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Médias - Page 3

  • Le Hamas aujourd’hui (Les Clefs du MO)

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    Leila Seurat est docteur en science politique (Sciences Po Paris) et chercheur associée au CERI (Centre de Recherches Internationales).

    Quelles sont les origines du Hamas ?

    Le Hamas puise ses racines du début du 20è siècle. Il constitue la branche palestinienne des Frères musulmans. On retient souvent la date de 1947 pour souligner l’implication des Frères musulmans dans la première guerre israélo-arabe mais les relations entre les Frères et la Palestine lui préexistent : Abd al-Rahman al-Sa’ati, le frère de Hassan al-Banna, fondateur et théoricien du mouvement, avait réalisé un voyage en Palestine à la fin des années 1930 pour rencontrer le Grand Mufti de Jérusalem Amin al-Husseini. En 1945 s’ouvre la première antenne des Frères dans le quartier de Cheikh Jarrah à Jérusalem et dès 1947, ils disposent d’au moins vingt-cinq branches en Palestine.

    Durant la première guerre israélo-arabe, les Frères musulmans combattent aux côtés des forces nationalistes.

    Malgré les accusations qu’ils essuient souvent, accusés de ne pas être des « nationalistes » de la première heure et de s’être retirés de la lutte armée dès 1948, il faut noter que, jusqu’en 1967, certains Frères musulmans participeront à des actions armées ponctuelles et limitées contre les forces d’occupation dans la Vallée du Jourdain. Ils se retireront par la suite provisoirement du combat nationaliste pour se concentrer, autour du cheikh Yassine et de son organisation la Société Islamique, sur un programme d’islamisation de la société. Cet attentisme sera d’ailleurs l’un des plus vifs reproches formulés par le Fatah à l’encontre du Hamas.

    Ce n’est qu’au moment de l’irruption de la première intifada en décembre 1987, que les Frères musulmans palestiniens décident de quitter cette posture attentiste pour participer au soulèvement.

    C’est lors de la fameuse réunion de la Société Islamique dans la résidence du cheikh Yassine que sera consacré l’acte de naissance du « Hamas », acronyme de Mouvement de la Résistance Islamique. Rendue publique au mois d’août 1988, la charte précise la filiation du Hamas avec l’association des Frères musulmans.

    Il existe des rumeurs, bien évidemment fausses, selon lesquelles le Hamas serait une pure création israélienne. Alors qu’elle occupait la Cisjordanie et la bande de Gaza depuis la guerre des Six Jours en 1967, Israël avait en effet favorisé les activités caritatives des Frères musulmans en leur octroyant les licences. Toutefois, cette aide ponctuelle doit être considérée comme une simple tactique pour faire contrepoids à l’OLP – tactique politique bien connue, qui consiste à tenter de « diviser pour mieux régner ».

    Le Hamas a été inscrit sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne jusqu’en décembre 2014. Quelle est l’image du Hamas aujourd’hui ? Comment est perçu le référent religieux ?

    Mon livre Le Hamas et le monde (1), montre qu’il n’existe pas de dichotomie entre les intérêts politiques d’un mouvement et son idéologie. Avec le déclenchement des « Printemps arabes », émerge un nouveau discours de la part des dirigeants du mouvement qui place le Hamas au cœur des soulèvements populaires de la région. Le Hamas, par son exemplarité, aurait joué une rôle de précurseur dans le déclenchement des ces révoltes.

    Les détracteurs du Hamas se réfèrent souvent à sa Charte pour lui contester toute légitimité.

    Le texte présente en effet une lecture idéologique du conflit avec Israël au sein duquel la Palestine doit être défendue contre toute usurpation étrangère ; il contient également des références antisémites, proches de celles du protocole des sages de Sion. L’image violente communément associée au Hamas vient notamment de là. Cependant, réduire le Hamas à sa Charte serait oublier que, dès le milieu des années 1990, certains textes et documents officiels signés par le Hamas s’articulent autour des principales normes internationales en présentant le conflit avec Israël comme un combat légitime contre une force d’occupation et insistant sur la légalité de certaines résolutions onusiennes.

    La question de la pertinence de la Charte se pose au sein des rangs du mouvement : certains considèrent qu’un tel manifeste, rédigé dans l’urgence, ne devrait plus constituer une référence et que la référence officielle du Hamas est désormais le document des prisonniers reconnaissant la validité des frontières de 1967 signé en juin 2006. D’autres pourtant continuent de se réclamer de la Charte, indissociable de l’identité même du Hamas : reconnaître la « caducité » de la Charte, comme l’avait fait Yasser Arafat en 1989 augmenterait le risque d’une assimilation à l’OLP.

    Quelle est la nature des liens entre le Hamas et l’Iran ?

    L’alliance entre le Hamas et l’Iran remonte au début des années 1990. Elle s’explique d’une part par la Première guerre du Golfe et la prise de position de Yasser Arafat en faveur du Président irakien Saddam Hussein ; d’autre part par l’ouverture de pourparlers de paix entre Palestiniens et Israéliens au sommet de Madrid puis d’Oslo. Ces deux événements poussent la République islamique à rompre ses relations avec l’OLP. Pour l’Iran, le Hamas apparaît comme un meilleur candidat pour réaliser ses objectifs à l’échelle régionale : se présenter comme le défenseur de la cause palestinienne et renforcer son statut et son rôle parmi les « masses arabes ». L’alliance stratégique entre l’Iran et le Hamas se noue ainsi au moment de l’expulsion des membres du Hamas au Liban Sud à Marj al-Zouhour en 1992. À cette occasion, le Hamas renforce également ses liens avec le Hezbollah libanais lui aussi chiite.

