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Algérie - Page 5

  • Vers une confédération des syndicats autonomes (Algeria Watch)

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    L'Intersyndicale a annoncé l'organisation d'une seconde grande marche nationale pour protester contre, notamment, la loi sur la retraite et le nouveau code du Travail.

    Dans un communiqué ayant sanctionné les travaux, tenus le 4 mars, au siège du CNAPEST, l'Intersyndicale a dénoncé la loi sur la retraite, qu'elle juge anticonstitutionnelle, le code du Travail et rappelé sa lutte pour la sauvegarde du pouvoir d'achat des travailleurs. Cette réunion, indique l'Intersyndicale, a été consacrée à l'examen de la situation actuelle, sur le front des revendications des travailleurs, relatives notamment à la retraite, le code du Travail, et la défense du pouvoir d'achat, ainsi que les perspectives de la lutte pour les droits des travailleurs. Les syndicats autonomes dénoncent «l'absence d'intervention du ministère du Travail pour redonner aux syndicalistes, injustement licenciés, leurs droits», et demandent «en urgence leur réintégration dans leurs postes de travail.» En outre, l'Intersyndicale dénonce «les pratiques répressives et policières des services de sécurité contre les étudiants en Pharmacie et les dentistes», comme elle refuse «les pratiques des représentants du ministère du Travail et leur double langage, dans leurs relations avec les syndicats autonomes et les autres organisations syndicales.»

    D'autre part, les syndicats autonomes ont dénoncé «l'ingérence de responsables du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, dans les affaires des syndicats du secteur». Par ailleurs, l'Intersyndicale a annoncé qu'elle va «entamer des actions auprès du Conseil constitutionnel, en coordination avec les groupes parlementaires, sur la non constitutionnalité de la loi 15-16 sur la retraite.» Ce sera, en fait, une saisine du Conseil constitutionnel, qui sera menée avec des parlementaires, pour invalider la loi 15-16 sur la retraite, qui supprime, notamment, la retraite proportionnelle et anticipée. La levée de boucliers des syndicats autonomes est née, justement, de cette décision de suppression de la retraite anticipée et proportionnelle, décidée par la 19ème tripartite avec l'assentiment de l'UGTA.

    Dans un communiqué commun, rappelle-t-on, les syndicats autonomes avaient averti le gouvernement contre la suppression de la retraite anticipée et proportionnelle, tout en faisant remarquer que les décisions de la tripartite ne les concernent pas, dès lors qu'ils n'ont pas été associés à ses réunions. «A l'heure où on attendait une amélioration des conditions socioprofessionnelles des travailleurs de la Fonction publique, le gouvernement nous surprend avec une décision prise en concertation, avec l'UGTA, qui ne représente nullement les travailleurs», avait relevé un des syndicats autonomes, l'UNPEF. Depuis, les choses sont allées très vite, et le gouvernement avait fait passer au Parlement le projet de loi sur le nouveau régime de retraite, ainsi que le nouveau code du Travail.

    Par ailleurs, les syndicats autonomes, ont également, annoncé l'organisation d'une journée d'étude sur le code du Travail, le 8 avril prochain, et la désignation d'une commission technique, le 11 mars, pour la constitution du projet d'une Confédération des syndicats autonomes.

    Pour maintenir la pression sur les pouvoirs publics, les syndicats autonomes annoncent, par ailleurs, l'organisation d'une autre grande marche nationale, après celle de Tizi Ouzou qui avait regroupé des milliers de syndicalistes et de manifestants, pour protester contre le code du Travail et la loi sur la retraite, qu'ils jugent «anticonstitutionnelle». La date et le lieu de cette marche nationale seront décidés, lors du regroupement des syndicats autonomes, prévu le 1er avril.

    Yazid Alilat, Le Quotidien d'Oran, 8 mars 2017

    http://www.algeria-watch.org/

  • Béjaia et Législatives 2017 : Le PST dans la bataille avec une liste qui sera conduite par Kamel AISSAT (Béjaia News)

    PST

    Béjaia et Législatives 2017 : Le PST dans la bataille avec une liste qui sera conduite par Kamel AISSAT

    Le Parti socialistes des Travailleurs vient de ficeler sa liste après un débat très détendu lors de l’assemblée des militants, tenue ce samedi au siège du parti à Bejaia. Le PST a jugé utile  de s’inscrire  dans la bataille des législatives, suite à la réussite de son opération de parrainage  et après avoir rempli toutes les conditions légales.

