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  • « 1967 Une agression planifiée depuis longtemps par Israël » (Dossier)

    Alain Gresh Spécialiste du Proche-Orient, directeur de la revue Orient XXI
    Alain Gresh Spécialiste du Proche-Orient, directeur de la revue Orient XXI
     

    Guerre des Six-Jours. Dans un entretien, Alain Gresh évoque le climat qui règne alors en France et la position de De Gaulle, qui, contre tous les partis à l’exception du PCF, condamne l’attitude de Tel-Aviv.

    Le 5 juin 1967 éclatait ce qu’on a ensuite appelé la guerre des Six-Jours. Dans quel contexte se produisent ces événements ?

    Alain Gresh Personnellement, je n’utilise pas le terme de guerre des Six-Jours parce que c’est un terme israélien qui renferme un certain mépris vis-à-vis des pays arabes. En 1967, on est en pleine guerre froide, en pleine guerre du Vietnam.

    C’est un affrontement soviéto-américain et, au Proche-Orient, un affrontement politique entre un courant nationaliste-révolutionnaire, représenté par Nasser en Égypte et le parti Baas en Syrie, et les pays arabes réactionnaires représentés par l’Arabie saoudite d’un côté et Israël de l’autre.

    La guerre israélo-arabe de 1948 s’est terminée par des accords d’armistice, pas par des accords de paix. Il y a des conflits permanents notamment entre Israël et la Syrie dans la zone démilitarisée. En 1966, une fraction radicale du parti Baas a pris le pouvoir à Damas, qui proclame la nécessité de libérer la Palestine. Ce qui inquiète les Israéliens. Les tensions sont fortes, l’aviation israélienne abat des avions militaires syriens. C’est donc une période particulièrement tendue et l’Égypte de Nasser décide de fermer le détroit d’Akaba et de demander le retrait des troupes de l’ONU qui stationnent là depuis la guerre de 1956. Jusqu’en 1956, ce détroit était fermé aux navires israéliens.

    Un des résultats de la guerre de 1956, une guerre d’agression israélo-franco-britannique, est d’obtenir l’installation des forces des Nations unies qui permettent, entre autres, le passage des navires israéliens. Dans le cas de cette escalade entre Israël et les pays arabes, Nasser demande à l’ONU de retirer partiellement ses troupes. En fait, elles vont être retirées totalement. En solidarité avec la Syrie, le président égyptien va faire entrer une partie de son armée dans le Sinaï.

    À partir de là, il va y avoir une campagne de presse, notamment en France, disant qu’Israël est encerclé.

    Et, le 5 juin 1967, Israël détruit au sol l’aviation égyptienne et syrienne, ce qui est le déclenchement des hostilités. Au départ, les Israéliens affirment que ce sont les Égyptiens qui ont attaqué. France Soir titre même sur l’attaque égyptienne et l’on sait aujourd’hui que c’est faux. Mais l’argument qui va prévaloir est qu’Israël était menacé d’extermination. En France, il y a une véritable émotion autour de cette question. On assiste à de grandes manifestations de soutien à Israël. Or on sait par les archives et les déclarations des généraux israéliens qu’à aucun moment ils n’ont cru qu’ils étaient menacés d’extermination ! C’est une guerre qu’Israël a planifiée depuis très longtemps pour reconquérir Jérusalem et l’ensemble de la Palestine historique. L’armée égyptienne est vaincue très rapidement, l’armée syrienne aussi. Israël sort grand vainqueur de cette guerre, a la main sur la Palestine historique, occupe le Golan et le Sinaï.

    Un des résultats de cette guerre de 1967, n’est-ce pas le lancement d’une politique de colonisation des territoires palestiniens par Israël ?

    Alain Gresh Ce qui est caractéristique de la politique sioniste depuis ces années, c’est la politique du fait accompli. L’idée fondamentale est que toute la Palestine est juive, donnée par Dieu. Même pour des gens qui sont des laïques et des athées. Ensuite, ils jouent avec le rapport de forces. Dès qu’ils le peuvent, ils font un pas en avant. C’est comme ça que la colonisation s’est développée après 1967. Il faut rappeler qu’il existait déjà une politique de colonisation interne à l’égard de la minorité arabe israélienne notamment par la confiscation des terres. Ça va se développer petit à petit en Cisjordanie et dans le Golan. Au départ, des raisons militaires sont invoquées mais, très vite, les colonies se répandent. Pour les travaillistes qui sont au pouvoir de 1967 à 1977, il y a l’idée qu’il faudra un accord avec la Jordanie. Après 1977, avec l’arrivée au pouvoir de la droite et de Menahem Begin, la colonisation va se poursuivre pour ne plus s’arrêter.

