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Algérie - Page 4

  • Nouveautés sur A l'Encontre.ch

    Israël. Une décision de la Cour suprême qui froisse le régime colonial et «le transfert paisible»

    23 - mars - 2017 Publié par: Alencontre Commenter

    Par Amira Hass D’après la décision de la Cour suprême de justice de la semaine dernière, les résidents palestiniens de Jérusalem sont des autochtones. Autrement dit, ils ne peuvent pas être comparés aux non-juifs qui, immigré en Israël par choix, ont reçu le statut de résidents et sont ensuite partis. Comme l’écrit Nir Hasson dans […]

     

    Syrie. Chute d’Alep: crimes de guerre, dissensions rebelles, abandon international

    22 - mars - 2017 Publié par: Alencontre

    Par Benjamin Barthe Les armes se sont tues il y a trois mois [décembre 2016]. Alep-Est la rebelle est retournée dans le giron de l’armée syrienne. La chape de peur et de silence qu’impose le régime Assad aux zones sous son contrôle écrase de nouveau les quartiers orientaux de la ville. Mais au sein de […]

     

    Algérie. Le sens d’une révolte

    19 - mars - 2017 Publié par: Alencontre

    Par Lamine Torki L’explosion sociale qui a secoué, en ce début janvier 2017, la wilaya de Béjaïa – mais aussi celles de Tiaret, Sétif, Blida, etc. – n’a rien à voir avec la grève initiée par des commerçants qui revendiquent moins de contrôles et d’impôts, alors même que le fisc les ponctionne bien moins que les […]

     

    «Les Syriens ont osé faire le printemps dans cette partie aride du monde»

    15 - mars - 2017 Publié par: Alencontre

    Par Mustafa Aljarf Le 15 mars 2011, un rassemblement avait lieu à Damas. Trois jours après, les manifestations s’étendaient aux principales villes du pays, gagné par le «printemps arabe». Après six ans de guerre, des centaines de milliers de morts et des millions de réfugiés, un Aleppin réfugié en France se souvient du caractère inattendu et miraculeux de […]

  • Déclaration (PST)

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    Comme pour les élections passées, le PST ne se fait aucune illusion sur les prochaines législatives du 04 mai 2017.

    Loin d’être libres et transparentes, ces élections n’apporteront ni les changements démocratiques qui mettent un terme à l’autoritarisme du pouvoir et le musellement des libertés, ni l’amélioration de la situation sociale de la majorité des masses populaires écrasées par l’austérité, le chômage et le mal de vivre.

    La nouvelle loi électorale, taillée sur mesure pour les partis du pouvoir et leurs amis du patronat, exclue de fait les projets politiques alternatifs et réduit au silence toutes les voix critiques et d’opposition. Promulguer une loi en 2016 et imposer, de façon rétroactive, un seuil minimal de 4% des voix en 2012, traduit la volonté du pouvoir d’éliminer ses adversaires politiques. Exiger de notre parti, fondé en 1989 et reconnu par sa présence dans les luttes politiques et sociales depuis les années de la clandestinité, de collecter plusieurs dizaines de milliers de signatures pour ces élections, alors qu’il n’est financé que par les cotisations de ses militant-E-s, signifie que seuls les partis subventionnés à tour de bras par l’argent publique et ceux qui sont soutenus par les milliardaires affairistes et financés par l’argent sale sont conviés à la mascarade.


    Face à cette situation, il est plus aisé de ne pas participer à ces élections déloyales et appeler à les « boycotter ». Mais, dans les conditions actuelles, cette attitude ne constitue pas une alternative pour les travailleurs et les masses populaires. Si les rapports de forces d’aujourd’hui ne permettent pas la mobilisation d’un boycott actif et massif capable d’imposer une autre solution, ne pas participer aux élections et se limiter à dénoncer la mascarade ne constituent pas un programme politique conséquent et ne suscitent aucun espoir dans nos luttes de demain.


    Pour le PST, au-delà de la nature anti démocratique de ces élections, il est plus constructif de se saisir de la tribune électorale et d’aller proposer nos idées politiques aux travailleurs et aux mases populaires, comme on vient de le faire dans une dizaine de wilayas, même si nous n’avons pas réussi à collecter le nombre exigé des signatures.

    D’ailleurs, à Béjaïa nos camarades ont réussi, au prix de beaucoup d’efforts militants, à relever le défi des trois milles signatures exigées dans cette wilaya en ramassant plus du double. Mieux, au-delà des délais formels, les signatures continuent d’affluer encore vers notre siège local. Pour nous, Il s’agit d’une mobilisation populaire et citoyenne inédite autour de nos propositions politiques et de notre liste de militants et de militantes, connus pour leur probité et leur engagement sur le terrain des luttes démocratiques et sociales tous les jours et toute l’année, indépendamment des échéances électorales.

    Ainsi, le PST a décidé d’accompagner cette dynamique et ne pas déserter une bataille politique qu’il va falloir amplifier et fructifier, à partir de Béjaïa et d’ailleurs, dans la perspective d’impulser une grande convergence des luttes et des énergies militantes, une grande convergence démocratique, anti libérale et anti impérialiste.

    Parti Socialiste Des Travailleurs
  • Des Subsahariens coincés dans le no man's land entre le Maroc et l'Algérie, les ONG dénoncent un "dérapage" (Algeria Watch)

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    Au moins 34 personnes de nationalités camerounaise, guinéenne, ivoirienne, malienne et sénégalaise ont été arrêtées et refoulées entre le 2 et le 10 mars à la frontière entre le Maroc et l'Algérie.

    Parmi elles, une dizaine de mineurs. Certains de ces Subsahariens étaient sur le territoire marocain depuis plusieurs années, ou en cours de régularisation de leur situation dans le cadre de la seconde phase de l’opération lancée au Maroc en décembre dernier.

    Selon les ONG de défense des migrants, ces personnes auraient subi des violences de la part des forces de l'ordre marocaines et algériennes, et été laissées sans nourriture dans le no man's land entre les deux pays, une zone connue des contrebandiers. Du "jamais vu" depuis le lancement de la nouvelle politique migratoire au Maroc en 2013.

    "Campagne de ratissage"

    "On a tous été choqués. C'est une pratique qui ne se faisait plus. On pense que c'est un dérapage, une erreur administrative à l'échelon local dans le cadre d'une campagne plus large de ratissage dans le nord du pays, pour empêcher la pression sur les grillages des enclaves espagnoles de Sebta et Melilla", explique au HuffPost Maroc Mehdi Alioua, président du Groupe antiraciste d'accompagnement et de défense des migrants (Gadem).

    Selon les témoignages recueillis par l'association, plusieurs d'entre eux auraient été arrêtés à Oujda et emmenés au commissariat. Leurs effets personnels (téléphone, passeport) auraient été confisqués avant qu'ils ne soient expulsés près du poste-frontière algérien.

    "Ils ont été contrôlés au faciès. Un homme marié à une Marocaine et vivant à Rabat, qui se trouvait là pour visiter un ami, a été arrêté", indique Mehdi Alioua. "Ils ne prennent plus le temps de contrôler l'identité et de mettre en place des procédures légales pour agir", déplore-t-il.

