le discours dominant envahit les médias (Afps)

     

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    Le parti-pris pro-israélien des dirigeants français – et de nombre de dirigeants européens sans parler des Etats-Unis – est une constante. Ainsi les déclarations de M. Hollande lors d’un dîner avec M. Nétanyahou (« j’aime Israël et ses dirigeants » [1]), les premières affirmations que la sécurité d’Israël primait sur le droit, international et humanitaire, pendant l’attaque israélienne contre Gaza à l’été 2014, ou encore la criminalisation de la solidarité avec le peuple palestinien, notamment BDS. La permanence de la politique française au Proche-Orient est une allégeance réitérée à l’axe Tel-Aviv/Washington.

    Ce tropisme se reflète bien évidemment dans la plupart des « grands » médias classiques qui à leur tour le véhiculent et le propagent. Cercle vicieux qui porte bien son nom.

    En témoigne la couverture de la situation explosive qui existe aujourd’hui en Cisjordanie occupée.

    Le Monde écrit ainsi des titres révélateurs les 4 et 5 octobre 2015 : Vives tensions après plusieurs agressions à Jérusalem [2] / Vaste opération israélienne dans le nord de la Cisjordanie après le meurtre de deux colons [3], titres qui donnent à comprendre que la responsabilité première incombe aux Palestiniens.

    RMC, le 4 : "Deux morts à Jérusalem, deux Israéliens tués à l’arme blanche par deux Palestiniens, les agresseurs ont été abattus". On notera que cela ne fait que deux morts, pas quatre !

    Ou le Figaro, toujours le 4 : Jérusalem : fermeture de la Vieille ville après une attaque au couteau [4] puis, pire, le 6 octobre : Face au regain de violence, Nétanyahou promet d’agir « avec une main de fer » [5].

    Libération annonce lui, le 5 octobre, Israël : une intifada venue de la rue [6], article bien documenté mais qui omet que c’est en Palestine occupée et non en Israël que la révolte palestinienne gronde, tandis que le journaliste reprend à son compte le vocabulaire israélien : Tsahal ou Etat hébreu, terme qui nie la réalité palestinienne en Israël (21% de la population d’Israël est palestinienne).

    Reuters se contente, encore le 5, de titrer Deux agressions à l’arme blanche en quelques heures à Jérusalem [7], mais le corps de l’article est éclairant sur le regard porté et véhiculé.

    Cependant, RFI se distingue, honorablement, par des articles qui n’incitent pas le lecteur à une compréhension partisane de l’information. Ainsi : Heurts en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, vers une troisième intifada ? Mais le titre de la rubrique est : Israël. [8]

    Et l’Humanité fait évidemment exception à cet alignement sur le discours israélien dominant en titrant par exemple le 6 octobre : L’armée israélienne tire à vue sur les Palestiniens [9].

    Si certains médias présentent des articles qui couvrent aussi la violence imposée aux Palestiniens dans l’ensemble de la Cisjordanie occupée, fort peu reviennent sur les raisons de cette « explosion de violence ». 20 minutes oui, qui titre par exemple Violences en Cisjordanie : « Ce n’est que la partie émergée de l’iceberg » [10].

    Nombre d’articles font commencer « le regain de violence » à la mort de colons le 2 octobre. L’image donnée des colons est celle de civils innocents. Fort peu de médias relatent que, depuis des années, les milices lourdement armées des colons et/ou l’armée israélienne agressent quotidiennement les Palestiniens, ou, comme ces jours-ci, tirent à balles réelles sur des manifestants armés de simples pierres, abattent à bout portant une jeune Palestinienne portant un sac à Hébron, un écolier rentrant de l’école à Bethléem, un jeune homme à Jérusalem qui, pourchassé par des colons, cherche refuge auprès des soldats qui l’abattent…

