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  • Dominique Vidal: Syrie : Pourquoi Jean-Luc Mélenchon se trompe (Regards)

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    Dominique Vidal, spécialiste du Proche et du Moyen-Orient, a regardé Jean-Luc Mélenchon lors de l’émission On n’est pas couché du samedi 23 février. Il décrypte les analyses de Jean-Luc Mélenchon sur la Syrie, qui ont fait polémique.

    Il est rare que, dans une émission de grande écoute, la situation syrienne occupe une telle place : près d’un quart d’heure. Mais ce fut, hélas, le trou noir d’une intervention par ailleurs brillante de Jean-Luc Mélenchon [voir la vidéo ci-dessous ndlr].

    Car le candidat à l’élection présidentielle opère un grand écart incompréhensible dans son raisonnement. Dans un premier temps, il considère à raison qu’il n’y a pas de solution militaire à une crise politique et s’oppose donc à toute intervention militaire occidentale, en particulier française, en Syrie. Et on le suit. En revanche, mystère de la logique mélenchonienne, il soutient l’intervention russe. Et il le fait au nom de la lutte contre Daesh et de la solidarité envers les Kurdes assaillis par l’armée turque.

    L’intervention russe a pour but de sauver Bachar El Assad

    Malheureusement, je crois que Jean-Luc Mélenchon connaît mal le dossier. La Turquie est constante : de tout temps, elle s’est focalisée sur les Kurdes. Le fait qu’elle intervienne désormais en territoire syrien n’est qu’une question de degré. Il n’y a rien là de radicalement neuf.

    De surcroît, Jean-Luc Mélenchon tait la réalité de l’intervention russe. Tous les observateurs, en dehors des Russes, relèvent que l’action russe est principalement dirigée contre les opposants modérés au régime de Bachar El Assad. Le type de bombardement – le carpet bombing : tapis de bombes – s’inspire des actions de l’armée russe en Tchétchénie. L’aviation russe bombarde civils et militaires de façon indifférenciée. C’est très choquant. Un hôpital d’une ONG vient même d’en être la cible.

    J’ai accueilli récemment à l’Institut de recherches et d’études Méditerranée Moyen-Orient (Iremmo), pour un débat, l’ambassadeur russe en France, Alexandre Orlov : il n’a pas même présenté le combat contre Daesh comme objectif de l’intervention de son pays en Syrie. Le but de celle-ci, a-t-il dit, c’est de sauver Bachar El Assad et son régime. Car, s’ils tombaient, ce serait la porte ouverte à une extension du djihadisme, notamment dans le Caucase. Qu’est-ce qui permet à Jean-Luc Mélenchon de dire que l’objectif des Russes est d’abattre Daesh ? D’autant que, je le répète, l’écrasante majorité des bombardements russes ne visent pas les djihadistes.

    Poutine ne défend que les intérêts de Moscou, du moins ce qu’il considère comme tels

    Jean-Luc Mélenchon a pris l’habitude de se faire l’avocat de Poutine, en Syrie comme en Ukraine. Visiblement, il croit déceler une continuité entre l’URSS et la Russie. Cette filiation est une vue de l’esprit. À supposer que l’URSS ait agi au plan international pour défendre des causes justes, Poutine ne défend plus ni ces causes, ni les valeurs qui les inspiraient. Poutine ne défend que les intérêts de Moscou, du moins ce qu’il considère comme tels. Car il y a un grand écart entre les véritables intérêts de la Russie et la manière dont le groupe dirigeant les conçoit.

    Je pense que Jean-Luc Mélenchon reproduit la même erreur d’analyse en ce qui concerne les régimes arabes. Le nationalisme arabe, laïque et socialiste a disparu depuis longtemps. Les régimes de Saddam, hier, ou d’Assad, aujourd’hui, n’ont aucun rapport avec ceux des années 1960-1970. La politique progressiste a été remplacée par une politique libérale, marquée par les dénationalisations. De véritables mafias dominent l’Irak comme la Syrie. Et la dimension laïque s’est réduite au point de n’être plus qu’une façade pour Occidentaux de passage. Saddam Hussein faisait de plus en plus référence à l’islam dans les dernières années de sa dictature. Et Bachar Al-Assad instrumentalise les minorités comme un fond de commerce politique. Il y a eu fondamentalement une rupture au tournant des années 1980. Étrangement, Jean-Luc Mélenchon semble l’ignorer.

    Propos recueillis par Catherine Tricot.

    regards.fr  Dominique Vidal  25 février 2016

    Lire aussi :

    Dominique Vidal : « Le « choc des civilisations », une idée fausse qui prend corps »

    http://www.anti-k.org/2016/12/22/denis-collin-campisme-linsondable-et-criminelle-betise-dune-partie-de-la-gauche-radicale/

    En finir avec les théories du super-impérialisme et de la division du monde en camps

    http://www.anti-k.org/2017/01/08/comment-m-melenchon-nie-le-peuple-de-syrie-et-ses-droits/

    Commentaires:

    Nous écrivions le 12/12/2016 un article sur le « campisme », il est intéressant de lire un point de vue semblable émis par un intellectuel qui ne se réfère pas à l’analyse classique anti-impérialiste contre tous les impérialismes (http://filiu.blog.lemonde.fr/).

     Le « campisme mélenchonien:

     Jean-Luc Mélenchon confirme ses approches erronées. Il n’y aurait ainsi qu’une seule grande puissance impérialiste, les USA, ce qui n’est pas cohérent avec sa prétention à être non-aligné. Il ne raisonne toujours pas en termes de classes sociales, mais en termes d’intérêts divergents des états.

