Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Berbères, Kurdes...(minorités nationales) - Page 8

  • Le pouvoir n’a fait que trouver un bouc émissaire (Algeria-Watch)

    Solidarité au Canada

    *

    Les détenus des événements de Ghardaïa seront présentés une deuxième fois ce dimanche devant le juge d’instruction. Ils sont accusés de «terrorisme», d’«atteinte à la sûreté de l’Etat» et d’«incitation au meurtre». Me Noureddine Ahmine livre les détails du dossier.

    Combien de personnes sont interpellées jusqu’à aujourd’hui et quelles sont leurs conditions en détention ?

    Je n’ai aucune connaissance s’il y a eu des interpellations du côté malékite, même si je ne suis pas d’accord avec cette terminologie. Je dirai même que nous pensons qu’il n’y en a eu aucune. Côté Mozabites, 25 personnes ont été interpellées et seules 21 sont détenues, car les autres, qui sont vieux ou mineurs, ont été relâchés. Six personnes demeurent en état de fuite.

    Mais il y a autre chose. Apparemment, les autorités font beaucoup plus de publicité concernant l’arrestation des Mozabites par rapport à l’arrestation des Malékites qui, si elle existe, elle s’est faite dans la discrétion la plus totale. La communauté mozabite est celle qui subit d’une manière ou d’une autre toute cette violence.

    C’est un aspect très important à relever. Il ne faut pas oublier que nous ne cessons de recevoir des vidéos dans lesquelles on voit clairement les éléments de la gendarmerie et de la police se mettre du côté des émeutiers de la partie malékite, et ce, depuis le début du conflit. Pour les conditions de leur détention, nous n’en savons rien, dans la mesure où nous n’avons pas encore eu de contact direct avec les détenus.

    Maintenant, vu que l’affaire est en instruction, nous avons le droit de leur rendre visite en prison pour discuter avec eux sur les conditions de leur détention. Nous avons entendu dire qu’elles sont difficiles.

    Le parquet, par le biais du procureur de la République, a nié tout en affirmant le contraire. Nous prenons acte de ses déclarations jusqu’à preuve du contraire. J’ai été le 14 juillet à Ghardaïa pour me renseigner personnellement de leur situation. Des collègues rencontrés sur place m’ont affirmé que les parents étaient autorisés à voir leurs proches en prison.

    Sur quelle base ces activistes ont-ils été interpellés ?

    Sur la base du chef d’inculpation que nous connaissons aujourd’hui. Les accusations sont très lourdes et d’une extrême gravité. Kameleddine Fekhar et son groupe sont carrément accusés de terrorisme selon l’article 87 du code pénal, d’atteinte à la sûreté de l’Etat et d’incitation au meurtre.

    Nous nous sommes constitués en collectif qui commence à grandir, car d’autres collègues ont exprimé le désir de nous rejoindre. Cette affaire dépasse l’entendement. J’ai l’impression qu’on veut les présenter comme les maux de Ghardaïa pour cacher l’échec de l’Etat dans son traitement de cette affaire.

    L’Etat n’a jamais tenu ses promesses. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, alors chef de campagne du président-candidat durant la dernière élection présidentielle, avait promis aux habitants de Ghardaïa le retour de la sécurité, une fois que Bouteflika est réélu. Où sont ces promesses ? Nos responsables n’ont fait que trouver un bouc émissaire pour justifier leur impuissance.

    Vous n’avez pas peur d’être accusé aujourd’hui de parti pris dans cette affaire en ne défendant que les Mozabites ? Car le défenseur des droits de l’homme que vous êtes est aussi censé chercher à savoir s’il y a des détenus malékites ou non…

    Absolument. Personnellement, je ne suis pas contre. Mais jusqu’à présent et depuis les affrontements entre les deux communautés - à Berriane en 2008, à Guerrara ou à Ghardaïa, aucun Malékite n’a fait appel à nous pour le défendre. Sinon, nous l’aurions fait. Si nous défendons que les Mozabites aujourd’hui, c’est parce qu’ils sont les seuls à nous contacter. Je le précise pour que les choses soient bien claires.

    Selon vous, pourquoi ce deux poids, deux mesures que vous dénoncez ?

    L’objectif est clair. L’Etat veut faire croire aux Algériens qu’il a mis hors d’état de nuire le groupe qui serait, selon lui, derrière les événements de Ghardaïa. Il se trouve que ce groupe en question n’est composé que de Mozabites ! Ce sont des activistes.

    Que nous soyons d’accord ou non avec leurs idées, cela est une autre paire de manches. La question qui se pose actuellement est comment se comporter avec les citoyens algériens dans des situations pareilles. L’Etat doit être impartial, ce qui n’est pas le cas malheureusement.

    Qu’entendez-vous par l’échec de la politique de l’Etat ?

    Comment un Etat comme l’Algérie puisse être incapable d’assurer la sécurité de ses citoyens et de leurs biens. La sauvegarde des biens et des personnes relève de sa responsabilité, car il a tous les moyens aujourd’hui pour réussir cette mission.

    Donc, l’insécurité qui règne à Ghardaïa est aussi la résultante du laisser-aller de l’Etat qui n’assume toujours pas ses responsabilités.

    A croire qu’il ne veut pas régler ce problème d’une manière radicale. Nos responsables sont en train de le gérer.

    Déployer un dispositif sécuritaire à Ghardaïa ne réglera pas le problème. Les mesures prises par la justice ne doivent être que conservatoires en parallèle aux solutions objectives et adéquates, telles que l’ouverture d’enquêtes pour comprendre d’abord ce qui s’est passé. Ce sont des événements qui remontent à la fin 2013.

    Ce qui est anormal c’est de constater que les affrontements perdurent encore deux ans après. Ce n’est pas Fekhar qui est dernière le début des événements.

    Lui et son groupe ont peut-être quelque chose à se reprocher, mais ils ne sont pas responsables de ce massacre. J’ai lu dans El Watan, qu’un notable malékite de Ouargla, ayant réuni précédemment les deux communautés dans sa wilaya pour contribuer à ramener la paix à Berriane, avait proposé cette fois-ci une solution pour Guerrara, que le wali de Ghardaïa a refusée.

    C’est grave. Autre chose : la proposition faite par une délégation parlementaire du FFS avait connu la même réponse de la part de ce wali. C’est la raison pour laquelle je vous dis que les autorités ne veulent pas de solution mais ne font que gérer le problème.

    Comment qualifiez-vous l’affaire ?

    A travers ces poursuites, le pouvoir veut réaliser deux choses : la première est de dire à l’opinion publique que le problème est pris en charge après la détention de ces activistes.

    Deuxièmement, ce qui s’est passé à Guerrara est une occasion en or pour lui afin de régler les comptes à Kameleddine Fekhar et son groupe qui seront pour lui, très mal vu politiquement. Je pense que cet acte va dans le sens de la politique du pouvoir. Il veut créer un climat de peur pour masquer son échec. Il faut dire aussi qu’il est dans une impasse. Pour dépasser cette crise, il lui a fallu créer des diversions du genre.

    C’est aussi un message adressé au peuple afin de lui dire que vous demandez le changement alors que nous n’avons pas encore réglé le problème du terrorisme et des séparatistes. Enfin, ce ne sont que des lectures et des suppositions sur la base de ce que nous avons comme éléments d’analyse.

    Que risquent-ils ?

    Nous ne sommes qu’au début de l’affaire. Si vraiment, ils seront condamnés sur la base des chefs d’accusation soulevés, ils écoperont certainement de peines très lourdes. Nous ne sommes qu’au début de l’instruction et donc nous aurons assez de temps devant nous avant que le dossier ne soit remis à la chambre d’accusation pour parvenir au stade du jugement. Et pendant toute cette période là, nous aurons forcément notre mot à dire en tant qu’avocats.

