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Algérie

  • Il y a 55 ans, jour pour jour, un commando de l'OAS a méthodiquement assassiné : Marcel BASSET, Robert EYMARD, Mouloud FERAOUN, Ali HAMMOUTENE, Max MARCHAND, Salah OULD AOUDIA

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    Le Blog des Amis des Pieds-Noirs Progressistes et de tous les Pieds-Noirs non extrémistes nostalgériques

    Il y a 55 ans, jour pour jour, un commando de l'OAS a méthodiquement assassiné : Marcel BASSET, Robert EYMARD, Mouloud FERAOUN, Ali HAMMOUTENE, Max MARCHAND, Salah OULD AOUDIA

    " Ils étaient six, Algériens et Français mêlés. Tous inspecteurs de l’Education nationale, réunis le 15 mars 1962, trois jours avant la signature des accords d’Evian, à Château-Royal dans le quartier d’El Biar, près d’Alger. Parmi eux, Max Marchand, leur responsable, un Normand passionné d’Algérie, et Mouloud Feraoun, l’écrivain kabyle. Ils dirigent des centres sociaux lancés en 1955 par Germaine Tillion, où l’on crut jusqu’au bout à l’alphabétisation et à la formation professionnelle des jeunes et des adultes pour apprendre, enfin, à vivre ensemble un peu moins mal. Un commando Delta de tueurs de l’OAS, commandé semble-t-il par l’ex-lieutenant Degueldre, les déchiqueta à l’arme automatique, ce jour-là, comme des chiens, dos au mur, pour qu’un dernier espoir s’éteigne. " [Jean-Pierre Rioux]

    ********************

    Lettres de Mouloud Feraoun et ses amis

    Par Kader Bakou

    En ce jour du 14 mars 1962, Mouloud Feraoun ne sait pas qu’il vient d’écrire la dernière page de son journal et de sa vie :

    «A Alger, c’est la terreur. Les gens circulent tout de même, et ceux qui doivent gagner leur vie ou tout simplement faire leurs commissions sont obligés de sortir et sortent sans trop savoir s’ils vont revenir ou tomber dans la rue.
    Nous en sommes tous là, les courageux et les lâches, au point que l’on se demande si tous ces qualificatifs existent vraiment ou si ce ne sont pas des illusions sans véritable réalité. Non, on ne distingue plus les courageux des lâches. A moins que nous soyons tous, à force de vivre dans la peur, devenus insensibles et inconscients. Bien sûr, je ne veux pas mourir et je ne veux absolument pas que mes enfants meurent, mais je ne prends aucune précaution particulière en dehors de celles qui, depuis une quinzaine (de jours) sont devenues des habitudes : limitation des sorties, courses pour acheter en «gros», suppression des visites aux amis. Mais, chaque fois que l’un d’entre nous sort, il décrit au retour un attentat ou signale une victime.»

    Le lendemain, il a une réunion au centre social de Château-Royal, sur les hauteurs d’Alger. Le 15 mars 1962 à 10h45, un commando de l’OAS fait irruption dans la salle de réunion.

    Les assassins font sortir six hommes et les fusillent. Les victimes sont Mouloud Feraoun, Marcel Basset, Robert Eymard, Ali Hammoutène, Max Marchand et Salah Ould Aoudia.

    Le fils de Mouloud Feraoun écrit à Emmanuel Roblès : «Mardi, vous avez écrit une lettre à mon père qu’il ne lira jamais… C’est affreux ! Mercredi soir, nous avons — pour la première fois depuis que nous sommes à la villa Lung — longuement veillé avec mon père dans la cuisine, puis au salon. Nous avons évoqué toutes les écoles où il a exercé (…) C’était la dernière fois que je le voyais. Je l’ai entendu pour la dernière fois le matin à huit heures. J’étais au lit. Il a dit à maman : «Laisse les enfants dormir.» Elle voulait nous réveiller pour nous envoyer à l’école. «Chaque matin, tu fais sortir trois hommes. Tu ne penses pas tout de même qu’ils te les rendront comme ça tous les jours !» (…) Je l’ai vu à la morgue. Douze balles, aucune sur le visage. Il était beau mon père, mais tout glacé et ne voulait regarder personne.»

    Pour Jean El-Mouhoub Amrouche, l’acte de l’OAS qui avait ciblé trois Français et trois Algériens était bien calculé : «Traîtres à la race des seigneurs étaient Max Marchand, Marcel Basset, Robert Eymard, puisqu’ils proposaient d’amener les populations du bled algérien au même degré de conscience humaine, de savoir technique et de capacité économique que leurs anciens colonisateurs français. Criminels présomptueux, Mouloud Feraoun, Ali Hamoutene, Salah Aït Aoudia, qui s’étant rendus maîtres du langage et des modes de pensée du colonisateur, pensaient avoir effacé la marque infamante du raton, du bicot, de l’éternel péché originel d’indigénat pour lequel le colonialisme fasciste n’admet aucun pardon.» Après ces remarques amères, Amrouche conclut : «Voilà pourquoi les six furent ensemble condamnés et assassinés par des hommes qui refusent l’image et la définition de l’homme élaborées lentement à travers des convulsions sans nombre parce qu’il faut bien nommer la conscience universelle.»