    Il prétend donc défendre les intérêts de « La France » et des français en s’abstenant de toute critique à l’égard de la politique de la Russie. En dehors de toute cohérence du reste, jlm2017 se soumet à l’air du temps : « La vraie menace est du côté de la Chine, (…) car c’est là où, pour l’avenir, va se trouver l’adversaire principal. » dit-il aujourd’hui pour mieux stigmatiser les menées des « nord-américains »,  à juste titre, mais également pour détourner l’attention de la politique poutinienne, qui s’exprime en Syrie de manière barbare.

    jlm207  contredit ainsi les propos de son livre « qu’ils s’en aillent tous » page 129 : … « Selon moi, la France du XXI ème siècle devrait avoir avec la Chine une coopération avancée en matière économique, on peut facilement se comprendre, il y a entre nous une culture commune bien plus étendue et profonde qu’avec les nord-américains…

    La vision « géopolitique » campiste de jlm2017 à but électoraliste est patente dans ces errements, il négligeait hier les mécanismes impérialistes spécifiques des capitalistes chinois fondés sur la sur-exploitation des travailleurs – sans oublier la répression des minorités et l’écrasement du Tibet – pour sous-estimer maintenant les visées impérialistes russes menées par une oligarchie mafieuse et fascistoïde, fondées sur la reconquête par les interventions militaires.

    Ceci n’exonère en rien l’impérialisme dominant des Etats Unis, le plus violent et le plus criminel. Mais cette vision sommaire et fluctuante des « relations internationales » vise à se concilier tous les nationalistes, qui veulent occulter le fait que les intérêts des peuples sont différents des intérêts de leurs propres dirigeants, ce sont eux leurs principaux ennemis, ceux qu’ils doivent combattre solidairement.

    Voilà ce qu’il faut marteler à chaque occasion quand jlm2017 choisit de définir les intérêts de La France, de La Russie, de la Chine pour finir par défendre les intérêts de la caste fasciste des Assad, en avançant masqué. 

  • Des Subsahariens coincés dans le no man's land entre le Maroc et l'Algérie, les ONG dénoncent un "dérapage" (Algeria Watch)

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    Au moins 34 personnes de nationalités camerounaise, guinéenne, ivoirienne, malienne et sénégalaise ont été arrêtées et refoulées entre le 2 et le 10 mars à la frontière entre le Maroc et l'Algérie.

    Parmi elles, une dizaine de mineurs. Certains de ces Subsahariens étaient sur le territoire marocain depuis plusieurs années, ou en cours de régularisation de leur situation dans le cadre de la seconde phase de l’opération lancée au Maroc en décembre dernier.

    Selon les ONG de défense des migrants, ces personnes auraient subi des violences de la part des forces de l'ordre marocaines et algériennes, et été laissées sans nourriture dans le no man's land entre les deux pays, une zone connue des contrebandiers. Du "jamais vu" depuis le lancement de la nouvelle politique migratoire au Maroc en 2013.

    "Campagne de ratissage"

    "On a tous été choqués. C'est une pratique qui ne se faisait plus. On pense que c'est un dérapage, une erreur administrative à l'échelon local dans le cadre d'une campagne plus large de ratissage dans le nord du pays, pour empêcher la pression sur les grillages des enclaves espagnoles de Sebta et Melilla", explique au HuffPost Maroc Mehdi Alioua, président du Groupe antiraciste d'accompagnement et de défense des migrants (Gadem).

    Selon les témoignages recueillis par l'association, plusieurs d'entre eux auraient été arrêtés à Oujda et emmenés au commissariat. Leurs effets personnels (téléphone, passeport) auraient été confisqués avant qu'ils ne soient expulsés près du poste-frontière algérien.

    "Ils ont été contrôlés au faciès. Un homme marié à une Marocaine et vivant à Rabat, qui se trouvait là pour visiter un ami, a été arrêté", indique Mehdi Alioua. "Ils ne prennent plus le temps de contrôler l'identité et de mettre en place des procédures légales pour agir", déplore-t-il.

    Violentés

    Certains auraient été violentés à coups de pierres par la police algérienne. Ils auraient également reçu des coups de matraque côté marocain. Parmi eux, 14 auraient été blessés, dont trois grièvement. Sur Facebook, plusieurs photos et vidéos circulent, dans lesquelles ont voit certains migrants boire l'eau d'une rivière.

    "Au début, nous avions quelques biscuits que nous nous partagions. Mais là, il ne nous reste plus rien. Pour nous alimenter, nous cueillons une plante qui pousse ici et qui ressemble à l’oignon", a raconté l'un des migrants à France 24.

    Un tour de vis sécuritaire?

    Le 8 mars, les autorités marocaines ont annoncé la construction de nouveaux postes de contrôle aux environs de Saïdia pour "renforcer la sécurité" en plus de la clôture métallique déjà en place. Le but de cette clôture et des postes de contrôle est de "protéger le Maroc des menaces terroristes" et de "lutter contre la criminalité transfrontalière", rappelle le Gadem dans un communiqué. "Les personnes en migration deviennent, malgré elles, les victimes collatérales de ce tour de vis sécuritaire", estime l'ONG.

    Une vingtaine d'associations, dont les branches de syndicats marocains dédiées aux immigrés, ont signé un appel "pour que l’ensemble des personnes arbitrairement refoulées en dehors de toute procédure légale soient toutes réadmises - sans conditions et dans les plus brefs délais - sur le territoire marocain".

    Selon France 24, "certains membres du groupe de migrants ont rejoint la ville algérienne de Maghnia, à une vingtaine de kilomètres de la frontière avec le Maroc, où ils sont hébergés par des amis".

    Anaïs Lefébure, HuffPost Maroc, 15 mars 2017

    http://www.algeria-watch.org/

  • Algérie: Les chômeurs appellent au boycott des élections (Algeria Watch)

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    Ils annoncent une campagne nationale appelant les Algériens au boycott des élections du 4 mai prochain.

