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Par correspondant·e·s à Alexandrie et au Caire Une participation de 28% comparable à celle du temps de Moubarak témoigne du désintérêt de la population pour des élections. Rien n’y a fait, ni les colis de provisions ni les billets distribués par les candidats. Ce sont les gouvernorats les plus ruraux qui ont voté alors que […]
Nermin Al-Sharif est une internationaliste passionnée et déterminée qui lutte pour les droits des femmes à travers le monde arabe, et à Qatar Airways et pour les droits des travailleurs qu’elle représente dans le cadre de son syndicat qui regroupe également les dockers et les marins. Elle a continué dans son engagement, de plus en plus dangereux dans son pays riche en pétrole, la Libye, déchiré par la guerre civile.
Dimanche 8 novembre, Nermin, leader de l’Union des dockers et des gens de mer de la Libye, a été victime d’une tentative d’assassinat par armes à feu alors qu’elle conduisait une voiture près de Benghazi. Elle est maintenant sortie de l’hôpital et récupère des blessures subies lors de ce second attentat à sa vie. Trois autres militantes des droits de la femme, bien connues des libyens, ont récemment été assassinées.
Exigeons du Premier ministre du gouvernement intérim de la Libye, Abdullah al-Thinni, la protection des syndicalistes et des militants des droits humains. 28 novembre 2015 par
pétition à signer :
À travers la Libye, les réfugiés et les migrants sont victimes de viols, de torture et d’enlèvements aux mains des trafiquants d’êtres humains et des passeurs, d’exploitation systématique de la part de leurs employeurs, de persécutions religieuses et d’autres violations des droits humains imputables aux groupes armés et aux bandes criminelles, écrit Amnesty International dans son nouveau rapport publié lundi 11 mai 2015. Ce document, intitulé ‘Libya is full of cruelty’: Stories of abduction, sexual violence and abuse from migrants and refugees, dénonce la détresse et le calvaire des réfugiés et des migrants en Libye, qui incitent beaucoup d’entre eux à risquer leur vie dans des traversées périlleuses, tentatives désespérées de se mettre en sécurité en Europe.
« Les conditions épouvantables infligées aux migrants, alliées à l’anarchie croissante et aux conflits armés qui déchirent le pays, montrent à quel point il est dangereux de vivre en Libye aujourd’hui. Sans aucun recours juridique pour partir en quête de sécurité, ils sont contraints de remettre leurs vies entre les mains de passeurs ou de trafiquants qui leur extorquent de l’argent, les agressent et leur infligent des violences, a déclaré Philip Luther, directeur du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.
« La communauté internationale a regardé la Libye s’enfoncer dans le chaos depuis la fin de l’intervention militaire menée par l’OTAN en 2011, ce qui a permis aux milices et aux groupes armés d’échapper à tout contrôle. Les dirigeants du monde doivent assumer leurs responsabilités et les conséquences, notamment le flux de réfugiés et de migrants fuyant le conflit et les atteintes aux droits humains endémiques en Libye. Les demandeurs d’asile et les migrants comptent parmi les personnes les plus vulnérables et le monde ne saurait fermer les yeux sur leurs souffrances. »
Les conditions épouvantables infligées aux migrants, alliées à l’anarchie croissante et aux conflits armés qui déchirent le pays, montrent à quel point il est dangereux de vivre en Libye aujourd’hui. Sans aucun recours juridique pour partir en quête de sécurité, ils sont contraints de remettre leurs vies entre les mains de passeurs ou de trafiquants qui leur extorquent de l’argent, les agressent et leur infligent des violences. Philip Luther, directeur du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.
Depuis des années, la Libye est un pays de transit et de destination pour les réfugiés et les migrants fuyant la pauvreté, les conflits et les persécutions en Afrique subsaharienne et au Moyen-Orient. Beaucoup viennent en Libye dans l’espoir d’atteindre l’Europe. Mais l’anarchie grandissante et la menace que représentent les groupes armés ont fait exploser les risques, poussant même des communautés de migrants installés et travaillant en Libye depuis des années à fuir vers l’Europe par voie de mer. Les atteintes aux droits humains commises dans les centres de détention pour migrants, où des milliers de migrants et de réfugiés, dont des enfants, sont détenus pour une durée indéterminée dans des conditions déplorables, expliquent aussi pourquoi ils sont si nombreux à tenter de partir.
Les itinéraires viables par voie de terre à destination de l’Europe se font rares, et les réfugiés syriens passent eux aussi par la Libye pour tenter la dangereuse traversée vers les côtes européennes. Lors d’un sommet extraordinaire organisé à Bruxelles au mois d’avril, le Conseil européen a annoncé qu’il allait augmenter les ressources allouées aux opérations de recherche et de secours en mer Méditerranée. « Nous saluons l’engagement souscrit par les dirigeants de l’Union européenne (UE) de dédier des ressources supplémentaires aux opérations de recherche et de sauvetage. Toutefois, des migrants continueront de se noyer en Méditerranée si les navires de sauvetage ne sont pas mis à disposition rapidement et déployés là où le besoin est le plus criant – dans les zones d’où sont lancés le plus grand nombre de SOS – et ce tant qu’un grand nombre de réfugiés et de migrants partiront de Libye », a déclaré Philip Luther.