    Noureddine Ahmine

    Né le 11 janvier 1952 à Issoumar, dans la commune de Guenzet, à Sétif, père de deux enfants, Noureddine Ahmine est avocat près la cour de Laghouat relevant du bâtonnat de Médéa. Il est connu pour être le défenseur de tous les opprimés, notamment au Sud algérien.

    Cet avocat sillonne tout le territoire algérien afin d’aider les gens sans défense. Membre fondateur de la LADDH en 1989, il est aussi membre fondateur et le président du Réseau des avocats pour la défense des droits de l’homme, créé en 2012. Noureddine Ahmine Membre du collectif des avocats pour la défense des Mozabites détenus à Ghardaïa

    Meziane Abane El Watan, 24 juillet 2015

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/pol/ghardaia/bouc_emissaire.htm

  • La Turquie donne un petit avertissement à l’EI et en profite pour déclarer la guerre aux Kurdes (Amitiés Kurdes de Bretagne)

    JPEG - 42.2 ko

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    *

    Le 20 juillet, un kamikaze, identifié comme membre du prétendu « Etat islamique », a déclenché sa bombe lors d’une conférence de presse des jeunesses socialistes à Suruç au Kurdistan-nord (Turquie), près de Kobanê, faisant 32 morts et une centaine de blessés. Cet attentat pose de multiples questions, le régime turc étant plus que complaisant depuis deux ans avec les djihadistes qui mettent la Syrie à feu et à sang.

    La Turquie a déclaré la guerre aux Kurdes

    Immédiatement après ce massacre, un mouvement de révolte a spontanément eu lieu partout en Turquie, violemment réprimé, faisant valoir le droit des Kurdes et des démocrates turcs à l’autodéfense face au régime islamiste turc de l’AKP, complice du djihadisme et dirigé par l’autocrate Recep Tayyip Erdoğan. Les HPG, branche armée du PKK, ont également déclenché des opérations de représailles, notamment l’exécution de deux policiers notoirement complices de l’EI à Ceylanpinar.

    Dans le même temps, les USA ont continué à faire pression sur la Turquie pour qu’elle s’investisse dans la lutte contre l’EI. Ils ont enfin obtenu le droit d’utiliser les bases aériennes de l’OTAN pour des missions de bombardement contre l’EI et le front Al-Nosra (JAN) en Syrie. Vendredi 24, la Turquie a bombardé au mortier trois villages tenus par l’EI à la frontière syrienne et a déclenché des frappes aériennes sur trois cibles terroristes côté syrien, faisant suite à un accrochage frontalier - tombant à point nommé - où un soldat turc a été tué. Deux autres vagues de frappes limitées ont eu lieu depuis lors.

    La nuit dernière, la Turquie a par contre déclenché sept opérations de bombardement aérien contre les camps et positions du HPG dans tout le nord de l’Irak (Zap, Amedi, Metina, Gare, Haftanin, & Avashin) de 22h55 à 6h00, tuant, selon le bilan actuellement disponible, 4 guérilleros dont un commandant et blessant plusieurs soldats ainsi que des civils, dont un enfant de 12 ans. Des frappes aériennes contre les bases des HPG ont également eu lieu côté turc, ainsi que de nombreuses attaques terrestres, qui donnent lieu à des contre-attaques des HPG (Lice, Semdinli, Bismil, Silvan). A cette heure (15h le 25/7) une nouvelle vague de bombardements a lieu, notamment dans le Qandil.

    Selon Ahmed Davutoğlu, Premier ministre intérimaire du régime turc (le gouvernement turc n’est que provisoire, l’AKP ayant perdu la majorité absolue lors des élections du 7 juin dernier), le Président Barzani aurait donné son accord à ces frappes sur le territoire kurde autonome, mais M. Barzani le conteste et demande actuellement à la Turquie de faire cesser cette agression, appelant à la poursuite du processus de paix.

    Ces attaques contre les bases des HPG compliquent l’appui aux combattants qui défendent Sinjar et les Yézidis contre l’EI, en coordination avec la Coalition internationale. Elles pourraient être considérées comme un soutien turc tactique à l’EI.

    Le cessez-le feu en vigueur depuis 2013 entre la Turquie et les HPG est désormais caduc, ont déclaré ces derniers, réagissant à l’agression brutale qui marque la volonté d’Erdoğan de liquider militairement la rébellion.

    Le PKK appelle à la mobilisation générale contre l’agression turque ainsi que les forces démocratiques à renforcer leur alliance et la lutte contre "le régime fasciste d’Erdoğan et celui des barbares de Daech".

    Une vague de répression massive contre les Kurdes

    Vendredi 24, des centaines de militants kurdes ont été arrêtés partout en Turquie dans le cadre d’une opération policière massive. Ces attaques ont aussi ciblé la gauche démocratique et l’extrême-gauche turques. A Istanbul, une militante de gauche, Günay Özarslan, a été assassinée par la police (15 impacts de balles).

    Parallèlement, deux membres notoires de l’EI ont été arrêtés, ainsi que, selon les dires du régime, 35 militants étrangers de l’EI. Le régime prend bien soin de faire systématiquement l’amalgame entre l’EI et les mouvements qu’elle considère comme « terroristes » (mouvance kurde et démocrates turcs), ce qui lui permet de justifier la répression antidémocratique – 260 arrestations, 1 exécution - comme étant liée à la « répression » - 37 arrestations - contre l’EI ! Cet amalgame est repris sans le moindre discernement par une certaine agence de presse.

    Aujourd’hui-même, ce sont à nouveau des centaines d’arrestations de militants démocrates kurdes et turcs qui ont eu lieu partout dans le pays, notamment à Istanbul, Ankara, Adana, Konya et Manisa. Des organisations, comme les syndicats Eğitim-Sen et KESK, les associations alévies, ont été victimes de raids policiers. En tout, d’après Davutoğlu, ce sont 590 personnes qui auraient été arrêtées en deux jours (288 aujourd’hui). Il est impossible pour l’instant de connaître précisément le nombre de militants de gauche turcs et kurdes parmi les victimes de ces rafles, mais il semble qu’il soit au-dessus de 500 puisque les islamistes arrêtés seraient moins de 100.

    Les Kurdes et les démocrates ne se laissent pas faire et des manifestations très violemment réprimées ont lieu partout au Kurdistan ainsi qu’à Istanbul, dégénérant souvent en émeutes avec barricades.

    La liquidation de la liberté d’expression

    La marche antidjihadiste prévue demain à Istanbul ayant été interdite ce matin par le préfet, les organisateurs, dont le HDP, ont préféré l’annuler de façon à éviter un bain de sang.

    Bien connu pour sa politique de censure d’Internet et sa répression des journalistes, le régime a par ailleurs accompagné le déclenchement de la répression militaire et policière contre les Kurdes et les démocrates par l’interdiction des sites alternatifs d’information : Dicle News Agency, Firat News Agency, Hawar News Agency, Rojnews, Yüksekovahaber, Özgür Gündem, Sendika mais aussi les sites pro-KRG Rudaw et BasNews !

    Un jeu très dangereux

    Il est très clair que ces trois types d’attaque – militaire, policière et politique – contre la gauche démocratique kurdo-turque en Turquie, relèvent d’une tactique jusqu’au-boutiste d’Erdoğan, à qui le peuple a refusé le 7 juin de donner des pouvoirs illimités.

    En attaquant en même temps Kurdes et EI, il espère manipuler la coalition internationale et profiter d’un léger paravent anti-djihadiste pour porter discrètement des coups durs aux Kurdes. Concentrer 90% de ses moyens militaires, policiers et politiques contre les Kurdes est cependant un peu trop voyant et, hormis les propagandistes habituels du régime, y compris en Europe, personne n’est et ne sera dupe de cette mascarade.