    Les leaders de la Coordination nationale de défense des droits des chômeurs (CNDDC) ont célébré, hier à Ouargla, le 4e anniversaire de la manifestation du 14 mars 2013 et ont déclaré publiquement devant des dizaines de militants et citoyens qu’ils n’entendaient pas faire marche arrière dans leur bataille contre les politiques du gouvernement jugées farfelues, notamment en matière d’emploi et de développement.

    Ce n’était pas une marche du million comme celle d’il y a quatre ans, celle qui a marqué, à l’époque, l’essor du Mouvement des chômeurs, taxé d’abord de sécessionniste, avant que ses revendications soient reconnues légitimes et fassent l’objet des directives de la circulaire du 12 mars 2012, donnant entre autres la priorité à l’emploi des jeunes du Sud dans les sociétés pétrolières, mais aussi l’éradication des disparités salariales, l’encouragement de la microentreprise et surtout la célébration symbolique d’une date devenue emblématique du Mouvement des chômeurs, qui a marqué, hier à Ouargla, l’événement et le souvenir vivace d’une manifestation qui fera encore date.

    La journée s’annonçait chaude et un léger vent de sable se levait sur la place du Peuple, alors que les gens vaquaient à leurs occupations habituelles. Bachir, le vendeur de thé, en était déjà à son troisième service. Des cohortes de jeunes se relayaient sur la placette, sirotant du thé en attendant que les préposés à la tribune placent l’équipement de sonorisation et les banderoles.

    Vers 8h30, ils étaient une vingtaine. A 10h, plus de 100 personnes rejoignaient les lieux et réclamaient Belabes qui est arrivé vêtu d’un boubou bordeau, saluant les uns et parlant aux autres. Naoufel Chekaoui, militant d’Oum El Bouaghi, désormais coordinateur général de la CNDDC, est là en compagnie d’une délégation de représentants des wilayas de l’Est.

    Inféodés

    «Notre coordination se déploie sur les 48 wilayas et comme le pouvoir accapare la capitale, Alger, nous occupons le reste du territoire», dit Naouefel, ajoutant que «la CNDDC donne aujourd’hui l’image d’une organisation non agréée qui tient à le rester pour son propre salut, elle est inféodée au gouvernement et résiste à son mépris, à sa répression et aux campagnes de dénigrement, en offrant aux chômeurs une lueur d’espoir en un futur meilleur».

    De jeunes tribuns se sont exprimés : «La principale leçon du 14 mars 2013 est l’adoption du rouage démocratique et de l’esprit du groupe, nous avons compris que, dans ce pays, ce sont les marginalisés qui produiront le changement.» Leur discours sans concession critique les appelle à faire des élections de mai prochain «une fête pour les Algériens».

    Pour Tahar, Naoufel, Mabrouk, Ahmed et des dizaines de jeunes chômeurs présents hier à Ouargla, «participer à cette mascarade est au contraire une consécration du fait accompli et un appui qui ne dit pas son nom à un système pourri». «Nous avons pris le pouls et nous savons que le rejet silencieux s’est mué en contestation active, qui démontre le fossé entre le pouvoir et le peuple et qu’il nous appartient de transformer en boycott effectif», déclare Tahar Belabes, qu’on donnait pour prisonnier suite à sa tentative avortée de ‘‘harga’’ au large de Annaba avec 27 personnes et sa condamnation à verser une amende de 20 000 DA, le mois dernier.

    Mascarade

    «J’ai été empêché de quitter l’aéroport d’Alger pour participer au Forum social maghrébin sur les migrations, qui se tenait en décembre 2016 à Tanger, au Maroc. Même la Tunisie m’est interdite depuis que la Police aux frontières (PAF) du pays de la révolution du Jasmin m’a refoulé», explique le porte-parole de la CNDDC, ajoutant que «les femmes sont la cible d’une campagne acharnée de dépouillement de volonté avec ces prétendus acquis qui titillent les aspirations de certaines et flattent les instances internationales des droits de l’homme».

    Et le coordinateur du mouvement, Naoufel Chekaoui, de déclarer : «Nous voulons que l’Etat algérien s’engage à respecter réellement les traités qu’il a signés en matière de garantie des droits fondamentaux à la liberté d’expression, de penser et de croire, mais aussi de cesser le musellement des élites de ce peuple et ses activistes». Pour lui, le gouvernement prône la bonne gouvernance et le respect des droits de l’homme, tout en faisant fi de ses propres engagements, réprimant la parole libre et emprisonnant ses opposants.

    De plus, poursuit Tahar Belabes, devant une assistance qui grossissait à vue d’œil malgré la présence des forces de l’ordre, «il est de notre devoir éthique de nous exprimer au nom de la frange à laquelle nous appartenons et qui est celle des chômeurs, le dernier rempart de la société devant l’hégémonie ambiante», considérant que la bataille des chômeurs symbolise la lutte des Algériens marginalisés, une classe de plus en plus importante dans une lutte sans merci, qui a transformé la revendication d’un emploi digne en une revendication politique.

    Dans cette optique, et en guise de réponse au wali de Ouargla qui déclarait, il y a quelques jours, que «le chômage était un problème factice et provoqué à Ouargla», les leaders de la CNDDC ripostent en chœur : «Certes, mais c’est le gouvernement qui le simule et le nourrit.» Tahar Belabes interpelle à cet effet le représentant de l’ONU en Algérie pour faire une tournée au Sud, à la rencontre des activistes et des opposants affiliés à des partis pour écouter ce qu’ils ont à dire, à l’instar des personnalités qu’il reçoit à Alger. 



