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Révolutions Arabes - Page 178

  • Informer sur le Proche-Orient : « La tentation est de se rabattre sur ce qui apparaît comme un "juste milieu" » (Acrimed)

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    Nous remettons à la « une », trois ans après sa première publication, une interview de Benjamin Barthe, journaliste au Monde, consacrée au traitement médiatique du conflit opposant Israël aux Palestiniens. Les événements de ces derniers jours, et leur couverture par les « grands médias », confirment en effet malheureusement la plupart des constats opérés dans cette interview (Acrimed, 19 octobre 2015).

    Dans quelles conditions travaille-t-on lorsque l’on est journaliste dans les territoires palestiniens ?

    Le terrain est assez singulier. Il n’est pas accessible à tous les journalistes, il y a une forme de filtrage effectué par les autorités israéliennes, avec notamment la nécessaire obtention d’une carte de presse. Si l’on travaille pour une publication installée, renommée, cela s’obtient sans trop de problèmes. Dans le cas contraire, on ne l’obtient pas toujours. Or, par exemple, il est impossible de se rendre à Gaza sans carte de presse. Un second filtrage est effectué par Israël : c’est la censure militaire. Les journalistes à qui une carte est attribuée doivent s’engager à respecter la censure et à ne pas porter atteinte à la sécurité de l’État d’Israël. Enfin, la fragmentation géographique des territoires palestiniens est, de facto, un filtrage. Toutes les zones ne sont pas toujours accessibles. C’est ainsi que, lors des bombardements israéliens sur Gaza, à l’hiver 2008-2009, l’accès était fermé aux journalistes.

    Le territoire palestinien est exigu, ce qui crée en réalité des conditions favorables au travail de journaliste. On peut se rendre dans un lieu donné, mener son enquête, rentrer le soir même et rédiger son article. Par ailleurs, cela permet de faire des micro-enquêtes, des micro-reportages, de s’intéresser de manière précise au quotidien des Palestiniens. Parfois j’ai eu l’impression de faire des articles de type presse quotidienne régionale, à ceci près que le moindre de ces micro-reportages met toujours en jeu des questions politiques. Si l’on a envie de bien faire son travail, on peut donc proposer aux lecteurs des sujets originaux, variés, qui peuvent rendre palpable l’expérience quotidienne des Palestiniens et expliquer, beaucoup mieux que bien des sujets sur les épisodes diplomatiques tellement répétitifs et stériles, les enjeux de la situation.

    Comment manier les différentes sources sans être victime de la propagande ?

    On est confronté à une surabondance de sources, en réalité. Il y a bien sûr la presse, notamment la presse israélienne, avec des journalistes qui font très bien leur travail, par exemple au quotidien Haaretz. Il y a aussi une abondance d’interlocuteurs, notamment du côté palestinien, avec une réelle disponibilité. Ils veulent parler de leur situation, la faire connaître. Ils estiment que c’est dans leur intérêt de parler aux médias. Par exemple, il est relativement facile de parler, à Gaza, à un ministre du Hamas. Il y a aussi les sources venues de la société civile, avec les nombreuses ONG, tant du côté palestinien que du côté israélien, ou des différentes agences de l’ONU, très présentes sur le territoire. Ces ONG et ces agences produisent en permanence des rapports, des enquêtes, qui représentent une matière première considérable.

    L’important, c’est la gestion de ces sources. Le fait qu’il y ait surabondance peut en effet s’avérer être un piège. Premièrement, ces sources ne sont pas toutes désintéressées, elles peuvent avoir un agenda politique, il faut donc en être conscient et les utiliser à bon escient. Mais il y a un autre danger : on constate une tendance, dans la communauté des journalistes, à considérer que les sources israéliennes et les sources palestiniennes sont par définition partisanes. La tentation est donc de se rabattre sur ce qui apparaît comme un « juste milieu » : les sources venues de la communauté internationale, notamment les rapports de l’ONU, de la Banque mondiale, du FMI, etc. Ce n’est pas mauvais en soi, certains de ces rapports sont très fournis, très documentés, mais il y a tout de même des précautions à prendre. En effet, ces sources internationales restent prisonnières d’une certaine vision du conflit : la plupart d’entre elles sont arrivées dans la région après les accords d’Oslo et leur lecture du conflit est imprégnée de la logique et de la philosophie d’Oslo.