    Erdoğan anticipe par avance l’échec des discussions pour former une coalition électorale entre l’AKP et un autre parti – qu’il organise au jour le jour par ses prises de position ubuesques – et déclenche pendant la période intérimaire le maximum de chaos, y compris une guerre, afin de parvenir aux élections anticipées en position de force. L’enjeu est bien pour lui de rallier l’électorat ultra-nationaliste du MHP. Pas sûr cependant que cela suffise et l’on peut craindre, lors de ce scrutin anticipé, une fraude massive et des violences organisées par le régime bien pires que celles du 7 juin, afin d’empêcher à nouveau le HDP de franchir la barre des 10%.

    Ce n’est pas la première fois qu’Erdoğan utilise la stratégie de la tension. C’est un jeu très dangereux auquel il joue : aujourd’hui la question n’est plus de défaire les HPG dans les montagnes - ce qui n’a pas été possible pendant 40 ans et ne l’est toujours pas - mais bien de devoir assumer la colère et la frustration montantes d’une jeunesse urbaine démocratique, turque et kurde, lassée d’un régime réactionnaire, autoritaire, corrompu et violent.

    samedi 25 juillet 2015  par  Amitiés kurdes de Bretagne

    http://www.akb.bzh/spip.php?article951

    http://www.akb.bzh/spip.php?article950

  • Après l’attentat de Suruç (Turquie): Solidarité internationale avec le peuple Kurde et la reconstruction de Kobanê (Npa)

    Après l’attentat de Suruç (Turquie): Solidarité internationale avec le peuple Kurde et la reconstruction de Kobanê

    Le NPA dénonce l’attentat suicide attribué à Daesh survenu au matin du 20 juillet, à Suruc, en Turquie qui a fait 31 victimes et une centaine de blessés hospitalisés. Il exprime sa solidarité avec les victimes et aussi avec le Centre culturel Amara, plaque tournante de la solidarité internationale pour la reconstruction de Kobanê, lieu d’accueil pour l’Association du Rojava qui y coordonne les aides et secours internationaux.

    Celui qui a commis ce lâche attentat-suicide, ceux qui l’ont commandité savaient ce qu’ils faisaient. Ils ont ciblé 330 jeunes hommes et jeunes femmes rassemblés à Suruc par la Fédération des associations de jeunes socialistes de Turquie qui venaient d’annoncer qu’ils avaient enfin obtenu l’autorisation des autorités turques de franchir la frontière turco-syrienne pour participer à la reconstruction de la ville de Kobanê. L’assassin et ses commanditaires ont voulu terroriser les militantes et militants de la solidarité internationale avec la résistance populaire des YPG et YPJ du Rojava contre la barbarie de Daesh. Nous ne leur céderons pas.

    Il ne fait aucun doute que l’assassin n’a pu agir qu’avec la complicité de l’Etat turc, dont la police sur place, à Suruc, contrôle toutes les allées et venues, et qui, ce lundi matin, a tiré des gaz lacrymogènes contre les ambulances transportant les blessés dans les hôpitaux. La responsabilité politique d’Erdogan, de l’AKP et du gouvernement turc est totalement engagée.

    Le NPA dénonce le silence du gouvernement français et de Hollande. 300 militants kurdes croupissent toujours dans les geôles françaises, et le PKK figure toujours sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne.

    Cet attentat pourrait être le prétexte recherché par Erdogan, se posant en garant de l’ordre et de la sécurité dans la région, pour renforcer le déploiement militaire de l’Etat turc à la frontière turco-syrienne, obtenir de ses alliés de l’OTAN leur feu vert pour y établir la « zone tampon » qu’il leur réclame depuis un an, faire pénétrer ses troupes en Syrie pour y écraser le soulèvement en cours au Rojava.

    Le NPA soutient les manifestations de protestation contre cet attentat et de solidarité au peuple kurde en particulier, à Paris, le 25 juillet à 14h, gare de l’Est.

    NPA, Montreuil, le 21 juillet 2015

    * “Solidarité internationale avec le peuple Kurde et la reconstruction de Kobanê”. http://www.npa2009.org/

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article35494

    -kurdes9.jpg

  • L’attentat de Daech à Suruç (Turquie) L’AKP et l’Etat profond turc aussi coupables…(Essf)

    Permalien de l'image intégrée
     

    Le groupe ultra réactionnaire de Daech (le soi disant Etat Islamique) a visé le lundi 20 juillet 2015, le centre culturel d’Amara à Suruc en Turquie, qui accueillait une réunion de 300 jeunes, membres de la Fédération des associations des jeunes socialistes d’Istanbul, qui devaient se rendre à la ville de Kobani en Syrie pour la reconstruction de cette ville à majorité peuplé de kurdes.

    Ces jeunes révolutionnaires avaient quitté Istanbul la veille, pour se présenter comme “les enfants de Gézi”, les enfants du mouvement de protestation qui commençait à Istanbul en juin 2013. Dans une vidéo de leur campagne un des jeunes socialistes de SGDF déclarait : « Nous planterons 500 arbres au nom des révolutionnaires morts dans la résistance contre l’EI (l’État islamique) à Kobane. Nous allons planter des fruitiers au nom de Berkin Elvan, mort à 15 ans pendant les protestations à la place Gézi. Nous reconstruirons le musée de la guerre à Kobane, remettrons en état la bibliothèque et la crèche du centre culturel, nous construirons une plaine de jeux et aiderons au dégagement du centre de Kobane. » Les jeunes apportaient des livres, des jouets, des vêtements et des jeunes arbres à planter.

    L’attentat a causé la mort de plus de 30 victimes et plus de centaines de blessées. Au même moment, Daech a également attaqué la ville de Kobani. Ces nouveaux crimes barbares de Daech s’ajoutent aux nombreux crimes et massacres du mouvement ultra fondamentaliste en Iraq et Syrie et aussi à travers la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord dans son projet totalitaire et réactionnaire qui s’attaque à tous les peuples de la région sans exception. En Syrie, Daech s’est d’ailleurs particulièrement attaqué aux révolutionnaires syriens.

    Cet attentat doit néanmoins être compris comme une conséquence des politiques du gouvernement de l’AKP avec la collaboration de l’Etat profond turc dominé par le commandement militaire turc depuis le début des processus révolutionnaires dans la région fin 2010 et début 2011.[1]

    Ces deux forces réactionnaires n’ont cessé de se rapprocher ces dernières années malgré des oppositions importantes au début de l’arrivée au pouvoir de l’AKP en 2002. Il faut également rappeler le renforcement de l’autoritarisme du gouvernement de l’AKP au cours des dernières années, avec multiplication de lois liberticides et qui donne plus de poids aux forces de sécurité et de la police, avec des répressions violentes de mouvements populaires comme durant Gezi en 2013, de manifestations comme lors de la Gay pride à Istanbul dernièrement ou bien du premier mai, répression de grèves, utilisation de discours communautaires contre les alévis, discours conservateur et réactionnaire contre les femmes, Erdogan déclarant que l’égalité hommes–femmes est contre nature, sans oublier les affaires de corruptions, renforcement de l’emprise de l’exécutif sur l’appareil judiciaire adopté par un projet de loi en décembre 2014 et autres manipulations au niveau de la justice notamment lorsque quatre procureurs turcs de haut rang qui avaient instruit des enquêtes de corruption qui avaient ébranlé à l’hiver 2013-2014 le régime de l’AKP ont été démis hier de leurs fonctions pour des raisons disciplinaires, etc…

    Comme le soulignait à juste titre des activistes progressistes turcs, il est aussi étrange que l’armée turque soit si efficace à repousser des civils syriens qui fuient les bombardement du régime Assad ou les attaques de Daech et tentent de traverser clandestinement vers la Turquie, comme il y a quelques jours lorsque presque 500 civils syriens furent arrêtés par les forces de sécurités turques, mais sont incapables d’assurer la sécurité d’un rassemblement de 300 personnes dans un centre culturel…

    D’ailleurs les bus des jeunes socialistes étaient suivis depuis Istanbul par des policiers en civil. De plus le gouverneur de Urfa avait donné l’ordre en juin d’arrêter des journalistes qui lui posaient des questions à propos de la présence de membres de Daech dans sa ville.