    Idéologiquement cependant, le Hamas étant issu d’une branche des Frères musulmans, cette alliance se révèle rapidement problématique. Dès 1989, le cheikh Yassine avait ainsi déclaré : « les musulmans sont sunnites et pas chiites », remettant ainsi en cause la légitimité des accords en cours. En 1992, le Hamas nomme le camp de Marj al-Zouhour au Sud Liban le camp « Ibn Taymiyya » (théologien du XIIIe siècle à l’origine du salafisme). En choisissant cette figure religieuse, le mouvement faisait donc le choix de mettre en avant sa spécificité doctrinale, au détriment d’une union « arabe » ou « islamique ». Une stratégie qui sera rapidement remise en cause, dès lors que le Hamas prend conscience des avantages que comporte l’alliance avec l’Iran. L’islam est alors présenté comme facteur de communion, qui a permis de redéfinir l’alliance avec la République islamique chiite sous une forme islamique.

    En quoi les « printemps arabes » et la guerre civile en Syrie ont pu affecter les positions du Hamas ?

    Après son départ de Jordanie en 2000, le leadership extérieur du Hamas, mené par Khaled Mechaal, s’était installé à Damas. Il entretenait d’excellentes relations avec le régime syrien, l’Iran et le Hezbollah réunis autour d’un axe communément appelé le « front du refus ». Le déclenchement du soulèvement populaire en Syrie a provoqué de nombreuses ruptures. Les guerres qui ont lieu aujourd’hui au Moyen-Orient s’enlisent dans une opposition confessionnelle chiite-sunnite. L’axe chiite (Iran, Syrie, Hezbollah) qui soutenait financièrement le Hamas est mis à mal, d’autant plus que des militants du Hamas ont participé à la lutte contre Bachar al-Assad. Le Hamas se trouve face à un dilemme crucial : se taire, et prendre le risque d’être accusé de soutenir Bachar al-Assad, ou exprimer des espoirs de liberté et de justice, mais en se faisant l’adversaire du régime. Après quelques tergiversations, il quitte Damas en février 2012.

    Cette rupture avec le régime syrien pose de grandes difficultés au mouvement, qui tente d’abord d’installer les nouveaux bureaux au Caire. Mais face au renversement de Mohamed Morsi en 2013, Doha est apparu plus stable, et c’est au Qatar que le Bureau politique s’est finalement reconstitué. Mais cette réorientation de politique étrangère par Mechaal fut très mal perçue par l’Iran. Mechaal n’a pas hésité à apparaître en public aux côté du Cheikh Youssef al-Qardawi, qui accusait en juin 2013 dans un discours à la grande mosquée de Doha l’Iran et le Hezbollah de faire le jeu des sionistes. Dans un communiqué, Mechaal lui-même demandait solennellement le retrait de l’Iran en Syrie. Par ailleurs, le Qatar a engagé un rapprochement avec l’Arabie saoudite, de moins en moins virulente à l’égard des Frères musulmans. Cela participe d’une recomposition des alliances qui a tout pour déplaire à l’Iran, qui n’a cependant pas rompu ses relations avec les dirigeants du Hamas à Gaza : Mechaal est devenu persona non grata à Téhéran et c’est à lui spécifiquement que les réponses iraniennes s’adressent. Depuis cette « crise », les relations entre le Hamas et l’Iran semblent s’être apaisées.

    Que peut-on attendre des prochaines élections internes du mouvement ?

    Le Hamas a été mis en difficulté par l’évolution du contexte régional qui s’est révélé loin de ses pronostics et de ses attentes. En Égypte, dès juillet 2013 le maréchal Sissi a déposé le candidat élu Mohamed Morsi ; en Syrie, le régime d’Assad s’est maintenu et les rebelles ont perdu du terrain ; la Turquie quant à elle a opéré un rapprochement avec Israël. Malgré ces difficultés, le Hamas demeure un acteur incontournable tant sur le plan intérieur que régional.

    Lors des dernières élections estudiantines qui ont eu lieu au mois de mai dernier, le Hamas a obtenu un score supérieur à celui de son rival nationaliste.

    La récente annulation des élections municipales pourrait également être le signe d’une mise en difficulté du Fatah. Sur le plan régional, les pays arabes a priori intransigeants vis-à-vis du Hamas comme l’Égypte ne peuvent pas complètement ignorer l’autorité que le mouvement exerce de facto à Gaza. Par l’intermédiaire de Mohamed Dahlan dont les ambitions politiques sont désormais connues de tous, le Hamas peut renouer avec les autorités égyptiennes pour essayer d’obtenir l’ouverture du passage de Rafah. Le Qatar reste également un allié important pour le Hamas, jouant un rôle dans les tentatives de réconciliation palestinienne et accueillant le président de son bureau politique Khaled Mechaal. Celui-ci a déclaré ne pas être candidat à sa réélection dans les prochaines élections internes du mouvement et le renouvèlement de son bureau politique. Alors qu’il apparaissait pour beaucoup comme le successeur naturel de Mechaal, Ismaël Haniyeh a récemment annoncé son retour dans la bande de Gaza. Alors qu’il se trouvait à Doha depuis plusieurs semaines, ce retour en Palestine pourrait préfigurer d’un recentrement sur un autre candidat cette fois issu de la diaspora, Moussa Abu Marzouq.

