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  • Basel Al-Araj, martyr de la coopération sécuritaire entre Israël et l’Autorité palestinienne (Orient 21)

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    Œuvre de Khalil Motassem.

    Le 6 mars 2017, un jeune Palestinien de Cisjordanie, Basel Al-Araj, a été tué par l’armée israélienne, peu de temps après avoir été emprisonné et torturé par l’Autorité palestinienne.

    Dans les médias et les réseaux sociaux de la région, cet événement a rencontré un écho important, alors que le jeune homme n’appartenait à aucune faction politique. Qu’est-ce qui amène aujourd’hui différents acteurs politiques locaux et régionaux à ériger cette figure singulière, activiste civil et défenseur de la lutte armée, en symbole politique ?

    Basel Al-Araj est né en 1986. Il est originaire d’un village proche de Bethléem, Al-Walaja, dont une partie des terres a été confisquée par la construction du mur et l’expansion de la colonie voisine, Gilo. Pharmacien de formation (il a fait ses études en Égypte), il s’implique à partir de 2010 dans les manifestations contre le mur dans son village. Puis il se lance dans un activisme de terrain intense en Cisjordanie, animant des discussions autour de l’histoire de la résistance palestinienne, travaillant sur la mémoire orale dans les villages, promouvant le boycott des produits israéliens. En 2012, il est battu par la police palestinienne au cours d’une manifestation contre la visite de l’ancien ministre de la défense Shaul Mofaz en Cisjordanie. Peu après, il expose ses blessures au cours d’un débat télévisé au cours duquel il s’oppose violemment à un officiel de l’Autorité palestinienne qui l’accuse de se les être infligées lui-même.

    De la prison à l’assassinat

    En avril 2016, il est arrêté par l’Autorité palestinienne (AP) avec deux autres jeunes et incarcéré sans charge. Présentée d’abord à la famille comme une mesure de routine, leur détention est peu après revendiquée dans une interview par le président Mahmoud Abbas comme une preuve du bon fonctionnement de la coopération sécuritaire entre Israël et l’Autorité palestinienne en vue de prévenir des attaques terroristes. L’AP prétend alors que Basel Al-Araj a été arrêté en possession d’armes et qu’il préparait une attaque en Israël. Plus tard, il sera dit à sa famille que son emprisonnement visait à le protéger des Israéliens. Derrière cette communication brouillonne de l’AP, l’arrestation de Basel Al-Araj par les services de sécurité palestiniens s’inscrit avant tout dans le contexte du durcissement autoritaire du régime de Ramallah dont de nombreux jeunes de Cisjordanie font les frais. La répression politique déployée par l’AP ne se limite en effet pas aux islamistes, mais vise les activistes issus de tous horizons impliqués dans la lutte contre l’occupation, les acteurs des mouvements sociaux, les syndicalistes autonomes...

    Les traitements infligés aux prisonniers politiques détenus par l’AP (généralement sans aucune charge et hors de toute procédure légale) sont différenciés selon les profils politiques et sociaux des individus, et selon leur ancrage sur le terrain, pourtant les allégations de torture sont récurrentes. En l’occurrence, Al-Araj est confiné dans une cellule minuscule, privé de visites, de sommeil, régulièrement battu. Après six mois de détention, avec cinq autres détenus, il se lance dans une grève de la faim. L’appareil sécuritaire palestinien repose sur des bases fragiles et demeure sensible aux mouvements d’humeur populaires : Al-Araj et ses codétenus sont finalement relâchés en septembre 2016, après neuf jours de grève.

    La coopération sécuritaire entre Israël et l’AP suppose que cette dernière se doit d’arrêter préventivement tous les individus soupçonnés de menacer la sécurité de l’État d’Israël. Or généralement, quand l’AP relâche des prisonniers, Israël considère qu’ils continuent de représenter une menace, et les arrête à son tour. Ces dernières années, de nombreux Palestiniens ont ainsi fait l’expérience d’un va-et-vient entre les geôles palestiniennes et israéliennes.

    Alors que les cinq autres grévistes de la faim libérés en septembre 2016 sont immédiatement arrêtés par Israël, Basel Al-Araj entre dans la clandestinité. Le 6 mars dernier, au cours d’une opération militaire de grande envergure, l’armée israélienne le débusque dans une maison qu’il avait louée pour se cacher à Al-Bireh, près de Ramallah. Selon les sources israéliennes, il refuse de se rendre et tire sur les soldats. Ceux-ci noient alors la maison sous un déluge de feu, et, deux heures plus tard, évacuent le corps sans vie de Basel Al-Araj. Du côté palestinien, des doutes sont émis sur la réalité d’un échange de coups de feu : Moustafa Barghouti, leader du Parti de l’initiative nationale palestinienne, affirme par exemple que « si Al-Araj avait voulu tirer, il n’aurait pas été en capacité de tirer plus d’une balle. La maison a été totalement bombardée par les balles israéliennes. »

    À la date du 12 mars, l’armée refuse toujours de le rendre à la famille, prétextant des risques de manifestations et d’affrontements au cours des funérailles.