    En 1967, au moment de la guerre, les pays occidentaux soutiennent Israël, mais la France se démarque de cette position ?

    Alain Gresh C’est une décision prise essentiellement par le général de Gaulle. Durant la crise qui a précédé la guerre, la France essaie de jouer les médiateurs. De Gaulle reçoit des émissaires arabes à qui il demande de ne pas déclencher le conflit et fait de même avec le ministre israélien des Affaires étrangères. Et quand Israël déclenche quand même le conflit, la France, ou plutôt de Gaulle, va condamner. Il va décréter un embargo sur les armes. Ce qui est important puisque, jusqu’en 1967, la France est le principal fournisseur d’Israël, notamment des Mirage. En même temps, pour montrer qu’il n’est pas anti-israélien ou antisioniste, il va fournir les pièces de rechange à l’aviation israélienne. Il condamne car il pense que c’est une guerre d’agression qui va rendre plus compliquée la situation dans la région. L’histoire va lui donner raison. Il le fait contre l’opinion publique et contre l’ensemble de la classe politique, y compris les gaullistes qui sont pour la plupart pro-israéliens, à l’exception du Parti communiste français (PCF), qui est le seul à mettre en garde et à dénoncer la politique israélienne.

    Ce revirement de la politique française est-il de circonstance ou est-ce un véritable changement dans la durée ?

    Alain Gresh Il faut prendre en considération la vision de De Gaulle sur la Méditerranée et les relations avec le monde arabe. Dès la fin de la guerre d’Algérie, il va faire un effort pour développer les relations avec l’Algérie indépendante, avec l’Égypte de Nasser… Évidemment, il considère aussi les intérêts économiques et politiques de la France. Il ne voit pas seulement le cas israélien. Sinon, une fois de Gaulle parti, cette politique aurait changé. Or une des choses étonnantes est que, globalement, avec des nuances, la politique qu’il lance en 1967 va être celle de ses successeurs, indépendamment des sensibilités des uns et des autres. Il est vrai que lorsque Mitterrand arrive à la présidence, les Israéliens ont beaucoup d’espoirs sur l’amélioration des relations. Ce sera le cas mais ça ne changera rien fondamentalement. Giscard a ainsi inscrit dans le marbre une politique avec la déclaration de Venise. C’est une déclaration faite en 1980 par les six pays européens qui fixe deux principes pour toute solution : le droit à l’autodétermination des Palestiniens et la négociation avec l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Cela va rester même sous Mitterrand, malgré son syndrome pro-israélien. Ce sont ces principes qui vont permettre la négociation entre Israéliens et Palestiniens. Ce qui montre le rôle que la France peut jouer politiquement en fixant des orientations qui correspondent aux principes du droit international. C’est ce qui, à l’époque, explique le rayonnement de la France dans la région.

    On a néanmoins le sentiment que, depuis, il y a un véritable rapprochement de la France vis-à-vis de la politique israélienne…

    Alain Gresh Il y a un véritable tournant qui commence après 2003, même si Chirac reste sensible à la question palestinienne. Mais, avec Sarkozy et Hollande, on assiste à ce que j’appelle un « tournant silencieux ». Les responsables français affirment que la politique n’a pas changé : pour un État palestinien, condamnation de la colonisation… Mais, en fait – et c’est nouveau –, on développe les relations bilatérales avec Israël comme si la question de la Palestine n’existait pas. Avant, ces relations bilatérales dépendaient, d’une certaine manière, de ce qu’Israël faisait en Palestine. Nicolas Sarkozy disait que, pour avoir une influence, il fallait être gentil avec Israël. Mais, à la fin de son mandat, il a reconnu que cette politique était une erreur en traitant Benyamin Netanyahou de menteur. François Hollande est allé encore plus loin dans cette politique avec cette fameuse rencontre avec Netanyahou et son chant d’amour pour Israël (allusion à une soirée privée dont on a néanmoins pu voir des images sur YouTube, très certainement postées par les Israéliens, où l’on voit le président français dire son « amour » pour Israël – NDLR). En fait, c’est le retour à l’idée occidentale, à l’Otan. Israël fait partie du camp occidental, nous sommes en guerre contre l’islam et le terrorisme, et Israël est notre allié. Une argumentation que l’on retrouve aussi bien à droite (LR) qu’au PS. Là est le véritable tournant. Il est presque difficile à combattre parce que l’idée qui est développée est de laisser Palestiniens et Israéliens négocier seuls. Comme si au moment de l’invasion du Koweït par l’Irak on avait dit que l’émir koweïtien devait négocier seul avec Saddam Hussein. Et puis, il y a cette capitulation de la France. Nous sommes dans l’Otan, nous n’avons jamais été aussi suiviste des États-Unis. De Gaulle a pourtant montré que la France pouvait avoir une volonté politique et jouer un rôle.