    Entretien avec Leila Seurat 
     05/12/2016

    Propos recueillis par Mathilde Rouxel, à Beyrouth

    (1) Leila Seurat, Le Hamas et le monde, Préface de Bertrand Badie, Paris, CNRS Editons, octobre 2015.

    http://www.lesclesdumoyenorient.com/

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  • PST (Algérie)

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    Kamel Aissat, de

     

     

    Kamel Aissat, de la direction nationale du Parti Socialiste des Travailleurs (PST) est l'invité de l’émission Tamoughli W-Assa (KBC)

    Le débat portera essentiellement sur les derniers événements qui ont touché le centre du pays, notamment la wilaya de Béjaia. L’émission sera diffusé jeudi 5 janvier 2017,a partir de 20H15,soyez au rendez-vous!

    Parti Socialiste Des Travailleurs
  • Syrie Les femmes de la Révolution

    Ajoutée le 3 janv. 2017

    Zein Al sham is one of the women documented in the Syria Rebellious Women series. She was forced to evacuate her sieged city Aleppo at the end of last year, she was one of the latest to leave.
    زين واحدة من النساء اللواتي تتناول سلسلة "الثائرات" حكايتها٫ بقيت زين في حلب حتى آخر قافلات التهجير لتجبر أخيراً علي مغادرتها لإدلب.
    www.zaina-erhaim.com

  • Femmes en résistance dans les prisons israéliennes « 3000 nuits » de Mai Masri (Orient 21)


    En salle en France le 4 janvier 2017, le nouveau film de la réalisatrice palestinienne Mai Masri 3000 Nuits porte avec force la voix des détenues palestiniennes.

    Nous avons pu le voir dans le cadre de la quatrième édition des rencontres internationales des cinémas arabes à l’initiative de l’association de promotion et de diffusion des cinémas arabes à Marseille et en Méditerranée (Aflam) au musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem).

    Une pluie battante qui tombe cinglante. Des prisonniers dans un fourgon menottés. Les images en fondu enchaîné se figent sur le visage ensanglanté de Layal Asfour. La jeune institutrice de Ramallah était là au mauvais moment. Elle est intervenue pour porter secours à un tout jeune Palestinien blessé. Il est poursuivi pour terrorisme. Elle le sera à son tour, mécaniquement. Descente aux enfers. Prison israélienne de haute sécurité. Le scénario se déroule dans les années 1980, lorsque les prisonniers politiques et de droit commun israéliens et palestiniens sont encore détenus ensemble.

    Cette captivante œuvre de fiction ancrée dans le réel est la dernière création de Mai Masri, que l’on connaît davantage pour son travail documentaire, souvent en coréalisation avec son compagnon Jean Chamoun. Tous deux archivent la résistance palestinienne et libanaise. Mai Masri a abondamment traité de la guerre et de la détention, et plus particulièrement de leurs conséquences sur la vie des femmes et des enfants. Cette première fiction lui a déjà valu d’être distinguée par une vingtaine de prix, dont sept en France, et une présentation aux Oscars, avant que le film, réalisé de manière indépendante (Nour Films, Orjouane Productions, Les Films d’ici) ne sorte en salle en janvier 2017.

     

    Nour (lumière) dans la nuit

    Une fois incarcérée, Layal Asfour devient le matricule 735. Elle est d’abord mise en cellule avec des Israéliennes qui éructent leur haine des Arabes et de la langue arabe au premier regard. Un huis clos insoutenable. Puis elle rejoindra des Palestiniennes. Il y a là Jamilé, Ouma Ali, Sanaa, résistante libanaise qui a perdu un bras… : tous les visages et toutes les générations de femmes en lutte contre l’occupation. Layal Asfour découvre avec stupéfaction qu’elle est enceinte, puis que l’homme qu’elle aimait, son mari, ne va pas hésiter à l’abandonner, refusant de renoncer au visa qu’ils avaient demandé pour rejoindre le Canada. Contre son chantage à l’avortement et à la dénonciation, pour sauver la peau du jeune Palestinien qu’elle a aidé, elle n’hésite pas une seconde et lui tourne le dos et le cœur. Pour Mai Masri, il fallait aussi montrer cette facette de la réalité. Parler des femmes détenues, sur lesquelles il existe très peu de documentation, mais aussi de cet abandon par les hommes — un grand classique universel — tandis que les prisonniers sont toujours soutenus par les femmes et les familles.

    Lorsque la condamnation à huit ans de réclusion, soit trois mille nuits, tombe, Layal Asfour est sonnée. En prison, elle va devenir une autre. C’est d’abord l’arrivée de son fils, Nour, dont elle accouche menottée, qui change son rapport au monde et la relation avec ses codétenues. L’enfant devient pour elles une flamme de vie à protéger et faire grandir. Les images de Mai Masri et de son opérateur, Gilles Porte, sont d’une beauté rare, saisissant la vie et la joie comme des herbes folles surgies de ce monde de non-droit et de terreur parfaitement restitué par le travail sur les décors d’Hussein Baydoun.

    Le prix de l’insoumission

    Mai Masri creuse aussi jusqu’à l’os toutes les relations perverses et sadiques mises en place par les gardiennes, le chantage permanent à la dénonciation et à la collaboration, la complexité des relations entre détenues. Les Palestiniennes sont assignées au ménage et à la cuisine. Les scènes de rébellion sont quotidiennes et finissent parfois en batailles homériques de nourriture entre détenues israéliennes et palestiniennes. Mais ce qui va vraiment devenir l’insoumission absolue, c’est lorsque les nouvelles du massacre de Sabra et Chatila pénètrent à l’intérieur de la prison. Plus rien ne peut arrêter la rage et la grève de la faim des prisonnières qui vont s’étendre au bâtiment voisin où sont détenus les hommes. La répression est sauvage. « Je ne veux plus les entendre respirer », hurle une geôlière.