    Mouloud Mammeri écrira plus tard : «Le 15 mars 1962, au matin, une petite bande d’assassins se sont présentés au lieu où, avec d’autres hommes de bonne volonté, il (Mouloud Feraoun) travaillait à émanciper des esprits jeunes; on les a alignés contre le mur et… on a coupé pour toujours la voix de Fouroulou. Pour toujours ? Ses assassins l’ont cru, mais l’Histoire a montré qu’ils s’étaient trompés, car d’eux, il ne reste rien… rien que le souvenir mauvais d’un geste stupide et meurtrier, mais de Mouloud Feraoun la voix continue de vivre.» Le fils du pauvre repose du sommeil du juste.

    http://lesoirdalgerie.com/

    *******************

     Au cours de la nuit qui suivit cet assassinat, Germaine Tillion a écrit le texte suivant qui est paru dans Le Monde du 18 mars 1962.

    La bêtise qui froidement assassine

    "Mouloud Feraoun était un écrivain de grande race, un homme fier et modeste à la fois, mais quand je pense à lui, le premier mot qui me vient aux lèvres c’est le mot : bonté...

    C’était un vieil ami qui ne passait jamais à Paris sans venir me voir. J’aimais sa conversation passionnante, pleine d’humour, d’images, toujours au plus près du réel - mais à l’intérieur de chaque événement décrit il y avait toujours comme une petite lampe qui brillait tout doucement : son amour de la vie, des êtres, son refus de croire à la totale méchanceté des hommes et du destin.

    Certes, il souffrait plus que quiconque de cette guerre fratricide, certes, il était inquiet pour ses six enfants - mais, dans les jours les plus noirs, il continuait à espérer que le bon sens serait finalement plus fort que la bêtise...

    Et la bêtise, la féroce bêtise l’a tué. Non pas tué : assassiné. Froidement, délibérément ! ...

    Cet honnête homme, cet homme bon, cet homme qui n’avait jamais fait de tort à quiconque, qui avait dévoué sa vie au bien public, qui était l’un des plus grands écrivains de l’Algérie, a été assassiné... Non pas par hasard, non pas par erreur, mais appelé par son nom, tué par préférence, et cet homme qui croyait à l’humanité a gémi et agonisé quatre heures - non pas par la faute d’un microbe, d’un frein qui casse, d’un des mille accidents qui guettent nos vies, mais parce que cela entrait dans les calculs imbéciles des singes sanglants qui font la loi à Alger...

    Entre l’écrivain Mouloud Feraoun, né en Grande-Kabylie ; Max Marchand, Oranais d’adoption et docteur ès lettres ; Marcel Basset, qui venait du Pas-de-Calais ; Robert Aimard, originaire de la Drôme ; le catholique pratiquant Salah Ould Aoudia et le musulman Ali Hammoutène, il y avait une passion commune : le sauvetage de l’enfance algérienne - car c’était cela leur objectif, l’objectif des Centres Sociaux : permettre à un pays dans son ensemble, et grâce à sa jeunesse, de rattraper les retards techniques qu’on appelle "sous-développement". Dans un langage plus simple cela veut dire : vivre.

    Apprendre à lire et à écrire à des enfants, donner un métier à des adultes, soigner des malades - ce sont des choses si utiles qu’elles en paraissent banales : on fait cela partout, ou, à tout le moins, on a envie de le faire. [...]

    Et c’était de quoi s’entretenaient ces six hommes, à 10 heures du matin, le 15 mars 1962 ..."

    Germaine Tillion

    Jean-Philippe Ould Aoudia, fils de Salah Ould Aoudia, a publié, une enquête sur l’assas- sinat de Château-Royal (éditions Tiresias). Jean-Philippe Ould Aoudia enquête minutieuse- ment, recoupe les documents, vomit les clauses des amnisties successives qui rendent le crime innommable et font taire les proches des victimes. Il n’a qu’un but : traquer les assas- sins de son père à El Biar, relire cette tuerie planifiée, établir les complicités en hauts lieux, pointer du doigt les inconscients et les aveugles, reconstituer l’atmosphère d’affolement à Alger au printemps de 1962, qui laissait proliférer l’exécution à la raflette entre deux anisettes et l’attentat méthodique des commandos surentraînés. [d’après Jean-Pierre Rioux, Le Monde du 20 mars 1992]

    Une association et un livre pour ne pas oublier :

    - l’association Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons,
    siège social : UNSA-Education - 87 bis rue Georges Gosnat - 94 853 Ivry-sur-Seine ;

    - L'assassinat de Château-Royal, de Jean-Philippe Ould Aoudia - introduction de Germaine Tillion, préface d’Emmanuel Roblès et postface de Pierre Vidal-Naquet - (Éditions Tirésias, 1992 -  http://www.editionstiresias.com)

    http://www.dandelotmije.com/

  • Présentation du livre de Hocine Aït Ahmed : « L'affaire Mécili » (Algeria Watch)

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    avec Annie Mécili, veuve d'Ali Mécili, José Garçon, journaliste et François Gèze, éditeur à La Découverte

    jeudi 29 juin à 19 h

    LIBRAIRIE RESISTANCES : 4 Villa Compoint 75017 PARIS

    Le 7 avril 1987, Ali Mécili, avocat au barreau de Paris, figure marquante de l'opposition démocratique au régime d'Alger, était assassiné devant son domicile parisien. Deux mois plus tard, la police française arrêtait le tueur, un petit truand algérien aux ordres de la Sécurité militaire, les services secrets de l'armée algérienne. Mais au lieu d'être remis à la justice, il était... réexpédié à Alger. Et, depuis trente ans, ce crime qui déshonore la Ve République est resté impuni. D'où l'importance de ce livre, publié pour la première fois en 1989, pour comprendre la vraie nature du régime algérien et les réseaux secrets de la "Françalgérie".