     
    Entretien réalisé par Pierre Barbancey
    Mercredi, 7 Juin, 2017
    L'Humanité

    http://www.humanite.fr/

    Un chant d’amour et une bande dessinée

    Sans doute inspirés par les déclarations de François Hollande qui, en privé, a déclamé son amour pour Israël devant Benyamin Netanyahou, Alain Gresh et Hélène Aldeguer viennent d’éditer un ouvrage assez remarquable, car il propose en même temps une bande dessinée de qualité et un texte aussi didactique qu’agréable. Même ceux qui pensent connaître cette histoire, qui s’étend de 1967 à 2017, sont étonnés de découvrir des informations assez peu révélées. Comme par exemple cette chanson commandée à Serge Gainsbourg mais jamais enregistrée, dans laquelle il affirme être prêt à aller se battre pour Israël ! Plus sérieusement, on se plongera dans l’atmosphère d’une époque pas si révolue. Un livre à mettre entre toutes les mains.

    Lire aussi:

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    A 50 ans de la Guerre des Six Jours (Julien Salingue Npa)

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  • Égypte : inflation, répression et… Rafale (Lutte Ouvrière)

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    La nouvelle ministre des Armées, Sylvie Goulard, s’est rendue au Caire le 5 juin pour représenter les intérêts des marchands de canons français.

    Le service après-vente concernant les 24 Rafale, la frégate Fremm et les deux porte-hélicoptères Mistral, pour plus de 6 milliards, demande en effet au minimum la visite de courtoisie d’un membre du gouvernement créancier, après l’élection du nouveau président.

    Après l’Inde, l’Égypte est en effet le deuxième client pour ces engins de mort à 101 millions d’euros pièce, à égalité avec le Qatar. Entretenir les relations avec la clientèle, c’est ce qu’avaient fait Sarkozy et Hollande, c’est ce que continue Macron. L’ex-maréchal Sissi, qui dirige l’Égypte d’une main de fer, a d’ailleurs fait état d’une conversation téléphonique au cours de laquelle Macron lui-même, présentant comme il se doit ses condoléances suite à l’attentat de Daech contre les chrétiens coptes d’al-Minya, aurait mentionné l’urgence de la coopération entre les deux pays face au terrorisme.

    En fait, les 30 morts d’al-Minya ont surtout servi d’occasion aux deux chefs d’État pour renouveler les paroles hypocrites qui recouvrent un renouvellement d’alliance diplomatique. Dans le jeu du Moyen-Orient, la bourgeoisie française tient à garder en main une carte égyptienne, comme elle le fait depuis longtemps, en concurrence avec la Grande-Bretagne et bien sûr les États-Unis. L’évolution des rapports de force entre puissances régionales exige cette réaffirmation, du point de vue des intérêts de l’impérialisme français.

    Mais, du point de vue des intérêts des 90 millions d’Égyptiens, la visite de la ministre a dû passer d’autant plus inaperçue que les préoccupations sont ailleurs : l’inflation a atteint en avril le taux de 33 %, et 44 % pour les produits alimentaires, auxquels la majeure partie des familles populaires consacrent près de la moitié de leurs revenus. La récente mise en place de la TVA et la baisse des subventions sur les carburants ont aggravé le problème, et il est question, pour répondre aux demandes de réformes du FMI, d’une nouvelle diminution de ces subventions.