    Encerclement, gaz, coups. Layal Asfour va payer le prix fort pour sa révolte. Elle se verra arracher son fils qui a atteint ses deux ans et que seule la soumission aurait pu lui permettre de garder auprès d’elle un peu plus longtemps.

    Mai Masri a tourné ce film fort et dérangeant dans une prison jordanienne désaffectée, avec d’anciens détenus palestiniens qui ont interprété tous les rôles après un long travail de recueil de témoignages. L’interrogateur israélien est un Palestinien qui a été détenu durant cinq ans en Israël. L’une des actrices a rendu visite à son frère durant quinze ans et retrouvé en jouant la violence de cette histoire intime et collective. Layal Asfour est interprétée à fleur de peau par Maisa Abd Elhadi, actrice palestinienne qui crève l’écran et joue ici son premier rôle aussi politiquement engagé, inspiré de l’histoire vraie d’une jeune mère palestinienne, et qu’elle porte avec fierté.

    Un miroir aux yeux du monde

    Depuis 1948, plus de 700 000 Palestiniens ont été détenus dans les geôles israéliennes. Ils sont aujourd’hui près de 7 000, hommes, femmes et enfants à y croupir. Pourquoi inscrire le film dans les années 1980 alors que la situation perdure ? Pour la documentariste, ces années étaient particulièrement éclairantes et rendent compte d’un parcours de lutte politique avec des avancées et des reculs. Aujourd’hui les détenus politiques et de droit commun, israéliens et palestiniens, sont séparés. Les moyens de déjouer les interdictions de communiquer sont devenus plus difficiles à contourner. La détention frappe toutes les familles. Entre août 2015 et avril 2016, le nombre d’enfants emprisonnés a triplé. Les prisonniers restent donc un enjeu emblématique et déterminant de la lutte pour l’autodétermination, et l’obtention de leur libération s’inscrit dans l’histoire nationale. Comme lors de cet échange, en 1983, — auquel le film fait référence —, de six Israéliens détenus par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) contre 4 700 prisonniers palestiniens et libanais. Un événement marquant que Mai Masri fait jouer et qu’elle redouble d’images d’archives, tout comme pour l’évocation de Sabra et Chatila. Cela participe aussi à donner à la fiction son ancrage et son souffle. Ici l’on sait que tout est vrai. Les histoires se mélangent et se télescopent, mais elles ont toutes été vécues. Et elles perdurent.

    Le film a été projeté dans plusieurs pays arabe, primé à Carthage, et aussi diffusé en Israël, en Cisjordanie et à Gaza. Un miroir brandi aux yeux du monde.

     

  • Jean-Pierre Filiu : « C’est plutôt Bachar Al-Assad qui tient Poutine » en Syrie (Le Monde)



    Le régime syrien de Bachar Al-Assad est un système « autiste » qui « s’est construit pour n’avoir aucune interférence avec la population », analyse Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences Po.

    La personnalité du dictateur y est aussi pour quelque chose, selon ce spécialiste de la Syrie, qui le qualifie de personne « à l’intelligence assez limitée ».

    M. Filiu estime également que le rapport de force entre Bachar Al-Assad et son allié Vladimir Poutine n’est pas celui que l’on pense. Le président russe dispose d’une force diplomatique et militaire, mais le maintien du dictateur syrien engage sa crédibilité. Selon lui, si Al-Assad devait partir, « tout le monde considérerait que c’est une défaite pour Poutine. »

    LE MONDE |
    http://www.lemonde.fr/

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  • Alep : faux et usage de faux (Souria Houria)

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    La chute d’Alep-Est a-t-elle été accueillie par des scènes de liesse dans les quartiers Ouest?

    Les rebelles ont-ils empêché les civils de fuir la ville ? Poutine et Al-Assad ont-ils vraiment lutté contre Daech ? «Libé» trie le vrai du faux dans la grande guerre de l’intox en Syrie.

    La Syrie est le théâtre terrible d’une guerre physique dévastatrice, mais aussi d’une guerre médiatique redoutable. Une guerre de mensonges, d’infos bidonnées et de propagande. Une guerre de mots, d’images et de vidéos. Les partisans de l’axe Damas-Moscou-Téhéran y excellent, mais les rebelles et leurs défenseurs utilisent les mêmes armes, à une échelle différente, moins massive. Tentative de décryptage des intox et exploration des zones grises de la post-vérité.

    Les rebelles d’Alep sont-ils des terroristes ?

    Il y a des jihadistes, mais ils sont très largement minoritaires sur un total de plus de 5 000 rebelles. Le groupe le plus radical est le Jabhat Fatah al-Sham, anciennement le Jabhat al-Nusra, la filiale syrienne d’Al-Qaeda. Dans les quartiers Est d’Alep, ses combattants étaient entre 150 et 250 lors du début du siège de la ville cet été, selon des ONG syriennes.

    Staffan de Mistura, l’envoyé spécial de l’ONU en Syrie, avance, lui, le nombre de 900 jihadistes du Fatah al-Sham. «Le problème du Fatah al-Sham est qu’ils sont très visibles, explique un directeur d’ONG syrienne qui coordonne ses opérations depuis Gaziantep, en Turquie. Ils donnent l’impression d’être plus nombreux qu’ils ne le sont réellement. Dès qu’ils arrivent quelque part, ils mettent des drapeaux, montent des check-points : ils s’affichent.» Les commandants du Fatah al-Sham affirment qu’ils ne sont plus engagés dans le jihad international et ne souhaitent pas commettre des attentats hors de la Syrie. Mais les services de renseignements occidentaux n’y croient pas. Ils considèrent que la filiale syrienne d’Al-Qaeda est particulièrement dangereuse et reste déterminée à frapper des pays ou des intérêts occidentaux.