    Quels articles, dans les médias traditionnels, sur l’arrachage des oliviers palestiniens multi-centenaires, le rasage des maisons et bâtiments palestiniens de la vallée du Jourdain, l’appropriation de l’eau au profit des colons, les routes réservées à l’armée et aux colons, interdites aux Palestiniens sur la terre palestinienne ? Quel journaliste « mainstream » raconte que, comme en Afrique du Sud sous l’apartheid, la démolition des maisons, l’utilisation de chiens d’attaque contre les civils, sont une pratique israélienne courante ? Qui dit les quelque 6000 prisonniers palestiniens illégalement détenus sur le territoire israélien ? Où a-t-on lu les provocations des colons et de certains hauts dirigeants israéliens d’extrême droite dans Jérusalem-Est occupée, notamment l’esplanade des mosquées ? Quelle couverture médiatique « grand public » est réservée au blocus illégal de Gaza ou à la colonisation tout aussi illégale de la Cisjordanie ? Qui rappelle que la résistance est un droit et qu’elle découle de l’occupation, que les peuples ont le droit à l’autodétermination, et que la colère palestinienne nait de l’injustice et de la violence coloniale ?

    Pour obtenir ces informations factuelles et ces rappels, il faut recourir aux médias palestiniens et arabes rarement disponibles en français [11] ou aux réseaux sociaux.

    Et bien sûr, des journaux de grande qualité comme le Monde diplomatique et ses blogs, le site Médiapart ou encore Orient XXI [12] présentent régulièrement de véritables analyses qui s’opposent à la désinformation ou la superficialité de médias susmentionnés. De même pour des centres de recherche comme l’Iris ou l’Iremmo dont les sites sont accessibles à tous [13]. [14]

    Bilan désolant mais qui doit motiver d’autant plus les médias alternatifs ou militants à faire connaître la situation sur le terrain, à analyser et partager y compris avec les journalistes des médias « grand public » pour les inciter à mieux s’informer et à plus de déontologie. Pour contrer le rouleau compresseur du discours dominant, relais de la politique coloniale israélienne, malheureusement partagé par de nombreux médias et dirigeants politiques.

    Claude Léostic, membre du Conseil National de l’AFPS, présidente de la Plateforme Palestine, mardi 6 octobre 2015

    http://www.france-palestine.org/Quand-le-discours-dominant-envahit-les-medias

  • Nouveautés sur Association France Palestine Solidarité

  • Pourquoi les grands médias français occultent-ils la descente du RAID contre Pierre Stambul ? (UJFP)

     

    Article de Mohamed Saadoune paru sur le site du AL HUFFINGTON POST Maghreb-Algérie le 14 juin 2015

    L’affaire n’a pas fait "grand bruit" en France, les "grands médias" ont choisi de l’ignorer. Sans Mediapart, Rue 89, Politis et des informations militantes diffusées sur les réseaux, elle n’aurait pas existé. Le Figaro a fait cependant le "minimum" syndical, il est le seul dans la "grande presse" en publiant une synthèse à partir d’un article de la Marseillaise.

     

    Mais les grands médias français ont choisi délibérément de ne pas parler de Pierre Stambul, co-président de l’Union juive française pour la paix (UJFP), victime d’une descente du RAID qui l’a appréhendé, de manière musclée, de nuit, sur la base d’une manipulation le présentant comme ayant tué sa femme.

    Un juif, militant des droits de palestiniens et qui est actif dans la campagne BDS, cela semble gêner. Au point d’occulter radicalement l’information. Dans les grands titres de la presse nationale française, l’affaire Pierre Stambul, n’existe pas.

    Et pourtant, il y avait des choses à dire dans cette incroyable affaire où un militant, dont le père faisait partie de la résistance française et était membre du groupe Manouchian, est arrêté de manière musclée pour avoir prétendument tué sa femme qui était, à ses côtés, bien vivante et horrifiée de voir comment on traitait son mari.

    Les policiers, a expliqué par la suite Pierre Stambul, ont compris après cinq minutes qu’ils avaient fait erreur mais la machine ne s’est pas arrêtée. Pierre Stambul a été arrêté, menotté, emmené et "placé en garde à vue pendant sept heures au commissariat du 8e arrondissement situé rue de... Haïfa, avant d’être relâché "sans une excuse", comme le note la Marseillaise.

    Sur les TV françaises qui d’habitude suivent les éléments du RAID lors des descentes contre les barbus, c’est le black-out total. Ou presque.