    Grande figure de la lutte d'indépendance algérienne et opposant historique au régime militaire qui contrôle l'Algérie, Hocine Aït-Ahmed (1926-2015) y retrace en détail les circonstances du meurtre de son ami, ainsi que l'attitude scandaleuse des autorités françaises. Mais aussi, à travers le parcours d'Ali Mécili, la lutte d'opposants courageux contre un "pouvoir de l'ombre" qui a confisqué dès 1962 la lutte de libération du peuple algérien. Et, dans une postface inédite, il évoque le "bain de sang" dans lequel ce pouvoir a plongé son pays à partir de 1992, et l'incroyable omerta qui continue depuis à recouvrir, en France comme ailleurs, les crimes contre l'humanité d'une junte de généraux corrompus.

    Trente années à ce jour qu'Annie Mécili, sa famille et ses amis exigent que justice soit rendue depuis l'expulsion en Algérie de l'assassin présumé par Charles Pasqua et Robert Pandraud en juin 1987. Jusqu' à l'ordonnance de non lieu de novembre 2014, confirmée depuis par la Cour d'appel de Paris et par la Cour de cassation, la raison d'Etat n'a cessé de s'affirmer et la justice ne s'est pas accomplie en France. Reste la Cour européenne des droits de l'homme qui vient d' être saisie. C'est pour soutenir ce combat et faire connaitre au grand public "L'Affaire Mécili" que les éditions La Découverte ont décidé de réimprimer ce livre.

     

    LIBRAIRIE RESISTANCES : 4 Villa Compoint 75017 PARIS
    (angle 40 rue Guy Môquet)
    Métro ligne 13 : station Guy Môquet ou Brochant
    TEL. 01.42.28.89.52 

    info@librairie-resistances.com

    www.librairie-resistances.com

    http://www.algeria-watch.org

  • Nouveautés sur Algeria Watch

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    «Le FMI propose l'austérité !»

    Les dockers menacent de paralyser les ports

    500 000 enfants sans scolarité en Algérie

    Alger verrouillée, Bejaia est devenue la capitale des contes- tations sociales et politiques

     

  • Algérie : Assurer un procès équitable aux défenseurs des droits des minorités (Amnesty)

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    Les autorités algériennes devraient abandonner tous les chefs d'inculpation retenus à l'encontre d'un activiste de renom et de ses 40 co-accusés, qui sont fondés sur leur militantisme pacifi- que en faveur des droits de la minorité amazigh, ou berbère, ont déclaré aujourd'hui Human Rights Watch, EuroMed Rights, Amnesty International et Front Line Defenders.

    Kamaleddine Fekhar et la plupart de ses co-accusés sont en détention préventive depuis juillet 2015.Pour ce qui concerne les autres chefs d'inculpation, relatifs à des actes de violence, retenus contre les prévenus, les autorités devraient immédiatement mettre fin à leur détention préventive, à moins qu'il n'y ait dans chaque cas une justification individuelle nécessitant de prolonger cette détention alors que près de deux ans se sont écoulés depuis leur arrestation. Tous les détenus sont en droit d'être jugés dans un délai raisonnable.

    Ces prévenus sont confrontés à des inculpations très similaires, notamment de meurtre, de terrorisme et d'autres graves infractions qui pourraient leur valoir la peine de mort, pour leur rôle présumé dans les sanglants affrontements ethniques qui ont éclaté dans la région du Mzab entre 2013 et 2015. « Si les autorités algériennes considèrent qu'elles doivent juger les personnes soupçonnées d'avoir fomenté et d'avoir participé aux graves violences survenues dans la province de Ghardaïa, cela devrait être sur la base d'éléments de preuve solides et individualisés », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient à Human Rights Watch.La chambre d'inculpation, une chambre préliminaire chargée de confirmer ou de rejeter les chefs d'accusation sur la base d'un rapport rédigé par un juge d'instruction, a émis le 14 février 2017 une décision de 150 pages, dans laquelle elle ordonnait le transfert du dossier au tribunal en vue d'un procès. Les organisations signataires du présent communiqué ont examiné le rapport.

    La Haute Cour d'Algérie a rejeté l'appel interjeté par la défense contre la décision d'intenter un procès, et celui-ci s'est ouvert le 25 mai.