    Le reste de la rébellion d’Alep-Est est formé de groupes de l’Armée syrienne libre (ASL) ou qui en sont issus.

    Ces groupes se sont créés à partir de la fin 2011 en regroupant des soldats qui désertaient l’armée syrienne et des civils. Leur objectif n’a pas varié depuis : ils veulent chasser Bachar al-Assad du pouvoir et sont de farouches opposants de l’Etat islamique. La plupart ont reçu financements et armements de différents Etats, dont la Turquie, les Etats-Unis ou la France. Parmi ces rebelles figurent entre autres Fastaqim, une faction qui n’est active que dans la région d’Alep, Faylaq al-Sham et Jabhat Shamiya, une coalition de brigades.

    Les islamistes du groupe Nourredine al-Zenki sont aussi présents. La majorité de ces rebelles sont originaires de la région. S’ils sont présents autour d’Alep, les salafistes d’Ahrar al-Sham ne sont pas dans les quartiers qui étaient assiégés. Installé dans la ville en 2013, l’Etat islamique (EI) en a été chassé début 2014 par une coalition de groupes rebelles. Certains d’entre eux, tel Nourredine al-Zenki, sont par ailleurs engagés au côté de l’armée turque dans des combats contre l’EI à quelques kilomètres à l’est d’Alep. Et s’apprêtent à lancer une offensive contre Al Bab, principal fief de l’EI dans la région.

    Poutine et Al-Assad luttent-ils contre l’EI?

    Non. Pour la simple raison que les jihadistes de l’Etat islamique ne sont pas présents à Alep-Est. Pourtant, lorsque Vladimir Poutine a lancé l’opération armée en Syrie, le 30 septembre 2015, sous couvert d’une invitation formelle du président Bachar al-Assad à intervenir (contrairement aux Occidentaux, qui ont fait une fois de plus œuvre d’ingérence illégitime, selon Moscou), «l’objectif militaire [n’était qu’]un soutien exclusivement aérien des forces armées syriennes dans leur combat contre l’EI», avait déclaré le chef de l’administration présidentielle, Sergueï Ivanov.

    Mais dès le premier jour des frappes, les analystes qui se basent sur des sources ouvertes, tels Bellingcat, ont relevé que les informations délivrées par le ministère russe de la Défense ne correspondaient pas à la réalité du terrain. Selon l’Institute for the Study of War, un think tank basé à Washington, sur près de 150 frappes russes entre le 30 septembre et le 3 octobre, seule une quarantaine ont visé des sites où se trouvaient les combattants de l’EI. Le reste était dirigé contre l’opposition à Bachar al-Assad et quelques-unes contre le Front al-Nusra. Dès le début, le ministère russe de la Défense a choisi de communiquer massivement sur ses opérations, en publiant des vidéos des frappes. Ainsi 43 d’entre elles sont rendues publiques dans les quinze premiers jours. Officiellement, l’Etat islamique a été ciblé 30 fois. Mais seules 36 des 43 localisations ont été confirmées et… l’EI n’a été ciblé qu’une seule fois, selon le think tank Atlantic Council.

    Accusé de désinformation par la coalition menée par les Etats-Unis, le ministère russe de la Défense change de stratégie et n’insiste plus sur les cibles de l’EI. Officiellement, la plus grande partie des frappes filmées vise désormais des «combattants» et des «terroristes». Et, de fait, il apparaît que l’Etat islamique n’est pas la cible privilégiée de l’armée russe. Au fil des semaines, l’information délivrée par les autorités russes apparaît de moins en moins fiable. Les briefings au ministère de la Défense se multiplient mais aucun chiffre n’est communiqué, ni sur le nombre exact de frappes russes ni sur la nature des cibles.

    Lancée le 15 novembre, l’offensive contre Alep-Est a en outre renforcé l’EI ailleurs dans le pays. Au moins de manière temporaire. Le 11 décembre, les jihadistes ont ainsi réussi à s’emparer à nouveau de Palmyre, d’où ils avaient été chassés neuf mois plus tôt. La cité historique était mal défendue, l’essentiel des forces syriennes d’élite étant mobilisé sur le front d’Alep. Les soldats russes avaient eux aussi quitté Palmyre. Les soldats syriens ont fui devant l’offensive des jihadistes qui ont récupéré des armes lourdes dans les stocks du régime. Depuis, ils ont continué à avancer.

    Le «dernier hôpital d’Alep» a-t-il existé ?

    «Le dernier hôpital d’Alep»… l’information serait tellement fausse que les soutiens de Poutine se permettent d’ironiser. Ayant l’impression d’avoir lu si souvent que le dernier hôpital d’Alep avait été bombardé, ils remettent en question l’existence même des bombardements à Alep. «C’est intéressant mais le « dernier hôpital d’#Alep » a été « détruit » 15 fois en 6 mois. Record absolu !» a tweeté par exemple un dirigeant du Parti de Gauche le 13 décembre.

    Un rapport de 2016 de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur les attaques contre les systèmes de santé dans le monde révèle pourtant que la Syrie compte le plus grand nombre d’attaques menées sur des infrastructures de santé. Depuis le début de l’année, de nombreux articles ont en effet relaté par exemple que «les deux plus grands hôpitaux d’Alep ont été bombardés» fin septembre, que «le plus grand hôpital d’Alep a été détruit» en octobre, ou encore que «l’un des derniers hôpitaux d’Alep-Est a été détruit» en novembre. En fait, les hôpitaux sont régulièrement et systématiquement ciblés. L’Union des organisations de secours et soins médicaux (UOSSM) a dénombré 117 attaques sur des infrastructures médicales d’Alep entre mars 2011 et novembre 2016. Depuis le début du conflit, plus de 750 membres des personnels médicaux seraient morts en Syrie, selon l’organisation.