    Il n’est donc pas étonnant que, fréquemment, des travailleurs entrent en lutte pour réclamer des salaires en retard ou bien des renouvellements de contrats avec davantage d’heures. Le 4 juin, 32 travailleurs de la Compagnie des ciments de Tourah, au sud du Caire, ont été condamnés à trois ans de prison au cours d’un simulacre de jugement. Ils avaient participé depuis le 15 mai à des sit-in pour des contrats à plein temps. Une pétition de soutien, présentée par plusieurs syndicats indépendants du pouvoir et quelques personnalités de l’opposition politique, circule tant bien que mal. Une loi d’août 2015 « contre le terrorisme » favorise la répression des manifestations, et permet en particulier de qualifier de criminelle toute grève ouvrière. L’interdiction récente d’accéder à un site Internet d’information indépendant du pouvoir, celui de Mada Masr où les débrayages et protestations ouvrières étaient relatées, va dans le même sens.

    Cela n’empêche apparemment pas Mme Goulard de dormir et encore moins de faire faire des affaires à Dassault, DCNS et Thales.

    Viviane LAFONT 07 Juin 2017
     
  • Crise entre les monarchies réactionnaires du Golfe Campagne d’isolement du Qatar (Essf)

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    Le 4 juin, l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabe Unis et l’Egypte (suivis, quelques heures plus tard, par Bahreïn, le Yémen, les Maldives, la Mauritanie et le gouvernement dissident libyen) ont rompu leurs relations avec l’émirat du Qatar

    pour les liens qu’entretient, selon eux, Doha avec “des organisations terroristes et des groupes confessionnels cherchant à déstabiliser la région, parmi eux les Frères musulmans, l’Etats Islamique, et al-Qaïda », sans oublier le maintien de relations avec la République Islamique d’Iran, malgré des divergences.

    La crise intervient en effet une semaine après une vive polémique suscitée par des propos attribués à l’émir du Qatar, le cheikh Tamim ben Hamad al-Thani, où il aurait critiqué la volonté de Riyad d’isoler diplomatiquement l’Iran tout en prenant la défense du Hezbollah et des Frères musulmans, tous deux considérés comme des groupes terroristes par Riyad. Doha a par été ailleurs exclu de la coalition militaire arabe mené par Ryad contre l’alliance des Houtistes, soutenu par l’Iran et de l’ancien dictateur Ali Abdallah Saleh, tandis la diffusion des médias qataris, comme al-Jazeera, ont été interdits dans la majorité des pays ayant rompu leurs relation avec le Qatar.

    Quelques jours après, l’Arabie saoudite et ses alliés, avaient publié une liste de “terroristes” soutenus, selon eux, par Doha. Cette liste répertoriait 59 personnes et 12 entités “liées au Qatar et au service d’un programme politique suspect du Qatar”. Parmi elles figuraient des responsables ou des organisations originaires d’Egypte, du Bahreïn ou de la Libye, comme le leader spirituel des Frères Musulmans et d’une association de religieux sunnites, Youssef al-Qaradawi. Les Etats arabes du Golfe n’ont émis aucune demande publique au Qatar, mais une liste qui a circulé comprend la rupture des relations diplomatiques avec l’Iran, l’expulsion de tous les membres du mouvement palestinien du Hamas et du mouvement des Frères musulmans, le gel de tous les comptes bancaires des membres du Hamas, la fin du soutien aux “organisations terroristes” et la fin de l’ingérence dans les affaires égyptiennes.

    L’émir du Qatar, M. Al-Thani, a assuré que son pays pouvait tenir “éternellement” malgré les sévères restrictions aériennes et maritimes imposées par ses voisins et la fermeture par l’Arabie saoudite de sa seule frontière terrestre, par lequel transite 40% de son approvisionnement alimentaire. Le riche émirat a par ailleurs affirmé qu’il était en mesure de garantir ses accords de livraison de gaz naturel liquéfié (GNL) et de pétrole, qui lui procurent plus de 90% de ses recettes. Une semaine après le déclenchement de la crise, le Qatar rejetait à nouveau toutes les accusations et affiché sa volonté de ne pas fléchir sous la pression. Le ministre qatari des Affaires étrangères cheikh Mohammad ben Abdel Rahman Al Thani, en tournée européenne pour “informer” les pays “alliés et amis” de la crise, a dénoncé les mesures “iniques” et “illégales” imposées par des pays du Golfe et l’Egypte à son pays. Le ministre a également nié les allégations de soutien au mouvement des Frères musulmans et ne comprenait pas pourquoi il fallait rompre les relations politiques avec le Hamas, puisqu’il s’agissait d’un mouvement de résistance et non d’un groupe terroriste comme le ministre des affaires étrangères saoudien avait déclaré. Le Qatar cherche néanmoins à trouver des soutiens internationaux pour rompre son isolement et a appelé à “un dialogue ouvert et honnête” avec l’Arabie Saoudite pour sortir de cette crise.