Le Conseil européen a également annoncé son intention d’intensifier son programme visant à identifier, capturer et détruire les bateaux avant que les passeurs ne s’en servent. Ces mesures seront sans doute débattues lors de la rencontre, lundi 11 mai, entre la ministre des Affaires étrangères de l’UE Federica Mogherini et le Conseil de sécurité de l’ONU. Si elles sont mises en œuvre, elles pourraient en fait prendre au piège des milliers de migrants et de réfugiés dans une zone de conflit. Mener des actions contre les passeurs, sans offrir d’itinéraire sûr de remplacement aux migrants et réfugiés qui veulent désespérément fuir le conflit en Libye ne résoudra pas le problème. Philip Luther
« Mener des actions contre les passeurs, sans offrir d’itinéraire sûr de remplacement aux migrants et réfugiés qui veulent désespérément fuir le conflit en Libye ne résoudra pas le problème », a déclaré Philip Luther.
Par ailleurs, l’Égypte et la Tunisie ont durci les contrôles aux frontières, craignant un débordement du conflit libyen. Les migrants et les réfugiés, dont les passeports sont souvent volés ou confisqués par les passeurs, les bandes criminelles ou leurs employeurs libyens, n’ont d’autre possibilité pour sortir du pays que d’embarquer pour une traversée périlleuse vers l’Europe. « Le monde doit assumer l’obligation qui lui incombe d’accorder refuge à toute personne fuyant de telles atteintes aux droits humains. Les pays voisins, notamment la Tunisie et l’Égypte, doivent maintenir leurs frontières ouvertes, afin que les personnes fuyant les violences et les persécutions en Libye puissent y trouver refuge », a déclaré Philip Luther.
Amnesty International demande aux pays riches d’augmenter le nombre de places d’accueil pour les réfugiés vulnérables et à la communauté internationale de prendre des mesures efficaces afin de mettre un terme aux graves violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains commises par tous les belligérants en Libye.
Les persécutions religieuses
En Libye, les migrants et les réfugiés chrétiens sont particulièrement exposés aux violences des groupes armés qui cherchent à imposer leur propre interprétation de la loi islamique. Venus du Nigeria, d’Érythrée, d’Éthiopie ou d’Égypte, ils sont enlevés, torturés, tués illégalement et harcelés en raison de leur religion. Récemment, au moins 49 chrétiens, Égyptiens et Éthiopiens pour la plupart, ont été décapités et abattus lors de trois massacres revendiqués par le groupe qui se fait appeler État islamique (EI).
Par ailleurs, des bandes criminelles et des trafiquants d’êtres humains enlèvent, torturent, dépouillent et agressent les migrants et les réfugiés aux frontières sud de la Libye et le long des itinéraires de passage vers les côtes libyennes. Charles, un Nigérian de 30 ans, a raconté à Amnesty International qu’il avait décidé de tenter la traversée vers l’Europe le mois dernier, après avoir été enlevé et agressé plusieurs fois par des membres d’une bande criminelle, dans la ville côtière de Zuwara. Il s’y était rendu pour échapper aux bombardements aveugles et aux combats à Tripoli.« Ils venaient nous voler notre argent, et nous fouettaient. Je ne peux pas porter plainte auprès de la police en expliquant que je suis chrétien, parce qu’ils ne nous aiment pas… En octobre 2014, quatre hommes m’ont kidnappé, parce qu’ils ont vu que je portais une Bible », a-t-il expliqué. Ils ont pris son argent, son téléphone, et l’ont retenu pendant deux jours ; ils l’ont torturé et battu jusqu’à ce qu’il parvienne finalement à s’échapper, une nuit, par la fenêtre.
« Ces récits glaçants sur les périls qui poussent les migrants et les réfugiés à fuir la Libye mettent en lumière la nécessité incontournable de sauver des vies en Méditerranée. Les dirigeants européens doivent garantir que ceux qui fuient ces violences ne seront jamais renvoyés en Libye », a déclaré Philip Luther. Ces récits glaçants sur les périls qui poussent les migrants et les réfugiés à fuir la Libye mettent en lumière la nécessité incontournable de sauver des vies en Méditerranée. Les dirigeants européens doivent garantir que ceux qui fuient ces violences ne seront jamais renvoyés en Libye. Philip Luther
Les violations des droits humains le long des itinéraires des passeurs : enlèvements, vols et violences sexuelles
Les réfugiés et les migrants subissent des violations des droits humains à toutes les étapes des itinéraires sur lesquels les conduisent les passeurs, menant d’Afrique de l’Ouest et de l’Est jusqu’aux côtes libyennes. Ceux qui sont originaires d’Afrique subsaharienne, notamment les mineurs non accompagnés, sont enlevés contre rançon le long des itinéraires à destination des côtes libyennes. Au cours de leur captivité, ils sont torturés et subissent des mauvais traitements pour les obliger, eux et leurs familles, à payer la rançon. Ceux qui ne peuvent pas payer sont exploités et bien souvent détenus comme esclaves – ils travaillent sans être payés, sont agressés physiquement et dépouillés.
Parfois, les passeurs remettent les migrants et réfugiés à des groupes criminels lorsqu’ils franchissent la frontière, dans les zones désertiques ou dans les grandes villes de transit le long des itinéraires de migration, comme Sabha, dans le sud-ouest de la Libye, ou la ville côtière d’Ajdabiya, dans l’est. Des migrants et réfugiés interrogés par Amnesty International ont déclaré que les passeurs les considéraient « comme des esclaves » et les traitaient « comme des animaux ». L’un d’entre eux a raconté qu’ils étaient gardés dans une pièce surpeuplée et sale, sans toilette, sans couvertures ni matelas, et nourris uniquement de morceaux de pain sec.