    Retour aux sources de la guérilla

    Basel Al-Araj appartient à une génération dont la socialisation militante s’est effectuée en dehors des partis. Il écrivait des textes politiques publiés sur Internet sous la forme de billets à partir de 2013 et jusque dans la période de sa clandestinité. Ces écrits mêlent des références diverses, allant de Frantz Fanon à Mao Zedong ou au penseur iranien Ali Shariati, considéré comme un des penseurs de la révolution iranienne, mais dénoncé par les mollahs comme trop influencé par les idées occidentales. Un tiers-mondisme évoquant la lutte des classes intègre des références islamiques marquées, y compris chiites ; ainsi, dans une déclaration transmise par son avocat au cours de sa grève de la faim, il reprend des propos attribués à l’imam Hussein1. Parmi les livres de chevet trouvés dans la maison où il se cachait, Antonio Gramsci côtoyait le Coran. Il laisse une lettre posthume dans laquelle, saluant le nationalisme arabe et la patrie, il affirme « marcher vers (s)a mort fatale, satisfait d’avoir trouvé (s)es réponses » et ne plus chercher que « la miséricorde de Dieu ». « Y a-t-il quelque chose de plus éloquent et de plus clair que l’acte d’un martyr2 ? », s’interroge-t-il.

    Qualifié de « hipster terroriste » par la presse israélienne, Basel Al-Araj est célébré par le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) comme un héros issu des temps glorieux de la révolution palestinienne, tenant d’une main un fusil, de l’autre un stylo. Au sein de la mouvance « islamiste », davantage que le Hamas, ce sont les acteurs politiques influencés par la révolution iranienne et les plus proches du « camp de la résistance » au Liban qui lui rendent hommage. Les écrits de Basel Al-Araj sont en effet fortement influencés par ces deux matrices politiques que sont le tiers-mondisme gauchisant des années 1960-1970 et l’islamisme révolutionnaire et anti-impérialiste des années 1970-1980, protéiformes et poreuses. Alors que pour ces acteurs politiques de gauche ou islamistes, il incarne un imaginaire issu de l’époque « glorieuse » de la guérilla palestinienne, une jeune génération de Palestiniens pour qui [la lutte nationale>1720] se joue désormais hors des appareils politiques s’est reconnue à sa manière dans le martyre du lanceur de pierres et de l’activiste civil de terrain qu’était Basel Al-Araj.

    Mais son parcours dénote aussi une forme d’impuissance politique. Il montre avec quelle célérité l’activisme de terrain hors des structures organisationnelles fait l’objet d’un traitement antiterroriste, de la part d’Israël comme de l’AP. Entré dans le cercle kafkaïen des allers-retours entre les geôles de l’AP et celles d’Israël, l’avenir d’Al-Araj semblait se borner à l’univers carcéral. Alors que ceux qui l’ont connu durant ses années militantes ne le percevaient nullement comme tenté par la lutte armée sacrificielle, le choix du martyre que laisse entrevoir son testament renvoie sans doute avant tout à un refus de ce futur entre quatre murs.

    Empêcher toute mobilisation politique

    Les célébrations du martyre de Basel Al-Araj fleurissent en Cisjordanie ; elles ciblent l’occupation autant que la coopération sécuritaire de l’AP. « Dis-moi pourquoi, une fois l’Autorité, l’autre fois l’armée » (Quli lech, mara as-sulta, mara al-jich) est l’un des slogans entendus dans les manifestations qui ont suivi sa mort. Certaines de ces manifestations ont été violemment réprimées par l’Autorité palestinienne. Pourtant, même si l’on ne peut préfigurer de la suite des événements, la mobilisation de la rue demeure à ce stade limitée, et si la jeunesse palestinienne exprime massivement sa colère face à cet assassinat, elle le fait essentiellement sur Internet. En ce sens, le parcours de Basel Al-Araj comme la martyrologie qui se développe après son décès reflètent aussi les obstacles rencontrés actuellement par les dynamiques de mobilisation en Cisjordanie.

    Fatah comme Hamas (les deux principales factions palestiniennes), suivant un agenda souvent régional, démobilisent plus qu’ils ne mobilisent. Les structures issues de la société civile se sont professionnalisées, dépendent des fonds internationaux et sont souvent davantage engagées dans des perspectives de carrières individuelles que dans la mobilisation collective. Quant à l’AP, elle s’est imposée en Cisjordanie comme un acteur socioéconomique central dont beaucoup, tout en la rejetant politiquement, continuent de dépendre (notamment pour les salaires). Plus du quart de la population active de Cisjordanie travaille dans le secteur public, et des prébendes clientélistes continuent de circuler par ailleurs. Or, depuis une décennie, ces ressources sont désormais indexées sur le silence politique de ceux qui en dépendent. Alors que le territoire est maillé par des informateurs appointés et ancrés dans le tissu social qui défendent la « sécurité nationale », c’est sur cet arsenal gouvernemental fait de dépendance, de peur et de confusion politique que l’AP s’appuie pour prévenir les mobilisations politiques de tous ordres.