    Et si l’on a l’impression que les hôpitaux sont régulièrement détruits, ce n’est pas parce que c’est un complot, mais parce qu’un même hôpital a pu être bombardé plusieurs fois, détruit, remis en service et de nouveau bombardé. En avril, 14 infrastructures ont été ciblées à Alep. Du 28 avril au 1er mai, les hôpitaux d’Alep ont été bombardés sans discontinuer pendant quatre jours. Le 3 octobre, l’hôpital M10 a été bombardé pour la troisième fois en une semaine. Ce qui explique simplement pourquoi entre le 28 septembre et le 3 octobre, plusieurs articles ont relaté des bombardements sur cet hôpital. Un rapport de Médecins sans frontières (MSF) sur les bombardements sur l’hôpital d’Al-Quds, le 27 avril, explique bien que l’hôpital a été mis hors service mais a pu rouvrir partiellement vingt jours plus tard.

    Pour des questions de sécurité, les hôpitaux sont désormais qualifiés par des noms de code (la lettre M, suivie d’un numéro) mais ces infrastructures sont en fait des hôpitaux de fortune.

     «Il y a toujours la possibilité de soigner les malades, mais les équipes sont parties aux sous-sols pour se protéger», explique le docteur Ziad Alissa, président d’UOSSM France. L’organisation affirme aussi que certains hôpitaux, bombardés plusieurs fois, ont été annoncés détruits ou mis hors service alors que les équipes s’étaient réfugiées au sous-sol, «pour se protéger» et «ne plus être pris pour cible». Il n’y avait plus à Alep-Est qu’une quinzaine de médecins et d’infirmières ces derniers jours. Les deux derniers hôpitaux encore en service ont été détruits en novembre. Le communiqué de l’OMS explique toutefois que «quelques services de santé sont encore accessibles» : ce qui ne veut pas dire que les hôpitaux n’ont pas été bombardés.

    Les rebelles ont-ils retenu des civils ?

    Oui, assurent les Nations unies. «Certains civils qui tentent de s’enfuir sont apparemment bloqués par des groupes armés de l’opposition, notamment le front Fatah al-Sham», a ainsi affirmé le 9 décembre Rupert Colville, le porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme. Et d’ajouter : «Au cours des deux dernières semaines, le front Fatah al-Sham et les brigades Abou Amara ont apparemment enlevé et tué un nombre inconnu de civils qui avaient demandé aux groupes armés de quitter leur quartier afin d’épargner la vie de la population.» Toujours à Alep-Est, la faction Nourredine al-Zenki a, de son côté, indiqué en début de semaine qu’elle avait demandé à des civils de ne pas quitter leur quartier assiégé, les passages vers les zones contrôlées par le régime n’étant pas sûrs à cause des combats. Le matin du 30 novembre, des familles qui tentaient de fuir ont été tuées dans la Vieille Ville par des tirs d’artillerie. Le bombardement a fait 45 morts et des dizaines de blessés, selon les secouristes de la défense civile, les Casques blancs. Des vidéos du carnage ont été diffusées sur les réseaux sociaux.

    Y a-t-il eu des scènes de liesse à Alep-Ouest ?

    Les images d’une foule célébrant la «libération» de la partie rebelle d’Alep proviennent de la télévision officielle syrienne. Le plan serré de la caméra sur quelques dizaines de manifestants est un procédé connu pour amplifier l’importance d’une protestation ou en l’occurrence, d’une liesse populaire. «Comme vous, je n’ai vu et entendu ces manifestants qu’à la télévision», nous dit un habitant d’Alep-Ouest contacté par le biais de l’application WhatsApp. Son immeuble, proche de la ligne de front, a été touché par un obus tiré par les rebelles et le dernier étage du bâtiment a été détruit. «Bien sûr que nous sommes soulagés par la fin des combats, dit le sexagénaire, mais pas au point de faire la fête dans la rue. Pas après tout ce qu’on a vécu…» Depuis 2012, les quartiers Ouest d’Alep, contrôlés par les forces gouvernementales, ont été régulièrement frappés par des bombardements qui ont fait des centaines de victimes.

    Les chrétiens d’Orient protégés par Poutine ?

    Cet argument de la protection des chrétiens d’Orient est abondamment utilisé par Damas et Moscou depuis le début du conflit en Syrie. Outre qu’il s’inscrit parfaitement dans la rhétorique de la lutte contre l’islamisme conquérant et le jihadisme, dont les deux pays se vantent d’être les champions, chacun a instrumentalisé la protection de cette communauté à sa manière.

    Le régime de Bachar al-Assad, issu lui-même de la minorité alaouite, s’est présenté comme le défenseur de toutes les «minorités» syriennes face à la majorité sunnite qui voudrait les écarter.

    Exhiber des hommes d’Eglise devant les ambassadeurs occidentaux et les caméras est une tradition politique très courue à Damas. «Ces patriarches sont tous politisés. Ils sont d’ailleurs désignés par Al-Assad qui leur consent toutes sortes d’avantages personnels», rappelle Samira Moubayed, représentante en France de l’organisation Syriens chrétiens pour la paix. Opposée au régime, la chrétienne damascène raconte comment «les services de sécurité entretiennent la peur chez les chrétiens en leur disant que les islamistes vont venir les tuer tandis qu’ils répriment les opposants chrétiens, comme les autres».