« En fait, ils gèrent un business. Ils vous retiennent, pour que vous leur versiez de l’argent… Si vous ne répondez pas à leurs questions, ils vous frappent à coups de tuyaux en plastique », a raconté un homme. Les femmes, particulièrement si elles font le voyage seules ou sans hommes, sont exposées au risque de subir des viols et des violences sexuelles, aux mains des passeurs et des bandes criminelles. Les femmes kidnappées, si elles ne peuvent pas payer la rançon, sont parfois contraintes d’avoir des rapports sexuels en échange de leur libération ou de la possibilité de poursuivre leur périple.
« Je sais que [le passeur] s’est servi de trois femmes érythréennes. Il les a violées et elles pleuraient. C’est arrivé au moins deux fois », a raconté un témoin à Amnesty International. Une autre femme originaire du Nigeria a raconté qu’elle avait été violée par 11 hommes, membres d’une bande armée, dès son arrivée à Sabha.
« Ils nous ont emmenés quelque part en dehors de la ville, dans le désert, ils ont attaché les mains et les pieds de mon époux à un poteau, et m’ont tous violée sous ses yeux. Ils étaient 11 hommes au total », a-t-elle raconté. Ils nous ont emmenés quelque part en dehors de la ville, dans le désert, ils ont attaché les mains et les pieds de mon époux à un poteau, et m’ont tous violée sous ses yeux. Ils étaient 11 hommes au total.
Les violations des droits humains commises par les passeurs avant le départ des bateaux
Certains migrants et réfugiés ont raconté avoir subi des mauvais traitements aux mains des passeurs durant la période, pouvant aller jusqu’à trois mois, pendant laquelle ils étaient retenus dans des maisons en cours de construction, en attendant qu’un nombre suffisant de passagers soit réuni. Les passeurs gardaient la nourriture et l’eau, les frappaient à coups de bâtons ou leur volaient leurs biens. D’autres réfugiées syriennes ont raconté qu’elles avaient été transportées dans des camions réfrigérés très mal aérés. « Deux enfants ont commencé à étouffer et ont cessé de respirer. Leurs parents leur ont donné des gifles sur le visage, pour les réveiller. Nous donnions des coups sur les parois pour avertir le chauffeur, mais il ne s’est pas arrêté », ont-ils raconté. Les enfants ont ensuite été réanimés.
Les violations des droits humains commises dans les centres de détention pour migrants en Libye
Les migrants et les réfugiés en Libye sont détenus pour une durée indéterminée dans les centres de détention pour migrants, dans des conditions épouvantables, où ils sont régulièrement victimes de torture et de mauvais traitements. La plupart sont détenus pour entrée illégale sur le territoire et autres infractions similaires. Ceux qui sont capturés sur des bateaux interceptés par les garde-côtes libyens alors qu’ils tentent la traversée vers l’Europe sont également placés dans ces centres.
Les femmes qui y sont détenues ont dénoncé des actes de harcèlement sexuel et des violences sexuelles. L’une d’entre elles a raconté à Amnesty International que des employés de l’un de ces centres d’immigration avaient battu à mort une femme enceinte. « Ils nous frappaient à l’aide de tuyaux derrière les cuisses. Ils frappaient même les femmes enceintes. La nuit, ils venaient dans nos chambres et essayaient de coucher avec nous. Certaines femmes ont été violées. L’une d’elles est tombée enceinte… C’est pour ces raisons que j’ai décidé de partir en Europe. J’ai trop souffert en prison », a déclaré l’une de ces femmes.
« Les autorités libyennes doivent immédiatement mettre un terme à leur politique de détention systématique des réfugiés et des migrants en raison de leur statut migratoire, et faire en sorte de les placer en détention uniquement en cas d’absolue nécessité, pendant la période la plus courte possible », a déclaré Philip Luther. 11 mai 2015, 00:01
Le meurtre par décapitation, commis par l’État islamique contre les 21 travailleurs égyptiens en Libye parce qu’ils étaient coptes, a bouleversé l’opinion publique internationale.
Il met en lumière les conséquences de l’intervention militaire occidentale dirigée par Sarkozy sous les conseils judicieux de son grand stratège en géopolitique, l’ineffable Bernard-Henri Lévy...
Depuis quatre ans, la Libye s’enfonce progressivement dans une guerre civile totale menée par les différentes milices, qu’elles soient islamiste, laïque ou régionaliste. Lors des élections de juin 2014 qui ont recueilli un faible taux de participation, les islamistes ont refusé de reconnaître leur défaite, arguant de fraudes massives.
Un violent conflit s’en est suivi qui a divisé le pays en deux.
D’un côté, Fajr Libya (Aube libyenne) qui dirige la capitale Tripoli et sa région et a remis en selle l’ancien Parlement, le Congrès général national (CGN), dominé par les islamistes qui se sont dotés d’un gouvernement. De l’autre, l’alliance Dignité, appuyée par le général Khalifa Haftar, et soutenue notamment par les milices de Zinten, une ville de l’ouest du pays. Ce gouvernement s’est installé à Tobrouk et est reconnu par la communauté internationale.
A cela s’ajoutent les djihadistes, ceux d’Ansar al-Charia présents à Benghazi et liés à Al-Quaïda, et l’État islamique, constitué notamment par le groupe Majilis Choura Chabab al-Islam.
Voix discordantes
Dans les pays africains qui demandent une intervention militaire en arguant que les Européens doivent finir leur travail, on retrouve le Niger, le Tchad ou l’Égypte confrontée dans le Sinaï avec Ansar Bait al-Maqdis. Plus globalement, les populations des pays de la région doivent subir les conséquences du chaos libyen qui permet aux groupes islamistes de s’entraîner et de se fournir en armes.