    En l’absence de toute avancée politique, cet édifice n’en demeure pas moins fragile. Un martyr tel que Basel Al-Araj, massivement regardé comme une victime de la coopération sécuritaire, s’il n’entraîne pas des manifestations massives, accroît encore le rejet de ses dirigeants par une population de Cisjordanie politiquement désillusionnée.

    Emilio Minassian  13 mars 2017
     
    Notes:

    1L’imam Hussein, fils de Ali et petit-fils du prophète Mohammed est une figure centrale du chiisme. Son martyre à Karbala, en 680, symbolise la résistance contre l’oppression.

    2Ainsi est qualifié par les Palestiniens tout individu tué par l’occupant.

    http://orientxxi.info/

     

  • Des centaines d’étudiants solidaires dans la rue à Oran (Liberté.dz)

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    Sit-in devant la faculté de médecine

    Les étudiants, en dépit des pressions et du pourrissement recherché par les pouvoirs publics, restent solidaires.

    Le sit-in de protestation, dans la matinée d’hier, devant la faculté de médecine d’Oran, des étudiants de médecine dentaire, s’est transformé en une véritable célébration de la solidarité estudiantine, allant bien au-delà du cas des étudiants grévistes depuis 3 mois et ayant atteint le 6e jour de grève de la faim pour 15 de leurs camarades.

    Et pour cause, en répondant à l’appel à la solidarité avec les grévistes, des centaines d’étudiants ont afflué vers les lieux, à partir de 10h, venant de plusieurs facultés à l’image des étudiants en pharmacie, aussi en grève, ceux de l’Institut de maintenance et de sécurité industrielle (ex-IAP), qui bouclent un mois et demi de grève, et d’autres venant du campus de l’Usto. L’arrivée des étudiants en pharmacie, en rangs serrés, derrière une grande banderole, est accueillie par des applaudissements, des cris et l’on entend fuser de la foule “Solidaires, solidaires !... Étudiants solidaires !…”

    À peine la jonction faite, c’était au tour des étudiants de maintenance et sécurité industrielle, qui ont marché depuis le campus à Es Senia, de se joindre à la manifestation. Là encore, fortes et chaleureuses retrouvailles entre tous ces étudiants mus par un seul élan : se faire entendre et ne pas céder aux pressions. Les slogans vantant et célébrant cette solidarité ne cessent de monter en puissance et, à cet instant, des centaines de voix reprennent sans interruption “Ni soumission ni retour en arrière”, “Les étudiants sont dans la rue, donnez-nous nos droits”, “Ministère honte, honte…”, “Donnez-nous un avenir”.

    L’accès à la faculté est totalement bloqué, la rue envahie, les automobilistes obligés de faire demi-tour, ne pouvant se frayer un passage. Certains d’entre eux, pas rancuniers, klaxonnent en guise de soutien aux jeunes. Au loin, on aperçoit les fourgons de police tentant de se faire discrets, alors que d’autres, en civil, filment les étudiants. Mais ces derniers n’en ont cure et filment eux-mêmes leur “manif” qui est diffusée en direct sur les réseaux sociaux. Pendant plus de deux heures, et ne voulant rien lâcher, les centaines d’étudiants restent massées devant la faculté, brandissant leurs banderoles et reprenant leurs slogans, infatigablement.

    À un moment, la foule s’écarte pour laisser passer une ambulance du Chuo. Quelques instants avant le rassemblement, deux étudiants grévistes de la faim ont dû être évacués vers les urgences, provoquant l’émoi chez leurs camarades. L’un d’entre eux, un jeune de 22 ans, inquiétait particulièrement avec un pic de tension à 21 tandis qu’une autre gréviste avait vu sa glycémie chuter brutalement. Les délégués des étudiants en médecine dentaire tiennent à réagir et ciblent avec colère l’administration de la faculté, mais également les tutelles. “Vous avez là des responsables dans la faculté qui ne font rien et qui laissent des étudiants mourir à petit feu. Au lieu d’être à leur côté, ils font pression sur nous.”

    “Nous n’abandonnerons pas, nos revendications sont légitimes, nous irons jusqu’au bout et chaque étudiant qui ne peut plus suivre la grève de la faim est aussitôt remplacé par un autre”, affirme notre interlocuteur. Dans leur ensemble, les étudiants, en dépit des pressions et du pourrissement recherché par les pouvoirs publics, restent solidaires entre eux et derrière leurs délégués. D’ailleurs, au moment de mettre fin au rassemblement, nous apprenons que les membres de la coordination des étudiants ont été conviés à une rencontre aujourd’hui avec les trois ministères concernés. Un début de dialogue pour désamorcer une crise qui va en s’aggravant.

    D. LOUKIL 13 mars

    http://www.liberte-algerie.com/

  • «Le contrôle du nouveau Parlement constituera un avantage dans la bataille pour la succession» (El Watan)

    «Le contrôle du nouveau Parlement constituera un avantage dans la bataille pour la succession»

    Mahmoud Rachidi. Secrétaire général du Parti socialiste des travailleurs (PST)

    Quelle analyse faites-vous de la situation politique du pays, à trois mois des législatives ?