    Kamaleddine Fekhar a dirigé la section de la Ligue algérienne des Droits de l'homme dans la ville de Ghardaïa de 2004 à 2014. Fin 2013, il a fondé le Mouvement pour l'autonomie du Mzab, une région du nord du Sahara, et a condamné le gouvernement pour ce qu'il a qualifié de politique d'apartheid et de discrimination à l'encontre des Mozabites, une minorité d'ethnie amazigh vivant dans cette région. La plupart de ses co-accusés sont aussi des activistes pro-amazigh qui militent en faveur d'une autonomie du Mzab. « Aux termes des obligations internationales de l'Algérie, personne ne devrait être poursuivi en justice pour avoir plaidé pacifiquement pour les droits de minorités, y compris pour une autonomie régionale ou pour l'indépendance », a déclaré Michel Tubiana, président d'EuroMed Rights. Selon le droit international en matière de droits humains, les gouvernements sont en droit de sanctionner pénalement l'incitation à la violence, à la haine ou à la discrimination.

    Mais les lois qui interdisent ces formes d'incitation doivent être formulées sur la base de définitions claires, étroites et spécifiques, qui soient compatibles avec la protection du droit à la liberté d'expression. Poursuivre en justice l'incitation à la violence devrait être limité à des cas dans lesquels l'incitation est intentionnelle et directement liée à la violence. Les poursuites pour incitation à la haine ou à la discrimination ne devraient jamais viser le plaidoyer pacifique en faveur des droits d'un segment de la population, ou d'une autonomie régionale ou de l'indépendance.

    Le tribunal a rejeté plusieurs requêtes présentées par les avocats de la défense en faveur d'une mise en liberté sous caution de leurs clients en attendant le procès, la plus récente datant du 14 février. Les autorités judiciaires n'ont fourni aucun élément particulier ou circonstances pouvant justifier ces rejets, comme l'exigent le droit et les normes internationales humanitaires.

    Outre les déficiences relevées dans les chefs d'accusation et les éléments à charge, la longue détention préventive infligée aux prévenus, sans fournir dans chaque cas une justification de la nécessité d'une telle détention prolongée, constitue une violation de leurs droits à la liberté et à des procédures équitables, qui incluent la présomption d'une remise en liberté dans l'attente du procès. L'article 14.3(c) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par l'Algérie ainsi que son Protocole optionnel, stipule que « toute personne accusée d'une infraction pénale a droit à être jugée sans retard excessif.» Les Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l'assistance judiciaire en Afrique, adoptés par la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples en 1999, stipulent que «à moins que des éléments de preuve suffisants rendent nécessaire la prise de mesures pour empêcher qu’une personne arrêtée et inculpée pour une infraction pénale ne s’évade, n’influence les témoins ou ne constitue une menace manifeste et grave pour d’autres, les États veillent à ce que ladite personne ne soit pas placée en détention préventive.»

    « Les victimes des tragiques événements du Mzab méritent justice, et celle-ci ne peut être rendue par un procès profondément défectueux », a déclaré Heba Morayef, directrice de recherche sur l'Afrique du Nord à Amnesty International.

    Éléments de contexte

    Kamaleddine Fekhar a entamé une grève de la faim le 3 janvier 2017, pour réclamer sa remise en liberté, mais il l'a suspendue le 20 avril. Les autorités l'avaient arrêté, ainsi que 30 de ses co-accusés, le 9 juillet 2015, dans une maison dont il est le propriétaire dans la ville de Ghardaïa, à la suite de violences intercommunautaires qui avaient éclaté dans la province de Ghardaïa au début du même mois, derniers incidents en date dans cette région où les tensions interethniques sont fortes. Les autres prévenus ont été arrêtés en 2016, le 26 juillet et le 12 décembre.Des violences ont éclaté sporadiquement entre Mozabites et Arabes dans la province de Ghardaïa depuis 2013. L'un des épisodes les plus sanglants, survenu entre le 7 et le 10 juillet 2015, a fait environ 25 morts et plus de 70 blessés dans les deux communautés confondues, la plupart victimes de tirs à l'arme à feu, selon les informations parues dans les médias. La chambre d'inculpation a confirmé les chefs d'accusation retenus contre Kamaleddine Fekhar, notamment terrorisme, incitation à la haine ou à la discrimination, distribution de documents portant atteinte à l'intérêt national et dénigrement des institutions de l'État, tous relevant du code pénal.

    En plus de ces inculpations, certains de ses co-prévenus ont également été accusés d'avoir constitué une bande criminelle en vue de commettre des crimes et des assassinats.

    Plusieurs de ces infractions sont passibles de la peine de mort.Le rapport de la chambre, qui a établi les chefs d'inculpation, pose problème pour trois raisons: premièrement, le rapport ne comporte pas d'éléments de preuve à charge contre les prévenus pour les infractions constitutives d'une violence commise dans des buts criminels, telles que les accusations spécifiques de « terrorisme », de meurtre et d'incendie volontaire; deuxièmement, il inclut des infractions qui devraient être abolies car elles criminalisent l'exercice du droit à la liberté d'expression pacifique qui est protégé par les conventions internationales relatives aux droits humains, telles que « dénigrement des institutions de l'État » et « distribution de documents portant atteinte à l'intérêt national »; et troisièmement, il inclut des infractions qui sont recevables, telles qu'incitation à la haine, à la discrimination ou à la violence, mais qui doivent être prouvées selon des critères étroits et précis, en conformité avec l'obligation incombant à l'Algérie de respecter le droit à la liberté d'expression.

    Le rapport de la chambre d'inculpation ne comporte aucun élément de preuve établissant que Kamaleddine Fekhar ou l'un quelconque de ses co-accusés auraient planifié ou perpétré le moindre acte de violence.