    Pour la Russie, après des années d’athéisme d’Etat, se positionner en protectrice des chrétiens du Moyen-Orient est redevenu un argument de sa diplomatie.

    Elle reprend à son compte un rôle délaissé par l’Occident et lui permet de pousser ses pions dans la région. Sergueï Lavrov, son ministre des Affaires étrangères, en est l’un des principaux promoteurs. En mars 2015 à Genève, en marge d’une réunion de l’ONU, il avait fustigé le «génocide» des chrétiens d’Orient, comme le font les sites d’information prorusses qui parlent de «massacres». Une manière d’amplifier la menace pour mieux faire ressortir l’importance de son rôle protecteur. L’argument est porteur en France où la défense des chrétiens de Syrie et du Liban est une tradition historique. Et où tous les gouvernements doivent affirmer leur engagement en ce sens.

    Une guerre pour le pétrole et le gaz ?

    Cette idée, qui revient en particulier dans la rhétorique des mouvements d’extrême gauche, anticapitalistes et anti-impérialistes, apparaît comme un héritage idéologique des guerres d’Irak de 1991 et 2003, menées par les Etats-Unis. Tout comme ils ont renversé Saddam Hussein pour s’emparer de son pays qui abrite la quatrième plus grande réserve de brut au monde, les Occidentaux voudraient la chute d’Al-Assad qui résisterait à leurs convoitises. La comparaison ne tient pas. Le sous-sol syrien ne contient plus que des quantités insignifiantes de pétrole. La production dans le pays atteint à peine 30 000 barils par jour, soit dix fois moins que la consommation quotidienne. L’essentiel des importations vient d’Irak ou d’Iran, deux alliés du régime.

    C’est l’EI qui contrôle la région pétrolifère la plus importante autour de Deir el-Zor, dans l’est du pays.

    Les Russes ont accusé à plusieurs reprises la Turquie et les pays occidentaux d’acheter ce pétrole à l’EI. «Des tankers acheminaient du pétrole de Daech à plusieurs pays de l’UE», avait révélé l’ambassadrice de Russie à Bruxelles, avant de revenir sur ses affirmations. «Personne ne se bat pour des réserves de pétrole de quelque 2 milliards de barils de brut en Syrie», estime le consultant Moiffak Hassan. Ce dernier fait valoir en revanche l’importance du territoire syrien, un couloir clé pour des oléoducs et gazoducs arabes et iraniens vers l’Europe. «Un enjeu essentiel pour la Russie qui tient à maintenir ses parts de marché du gaz et la dépendance de l’Europe vis-à-vis d’elle face à ses rivaux, le Qatar et l’Iran, qui possèdent les deux plus grandes réserves de gaz au monde.» De plus, la Russie, via Soyuzneftgaz, a signé en 2013 un accord avec la Syrie, sans passer par le processus habituel d’appel d’offres, pour explorer l’offshore syrien. Si l’on veut donc parler de l’enjeu des hydrocarbures dans la guerre en Syrie, il implique surtout les intérêts de la Russie. Pas ceux des pays occidentaux.

    L’ONU embarquée dans une intox russe?

    Une vidéo de quelques minutes où Eva Bartlett, une journaliste «indépendante», est censée démonter «la rhétorique des médias traditionnels sur la Syrie» a été vue des centaines de milliers de fois. Russia Today (RT), la chaîne d’information financée par Moscou, l’a diffusée sur tous ses canaux, dans plusieurs langues. Sur le site francophone de RT, la vidéo avait été vue vendredi près de 600 000 fois. Une version diffusée sur Facebook comptait plus de 2,5 millions de vues. Bartlett y répond à un confrère norvégien lors d’une conférence de presse.

    Elle affirme notamment que les médias ne sont pas crédibles car leurs seules sources viennent d’activistes, voire de «terroristes», que les images de victimes sont manipulées, que les habitants d’Alep n’ont jamais vu de Casques blancs – qui sont de toute façon des «terroristes» (ils ont été pressentis pour recevoir le prix Nobel de la paix) – et enfin que les élections (organisées dans les zones contrôlées par le régime) montrent que la population soutient massivement Bachar al-Assad. Le tout, avec le logo de l’ONU en fond. Ce qui fait le succès de cette vidéo, et lui donnerait sa légitimité, c’est que la conférence a tout l’air d’être organisée par les Nations unies. Ce qui n’est absolument pas le cas.

    L’événement s’est bien tenu dans une salle de l’ONU mais a été organisé par la Mission permanente de la république syrienne aux Nations unies, l’équivalent de son ambassade qui, à ce titre, a le droit d’utiliser les salles de presse de l’ONU sans aucun contrôle de l’organisation. Kristoffer Ronneberg, le journaliste qui a interpellé Bartlett, s’y est rendu car l’ambassadeur de Syrie à l’ONU était attendu et a posé une question, «choqué par le manque de nuance dans la présentation» d’Eva Bartlett. Il a maintenant l’impression d’être devenu, à son insu, «une petite pièce dans une grande guerre de propagande». D’autant que Bartlett, qui se présente comme une journaliste indépendante écrit régulièrement sur Russia Today et des sites conspirationnistes et prorusses. Sur son site, elle soutient ouvertement le régime syrien.

    Luc Mathieu, Veronika Dorman, Hala Kodmani, Pauline Moullot  Souria Houria le 20 décembre 2016

    http://souriahouria.com/

  • Comment une vidéo conspirationniste sur la Syrie est devenue la deuxième la plus vue sur YouTube (Les Inrocks)

    La propagande russo-syrienne à propos de la bataille d’Alep bat son plein.