    Un exemple : la Banque mondiale a sorti récemment un rapport sur la corruption dans l’Autorité palestinienne. Les conclusions du rapport étaient en forme d’encouragement à la nouvelle administration palestinienne et au Premier ministre, Salam Fayyad, pour son travail de transparence, de modernisation des infrastructures et des institutions palestiniennes. Ce qui est assez choquant ici, c’est que la Banque mondiale est partie prenante de ce travail de réforme, elle verse de l’argent, elle participe aux programmes de développement qui sont mis en place dans les territoires palestiniens, etc. Que la Banque mondiale s’érige donc en arbitre des élégances palestiniennes, qu’elle distribue les bons et les mauvais points sur la corruption, est assez déplacé, puisque ce sont des politiques dans lesquelles elle est pleinement investie qu’elle prétend juger.

    J’ai rencontré la personne qui a enquêté et fait ce rapport, et il s’avère qu’elle a démissionné. En effet, son rapport a été en partie réécrit. C’est la philosophie même de son rapport qui a été remaniée, puisqu’elle y expliquait qu’en réalité c’était la structure même d’Oslo qui expliquait la corruption : un régime censé gérer une situation d’occupation pour le compte d’un occupant, en l’aidant par exemple à y faire la police, est par nature, par essence, générateur de corruption, qu’elle soit morale, politique ou économique. Or la Banque Mondiale n’a pas voulu que cette question soit abordée, y compris par sa principale enquêtrice : cela en dit long sur la situation, de plus en plus bancale, de plus en plus problématique, dans laquelle se trouvent ces organismes internationaux. Ils demeurent prisonniers d’un paradigme qui date de plus de vingt ans, et qui a largement failli. Il faut donc manier ces sources avec prudence.

    Certains insistent particulièrement sur le poids des mots, et notamment sur la portée symbolique de certains termes : mur/barrière, colonies/implantations, etc. Qu’en penses-tu ?

    Le débat au sujet de la clôture construite par Israël (faut-il parler d’un mur ? D’une barrière ? D’une clôture ?) est pour moi assez vain. Par endroit il s’agit effectivement d’une clôture électronique, avec des barbelés, à d’autres endroits il s’agit bien d’un mur... Donc le débat sur le nom m’intéresse assez peu. Pour moi, ce qui est essentiel, c’est de montrer les processus à l’œuvre derrière les mots, de montrer les réalités.

    On peut tout à fait dire qu’Israël construit un mur, mais si l’on oublie de préciser que ce mur est construit dans les territoires palestiniens et non pas entre Israël et la Cisjordanie, on passe à côté de la réalité de ce mur. Si on oublie de préciser, à propos des portes qui ont été aménagées par Israël dans le mur en expliquant qu’il ne s’agissait donc pas d’une annexion car les agriculteurs dont les champs se situent de l’autre côté du mur pourraient le franchir, qu’en réalité ces portes demeurent, la plupart du temps, fermées, ou que les soldats censés les ouvrir arrivent régulièrement en retard, de nouveau on rate la réalité.

    Il y a bien des mots qui sont piégés, mais pas nécessairement ceux auxquels on pense. Ainsi en va-t-il de Gilad Shalit, que presque tout le monde a présenté comme un « otage » qui avait été « kidnappé ». J’ai pour ma part toujours fait attention, dans mes écrits, à le qualifier de « prisonnier ». En effet, pour moi il ne fait aucun doute qu’il s’agissait bien d’un prisonnier de guerre, au même titre qu’un grand nombre de détenus palestiniens dans les prisons israéliennes. Et Gilad Shalit n’avait pas été « kidnappé », mais bien capturé par les Palestiniens.

    Autre exemple, et autre catégorie de mots piégée : c’est toute la nomenclature qui a été mise en place avec le processus d’Oslo. On parle de « processus de paix », de « président palestinien », de « gouvernement palestinien », etc. Le terme de « président » ne figurait pas, au départ, dans les accords d’Oslo. C’est la vanité de Yasser Arafat, et l’intelligence politique de Shimon Pérès, notamment, qui a vite compris l’intérêt qu’il avait à utiliser lui aussi ce terme. L’idée qu’il y avait un « président palestinien » entretenait l’idée qu’il se passait quelque chose d’historique : les Palestiniens avaient désormais un « président », ils n’étaient donc pas loin d’avoir un État... Or il est intéressant de questionner ce vocabulaire, cette sémantique : quels sont exactement les pouvoirs de ce « président » ? En réalité, il n’a pas beaucoup plus de pouvoir et d’attributions qu’un préfet (sécurité, aménagement du territoire), si ce n’est le fait qu’il peut se déplacer à l’étranger en prenant un avion prêté pour l’occasion par un pays arabe. Ses « pouvoirs » ne s’exercent en outre que sur une partie de la Cisjordanie, 40 % si l’on est optimiste, 18 % si l’on est plus réaliste et que l’on ne prend en compte que ce que l’on nomme les « zones autonomes » palestiniennes. Voilà qui donne une idée un peu plus précise de ce qu’est le « président » palestinien.