    Les manifestations en solidarité avec les victimes de Suruc ont aussi été réprimées par la police turque le soir même à Istanbul.

    Le gouvernement de l’AKP a soutenu en effet en Syrie des acteurs islamistes et djihadistes contre les forces démocratiques syriennes et kurdes de la révolution. Cela a notamment pu être constaté lorsque le leader de l’armée de l’Islam, Zahran Alloush, dans la campagne de Damas, a pu se rendre à Istanbul sans aucun problème pour se rendre à une conférence d’oulémas, alors que de nombreux civils syriens sont repoussés aux frontières turques…

    Le gouvernement turc a aussi fermé les yeux sur le passage des djihadistes vers la Syrie de la Turquie, transformant cette dernière en une zone de transit pour les djihadistes venus du monde entier. Des collaborations entre l’armée turque et certains groupes islamistes et djihadistes ont également été découvertes. En mai 2015, l’ancien procureur de la région d’Adana, Suleyman Bagriyanik, et ses adjoints Ozcan Sisman, Aziz Takci et Ahmet Karaca ont été arrêtés par les autorités turques et ont comparu devant le tribunal d’Adana.

    L’ancien colonel Ozkan Cokay a également été arrêté du fait de son rang de plus haut gradé de la région. Les quatre procureurs avaient été mutés puis suspendus après avoir ordonné la fouille de plusieurs camions et bus dans les provinces d’Adana et Hatay, frontalières de la Syrie, en janvier 2014, parce qu’ils les suspectaient de contrebande de « munitions et armes » à destination de la Syrie. Une série de documents avaient alors circulé sur Internet affirmant que les camions saisis étaient en réalité des véhicules de l’Agence de renseignements nationale (Mit) livrant des armes aux des groupes islamistes combattant le régime Assad.

    A l’automne 2014, lorsque Daech assiégeait durant de long mois la ville de Kobani provoquant le départ d’environ 200 000 personnes, le gouvernement de l’AKP a refusé de venir en aide aux Kurdes ou bien de laisser passer des combattants du PKK à travers la frontière pour combattre les djihadistes. Durant cette période, des tentes pour accueillir des réfugiés ont été détruites et une chaîne humaine d’activistes pour la paix le long de la frontière a été agressée à coup de grenades lacrymogènes à la frontière avec Kobani. C’est à ce moment là, que le président turc Erdogan déclara que PKK était pire aux terroristes de Daech… Les autorités turques imposèrent à cette même période un couvre feu pour la première fois depuis 1992, dans six provinces du pays peuplées en majorité de Kurdes à la suite de manifestations importantes des membres de la population kurde contre la politique du gouvernement AKP de ne pas vouloir venir en aide à la ville de Kobani et de refuser le passage des combattants kurdes vers la Syrie.

    L’objectif principal était et est jusqu’à aujourd’hui pour le gouvernement de l’AKP d’empêcher toute forme d’autonomie du peuple kurde en Syrie, tout en soutenant des courants fondamentalistes en Syrie avec des affinités idéologiques et politiques et ayant des connexions avec le pouvoir central à Istanbul et qui sont hostiles à toute forme d’autonomie du peuple kurde. Ces politiques et le discours chauviniste du président Erdogan rends difficile toute poursuite du processus de paix entamé avec le PKK en 2013 et qui est aujourd’hui à l’arrêt total…

    Durant la dernière campagne électorale, le mouvement du Parti démocratique du peuple, connu sous le nom du HDP, qui a réalisé un score historique de 13,1 % et a obtenu 80 députés, a également été l’objet de nombreuses intimidations agressives par le parti de l’AKP et particulièrement du président Erdogan, sans parler des agressions physiques par des mouvements nationalistes turcs d’extrêmes droites ou bien des attaques à la bombe contre des réunions électorales du HDP. Ce parti à grande majorité kurde a réussi à élargir son audience au-delà de la seule communauté kurde (20 % de la population en Turquie) par un programme politique démocratique et progressiste qui reconnaît le génocide arménien, défends les droits des populations LGBTQI (avec le premier député au parlement ouvertement homosexuel), défends les droits des minorités religieuses et ethniques et dont plus de 40% de ses députés élus sont des femmes.

    Ces politiques agressives de l’AKP ont une base historiques de discrimination et de répression de l’Etat Turc contre le peuple kurde, dont l’identité continue a bien des égards à être niée malgré des avancées, que ce soit au niveau culturel, socio-économique et politique. C’est dans ce cadre que le mouvement du PKK et ses membres ont été criminalisés, il y a plus de 8000 prisonniers politiques kurdes en Turquie. Il est nécessaire de condamner l’inscription du PKK dans ce cadre sur les listes des organisations terroristes, comme celle de l’UE, bien que des critiques puissent êtres formulées à son encontre. [2]

    Le gouvernement de l’AKP et l’état profond turc dominé par les militaires ont une responsabilité dans ce massacre barbare commis par Daech, et c’est pourquoi il faut également s’opposer à ces deux acteurs, de même à tout mouvement se réclamant de l’héritage kémaliste, pour espérer un changement radical pour aller vers plus de démocratie, de justice sociale et d’égalité pour toutes les classes populaires en Turquie, pour le droit à l’autodétermination du peuple kurde en Turquie (mais aussi en Syrie, Iraq et Iran) et la reconnaissance du génocide arménien et autres causes populaires…

    Joseph Daher 21 juillet 2015

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article35497

    Lire aussi:

    http://www.revolutionpermanente.fr/Turquie-32-militants-de-gauche-massacres-a-Suruc

  • Daesh assassine la solidarité révolutionnaire (Essf)

     
    Massacre de Suruç (Turquie) :
    Condamnons la barbarie djihadiste et la politique guerrière de l’AKP !

    Plus de trente jeunes révolutionnaires ont perdu la vie suite à un attentat terroriste perpétré par l’organisation djihadiste DAESH dans la ville de Suruç, à la frontière de la Syrie. Nous manifestons toutes nos condoléances aux familles, amis et camarades des victimes.

    Ce lundi 20 juillet 2015 un groupe de trois cents jeunes s’apprêtaient à passer la frontière pour participer à la reconstruction de la ville kurde de Kobané, détruite lors de l’héroïque résistance de la population locale, du PYD et des milices des YPG-YPJ, ainsi que des combattants volontaires venus de toute part.

    Dans le cadre de la campagne de soutien organisé par la Fédération des Associations de Jeunesses Socialistes, dotés de colis de jouets, de produits sanitaires, de pots de peinture, de livres et films, ces jeunes, pour la plupart étudiants projetaient de contribuer à la reconstruction des bâtiments, d’édifier parcs et crèches pour les enfants, de former une bibliothèque.

    C’est ce sentiment inébranlable de solidarité internationaliste avec les kurdes de Kobané qui a constitué la cible de DAESH et non pas “La Turquie”, comme le prétend le Premier Ministre Davutoglu. C’est bien sa guerre contre le PYD, face auquel il perd du terrain en Syrie, que l’organisation djihadiste tente d’exporter sur le territoire turque avec cette attentat ignoble, tout comme les explosions lors du meeting du Parti Démocratique des Peuples (HDP) à Diyarbakır.

    Mais comment ne pas voir ici les conséquences de la politique étrangère de l’AKP, résolu à faire tomber à tout prix le régime de Damas, en soutenant conjoncturellement tel ou tel groupe djihadiste afin d’étendre son hégémonie au Moyen-Orient ? Rappelons-nous des camions bourrés d’armes et de missiles s’apprêtant à passer en Syrie sous le contrôle des services de renseignements, des hôpitaux à la disposition des militants blessés de DAESH. Rappelons-nous de la réjouissance à peine cachée d’Erdogan lorsqu’il déclarait que “Kobané est sur le point de tomber”. N’était-ce pas Davutoglu qui proclamait, alors qu’il était encore Ministre des affaires étrangère que DAESH pourrait être vu comme une structure radicale mais que ce sont “les mécontentements et indignations antérieurs” qui ont provoqué cette “réaction” ? Il y a encore un mois la presse de l’AKP annonçait à sa une, en se référant à des sources militaires que “le PYD est plus dangereux que DAESH”. Et finalement comment oublier la photographie exposant le sourire confiant de ce terroriste djihadiste lors de son interpellation par la police turque ?