    Le choix de tête de liste a été porté sur l’universitaire, syndicaliste et militant des causes justes Kamel AISSAT, il sera secondé par Madame OURARI Naima, élue à l’APC d’Adekar , militante féministe et syndicaliste.Le directoire de compagne a été confié au militant intarissable de Tamazight et ex détenu des événements de Mai 81 à Béjaia Mohand Sadek AKROUR.

    Dans une déclaration sanctionnant sa rencontre, le PST salue l’adhésion de la population à son opération de parrainage et  considère que sa participation aux législatives de Mai prochain, n’est qu’une opportunité pour débattre avec une population orpheline d’une classe politique ayant transformé leurs appareils  en apparatchiks et reître sa position principale,  pour une assemblée constituante, qui sera l’émanation de la seule volonté des masses populaires.

  • Algérie (Arte)

  • Tizi-Ouzou: Des milliers de personnes à la marche de l'Intersyndicale (Algeria Watch)

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    Des milliers de personnes venues des différentes régions du pays ont pris part, hier, à la double marche de l'Intersyndicale organisée par au moins 12 syndicats autonomes.

    L'action de l'Intersyndicale a été entamée par une marche depuis l'ancienne place de la mairie de Tizi Ouzou vers le siège de la wilaya. Les manifestants ont scandé tout au long de la marche des slogans demandant le gel de la nouvelle loi sur la retraite, notamment dans sa disposition d'annulation de la retraite anticipée. Les protestataires ont également saisi l'occasion pour dénoncer l'exclusion des syndicats autonomes de la préparation de lois relatives au travail dont celle liée au régime de retraite. Nombreuses revendications écrites sur des banderoles ont été ainsi brandies par les manifestants. Une fois arrivés devant la cité administrative, les manifestants ont observé un rassemblement pendant plus d'une heure au cours duquel des représentants des différents syndicats ayant initié l'action ont pris tour à tour la parole pour réitérer les revendications. Certains intervenants ont appelé le président de la République à user de ses prérogatives pour faire annuler le nouveau texte de loi et associer les syndicats autonomes au débat des projets de loi relatifs au code du travail.

    Les représentants de l'Intersyndicale ont également affiché leur disponibilité et leur attachement au dialogue avec les pouvoirs publics. D'autres intervenants ont saisi l'occasion pour rappeler la saisine du Conseil constitutionnel pour dénoncer l'illégalité de la nouvelle loi sur la retraite. A l'issue de ce rassemblement, les manifestants se sont dispersés dans le calme tout en promettant de revenir à la charge jusqu'à l'aboutissement de leurs revendications.

    Pour sa part, le ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale a assuré hier, selon un communiqué transmis à l'APS, avoir transmis récemment une copie de l'avant-projet du nouveau code du travail, englobant 661 articles dont 40% nouveaux, aux différentes organisations syndicales. Cette mesure s'inscrit dans le cadre des réunions en cours avec les représentants des syndicats des différents secteurs, pour le renforcement du dialogue social, a affirmé à l'APS l'inspecteur général du travail, Akli Berkati. La transmission d'une copie de l'avant-projet du nouveau code du travail permettra aux syndicats de s'enquérir de son contenu et présenter par la suite leurs observations et leurs propositions en tant que partenaire social, a-t-il précisé.

    Evoquant certaines nouvelles dispositions, le responsable a expliqué que l'avant-projet incluait des propositions pour la consolidation du dialogue social à tous les nouveaux et d'autres sur la consécration et la préservation de la liberté d'exercice du droit syndical.

    Le ministère du Travail avait organisé en janvier dernier une journée d'information au profit des représentants des syndicats, en prélude d'une nouvelle étape sur la voie du renforcement du dialogue permanent entre les autorités et le partenaire social. L'inspecteur général du travail, Akli Berkati, a été choisi pour être le «coordonnateur» entre le ministère et les représentants des syndicats.