    Il en va de même avec le « processus de paix ». Ce terme entretient l’idée que même si parfois il y a des incidents, des moments un peu compliqués, globalement il y a un processus, une dynamique. Or force est de constater que, s’il y a peut-être eu au départ une dynamique, le « processus de paix » est très rapidement devenu un processus de chantage, un bras de fer totalement déséquilibré entre le géant israélien et le lilliputien palestinien, duquel Israël n’avait rien à craindre. C’est ainsi qu’avec sa mainmise sécuritaire Israël a pu continuer à acculer les Palestiniens, à construire les colonies, etc. Je pense donc que c’est bien du devoir des journalistes d’interroger ces termes, ces mots, et de leur redonner leur véritable sens.

    Je voudrais finir en ajoutant que ce qui est valable pour les mots est également valable dans un autre domaine : les cartes. Il existe en effet une production cartographique « classique » qui structure l’imaginaire, y compris l’imaginaire médiatique. On serait face à une région que l’on peut diviser en deux : à l’ouest, Israël, et à l’est, la Cisjordanie. Cela entretient l’idée que l’on va vers la création de deux États, qu’il suffirait d’opérer un découpage le long de la « ligne verte » qui séparerait Israël de la Cisjordanie. Or la réalité est bien différente : il y a, partout d’est en ouest, l’État d’Israël, avec en son sein quelques enclaves palestiniennes. Et lorsque l’on déplace le curseur géographique, comme lorsque l’on interroge le vocabulaire, on questionne vraiment les schémas classiques et les paradigmes sur la base desquels est trop souvent construite l’information. lundi 19 octobre 2015

    Avant de devenir journaliste au Monde (desk Proche-Orient), Benjamin Barthe a été pigiste à Ramallah durant neuf ans, de 2002 à 2011. Il a reçu le prix Albert Londres en 2008 pour ses reportages sur Gaza. Il est l’auteur de Ramallah Dream, voyage au cœur du mirage palestinien [1]. En octobre 2010, il participait à un « Jeudi d’Acrimed » dont la vidéo est visible ici-même. Pour le n° 3 de Médiacritique(s) (avril 2012), il nous a accordé l’entretien reproduit ci-dessous.

    http://www.acrimed.org/Informer-sur-le-Proche-Orient-La-tentation-est-de-se-rabattre-sur-ce-qui

  • Une Intifada qui ne dit toujours pas son nom (CCR)

    «Vendredi de la révolution». La Palestine s’éveille !

    Pawel Basnacki

    Ce vendredi 16 octobre, les organisations palestiniennes avaient appelé à un « vendredi de la révolution ». Des manifestations ont eu lieu en Cisjordanie et dans la bande de Gaza après la grande prière hebdomadaire. L’appel faisait notamment suite à l’annonce de la fermeture de l’esplanade des Mosquées, à Jérusalem, à tous les hommes de moins de quarante ans. Quatre Palestiniens ont été tués par les forces israéliennes dans la journée : l’un en Cisjordanie occupée, un autre près de Naplouse et deux autres dans la bande de Gaza lors d’une manifestation à proximité du mur.

    Un peuple poussé à bout

    La fermeture de l’esplanade des Mosquées intervenait, selon la police israélienne, « dans le cadre des mesures destinées à empêcher toute attaque terroriste ». Cette limitation de circulation constitue une grave attaque contre le peuple palestinien, en empêchant une grande majorité de la population d’accéder au troisième lieu le plus important de l’islam. Cette fermeture s’est accompagnée d’un déploiement de 300 soldats dans Jérusalem. L’un des derniers déploiements aussi importants de soldats remonte à 2002, pendant la deuxième Intifada, en même temps qu’une vaste opération militaire israélienne était menée en Cisjordanie occupée.

    Dans un contexte d’une telle violence contre la population palestinienne, quatre morts se sont ajoutées aux 32 victimes palestiniennes tuées depuis début octobre. Alors que le Premier ministre Benjamin Netanyahu rabâche que « le terrorisme au couteau ne nous vaincra pas », le gouvernement israélien vient d’autoriser l’emploi à Jérusalem d’un fusil de sniper Ruger. Utilisé dans une manifestation près de Naplouse début octobre, celui-ci a blessé 55 palestiniens en l’espace de quelques heures. Comme quoi les « terroristes » ne sont pas ceux que l’on montre du doigt. Un enfant de 13 ans armé d’un couteau n’est que l’image d’un mouvement spontané de jeunes qui ont pris conscience de la trahison de leurs dirigeants. Le couteau est une arme de désespoir, pour ces jeunes qui n’ont connu que la colonisation et l’apartheid.