    Car, le Journal de France 3 Provence Alpes, a rompu le silence cathodique et a abordé le sujet qu’on veut taire et a donné la parole à Pierre Stambul, victime probable d’un hacker criminel qui agit en toute impunité à partir d’Israël.

    Intimidations

    Le politologue Pascal Boniface, directeur de l’IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques) note que cette affaire qui rappelle de "mauvais souvenirs" n’a pas du tout "ému les médias et le milieu politique".

    Dans le domaine politique, la seule réaction notable* est celle du Parti Communiste français (PCF) qui a dénoncé le "harcèlement" subi par des militants pour une "paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens". Le Parti communiste français a exprimé son soutien et sa solidarité à Pierre Stambul, Jean-Claude Lefort, à Eva Labuc, à Vincent Liechti, "tous ciblés par ces opérations mais aussi par des messages internet insultants et diffamatoires".
    Il dénonce une "manœuvre grossière" visant à jeter "l’opprobre et le doute sur ces militants d’intimider tous les partisans d’une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens".

    Un acte clairement antisémite

    "L’auteur présumé de ces opérations est connu des autorités françaises. Quelles suites seront réservées à cette affaire qui touche à la réputation d’hommes et de femmes intègres et à la sécurité intérieure de la France ?" s’interroge le PCF qui a demandé qu’une Commission d’enquête parlementaire soit mandatée dans les plus brefs délais pour y répondre avec précision.

    Pascal Boniface se demande pourquoi le RAID intervient-il dans une affaire pareille et pourquoi Pierre Stambul a-t-il été emmené "alors que sa femme était à ses côtés et manifestement vivante…."

    Pour le politologue, on est en présence d’un "acte clairement antisémite, car c’est bien parce que Pierre Stambul est juif qu’on s’est attaque à lui. Ou plutôt, c’est parce que Stambul est juif et qu’il est critique de la politique du gouvernement israélien, ce qui pour des gens est inadmissible, et nourrit sa haine dévastatrice".
    Après Pierre Stambul, Jean-Claude Lefort, député honoraire et ancien président de l’Association France Palestine Solidarité a eu droit à la BAC (brigade anti-criminalité).

    "Le climat est de plus en plus pestilentiel. On ne peut pas admettre que ceux qui, en raison de convictions universalistes, et quelles que soient leurs origines, puissent être soumis à de telles attaques".

    En occultant cette scandaleuse affaire alors qu’il est de leur devoir d’en parler, les grands médias français participent indubitablement à ce climat. dimanche 14 juin 2015

    http://www.ujfp.org/spip.php?article4228LIRE AUSSI : Le militant de l’UFJP, 65 ans, a été menotté puis gardé à vue pendant 7 heures avant d’être relâché

    * Nous, Npa, on n'est pas notable, alors?

  • Naji...

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    Naji al-Ali, créateur de caricaturiste palestinien de Handala. Assassiné par le Mossad en 1987 à Londres.

    Il n'y a aucun marches contre le terrorisme et pour la liberté d'expression pour Naji.

  • Sept manières dont l’Arabie saoudite muselle les internautes (Amnesty)

    Raif Badawi a été arrêté le 17 juin 2012 et est emprisonné depuis lors en Arabie saoudite.

    Raif Badawi purge une peine de 10 ans de prison en Arabie saoudite, notamment pour avoir créé un site web. Un autre blogueur du pays – qui doit garder l’anonymat pour sa sécurité – nous parle des différents stratagèmes dont usent les autorités pour museler les internautes.

    1. Bâillonner toute personne ayant une opinion indépendante
    « Dans l’ensemble, la situation est très mauvaise en Arabie saoudite, surtout pour les personnes qui ont des opinions indépendantes, à contre-courant. Récemment, des journalistes, des athlètes, des poètes, des blogueurs, des militants et des utilisateurs de Twitter ont fait l’objet d’enquêtes, d’arrestations et de détentions de courte durée. »

    2. Rejeter tous les problèmes sur le terrorisme
    « Les autorités sont fragiles. Elles se servent de différents moyens pour bâillonner et réprimer la dissidence, notamment la loi sur le terrorisme, un texte scandaleux utilisé pour terroriser les personnes qui ont des opinions. Les tribunaux prononcent des peines de prison de 10 ans ou plus pour un simple tweet. Les personnes athées ou en contact avec des organisations de défense des droits humains sont accusées de “terrorisme”. »