    La situation politique est avant tout marquée par l’impasse économique et sociale du libéralisme dans notre pays, par la dérive autoritaire du régime qui se traduit par un véritable musellement des libertés démocratiques, et par la crise de succession de Bouteflika qui suscite, en dépit de l’accalmie de façade de ces derniers mois, une guerre larvée entre les différentes factions au pouvoir.

    D’ailleurs, dès la chute des prix des hydrocarbures, le pouvoir s’est empressé de nous administrer, avec la bénédiction du FMI et de la Banque mondiale, une nouvelle «thérapie de choc» libérale et antisociale, caractérisée par une baisse du coût réel du travail à travers une diminution drastique des salaires, et la baisse des déficits publics, notamment par la suppression future des transferts sociaux. Passant à l’acte, le pouvoir n’a produit, sous l’appellation de loi de finances 2017, qu’un ramassis de mesures d’austérité, de réduction des dépenses publiques et d’abandon des projets de développement.

    Ce qui était présenté pompeusement comme un nouveau modèle économique pourrait se réduire à une nouvelle entreprise de bradage de ce qui reste de nos ressources financières, comme le suggère l’analyse de certains projets faramineux de «partenariat» dans l’agriculture et dans d’autres domaines. Et comme cette offensive libérale ne s’accommode plus des petites brèches de liberté et de droits démocratiques indispensables pour l’expression des revendications politiques et sociales des travailleurs, des jeunes et des démunis, elle se traduira par des explosions sociales qui ne pourront être que violentes et radicales, comme ce fut le cas lors des émeutes du 2 janvier à Béjaïa.

    Le PST va-t-il présenter des candidats aux législatives ?

    Comme pour les élections passées, le PST ne se fait aucune illusion sur les législatives du 4 mai prochain. Pour nous, loin d’être libres et transparentes, ces élections n’apporteront ni les changements démocratiques qui mettent un terme à l’autoritarisme du pouvoir et le musellement des libertés, ni l’amélioration de la situation sociale de la majorité des masses populaires écrasées par l’austérité, le chômage et les dures conditions de vie.

    En plus, la nouvelle loi électorale, qui impose le seuil des 4% de voix en 2012, est conçue de façon à éliminer de la participation des partis, comme le PST, qui ne sont pas proches du pouvoir et ou financés par les affairistes et l’argent sale de tous les trafics. Mais ,quand bien même il aurait été plus aisé de ne pas participer à ces élections déloyales et appeler à les «boycotter», cette attitude ne constitue pas une alternative pour les travailleurs et les masses populaires. Aujourd’hui, les rapports de force ne permettent pas la mobilisation à un boycott actif et massif capable d’imposer une autre solution. Pis, ne pas participer et se limiter à dénoncer la mascarade ne constitue pas un programme politique conséquent.

    Pour le PST, il est plus constructif de se saisir de la tribune électorale et d’aller proposer nos idées politiques aux travailleurs et aux masses populaires, comme on vient de le faire dans une dizaine de wilayas, même si nous n’avons pas réussi à collecter le nombre exigé des signatures. Mais, à Béjaïa qui demeure un bastion des luttes sociales et démocratiques dans notre pays, nos camarades ont réussi à relever le défi des 3000 signatures exigées. Dans cette expérience, nous avons constaté une mobilisation populaire inédite autour de nos propositions politiques et notre liste militante. Ainsi, on a décidé d’accompagner cette dynamique et ne pas déserter une bataille politique qu’il va falloir amplifier et fructifier. C’est notre camarade Kamel Aïssat qui a été proposé comme tête de liste par la base militante de notre parti à Béjaïa.

    La commission de surveillance des élections installée par le Président vous paraît-elle en mesure d’empêcher la fraude ?

    Il n’y a que le contrôle populaire de toute l’opération électorale qui peut empêcher la fraude et garantir le respect du choix des électeurs. On l’a déjà constaté dans le passé, les commissions de surveillance ne sont qu’une caution pour la fraude. Lorsque le président de l’une d’elles, en l’occurrence M. Bouchaïr, avait osé, en 2007, accuser le FLN d’une toute petite fraude dans un bureau de vote à Rouiba, c’est M. Zerhouni alors ministre de l’Intérieur qui est venu le contredire à la télévision et le rappeler à l’ordre. Depuis, on n’a plus entendu parler de ce brave M. Bouchaïr.

    Quant à l’actuelle commission, d’emblée il faut rappeler qu’il s’agit bien d’une régression démocratique. Alors qu’il était élu auparavant parmi ses membres, le président de la commission actuelle, lui-même ancien ministre et ex- ambassadeur, est nommé par Bouteflika et pour plusieurs années. Cela renseigne de façon éclatante sur l’indépendance de ladite commission. Par contre, ceux qui réclamaient naïvement une telle commission à partir de Zéralda, mais sans se référer à la nécessaire mobilisation populaire, ils sont «bien servis».