    Au contraire, il justifie les chefs d'inculpation sur la base d'enregistrements de leurs discours, sans fournir la preuve qu'ils contenaient des incitations à la violence; sur le fait qu'ils ont tenu des réunions publiques; et sur leur appartenance à des mouvements amazigh. La chambre a également considéré le fait qu'un individu non identifié qui se trouvait à proximité de la maison de Fekhar avait pris pour cible les agents de la police judiciaire en pointant une arme à feu sur eux et en lançant des engins explosifs artisanaux lors de l'opération d'arrestation, comme preuve que les prévenus faisaient partie d'une bande criminelle. L'individu en question n'avait blessé aucun policier, a échappé à l'arrestation et ne figure donc pas parmi les accusés. Le rapport de la chambre d'inculpation cite une vidéo d'une rencontre entre Kamaleddine Fekhar et plusieurs de ses co-accusés, datant du 5 octobre 2013. Selon le rapport, dans cette vidéo, Fekhar déclare qu'un « divorce » entre les Mozabites et les Arabes est inévitable.

    Il fustige la police pour n'avoir pas poursuivi les personnes responsables de violences ayant visé la communauté mozabite, qualifie les Arabes d'« envahisseurs » et d'« hypocrites », et déclare que les « autorités sont dictatoriales, corrompues, criminelles, répressives » et partiales en faveur des populations arabes.

    Le rapport cite une autre vidéo dans laquelle Kamaleddine Fekhar aurait déclaré: « Nous sommes sur notre terre et la terre de nos ancêtres, les Arabes ne sont pas des invités mais des envahisseurs; nous devons les chasser de nos terres et de toute l'Afrique du Nord, Daesh [l'État islamique] est la source de la corruption et des crimes.»

    En ce qui concerne les autres accusés, la chambre d'inculpation cite des rapports de police qui les identifient comme étant parmi les participants à la réunion filmée dans cette vidéo d'octobre 2013. La chambre cite également des déclarations faites par les accusés à la police, dans lesquelles ils reconnaissent être des activistes pro-autonomie, avoir été présents dans la maison de Fekhar lors de l'opération d'arrestation du 9 juillet 2015 et avoir participé à des défilés ou à des manifestations pour les droits des Mozabites. Dans sa présentation d'éléments de preuve de leur appartenance à une bande criminelle et de leur tentative de déstabiliser la sécurité de l'État, le tribunal fournit une liste d'organisations pro-autonomie dans lesquelles Fekhar et d'autres accusés étaient actifs.

    29 mai 2017

    https://www.amnesty.org/

  • Les balles du 14 juillet 1953. Un massacre policier oublié de nationalistes algériens à Paris (NPA)

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    De Daniel Kupferstein. La Découverte, 2017, 18 euros. 

    Documentariste, Daniel Kupferstein a changé de média pour approfondir le travail qu’il avait fait en 2014 à travers un film enquête éponyme...  

    Daniel Kupferstein rend hommage à Maurice Rajsfus qui avait déjà traité ce sujet en 2003 dans Un 14 Juillet sanglant, et le reprend après une enquête de quatre ans en France et en Algérie.

    En 1953, juste après la fin de la ­Seconde Guerre mondiale, en pleine guerre froide – dont la conséquence est un redoutable anticommunisme qui a déjà autorisé Jules Moch à envoyer mater les mineurs du Nord en 1948 –, au moment où le système colonial commence à être ébranlé, la violence répressive est à son comble.

    Jusqu’en 1953, le 14 Juillet n’était pas seulement une exhibition militaire, mais aussi un défilé des syndicats qui se faisait de Bastille à Nation. 10 000 à 15 000 manifestantEs, dont 6 000 à 8 000 travailleurs algériens (à cette date, ils sont plus de 300 000 en France), sous le drapeau nationaliste du MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) créé en 1945 par Messali Hadj suite aux massacres perpétrés par les Français, notamment à Sétif.

    Les paras agressent violemment les Algériens sur la place de la Nation, faisant en quelques minutes six morts et des dizaines de blessés. Les 2 200 policiers présents protègent les paras. En fin de journée, les paras attaquent le siège du PCF.

    Aux prémices de la guerre d’Algérie

    Daniel Kupferstein démonte à travers les archives et les entretiens très riches avec les manifestantEs et les policiers la machine d’État qui va mentir sur l’origine de la violence, disculper les paras et la police, et mettre en cause les manifestantEs. La presse bourgeoise joue bien le jeu : l’Aurore titre « Ce 14 Juillet, hélas, ensanglanté par une émeute communiste », et Paris Match montre les cars de police brûlés…

    Cette manifestation signe le vrai début de la guerre, et elle est d’ailleurs suivie en Algérie de grèves et de débrayages à l’arrivée des cercueils et lors des enterrements.

    Ce massacre de 1953 a ensuite été occulté aussi bien en France qu’en Algérie, les morts n’ont pas été reconnus comme victimes politiques, la guerre et la contestation du rôle de Messali Hadj n’y étant pas étrangère. En France bien sûr, la politique du déni a prévalu.