    La première action de ce vendredi de la révolution a été d’incendier le Tombeau de Joseph à Naplouse, en Cisjordanie occupée. Les juifs vénèrent ce site, qui abrite selon eux la dépouille de Joseph, l’un des douze fils de Jacob, mais qui est le lieu de sépulture d’un des cheikh local pour les palestiniens. L’édifice a subi d’importants dégâts avant que les forces de sécurité palestiniennes n’interviennent. Le rôle de l’Autorité Palestinienne est alors apparu avec clarté...

    Une Autorité Palestinienne désavouée

    Alors que Mahmoud Abbas n’encourage en rien la révolte légitime du peuple palestinien, il est sorti de son silence suite à l’incendie, pour déplorer un acte « irresponsable ». Il a ainsi donné raison au secrétaire d’État américain, John Kerry, qui expliquait que « Le président Abbas s’est engagé en faveur de la non-violence » et qu’« il doit [la] condamner haut et fort ». Au lieu d’apporter un soutien au peuple, l’autorité palestinienne tente de canaliser la violence et de garder sa place officielle aux yeux du monde alors qu’elle est de plus en plus désavouée par les palestiniens. Abbas menace également de rompre les accords d’Oslo, une tactique utilisée à de nombreuses reprises. Par là, il tente de récupérer un peu de popularité auprès du peuple, mais également d’appeler à l’aide l’Etat israélien. Benjamin Netanyahu pousse à une rencontre avec le président palestinien, tout en lui reprochant d’encourager la violence. Il l’empresse de cesser « de justifier » et « d’appeler aux violences », ce qui est pourtant loin d’être la position d’Abbas.

    Cette situation s’inscrit dans le cadre de la coopération entre l’État israélien et l’autorité palestinienne. Pour mieux contrôler la Cisjordanie, l’État sioniste fait appel aux autorités mises en place par les traités d’Oslo. Celles-ci permettent aux forces de sécurité palestiniennes de collaborer en partageant des informations, en procédant aux arrestations des opposants, et en contrôlant, in fine, la colère légitime du peuple palestinien par une de ses minorités. Cette stratégie coloniale a déjà fait ses preuves par le passé.

    La Jordanie, qui en appelle au conseil de sécurité des Nations Unies, ne va pas non plus dans le sens de la mobilisation du peuple palestinien. Et pour cause. Il ne faut pas oublier qu’elle convoite le territoire de la Cisjordanie. On se souvient aussi du « Septembre noir » qui, en 1970, a coûté la vie à des milliers de palestiniens. Une chose est sûre, la révolte des palestiniens ne sert pas les affaires du roi de Jordanie Abdallah II.

    Le peuple palestinien ne peut compter que sur lui même pour combattre l’occupant et ses alliés. Et nous ne pouvons que porter l’idée d’une solidarité internationale avec le peuple palestinien, en combattant l’impérialisme de nos États, soutien de l’État israélien. Publié le 16 octobre 2015

    http://www.revolutionpermanente.fr/Vendredi-de-la-revolution-La-Palestine-s-eveille

  • Nouveautés sur Association France Palestine Solidarité

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  • Massacre du 17 octobre 1961 : le crime d’Etat d’une métropole coloniale (NPA)

    Mardi 17 octobre 1961. Paris. Au petit matin. Les hommes de Maurice Papon, préfet de police de Paris, se tiennent prêts, plus que jamais, à dégainer la flingue et la matraque. Ce jour là, les algériens de métropole, pour la plupart concentrés dans les usines parisiennes s’apprêtent à manifester pour la première fois dans les rues de la capitale. Manifestation préparée en secret, contre le couvre-feu raciste décrété à l’encontre des nord-africains. A l’appel du FLN, ils vont affronter, de manière massive et pacifique, les escadrons de la police française, pour revendiquer leur droit à l’indépendance de leur territoire national, l’Algérie encore maintenue sous domination coloniale française. Véritable massacre, dénié par l’histoire officielle, censuré au point d’être maintenu dans l’oubli durant de longues années, la répression de masse qui s’abat sur les manifestants ce jour-là est d’une rare violenc

    La manifestation du 17 octobre 1961 est le pendant métropolitain de la guerre d’Algérie et l’expression de toute la violence de l’Etat français pour maintenir sa domination raciste et impérialiste. Son chef d’orchestre : Maurice Papon, ancien secrétaire général de la préfecture de la Gironde sous le gouvernement de Vichy, collaborationniste et organisateur de rafles de juifs. Il a été choisi pour l’occasion. Reconnu pour son « efficacité », on sait, au sein de l’appareil d’Etat, et au premier chef de Gaulle qui l’a nommé à son poste, qu’il ne fait pas dans la dentelle quand il s’agit d’exécuter les ordres.