    Nait Ali H., Le Quotidien d'Oran, 26 février 2017

    Lire aussi:

    http://www.elwatan.com/

  • Nouveautés sur "Lutte Ouvrière"

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  • « On assiste aujourd’hui à une montée de grèves et de luttes urbaines »(PST)

    Membre de la direction nationale du Parti des travailleurs socialistes, Nadir Djermoune revient sur la situation sociale et politique en Algérie aujourd’hui.

    Quels sont les effets de la crise sur la prétendue politique d’industrialisation et d’intégration dans le marché mondial de l’État algérien ? L’effet des privatisations ? Et quelle part y prend la bourgeoisie algérienne ?

    La politique d’industrialisation poursuivie par le pouvoir algérien est plutôt une politique de « désindustrialisation », après une politique économique centrée sur une industrie « industrialisante » menée avec beaucoup de volontarisme les premières décennies de l’indépendance. Le pouvoir, dès les années 1980, sous la présidence de Chadli Benjedid a engagé une restructuration de tout l’appareil productif tant industriel qu’agricole.

    L’offensive des libéraux dans la décennie 1990 a trouvé chez Bouteflika son homme providentiel, un « Bonaparte éclairé ». Celui-ci a mené une politique de privatisations tous azimuts avec cependant une intégration très prudente au marché mondial. Cette prudence est dictée par deux considérants. Le premier est économique : l’impérialisme vise surtout les richesses énergétiques et une sous-traitance sans condition des secteurs économiques les moins porteurs. Le deuxième est surtout social : l’équilibre acquis par la société algérienne, tout relatif par ailleurs, est historiquement attaché à la souveraineté nationale et à une protection du marché national et de ses secteurs énergétiques. Il s’avère donc difficile voire impossible d’effacer ces acquis d’un revers de main. La résistance populaire, des travailleurs, y compris des secteurs de la bourgeoisie et de la bureaucratie bourgeoise au pouvoir, a eu raison des velléités néolibérales de la présidence.

    Mais aujourd’hui, cette prudence n’a mis hors privatisation que les seuls secteurs énergétiques du pétrole et du gaz sous contrôle de la Sonatrach et de la Sonelgaz. Tous les autres secteurs sont pratiquement privatisés ou en cours de privatisation. Et l’ensemble de l’activité économique reste ainsi très dépendante des prix du pétrole, dont la baisse accentue les tensions.

    Quelles en sont les conséquences pour les travailleurs et la population ?

    Les effets de ces privatisations commencent à se faire sentir dans le monde du travail par une grande précarisation et une montée du chômage, notamment chez les jeunes et les nouveaux diplômés.

    Bien évidemment, ces privatisations enrichissent des secteurs de la grande et moyenne bourgeoisie qui devient de plus en plus agressive et offensive sur le plan politique.

    Si d’un côté, le monde du travail, les jeunes chômeurs, les étudiantEs se battent, mènent des grèves et des protestations d’une manière récurrente – avec malheureusement une grande faiblesse sur le plan de l’organisation syndicale –, le patronat en revanche exerce des pressions plus organisées, avec une forte présence au niveau médiatique et des liens forts avec les rouages du pouvoirs, avec son lot de corruption.

    Quels sont les appuis qui permettent à Bouteflika de se maintenir au pouvoir ? En particulier quel rôle joue l’armée ?

    Si Bouteflika se maintient au pouvoir malgré sa maladie et les effets néfastes de sa politique économique au niveau populaire, c’est grâce à deux faits. Une certaine aisance financière durant son mandat, ce qui lui a permit de construire et de nourrir une clientèle diversifiée, chez les petits et grands commerçants et entrepreneurs, chez les paysans, des secteurs des fonctionnaires et même chez les jeunes, avec des aides pour la création d’entreprise...

    Il a aussi réussi à neutraliser ses oppositions politiques et à verrouiller toute expression politique. De plus, le fantôme de la guerre civile des années 1990, l’insécurité régionale, lui ont facilité la tache.

    Comme au début des années 1990, la crise pourrait-elle profiter à nouveau aux forces fondamentalistes islamistes ?