    Grâce à Maurice Rajsfus dans un premier temps et aujourd’hui à Daniel Kupferstein, ce drame – qui pourrait avoir de sinistres échos dans le contexte actuel – peut être enfin compris et son rôle essentiel dans la guerre de libération de l’Algérie reconnu.

    Catherine Segal

  • Alger, la Mecque des révolutionnaires (1962-1974) (Quartiers Libres)

    De 1962, année de son indépendance, et jusqu’en 1974, « Alger la rouge » offrait asile et assistance aux opposants et exilés du monde entier. Un pan méconnu de la politique internationale algérienne, revisité en archives.

    De 1962, année de son indépendance, et jusqu’en 1974, l’Algérie aide activement les mouvements anticoloniaux et les révolutionnaires du monde entier. Avec son sens de la formule, Amilcar Cabral, le fondateur du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) qualifiera le pays de « Mecque des révolutionnaires ». Dirigée par le tandem Ahmed Ben Bella (à la présidence) et Houari Boumediene (au stratégique ministère de la Défense), l’Algérie jouit alors du prestige d’une indépendance acquise par les armes. Suivant l’inspiration de Fidel Castro et du Che, qui réserveront à Cuba un accueil triomphal à Ahmed Ben Bella, le pays s’impose comme le leader des aspirations des peuples du tiers-monde. Le régime apporte un soutien total aux opposants qui viennent à lui, aussi bien moral que diplomatique et financier.

    Grâce à un habile montage d’archives, ce film revisite la décennie prodigieuse, et méconnue, au cours de laquelle la plupart des opposants à la colonisation et au racisme, du Che aux Black Panthers – en passant par les indépendantistes bretons ! –, feront escale dans une capitale algérienne effervescente, rebaptisée « Alger la rouge ». Même après le coup d’État de Boumediene en 1965, le pays poursuivra sur cette lancée. Si cette politique finira par évoluer au mitan des années 1970, elle restera un sujet de fierté pour le peuple algérien. Après sa libération, en 1990, près de trente ans après s’être entraîné avec les fellagas, Nelson Mandela leur rendra un vibrant hommage et déclarera : « L’Algérie est mon pays. »

     22 mai 2017

    https://quartierslibres.wordpress.com

  • Plusieurs syndicats ont dénoncé les représailles contre le délégué Large soutien au syndicaliste suspendu d’Algérie Poste à Béjaïa (Algéria Watch)

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    L’interpellation par la police d’un représentant des travailleurs d’Algérie-Poste n’est pas du goût du syndicat du secteur.

    Ainsi, le Syndicat national autonome des postiers (Snap) a dénoncé cette interpellation de leur camarade, informant que le syndicaliste Younsi Amar a passé, hier, quatre heures d’interrogatoire au commissariat de police de Sidi-Aïch.

    Le syndicat a affirmé, en outre, que “c’est la deuxième fois, en l’espace de deux jours, qu’il est entendu par les officiers de police à propos de son appartenance au Snap”. Et devant la teneur de ces interrogatoires, ils ont déclaré que l’on est bien dans le cas d’une “ingérence dans le fonctionnement d’une organisation syndicale légalement constituée”. Pis, elle constituait “une violation grave des conventions internationales ratifiées par l’Algérie”.

    Il y a lieu de signaler que les représentants des syndicats autonomes de la wilaya de Béjaïa (Cnapeste, Unpef, Cela, Satef, Snap, Snte et Sntfp), réunis jeudi dernier au siège du Cnapeste, ont dénoncé avec virulence les dépassements enregistrés à l’encontre des syndicalistes et des fonctionnaires. Ils ont condamné “le comportement du directeur de wilaya des postes” et s’étaient élevés contre “les suspensions dont sont victimes les syndicalistes, particulièrement celle de (leur) camarade Amar Younsi”. Les syndicats autonomes de la wilaya de Béjaïa ont réaffirmé leur soutien “indéfectible et inconditionnel au camarade Younsi Amar suspendu injustement”.

    Par ailleurs, ils ont décidé de tenir un rassemblement des délégués syndicaux demain mardi 16 mai 2017, à 11h, devant le siège de la direction de wilaya des postes à Béjaïa pour exiger, entre autres, la levée de la suspension et la réhabilitation immédiate et inconditionnelle du camarade suspendu dans ses fonctions, l’arrêt immédiat des poursuites judiciaires à son encontre, mettre fin aux harcèlements que subissent quotidiennement les travailleurs des postes dans l’exercice du droit de grève.

    Liberté, 15 mai 2017

    http://www.algeria-watch.org/fr/

     

  • PST (Algérie)

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    Déclaration


    1 - A une écrasante majorité, estimée à presque 72%, les masses populaires algériennes ont rejeté la mascarade électorale des législatives du 04 mai 2017. Alors que l’abstention n’aurait pas dépassé officiellement les 63 %, le vote blanc et les bulletins nuls ont explosé, atteignant pour la première fois deux millions de voix, soit 25% des votants. A cela s’ajoute la fraude qui aurait franchi, selon plusieurs témoignages, des seuils scandaleux rappelant, entre autres passages en force, celui de 1997.