Au niveau occidental, les chancelleries sont plus réservées et privilégient pour l’instant le choix d’un accord politique en misant sur la conférence de Genève.
L’idée est de réunir les deux principales fractions dans un gouvernement d’union nationale. Ramenant une relative stabilité au pays, cela permettrait de combattre les djihadistes, de reprendre l’exploitation du pétrole par les multinationales, et de retrouver le rôle que la Libye avait à l’époque de Kadhafi, contrôler l’immigration essentiellement subsaharienne vers l’Europe.
Même si les discours du représentant des Nations unies Bernardino Leon se veulent optimistes, s’appuyant sur l’idée juste qu’il n’y a pas beaucoup de différences politiques et religieuses entre les différentes milices, il n’en demeure pas moins vrai que les conflits qui opposent les chefs de guerre sont aussi motivés par des questions financières. En effet, le contrôle des puits de pétrole, des ports mais aussi des voies où transitent les différents trafics (y compris de drogues), sont particulièrement lucratifs.
L’insertion de l’Occident dans le processus révolutionnaire libyen qui a outrepassé largement le mandat de l’ONU, a empêché l’émergence d’une force révolutionnaire qui aurait pu au fil des combats et des mobilisations populaires s’unifier politiquement. Le renversement brutal de Kadhafi et la mainmise de la Grande-Bretagne et de la France sur le processus de transition politique a renforcé le sentiment religieux et communautaire, à l’image de l’intervention US en Irak.
Paul Martial 26 février 2015
* « Libye : la stratégie occidentale ». Paru dans l’Hebdo L’Anticapitaliste - 278 (26/02/2015) :
http://www.npa2009.org/actualite/libye-la-strategie-occidentale
L’intervention militaire conjointe de la Grande-Bretagne de Cameron et de la France de Sarkozy en Libye n’a pas seulement détruit le pays, elle a aussi déstabilisé toute une région.
Après avoir fait amende honorable, Kadhafi était devenu un partenaire pour Sarkozy, y compris financier, si on en croit les révélations de Mediapart concernant le financement de sa campagne présidentielle. Autre scandale, celui d’Amesys, cette société française qui a fourni le matériel de surveillance d’internet permettant au régime d’emprisonner et de torturer les opposants [1]. Dans le même temps, Kadhafi jouait son rôle de gardien des frontières européennes contre les tentatives d’émigration venant essentiellement d’Afrique subsaharienne.
Le printemps arabe et les révoltes populaires en Libye ont provoqué le changement de politique de la diplomatie européenne et ont conduit la France et la Grande-Bretagne à intervenir militairement sous mandat de l’ONU, officiellement pour éviter un bain de sang... Mais la France et la Grande-Bretagne vont outrepasser leur mandat pour faire tomber le régime au grand dam de l’Union africaine [2].
Une déstabilisation profonde
Cette intervention a ravi aux masses un processus révolutionnaire qui aurait pu permettre l’émergence d’une direction politique et d’unification des combattants forgées dans la lutte. Elle a aussi déstabilisé les pays de la bande sahélo-saharienne. Beaucoup de Touaregs qui avaient fui les différentes répressions au Niger et au Mali avaient trouvé refuge en Libye, et certains s’étaient engagés notamment dans la légion islamique, une sorte d’équivalent de la légion étrangère en France. Ces Touaregs sont revenus dans leurs pays respectifs. Si au Niger, ils ont été tout de suite désarmés, ce ne fut pas le cas au Mali où ils fondent le MNLA et le groupe islamiste Ansar Eddine qui, avec AQMI, vont provoquer la guerre au nord du Mali. Kadhafi savait attiser les rebellions touaregs, mais il savait aussi jouer un rôle de médiation qui désormais n’existe plus.
La Libye est devenue un véritable discount des armes. En effet, la quincaillerie amassée pendant des années par Kadhafi sera vendue à toutes sortes de bandes armées qui sévissent dans la région.
Le pays lui-même est désormais en proie à des violences entre différents groupes souvent à connotation communautaire, djihadiste, ou parfois les deux, qui se combattent avec de lourdes conséquences pour la population civile. Quant à la situation des Africains subsahariens, elle est dramatique. Ce sont souvent des réfugiéEs qui tentent de passer par la Lybie pour ensuite atteindre l’Europe. Ils sont victimes de racket et de mauvais traitements. C’est aussi le cas pour les Toubou, population noire, en butte aux violences racistes.
La France dans une spirale belliciste
Depuis plusieurs mois, la France fait du lobby pour une nouvelle intervention militaire en expliquant la nécessité de casser le « hub » que la Libye constitue pour les djihadistes. Lors du forum de Dakar, le « Davos » de la sécurité en Afrique, les dirigeants du continent ont critiqué l’intervention en Libye : « Les désordres actuels ont pris racine en 2011. Nos amis occidentaux ne nous ont pas demandé notre avis quand ils ont attaqué la Libye ou quand ils ont divisé le Soudan en deux » [3]. Mais ces dirigeants, inquiets des menaces des différents groupes djihadistes à leurs frontières, sont les premiers à réclamer que la France – pour reprendre l’expression de l’un d’eux – « termine le travail » [4]...