    La crise des années 1990 était aiguë, sur le plan économique mais aussi politique. Elle a touché les couches populaires mais aussi les couches moyennes. La montée des islamistes a surfé sur un processus de fascisation dans la société. Aujourd’hui, la crise n’est pas si aiguë. Entre-temps, les islamistes ont été défaits politiquement, même si idéologiquement, ils restent présents dans l’espace algérien. Mais les défaites subies sur le plan militaire et politique et l’intégration des forces islamistes dans le système, notamment pour les Frères musulmans, les ont fragilisés. Ils ont perdu toute crédibilité au yeux de pans entiers de la population, notamment chez les travailleurs. Les bouleversements qui traversent la région et le monde musulman, les effets néfastes de Daesh sur la Libye ou encore l’Irak et la Syrie introduisent des méfiances pour leurs discours de la part de larges couches de la société.

    Quelles sont les perspectives, alors que le processus révolutionnaire engagé en 2011 en Tunisie se heurte à une offensive réactionnaire ?

    L’effet domino du processus révolutionnaire engagé en Tunisie n’a pas eu de répondant direct en Algérie, même si on a assisté à des protestations de rue. Mais il faut aussi noter que l’Algérie avait connu un mouvement de même ampleur en 2001. Si ce mouvement n’a pas débouché sur un changement de régime, il n’en reste pas moins qu’il est resté vif sous forme d’émeutes et de révoltes sporadiques.

    Les protestations sociales continuent. On assiste aujourd’hui à une montée de grèves et de luttes urbaines qui gagnent les catégories tels les diplômés chômeurs, les étudiants, le mouvement contre la cherté de la vie, les mouvements environnementaux, notamment concernant l’exploitation du gaz du schiste... Récemment, l’augmentation des prix de électricité et du gaz mais aussi de l’essence et ses conséquences sur le transport, ont fait sortir des gens dans la rue dans certaines régions les plus défavorisées. De son côté, le mouvement syndical tente de se réorganiser en dehors de la centrale syndicale UGTA, bureaucratisée et de plus en plus inféodée au pouvoir.

    La perspective reste aujourd’hui l’organisation de la protestation, la construction d’une résistance aux offensives des libéraux et du patronat et une politique de défense des acquis sociaux non encore démolis. Politiquement, il faut construire une convergence des luttes sur le plan démocratique, antilibéral et anti-impérialiste.

    Propos recueillis par Yvan Lemaitre

  • Décès de la moudjahida Djamila Amrane... (ESSF)

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    Source du portrait: http://artbribus.com/2015/12/22/djamila-amrane-minne/

    Le mouvement nationale et les femmes dans la guerre d’Algérie

    On annonce ce jour le décès de l’historienne Djamila Amrane, militante de l’indépendance algérienne.

    Le samedi 26 janvier 1957, lors de la ’bataille d’Alger’, Djamila Amrane, alors âgée de 17 ans, participe à un triple attentat du FLN dans trois brasseries de la rue Michelet située dans le quartier européen. Elle pose sa bombe dans le bar Otomatic à Alger, tandis que deux autres jeunes filles déposent d’autres engins explosifs au Coq-Hardi et à La Cafeteria : ce sont Djamila Bouazza, âgée de 19 ans et Zoubida Fadila.

    Djamila Amrane échappe à l’arrestation et gagne alors le maquis FLN. Elle sera arrêtée avec certains de ses camarades en novembre 1957.

    Condamnée le 4 décembre 1957 à sept ans de prison, incarcérée à la prison de Barberousse, transférée ensuite en France, Djamila Amrane est libérée en avril 1962 à Rennes et amnistiée en application des Accords d’Évian.

    Après l’indépendance, elle devient historienne, enseigne et produit la première étude sur les femmes dans la guerre de libération.

    Marieme Helie Lucas, 11.02.2017

    Essais :

    Djamila Amrane, Les Femmes algériennes et la guerre de libération nationale, 1954-1962, 1989 [thèse]

    Djamila Amrane, Les Femmes algériennes dans la guerre, préface de Pierre Vidal-Naquet, Paris, Plon, 1991 (298 p.) (ISBN 2-259-02295-2)

    Djamila Amrane, Femmes au combat, préface de André Mandouze, Alger, éditions Rahma,1993,(298 p.)