    Les partis politiques accusent le gouvernement d’un manque de transparence dans la gestion du fichier électoral. Partagez-vous leurs accusations ?

    Bien sûr, l’absence de transparence commence par la gestion du fichier électoral, notamment en ce qui concerne sa mise à jour. Sinon, comme l’illustrait à l’époque de façon magistrale une scène de la pièce théâtrale  Babour Ghraq, alors qu’il n’y avait que trois votants, l’urne s’est retrouvée bourrée de centaines de bulletins de vote au moment du dépouillement.
    Le fichier électoral appartient au peuple algérien et il doit être public. A tout moment chaque citoyen ou citoyenne doit avoir le droit d’y accéder et de le consulter. De même, chaque parti, syndicat ou association de citoyens doit être destinataire d’une copie actualisée du fichier électoral national. Toute entrave à l’accès au fichier électoral est une atteinte à la transparence de tout le processus électoral. Par ailleurs, il faut rappeler aussi l’opacité qui caractérise encore le vote des corps constitués, dont le nombre de votants, le lieu de vote, le dépouillement des suffrages... restent loin de tout contrôle démocratique.

    Comment jugez-vous la fusion ou les alliances opérées par les partis islamistes avant les législatives ?

    Je pense que les mouvements islamistes, à l’échelle internationale, sont entrés dans un cycle de recul et de déclin. A l’instar de ce qui s’est produit en Algérie, les plus radicaux ont subi des défaites militaires majeures, comme en Irak et en Syrie, alors que les «modérés» sont relativement discrédités et leur image ternie par l’exercice du pouvoir, comme au Maroc et en Tunisie. Mais la religiosité, qui constitue un terreau indéniable pour ces mouvements, est encore hégémonique sur le plan culturel dans nos sociétés.

    Quant aux alliances électorales des partis islamistes algériens en vue des législatives du 4 mai, je ne pense pas que cela constitue un événement politique majeur. Déjà en 2012, après les longues années d’alliance présidentielle, le MSP et ses amis de l’Alliance verte, notamment Ennahda et El Islah, n’ont pas pu constituer un poids significatif dans les rapports de force politique de ces dernières années. Cependant, leur alliance avec certains secteurs du patronat privé et les forces de l’argent, comme c’est la règle pour le FLN, le RND et d’autres partis, dévoile leur vraie nature de représentants d’une partie conservatrice de la nouvelle bourgeoisie algérienne. Leur alliance vise la réalisation d’un score qui leur permettra de négocier un strapontin dans le futur gouvernement. Quant au mouvement de M. Djaballah, qui a été affaibli depuis longtemps par des scissions récurrentes, il a perdu sa bataille de leadership avec le MSP depuis longtemps.

    Ces législatives vont-elles dessiner l’après-Bouteflika ?

    Je pense que le verrouillage sans précédent de ces législatives leur confère une importance particulière dans la cristallisation des rapports de force au sein du régime. Le contrôle du nouveau Parlement et des futures assemblées locales constituera un avantage assez important dans la bataille de succession qui s’annonce dans un futur très proche.

    L’ICSO a volé en éclats. L’opposition algérienne est-elle abonnée aux divisions ?

    L’opposition à laquelle vous faites référence n’est pas issue des luttes démocratiques et sociales qui ont secoué notre pays ces dernières années. Elle ne constituait pas un véritable pôle indépendant du pouvoir, conséquent et capable de mobiliser les masses populaires pour imposer un changement démocratique. Elle est composée, à une exception près, d’anciens chefs de gouvernement, de ministres et de partis qui ont participé à un moment ou à un autre au pouvoir sous la présidence de M. Bouteflika. Par ailleurs, la plateforme ultralibérale qu’elle a adoptée s’attaque de façon explicite aux travailleurs coupables, à ses yeux, de multiplier les «grèves sauvages». Loin d’être un bloc de principes, cette expérience n’a pas résisté à l’épreuve des élections.

    Qui gère aujourd’hui le pays ? La Présidence ? L’armée ? Ou les oligarques ?

    Je pense que ces trois entités sont parties prenantes au pouvoir. Ce qui est vraisemblable, c’est que le pouvoir politique n’est plus entre les mains exclusives de l’armée. Les affairistes et autres prédateurs, que vous appelez oligarques, ont leur mot à dire aujourd’hui dans la prise de décision. La Présidence, incarnée par M. Bouteflika, devrait garder une prédominance dans certaines sphères de la gestion de l’Etat et dans le jeu d’arbitrage entre les intérêts des uns et des autres. Il s’agit d’assurer un équilibre permettant une cohabitation entre les différentes factions et de garantir les intérêts des puissances et des multinationales qui soutiennent le régime.

    Le PST a lancé un appel pour une «convergence démocratique, antilibérale et anti-impérialiste». Où en est cette initiative ?