Une fuite en avant qui non seulement ne réglera rien mais ne fera qu’empirer la situation. Aucune intervention occidentale n’a amélioré en quoi que ce soit la situation des populations. Souvent présenté comme un succès, le Mali n’échappe pas à la règle. Les attaques se font quotidiennes, les groupes armés se fragmentent et se livrent une guerre sans pitié, les services administratifs sont quasiment absents de cette région.
Avec son cortège de misère, d’injustice et de violence imposées aux peuples, l’ordre impérialiste ne fait qu’encourager les sectes islamistes qui à leur tour entraînent les interventions militaires occidentales. C’est ce cercle vicieux qu’il s’agit de briser.
Paul Martial
[1] Wall Street Journal, 30 août 2011
[2] Jean Ping, Éclipse sur l’Afrique. Fallait-il tuer Kadhafi ?, Michalon Éditeur, 2014, 17 euros.
* « Libye : le risque d’une nouvelle intervention ». Paru dans l’Hebdo L’Anticapitaliste - 272 (15/01/2015). http://www.npa2009.org/
TRIPOLI - Le chaos politique et les conflits en Libye se répercutent gravement sur les services de santé, avec le départ de professionnels de la santé et le retrait des organisations humanitaires qui alourdissent le fardeau pour le personnel soignant cherchant à prendre en charge les personnes blessées dans les affrontements qui durent depuis le mois de juin.
D’après le compte rendu de situation de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), des milliers de personnes ont fui leur domicile à Tripoli et Benghazi et « les grands hôpitaux de [ces deux villes] sont submergés de patients nécessitant une prise en charge urgente et des soins post-traumatiques ». [http://reliefweb.int/sites/reliefwe...]
Plusieurs organisations humanitaires et agences des Nations Unies ont diminué leurs effectifs. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a déplacé son personnel international vers la Tunisie voisine, mais son personnel local est resté sur le terrain. Le 28 août, cinq ambulances nouvellement équipées ont été interceptées et volées.
Les professionnels de santé étrangers commencent à quitter le pays
Le ministère de la Santé craint un « effondrement total » de son système de santé en cas d’exode des professionnels de santé étrangers, d’après un porte-parole. Six pour cent du personnel hospitalier est originaire des Philippines, et 20 pour cent d’Inde. [http://www.theaustralian.com.au/new...]
« Le départ de professionnels de santé étrangers et la pénurie de fournitures médicales ne font qu’aggraver la situation déjà critique des civils », a dit Tarek Mitri, le représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en Libye, au Conseil de sécurité des Nations Unies le 27 août.
Plus de 3 500 travailleurs philippins expatriés - sur une communauté estimée à 13 000 environ - ont quitté la Libye, selon un communiqué du secrétaire d’État philippin au travail émis le 28 août. La proportion de professionnels de la santé parmi ces quelque 3 000 personnes reste à déterminer.
Sheralyn Cenaza, une infirmière philippine travaillant à l’hôpital central de Tripoli, a quitté la Libye par bateau le 12 août : « Je vis en Libye depuis deux ans. Le niveau d’insécurité n’a jamais été aussi élevé. On entend des bombes exploser tous les jours à Tripoli. »
Elle a dit que la communauté était particulièrement inquiète depuis le viol d’une infirmière philippine à Tripoli fin juillet.
Une autre infirmière philippine, Princess Famorean, a pris la décision de rester en Libye, mais redouble de précautions en raison de l’insécurité. « Je passe mes journées à l’hôpital ou dans la résidence où j’habite, située juste en face. Je ne sors jamais. »
La raison principale poussant les étrangers à rester est l’argent : le salaire mensuel d’une infirmière philippine en Libye - environ 920 LYD, soit 750 dollars US - est deux à trois fois plus élevé que dans leur pays d’origine.
L’hôpital central de Tripoli a été placé sous le contrôle d’unités de police nationale, mais le personnel dit ne pas se sentir à l’aise. « Lorsque des individus dangereux pénètrent dans l’hôpital avec des armes, les agents de police quittent souvent les lieux », a dit Ahmed*, un membre libyen du personnel médical, à IRIN. Un cordon a été mis en place autour d’une roquette non explosée tombée dans l’enceinte de l’hôpital il y a deux semaines, mais elle n’a toujours pas été retirée.
Certains centres de santé sont inaccessibles. L’hôpital Al Jala de Benghazi, principale structure de soins post-traumatiques, a été fermé tandis qu’Al Hawwary, un autre grand hôpital, est inaccessible, car son secteur est le théâtre d’affrontements. La situation à Tripoli est similaire. « Les salles des urgences du centre médical, de l’hôpital central et de l’hôpital Abusleem de Tripoli tournent à grande peine », selon l’OMS.
Abduljalil Graibi, le directeur de l’hôpital central de Tripoli, a déménagé son bureau au service de chirurgie pour prêter main-forte au personnel en cette période de crise. Il estime qu’environ 15 pour cent du personnel médical étranger est parti, et que l’impact de leur départ est considérable. « Lorsque les étrangers sont de service, je sais que je peux compter sur eux, tandis que les Libyens peuvent quitter l’hôpital à tout moment. » Il a dit qu’il était plus difficile de faire respecter le règlement depuis le début de la révolution.
Les départs de membres du personnel médical étrangers se sont essentiellement produits pendant le ramadan, lorsque le nombre de patients est habituellement bas. Avec la pénurie de carburant et les violents affrontements affectant la banlieue de Tripoli, les personnes souhaitant se rendre à l’hôpital n’ont pas toujours pu le faire. Pour faire face, les hôpitaux ont instauré des journées de travail plus longues.