    Depuis août 1961 déjà, la répression s’intensifiait à l’encontre des algériens, et de quiconque, tunisien, portugais, marocain, italien, a la peau plus foncée et le cheveu brun et bouclé. Plus forts que jamais étaient les rafles, les chiens, les coups, les « ratonnades » comme les porteurs de matraques aiment à les appeler… Le FLN décide fin août de reprendre sa campagne d’attentats en métropole, abandonnée pourtant depuis plusieurs semaines à cause des négociations entre le gouvernement français et le gouvernement provisoire d’Algérie. Arrestations, contrôles arbitraires, descentes dans les lieux de vie des populations maghrébines et rafles n’ont jamais été aussi systématiques. L’offensive policière prend place dans les rues, les bus et le métro parisien. Pour Papon, « pour un coup rendu, nous en porterons dix ». Le quartier de la Goutte d’Or dans le 18ème arrondissement est particulièrement visé. En septembre, les noyés. Chaque jour ou presque. Latia Younes, Salat Belkacem, Ouiche Mohammed, Mohammed Alhafnaouissi, et bien d’autres encore dont certains ne seront jamais identifiés. A partir du 2 octobre, un couvre-feu anti-arabe est installé : qui l’enfreint risque une mort certaine. C’est la stratégie de la tension qui est choisie par De Gaulle et son fidèle premier ministre, Michel Debré, partisan de l’Algérie française, qui compte ne rien perdre du rapport de force et profite de la répression pour maintenir au sein du territoire français la région du Sahara, zone qui révèlera par la suite ses denrées pétrolifères.

    Dans ce contexte là, la résistance des algériens de métropoles s’organise, mais avec un changement de stratégie. Face à la répression, il faut s’unir. Les algériens, encadrés par le puissant appareil du FLN choisiront la manifestation et la démonstration de force par le nombre. Celle-ci vise l’opinion publique. Les consignes sont de ne céder à aucune provocation et à aucune violence. Trois itinéraires sont choisis et le mot s’est répandu parmi la population algérienne. Aux portes de Paris, aux stations Etoile, Opéra, Concorde, Grands Boulevards, les manifestants sont systématiquement matraqués jusqu’à ce qu’ils s’effondrent. Sur le boulevard Bonne-nouvelle, au pont de Neuilly, au Pont-Neuf d’Argenteuil et ailleurs, la police tirent sur les manifestants. Sur le Pont saint Michel, des hommes sont jetés à la Seine.

    Ce jour là, plus de 10 000 algériens sont interpellés et internés au Palais des Sports, au Parc des expositions, au Stade de Coubertin, au centre d’Identification de Vincennes pendant près de 4 jours. Les autorités françaises qui s’en tiennent à la version d’un échange de tirs entre policiers et manifestants déplorent 3 morts. Pour le FLN, ils seraient plusieurs centaines à être décédés sous les coups de la police française aux ordres du criminel Maurice Papon, pour avoir osé crier et revendiquer le droit à l’égalité, à l’auto-détermination et à la dignité.

    « Liberté, Egalite, fraternité » répètent en boucle depuis ces sombres temps présidents et gouvernants, y compris ceux qui se satisfont encore aujourd’hui des « bienfaits du colonialisme ». Mais qui est encore dupe ? Nous n’oublierons jamais Malik Oussekine assassiné par les voltigeurs de Pasqua en 1985. En février 2005 la droite fit même passer à l’assemblée une loi insistant sur la nécessité de mettre en valeur « l’aspect positif de la colonisation » dans les livres d’histoire. Avec le temps, rien n’a changé. Aujourd’hui encore la justice donne toute l’impunité à ses policiers : elle a refusé il y a peu de reconnaitre la qualité de meurtre à la mort en 2005 de Zyed et Bouna, il y a 10 ans. Malgré les 54 ans qui nous séparent de ce véritable pogrom orchestré par l’Etat français à l’encontre de la population algérienne en métropole, il y a toujours des voix au sein de la classe politique pour contester la nature des faits. Ainsi, en 2012 où pour la première fois le massacre a été reconnu, quoique bien du bout des lèvres, par l’Etat français en la personne de François Hollande, les Gaino et Sarkozy refusaient « l’engrenage de la repentance ». Ce discours n’exprimait par seulement la crainte de voir les deniers publics ailler à l’indemnisation des familles des victimes, mais surtout de voir s’affirmer lecaractère raciste de la République française, aujourd’hui comme fauteuse d’oppression et de domination des autres peuples, d’Afrique tout particulièrement, qu’elle continue de rançonner ou d’agresser militairement, quand ils ne sont pas gouvernés par des dictateurs à sa botte.