    Djamila Amrane, Des femmes dans la guerre d’Algérie, entretiens, préface de Michèlle Perrot, Paris, Éditions Karthala, 1994 (218 p.) (ISBN 2865375102 et 978-2865375103)

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    Djamila Amrane – Le mouvement national, une affaire d’hommes ? Les femmes algériennes dans la guerre

    Le mouvement national, la guerre d’Algérie : une affaire d’hommes. Il faut attendre les années 1980 pour que les premières études brisent le silence sur la place qu’y occupent les femmes. Mais les titres se comptent sur les doigts d’une main jusqu’à la soutenance, à l’Université de Reims en 1988, de la thèse, fondatrice, de Djamila Amrane. Elle est publiée sous le titre Les femmes algériennes dans la guerree chez Plon en 1991, et suivie par Des femmes dans la guerre d’Algérie en 1996 chez Karthala [1].

    Mohamed Harbi, dans Le FLN, mirages et réalité des origines à la prise du pouvoir [2] soulignait que les femmes avaient été un « apport considérable » et que, sans elles, les luttes armées urbaines n’auraient pas eu la même portée. La guerre a, en effet, mobilisé des énergies auparavant négligées. Le Dictionnaire biographique des militants nationalistes algériens, 1926-1954 de Benjamin Stora (L’Harmattan, 1982) ne compte que six noms féminins, dont Emilie Busquant, compagne de Messali et militante algérienne à part entière. Encore, cette participation de l’épouse « d’origine étrangère » risque-elle d’être soumise à suspicion, comme le montre Albert Memmi dans son Portrait du colonisé quand il explique l’engagement de Bourguiba, Ferhat Abbas ou Messali par leur souci de compenser ces mésunions, ou de réagir à cette impasse [3].

    Relire, à un tiers de siècle d’écart, les titres phares de l’époque : L’Algérie, nation et société de Lacheraf, Le meilleur combat de Ouzegane, les Damnés de la terre de Fanon, est, en effet, une épreuve de vérité cruelle mais heuristique : la femme y est quasiment absente. Il fallait sans doute l’alliage de l’engagement militant et de la rigueur du métier d’historienne chez Djamila Amrane pour rendre justice à cette « moitié oubliée du peuple algérien ».

    Dans l’Algérie des années cinquante, où 4% des femmes sont alphabétisées, la majorité sont employées sans qualification dans l’agriculture et l’artisanat, en projection de l’espace familial, dans la domesticité, et rarement dans l’industrie. De fait, le travail salarié féminin n’existe pratiquement pas, la femme est exclue de la sphère publique et elle n’a comme statut concevable que celui d’épouse et de mère. Le droit de vote lui a été reconnu en principe en 1947, mais les modalités d’exercice de ce droit ne sont précisées qu’en 1958, dans le cadre des opérations de séduction tardives de l’autorité coloniale. Le programme nationaliste, il est vrai, ne promet pas beaucoup mieux.

    Si le militantisme féminin est une réalité, si un modèle émancipateur s’est affirmé, c’est dans le cadre du PCA et de son Union des Femmes, mais ils souffrent des contradictions du communisme algérien, de son écartèlement entre les communautés européenne et musulmane, des flous à l’égard de la question nationale qui surdétermine toute la vie de l’Algérie.

    Par quels cheminements, dans quelles conditions les femmes participent-elles à la lutte armée ? Djamila Amrane dans la partie la plus longue, la plus fouillée, la plus originale de sa thèse, et dans les entretiens de son second ouvrage, suit ces itinéraires vers le maquis et la guérilla urbaine. Modèle du père, du frère, rôle des medersas (des écoles primaires influencées par les nationalistes), importance de la sociabilité féminine à travers les fêtes, rôle de la chanson, des orchestres de femmes dans la diffusion de la culture militante, ces vecteurs sont bien montrés. Dans tout cela, il n’y a pas d’affirmation féministe. Les tâches de combattantes les maintiennent dans leur statut traditionnel, dans le cercle de leur condition. Aux maquis, elles sont infirmières, cantinières dirait-on pour les deux tiers ; dans la bataille d’Alger, elles assurent le transport des armes... Mais, même ainsi cantonnée, cette irruption ne pouvait laisser les choses en l’état : les tâches les plus modestes, celle de guide, le ravitaillement, l’hébergement..., transgressent les rôles sexuels. Les belles pages consacrées aux prisons, à leurs souffrances mais aussi à la sororité qui nourrit la solidarité montrent que des frontières sont brisées.