    Violentés

    Certains auraient été violentés à coups de pierres par la police algérienne. Ils auraient également reçu des coups de matraque côté marocain. Parmi eux, 14 auraient été blessés, dont trois grièvement. Sur Facebook, plusieurs photos et vidéos circulent, dans lesquelles ont voit certains migrants boire l'eau d'une rivière.

    "Au début, nous avions quelques biscuits que nous nous partagions. Mais là, il ne nous reste plus rien. Pour nous alimenter, nous cueillons une plante qui pousse ici et qui ressemble à l’oignon", a raconté l'un des migrants à France 24.

    Un tour de vis sécuritaire?

    Le 8 mars, les autorités marocaines ont annoncé la construction de nouveaux postes de contrôle aux environs de Saïdia pour "renforcer la sécurité" en plus de la clôture métallique déjà en place. Le but de cette clôture et des postes de contrôle est de "protéger le Maroc des menaces terroristes" et de "lutter contre la criminalité transfrontalière", rappelle le Gadem dans un communiqué. "Les personnes en migration deviennent, malgré elles, les victimes collatérales de ce tour de vis sécuritaire", estime l'ONG.

    Une vingtaine d'associations, dont les branches de syndicats marocains dédiées aux immigrés, ont signé un appel "pour que l’ensemble des personnes arbitrairement refoulées en dehors de toute procédure légale soient toutes réadmises - sans conditions et dans les plus brefs délais - sur le territoire marocain".

    Selon France 24, "certains membres du groupe de migrants ont rejoint la ville algérienne de Maghnia, à une vingtaine de kilomètres de la frontière avec le Maroc, où ils sont hébergés par des amis".

    Anaïs Lefébure, HuffPost Maroc, 15 mars 2017

    http://www.algeria-watch.org/

  • Algérie: Les chômeurs appellent au boycott des élections (Algeria Watch)

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    Ils annoncent une campagne nationale appelant les Algériens au boycott des élections du 4 mai prochain.

    Les leaders de la Coordination nationale de défense des droits des chômeurs (CNDDC) ont célébré, hier à Ouargla, le 4e anniversaire de la manifestation du 14 mars 2013 et ont déclaré publiquement devant des dizaines de militants et citoyens qu’ils n’entendaient pas faire marche arrière dans leur bataille contre les politiques du gouvernement jugées farfelues, notamment en matière d’emploi et de développement.

    Ce n’était pas une marche du million comme celle d’il y a quatre ans, celle qui a marqué, à l’époque, l’essor du Mouvement des chômeurs, taxé d’abord de sécessionniste, avant que ses revendications soient reconnues légitimes et fassent l’objet des directives de la circulaire du 12 mars 2012, donnant entre autres la priorité à l’emploi des jeunes du Sud dans les sociétés pétrolières, mais aussi l’éradication des disparités salariales, l’encouragement de la microentreprise et surtout la célébration symbolique d’une date devenue emblématique du Mouvement des chômeurs, qui a marqué, hier à Ouargla, l’événement et le souvenir vivace d’une manifestation qui fera encore date.

    La journée s’annonçait chaude et un léger vent de sable se levait sur la place du Peuple, alors que les gens vaquaient à leurs occupations habituelles. Bachir, le vendeur de thé, en était déjà à son troisième service. Des cohortes de jeunes se relayaient sur la placette, sirotant du thé en attendant que les préposés à la tribune placent l’équipement de sonorisation et les banderoles.

    Vers 8h30, ils étaient une vingtaine. A 10h, plus de 100 personnes rejoignaient les lieux et réclamaient Belabes qui est arrivé vêtu d’un boubou bordeau, saluant les uns et parlant aux autres. Naoufel Chekaoui, militant d’Oum El Bouaghi, désormais coordinateur général de la CNDDC, est là en compagnie d’une délégation de représentants des wilayas de l’Est.

    Inféodés

    «Notre coordination se déploie sur les 48 wilayas et comme le pouvoir accapare la capitale, Alger, nous occupons le reste du territoire», dit Naouefel, ajoutant que «la CNDDC donne aujourd’hui l’image d’une organisation non agréée qui tient à le rester pour son propre salut, elle est inféodée au gouvernement et résiste à son mépris, à sa répression et aux campagnes de dénigrement, en offrant aux chômeurs une lueur d’espoir en un futur meilleur».

    De jeunes tribuns se sont exprimés : «La principale leçon du 14 mars 2013 est l’adoption du rouage démocratique et de l’esprit du groupe, nous avons compris que, dans ce pays, ce sont les marginalisés qui produiront le changement.» Leur discours sans concession critique les appelle à faire des élections de mai prochain «une fête pour les Algériens».

    Pour Tahar, Naoufel, Mabrouk, Ahmed et des dizaines de jeunes chômeurs présents hier à Ouargla, «participer à cette mascarade est au contraire une consécration du fait accompli et un appui qui ne dit pas son nom à un système pourri». «Nous avons pris le pouls et nous savons que le rejet silencieux s’est mué en contestation active, qui démontre le fossé entre le pouvoir et le peuple et qu’il nous appartient de transformer en boycott effectif», déclare Tahar Belabes, qu’on donnait pour prisonnier suite à sa tentative avortée de ‘‘harga’’ au large de Annaba avec 27 personnes et sa condamnation à verser une amende de 20 000 DA, le mois dernier.

    Mascarade

    «J’ai été empêché de quitter l’aéroport d’Alger pour participer au Forum social maghrébin sur les migrations, qui se tenait en décembre 2016 à Tanger, au Maroc. Même la Tunisie m’est interdite depuis que la Police aux frontières (PAF) du pays de la révolution du Jasmin m’a refoulé», explique le porte-parole de la CNDDC, ajoutant que «les femmes sont la cible d’une campagne acharnée de dépouillement de volonté avec ces prétendus acquis qui titillent les aspirations de certaines et flattent les instances internationales des droits de l’homme».

    Et le coordinateur du mouvement, Naoufel Chekaoui, de déclarer : «Nous voulons que l’Etat algérien s’engage à respecter réellement les traités qu’il a signés en matière de garantie des droits fondamentaux à la liberté d’expression, de penser et de croire, mais aussi de cesser le musellement des élites de ce peuple et ses activistes». Pour lui, le gouvernement prône la bonne gouvernance et le respect des droits de l’homme, tout en faisant fi de ses propres engagements, réprimant la parole libre et emprisonnant ses opposants.

    De plus, poursuit Tahar Belabes, devant une assistance qui grossissait à vue d’œil malgré la présence des forces de l’ordre, «il est de notre devoir éthique de nous exprimer au nom de la frange à laquelle nous appartenons et qui est celle des chômeurs, le dernier rempart de la société devant l’hégémonie ambiante», considérant que la bataille des chômeurs symbolise la lutte des Algériens marginalisés, une classe de plus en plus importante dans une lutte sans merci, qui a transformé la revendication d’un emploi digne en une revendication politique.

    Dans cette optique, et en guise de réponse au wali de Ouargla qui déclarait, il y a quelques jours, que «le chômage était un problème factice et provoqué à Ouargla», les leaders de la CNDDC ripostent en chœur : «Certes, mais c’est le gouvernement qui le simule et le nourrit.» Tahar Belabes interpelle à cet effet le représentant de l’ONU en Algérie pour faire une tournée au Sud, à la rencontre des activistes et des opposants affiliés à des partis pour écouter ce qu’ils ont à dire, à l’instar des personnalités qu’il reçoit à Alger. 



