Elles viennent du monde du spectacle, de la politique, de toutes les classes sociales et sont originaires de quinze pays différents, des Etats-Unis à la Norvège en passant par l’Afrique du Sud ou la Malaisie. Ensemble, cette petite vingtaine de femmes a pris le large à bord des navires Amal (« espoir » en arabe) et Zaitouna (« olive ») pour la bande de Gaza. L’équipage doit faire escale dans plusieurs ports, notamment en Corse le 17 septembre, pour embarquer d’autres militantes.
Parmi elles, Mairead Maguire, prix Nobel de la Paix, Naomi Wallace, auteure américaine de pièces de théâtre, la parlementaire néozélandaise Marama Davidson, la Norvégienne Gerd von der Lippe, écrivaine et ancienne star sportive, Eva Manly, réalisatrice de documentaires et photographe, l’universitaire Marilyn Porter, la députée suppléante suédoise Jeannette Escanilla, Ann Wright, colonel de l’armée américaine à la retraite et ancienne diplomate qui a démissionné en 2003 en opposition à l’invasion de l’Irak.
L’objectif est de parvenir à Gaza début octobre, une unique détermination en tête : rappeler aux dirigeants du monde la situation des femmes de Palestine et réclamer l’arrêt du blocus. Selon la Banque mondiale et l’ONU, le blocus, instauré en 2007, a virtuellement tué toute exportation depuis Gaza et mené l’économie de la petite enclave coincée entre l’Egypte, Israël et la Méditerranée au bord du gouffre. Quelque 1,9 million de Palestiniens de Gaza vivent ainsi dans cette prison à ciel ouvert qui sera inhabitable d’ici 2020 si rien ne change, alertent les Nations unies.
Les femmes, victimes peu médiatisées du blocus
« En terme d’images, nous pensons que c’est important parce que le blocus de Gaza affecte terriblement, bien sûr toute la population, mais tout particulièrement les femmes », témoigne Claude Léostic, porte-parole en France de la Flottille de la liberté et présidente de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine. A Gaza, l’eau, la nourriture, l’électricité, tout manque, « et ce sont les femmes qui, d’une certaine manière, doivent faire face à tout, y compris aux traumatismes des enfants après les attaques israéliennes, ce qui nous donne une responsabilité, une tache extrêmement lourde. La solidarité des femmes du monde, des internationalistes, pour les femmes de Gaza, nous paraît un message très fort. »
« Nous pensons qu’à travers cette action organisée par des femmes, nous pouvons donner davantage de visibilité au rôle si important de la femme en Palestine dans la lutte pour la liberté. (…) Les femmes de Palestine ont toujours été très actives (...) comme les hommes étaient "opprimés" elles ont pris en charge les familles. (…) Ce sont elles qui ont maintenu l’espoir en vie », raconte l’une des organisatrices à l’AFP, Zohar Chamberlain, Israélienne résidant en Espagne.
Si cette nouvelle flottille est exclusivement féminine, c’est aussi pour diminuer le risque de violences de la part des autorités israéliennes. L’histoire ayant prouvé que le pire est déjà arrivé. Certaines flottilles ont déjà été arraisonnées dans les eaux internationales et les arrestations ont été pour le moins violentes. « Nous nous disons qu’il est possible, même si nous n’avons pas beaucoup d’espoir en la matière, qu’avec des femmes à bord, les autorités israéliennes ne pratiquent pas la violence absolue », poursuit Claude Léostic, en route pour Ajaccio en compagnie de Christiane Hessel.
Des précédents parfois dramatiques
Le projet Amal et Zaitouna s’inscrit dans le projet Flottilles de la liberté. Depuis 2008, des bateaux du monde entier tentent de briser le blocus terrestre, aérien et maritime. Une demi-douzaine de bateaux ont ainsi pris le large, deux flottilles ont réussi à atteindre à Gaza.
En 2010 le bateau Mavi Marmara est arraisonné dans les eaux internationales par des commandos israéliens. Neuf militants turcs qui se trouvaient à bord sont tués. Il y a également eu plusieurs autres petites tentatives, y compris par des militants israéliens où il n’y avait à délibérément à bord du bateau que des juifs (Israéliens, Français, etc). « Ils ont subi une violence extrême quand ils ont été attaqués », raconte Claude Léostic.
La flottille de femmes arrivera-t-elle à briser le blocus ? Le doute plane. Et c’est pour cela qu’Amal et Zaitouna n’ont pas les cales remplies de biens humanitaires pour la population gazaouie. « Ce qu’on apporte, explique la porte-parole nationale du projet, quelques médicaments, est très symbolique… Il nous faudrait plusieurs cargos pour être efficaces ! Et puis on craint que l’attaque israélienne n’arrive à la confiscation en vol du bateau. »
Si les précédentes campagnes pour briser le blocus de Gaza ont été médiatisées en France, le silence est de mise pour cette nouvelle édition. « Le projet a été très peu médiatisé en France, confie Claude Léostic, c’est l’air du temps. Les autorités sont des soutiens affirmés à la politique israélienne, donc elles ne veulent pas en entendre parler (…) C’est très préoccupant. On est dans un tropisme israélien affirmé au niveau de nos autorités. Ça pose problème à la fois dans l’exigence de justice pour les Palestiniens mais aussi en tant que citoyens français. Cela nous interpelle. »
Quant aux réactions du côté israélien, c’est là encore le silence qui prévaut. « Pour l’instant, nous ne réagissons pas à ce sujet. Nous ne faisons aucun commentaire aux médias. Ça nous paraît un peu prématuré », déclare Emmanuel Nahshon, porte-parole du ministère des Affaires étrangères israélien. Selon le Jerusalem Post repris par i24News, les autorités israéliennes se préparent en tout cas à empêcher la flottille de violer le blocus.