    Notre appel pour «une convergence démocratique, antilibérale et anti-impérialiste» est toujours en vigueur. Le PST continue à agir dans le cadre de cette orientation. Des contacts politiques et syndicaux avec des mouvements sociaux sont toujours en cours. Des expériences de luttes communes, à l’instar de l’intersyndicale, des mobilisations estudiantines, du forum social, des luttes féministes, etc., participent à la construction de cette perspective unitaire. Pour le PST, il s’agit notamment d’une convergence dans les luttes réelles et non pas une proclamation solennelle d’une unité d’appareils. Mais, il est vrai que la cristallisation d’une telle convergence et l’édification d’un cadre commun nécessitent plus d’efforts pour que les résistances actuelles se renforcent et se développent dans un grand mouvement unitaire de progrès et d’espoir. Dans cette perspective, on est pour l’unité des partis de gauche dans les luttes et dans les batailles électorales.

    L’Algérie doit créer près d’un million d’emplois par an pour stabiliser et résorber progressivement le chômage. Cela vous semble-t-il possible ?

    Cet objectif est possible, si on met un terme au libéralisme économique qui ne sert que les intérêts d’une infime minorité et si on impose un autre choix tourné résolument vers la satisfaction des besoins sociaux de tous. Cette perspective exigera de grands projets de développement générateurs d’emplois dans l’industrie, l’agriculture et les services. Mais, à terme, la création d’emplois passera aussi par la réduction du temps de travail et l’âge de départ à la retraite par exemple.

    On reproche aux formations politiques classées à gauche de continuer à militer à contre-courant face à la globalisation de l’économie…

    Il s’agit de la globalisation capitaliste et ses ravages sociaux, son désastre écologique et ses guerres destructrices. Militer à contre- courant de ces calamités mobilise, certes, les organisations de gauche, mais dans la réalité on voit bien que cet impératif mobilise aussi des peuples entiers pour leur émancipation, ou la défense de leur environnement. La crise actuelle est celle de ce système capitaliste néolibéral qui ne produit plus que la barbarie et la régression. Oui, il faut militer à contre-courant de ce système pour imposer un monde meilleur, un monde d’espoir, de liberté et de fraternité à l’échelle de l’humanité.

    Bio express

    Né à Alger en 1961, Mahmoud Rachidi s’engage en politique dès le lycée, comme animateur de la Coordination des lycéens d’Alger. Une fois étudiant il adhère à la troupe de gauche Debza et au GCR clandestin (Groupe  Communiste Révolutionnaire). En 1989, il est l’un des membres fondateur du PST. Il remplace Chawki Salhi à la tête du parti en 2012.

    13.03.17

    http://www.elwatan.com/

  • Nouveautés sur Algeria Watch

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  • CONCERT EVENEMENT ! KARHOUB à LANNION

     

     Création Bretagne/Palestine
    Jeudi 30 mars à 20h30
    Ouvert à tous - Amphi du lycée Le Dantec

     

    Dans le cadre du 14ème concours Interlycées de Musique Bretonne, le Lycée Félix Le Dantec, l'association Digor an Nor, Ti ar Vro et l'AFPS Trégor s'associent pour accueillir à Lannion la création Bretagne-Palestine du Quintet Hamon-Martin et de Basel Zayed. Un concert unique à ne pas manquer pour son passage dans le Trégor !

     

    Kharoub ou la rencontre du Quintet Hamon-Martin, l'un des groupes les plus créatifs de la musique bretonne d'aujourd'hui avec le chanteur palestinien Basel Zayed et son frère percussionniste Yousef. Ils se sont rencontrés en 2014 à Jérusalem et ont souhaité croiser leurs expressions. Musique populaire du pays de Redon et de Cisjordanie, reprises de Fairouz, Oum Kalthoum, textes originaux écrits par Sylvain GirO et Denis Flageul. Ici se racontent en français et en arabe la résistance, la lutte, le partage et le vol. Ici se dit aussi en tissage les émotions universelles, les joies et les peines, l'amour et la mort. Et les rondes bretonnes deviennent un miroir de la dabké arabe…
    Plus d'infos sur : http://alazim-muzik.com

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    http://www.tiarvro22.com/

  • Nouveautés sur Association France Palestine Solidarité

    Agir face aux menaces des fascistes pro-israéliens

    Communiqué de l’AFPS, lundi 13 mars 2017
     
    L’Association France Palestine Solidarité (AFPS) vient d’être une nouvelle fois l’objet d’attaques et de menaces graves de la part d’un groupuscule se proclamant « Brigade juive ». Ces menaces ont été notamment relayées par les sites de la Ligue de Défense Juive (LDJ) et de Coolamnews, site qui se vante de la mise à sa disposition de moyens de (...)
     

  • À Toulouse, les 16 et 17 mars 2017 : comment agir en soutien aux Palestiniens dans son syndicat ? (Solidaires)

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    Formation BDS syndical, organisée par Solidaires 31.

    Intervenant-e-s : Pierre Stambul (FSU, UJFP) (le 16 mars), Jean-Pierre Bouché (BDS France Toulouse), Patrick Loubet (Sud PTT), Nara Cladera (Commission internationale Solidaires, Sud Education), Thibault Defrance (Sud Education, BDS France Toulouse).