    Houria Alioua El Watan, 16 mars 2017

    http://www.algeria-watch.org/

  • Maghreb: éléments d’un débat sur la situation. Mohamed Bouazizi, Guermah Massinissa et Mouhcine Fikri… le même combat (Al'Encontre.ch)

    Mohamed Bouazizi: manifestation à Sidi Bouzid, en février 2011

     

    1. La région du Maghreb, Maroc, Algérie Tunisie, est traversée, à des rythmes inégaux, par des mouvements sociaux d’ampleur révolutionnaire. Le plus représentatif par la dynamique révolutionnaire tracée et le plus abouti, ou le plus avancé, dans la construction d’une rupture démocratique et sociale est bien évidemment le mouvement enclenché par Mohamed Bouazizi en Tunisie en 2011 [vendeur ambulant, décédé le 4 janvier 2011 à Ben Arous, suite à un suicide par immolation]. Il constitue jusqu’à aujourd’hui un modèle de référence aux yeux des mouvements et des protestations de la région. L’Algérie, une dizaine d’années auparavant, en 2001, a connu le même type de mouvement de protestation, avec la même ampleur et un niveau d’organisation même supérieur, mais sans aboutir à un quelconque changement politique dans la structure du pouvoir. La circonscription du mouvement dans un territoire, la Kabylie, sa connotation identitaire et culturelle liée à sa spécificité dans l’histoire politique du pays l’a en partie marginalisé. Il n’en reste pas moins que les dimensions sociales et démocratiques ont profondément structuré le mouvement [Mohamed Guermah, dit Massinissa, succombera à ses blessures le 20 avril 2001, après avoir avoir été blessé par une rafale de mitraillette le 18 avril; sa mort sera le déclencheur d’une vaste révolte].

    Mouhcine Fikri, vendeur de poisson, écrasé dans une benne, dans laquelle ses poissons avaient été jetés… Une révolte contre la hogra

    Récemment, au Maroc, la région d’Al-Hoceima [fin octobre et début novembre 2016, la population a manifesté, avec vigueur sa colère contre les abus du pouvoir, l’injustice – la hogra – suite à la mort d’un vendeur de poisson, Mouhacine Fikri, originaire du Rif, écrasé dans une benne à ordure, suite à l’action de la police] a connu un mouvement similaire, porteur du même type de revendication sociale et démocratique avec la même portée politique. Ce mouvement marocain rappelle le cas tunisien par l’élément déclencheur et le cas algérien par sa circonscription dans un territoire où la référence à la dimension identitaire berbère de la région tente de structurer le mouvement.

    L’inégalité d’expression de ces mouvements dans le temps mais aussi dans les rythmes est en dernière instance liée aux histoires respectives et aux degrés d’insertion des trois pays dans les capitalismes mondiaux. Ils ont toutefois quelque chose de commun dans la mise au premier plan de la question sociale et politique.

    2. Le rapport de la société algérienne avec le capitalisme est plus chahuté que ses voisins. Historiquement, l’émergence du capitalisme dans le territoire qui deviendra plus tard l’Algérie est accompagnée d’une violence et d’une radicalité qui s’apparente à un génocide culturel. La colonisation de peuplement dès les débuts du XIXe siècle, saluée par ailleurs par les penseurs des Lumières y compris certains socialistes, notamment les utopistes, a façonné l’Algérie moderne et a restructuré en profondeur, jusqu’au déracinement [1], la société et son territoire. Mais cette «modernisation» capitaliste, loin de créer une société nouvelle et construire son émancipation chère aux utopistes, a engendré plutôt une exclusion. Cette exclusion est vécue comme une rupture avec le monde oriental représenté en ce moment-là par l’empire Ottoman finissant. Cette exclusion s’est d’abord exprimée par un repli identitaire et un rejet, par désespoir, de cette «modernité». Celle-là est associée plus à la violence coloniale qu’aux «bienfaits» historiques du capitalisme. Elle a généré par la suite une résistance puis une rupture aussi radicale que violente avec la colonisation, et sa culture «occidentale» qui lui est associée, sans une coupure explicite avec son corollaire le capitalisme.

    Cette histoire mouvementée peut expliquer en partie la «panique identitaire» [2] avec laquelle s’est construit le nationalisme algérien. Portée et nourrie pendant ces dernières décennies par les arabistes (Baâthistes… entre autres de Syrie), les islamistes ou encore les berbéristes avec son avatar récent chez les autonomistes Kabyles du MAK [Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie, apparu en 2001, son nom actuel date de 2013], cette problématique culturaliste n’a toutefois réussi qu’en partie à placer la question identitaire au centre de la vie politique et n’a pas effacé totalement la question sociale des enjeux politiques. Celle-ci a de tout temps été présente.

    3. Introduit par un colonialisme plus «soft», sous forme de protectorat à la fin du XIXe siècle pour la Tunisie et au début du XXe siècle pour le Maroc, le capitalisme a plus joué sur l’intégration des élites locales (le Makhzen pour le Maroc) que par l’exclusion dans les nouveaux mécanismes de domination coloniale et capitaliste. La restructuration territoriale et urbaine est à l’image des transformations sociales des deux pays. Les traces du patrimoine urbain et culturel sont fortement visibles, aujourd’hui, au Maroc et à un degré moindre en Tunisie, alors qu’il est totalement, ou presque, effacé en Algérie.

    Les conditions du triomphe du capitalisme et de la culture bourgeoise européenne conquérante dans ces pays du Maghreb ont fortement conditionné leur développement économique et social capitaliste ultérieur, plus enclin à s’intégrer dans un rapport de dépendance assumé pour les bourgeoisies marocaine et tunisienne qu’a s’autonomiser comme la bourgeoisie algérienne naissante. Ceci explique aussi, en partie, l’acceptation par les classes subalternes de la hiérarchie sociale traditionnellement inégalitaire au Maroc et, à un degré moindre, en Tunisie mais systématiquement contestée en Algérie où l’esprit égalitaire est bien ancré chez les couches populaires. Cette posture en Algérie procède plus par les conditions de résistance acharnée au processus d’expropriation-privatisation mené par le colonialisme français que tente de reprendre mais difficilement les nouvelles classes dominantes et non à un quelconque attachement à une «l’idéologie socialiste» qui aurait marqué les premières décennies de l’indépendance.

     

    Le «printemps noir» de Kabylie, initié en avril 2001. Les forces de répression ont tué 123 jeunes, pour l’essentiel. Le rapport de la Commission d’enquête, de juillet 2001, caractérise ainsi la répression: «[Le] nombre des civils blessés par balles présente une proportion de morts, variant […] de un sur dix à un sur trois [qui] n’est comparable qu’avec les pertes militaires, lors des combats réputés les plus durs en temps de guerre.»