    Houria Alioua El Watan, 16 mars 2017

    http://www.algeria-watch.org/

  • Nouveautés sur Agence Médias Palestine

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  • «Les Syriens ont osé faire le printemps dans cette partie aride du monde» (Al'Encontre.ch)

    Des centaines de personnes marchent à Damas, en mars 2011,
    au cri de «Deraa est la Syrie»

    Le 15 mars 2011, un rassemblement avait lieu à Damas.

    Trois jours après, les manifestations s’étendaient aux principales villes du pays, gagné par le «printemps arabe». Après six ans de guerre, des centaines de milliers de morts et des millions de réfugiés, un Aleppin réfugié en France se souvient du caractère inattendu et miraculeux de cette renaissance avortée.

    Le parfum du printemps me parvient jusque dans mon asile alsacien. Je reconnais bien ces fragrances enivrantes. Elles n’émanent pas de l’étrange pays où je suis réfugié depuis dix-huit mois. Car qui vit sous le ciel de ce pays, surtout dans l’atmosphère de la campagne présidentielle, sait bien que rien n’annonce, hélas, un printemps. Ce parfum me vient de mon pays, la Syrie, à 4000 kilomètres de distance et six ans après.

    Mais que reste-t-il du printemps syrien ? Il n’y a pas de réponse rapide à cette question qui vient comme un poignard se planter au fond du cœur. Beaucoup disent aujourd’hui, certains avec nostalgie ou regret, d’autres avec hargne et rancune, qu’il n’y a jamais eu véritablement de printemps en Syrie. Que notre pays était condamné à l’hiver dur et long des dictatures ou à l’été brûlant et fou de l’extrémisme musulman.

    Il y a six ans, à cette même époque de l’année, j’avais écrit sur ma page Facebook : «Nous sommes en mars, le printemps viendra-t-il chez nous aussi?»

    C’était peu après la révolution tunisienne commencée le 17 décembre 2010, suivie de la révolution égyptienne le 25 janvier 2011, et enfin de celles du Yémen et de la Libye en février. C’était le temps des soulèvements, appelé le «printemps arabe». Un moment de légende qui a balayé, en quelques jours, des régimes que l’on croyait définitivement installés comme une maudite fatalité pour leurs peuples. J’avais exprimé, en quelques mots, l’espoir que ce printemps révolutionnaire atteigne la Syrie. Je ne l’avais fait évidemment que par allusion car personne n’osait alors se déclarer ouvertement. Je n’avais d’ailleurs pas «d’amis» dans l’espace bleu de Facebook pour me lire, aimer ou commenter ma publication. Seul l’agent des renseignements chargé de surveiller chaque souffle émis par un Syrien pour mieux l’oppresser. Tous les Syriens évoluaient comme de misérables atomes solitaires, errant face à la terreur imposée par l’Etat sécuritaire. Le seul lien entre ces atomes isolés était l’agent des renseignements, cet être omnipotent installé dans les sous-sols de la torture comme dans nos esprits pour tout savoir et sanctionner.

    Et le printemps est arrivé en Syrie ! Il était authentique, je tiens à en témoigner. Je ne tente pas ici une présentation historique ou politique de ce qui s’est produit depuis le déclenchement de la révolution syrienne en mars 2011. Ce n’est pas le lieu, et je ne suis pas qualifié pour le faire. Je veux apporter le simple témoignage d’un homme qui a vécu un demi-siècle de sa vie en Syrie. Je veux affirmer qu’il ne s’agissait pas d’un printemps mensonger, ni d’une illusion, ni d’une tromperie, mais du seul véritable printemps qu’ait connu le pays dans l’histoire moderne. Il est important de le rappeler pour bien mesurer l’ampleur de la catastrophe qui s’est abattue sur la Syrie et les Syriens. Les images de villes détruites, de maisons écrasées sur la tête de leurs habitants, de corps déchiquetés, de cadavres de dizaines de milliers de prisonniers morts sous la torture, puis celles des enfants noyés lors de la grande vague de départs dans les embarcations de la mort ou des millions de pauvres gens entassés dans les camps de réfugiés. Toutes ces images qui envahissent les écrans de télévision et les pages de journaux ne suffisent pas à rendre compte du prix exorbitant que nous avons payé. Car elles ne reflètent que l’aspect dramatique de l’histoire, cette punition collective qui a frappé les Syriens, sans rien dire de ses causes ni expliquer le pourquoi de la catastrophe.

    Aux consciences honnêtes qui lisent ces mots et qui ne peuvent croire que la terreur de masse qui s’est abattue sur les Syriens n’est que la «guerre contre le terrorisme» menée par Vladimir Poutine et Bachar al-Assad, pour reprendre les mots de leur propagande. A ceux qui ne peuvent comprendre comment les événements ont si mal tourné. A tous, je voudrais dire que la seule raison de cette folie destructrice est que les Syriens ont osé faire le printemps dans cette partie aride du monde. Car leur révolte, dans cette région géostratégique si sensible, a introduit un facteur imprévu menaçant pour les intérêts établis par des puissances régionales comme l’Iran, Israël ou les pays du Golfe. Il s’agit là d’une faute mortelle. L’émergence de ce nouvel acteur aurait aussi pu provoquer des bouleversements géostratégiques pour de plus grandes puissances encore, tels les Etats-Unis, la Russie, la Turquie ou d’autres pays du Golfe. Il s’agit là encore d’une malédiction fatale. Dans les deux cas malheureusement, les Syriens ont représenté l’acteur de trop dont il fallait vite se débarrasser, ou tout au moins tenter de l’instrumentaliser un temps avant de le liquider. Il existe après tout trop de peuples dans le village planétaire, et il faut bien éliminer l’un d’entre eux de temps en temps.