« La Libye devrait saluer son personnel soignant étranger, même ceux qui ont choisi de partir », a dit à IRIN Fawzi Azowai, chargé des relations internationales du Croissant-Rouge libyen et chirurgien orthopédiste-traumatologue à l’hôpital Mitiga de Tripoli. L’hôpital est situé à proximité de la base d’une brigade islamiste. Les combattants ont accepté d’aider l’hôpital : ils fournissent du carburant pour les générateurs et défendent les bâtiments.
« Nous ne prenons pas position. Des combattants de tous bords peuvent venir se faire soigner », a dit M. Azowai.
Problèmes d’approvisionnement
Si le manque de personnel est un problème, la pénurie de fournitures médicales est encore plus préoccupante. Le seul programme de transplantation d’organes de Libye a fermé son unité d’hospitalisation de 25 lits afin d’affecter ses infirmiers à des services plus urgents.
Le manque de médicaments rend tout greffe impossible pour le moment.
Quatre patients ont déjà rejeté leur greffe de rein. « Nos stocks de médicaments sont vides. Par exemple, nous avons besoin de 15 000 capsules de Neoral 100 mg par mois pour prévenir le rejet d’organe chez les patients ayant subi une greffe », a dit Mohamed Harisha, qui travaille comme anesthésiste au centre de transplantation d’organes.
Abdul Haffed Ali Ashibani, le coordinateur général du programme, a adressé une lettre au Croissant-Rouge libyen le 28 août pour lui demander des immunodépresseurs, en insistant sur le fait qu’« en l’absence d’action de la part des autorités concernées (ministère de la Santé) malgré notre insistance, l’impossibilité d’administrer aux patients leur traitement en temps voulu mettrait leur vie en danger ».
La plupart des entrepôts de médicaments de Tripoli se trouvent le long de la route de l’aéroport ou dans le quartier de Ben Gashir, au sud de la ville. C’est là qu’ont eu lieu les affrontements les plus violents pour le contrôle de la capitale. Suite à la victoire des brigades islamistes et de Misrata sur les brigades de Zintan, les heurts sont plus sporadiques, mais les entrepôts étatiques de médicaments à Tripoli et Benghazi ont été gravement pillés.
La fermeture de l’espace aérien libyen et les difficultés pour accéder à Tripoli par la route depuis la Tunisie rendent l’approvisionnement en produits frais extrêmement compliqué.
« Pour les équipements et les médicaments de base, nous disposons de stocks pour plusieurs mois, mais pour les besoins spécifiques, c’est moins », a dit Khalifa Gaddur, directeur de l’hôpital Mitiga de Tripoli. « Nous avons soigné 400 blessés environ pendant le ramadan, des combattants pour l’essentiel. L’an dernier, ils nous n’avions que 50 patients », a-t-il dit. Adulkarim Fallah, le responsable de l’unité de laboratoire, sait qu’il lui faudra patienter plusieurs semaines avant que les stocks qu’il a commandés lui parviennent du Moyen-Orient par bateau.
Un ministère de la Santé inexistant
« Nous devons travailler comme s’il n’y avait pas de ministère de la Santé », a dit M. Azowai à IRIN. Le gouvernement a démissionné le 28 août. Deux assemblées législatives rivales revendiquent le droit de nommer l’exécutif.
Les brigades islamistes et de Misrata, qui ont pris le contrôle de Tripoli au terme de cinq semaines d’affrontements, soutiennent le Congrès général national (CGN) élu en juillet 2012. Les brigades de Zintan et les groupes armés menés par l’ancien général Khalifa Haftar, qui affronte les groupes islamistes à Benghazi, soutiennent la Chambre des représentants, élue en juin pour remplacer le CGN et qui se réunit actuellement à Tobrouk, dans l’est.
Les querelles politiques pourraient à nouveau retarder le budget 2014. Certains professionnels de la santé n’ont pas été payés depuis six mois. « La médecine est un secteur humanitaire, mais nous avons besoin d’un système de santé solide pour travailler correctement », a dit M. Azowai. 18 septembre 2014
*Nom fictif
http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/libye/article/un-secteur-de-la-sante-moribond-en
L'assassin revient sur les lieux de son crime
Interrogé par le Figaro, le ministre de la Défense Le Drian parle de « dégradation de la situation sécuritaire en Libye ». C'est peu dire ! Trois ans après l'intervention des armées occidentales, les bombardements, l'armement des différentes milices combattant Kadhafi et l'élimination de ce dernier, le pays est plongé dans le chaos.
Des bandes armées se disputent les villes et les régions.
Les fronts semblent se déplacer suivant que les différents sponsors de ces bandes, services américains, monarchies du Golfe, militaires égyptiens, etc., arment plus ou moins bien leurs sinistres poulains. Des envoyés de l'ONU n'ont pu que constater des faits de séquestrations, enlèvements, tortures, assassinats, à l'encontre de civils terrorisés. Des avions sans immatriculation bombardent de temps à autre les positions des uns ou des autres, des hélicoptères inconnus débarquent des hommes armés, les routes sont hérissées de barrages où on rançonne et on tue.
Le Drian sait bien que ce sont l'aviation et la marine françaises qui ont commencé à bombarder la Libye en 2011.
Il sait aussi que les premières milices furent équipées, voire encadrées, par des « conseillers » français, britanniques, américains. Comme il sait que les énormes stocks d'armes disponibles en Libye furent achetés, en son temps, par le dictateur Kadhafi auprès des industriels occidentaux, dans des marchés préparés et bénis par les gouvernements des « grandes démocraties ». Il sait aussi, pour l'avoir approuvée, que l'intervention de 2011 était une vitrine pour les marchands de canons français. Sarkozy a fait donner les Rafale et autres Mistral, Hollande et Le Drian finalisent les contrats, les Libyens servent de chair à canon de démonstration et sont plongés dans un enfer dont ils ne voient pas la fin.