    3. Lancer des attaques personnelles contre les blogueurs
    « On m’a fait toutes sortes de problèmes. Les autorités sont allées voir les fournisseurs d’accès qui hébergeaient mon site web personnel en leur demandant de le bloquer et d’en effacer tous les contenus. Elles m’ont également envoyé des agents des forces de sécurité pour me dire d’arrêter ce que j’étais en train de faire dans mon intérêt et celui de ma famille. Plus tard, j’ai été officiellement interdit de blog et menacé d’arrestation si je continuais. J’ai cédé et j’ai arrêté pour protéger ma famille. »

    4. Interdire, accuser à tort et licencier
    « Beaucoup de blogueurs ont vu leurs activités restreintes ou interdites. Certains d’entre eux – que je connais – font toujours l’objet d’une enquête au sujet de blogs qu’ils ont tenus en 2008, alors qu’ils ont quitté la blogosphère depuis. Les blogueurs saoudiens peuvent également perdre leur travail et se voir empêchés de gagner leur vie. Beaucoup doivent faire face à des allégations mensongères les présentant comme “athées” ou “fous”. La quasi-totalité des aspects de la vie du blogueur font l’objet de restrictions. »

    5. Généraliser la cybersurveillance et la censure
    « La censure bat son plein, surtout depuis l’adoption de la loi sur le terrorisme. Un poète a été arrêté à la suite d’un simple tweet dans lequel il critiquait indirectement le roi Abdullah en des termes symboliques. Sachant qu’il y a plusieurs millions d’internautes en Arabie saoudite, cela veut dire que les autorités gardent un œil sur tout ce qui s’écrit. Nous avons également appris dans la presse internationale que l’Arabie saoudite se servait de la cybersurveillance pour pirater et surveiller les comptes des militants. »

    6. Mobiliser une cyber-armée
    « Les autorités disposent d’une puissante armée d’informaticiens qui diffusent une image trompeuse de la situation en Arabie saoudite pour leurrer les gens à l’étranger. Ils créent des sites web, des chaînes YouTube et des blogs qui s’en prennent aux militants et aux opposants en les faisant passer pour des athées, des infidèles et des agents qui prônent la désobéissance au roi. En revanche, ces sites web, ces chaînes et ces blogs font souvent l’éloge de l’État et de son action. J’ai personnellement été victime de ce type de campagnes orchestrées par l’État visant à ternir ma réputation. »

    7. Infliger des sanctions brutales
    « Le cas de Raif Badawi illustre une fois de plus la cruauté d’un État qui continue de gouverner au moyen de sanctions archaïques comme les coups de fouet, les fortes amendes et les peines de prison excessives. Le gouvernement saoudien doit savoir que le monde ne lui appartient pas et qu’il ne peut pas réduire le monde au silence par l’argent. »

    Raif Badawi a été arrêté le 17 juin 2012 et est emprisonné depuis lors en Arabie saoudite.

    © Juan Osborne pour Amnesty International

    décembre 2014

    En un coup d'œil

    Écrivez une lettre, changez sa vie

    Écrivez au roi d’Arabie saoudite en l’exhortant à libérer Raif Badawi dans les meilleurs délais.

    Utilisez la formule d’appel « Sire » (« Votre Majesté » dans le corps du texte) et envoyez votre lettre à l’adresse : His Majesty King Abdullah bin Abdul Aziz Al Saud, The Custodian of the Two Holy Mosques, Office of His Majesty the King, Royal Court, Riyadh, Royaume d’Arabie saoudite.

    Agissez en ligne

    http://www.amnesty.org/fr/news/7-ways-saudi-arabia-silencing-people-online-2014-12-06

  • Du 28 au 30 novembre, rencontres cinématographiques sur la Palestine. Genève

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    Faire connaître et discuter dans la cité et dans la société civile, la réalité quotidienne du peuple palestinien, les enjeux sociaux, économiques et politiques de la résistance à l’occupation et à la colonisation, au travers du regard des cinéastes palestiniens, où qu’ils vivent, c’est le but des rencontres cinématographiques du 28 au 30 novembre prochain à Genève.