    Il n’en reste pas moins que l’entreprise des Syriens en ce printemps a été une immense surprise pour tout le monde, y compris pour moi qui l’ai attendue toute ma vie. C’était un tel miracle humain que je n’y aurais pas cru si je ne l’avais vécu en direct jour après jour. Franchement, je ne connaissais pas ces jeunes et moins jeunes qui se sont emparés des rues avec leurs slogans, leurs chants et leurs danses, alors que je vivais parmi eux. Ils ne se connaissaient d’ailleurs pas entre eux car personne en Syrie ne connaissait l’autre. Parents, voisins, amis ou collègues, ils pouvaient être aussi indicateurs pour les services de renseignement, et la méfiance était de rigueur, même à l’égard des plus proches. Comment sont-ils parvenus à se rencontrer aussi vite ? Comment ont-ils osé découvrir leurs poitrines nues devant leurs camarades manifestants, face aux fusils des forces de l’ordre et aux couteaux des sbires du régime qui les fauchaient sans merci ? L’esprit civique que le régime du parti Baas s’est employé pendant cinquante ans à détruire par la peur, à écraser par le mensonge, à salir par la délation, comment a-t-il pu surgir soudain à la vie, avec autant de pureté et de spontanéité ? Comment les élèves obligés de scander tous les matins à l’école le slogan d’allégeance à la famille Al-Assad ont-ils pu le soir même descendre dans la rue pour appeler à la liberté et à maudire l’âme du despote père, fondateur de ce régime d’esclavage ? Les pauvres, pour qui la Syrie n’a jamais été généreuse ni clémente, ont rempli leur cœur d’un amour pur pour une patrie qui ne leur a rien offert. Je n’éprouvais moi-même aucun sentiment d’appartenance à la Syrie avant ce printemps-là. J’avais même honte d’appartenir à un peuple asservi, travaillant pour le compte de la famille Al-Assad. Comment me suis-je métamorphosé d’un jour à l’autre, comme des millions de Syriens ?

    La réponse est à la fois simple et étonnante : nous avons contracté soudain le virus de l’espoir qu’une autre vie est possible et que nous étions capables de l’inventer. Nous avons décidé tous ensemble, nous, les gens ordinaires, les étudiants, les ouvriers, les bouchers, les plombiers, les tailleurs, les avocats, les pharmaciens, les dentistes, les trafiquants de tabac, les intellectuels, les artistes, les vendeurs de mazout, les chômeurs et les repris de justice. Nous avons décidé qu’il était temps que nous prenions possession de notre pays, que nous cessions d’être des sujets apprivoisés et terrifiés pour devenir des citoyens libres. L’espoir ! Cette noble passion est notre péché originel. Nous l’avons commis avec ardeur et nous en avons payé le prix fort.

    Le lecteur français devrait comprendre cet esprit qui était celui de ses ancêtres, celui de la République et de la démocratie. Mais il faut être Don Quichotte pour porter ces idéaux du XIXe siècle quand on vit au XXIe. Vouloir être maître de son pays? Quelle arrogance pour un peuple! Comment avons-nous osé y penser? Nous ne savions pas que le principe de l’autodétermination des peuples appartient désormais au passé, quand la terre était vaste avant de se transformer en petit village planétaire dont chaque quartier, petit ou lointain, compte pour les grands propriétaires. On ne pouvait pas laisser les habitants décider librement de leur sort. Que ceux qui trouvent cette exagération émotionnelle injustifiée observent comment les armées de quatre grandes puissances sont mobilisées autour de Manbij. Cette petite ville (à 50 kilomètres au nord-est d’Alep) était pratiquement inconnue des Syriens eux-mêmes. Pour confirmer cela, rappelons comment l’ONU et son envoyé spécial, Staffan de Mistura, ont veillé à la déportation des habitants d’Alep-Est, après ceux d’autres petites villes autour de Damas! (Traduction Hala Kodmani; article publié dans Libération, en date du 15 mars 2017, titre de la réd. A l’Encontre)

    Mustafa Aljarf, pharmacien d’Alep, réfugié à Strasbourg

     Alencontre le 15 - mars - 2017
     
  • Maghreb: éléments d’un débat sur la situation. Mohamed Bouazizi, Guermah Massinissa et Mouhcine Fikri… le même combat (Al'Encontre.ch)

    Mohamed Bouazizi: manifestation à Sidi Bouzid, en février 2011

     

    1. La région du Maghreb, Maroc, Algérie Tunisie, est traversée, à des rythmes inégaux, par des mouvements sociaux d’ampleur révolutionnaire. Le plus représentatif par la dynamique révolutionnaire tracée et le plus abouti, ou le plus avancé, dans la construction d’une rupture démocratique et sociale est bien évidemment le mouvement enclenché par Mohamed Bouazizi en Tunisie en 2011 [vendeur ambulant, décédé le 4 janvier 2011 à Ben Arous, suite à un suicide par immolation]. Il constitue jusqu’à aujourd’hui un modèle de référence aux yeux des mouvements et des protestations de la région. L’Algérie, une dizaine d’années auparavant, en 2001, a connu le même type de mouvement de protestation, avec la même ampleur et un niveau d’organisation même supérieur, mais sans aboutir à un quelconque changement politique dans la structure du pouvoir. La circonscription du mouvement dans un territoire, la Kabylie, sa connotation identitaire et culturelle liée à sa spécificité dans l’histoire politique du pays l’a en partie marginalisé. Il n’en reste pas moins que les dimensions sociales et démocratiques ont profondément structuré le mouvement [Mohamed Guermah, dit Massinissa, succombera à ses blessures le 20 avril 2001, après avoir avoir été blessé par une rafale de mitraillette le 18 avril; sa mort sera le déclencheur d’une vaste révolte].