    Qu’en reste-t-il une fois l’indépendance acquise ? 11 000 fiches, soit 3,1% du total des Moudjahiddin recensés officiellement. Pourquoi cet engagement n’a-t-il pas été assorti d’une modernisation du statut de la femme ? L’Algérie n’est pas, loin de là, un cas unique : que l’on pense à la France de 1789, au Liban... ni les révolutions ni les mouvements nationalistes n’ont libéré les femmes. Mais le cas algérien a des aspects originaux. Il faut les rechercher dans l’idéologie du mouvement de libération comme le montrent les textes fondamentaux, ceux du Congrès de la Soumam en 1956 (dont la lecture laisse pantois) et de Tripoli en juin 1962, où sont jetées les bases d’une Algérie bien peu nouvelle pour les femmes.

    Certes, le Congrès de Tripoli reconnaît, dans un bref passage, « qu’il existe dans notre société une mentalité inégalitaire quant au rôle de la femme » et souligne la nécessité d’une évolution. Mais le FLN n’est pas à l’avant-garde : les maquisardes réfugiées en Tunisie ont dû faire une grève de la faim pour obtenir le droit de sortir librement et de faire des études !

    Djamila Amrane fournit quantité d’exemples du désenchantement national qui suit la fête de l’été 1962, de ce désespoir qui a conduit certaines au suicide ou à la folie. « Nous avons l’indépendance, mais que reste-t-il de moi ? » s’interroge une militante (p. 268). Quelques unes ont « réussi » dans l’establishment, mais la seconde assemblée nationale ne comptera que deux députées ! La suppression de l’émission radiophonique de Fadela Mrabet en 1964, puis son éviction de l’enseignement en 1967 pour cause de libre parole sonnent le glas de L’Algérie des illusions [4].

    Il faut bien admettre que, dans une partie de la société, l’indépendance s’accompagne d’un regain du traditionalisme, que « les ancêtres redoublent de férocité » comme le dit Kateb Yacine. Quant aux progressistes, ils ont posé le problème de l’égalité, à partir et en fonction de la seule légitimité nationaliste, non sur une base féminine spécifique.

    Sur ce point et sur le poids de l’islam, Djamila Amrane est peut-être trop discrète. Il est vrai que les déchirures récentes imposent une nouvelle lecture de la guerre de libération.

    Les réactions négatives face au premier livre de Assia Djebar, Les Impatients, qui posait les problèmes de la crise des relations entre hommes et femmes, de l’impossibilité du couple, montrent que le féminisme, comme mouvement autonome, n’est pas pensable alors. De même, le récit de Fatma Amrouche, Histoire de ma vie, publié par Maspero en 1968 avec une préface de Kateb Yacine promettant que ce livre serait lu dans toutes les écoles, n’a-t-il eu que des échos limités en Algérie, parce qu’il ne s’inscrit pas dans les canons nationalistes.

    Alors qu’il était partie intégrante du mouvement de libération nationale, l’engagement de « métropolitaines », ainsi que des militantes européennes et juives « pieds noires », a lui aussi été occulté. Minoritaire, infime si on le jauge en termes statistiques, il avait cependant une portée antiraciste, il ouvrait les voies de l’internationalisme et des acquis féministes qui lui étaient liées, ainsi que les horizons de l’universalité qui ont tant fait défaut au nationalisme algérien. Une des limites de la culture politique de l’Algérie indépendante a, en effet, été l’ignorance, le refoulement de la part non arabo-musulmane de son histoire.

    Claude LIAUZU

    Référence électronique

    Claude LIAUZU, « Djamila AMRANE, Les femmes algériennes dans la guerre, Plon, 1991 ; Des femmes dans la guerre d’Algérie, Karthala, 1996. », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés [En ligne], 9 | 1999, mis en ligne le 21 mars 2003, consulté le 12 février 2017. URL : http://clio.revues.org/307

    Notes:

    [1Il faut aussi rendre hommage au travail de Monique Gadant, à sa thèse Islam et nationalisme en Algérie, L’Harmattan, 1988, qui aborde le problème des femmes dans le discours du FLN, à ses articles dans Peuples Méditerranéens, ainsi qu’à sa coordination de recherches internationales sur « Femmes et argent », « Femmes et pouvoir ». Avant elle, Christiane Souriau avait, parmi les premières en France, ouvert les voies d’une recherche.