    Face à la barbarie djihadiste et à ses collaborateurs, nous opposerons le sourire plein d’audace et porteur d’espérance que ces jeunes révolutionnaires, morts sur la route vers Kobané, nous ont légué. C’est en continuant leur combat que nous ferons vivre l’esprit de solidarité qui les animait.

    Pour le droit à l’autodétermination de peuple kurde !

    Vive la solidarité internationaliste !

    DAESH Assassin, AKP Collaborateur !

    Yeniyol
    Section Turque de la Quatrième Internationale

    21 juillet 2015
     
    Lire aussi:
     
  • Algérie : «Les affrontements de Ghardaïa sont liés à des intérêts pétroliers et gaziers» (Algeria Watch)

    Pour Fatma Oussedik, anthropologue, les affrontements entre communauté mozabite (berbères) et châamba (arabes) qui ont fait plus de 25 morts ces quatre derniers jours sont aussi liés à l'arrivée de nouvelles populations.

    Fatma Oussedik est anthropologue et professeur de sociologie à l'Université d' Alger II. La chercheuse revient sur les affrontements entre communauté mozabite (berbères) et châamba (arabes) qui ont fait plus de 25 morts ces quatre derniers jours dans la région de Ghardaïa.

    Les affrontements sont-ils liés à un conflit communautaire comme on le lit depuis quatre jours ?

    En manipulant les arguments communautaires entre Ibadites (berbères) et les chaâmba (arabes), on produit de fait du communautarisme. Ou alors du repli communautaire. Cependant, je ne crois pas à cette lecture avancée, qui me semble incomplète, car d’autres arguments et intérêts sont à l’œuvre dans la région. Pour bien saisir ce qui se passe, il faut avoir à l’esprit que, depuis la fin des années 1950, période qui correspond aux découvertes pétrolières, la population a été considérablement modifiée dans la région et Ghardaïa devenue le chef-lieu de la wilaya (préfecture).

    Comme qualifieriez-vous la région de Ghardaïa ?

    La région connaît des soubresauts liés aux énormes intérêts qui agitent la zone. Intérêts miniers, gaziers, pétroliers et nouveaux intérêts liés aux projets d’extraction du gaz de schiste. Cette région est déstabilisée par des intervenants extérieurs liés à ces mêmes intérêts économiques. A cela s’ajoute l’élément «route saharienne» car Gardhaïa a toujours été un centre important au nœud de ces routes. Et qui dit routes dit trafics intenses de drogues, de marchandises de contrebande, de migrants. Ce sont les anciennes routes de l’esclavage. De sorte qu’il y a aujourd’hui une insécurité produite par ces trafiquants.

    Quelles sont ces populations ?

    Elles sont venues, et viennent, de l’ensemble de l’Algérie. Ces populations arrivent dans un endroit où vivent depuis des siècles des communautés berbères établies avec du foncier, leurs cimetières, leur habitat et leurs organisations locales. Il y a donc des rivalités sociales et économiques entre ces gens venus de partout et ces populations établies et fortes de ce lieu d’origine et d’appartenance. Vous êtes une population berbère et vous parlez le berbère. Vous vivez ici depuis des siècles. Vous avez le sentiment qu’on vous conteste cette terre, y compris le fait d’y être établi. Ainsi s’opposeraient des autochtones et les autres populations qui se sont succédé depuis les années 50 en passant par les années 90, et ce notamment pour fuir les régions de forte insécurité [lors des années noires, ndlr]. Ces populations sont arrivées sans aucun moyen, sans aucune inscription dans aucun groupe local et presque désinstitutionnalisées.

    Et l’argument religieux ?

    Evidemment, il est présent et se surajoute. Ne pas oublier que Mokhtar Belmokhtar est né à Ghardaïa. Avant d’être un chef jihadiste, il a commencé sa «carrière» comme trafiquant. Belmoktar est le représentant d’une ces articulations multiples sur la région. Il faut savoir que les ibadites (berbères) appartiennent à une école doctrinale de l’islam. Mais en face, il y a un wahhabisme récemment installé dans la région. Pour finir le panorama, vous y rajoutez des forces centrifuges qui tentent d’attirer l’armée nationale dans une intervention extérieure vers le nord Mali ou la Libye.

    Comment expliquez-vous la passivité des forces de l’ordre dans la wilaya de Ghardaia ?

    Je dirais à qui profite le crime ? Le pacte national, c’est : l’Etat protège les biens et les personnes des interventions extérieures.
    Et que fait l’Etat algérien ? Rien.
    Cette passivité doit être interrogée quand, sur internet, des vidéos postées montrent les forces de l’ordre tirer sur les Ibadites…

    Jean-Louis Le Touzet, Libération du 10 juillet 2015

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/pol/ghardaia/interets_petroliers.htm

  • En Syrie, une expérience de démocratie directe (Basta)

    Syrian Kurds

    Egalitaire et multiconfessionnelle tient tête à l’Etat islamique

    Les médias occidentaux relaient abondamment les décapitations, les appels au meurtre et les exactions perpétrés par Daech, le pseudo « Etat islamique ». Pourtant, face à cette barbarie, les populations kurdes, arabes ou yézidis de la région de Rojava, au nord de la Syrie, mettent en oeuvre un autre modèle de société, émancipateur, égalitaire, multiconfessionnel, et très démocratique. Une expérience qui pourrait même servir d’inspiration pour ramener la paix dans la région. En attendant, les Kurdes et leurs voisins combattent pour défendre cette utopie concrète, sans véritable soutien international. Entretien avec des chercheurs et activistes qui en reviennent.

    Les raisons d’espérer sont rares en provenance de Syrie. Mais en janvier 2015, le monde découvre, ébahi, les images de femmes kurdes en treillis qui participent à la résistance puis à la libération de la ville syrienne de Kobané. Un mouvement démocratique et anti-patriarcal vient de défaire les forces ultra-réactionnaires de l’État islamique, victorieuses ailleurs. Deux modèles de société radicalement différents se font face. Car le Kurdistan syrien fait l’expérience depuis 2011 d’une révolution démocratique inédite.

    Assez vite débarrassé des forces du régime de Bachar el-Assad, le mouvement de libération kurde y a développé une organisation politique basée sur la démocratie directe, l’organisation en communes et la libération des femmes. Malgré la guerre, les attaques de l’État islamique (EI), l’embargo turc, sur fond d’indifférence de la communauté internationale, la région poursuit la mise en pratique de ce confédéralisme démocratique, un modèle de société multiconfessionnelle et multi-ethnique, sans État, pour l’émancipation de tous. Entretien avec Ercan Ayboğa et Michael Knapp, co-auteurs de Revolution in Rojava, ouvrage d’enquête militante sur cette révolution en cours au milieu du chaos syrien.

    Basta ! : Ce qui se passe depuis 2011 dans la région syrienne de Rojava (au nord de la Syrie, à la frontière avec la Turquie), représente-t-il le contre-modèle absolu de la violence de l’État islamique ?

    Ercan Ayboğa [1] : L’État islamique représente la ligne la plus réactionnaire qui existe aujourd’hui et en Syrie et au Moyen Orient, plus réactionnaire encore qu’Al-Qaïda, et le pôle le plus opposé au mouvement de Rojava. Il y a d’un côté le modèle de société de Rojava, une démarche démocratique et émancipatrice, et de l’autre, l’EI, extrêmement réactionnaire, hiérarchique, misogyne, absolument anti-démocratique, violent, et qui exploite les populations.