    4. Ces aspects historiques et culturels n’expliquent pas tout. L’émergence des luttes sociales qui occupent de plus en plus une place importante dans l’espace politique de la région est directement liée à la politique de plus en plus néolibérale menée par les gouvernements des trois pays. L’évolution des structures capitalistes concourt vers un point commun: une dépendance économique directe avec le capitalisme mondial (banques, groupes industriels, services…), même si le capitalisme algérien confectionne une certaine autonomie, notamment sur le plan financier, à cause ou grâce à ses revenus énergétiques en pétrole et gaz. Cette dépendance entraîne une forme d’exploitation de même type des travailleurs et de l’environnement: une précarisation de plus en plus accrue des travailleurs, d’un côté, et, de l’autre, un pillage des richesses naturelles (hydrocarbures, phosphates ou encore produits agricoles…), sans souci de l’équilibre écologique et environnemental directement touché par la crise climatique mondiale. Sur le plan social, cette évolution entraîne un accroissement des inégalités sociales. Il y a même une volonté sournoise à intégrer les nouveaux migrants subsahariens dans l’économie et d’une manière informelle pour mieux les exploiter.

     

    Cette évolution engendre, dans le cas du Maroc, des régions à «développement» intense dans l’industrie touristique, l’industrie automobile, des zones franches et des immenses parties du territoire reléguées à la périphérie comme le Rif, l’Atlas… C’est le même cas en Tunisie qui connaît le même type d’appropriation privative et de distribution inégale de ses ressources naturelles, avec le même type de développement géographique et territorial inégal. Entre «un pays utile» le long du Sahel méditerranéen, et un arrière-pays ouest et sud-ouest, les inégalités apparaissent à vue d’œil. Cela donne un sens au processus révolutionnaire en cours parti de cette partie du territoire en 2011. C’est aussi la même explication qu’on pourrait donner à la révolte en cours au Maroc, dans le Rif.

    Cette inégalité sociale et territoriale est légèrement différente en Algérie malgré son vaste territoire. Cela ne l’exclut pas pour autant de la même dynamique en cours. La logique développementiste empruntée par le capitalisme algérien sur la voie de «l’industrie industrialisante» des trente premières années d’indépendance du pays fut menée avec le souci d’une intégration globale des territoires et des populations. Elle a surtout engendré un mouvement de population et d’urbanisation accrue autour des grands centres urbains mais aussi des villes moyennes. De ce point de vue, les révoltes récurrentes et importantes en Kabylie ne doivent pas nous cacher les révoltes aussi nombreuses que récurrentes dans les grands centres urbains. Les protestations à Alger, Constantine, Bejaia, Annaba ou encore Ouargla et la vallée du Mzab – ces deux dernières étant présentées comme «des révoltes du sud» comme pour les régionaliser – ont toute un caractère urbain. Ce sont des «luttes urbaines», c’est-à-dire une généralisation progressive de mouvements sociaux urbains, des systèmes de pratiques sociales contradictoires qui remettent en cause l’ordre établi à partir de contradictions spécifiques de la problématique urbaine [3].

    Mais, de même qu’il ne peut exister «un socialisme dans un seul pays», ou pourra dire qu’il ne peut y avoir un développement intégré dans le cadre du capitalisme dans un seul pays. Rompant avec ce projet dès la fin des années 1980, la politique poursuivie a visé la destruction de l’appareil productif balbutiant, certes, mais réel. Le projet économique, industriel, énergétique ou agricole mené par le pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika [mandat présidentiel initié en 1999] vise une intégration «conséquente» à l’économie néolibérale et au marché mondial. Il en ressort non seulement un effritement industriel, mais aussi un effritement de la structure territoriale engagée dans un aménagement global dont l’objectif principal est de faciliter la circulation de marchandises et des investissements de capitaux étrangers (autoroute est-ouest, la transsaharienne, la téléphonie mobile, grands barrages d’eau, forage dans la nappe phréatique au Sahara, énergie solaire et gaz de schiste…).

    5. Le corollaire de cette course vers une intégration dans le marché mondial et l’économie néolibérale est la concurrence entre les bourgeoisies des trois pays, notamment entre la bureaucratie bourgeoise au pouvoir en Algérie et le Makhzen [institutions régaliennes sous le protectorat et par la suite] marocain. Si cette concurrence se joue d’une manière sournoise et liftée entre l’industrie touristique tunisienne et le tourisme marocain, celui-ci tire ses dividendes de l’affaiblissement de celui-là, la «paix froide» [4] entre le régime algérien et le roi marocain, avec comme prétexte déclaré le conflit frontalier sur un fond de crise au Sahara-Occidental, cache mal la volonté des deux régimes à prendre le leadership dans la sous-traitance avec l’impérialisme mondial dans la région et pourquoi pas en Afrique. Ce qui explique la course dans la réalisation des grands travaux (autoroutes, TGV Casablanca-Tanger…). Ce qui explique aussi la mise en valeur de «la capacité de l’armée algérienne» à sécuriser la région, autrement dit à jouer le gendarme des puissances mondiales.

    Chaîne de montage de Renault à Oran

    Or, sur le plan économique, le pouvoir algérien vit mal son «retard» vis-à-vis de l’économie de la monarchie, vu sous l’angle du niveau d’insertion dans l’économie néolibérale et du marché mondial. De ce point de vue, la fermeture des frontières entre les deux pays devient une aubaine pour le pouvoir algérien. Il a besoin d’une mise à niveau. Car si ces frontières s’ouvraient, elles dessineraient pour les firmes européennes et américaines opérant au royaume chérifien l’horizon d’une conquête peu coûteuse du marché algérien. Ce qui mettrait l’économie algérienne, qui se libéralise avec prudence, devant une concurrence inégale. Le constructeur automobile français Renault, pour le citer comme exemple, qui possède à Tanger une grande usine entrée en production en février 2012 (170’000 véhicules/an en 2013 et 400’000 à moyen terme, dont 90% destinés à l’exportation) pourrait tirer profit de la normalisation frontalière algéro-marocaine. Ce qui lui permettrait de satisfaire, depuis le territoire marocain – et non plus depuis la France ou la Roumanie comme c’est actuellement le cas – une demande automobile algérienne sans cesse croissante. Ce qui rendrait caduc toute velléité d’investissement dans ce domaine en Algérie [5].

    6. Cette concurrence intergouvernementale construit en revanche un fond commun pour les populations de la région, notamment les masses laborieuses. Les populations des trois pays ne profitent pas (ou de manière très sélective socialement) des richesses et des potentialités de leur territoire respectif. Cette logique néolibérale dominante marginalise de plus en plus des pans de la population et des régions entières avec son lot de creusement constant des inégalités sociales et territoriales. Si ce phénomène est idéologiquement admis au Maroc et en Tunisie, il se faufile et gagne du terrain dans la culture algérienne malgré les résistances. C’est ce qui explique en l’occurrence les révoltes récurrentes. Il gagne aujourd’hui tout le territoire du Maghreb [6].

    Ainsi, on assiste, dans les trois pays, à l’émergence d’un mouvement diversifié, social, syndical, environnemental, culturel et associatif qui constitue la matrice de l’opposition aux pouvoirs autoritaires et à leurs politiques antidémocratiques et néolibérales. Par leurs batailles et leurs résistances acharnées, ils donnent de la consistance à la revendication politique et au combat démocratique et social.