    Sur YouTube, la seconde vidéo la plus vue en ce moment émane ainsi de Russia Today France, preuve de sa puissance sur internet.

    Le titre de cette vidéo est un programme en soi : “ONU : une journaliste démonte en deux minutes la rhétorique des médias traditionnels sur la Syrie”. Tous les critères pour lui assurer un buzz sur internet sont remplis : la figure tutélaire de l’ONU (argument d’autorité), le verbe “démonter” qui promet une vérité révélée, la brièveté (“deux minutes”) et la cible, assez classique (les “médias traditionnels”).

    De fait, sur YouTube, elle a cartonné. Postée le 13 décembre en pleine bataille d’Alep, elle a atteint aujourd’hui 419 000 vues, et apparaît dans les “tendances” YouTube en deuxième position, entre une vidéo humoristique et un top 10 insolite. Pourtant, il s’agit d’un exemple typique de propagande russe sur le conflit en Syrie, et donc de désinformation.

    Comment une vidéo conspi est devenue mainstream

    Pour résumer son contenu : la “journaliste indépendante” Eva Bartlett (qui travaille en fait régulièrement pour Russia Today depuis 2013) est interrogée par un journaliste norvégien sur ce qui l’autorise à dire que les informations des grands médias occidentaux sur la Syrie sont mensongères. Elle lui répond, sur un fond bleu floqué du logo de l’ONU, sans jamais être interrompue, que :

    1 / Il n’y a pas d’organisations internationales sur le terrain à Alep ;

    2 / Les sources des journalistes occidentaux (L’observatoire syrien pour les droits de l’homme et les Casques blancs) sont corrompues ;

    3 / Les entreprises médiatiques occidentales militent pour un changement de régime en Syrie ;

    4 / Enfin, elle soutient que l’armée syrienne n’attaque pas les civils.

    Toutes ces affirmations sont pour le moins contestables, comme l’ont montré les “Décodeurs” du Monde. Des récits de personnes ayant fui Alep étayent les exactions de l’armée contre des civils, les journalistes qui couvrent le conflit n’ont pas seulement recours à des sources institutionnelles, et des ONG comme Médecins du Monde et l’UOSSM sont présentes en Syrie.

     

    La vidéo, hébergée par le site dépendant du Kremlin Russia Today France (RTF), s’arrête là. Elle a été reprise par plusieurs sites extrémistes et conspirationnistes français, comme BreizhInfo, Le Salon Beige, Les Moutons Enragés ou encore Sputnik news (agence russe pro-Kremlin). Des versions en allemand et espagnol sont aussi diffusées par les chaînes locales de RT. Comment cette propagande russo-syrienne est-elle devenue mainstream sur internet ?

    “La presse de ‘réinformation’ est pratiquement majoritaire sur internet”

    Pour l’historienne Marie Peltier, auteure de L’Ere du complotisme (éd. Les Petits matins), l’audience de cette vidéo tient beaucoup à la place hégémonique acquise par RT sur le web :

    “La presse dite ‘alternative’, ou de ‘réinformation’, pourfendeuse des médias occidentaux, est pratiquement majoritaire sur internet. RT a pris une place structurante dans cette nébuleuse : il suffit qu’elle balance un élément de narration pour qu’il soit repris en cascade par une chaîne de sites conspirationnistes.”

    Lancée en 2005 pour doter le Kremlin d’un instrument de soft power, la chaîne d’information en continue anglophone Russia Today, entretient en effet depuis sa naissance un “tropisme conspirationniste”, selon Rudy Reichstadt, rédacteur en chef de Conspiracy Watch : “En 2005, RT était sponsor de la conférence Axis for Peace, à l’initiative de Thierry Meyssan, qui avait invité à Bruxelles des conspirationnistes comme Dieudonné ou encore Jacques Cheminade”.

    La particularité de cette chaîne tient au fait qu’elle considère tous les dires de la presse occidentale comme de la propagande en soi. Elle se targue donc de faire œuvre d’information, en diffusant une vision du monde opposée. “RT est dans une logique d’inversion des réalités : elle se met dans une posture de dénonciation de la propagande du camp d’en face”, explique Marie Peltier.

    “L’audience de cette vidéo trahit la défiance à l’égard des médias classiques”

    La vidéo en question en est le parangon. Dans un contexte prétendument neutre, elle fait intervenir une journaliste qui l’est supposée tout autant. Or il n’en est rien, puisqu’elle s’exprime dans le cadre d’une conférence de presse organisée par la Mission permanente de la République syrienne auprès de l’ONU : c’est donc une initiative du gouvernement de Bachar el-Assad. L'”indépendance” et la neutralité d’Eva Bartlett, journaliste travaillant dans des médias russophiles et invitée dans une conférence organisée par le pouvoir syrien sont donc très contestables :

    “Tous les experts occidentaux convoqués par RT sont considérés ici comme des grandes signatures du conspirationnisme. Mais ils sont nimbés d’une aura d’expertise sur cette chaîne”, constate Rudy Reichstadt.

    Cette vidéo illustre donc le confusionnisme qui peut parfois régner sur une question aussi saturée d’idéologie que la guerre en Syrie. A un moment charnière comme celui de la chute d’Alep, et alors que la demande d’information à ce sujet est en constante augmentation, l’internaute a vite fait de tomber dans le piège. “L’audience de cette vidéo trahit la défiance à l’égard des médias classiques”, analyse Rudy Reichstadt. Et ce ne sont pas les discours pro-russes de François Fillon, Marine Le Pen ou encore Jean-Luc Mélenchon qui vont permettre d’élucider la situation en Syrie.