    Michael Knapp : Rojava ressemble évidemment à une antithèse de l’EI. Mais c’est beaucoup plus profond. L’EI est aussi l’expression du jeu des forces présentes au Moyen Orient. Rétrospectivement, vu de l’Occident, on peut avoir l’impression que le mouvement de Rojava est né en opposition à l’EI. Mais en fait, c’est plutôt l’EI qui a été renforcé par des puissances comme la Turquie, entre autres pour détruire ce projet de Rojava.

    Comment le projet démocratique du mouvement kurde s’est-il mis en place en Syrie, malgré la guerre civile ? Un compromis a-t-il dû être passé avec le régime de Bachar el-Assad ?

    Michael Knapp : Quand la guerre civile a commencé en Syrie, le mouvement kurde n’a pas voulu s’allier à l’opposition. Il soutenait bien évidemment l’opposition démocratique, celle qui misait sur une sortie de crise politique et pas sur une escalade de la violence. Mais il voyait aussi que les forces d’opposition étaient soutenues par la Turquie, l’Arabie saoudite, le Qatar et les pays occidentaux. C’est pour ça que le mouvement kurde a décidé de prendre une troisième voie.

    Du point de vue militaire, les forces combattantes d’autodéfense kurdes sont allées encercler les casernes du régime et leur ont dit : soit vous partez, soit on vous combat. Souvent, les soldats du régime se sont retirés relativement pacifiquement, pensant que les forces kurdes n’allaient pas combattre aux côtés de l’Armée syrienne libre. Le régime a donc préféré poster ses soldats ailleurs. Même s’il y a eu des combats autour des puits de pétrole. C’est dans ce vacuum que le modèle de Rojava a pu prendre naissance.

    Les membres de la coalition nationale syrienne et de l’armée syrienne libre reprochent parfois aux structures d’auto-organisation de la région de collaborer avec le régime. Mais il faut comprendre que le mouvement kurde suit un principe d’autodéfense légitime et de primat de la politique civile. Cela veut dire qu’aussi longtemps qu’on n’est pas attaqué, il faut tout résoudre politiquement. C’est aussi la politique suivie par la guérilla du Nord-Kurdistan (Kurdistan turc).

    Comment s’organise maintenant la vie politique dans la région ?

    Michael Knapp : C’est complexe et dynamique à la fois. L’organisation s’adapte aux besoins. Les assemblées des conseils sont le moteur de tout. Il y a plusieurs niveaux de conseils : de rue, de quartier, de la ville… Chaque niveau envoie ensuite des représentants dans les structures du niveau supérieur : des conseils de rue aux conseil de quartiers, des conseils de quartiers aux conseils des villes, puis vers les conseils des cantons et jusqu’au conseil populaire de Rojava. Les communautés s’organisent aussi en commissions à ces différentes niveaux, pour la sécurité, l’économie, la justice…

    Les commissions forment comme des ministères au niveau de la région. Les conseils sont toujours doubles, avec un conseil mixte et un conseil des femmes. Le conseil des femmes a droit de veto. Et dans tous les conseils mixtes, il y a une règle de parité, un quota de 40 % au moins pour chaque genre, et le principe d’une double direction, élue, avec une femme et un homme. Si dans une ville, il y a une communauté yézidie ou des communautés arabes, par exemple, ils ont aussi droit à une co-présidence dans les conseils. On a donc souvent une présidence de conseil triple voire quadruple.

    Parallèlement aux conseils, il existe un parlement, parce qu’il y a encore des gens qui sont membres de partis et qui doivent aussi pouvoir s’organiser et être représentés. Dans ce parlement, il y a les partis, mais une partie des sièges sont réservés à des organisations de la société civile, associations de défense des droits de l’homme, de la communauté yézidie… Malheureusement, il n’a pas encore été possible de tenir des élections au niveau de toute la région pour désigner par le vote les membres de ce Parlement, à cause de la guerre.

    D’où vient ce modèle de l’auto-organisation et de confédération démocratique ?

    Ercan Ayboğa : Des structures d’auto-organisation communalistes sont nées au Nord-Kurdistan, en Turquie, en 2007-2008. Ces expériences se sont ensuite transmises à Rojava à partir de 2011. Le projet de confédération lui-même vient du KCK (Union des communautés du Kurdistan), une branche du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) créée en 2005. L’idée était de démocratiser le mouvement de libération kurde, de s’éloigner d’une structure de parti pour aller vers un mouvement porté par la société toute entière. Le mouvement a profité des héritages historiques comme la Commune de Paris (1871), mais surtout du mouvement zapatiste au Mexique. Avant, le PKK avait une démarche marxiste-léniniste. Le parti a lancé des discussions sur le « confédéralisme » démocratique au début des années 2000.

    L’écologie joue-t-elle un rôle dans ce mouvement ?

    Michael Knapp : L’écologie en est un point central. Pour développer le projet du confédéralisme démocratique, Öcalan (le leader du PKK, emprisonné en Turquie depuis 1999) s’est saisi du principe de l’écologie sociale du militant américain Murray Bookchin. Avec l’idée que le capitalisme est un système qui conduit à la destruction de la planète, et qu’il faut donc construire une économie basée sur une production régionale, écologique et décentralisée.

    Quelles sont les structures d’émancipation des femmes à Rojava, à côté des conseils de femmes et des brigades féminines des forces d’auto-défense ?

    Ercan Ayboğa : Dans chaque ville, il y a une maison des femmes. C’est un centre politique, mais aussi un centre de conseil, avec des séminaires, des cours, du soutien. Il y a aussi de nombreuses coopératives de femmes, des boulangeries, des coopératives textiles, de produits laitiers…

    Michael Knapp : Le mouvement de libération des femmes profite aussi aux autres communautés, par exemple aux communautés suryoyes (chrétiens) et arabes. Sur la zone près de la frontière irakienne, il y avait des groupes arabes très conservateurs mais qui sont entrés en conflit avec l’EI et ont demandé aux unités kurdes des les aider à s’en libérer. Du coup, beaucoup se sont joints au mouvement. J’ai vu des unités de formations de ces hommes. Il ne s’agissait pas seulement de savoir-faire militaire, mais aussi de discussions sur les droits des femmes et sur la démocratie directe.

    Nous avons aussi rencontré des jeunes femmes des communautés arabes qui ont rallié les forces combattantes d’autodéfense [2]. Elles nous ont dit qu’il y a deux ans, elles ne sortaient pas de leur maison, et maintenant, elles protègent la frontière les armes à la main. Ce modèle de confédéralisme démocratique n’est pas identitaire. C’est pour ça qu’on peut espérer qu’à plus grande échelle, il puisse aussi représenter un modèle de résolution des conflits ailleurs au Moyen Orient.

    Comment s’organise l’économie ?

    Michael Knapp : C’est très difficile notamment à cause de l’embargo imposé par la Turquie. Dans le canton de Jazirah par exemple [La région de Rojava a été découpée en trois cantons : Kobané, Jazirah et Afrin, ndlr] il y a, comme ressources, du pétrole et des céréales. Mais il n’y a pas de raffinerie et presque pas de moulins. Nous avons vu des silos assez pleins pour nourrir toute la Syrie pendant dix ans. Mais les céréales ne peuvent pas être transformés sur place. Une économie collectivisée se développe pourtant, avec des coopératives, qui raffinent, comme elles peuvent, le pétrole, des coopératives agricoles…

    Ercan Ayboğa : Les coopératives jouent un rôle toujours plus important à Rojava. Elles sont soutenues par les conseils. Mais l’économie privée est aussi possible, ce n’est pas interdit.

    Le mouvement reçoit-il des soutiens de l’étranger, du Kurdistan turc, irakien, ou de la communauté internationale ?