Aujourd'hui, le chaos est tel qu'il risque, selon Le Drian, d'avoir des conséquences hors des frontières libyennes. Le ministre parle donc d'une nouvelle intervention, terrestre cette fois-ci. Il s'agirait d'étendre « vers la frontière libyenne » le dispositif militaire français déjà présent au Mali, en Centrafrique et au Tchad. Pour financer ce supergendarme sous direction française, il voudrait obtenir l'accord et l'aide des États africains, de l'ONU et des autres grandes puissances. On voit le résultat : de l'Afrique centrale au Moyen Orient et à la Libye, les interventions militaires impérialistes ne font qu'accroître le chaos. Le Drian ne demande qu'à continuer.
Paul GALOIS
http://www.lutte-ouvriere-journal.org/?act=artl&num=2406&id=43
Moins de trois ans après les discours de victoire du président Nicolas Sarkozy et du Premier ministre britannique David Cameron lors de leur visite triomphale en Libye à l’été 2011 — qui n’étaient pas sans rappeler celui de Georges W. Bush sur le porte-avions USS Abraham Lincoln le 1er mai 2003 annonçant le succès de l’opération de « libération de l’Irak » — la France et le Royaume-Uni viennent d’évacuer leurs diplomates et ressortissants de la capitale libyenne. Depuis le 13 juillet, celle-ci est en effet le théâtre d’affrontements majeurs entre milices rivales qui marquent une nouvelle étape dans la spirale de violences qui touche le pays.
Il n’aura fallu que deux mois pour que l’opération « dignité » lancée le 26 mai 2014 par le général Khalifa Haftar pour « éradiquer les terroristes islamistes » ne précipite le pays dans un conflit inextri- cable entre deux camps qui ont chacun juré d’éliminer leur ennemi. À Benghazi, malgré le soutien aérien d’hélicoptères et d’aéronefs de combat de l’armée de l’air libyenne et du bataillon de forces spéciales — constitué majoritairement d’anciens militaires ralliés à l’insurrection de 2011—, ce sont les puissantes milices « révolutionnaires de la première heure » d’obédience islamistes1 alliées à celles d’Ansar al-charia qui ont remporté la partie avec la prise de la caserne du bataillon de forces spéciales le 30 juillet et celle du gouvernorat de la sécurité de Benghazi deux jours plus tard. Les forces d’Haftar ont dû se replier dans leur fief tribal d’Al-Marj dans le djebel Akhdar qu’elles contrôlent partiellement jusqu’à Tobrouk, à l’exception de la région côtière de Derna.
À Tripoli, les combattants des brigades « Zintan »2 (en référence à la ville dont elles sont issues) qui contrôlaient la zone de l’aéroport international et plusieurs autres sites du sud de la capitale avaient rallié l’opération « dignité ». Elles sont encerclées depuis le 13 juillet par une coalition de milices de Misrata et de Tripoli et de ses environs qui a lancé son opération baptisée "Fajr libya" - aube de Libye (surnommée également Qouswara - lion)3. Si l’issue des combats est encore incertaine, le rapport de forces leur est néanmoins nettement défavorable et les Zintan pourraient dans les prochains jours subir le même sort que leurs alliés de Cyrénaïque.
S’ils perdent le contrôle de leurs points d’appui dans la capitale et donc leur capacité à peser au plan national (comme ils l’ont fait à plusieurs reprises tenter d’influencer les décisions du Conseil national général - CNG, le parlement, au même titre d’ailleurs que leurs adversaires) ils n’en disposent pas moins d’une « profondeur stratégique » puisqu’ils contrôlent une partie des montagnes de l’ouest, des frontières avec l’Algérie et la Tunisie et la Hamada Al-Hamra, vaste étendue désertique qui s’étend jusqu’au grand Sud. Les réseaux d’alliances qu’ils ont développés avec certaines tribus toubous, touaregs et arabes du Sud constituent en outre un atout important sur lequel ils ne manqueront pas de s’appuyer pour poursuivre le combat. Enfin, ils disposent toujours de Seif Al-Islam Kadhafi qui pourrait également se révéler un atout pour négocier des alliances de circonstance avec les régions de Bani Walid, Tarhouna et Warshafana4 qui ont majoritairement soutenu Mouammar Kadhafi et se sont gardées jusqu’à présent de prendre position dans le conflit en cours.
Alors qu’il est peu probable que les Zintan s’avouent vaincus, ce conflit revêtirait alors toutes les apparences d’un conflit « Nord-Sud » avec d’un côté des populations majoritairement d’origine côtière et citadine, de l’autre des populations davantage tournées vers la tradition bédouine.
L’Agence France Presse (AFP), reprise par la quasi-totalité des médias français, a quant à elle opté pour l’interprétation selon laquelle les combats actuels entre milices découlerait de ce qu’elle qualifie de « divisions entre islamistes et nationalistes ». Cette explication selon laquelle la coalition Haftar a déclenché les hostilités parce que le camp « islamiste » aurait perdu sa majorité dans le nouveau parlement apparaît néanmoins discutable dans la mesure où la radicalisation et la militarisation du différend entre le clan islamiste et le clan « libéral » ont été précipitées par l’initiative du général. La tournure « islamistes contre nationalistes » apparaît quant à elle basée sur le seul fait que les adversaires des islamistes qui se qualifient eux-mêmes de « libéraux » appartiennent majoritairement à « l’alliance des forces nationales », coalition regroupant plusieurs partis libéraux créée en 2012 par Mahmoud Jibril.