    Politiquement et idéologiquement, ces résistances restent orphelines d’un projet révolutionnaire social et démocratique. Le fantôme de l’islamisme resurgit à chaque instant, notamment face à la montée des extrêmes droites dans le monde. Le terme «islamisme» prend aujourd’hui de multitudes définitions, du culturel au politique. La domination de l’islam sur les mœurs et la culture des peuples du Maghreb n’est pas un fait nouveau. L’indépendance des trois pays n’a malheureusement pas achevé la dimension démocratique et culturelle du processus révolutionnaire même si, à l’endroit de l’islam, il a suivi des trajectoires différentes et inégales dans les trois pays, plus «laïcisant» en Tunisie, dompté et institutionnalisé au Maroc et sur-politisé en Algérie. La montée de l’islam politique qu’on désigne par le terme «islamisme» a consolidé ce conservatisme et a éloigné la nécessaire avancée vers une laïcité de l’espace public et des institutions. Il faut aujourd’hui remonter la pente pour revenir aux maigres acquis de l’indépendance sur ce terrain.

    La réponse est cependant dans l’analyse de chaque mouvement se réclamant de l’islam dans sa dynamique réelle et dépasser la simple lecture formelle de son expression.

    Aujourd’hui, l’enjeu immédiat que porte l’islamisme dans ses différentes expressions oscille entre d’un côté la réaction légitime des sociétés musulmanes face à l’islamophobie ambiante dans les sociétés occidentales et, de l’autre côté, la montée d’un culturalisme conservateur et réactionnaire en guerre contre la raison et les acquis de la pensée des « lumières » dont est issu le marxisme. Ce culturalisme fait le lit des extrêmes droites et des barbaries montantes dont l’islamisme constitue un agent. Il est de ce fait nécessaire de faire la part de choses: ne pas tomber dans le piège de la défense a-historique de «l’islam» contre l’islamophobie au risque de ne voir dans l’islamisme qu’une «islamisation de la radicalité» des démunis ou des exclus; ne pas essentialiser l’islam et ne voir en lui que la barbarie fasciste.

    La crise qui s’installe qui peut à terme aiguiser les contradictions de la libéralisation capitaliste en cours ne place pas d’une manière mécanique les islamistes de tout bord comme alternative. Une dynamique de fascisation derrière des courants islamistes n’est possible que dans une situation de crise révolutionnaire sans débouché. Aujourd’hui, et aux yeux des populations, le danger est surtout dans une dégénérescence régionale qui peut faire le lit d’une «daechisation» de l’extérieur. Ce qui contribue plutôt à renforcer le front interne autour des pouvoirs qui pour l’instant ne montrent pas de grands signes d’essoufflement malgré la «maladie» et la vieillesse de leurs leaders respectifs, roi et présidents. (Article écrit le 3 février 2017)

    Publié par Alencontre le 22 - février - 2017Nadir Djermoune
     

    Notes:

    [1] Voir sur cette question, P. BOURDIEU, A. SAYAD, Le déracinement, la crise de l’agriculture traditionnelle en Algérie, Ed. de Minuit, Paris, 1964.

    [2] Expression empruntée à D. BENSAID, La discordance des temps, Ed. de la Passion, Paris, 1995, p. 149.

    [3] Par «problématique urbaine» on se réfère « à toute une série d’actes et de situation de la vie quotidienne dont le déroulement et les caractéristiques dépendent étroitement de l’organisation sociale générale. Ce sont, à un premier niveau, les conditions de logements collectifs (écoles, hôpitaux, crèches, jardins, aires sportives, centres culturels, etc.) dans une gamme de problèmes qui vont des conditions de sécurité dans les immeubles, au contenu des activités culturelles des centres de jeunes, reproductrice de l’idéologie dominante (…), ce sont pour des millions d’hommes les longues heures harassantes de transport, le matin et le soir (…) impuissants dans un flot de voitures immobiles où les moteurs tournent et se dépensent (…) c’est aussi le temps fractionné de la journée, la séparation fractionnelle des différentes activités (…)», voir Manuel CASTELLES, Luttes urbaines, Ed. Maspero, Paris 1975, p. 8. Voir aussi à ce propos H. LEFEVBRE, La révolution Urbaine, Ed. Gallimard, Paris, 1970, ou encore, D. HARVEY, Villes rebelles, du droit à la ville à la révolution urbaine, Ed. Buchet Chastel 2015.

    [4] Voir pour cette «paix froide» Akram Belkaid, http://www.courrierinternational.com/article/2009/04/09/un-differend-qui-n-a-que-trop-dure.

    [5] Voir sur cette question Y. TEMLALY, L’avenir du capitalisme marocain se joue aussi en Algérie, http://www.maghrebemergent.com/contributions/opinions/

    [6] Voir aussi, comme texte de référence sur l’évolution de la question sociale et politique au Maghreb, Ramdane MOHAND ACHOUR, La nouvelle Etoile nord-africaine, Libre-Algérie.

  • Des centaines d’étudiants solidaires dans la rue à Oran (Liberté.dz)

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    Sit-in devant la faculté de médecine

    Les étudiants, en dépit des pressions et du pourrissement recherché par les pouvoirs publics, restent solidaires.

    Le sit-in de protestation, dans la matinée d’hier, devant la faculté de médecine d’Oran, des étudiants de médecine dentaire, s’est transformé en une véritable célébration de la solidarité estudiantine, allant bien au-delà du cas des étudiants grévistes depuis 3 mois et ayant atteint le 6e jour de grève de la faim pour 15 de leurs camarades.

    Et pour cause, en répondant à l’appel à la solidarité avec les grévistes, des centaines d’étudiants ont afflué vers les lieux, à partir de 10h, venant de plusieurs facultés à l’image des étudiants en pharmacie, aussi en grève, ceux de l’Institut de maintenance et de sécurité industrielle (ex-IAP), qui bouclent un mois et demi de grève, et d’autres venant du campus de l’Usto. L’arrivée des étudiants en pharmacie, en rangs serrés, derrière une grande banderole, est accueillie par des applaudissements, des cris et l’on entend fuser de la foule “Solidaires, solidaires !... Étudiants solidaires !…”

    À peine la jonction faite, c’était au tour des étudiants de maintenance et sécurité industrielle, qui ont marché depuis le campus à Es Senia, de se joindre à la manifestation. Là encore, fortes et chaleureuses retrouvailles entre tous ces étudiants mus par un seul élan : se faire entendre et ne pas céder aux pressions. Les slogans vantant et célébrant cette solidarité ne cessent de monter en puissance et, à cet instant, des centaines de voix reprennent sans interruption “Ni soumission ni retour en arrière”, “Les étudiants sont dans la rue, donnez-nous nos droits”, “Ministère honte, honte…”, “Donnez-nous un avenir”.

    L’accès à la faculté est totalement bloqué, la rue envahie, les automobilistes obligés de faire demi-tour, ne pouvant se frayer un passage. Certains d’entre eux, pas rancuniers, klaxonnent en guise de soutien aux jeunes. Au loin, on aperçoit les fourgons de police tentant de se faire discrets, alors que d’autres, en civil, filment les étudiants. Mais ces derniers n’en ont cure et filment eux-mêmes leur “manif” qui est diffusée en direct sur les réseaux sociaux. Pendant plus de deux heures, et ne voulant rien lâcher, les centaines d’étudiants restent massées devant la faculté, brandissant leurs banderoles et reprenant leurs slogans, infatigablement.