    Mouhcine Fikri, vendeur de poisson, écrasé dans une benne, dans laquelle ses poissons avaient été jetés… Une révolte contre la hogra

    Récemment, au Maroc, la région d’Al-Hoceima [fin octobre et début novembre 2016, la population a manifesté, avec vigueur sa colère contre les abus du pouvoir, l’injustice – la hogra – suite à la mort d’un vendeur de poisson, Mouhacine Fikri, originaire du Rif, écrasé dans une benne à ordure, suite à l’action de la police] a connu un mouvement similaire, porteur du même type de revendication sociale et démocratique avec la même portée politique. Ce mouvement marocain rappelle le cas tunisien par l’élément déclencheur et le cas algérien par sa circonscription dans un territoire où la référence à la dimension identitaire berbère de la région tente de structurer le mouvement.

    L’inégalité d’expression de ces mouvements dans le temps mais aussi dans les rythmes est en dernière instance liée aux histoires respectives et aux degrés d’insertion des trois pays dans les capitalismes mondiaux. Ils ont toutefois quelque chose de commun dans la mise au premier plan de la question sociale et politique.

    2. Le rapport de la société algérienne avec le capitalisme est plus chahuté que ses voisins. Historiquement, l’émergence du capitalisme dans le territoire qui deviendra plus tard l’Algérie est accompagnée d’une violence et d’une radicalité qui s’apparente à un génocide culturel. La colonisation de peuplement dès les débuts du XIXe siècle, saluée par ailleurs par les penseurs des Lumières y compris certains socialistes, notamment les utopistes, a façonné l’Algérie moderne et a restructuré en profondeur, jusqu’au déracinement [1], la société et son territoire. Mais cette «modernisation» capitaliste, loin de créer une société nouvelle et construire son émancipation chère aux utopistes, a engendré plutôt une exclusion. Cette exclusion est vécue comme une rupture avec le monde oriental représenté en ce moment-là par l’empire Ottoman finissant. Cette exclusion s’est d’abord exprimée par un repli identitaire et un rejet, par désespoir, de cette «modernité». Celle-là est associée plus à la violence coloniale qu’aux «bienfaits» historiques du capitalisme. Elle a généré par la suite une résistance puis une rupture aussi radicale que violente avec la colonisation, et sa culture «occidentale» qui lui est associée, sans une coupure explicite avec son corollaire le capitalisme.

    Cette histoire mouvementée peut expliquer en partie la «panique identitaire» [2] avec laquelle s’est construit le nationalisme algérien. Portée et nourrie pendant ces dernières décennies par les arabistes (Baâthistes… entre autres de Syrie), les islamistes ou encore les berbéristes avec son avatar récent chez les autonomistes Kabyles du MAK [Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie, apparu en 2001, son nom actuel date de 2013], cette problématique culturaliste n’a toutefois réussi qu’en partie à placer la question identitaire au centre de la vie politique et n’a pas effacé totalement la question sociale des enjeux politiques. Celle-ci a de tout temps été présente.

    3. Introduit par un colonialisme plus «soft», sous forme de protectorat à la fin du XIXe siècle pour la Tunisie et au début du XXe siècle pour le Maroc, le capitalisme a plus joué sur l’intégration des élites locales (le Makhzen pour le Maroc) que par l’exclusion dans les nouveaux mécanismes de domination coloniale et capitaliste. La restructuration territoriale et urbaine est à l’image des transformations sociales des deux pays. Les traces du patrimoine urbain et culturel sont fortement visibles, aujourd’hui, au Maroc et à un degré moindre en Tunisie, alors qu’il est totalement, ou presque, effacé en Algérie.

    Les conditions du triomphe du capitalisme et de la culture bourgeoise européenne conquérante dans ces pays du Maghreb ont fortement conditionné leur développement économique et social capitaliste ultérieur, plus enclin à s’intégrer dans un rapport de dépendance assumé pour les bourgeoisies marocaine et tunisienne qu’a s’autonomiser comme la bourgeoisie algérienne naissante. Ceci explique aussi, en partie, l’acceptation par les classes subalternes de la hiérarchie sociale traditionnellement inégalitaire au Maroc et, à un degré moindre, en Tunisie mais systématiquement contestée en Algérie où l’esprit égalitaire est bien ancré chez les couches populaires. Cette posture en Algérie procède plus par les conditions de résistance acharnée au processus d’expropriation-privatisation mené par le colonialisme français que tente de reprendre mais difficilement les nouvelles classes dominantes et non à un quelconque attachement à une «l’idéologie socialiste» qui aurait marqué les premières décennies de l’indépendance.

     

    Le «printemps noir» de Kabylie, initié en avril 2001. Les forces de répression ont tué 123 jeunes, pour l’essentiel. Le rapport de la Commission d’enquête, de juillet 2001, caractérise ainsi la répression: «[Le] nombre des civils blessés par balles présente une proportion de morts, variant […] de un sur dix à un sur trois [qui] n’est comparable qu’avec les pertes militaires, lors des combats réputés les plus durs en temps de guerre.»

    4. Ces aspects historiques et culturels n’expliquent pas tout. L’émergence des luttes sociales qui occupent de plus en plus une place importante dans l’espace politique de la région est directement liée à la politique de plus en plus néolibérale menée par les gouvernements des trois pays. L’évolution des structures capitalistes concourt vers un point commun: une dépendance économique directe avec le capitalisme mondial (banques, groupes industriels, services…), même si le capitalisme algérien confectionne une certaine autonomie, notamment sur le plan financier, à cause ou grâce à ses revenus énergétiques en pétrole et gaz. Cette dépendance entraîne une forme d’exploitation de même type des travailleurs et de l’environnement: une précarisation de plus en plus accrue des travailleurs, d’un côté, et, de l’autre, un pillage des richesses naturelles (hydrocarbures, phosphates ou encore produits agricoles…), sans souci de l’équilibre écologique et environnemental directement touché par la crise climatique mondiale. Sur le plan social, cette évolution entraîne un accroissement des inégalités sociales. Il y a même une volonté sournoise à intégrer les nouveaux migrants subsahariens dans l’économie et d’une manière informelle pour mieux les exploiter.