Cette formulation « islamistes contre nationalistes » est donc tendancieuse dans la mesure où elle donne à penser que les libéraux ont le monopole du nationalisme et que les islamistes ne sont pas nationalistes, ce qui est loin d’être le cas. Que des hommes comme Mahmoud Jibril — chef du cou- rant libéral qui a été jusqu’en 2011 le principal collaborateur de Seif Al-Islam Kadhafi après avoir fait sa fortune au Qatar — réside aujourd’hui aux Émirats arabe unis et utilise les médias émiratis et saoudiens pour diffuser ses messages de soutien au coup de force pro-Haftar puisse être présenté comme plus nationaliste que les membres de la mouvance islamiste de Benghazi qui se sont soulevés dès le départ contre Kadhafi en 2011 et n’ont pas quitté le pays depuis est pour le moins paradoxal.
Et voilà donc les mêmes médias qui en 2011 opposaient les « révolutionnaires » (combat- tant forcément pour la démocratie) aux kadhafistes (combattant pour la dictature) qui nous proposent une nouvelle grille de lecture où une partie des révolutionnaires d’hier sont devenus d’inquiétants « islamistes » opposés à des libéraux « nationalistes » qui auraient de facto le monopole de la démocratie.
Une autre grille de lecture pourrait pourtant expliquer l’empressement du camp pro-Haftar à mettre un terme au précédent CNG par le fait que la totalité des responsables de cette mouvance est touchée par la loi d’exclusion politique qui interdit à des hommes ayant occupé des postes à respon- sabilités sous l’ancien régime de jouer un rôle dans la vie politique libyenne. Il en est ainsi bien évi- demment de Jibril et de Heftar mais également du colonel Moukhtar Fernana, chef de la police militaire qui a annoncé fin mai la cessation des activités du CNG, d’Outhman Mliqta, commandant de la brigade Qa’qa’ alliée aux Zintan, pour n’en citer que quelques uns. Même si cette grille d’analyse n’est pas parfaite puisque certains islamistes comme Ali Sallabi avaient également collaboré avec le clan Kadhafi, elle semble néanmoins plus apte à expliquer la radicalisation actuelle entre garants de la « pureté révolutionnaire » et « révolutionnaires d’opportunité ».
Quant à l’alliance de circonstance entre la ville de Misrata — qui comprend certes des islamistes mais dont le noyau dur est constitué de notables et de commerçants — et les brigades islamistes de Tripoli, il est fort probable qu’elle volera en éclat sitôt disparue la perspective d’un ennemi commun à affronter.
Dans ce contexte d’affrontements, la question de la prise de fonction le 4 août du nouveau parlement délocalisé à Tobrouk en raison des combats apparaît donc comme un épiphénomène auquel nul ne croit sérieusement en Libye. Sa faible légitimité5 et l’annonce de son boycott par les islamistes qui dénoncent sa mise en place dans une zone qu’ils considèrent comme favorable au général Haftar augurent mal de son poids réel sur le cours des évènements dans un pays où la loi des armes est toujours prédominante.
La question d’une intervention militaire égyptienne ou algérienne qui revient de façon récurrente ces dernières semaines dans les médias de ces deux pays apparaît quant à elle totalement découplée des réalités libyennes. Une opération qui viserait à autre chose qu’à l’évacuation de ressortissants serait en effet catastrophique tant pour le pays qui s’y risquerait que pour la Libye pour laquelle toute ingérence étrangère ne fera que prolonger la tragédie actuelle.
1On notera les principales pour mémoire : la katiba des martyrs du 17 février, la katiba Rafallah al Sahati, l’unité bouclier de Libye n°1, la brigade d’infanterie 319, la brigade des martyrs de la Libye libre, la katiba Fakhri al Sallabi et la katiba des martyrs de Zintan. Nombre de leurs chefs, souvent assez jeunes et auréolés de prestige pour leur rôle durant la guerre de 2011, sont respectés au niveau local pour leur intégrité et entretiennent des relations suivies avec les conseils d’anciens des tribus de la région.
2Par milices zintan, on entend la brigade al Qa’qa’ et les katiba al Sawa’iq et al Madani ainsi que les unités relevant du conseil militaire de la ville zintan. La brigade al-Qa’qa’, créée pendant la guerre de 2011, regroupe des combattants autres que zintan originaires du djébel Nefoussa et de certains quartiers deTripoli.
3Cette coalition a mis du temps à se mettre en place. Le conseil civil de cette ville étant plutôt réticent à s’engager et le conseil militaire favorable à l’intervention. Nombre de responsables de milices de Tripoli ne souhaitaient pas non plus le retour des milices de Misrata dans la capitale qu’elles avaient quittée après leur répression sanglante d’une manifestation demandant leur départ en novembre 2013.
4Ces régions regroupent les plus importantes confédérations tribales de Libye et leur population totale dépasse largement les 2 millions, à comparer aux quelque 300 000 habitants de Misrata et aux 30 000 de Zintan.
5Le parlement actuel a été élu avec une participation de 10 %, à comparer avec le taux de participation du scrutin de juillet 2012 qui était de près de 50 %.
http://orientxxi.info/magazine/les-fausses-grilles-d-analyse-du,0652