    Thématiques :

    - Historique sur la situation des Palestinien-ne-s, les revendications historiques et la colonisation israélienne,
    - Qu’est-ce que la campagne Boycott – Désinvestissement – Sanctions ? Revendications, succès et défis ; les organisations dans la campagne et la place dans la campagne,
    - L’implication de Solidaires dans le BDS, le rôle du réseau syndical international de solidarité et de luttes,
    - Point sur le paysage syndical en Palestine et la situation des travailleurs-euses sur place.

    Ce stage est ouvert à tou-t-es les militant-es syndicaux, toutes organisations confondues. Il peut être l’occasion de faire se rencontrer les syndicalistes qui veulent faire avancer la cause du peuple palestinien, notamment par le biais de la solidarité avec les travailleurs-euses palestinien-ne-s, sans distinction ; et pourquoi pas d’initier un réseau syndical local de solidarité avec les travailleurs-euses palestinien-ne-s.


    Jeudi 16 mars

    9h : accueil des participant-es

    9h30 : tour de table, présentation des intervenant-es, participant-es et du contenu de la formation syndicale. Demandes des stagiaires par rapport au contenu, aux thématiques à aborder.

    10h : le BDS ou rien : pour un boycott total. Éléments pour contrer la répression contre la campagne BDS (Pierre Stambul).

    11h : Échanges et questionnements avec les participants.

    12h : Pause / déjeuner

    13h30 : Un exemple de lutte syndicale de solidarité internationale : la campagne contre Orange (Patrick Loubet).

    15h : Atelier boycott syndical : comment mener syndicalement la campagne contre Hewlett-Packard ; autres propositions d’atelier

    16h : Fin de la journée

    Vendredi 17 mars

    9h : accueil des participant-es

    9h30 : Historique sur la situation des Palestinien-nes, la colonisation et la politique d’apartheid israéliennes. (Jean-Pierre Bouché).

    10h30 : Qu’est-ce que la campagne BDS ? Revendications, succès et défis. (JP Bouché).

    11h : Échanges et questionnements avec les participants.

    12h : Pause déjeuner

    13h30 : Point sur le paysage syndical palestinien et la situation des travailleurs-euses sur place (Thibault Defrance).

    14h30 : Solidaires dans BDS et le réseau syndical international (Nara Cladera).

    15h30 : Fin de la journée.

     

    Rendez-vous

    • À Toulouse : comment agir en soutien aux palestiniens dans son syndicat (...) 
      Le jeudi 16 mars 2017 de 09h00 à 16h00
      Locaux de Solidaires 31

      52, rue Jacques Babinet 31000 Toulouse.


      http://www.ujfp.org/
  • Violences faites aux femmes en Egypte : quand un régime se dit féministe et persécute les féministes (TV 5 Monde)

    "Ne te tais pas", un mot d'ordre répété au Caire, comme ce 14 juin 2014, par des manifestantes, lors d'un sitting organisé par des organisations féministes, demandent le respect du corps des femmes et de leurs droits.

    "Ne te tais pas", un mot d'ordre répété au Caire, comme ce 14 juin 2014, par des manifestantes, lors d'un sitting organisé par des organisations féministes, demandent le respect du corps des femmes et de leurs droits.(c) Vinciane Jacquet
     

    En Égypte, en ce début 2017, il devient de plus en plus difficile de critiquer le gouvernement, singulièrement quand on est féministe. Les autorités égyptiennes semblent déterminées à éliminer non pas les violences faites aux femmes dans les espaces publics et privés mais les activistes qui les dénoncent. Rencontre avec des résistantes

    En Egypte, en ce début d’année 2017, c’est toute la société civile qui est durement malmenée. Et les féministes telles que Mozn Hassan, et son organisation Nazra (regard en arabe), ainsi qu’Azza Soliman, pivot du CEWLA (Center for Egyptian Women’s Legal Assistance - centre pour une assistance juridique aux Egyptiennes), goûtent à ce feu répressif. Malgré le travail essentiel qu’elles mènent pour combattre les violences faites aux femmes, et le soutien qu’elles apportent aux victimes depuis des années, ces militantes sont décrites comme des “espionnes”, des personnes qui “mettent en danger la sécurité du pays”, et incitent à la “libération irresponsable” des femmes.

    Le régime de Sissi et son féminisme à géométrie variable

    Azza Soliman est avocate, et membre actif du conseil d’administration du CEWLA. La police égyptienne la connaît bien. Activiste pour le droit des femmes depuis 1994, elle se fait arrêter dès 1995 pour être venue en aide à des femmes torturées par des officiers car elles étaient les épouses d’islamistes. “Ici, nous aidons toutes les femmes, peu importe leur religion, leur appartenance politique, leur origine”, assène-t-elle. La même année, après sa libération, elle fonde le Centre d’assistance légale pour les femmes égyptiennes (CEWLA). Puis en 1995, Azza Soliman est accusée de salir l’image de l’Égypte - un prétexte présent parmi les chefs d’accusation visant les journalistes -, pour avoir parlé lors de conférences internationales, des viols et agressions envers les femmes.