     

    Cette évolution engendre, dans le cas du Maroc, des régions à «développement» intense dans l’industrie touristique, l’industrie automobile, des zones franches et des immenses parties du territoire reléguées à la périphérie comme le Rif, l’Atlas… C’est le même cas en Tunisie qui connaît le même type d’appropriation privative et de distribution inégale de ses ressources naturelles, avec le même type de développement géographique et territorial inégal. Entre «un pays utile» le long du Sahel méditerranéen, et un arrière-pays ouest et sud-ouest, les inégalités apparaissent à vue d’œil. Cela donne un sens au processus révolutionnaire en cours parti de cette partie du territoire en 2011. C’est aussi la même explication qu’on pourrait donner à la révolte en cours au Maroc, dans le Rif.

    Cette inégalité sociale et territoriale est légèrement différente en Algérie malgré son vaste territoire. Cela ne l’exclut pas pour autant de la même dynamique en cours. La logique développementiste empruntée par le capitalisme algérien sur la voie de «l’industrie industrialisante» des trente premières années d’indépendance du pays fut menée avec le souci d’une intégration globale des territoires et des populations. Elle a surtout engendré un mouvement de population et d’urbanisation accrue autour des grands centres urbains mais aussi des villes moyennes. De ce point de vue, les révoltes récurrentes et importantes en Kabylie ne doivent pas nous cacher les révoltes aussi nombreuses que récurrentes dans les grands centres urbains. Les protestations à Alger, Constantine, Bejaia, Annaba ou encore Ouargla et la vallée du Mzab – ces deux dernières étant présentées comme «des révoltes du sud» comme pour les régionaliser – ont toute un caractère urbain. Ce sont des «luttes urbaines», c’est-à-dire une généralisation progressive de mouvements sociaux urbains, des systèmes de pratiques sociales contradictoires qui remettent en cause l’ordre établi à partir de contradictions spécifiques de la problématique urbaine [3].

    Mais, de même qu’il ne peut exister «un socialisme dans un seul pays», ou pourra dire qu’il ne peut y avoir un développement intégré dans le cadre du capitalisme dans un seul pays. Rompant avec ce projet dès la fin des années 1980, la politique poursuivie a visé la destruction de l’appareil productif balbutiant, certes, mais réel. Le projet économique, industriel, énergétique ou agricole mené par le pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika [mandat présidentiel initié en 1999] vise une intégration «conséquente» à l’économie néolibérale et au marché mondial. Il en ressort non seulement un effritement industriel, mais aussi un effritement de la structure territoriale engagée dans un aménagement global dont l’objectif principal est de faciliter la circulation de marchandises et des investissements de capitaux étrangers (autoroute est-ouest, la transsaharienne, la téléphonie mobile, grands barrages d’eau, forage dans la nappe phréatique au Sahara, énergie solaire et gaz de schiste…).

    5. Le corollaire de cette course vers une intégration dans le marché mondial et l’économie néolibérale est la concurrence entre les bourgeoisies des trois pays, notamment entre la bureaucratie bourgeoise au pouvoir en Algérie et le Makhzen [institutions régaliennes sous le protectorat et par la suite] marocain. Si cette concurrence se joue d’une manière sournoise et liftée entre l’industrie touristique tunisienne et le tourisme marocain, celui-ci tire ses dividendes de l’affaiblissement de celui-là, la «paix froide» [4] entre le régime algérien et le roi marocain, avec comme prétexte déclaré le conflit frontalier sur un fond de crise au Sahara-Occidental, cache mal la volonté des deux régimes à prendre le leadership dans la sous-traitance avec l’impérialisme mondial dans la région et pourquoi pas en Afrique. Ce qui explique la course dans la réalisation des grands travaux (autoroutes, TGV Casablanca-Tanger…). Ce qui explique aussi la mise en valeur de «la capacité de l’armée algérienne» à sécuriser la région, autrement dit à jouer le gendarme des puissances mondiales.

    Chaîne de montage de Renault à Oran

    Or, sur le plan économique, le pouvoir algérien vit mal son «retard» vis-à-vis de l’économie de la monarchie, vu sous l’angle du niveau d’insertion dans l’économie néolibérale et du marché mondial. De ce point de vue, la fermeture des frontières entre les deux pays devient une aubaine pour le pouvoir algérien. Il a besoin d’une mise à niveau. Car si ces frontières s’ouvraient, elles dessineraient pour les firmes européennes et américaines opérant au royaume chérifien l’horizon d’une conquête peu coûteuse du marché algérien. Ce qui mettrait l’économie algérienne, qui se libéralise avec prudence, devant une concurrence inégale. Le constructeur automobile français Renault, pour le citer comme exemple, qui possède à Tanger une grande usine entrée en production en février 2012 (170’000 véhicules/an en 2013 et 400’000 à moyen terme, dont 90% destinés à l’exportation) pourrait tirer profit de la normalisation frontalière algéro-marocaine. Ce qui lui permettrait de satisfaire, depuis le territoire marocain – et non plus depuis la France ou la Roumanie comme c’est actuellement le cas – une demande automobile algérienne sans cesse croissante. Ce qui rendrait caduc toute velléité d’investissement dans ce domaine en Algérie [5].