    Aller au site officiel

    http://www.gauche-anticapitaliste.ch/?p=880#!prettyPhoto

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  • Gaza : le silence tue, la désinformation rend complice (Acrimed)

    Nous publions, sous forme de tribune [1], un texte collectif, signé par plusieurs chercheurs, intellectuels, et par le Secrétaire général de la Fédération Européenne des Journalistes. Ce texte a été rédigé en Belgique et adressé en priorité aux médias belges, mais aucun des titres de presse sollicités n’a souhaité le publier. Il dénonce des mécanismes également identifiables dans les médias français (Acrimed).

    Quel bilan tirer de l’opération israélienne « Bordure Protectrice », 3 semaines après l’accord d’un cessez-le feu ? C’est avec amertume, indignation, mais aussi avec inquiétude que nous nous interrogeons sur le traitement médiatique de la tragédie qui a frappé la Bande de Gaza. En faisant - consciemment ou non - usage d’expressions communément acquises, la presse s’est rendue coupable de désinformation.

    Nous, citoyens belges et européens, accusons la majorité des médias d’appliquer – délibérément ou non – la politique des « deux poids, deux mesures » lorsqu’il s’agit d’aborder ces événements atroces. Ainsi, parler de « guerre » est-il correct alors que le conflit oppose David à Goliath ? L’histoire atteste que nous sommes face à une répression de type colonial contre une population en résistance face aux occupants. Nous sommes consternés par la représentation d’un « conflit » où oppresseurs et opprimés se valent. Le principe d’« équidistance » a-t-il quelque sens dans un affrontement qui oppose l’armée israélienne - considérée comme la cinquième armée la plus puissante au monde - à des roquettes palestiniennes, pour la plupart artisanales ?

    Il ne s’agit pas ici de reprocher aux médias de parler « des deux camps », mais bien leur représentation systématique, toujours au nom de l’« équidistance », des opérations des uns et des autres. Cette approche crée chez le lecteur, l’auditeur ou le téléspectateur le sentiment d’une égalité entre protagonistes. Ainsi, les roquettes palestiniennes, qui pour près de 87% sont interceptées, en arrivent à être présentées comme l’équivalent des chars, drones, F16, hélicoptères et missiles dernier-cri israéliens. Les 1,7 million de Gazaouis, eux, n’ont pas de Dôme de fer… Ils connaissent par contre une densité démographique supérieure à celle du Bangladesh sur 365 km2 (la moitié de la superficie du littoral belge). Une telle densité permet d’apprécier à sa juste valeur le leitmotiv propagandiste des « boucliers humains » du Hamas et la prétention d’Israël à s’en tenir à des « frappes chirurgicales ».

    Nous dénonçons cette prétendue égalité entre protagonistes, renforcée par un traitement le plus souvent purement événementiel de l’actualité. Il faut rappeler que la Bande de Gaza est occupée depuis 1967 et assiégée depuis l’arrivée au pouvoir du Hamas, il y a 7 ans. Depuis, la population entière en fait les frais : encerclée par mer, terre et air pour avoir « mal choisi », dit-on, ses dirigeants. On l’a souvent dit : « Gaza est une prison à ciel ouvert ». Ce qui explique que l’ONU considère toujours le territoire comme étant sous occupation. Ni sortie de secours, ni lieu sûr. Pas même au sein des hôpitaux ou des écoles. Dans cette atmosphère oppressante, toute tentative de révolte des Palestiniens est présentée comme « activité terroriste » par des journalistes qui se font ainsi les porte-voix de la propagande israélienne. Faut-il rappeler que les résolutions de l’ONU et principalement la résolution 37/43 légitiment la lutte armée contre la domination coloniale ? Trop souvent, nos médias présentent exclusivement le Hamas comme un mouvement « islamiste radical », jamais comme un mouvement de libération nationale, déclenchant ainsi de façon pavlovienne des réflexes de peur et de rejet.