    Rien n’a changé aujourd’hui. Si ce n’est que le régime de Sissi est encore plus conservateur que les précédents
    Azza Soliman, avocate

    Cette femme, née dans une "fratrie" de cinq soeurs, a été poussée par sa famille à faire des études. Son combat pour les femmes l'a menée à témoigner dans une affaire qui a bouleversé l'Egypte et au delà, le monde entier : le 24 janvier 2015, la jeune poétesse Shaimaa al-Sabbagh était abattue par la police lors d'une manifestation alors qu’elle voulait simplement déposer une couronne de fleurs en mémoire des victimes de la révolution égyptienne du 25 janvier 2011. Son agonie avait été filmée.

    Pour tous ces combats, Azza Soliman est systématiquement harcelée par les autorités, entravée dans sa liberté de mouvement, empêchée de voyager, de sortir du pays par exemple. 

     

    Rien n’a changé aujourd’hui. Si ce n’est que le régime de Sissi est encore plus conservateur que les précédents”, se lamente l’avocate. “Ils utilisent le discours religieux, le même que celui des salafistes, à des fins politiques, dans le but de séduire et rassurer les démocraties occidentales”.

    Volontaires contre les agressions sexuelles

    Mozn Hassan est une activiste féministe à l’origine de "Nazra for Feminist Studies", organisation qu’elle a créée en 2005 et dirige toujours. La militante a étudié à l'université du Caire où elle a reçu un master en droit international des droits de l'Homme en 2002, puis un second en 2005, délivré par l'université américaine du Caire, dans le même domaine. Féministe bien avant la révolution, elle avait soutenu  une thèse sur "les interprétations légales du droit au divorce, de la polygamie et des mouvements féministes égyptiens". Nazra est donc davantage un accomplissement, plutôt qu'une vocation brutale née de la place Tahrir et de ses émeutes. Mozn avait en effet été très active au sein de plusieurs organisations en Égypte des années durant. Elle a également été une chercheuse engagée à l'Université américaine au Caire sur des projets portant sur la Shari’a (ensemble de règles dicté par l'Islam), la justice pénale et les droits humains dans la région Moyen-Orient/Afrique du Nord.

    Nazra a documenté et dénoncé depuis sa création un nombre effarant d’agressions physiques et sexuelles, et soutenu des milliers de femmes. En 2011, elle recrute des volontaires pour protéger les manifestantes pendant les rassemblements populaires qui accompagnent la révolution. L’organisation propose soutien psychologique et légal, ainsi que des soins médicaux. Elle encourage les Egyptiennes à prendre part à la vie politique, et mène une coalition pour inclure les droits des femmes dans la constitution de 2014 ainsi que les violences sexuelles dans le code pénal.

    Le 11 janvier 2017, un tribunal a ordonné le gel des avoirs personnels de Mozn, ainsi que ceux de Nazra, dans le cadre de l’affaire dite des “ONGs financées par l’étranger”, suspectées de comploter contre le gouvernement. Le gel de leurs avoirs personnels les empêche de subvenir à leurs besoins quotidiens en interdisant l’utilisation de l’argent en banque. “Je ne suis pas surprise du verdict”, avoue Mozn Hassan. “Mais c’est la première fois qu’une organisation enregistrée au Ministère de la solidarité sociale et approuvée par lui fait les frais d’une condamnation et d’un gel de ses avoirs”.

    Ils savent mieux que les femmes, ce qui est bon pour les femmes
    Mozn Hassan, féministe égyptienne

    Azza Soliman, accusée dans la même affaire, a vu ses avoirs personnels gelés, ainsi que ceux de son cabinet. Mais CEWLA, son organisation, est sauve. Personne n’arrive à décrypter le pourquoi de cette différence. Cette nouvelle étape dans l’escalade répressive est inédite, mais suit la rhétorique du gouvernement contre les mouvements indépendants. L’Etat veut s’arroger le monopole de la protection des femmes. Les protéger à leur manière, sans interférence des membres de la société civile, car “ils savent mieux que les femmes, ce qui est bon pour les femmes”, se moque Mozn. Sans surprise, les dictateurs sont des patriarches aux valeurs abusives et rétrogrades, et au discours féministe lorsque cela les arrange.

    Les attaques contre Mozn Hassan et Azza Soliman visent à effrayer les autres féministes qui luttent contre le système patriarcal, à les décourager, à anéantir leurs rêves d’une société juste et égalitaire. Un appel est possible, trois mois après le verdict. Les deux femmes ont décidé de se pourvoir, sans grand espoir cependant. “Ils veulent nous voir fermer de nous-mêmes”, assure Azza. “Cela n’arrivera pas. Ils devront m’arrêter d’abord”, ajoute Mozn.

    Aux yeux de l’Etat, Azza Soliman et Mozn Hassan ont franchi une ligne rouge, celle qui impose aux femmes de se taire et de se soumettre. Parce qu’elles haussent clairement le ton contre les violences cachées derrière les murs des foyers, celles perpétrées par les forces de l’ordre ou dans la rue.