    A l’heure de la chasse aux rroms et aux migrants, d’un racisme d’Etat dorénavant justifié par la « guerre au terrorisme », ce massacre doit être encore et toujours rappelé et condamné, et ce samedi 17 octobre 2015, l’occasion de se rassembler pour cela. A Paris, ce sera à 17h30 au Pont Saint-Michel.

    Yano Lesage

    https://www.npa2009.org/evenement/rassemblement-17-octobre-1961-17-octobre-2015

  • Nouveautés sur A l'Encontre.ch

    Palestine-Israël. Dix balles, et elle ne s’est jamais approchée des soldats israéliens

    16 - octobre - 2015

    Par Amira Hass D’un ton neutre, presque technique, le médecin décrit les blessures produites par les balles de l’armée israélienne qui conduisirent à la mort de Hadeel al-Hashlamoun, âgée de 18 ans. Une balle entra sur son flanc gauche et sortit par son dos. Un éclat se logea dans son genou droit, un os brisé […]

    Ni Daech, ni Assad, pour une paix juste

    16 - octobre - 2015

    • Les diverses initiatives militaires, en Syrie, d’une coalition hétéroclite contre ledit Etat islamique (Daech) participe d’une réécriture politique propagandiste du «printemps arabe» en Syrie. Le soulèvement massif et pacifique de la population, dès mars 2011, est effacé des mémoires médiatisées. Sont gommées, de plus en plus: la terrible répression du régime Assad, opérée par ses […]

    Palestine. Aux côtés des Palestiniens, contre l’occupation

    14 - octobre - 2015

    Par Julien Salingue Les grands médias et les analystes autoproclamés s’interrogent: comment comprendre la multiplication, ces derniers jours, des attaques menées par des Palestiniens en Cisjordanie, à Jérusalem et en Israël? Pourquoi le «calme précaire» a-t-il cédé le pas à un «regain de violences»? Le gouvernement israélien va-t-il pouvoir «reprendre le contrôle» de la situation?

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  • Syrie

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  • Tunisie : A propos du prix Nobel de la paix, retour sur la crise de 2013 (Essf)

    L’attribution du prix Nobel de la paix s’est accompagnée d’un subit regain d’intérêt pour la situation en Tunisie. Le projecteur a été en particulier braqué sur la façon dont la coalition dirigée par le parti islamiste Ennahdha a été amenée a quitter le pouvoir en janvier 2014. Il convient donc de revenir sur ce processus.

    Une vague de fond anti-Ennahdha

    En 2012 et 2013, la politique des gouvernements à direction islamiste (1) avait été centrée sur les objectifs suivants :
    - poursuivre la politique néo-libérale dont les effets avaient été une des causes de la révolution,
    - noyauter l’appareil d’Etat, islamiser la Constitution, remettre en cause les droits des femmes,
    - organiser et/ou couvrir les violences contre le mouvement social et la gauche.

    Dans ce cadre, des milices islamistes avaient été mises sur pieds, dont les « Ligues de protection de la révolution » (LPR). Des prédicateurs islamistes du Moyen-Orient parmi les plus rétrogrades, circulaient librement en Tunisie. Ils étaient accueillis officiellement au palais présidentiel par Marzouki, tout comme les responsables des LPR. (2)

    D’importantes mobilisations ont eu lieu contre les tentatives du pouvoir de remettre en cause des droits des femmes, ainsi que contre les violences émanant des milices islamistes et/ou du pouvoir (tir à la chevrotine de la police sur la population de Siliana, attaque du siège de l’UGTT, assassinat de deux dirigeants du Front populaire, etc). (3)

    Suite à l’assassinat du 25 juillet, une vague d’hostilité envers Ennahdha a traversé le pays et d’immenses mobilisations ont eu lieu. (4) En toile de fond, l’Egypte avec les formidables manifestations de juin contre le gouvernement islamiste, suivies de leur dégagement par l’armée de l’ancien régime, ainsi que le spectre du scénario lybien.
    Fathi Chamkhi explique : « Le Front populaire, qui regroupe l’essentiel de organisations politiques de gauche, a dans un premier temps réagi vigoureusement, appelant même à l’insurrection. Il s’est ensuite tout de suite rétracté sous la pression de Nida Tounes (5), pour finalement rester dans les limites du respect de l’ordre et de la légalité établie ». (6) Le Front a alors décidé de former une alliance avec toutes les forces s’opposant au parti islamiste au pouvoir au sein d’un éphémère « Front de salut national » (FSN) (7) dont un des principaux objectifs était la mise en place d’un « gouvernement de salut national » pour remplacer celui d’Ennahdha. (8)