    2- En octroyant d’office 3/4 des sièges de la future APN aux partis qui le soutiennent (FLN, RND, TAJ, MPA, ANR,…), le pouvoir, sans se soucier des formes, reconduit son contrôle absolu sur toutes les institutions afin de poursuivre sans entrave l’application de sa politique économique et sociale antipopulaire (loi sur les retraites, nouveau code du travail…), de muselerle mouvement social et d’assurer au mieux la succession de Bouteflika. Dans cette perspective, la bienveillance et les satisfécits de Paris et de Washington ont été garantis, comme semblent le suggérer les récents arrangements Sonatrach/Total ou les contrats juteux concédés à Général Electric.

    3- De toute évidence, le rejet des législatives exprime avant tout une protestation sans équivoque des masses populaires contre les politiques économiques et sociales libérales, contre l’austérité et le chômage, contre la corruption et l’impunité qui règnent au plus haut sommet de l’Etat. C’est une protestation contre l’arrogance de ces nouveaux oligarques et patrons privés prédateurs du secteur public d’une part, et contre ces multinationales qui s’accaparent nos richesses et participent au pillage de notre pays d’autre part. C’est aussi une protestation contre la dérive autoritaire et antidémocratique du régime, contre l’oppression et l’injustice, contre la répression et le musellement des libertés. Mais c’est également la marque d’une faible adhésion aux projets politiques portés par l’opposition.

    4 –Quelle que soit sa forme, ce rejet des élections législatives ne constitue pas pour autant une alternative politique. L’aspiration au changement qu’il exprime relève d’une résistance passive, une résistance sans projet collectif et sans lendemains. Et alors que les appels contre la participation aux législatives foisonnaient de partout, les patrons et les milliardaires, les affairistes et les opportunistes, les carriéristes et les tribalistes ne se sont pas abstenus. Ils ont usé de tous les stratagèmes : la démagogie, les moyens publics, la « chkara » et la fraude. Ils sont partis à l’assaut de l’APN et comptent bien légiférer et imposer de nouvelles lois libérales qui aggraveront le suicide économique de notre pays et le désastre social qui frappe déjà des pans entiers de notre peuple.

    5- Mais, les luttes et les mobilisations des travailleurs et des masses populaires, à l’instar de celles de l’intersyndicale et des secteurs combatifs de l’UGTA, des étudiants et des jeunes, des femmes, des paysans pauvres et de tous les opprimés, démontrent que la résistance pour la défense du pouvoir d’achat et des acquis sociaux et démocratiques, s’organise et se recompose. C’est dans l’élan de cette résistance active du front social que notre parti s’inscrit.

    En l’absence d’un rapport de forces politique capable d’imposer immédiatement une autre solution, le PST a préféré, même avec une seule liste à Bejaia, se saisir de la tribune électorale et présenter ses propositions politiques. Pour le PST, il s’agit de renforcer et d’amplifier la résistance sociale dans la perspective de cristalliser sur le plan politique une convergence démocratique, antilibérale et anti-impérialiste.


    Le Secrétariat National.
    Alger, le 12 mai 2017

    Parti Socialiste Des Travailleurs
  • Nouveautés Algerie

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    Les massacres du 8 Mai 1945 s’invitent dans la présidentielle française (El Watan)

    Quand des français en parlent…(El Watan)

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  • SEVICES SEXUELS PENDANT LA GUERRE DE LIBERATION NATIONALE : OBSESSIONS ET REFOULEMENTS (Reporters)

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    Professeur à l’Université Sorbonne Nouvelle III, Catherine Brun, dont les travaux se situent au confluent de la littérature, de l’histoire et de la politique n’en est pas à son coup d’essai.

    Après avoir publié « Engagements et déchirements » en 2012 aux éditions Imec/Gallimard, « L’Algérie d’une guerre à l’autre » et « La Guerre d’Algérie, les mots pour la dire » (CNRS éditions), Catherine Brun a co-dirigé avec Todd Shepard, professeur associé à l’Université Johns Hopkins de Baltimore, auteur de plusieurs ouvrages sur l’Algérie, dont «Comment l’indépendance algérienne a transformé la France» (éd Payot), «Le Sexe outragé», un ensemble d’études et d’essais sur les violences sexuelles pendant la guerre et leurs représentations, paru aux CNRS éditions.


    Reporters : Qu’est-ce qui vous a conduit à vous pencher sur la question des représentations sexuelles pendant « la guerre d’Algérie » ou « la guerre de libération nationale » comme la nomment les Algériens ? 

    Catherine Brun : Les raisons sont multiples. D’abord, bien entendu, le hiatus entre l’ampleur des exactions sexuelles exercées pendant le conflit et le peu d’études portant sur ces questions, si l’on excepte les travaux de l’historienne Raphaëlle Branche sur les viols. Des forçages, émasculations, exacerbations viriles, tortures ciblées, outrages sexuels des cadavres, commerces des corps, féminisations de l’ennemi, on trouve surtout mention et trace dans les témoignages et romans qui évoquent la période, que ces récits en aient été contemporains ou qu’ils aient été conçus après coup. La conviction, ensuite, que ces traumas et représentations, que l’on pourrait croire périmés parce qu’anciens, continuent de peser sur nos sociétés et sur les imaginaires communautaires et nationaux, car les outrages sexuels n’ont pas valu seulement comme armes de guerre : ils ont porté le trouble dans le(s) genre(s). La certitude, enfin, qu’il faut les interroger et les faire parler au croisement des disciplines, entre histoire, psychanalyse, littérature, anthropologie.