    À un moment, la foule s’écarte pour laisser passer une ambulance du Chuo. Quelques instants avant le rassemblement, deux étudiants grévistes de la faim ont dû être évacués vers les urgences, provoquant l’émoi chez leurs camarades. L’un d’entre eux, un jeune de 22 ans, inquiétait particulièrement avec un pic de tension à 21 tandis qu’une autre gréviste avait vu sa glycémie chuter brutalement. Les délégués des étudiants en médecine dentaire tiennent à réagir et ciblent avec colère l’administration de la faculté, mais également les tutelles. “Vous avez là des responsables dans la faculté qui ne font rien et qui laissent des étudiants mourir à petit feu. Au lieu d’être à leur côté, ils font pression sur nous.”

    “Nous n’abandonnerons pas, nos revendications sont légitimes, nous irons jusqu’au bout et chaque étudiant qui ne peut plus suivre la grève de la faim est aussitôt remplacé par un autre”, affirme notre interlocuteur. Dans leur ensemble, les étudiants, en dépit des pressions et du pourrissement recherché par les pouvoirs publics, restent solidaires entre eux et derrière leurs délégués. D’ailleurs, au moment de mettre fin au rassemblement, nous apprenons que les membres de la coordination des étudiants ont été conviés à une rencontre aujourd’hui avec les trois ministères concernés. Un début de dialogue pour désamorcer une crise qui va en s’aggravant.

    D. LOUKIL 13 mars

    http://www.liberte-algerie.com/

  • «Le contrôle du nouveau Parlement constituera un avantage dans la bataille pour la succession» (El Watan)

    «Le contrôle du nouveau Parlement constituera un avantage dans la bataille pour la succession»

    Mahmoud Rachidi. Secrétaire général du Parti socialiste des travailleurs (PST)

    Quelle analyse faites-vous de la situation politique du pays, à trois mois des législatives ?

    La situation politique est avant tout marquée par l’impasse économique et sociale du libéralisme dans notre pays, par la dérive autoritaire du régime qui se traduit par un véritable musellement des libertés démocratiques, et par la crise de succession de Bouteflika qui suscite, en dépit de l’accalmie de façade de ces derniers mois, une guerre larvée entre les différentes factions au pouvoir.

    D’ailleurs, dès la chute des prix des hydrocarbures, le pouvoir s’est empressé de nous administrer, avec la bénédiction du FMI et de la Banque mondiale, une nouvelle «thérapie de choc» libérale et antisociale, caractérisée par une baisse du coût réel du travail à travers une diminution drastique des salaires, et la baisse des déficits publics, notamment par la suppression future des transferts sociaux. Passant à l’acte, le pouvoir n’a produit, sous l’appellation de loi de finances 2017, qu’un ramassis de mesures d’austérité, de réduction des dépenses publiques et d’abandon des projets de développement.

    Ce qui était présenté pompeusement comme un nouveau modèle économique pourrait se réduire à une nouvelle entreprise de bradage de ce qui reste de nos ressources financières, comme le suggère l’analyse de certains projets faramineux de «partenariat» dans l’agriculture et dans d’autres domaines. Et comme cette offensive libérale ne s’accommode plus des petites brèches de liberté et de droits démocratiques indispensables pour l’expression des revendications politiques et sociales des travailleurs, des jeunes et des démunis, elle se traduira par des explosions sociales qui ne pourront être que violentes et radicales, comme ce fut le cas lors des émeutes du 2 janvier à Béjaïa.

    Le PST va-t-il présenter des candidats aux législatives ?

    Comme pour les élections passées, le PST ne se fait aucune illusion sur les législatives du 4 mai prochain. Pour nous, loin d’être libres et transparentes, ces élections n’apporteront ni les changements démocratiques qui mettent un terme à l’autoritarisme du pouvoir et le musellement des libertés, ni l’amélioration de la situation sociale de la majorité des masses populaires écrasées par l’austérité, le chômage et les dures conditions de vie.

    En plus, la nouvelle loi électorale, qui impose le seuil des 4% de voix en 2012, est conçue de façon à éliminer de la participation des partis, comme le PST, qui ne sont pas proches du pouvoir et ou financés par les affairistes et l’argent sale de tous les trafics. Mais ,quand bien même il aurait été plus aisé de ne pas participer à ces élections déloyales et appeler à les «boycotter», cette attitude ne constitue pas une alternative pour les travailleurs et les masses populaires. Aujourd’hui, les rapports de force ne permettent pas la mobilisation à un boycott actif et massif capable d’imposer une autre solution. Pis, ne pas participer et se limiter à dénoncer la mascarade ne constitue pas un programme politique conséquent.

    Pour le PST, il est plus constructif de se saisir de la tribune électorale et d’aller proposer nos idées politiques aux travailleurs et aux masses populaires, comme on vient de le faire dans une dizaine de wilayas, même si nous n’avons pas réussi à collecter le nombre exigé des signatures. Mais, à Béjaïa qui demeure un bastion des luttes sociales et démocratiques dans notre pays, nos camarades ont réussi à relever le défi des 3000 signatures exigées. Dans cette expérience, nous avons constaté une mobilisation populaire inédite autour de nos propositions politiques et notre liste militante. Ainsi, on a décidé d’accompagner cette dynamique et ne pas déserter une bataille politique qu’il va falloir amplifier et fructifier. C’est notre camarade Kamel Aïssat qui a été proposé comme tête de liste par la base militante de notre parti à Béjaïa.

    La commission de surveillance des élections installée par le Président vous paraît-elle en mesure d’empêcher la fraude ?

    Il n’y a que le contrôle populaire de toute l’opération électorale qui peut empêcher la fraude et garantir le respect du choix des électeurs. On l’a déjà constaté dans le passé, les commissions de surveillance ne sont qu’une caution pour la fraude. Lorsque le président de l’une d’elles, en l’occurrence M. Bouchaïr, avait osé, en 2007, accuser le FLN d’une toute petite fraude dans un bureau de vote à Rouiba, c’est M. Zerhouni alors ministre de l’Intérieur qui est venu le contredire à la télévision et le rappeler à l’ordre. Depuis, on n’a plus entendu parler de ce brave M. Bouchaïr.

    Quant à l’actuelle commission, d’emblée il faut rappeler qu’il s’agit bien d’une régression démocratique. Alors qu’il était élu auparavant parmi ses membres, le président de la commission actuelle, lui-même ancien ministre et ex- ambassadeur, est nommé par Bouteflika et pour plusieurs années. Cela renseigne de façon éclatante sur l’indépendance de ladite commission. Par contre, ceux qui réclamaient naïvement une telle commission à partir de Zéralda, mais sans se référer à la nécessaire mobilisation populaire, ils sont «bien servis».

    Les partis politiques accusent le gouvernement d’un manque de transparence dans la gestion du fichier électoral. Partagez-vous leurs accusations ?