    Le départ des islamistes du pouvoir

    Mais en final, c’est la formule de « dialogue national » incluant Ennahdha, proposée avec constance depuis juin 2012 par les dirigeants de l’UGTT, (9) qui s’est imposée. A partir de la mi-septembre ce « dialogue » s’est progressivement mis en place sous l’égide d’un « Quartet » composé de l’UGTT, du syndicat patronal UTICA, de la Ligue tunisienne pour la défense des droits l’Homme, et de l’Ordre des avocats.

    Lâché de toutes parts, Ennahdha a compris qu’il n’avait pas d’autre solution que de quitter le gouvernement. Il voulait ainsi éviter de subir le même sort que ses cousins égyptiens, sauvegarder ses positions acquises au sein de l’appareil d’Etat, et garder une chance de revenir ultérieurement au pouvoir. Ennahdha a également renoncé aux mesures rétrogrades qu’il voulait initialement inclure dans la nouvelle Constitution et a même accepté quelques avancées. (10)

    Fathi Chamkhi explique (11) : « En fait, ce sont les chancelleries européennes, notamment française, allemande, britannique, mais aussi étasunienne, qui étaient les vraies maîtresses du jeu. Pour preuve le fait qu’elles ont réussi à imposer le chef de gouvernement qu’elles ont voulu, à savoir l’ultra-libéral Mehdi Jomàa, cadre supérieur franco-tunisien d’une filiale de la multinationale pétrolière française Total ». Comme l’a titré à l’époque le quotidien « Le Monde », Jomàa a été « un nouveau premier ministre nommé sous la pression occidentale ». (12) Dans ce cadre, la décision d’accorder le prix Nobel au Quartet a un sérieux parfum de retour d’ascenseur.

    Epilogue

    Ennahdha s’était résigné en janvier 2014 à sortir par la porte avant que le toit de la maison ne s’effondre sur sa tête. Il est revenu au gouvernement par la fenêtre un an plus tard à l’invitation de Nidaa, son ennemi proclamé pendant près de trois ans ! (13)
    La lutte pour le leadership qui avait auparavant opposé ces deux partis s’est effacée devant ce qui les rassemble : accentuer la politique néo-libérale, chercher à juguler les grèves, restreindre les libertés.
    Avec en prime pour Nidaa Tounès, parti se situant dans la continuité du pouvoir en place avant 2011, la volonté de blanchir les corrompus de cette époque. (14) 13 octobre 2015

    Notes :

    1. Deux autres partis étaient associés au pouvoir d’Ennahdha : le CPR de Marzouki à qui avait été accordée la présidence de la République, Ettakatol (section tunisienne de l’Internationale socialiste), dirigé par Ben Jafaar, à qui avait été attribuée la présidence de l’Assemblée constituante.

    2. http://www.kapitalis.com/politique/14124-le-palais-de-carthage-deroule-le-tapis-rouge-au-predicateur-wahhabite-nabil-al-awadi.html
    http://www.businessnews.com.tn/Tunisie---Une-délégation-des-LPR,-avec-«-Recoba-»,-chez-Marzouki-au-palais-de-Carthage,520,35636,3

    3. En novembre 2012, la police a tiré à la chevrotine sur la population de Siliana. Le 4 décembre 2012, des milices islamistes ont attaqué le siège national de l’UGTT. Le 6 février 2013, un dirigeant du Front populaire, Chokri Belaïd, a été assassiné devant son domicile. Il en a été de même le 26 juillet pour Mohamed Brahmi, un autre dirigeant du Front populaire.

    4. Fathi Chamkhi : « Une lame de fond anti-Frères Musulmans secoue la Tunisie » - (31 août 2013) http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article29845

    5. Nidaa Tounès a été lancé en juin 2012 autour d’anciens responsables du parti de Bourguiba et Ben Ali, dont Beji Caïd Essebsi.

    6. Fathi Chamkhi est militant de RAID (Attac et Cadtm en Tunisie). Membre de la LGO (trotskiste). Il est députés du Front populaire depuis octobre 2014. Propos recueillis le 29 septembre 2015.