    C’est l’enlèvement de trois jeunes Israéliens retrouvés morts en Cisjordanie occupée qui est systématiquement présenté comme l’élément déclencheur des hostilités entre Israël et Gaza. Le Hamas, accusé sans preuves de ce rapt a vu des centaines de ses militants et cadres locaux arrêtés. Malgré l’humiliation et les privations quotidiennes que subissent les Gazaouis, ce n’est que suite à ces arrestations d’envergure que les premières roquettes ont été tirées depuis la Bande de Gaza. Les premières du Hamas depuis… 2012. C’est aussi l’élimination, le 7 juillet, de sept combattants du Hamas qui a mené celui-ci à considérer que le cessez-le-feu avec Israël, négocié en novembre 2012 et qui engageait chaque partie à ne pas mener d’opérations militaires contre l’autre, était rompu.

    Les finalités de l’opération israélienne « Bordure Protectrice » se voient tout à fait discréditées : mener des attaques de « représailles légitimes » afin d’éradiquer les tirs de roquettes. Or l’on sait que ce sont les opérations militaires israéliennes qui engendrent davantage de tirs de roquettes et font donc des victimes israéliennes. La boucle est bouclée, le cercle vicieux installé. Israël dit vouloir arrêter la violence contre ses citoyens, mais, contribue paradoxalement à la provoquer.

    Nous accusons la plupart des médias de manipuler l’opinion en présentant le Hamas comme « l’organisation qui n’a pas accepté la trêve » ou « qui la viole constamment ». Et qui par conséquent, ne protège pas ses civils. Rappelons que la première proposition de cessez-le-feu a été discutée entre le gouvernement israélien et le gouvernement égyptien dirigé par le maréchal Al-Sissi, fervent opposant au Hamas. Peut-on imaginer la négociation d’une trêve si toutes les parties concernées ne sont pas présentes aux discussions ou si aucune des conditions demandées, par les représentants du peuple palestinien, n’a été évoquée ?

    Des médias comparent les statistiques des morts civils palestiniens à celles des soldats israéliens tombés. Comparaison honteuse. D’autres médias cultivent la peur des « djihadistes » belges ou français partis combattre en Syrie, mais épargnent l’image de ces autres Belges ou français enrôlés dans l’armée d’occupation israélienne.

    Cette approche médiatique, ce constat flagrant de sympathie première envers Israël se révèlent consternants et nous poussent à nous interroger sur les fondements d’une « osmose culturelle » avec cet État, alors que ce dernier piétine de manière constante les principes démocratiques et le droit international.

    « Bordure protectrice » a fait plus de 2.100 victimes palestiniennes dont 500 enfants.

    Nous, lecteurs, auditeurs, et téléspectateurs belges et européens, accusons une partie de la presse, de désinformation lorsqu’il s’agit de traiter des crimes de guerre commis par Israël à Gaza et en Palestine occupée.

    Des gouvernements en passant par la population, toute la société dépend du Quatrième pouvoir, celui des médias, pour se forger son opinion. Jusqu’à présent, le travail indispensable d’investigation journalistique a souvent fait défaut. Sous couvert de neutralité, beaucoup de médias désinforment. Ils se rendent et nous rendent complices de la tragédie de Gaza.

    Comme l’affirmait Desmond Tutu, « rester neutre face à l’injustice, c’est choisir le camp de l’oppresseur ».

    le 16 septembre 2014

    - Anissa Amjahad - Docteure en sciences politiques et sociales (ULB)
    - Frank Barat - Militant et auteur
    - Sébastien Boussois - Docteur en sciences politiques
    - François Burgat - Politologue, Aix-en-Provence
    - Paul Delmotte - Professeur retraité de politique internationale à l’Institut des Hautes Études des Communications Sociales
    - Ricardo Gutiérrez - Secrétaire général de la Fédération européenne des Journalistes
    - Imane Nachat - Étudiante en dernière année de Master en Sciences de la communication - VUB
    - Julien Salingue - Chercheur en science politique

    - Pour l’analyse d’Acrimed sur le traitement médiatique de la dernière offensive israélienne contre Gaza, voir notre article : « Offensive israélienne contre Gaza : les partis pris du traitement médiatique ».

    Notes

    [1] Les articles publiés sous forme de « tribune » n’engagent pas collectivement l’Association Acrimed, mais seulement leurs auteurs.

    http://www.acrimed.org/article4443.html