    Vous écrivez : « Les représentations sexuelles obsèdent les discours et les figurations » pendant cette guerre, ça mérite un commentaire…

    En effet. Il est frappant de constater que la presque totalité des œuvres artistiques, qu’elles soient picturales ou littéraires, des récits et témoignages, mais aussi des discours médiatiques témoignent de la sexualisation du conflit. Les scènes, les discours, parfois même les ellipses rendent manifestes non seulement l’instrumentalisation des sexes, mais leur transformation en champ de bataille. L’oubli et le refoulement ne relèvent pas seulement d’un réflexe, culturel, de pudeur, mais d’une volonté politique de censure d’épisodes anti-héroïques. Il faut donc revenir à la source pour prendre conscience de cette prégnance – d’où le parti d’insérer dans l’ouvrage des extraits de romans et de récits (je pense par exemple au Journal de Feraoun, mais aussi bien aux romans d’Assia Djebar ou de René-Nicolas Ehni). Mais nous aurions aussi bien pu citer (certaines des études de l’ouvrage le font, qui évoquent des affaires médiatiques et des rumeurs) des extraits de presse, qui sexualisent avec insistance le conflit, prêtant aux militants indépendantistes des mœurs dissolues, ou regardant les activistes d’extrême-droite comme des invertis.

    Dans l’imaginaire colonial, le colonisé, dit-on, est assimilé à une « femelle qui aspire à être possédée ». Comment expliquez-vous la permanence de cette représentation. Pourquoi est-il impératif de la déconstruire ?

    Ne pas demeurer sous l’emprise de représentations fausses et fabriquées est un objectif politique de première importance, a fortiori pour toutes les postcolonies. Il s’agit de débusquer ces artefacts idéologiques, appelés abusivement « sens commun ». Aux colonisés, l’on a aussi bien prêté une sexualité hors normes et des besoins délibérément effrayants qu’une posture, prétendument féminine, de soumission. Dans un roman intitulé « Lucien chez les barbares », Claude Bonjean imagine ainsi, comme le rappelle Philip Dine dans l’ouvrage, une riposte : faire de la révolution nationale une victoire de la puissance mâle sur la grande ville coloniale femelle. Il est ainsi frappant de constater que si les catégorisations sont politiquement réversibles (les puissants d’hier devenant les impuissants d’aujourd’hui), l’identification demeure de la puissance à la force mâle et de l’impuissance à la femelle. Raison supplémentaire d’en appeler à la défaite des stéréotypes…

    Étant donné la chape de plomb qui s’est abattue en France sur la guerre, peut-on dire que les violences notamment sexuelles ont atteint un degré de violence telle qu’elles ont pu relever de l’indicible ?

    Que les violences, notamment sexuelles, aient été nombreuses et exacerbées, est indiscutable ; qu’elles n’aient guère été prises en considération politique l’est aussi ; qu’elles aient même été tues, en France comme en Algérie, l’est également. Je préfère toutefois ne pas utiliser le terme « indicible ». Car des tentatives de dire et de dénoncer ont bel et bien existé, et ce, dès le moment des faits. Je pense notamment au recueil « Des rappelés témoignent », publié par le comité chrétien Résistance spirituelle en 1957 ou au très célèbre témoignage de Djamila Boupacha, assistée de Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir, en 1962.

    Bien que certains historiens « n’ignorent pas l’existence de tels quolibets (homophobes), ils tendent à les vider de toute implication sexuelle », comment l’expliquer ?

    Les implications politiques fortes des désignations et des anathèmes homophobes ont souvent été sous-estimées, comme s’il ne s’agissait que de gestes sans contenus. Je ne saurais apporter sur le sujet de réponse définitive. On pourrait voir dans cette minimisation une négligence d’hétérosexuel ; on pourrait aussi l’imputer à une erreur de jugement : ces stigmatisations importeraient d’autant moins qu’elles affectent toujours l’autre camp ; on pourrait enfin penser qu’une telle négligence évite de penser les similarités entre des féminisations symétriques, de part et d’autre de l’échiquier politique (la « tante », c’est tantôt le « para », tantôt le rebelle).

    Au terme de cet ouvrage, qu’est-ce qui fait la singularité de votre propos et de celui des contributeurs ?

    Cet ouvrage a, je crois, le mérite de se situer à la fois à la croisée des disciplines, comme je l’ai signalé, des discours (médiatiques, politiques, artistiques…) et des regards : y contribuent des universitaires et des auteurs des deux rives, et au-delà, puisque Todd Shepard, co-directeur de l’ouvrage, est états-unien. Surtout, il contribue à désessentialiser et à déculturaliser les violences sexuelles : ces violences ne sont ni le fait obligé des guerres, ni la signature de telle ou telle communauté. Elles sont inscrites dans un contexte historique et politique qui les impulse, les instrumentalise et qu’elles contribuent à transformer. L’ouvrage permet de réinscrire ces violences, réelles et symboliques, dans le temps long de la domination – une domination que notre postcolonialité commune n’a pas fini de devoir déconstruire.

    Omar Merzoug, docteur en philosophie (Paris IV Sorbonne)

    http://www.reporters.dz/