    6. Cette concurrence intergouvernementale construit en revanche un fond commun pour les populations de la région, notamment les masses laborieuses. Les populations des trois pays ne profitent pas (ou de manière très sélective socialement) des richesses et des potentialités de leur territoire respectif. Cette logique néolibérale dominante marginalise de plus en plus des pans de la population et des régions entières avec son lot de creusement constant des inégalités sociales et territoriales. Si ce phénomène est idéologiquement admis au Maroc et en Tunisie, il se faufile et gagne du terrain dans la culture algérienne malgré les résistances. C’est ce qui explique en l’occurrence les révoltes récurrentes. Il gagne aujourd’hui tout le territoire du Maghreb [6].

    Ainsi, on assiste, dans les trois pays, à l’émergence d’un mouvement diversifié, social, syndical, environnemental, culturel et associatif qui constitue la matrice de l’opposition aux pouvoirs autoritaires et à leurs politiques antidémocratiques et néolibérales. Par leurs batailles et leurs résistances acharnées, ils donnent de la consistance à la revendication politique et au combat démocratique et social.

    Politiquement et idéologiquement, ces résistances restent orphelines d’un projet révolutionnaire social et démocratique. Le fantôme de l’islamisme resurgit à chaque instant, notamment face à la montée des extrêmes droites dans le monde. Le terme «islamisme» prend aujourd’hui de multitudes définitions, du culturel au politique. La domination de l’islam sur les mœurs et la culture des peuples du Maghreb n’est pas un fait nouveau. L’indépendance des trois pays n’a malheureusement pas achevé la dimension démocratique et culturelle du processus révolutionnaire même si, à l’endroit de l’islam, il a suivi des trajectoires différentes et inégales dans les trois pays, plus «laïcisant» en Tunisie, dompté et institutionnalisé au Maroc et sur-politisé en Algérie. La montée de l’islam politique qu’on désigne par le terme «islamisme» a consolidé ce conservatisme et a éloigné la nécessaire avancée vers une laïcité de l’espace public et des institutions. Il faut aujourd’hui remonter la pente pour revenir aux maigres acquis de l’indépendance sur ce terrain.

    La réponse est cependant dans l’analyse de chaque mouvement se réclamant de l’islam dans sa dynamique réelle et dépasser la simple lecture formelle de son expression.

    Aujourd’hui, l’enjeu immédiat que porte l’islamisme dans ses différentes expressions oscille entre d’un côté la réaction légitime des sociétés musulmanes face à l’islamophobie ambiante dans les sociétés occidentales et, de l’autre côté, la montée d’un culturalisme conservateur et réactionnaire en guerre contre la raison et les acquis de la pensée des « lumières » dont est issu le marxisme. Ce culturalisme fait le lit des extrêmes droites et des barbaries montantes dont l’islamisme constitue un agent. Il est de ce fait nécessaire de faire la part de choses: ne pas tomber dans le piège de la défense a-historique de «l’islam» contre l’islamophobie au risque de ne voir dans l’islamisme qu’une «islamisation de la radicalité» des démunis ou des exclus; ne pas essentialiser l’islam et ne voir en lui que la barbarie fasciste.

    La crise qui s’installe qui peut à terme aiguiser les contradictions de la libéralisation capitaliste en cours ne place pas d’une manière mécanique les islamistes de tout bord comme alternative. Une dynamique de fascisation derrière des courants islamistes n’est possible que dans une situation de crise révolutionnaire sans débouché. Aujourd’hui, et aux yeux des populations, le danger est surtout dans une dégénérescence régionale qui peut faire le lit d’une «daechisation» de l’extérieur. Ce qui contribue plutôt à renforcer le front interne autour des pouvoirs qui pour l’instant ne montrent pas de grands signes d’essoufflement malgré la «maladie» et la vieillesse de leurs leaders respectifs, roi et présidents. (Article écrit le 3 février 2017)

    Publié par Alencontre le 22 - février - 2017Nadir Djermoune
     

    Notes:

    [1] Voir sur cette question, P. BOURDIEU, A. SAYAD, Le déracinement, la crise de l’agriculture traditionnelle en Algérie, Ed. de Minuit, Paris, 1964.

    [2] Expression empruntée à D. BENSAID, La discordance des temps, Ed. de la Passion, Paris, 1995, p. 149.

    [3] Par «problématique urbaine» on se réfère « à toute une série d’actes et de situation de la vie quotidienne dont le déroulement et les caractéristiques dépendent étroitement de l’organisation sociale générale. Ce sont, à un premier niveau, les conditions de logements collectifs (écoles, hôpitaux, crèches, jardins, aires sportives, centres culturels, etc.) dans une gamme de problèmes qui vont des conditions de sécurité dans les immeubles, au contenu des activités culturelles des centres de jeunes, reproductrice de l’idéologie dominante (…), ce sont pour des millions d’hommes les longues heures harassantes de transport, le matin et le soir (…) impuissants dans un flot de voitures immobiles où les moteurs tournent et se dépensent (…) c’est aussi le temps fractionné de la journée, la séparation fractionnelle des différentes activités (…)», voir Manuel CASTELLES, Luttes urbaines, Ed. Maspero, Paris 1975, p. 8. Voir aussi à ce propos H. LEFEVBRE, La révolution Urbaine, Ed. Gallimard, Paris, 1970, ou encore, D. HARVEY, Villes rebelles, du droit à la ville à la révolution urbaine, Ed. Buchet Chastel 2015.

    [4] Voir pour cette «paix froide» Akram Belkaid, http://www.courrierinternational.com/article/2009/04/09/un-differend-qui-n-a-que-trop-dure.

    [5] Voir sur cette question Y. TEMLALY, L’avenir du capitalisme marocain se joue aussi en Algérie, http://www.maghrebemergent.com/contributions/opinions/

    [6] Voir aussi, comme texte de référence sur l’évolution de la question sociale et politique au Maghreb, Ramdane MOHAND ACHOUR, La nouvelle Etoile nord-africaine, Libre-Algérie.