    7. Voir « Entre le déjà plus et le pas encore »,
    Inprecor no 597, http://orta.dynalias.org/inprecor/home ou http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article29844

    8. Déclaration constitutive du Front de salut national (26 juillet) http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article29377

    9. « L’initiative de l’UGTT sur le lancement d’un conseil de dialogue national » (18 juin 2012)
    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article26202

    10. La nouvelle Constitution a été promulguée en janvier 2014. Suite à d’intenses mobilisations, en ont été exclus les reculs que comptaient y inscrire initialement les islamistes, comme par exemple la référence à la charia ou l’infériorisation des femmes. Malgré ses limites, cette Constitution inclut quelques avancées, comme par exemple la liberté de conscience et la condamnation pénale du takfir (accusation d’avoir renié l’Islam pouvant servir à justifier la mise à mort). http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article31234

    11. Propos de Fathi Chamkhi recueillis le 29 septembre 2015.

    12. « Un nouveau premier ministre nommé sous la pression occidentale » (Le Monde, 16 décembre 2016) http://www.lemonde.fr/tunisie/article/2013/12/16/tunisie-un-nouveau-premier-ministre-nomme-sous-la-pression-occidentale_4334890_1466522.html

    13. Participent également au pouvoir l’UPL autour de l’affairiste douteux Slim Riahi, et le parti ultra-libéral Afek Tounès.
    « La »normalisation« est lancée » (11 février 2015) http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article34582

    14. Concernant le projet de blanchiment des corrompus de l’ère Ben Ali, voir notamment :
    * sur la place de cette mobilisation dans la situation politique
    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article36020
    * sur les mobilisations avant le 8 septembre
    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article35989
    * sur les mobilisations entre le 8 et le 21 septembre (dont les manifestations du 12),
    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article36012

     

    Autres articles concernant la Tunisie http://www.europe-solidaire.org/spip.php?rubrique130
    Cliquer sur « sous-rubriques » pour accéder à celles-ci (A gauche, Economie, Ennahdha, islamisme, Femme, Histoire, Syndicalisme).

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article36083

  • Un ami de l’AFPS est mort, assassiné par l’armée israélienne (Afps 22)

    Nous avions rencontré Moataz cet été en Bretagne. Notre ami palestinien Moataz est mort assassiné par l’armée, hier à Bethléem.

    Il était venu à l’invitation de la Fédération des MJC des Côtes d’Armor pour participer à des échanges, pour débattre avec d’autres jeunes étrangers de la question des murs réels et symboliques qui empêchent la construction d’un monde meilleur. Ils imaginaient ensemble des démocraties où chacun pourrait vivre sans haine.

    Moataz était heureux quand il était face à la mer : cela lui procurait une sensation de liberté, de légèreté, qu’il n’avait pas connue avant. Il adorait le football et avait envisagé de jouer dans l’équipe nationale palestinienne. Il aimait la vie, la musique, la danse, les copains. Moataz avait 27 ans, 27 années passées dans le camp de Deheishe, à Bethléem.

    Il appartenait à une famille connue pour sa lutte pacifique contre l’occupation : sa mère, ses cousins et son oncle Naji Owdah ont été arrêtés à de nombreuses reprises ; son frère Ghassan est actuellement en prison en détention administrative depuis 8 mois. Lors de la seconde intifada, son cousin Jad avait été assassiné dans les mêmes conditions. Aujourd’hui, au cours de ce que nos amis appellent la 3è intifada, c’est Moataz qui s’est fait prendre la vie par les Israéliens. Cet été Ghassan avait entamé une grève de la faim qu’il a terminé depuis peu.

    Depuis son retour en Palestine, ses copains, sa famille ne cessaient de lui demander pourquoi il n’était pas resté en France. Ce à quoi Moataz répondait : "mon frère est en prison, il fait une grève de la faim, sa vie est en danger. Je ne veux pas qu’il meure sans que je sois là."

    Moataz est mort au checkpoint de Bethléem. Il est mort lors d’une manifestation non violente. Il protestait contre l’assassinat d’un autre jeune tué la veille par l’armée israélienne.

    Moataz est mort. Son frère est toujours en prison. Ils ne se sont pas revus. Il manquera à sa famille, à ses amis et il nous manquera mais il restera pour nous tous le combattant de liberté.

    Nathalie Thouquan-Lailet, Marie-Noëlle Blavet pour l’AFPS
    Corinne Le Fustec, Yoann Le Puil pour les MJC

    AFPS Saint-Brieuc - MJC Saint-Brieuc, mercredi 14 octobre 2015

    http://www.france-palestine.org/Un-ami-de-l-AFPS-est-mort-assassine-par-l-armee-israelienne

    http://french.pnn.ps/2015/10/13/martyriser-a-bethleem/