    Bien sûr, l’absence de transparence commence par la gestion du fichier électoral, notamment en ce qui concerne sa mise à jour. Sinon, comme l’illustrait à l’époque de façon magistrale une scène de la pièce théâtrale  Babour Ghraq, alors qu’il n’y avait que trois votants, l’urne s’est retrouvée bourrée de centaines de bulletins de vote au moment du dépouillement.
    Le fichier électoral appartient au peuple algérien et il doit être public. A tout moment chaque citoyen ou citoyenne doit avoir le droit d’y accéder et de le consulter. De même, chaque parti, syndicat ou association de citoyens doit être destinataire d’une copie actualisée du fichier électoral national. Toute entrave à l’accès au fichier électoral est une atteinte à la transparence de tout le processus électoral. Par ailleurs, il faut rappeler aussi l’opacité qui caractérise encore le vote des corps constitués, dont le nombre de votants, le lieu de vote, le dépouillement des suffrages... restent loin de tout contrôle démocratique.

    Comment jugez-vous la fusion ou les alliances opérées par les partis islamistes avant les législatives ?

    Je pense que les mouvements islamistes, à l’échelle internationale, sont entrés dans un cycle de recul et de déclin. A l’instar de ce qui s’est produit en Algérie, les plus radicaux ont subi des défaites militaires majeures, comme en Irak et en Syrie, alors que les «modérés» sont relativement discrédités et leur image ternie par l’exercice du pouvoir, comme au Maroc et en Tunisie. Mais la religiosité, qui constitue un terreau indéniable pour ces mouvements, est encore hégémonique sur le plan culturel dans nos sociétés.

    Quant aux alliances électorales des partis islamistes algériens en vue des législatives du 4 mai, je ne pense pas que cela constitue un événement politique majeur. Déjà en 2012, après les longues années d’alliance présidentielle, le MSP et ses amis de l’Alliance verte, notamment Ennahda et El Islah, n’ont pas pu constituer un poids significatif dans les rapports de force politique de ces dernières années. Cependant, leur alliance avec certains secteurs du patronat privé et les forces de l’argent, comme c’est la règle pour le FLN, le RND et d’autres partis, dévoile leur vraie nature de représentants d’une partie conservatrice de la nouvelle bourgeoisie algérienne. Leur alliance vise la réalisation d’un score qui leur permettra de négocier un strapontin dans le futur gouvernement. Quant au mouvement de M. Djaballah, qui a été affaibli depuis longtemps par des scissions récurrentes, il a perdu sa bataille de leadership avec le MSP depuis longtemps.

    Ces législatives vont-elles dessiner l’après-Bouteflika ?

    Je pense que le verrouillage sans précédent de ces législatives leur confère une importance particulière dans la cristallisation des rapports de force au sein du régime. Le contrôle du nouveau Parlement et des futures assemblées locales constituera un avantage assez important dans la bataille de succession qui s’annonce dans un futur très proche.

    L’ICSO a volé en éclats. L’opposition algérienne est-elle abonnée aux divisions ?

    L’opposition à laquelle vous faites référence n’est pas issue des luttes démocratiques et sociales qui ont secoué notre pays ces dernières années. Elle ne constituait pas un véritable pôle indépendant du pouvoir, conséquent et capable de mobiliser les masses populaires pour imposer un changement démocratique. Elle est composée, à une exception près, d’anciens chefs de gouvernement, de ministres et de partis qui ont participé à un moment ou à un autre au pouvoir sous la présidence de M. Bouteflika. Par ailleurs, la plateforme ultralibérale qu’elle a adoptée s’attaque de façon explicite aux travailleurs coupables, à ses yeux, de multiplier les «grèves sauvages». Loin d’être un bloc de principes, cette expérience n’a pas résisté à l’épreuve des élections.

    Qui gère aujourd’hui le pays ? La Présidence ? L’armée ? Ou les oligarques ?

    Je pense que ces trois entités sont parties prenantes au pouvoir. Ce qui est vraisemblable, c’est que le pouvoir politique n’est plus entre les mains exclusives de l’armée. Les affairistes et autres prédateurs, que vous appelez oligarques, ont leur mot à dire aujourd’hui dans la prise de décision. La Présidence, incarnée par M. Bouteflika, devrait garder une prédominance dans certaines sphères de la gestion de l’Etat et dans le jeu d’arbitrage entre les intérêts des uns et des autres. Il s’agit d’assurer un équilibre permettant une cohabitation entre les différentes factions et de garantir les intérêts des puissances et des multinationales qui soutiennent le régime.

    Le PST a lancé un appel pour une «convergence démocratique, antilibérale et anti-impérialiste». Où en est cette initiative ?

    Notre appel pour «une convergence démocratique, antilibérale et anti-impérialiste» est toujours en vigueur. Le PST continue à agir dans le cadre de cette orientation. Des contacts politiques et syndicaux avec des mouvements sociaux sont toujours en cours. Des expériences de luttes communes, à l’instar de l’intersyndicale, des mobilisations estudiantines, du forum social, des luttes féministes, etc., participent à la construction de cette perspective unitaire. Pour le PST, il s’agit notamment d’une convergence dans les luttes réelles et non pas une proclamation solennelle d’une unité d’appareils. Mais, il est vrai que la cristallisation d’une telle convergence et l’édification d’un cadre commun nécessitent plus d’efforts pour que les résistances actuelles se renforcent et se développent dans un grand mouvement unitaire de progrès et d’espoir. Dans cette perspective, on est pour l’unité des partis de gauche dans les luttes et dans les batailles électorales.

    L’Algérie doit créer près d’un million d’emplois par an pour stabiliser et résorber progressivement le chômage. Cela vous semble-t-il possible ?

    Cet objectif est possible, si on met un terme au libéralisme économique qui ne sert que les intérêts d’une infime minorité et si on impose un autre choix tourné résolument vers la satisfaction des besoins sociaux de tous. Cette perspective exigera de grands projets de développement générateurs d’emplois dans l’industrie, l’agriculture et les services. Mais, à terme, la création d’emplois passera aussi par la réduction du temps de travail et l’âge de départ à la retraite par exemple.

    On reproche aux formations politiques classées à gauche de continuer à militer à contre-courant face à la globalisation de l’économie…

    Il s’agit de la globalisation capitaliste et ses ravages sociaux, son désastre écologique et ses guerres destructrices. Militer à contre- courant de ces calamités mobilise, certes, les organisations de gauche, mais dans la réalité on voit bien que cet impératif mobilise aussi des peuples entiers pour leur émancipation, ou la défense de leur environnement. La crise actuelle est celle de ce système capitaliste néolibéral qui ne produit plus que la barbarie et la régression. Oui, il faut militer à contre-courant de ce système pour imposer un monde meilleur, un monde d’espoir, de liberté et de fraternité à l’échelle de l’humanité.

    Bio express

    Né à Alger en 1961, Mahmoud Rachidi s’engage en politique dès le lycée, comme animateur de la Coordination des lycéens d’Alger. Une fois étudiant il adhère à la troupe de gauche Debza et au GCR clandestin (Groupe  Communiste Révolutionnaire). En 1989, il est l’un des membres fondateur du PST. Il remplace Chawki Salhi à la tête du parti en 2012.