    Ercan Ayboğa : Il y a quelques médicaments et des outils qui arrivent du Nord-Kurdistan, en Turquie. Mais la Turquie ne laisse passer que peu de choses. Le soutien du Nord-Kurdistan reste néanmoins très important. Les administrations auto-organisées du Nord-Kurdistan soutiennent vraiment Rojava. La ville de Diyarbakir a par exemple envoyé à Kobané des machines de construction, des ingénieurs, un soutien technique. Mais pas officiellement. Sinon, de l’aide arrive d’ailleurs, d’ONG, mais c’est très peu. La communauté internationale dit qu’elle a besoin de l’autorisation du gouvernement syrien pour envoyer de l’aide vers Rojava. Mais les gens à Rojava attendent évidemment plus de soutien international parce qu’ils considèrent qu’ils combattent pour l’ensemble du monde démocratique.

    Michael Knapp : Rojava n’a presque pas de moyens financiers, et ne reçoit pas d’aide humanitaire. La communauté internationale dit que le problème, c’est que ce n’est pas un État. Manifestement, aux yeux de la communauté internationale, le système d’auto-organisation de Rojava n’a pas à être soutenu.

    Pourtant, les forces combattantes kurdes d’autodéfense ont à leur actifs plusieurs succès militaires contre le pseudo État islamique...

    Michael Knapp : Dans ces forces d’autodéfense, les gens combattent pour survivre, pour des convictions, et pour un projet de société. Certains ont longtemps combattu au Nord-Kurdistan auparavant. Ils ont déjà beaucoup d’expérience militaire. Mais leur armement est vraiment modeste, en comparaison à celui de l’EI par exemple.

    Recueilli par Rachel Knaebel 10 juillet 2015

    Notes

    [1Ercan Ayboğa, activiste, et Michael Knapp, historien, sont les co-auteurs, avec Anja Flach, ethnologue, de Revolution in Rojava, paru en allemand chez VSA Verlag en février 2015.

    [2Pour les hommes comme pour les femmes, l’âge minimum pour rallier les forces d’autodéfense est de 18 ans.

    Cet article vous a intéressé ? Basta ! a besoin de ses lecteurs pour poursuivre son travail, faites un don.

  • Béjaïa : la société civile se mobilise pour faire face aux « salafistes » (El Watan.dz)

    http://lh3.googleusercontent.com/-5XILQpfkF2w/VZJzaEGG_5I/AAAAAAAH_5c/X7wHo4lSt84/s160-c/d-peril-salafiste-la-societe-civile-simplique-f00b7.jpg

    Taille du texte normaleAgrandir la taille du texte

    Le comité de vigilance et de sauvegarde des libertés (CVSL) est né. C’est au cours d’une rencontre organisée, dimanche soir au siège de la CDDH de Béjaïa, qui a regroupé des militants des droits de l’Homme, associations, artistes, auteurs, journalistes, citoyens de la wilaya de Béjaïa, que ce comité est créé pour faire face à la montée intégriste.

    Des salafistes qui se fondent dans la société mais qui ne se dérangent plus pour s’approprier les missions «des gardiens de la révolution islamique iranienne» au point d’interpeller des femmes dans la rue pour les sommer de se voiler, témoignages à l’appui. Profitant de la démobilisation générale, de la déliquescence de l’Etat, ces islamistes, qui s’affichent rarement, manipulent les associations religieuses, les comités des quartiers et même des voyous pour arriver à leur fin : s’accaparer les espaces publics et imposer leur loi.

    C’est le cas à Béjaïa où des islamistes qui fréquentent la mosquée jouxtant la maison de la culture Taos Amrouche tentent d’interdire les activités culturelles sur l’esplanade de cette institution, sous le faux prétexte que cela dérange les fidèles dans leur prière de taraouih, puisque les festivités commencent à 22h30 et parfois même à 23h, soit à la fin de la prière.

    Lors de cette rencontre, survenue suite à cet évènement, les participants ont opté à l’unanimité pour l’interpellation des autorités locales et centrales concernées, à savoir celles du secteur de la culture, des affaires religieuses et le wali avant de proposer l’option d’exiger de la direction de la culture de reprendre ces activités en plein air.

    Pour Saïd Salhi, vice-président de la ligue des droits de l’homme algérienne (LDDH) : «L’enjeu est l’occupation et l’hégémonie sur les espaces publics. Les citoyens n’ont pas à aller affronter d’autres citoyens, ou s’adresser à l’imam ou à l’association religieuse, il y a des lois. L’Etat doit assumer ces responsabilités pleinement. Donc, à mon avis, il faut d’abord interpeller les institutions de l’Etat pour qu’elles fassent respecter les lois et protéger les lieux publics de toute récupération ; l’Etat doit sévir».

    Complicité du pouvoir 

    Le militant a proposé également d’aller vers un travail pédagogique, car, dit-il, «la question que nous débattons aujourd’hui est tellement sensible que ça engage également la société civile. Pour éviter les dérapages et les amalgames. Car malheureusement, les freins sont aussi dans la société. La société civile n’a pas à traiter avec les riverains et un comité religieux et ignorer la responsabilité de l’Etat, c’est dangereux».

    Les militants associatifs, de leur côté, en appellent aux partis politiques pour prendre une position. Les participants de différentes sensibilités (religieuse, idéologique et politique), des femmes et des hommes ont qualifié la situation de grave et qu’elle s’enlise davantage. «Que l’administration fasse son travail !», s’accordent-ils à dire. Ils ont rappelé que «la question est plus profonde que de la cantonner dans une histoire de galas sur cet espace, il s’agit de la mouvance salafiste rampante dangereusement».

    M. Djenadi, journaliste et animateur de télévision, a souligné «la complicité du pouvoir avec les islamistes dans le but de mettre à genoux l’un des derniers bastions de la résistance et remparts contre l’obscurantisme, qui est la Kabylie. Nous devons dénoncer le silence du pouvoir et le pousser à protéger les droits de chacun, ceux de tous les citoyens. Nous avons besoin de plus d’espace pour la culture pour faire rayonner nos traditions».

    Ce qui se passe est le redéploiement de l’islamisme politique, selon Nacer, militant des droits humains. «Avec son mutisme, le pouvoir vient de leur ouvrir une brèche qu’ils exploitent pour revenir au-devant de la scène et mettre la main sur les espaces publics. Il y a des institutions démissionnaires et nous assistons même à l’islamisation de l’Etat qui se manifeste à travers ces descentes policières dans des cafés pour déloger des non-jeûneurs», conclut-il.

    Nordine Douici le 30.06.15 | 16h47

    http://www.elwatan.com/actualite/bejaia-la-societe-civile-se-mobilise-pour-faire-face-aux-salafistes-30-06-2015-298599_109.php

     

  • Tizi Ouzou: Célébration du 17e anniversaire de l’assassinat de Matoub Lounès (Algeria Watch)

    *

    Rien n’a changé, ou presque, 17 ans après l’assassinat du chanteur engagé, Matoub Lounès. Son nom et son combat vibrent toujours dans le cœur de milliers d’Algériens venus hier en nombre à Ath Douala (Tizi Ouzou), son village natal, pour assister à la commémoration de son assassinat.

    Sur les réseaux sociaux, la photo du présumé assassin du Rebelle, Malik Medjnoun (acquitté en mai 2012 après 11 ans de détention), en compagnie de Nna Aldjia, mère de Lounès et Malika Matoub, sa sœur, est une preuve, pour beaucoup d’internautes, que la lumière sur l’assassinat de Matoub est loin d’être faite. Malgré la maladie, sur une chaise roulante, Nna Aldjia a tenu à être présente lors du dépôt de la gerbe de fleurs au lieu de l’assassinat, à Tala Bounan.