    [21980, Ed. Jeune Afrique.

    [3Cf. L’édition de 1966, p. 176, chez Jean-Jacques Pauvret.

    [4Titre de T. M. Maschino et Fadela Mrabet, Robert Laffont, 1972, qui suit La femme algérienne de 1964 et Les Algériennes de 1967.

    , par HELIE LUCAS Marieme, LIAUZU Claude

    http://www.europe-solidaire.org/

  • Nabila Djahnine (PST)

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    Place Said Mekbel Béjaia

    Il y a 22 ans, le 15 février 1995, notre camarade Nabila DJAHNINE a été assassinée à l’âge de 29 ans à Tizi Ouzou par un commando du groupe islamiste armé.

    A cette époque, Nabila dirigeait courageusement la résistance et le combat des femmes dans cette région, à travers l’association qu’elle présidait « Tighri N’tmatuth » et les coordinations et les mobilisations nationales des femmes contre le projet obscurantiste islamiste et contre les lois et les pratiques conservatrices du pouvoir et de la société.


    Mais, l’engagement politique de Nabila ne se réduit pas à cette dernière bataille. Depuis sa tendre adolescence, Nabila s’est imprégnée des luttes démocratiques et sociales qui rythmaient la vie de sa famille et de sa ville natale, Béjaïa. C’est dans le sillage de l’engagement de son frère aîné Badredine, dirigeant national du mouvement étudiant à partir de 1984/85, puis dirigeant syndicaliste dans l’éducation, et de sa sœur aînée Soraya, militante syndicaliste à la Sonitex, que Nabila allait s’abreuver, à l’instar des autres frère et sœurs, des idées marxistes et de la lutte des classes.

    Ainsi, elle s’engage vers 1986/87 au sein du Groupe Communiste Révolutionnaire (GCR), alors clandestin, devenu en 1989 PST. Dirigeante du mouvement étudiant à Tizi Ouzou, où elle suivait ses études supérieures en architecture, elle s’est impliquée dans les mobilisations du MCB et a participe à ses assises en 1990.

    Au premier congrès public du PST, en Mai 1991 à Tipaza, Nabila est élue à sa Direction Nationale. Plus tard, vers 1993, Nabila se concentre particulièrement sur son engagement féministe et, sans aucun reniement de son engagement socialiste, cesse son fonctionnement dans le parti. Loin de rendre compte de son riche parcours militant, ce modeste rappel restitue quelques aspects de son engagement sans limites pour un idéal qui nous est commun et pour lequel, en dépit des menaces sur sa vie, elle a continué à se battre debout jusqu’au dernier souffle.

    En rendant hommage à Nabila DJAHNINE aujourd’hui, le PST salue à travers elle la mémoire de toutes les militantes engagées dans le combat politique pour l’égalité des droits entre les hommes et les femmes. Ce combat, symbolisé par l’engagement des Moudjahidates pendant la guerre de libération, s’est développé après l’indépendance par les mobilisations des lycéennes et des étudiantes, par les femmes travailleuses et les militantes politiques et féministes.

    Ce combat continu aujourd’hui, comme on l’a vécu à travers la campagne contre le harcèlement sexuel et les récentes mobilisations des associations contre les violences faites aux femmes. Bien entendu, les acquis arrachés par ces luttes constituent une avancée inestimable dans notre pays, mais la lutte continuera pour l’abrogation du code de la famille, contre les mentalités conservatrices et moyen-âgeuses et contre toutes les discriminations sociales, économiques et politiques à l’égard des femmes.

    A la veille du 08 Mars 2017, l’esprit de notre camarade Nabila est toujours vivant parmi nous, dans nos cœurs et dans nos luttes. Son inimitable éclat de rire, qui nous rappelle combien elle était belle et généreuse, nous accompagnera et ravivera nos espoirs. Et « Thighri n’tmatuth » tonnera encore et encore pour nous rappeler combien Nabila était plus immense encore que la Tour qui porte son nom au bas de son quartier d’enfance, « Houma U Bazine » dans le centre ville de Béjaïa, et combien elle avait la certitude que sa lutte pour l’émancipation des femmes est aussi une lutte pour un monde meilleur sans discriminations, sans inégalités et sans oppressions.

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