    13.03.17

    http://www.elwatan.com/

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  • Front populaire et mythologie politique: «l’oubli» des colonisés (Anti-k)

    LR:Un petit rappel sur le colonialisme… 14 MARS 2016 – PAR OLIVIER LE COUR GRANDMAISON  BLOG : LE BLOG DE OLIVIER LE COUR GRANDMAISON

     

    Le Front populaire et ses grandes figures du mouvement ouvrier français sont de nouveaux sollicités par certains qui pensent y trouver des orientations et des modalités d’action susceptibles de les aider à résoudre les problèmes présents. Il faut rappeler que les audaces réformistes des uns et des autres n’ont, à l’époque, jamais atteint les territoires de l’empire.

    En ces temps de crise économique, sociale et politique, le Front populaire et ses grandes figures du mouvement ouvrier français sont de nouveaux sollicités par certains de nos contemporains qui pensent y trouver des orientations et des modalités d’action susceptibles de les aider à résoudre les problèmes présents. A quoi s’ajoute, cette année, le quatre-vingtième anniversaire de cet événement réputé fondateur au cours duquel, grâce à la grève générale, aux occupations d’usines et aux réformes du gouvernement conduit par Léon Blum, des victoires essentielles furent remportées contre le patronat et une droite hostiles à tout changement. Augmentation des salaires de 12%, réduction du temps de travail hebdomadaire à 40 heures et deux semaines de congé payé, tels sont les principaux acquis sociaux arrachés de haute lutte par celles et ceux qui s’étaient mobilisés de la mi-mai au mois de juin 1936. Nul doute, cette conjoncture va être l’occasion de nombreuses commémorations et initiatives diverses destinées à célébrer ces événements. Nul doute, aussi, les premières vont contribuer à réactiver une histoire édifiante et pour cela trop souvent oublieuse de certaines réalités susceptibles mettre à mal mythologies syndicales et partisanes.

    Fort soucieux du sort des ouvrier-e-s français, la SFIO, le parti communiste et la CGT furent beaucoup moins sensibles à la condition autrement plus dure des colonisés, et les audaces réformistes des uns et des autres n’ont, à l’époque, jamais atteint les territoires de l’empire. Là-bas, les autochtones n’étaient pas citoyens mais « sujets, protégés ou administrés français » privés, pour l’écrasante majorité d’entre eux, des droits et libertés fondamentaux. De là plusieurs conséquences majeures qui éclairent le statut singulier de ces « indigènes. »

    Nonobstant quelques situations particulières, somme toute marginales, ils ne jouissent d’aucune prérogative politique : ni droit de vote, ni liberté d’association et de réunion, ni liberté de la presse. Enfin, dans la plupart des possessions d’outre-mer, ils sont soumis à des dispositions d’exception telles que la responsabilité collective et l’internement administratif à quoi s’ajoutent de nombreuses mesures répressives réunies dans différents codes de l’indigénat. Le premier est adopté en Algérie le 9 février 1875. Sous des formes diverses, il est ensuite étendu à la Nouvelle Calédonie (1887), à Madagascar (1899), à l’Afrique occidentale française (1904) puis équatoriale (1910).

    Aussi appelés « codes matraques » par leurs détracteurs, ces codes de l’indigénat organisent « un régime spécial » et « exorbitant » au regard des principes de la République, note le juriste J. Aumont-Thiéville en 1906. Et le même, qui approuve l’ensemble de ces dispositions, de préciser que leurs fonctions principales sont de « frapper » et de « réprimer » les « indigènes » pour « maintenir notre domination » et « assurer la sécurité des colons. » Lumineux. Voilà un spécialiste du droit colonial à qui on ne saurait reprocher d’utiliser des formules délicatement euphémisées pour rendre compte des fins poursuivies par ces codes.

    Telle est la situation imposée aux autochtones des possessions françaises lorsque le Front populaire triomphe en métropole. Qu’ont fait le gouvernement et la majorité qui le soutenait alors pour mettre un terme à ces mesures discriminatoires et au racisme d’Etat dont elles sont l’expression ? Rien. Depuis longtemps convertis à la défense de l’empire voire à son extension, lorsque des opportunités se présentent, la majorité de la SFIO et Léon Blum sont convaincus que les « indigènes » ne sont pas des semblables susceptibles de jouir de prérogatives politiques identiques à celles des citoyens. Avec beaucoup de ses contemporains républicains et radicaux, le dirigeant socialiste partage une conception hiérarchisée du genre humain, laquelle permet d’atteindre les fondements doctrinaux de ses positions. A preuve le discours qu’il a prononcé à la Chambre des députés lors des débats relatifs aux crédits nécessaires à la poursuite de la guerre au Maroc onze ans plus tôt. Après avoir déclaré : « Nous avons trop l’amour de notre pays pour désavouer l’expansion de la pensée » et de « la civilisation françaises », il ajoute : « Nous admettons le droit et même le devoir des races supérieures d’attirer à elles celles qui ne sont pas parvenues au même degré de culture, et de les appeler aux progrès réalisés grâce aux efforts de la science ou de l’industrie. » (Le Populaire, 17 juillet 1925. Souligné par nous.) Vieux poncifs du discours impérial républicain que n’aurait pas renié Jules Ferry.

    Ces propos éclairent également le projet Blum-Viollette de décembre 1936 destiné à accorder la citoyenneté à environ 21 000 « indigènes évolués » d’Algérie, soit à peine 1% du corps électoral « musulman », selon les chiffres fournis par Maurice Viollette lui-même. Du suffrage universel, il n’est donc pas question car « ce serait une aventure folle de jeter ainsi au moins deux millions d’hommes non préparés dans les luttes électorales » (Le Populaire, 7 janvier 1937) affirme ce dernier qui est alors ministre. En raison de l’hostilité de nombreux élus d’Algérie et de métropole, qui accusent les socialistes de vouloir brader la « perle de l’Afrique du Nord », ce projet n’a jamais vu le jour.

    Si la direction du Parti communiste continue de défendre, dans L’Humanité, l’extension des droits et libertés démocratiques aux colonies, elle n’en approuve pas moins l’interdiction, décidée le 26 janvier 1937 par le gouvernement de Léon Blum, de l’Etoile nord-africaine dirigée par Messali Hadj. Les motifs de cette position singulière ? Tous deux sont accusés de faire le jeu des « fascistes ».

    « Sujets français » avant la victoire du Front populaire, les soixante-dix millions « d’indigènes » le sont donc restés pendant et après. Quant à la « solidarité ouvrière » tant vantée par certaines organisations politiques et syndicales, qui en ont fait un élément majeur de leur identité passée et présente, elle n’est qu’un mythe, affirme la philosophe Simone Weil en 1938. Poursuivant, elle conclut ainsi : « J’ai honte de ceux dont je me suis toujours sentie le plus proche. J’ai honte des démocrates français, des socialistes français, de la classe ouvrière française. » Terrible bilan, sinistre constat.

    Alors qu’en France, les héritier-e-s de ce passé colonial continuent d’être soumis à des discriminations systémiques qui affectent gravement leur vie quotidienne et compromettent durablement leur avenir, il est temps de solder les comptes en reconnaissant enfin cette histoire et en faisant de la lutte contre ces discriminations une priorité politique.

    O. Le Cour Grandmaison, universitaire. Dernier ouvrage paru : L’Empire des hygiénistes. Vivre aux colonies, Fayard, 2014.

    http://www.anti-k.org