    S’en est suivie une prise de parole de Malika Matoub qui a appelé tous ceux qui croient au combat de Matoub «à se mobiliser autour de la fondation Matoub Lounès afin de l’aider à faire la lumière sur son assassinat». De son côté, Aziz Hamdi, membre de la Fondation qui s’est vu refuser, l’année dernière, l’autorisation de l’organisation de commémoration du Rebelle par la wilaya d’Alger, rappelle qu’une projection du film documentaire, Le Rebelle, réalisé par la BBC en 1996, sera organisée après le mois de Ramadhan à l’Institut français d’Alger.

    Meziane Abane El Watan, 26 juin 2015

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/just/matoub/17e_anniversaire_assassinat.htm

  • Cela s’est passé un 25 Juin 1998, Assassinat de Matoub Lounes (Babzman)

    maatoub

    Le Rebelle, le cardinal de la chanson kabyle, le symbole, le martyr… Matoub Lounes était le roi de la chanson engagée. Il a été assassiné, dans un faux barrage, le 25 juin 1998.  

    Matoub Lounes ou Lwennes AthLounis est né à Taourirt Moussa, un village de la daïra de Beni Douala au cœur de la wilaya 3, le lundi 24 Janvier 1956, soit une année et demie après le déclenchement de la guerre de libération, une guerre qui a beaucoup influencé l’adolescent, puis l’artiste.

    Petit garçon, il aime particulièrement le retour des moudjahidines au village et suit leurs traces partout. Il fabrique des pistolets et des mitraillettes de fortune et se voit déjà en vaillant moudjahid. À 6 ans comme la plus part des enfants de son âge, il a rejoint l’école primaire de Taourirt Moussa puis l’école des pères Blancs a Beni-Douala. Très bon élève dès le début de sa scolarité, Matoub est aussi attiré par la musique. A neuf ans, il fabrique une guitare avec un bidon d’huile. Il apprend par cœur les chants traditionnels que chante sa mère Nna Aldjia. Matoub vit dans la même région que Chikh El hasnaoui, Slimane Azem et Cherif Hammani. Il fait plusieurs kilomètres à pied pour assister à leurs galas.

    Son père étant émigré en France, Lounes le remplace dans ses tâches, notamment aux assemblées du village, Tajmaat, et s’impose dans toutes les affaires, ce qui le rend adulte avant l’heure. Durant les années 1970, alors que sa famille déménage aux Issers, dans la wilaya de Boumerdes, Lounes va au lycée de Bordj Menail. A cette période, il commence déjà à s’engager pour la cause berbère. Son engagement lui vaut beaucoup d’inimitié au sein de son lycée, surtout après s’être opposé à l’arabisation. Suite à un incident avec le gardien de l’internat qui a tenu des propos anti amazigh, Matoub Lounes est contraint de quitter les bancs de l’école. Il s’inscrit pour une formation en mécanique générale au CFPA de Bord-el-Bahri, à Alger, mais quitte le centre au bout de quelques mois pour passer son service militaire à Oran où l’attend une nouvelle vie. D’abord, il voit de près le régionalisme et le rejet de la culture Amazigh.

    Il est plus que jamais convaincu de la justesse de ses positions. Lors du conflit algéro-marocain, en 1975, Matoub Lounes refuse d’aller combat aux frontières, ce qui lui vaut une comparution au tribunal militaire. En 1977, il quitte l’Algérie pour la France. Prenant exemple sur Chikh Hadj M’hamed El Anka, Slimane Azem, Chikh El-Hasnaoui et Dahamane El-Harrachi, il tente de se faire un nom au sein de la communauté algérienne émigrante en France. Il est très vite remarqué par la diva H’nifa et Idir. Ce dernier l’encourage à enregistrer son premier album en 1979. « Ay Izem » est une composition de chansons folkloriques Kabyles avec des touches modernes (synthétiseur, et batterie), une première dans la chanson kabyle. Matoub obtiendra le disque d’or suite au nombre de cassettes vendues.

    A l’âge de 23 ans, il devient l’enfant prodige de la Kabylie. Il anime un gala à guichet fermé à l’Olympia, en avril 1980, juste après les événements du printemps berbère. Sur scène, il rend hommage à l’initiateur de l’événement et ose prononcer le mot Amazigh dans ses chansons, un mot tabou durant cette période. Matoub Lounes se fait un nom parmi les grands militants algériens, à coté de Mouloud Mammeri et Kateb Yacine qui le surnomme « le maquisard de la chanson kabyle ».

    Matoub continue à se produire régulièrement, accompagnant les événements politiques du pays : le combat identitaire, la démocratie, la lutte contre la montée de l’intégrisme islamiste, un combat qui a faillit lui faire perdre la vie. Durant les manifestations d’octobre 1988, alors qu’il se rend à à Ain Hammam pour distribuer des tractes appelant à la grève et à la solidarité, un gendarme ouvre le feu sur lui, il est criblé de balles. Après deux années d’hospitalisation et de nombreuses opérations, Matoub réapparait un album intitulé «L’ironie du sort », puis un autre en 1991 « Regard sur l’histoire d’un pays damné », un album dans le style châabi pur, jugé très mature d’un point de vue artistique. En 1992, il sort un autre album où il rend hommage au président Boudiaf récemment assassiné. L’année d’après, il rend hommage à Tahar Djaout dans l’album « Kenza ».

    Cette même année, il anime des spectacles à Montréal et à San Francisco, invité par la communauté Afro-indienne. Il sera honoré par la pose d’une plaque commémorative à l’université de San Francisco. En 1994 Matoub Lounes vit de nouveau un autre cauchemar. L’artiste est kidnappé par un groupe terroriste, le 26 Septembre, non loin de Beni Douala. Le GIA revendique le rapt, mais le chanteur est miraculeusement libéré après 16 nuits de séquestration, suite à une forte mobilisation nationale et internationale. Il répondra à ses ravisseurs par un album mûr, structuré et très engagé, intitulé « Assirem » (L’espoir). Se disant témoin de son temps, Matoub reçoit le Prix de la mémoire collective, le 6 décembre 1994, à la Sorbonne, en France. Son nom résonne dans les grandes capitales occidentales.

    En 1995, il reçoit le premier prix de la liberté d’expression par l’agence Sky, au Canada. Cette même année, il publie son autobiographie, « Rebelle » (Ed. Stock, 1995). Deux plus tard Matoub atteint le sommet de son art. Il signe un album châabi, « Au nom de tous les miens », inspiré du livre de Martin Gray qui porte le même titre que l’album. Matoub qui a marqué toute une génération par ses textes engagés, ses chansons d’amour, son amour pour la patrie quittera la vie un jeudi 25 Juin 1998. Accompagné de son épouse et ses deux belles sœurs, il quittera le restaurant « Concorde » à Tizi-Ouzou, à 13 heures. Sur le chemin du retour vers Beni Douala, il tombe sur un faux barrage. Il est encore une fois criblé de balles. Mais cette fois-ci, il ne s’en relèvera pas. Matoub Lounes sera inhumé dans son village, le 28 juin 1998. Plus d’un millions de personnes l’accompagneront à sa dernière demeure. Son dernier album sortira le 5 Juillet 1998, soit 11 jours après son assassinat.

    Le succès est encore une fois au rendez-vous d’un opus jugé exceptionnel, qualifié de chef d’œuvre même. Le titre phare est une chanson sur la musique de l’hymne national Qassamen. Interdit de vente, l’album se vend pourtant à des milliers d’exemplaires. Disparu à 42 ans, après 20 ans de carrière, Matoub Lounes laissera derrière lui un répertoire de 28 albums, un livre et beaucoup de citations. Il demeure, aujourd’hui encore, un symbole pour son engagement et son talent.  

     Il disait : « La terre est  ma patrie, l’humanité est ma famille ….. Je préfère mourir pour mes idées que de mourir dans la lassitude ou de vieillesse dans mon lit …… toutes et tous pour une Algérie meilleure » 

    AZIZ HAMDI  

    http://www.babzman.com/2015/cela-sest-passe-un-25-juin-1998-assassinat-de-matoub-lounes/