    Depuis la campagne d’isolement du Qatar, l’Iran s’est empressé d’envoyer des tonnes de produits alimentaires depuis une semaine à l’émirat du Qatar. Téhéran a envoyé cinq avions chargés de 90 tonnes de fruits et légumes, et 350 tonnes de fruits et légumes ont également été chargées sur trois petits bateaux. La Turquie de son côté a accéléré l’envoi de troupes militaires, augmentant le nombre de soldats dans l’émirat de 100 à 3000 soldats, prévues depuis longtemps dans l’émirat. Le président turc Erdogan a également déclaré le 13 juin que les mesures d’isolements contre le Qatar sont une violation des valeurs islamiques.

    Cette crise provoque l’embarras de nombreux pays étrangers, dont les Etats-Unis malgré les déclarations du président états-unien Trump au début de la crise soutenant la position saoudienne contre le Qatar, qui hébergent la plus grande base aérienne américaine dans la région, forte de 10.000 hommes et siège du commandement militaire américain chargé du Moyen-Orient. Cette base est cruciale pour le combat de la coalition internationale menée par les Etats Unis contre le groupe EI en Syrie et Irak. Des efforts diplomatiques impliquant Washington, Paris et Koweït se sont intensifiés pour contenir la crise dans le Golfe.

    Gonflés par la visite de Donald Trump il y a peu à Riyad, où le président américain s’est complètement aligné sur la doctrine saoudienne visant à endiguer l’Iran dans la région, les Saoudiens en profitent pour faire le ménage au sein de leur camp contre tout état ne suivant pas complètement sa ligne politique. Le Qatar a poursuivi sa propre politique régionale depuis longtemps, renforcé par un coup d’état en 1995 par le Sheikh Hamad bin Khalifa al-Thani, agaçant son voisin saoudien, mais ce sont les stratégies politiques différentes dans le cadre des processus révolutionnaires de la région débuté à la fin de l’année 2010 et début 2011 de l’Arabie Saoudite et de son allié des Emirats Arabes Unis d’un côté et du Qatar de l’autre qui ont progressivement fait éclaté ces tensions provoquant une crise sans précédent. L’Arabie Saoudite et ses alliés ont généralement soutenu les anciens régimes contre toute forme de protestation, à l’exception de la Lybie et de la Syrie (à cause de son alliance avec l’Iran et soutenant les formes les plus réactionnaires de l’opposition), tandis que le Qatar a soutenu le mouvement des Frères Musulmans et d’autres mouvements fondamentalistes islamiques contre les anciens régimes, à l’exception du cas du Bahrain où le Qatar comme le reste des monarchies du Golfe s’était opposé à la révolte populaire.

    Une première crise avait déjà éclaté en 2014 avec le retrait des ambassadeurs de l’Arabie Saoudite, des Emirats Arabes Unis, et du Bahrain du Qatar en Mars de cette année sous le prétexte que Doha menaçait la sécurité régionale. La crise s’était résolu par un accord entre ces différents états, mais les promesses du Qatar n’ont pas été respecté, comme l’arrêt du soutien au mouvement des Frères Musulmans et d’autres mouvements fondamentalistes islamiques dans la région, comme en Syrie ou en Lybie. C’est pourquoi aujourd’hui, l’Arabie Saoudite et ses alliés exigent un “engagement politique” du Qatar incluant le respect de promesses faites lors d’une première crise en 2014, ainsi qu’une “feuille de route” avec des “mécanismes clairs” de mise en œuvre. Il y avait néanmoins eu une forme d’apaisement entre le Qatar et l’Arabie Saoudite après l’arrivée au pouvoir en janvier 2015 du roi Salmane d’Arabie saoudite, moins hostile que son demi-frère Abdallah aux Frères musulmans. Au nom de l’unité d’un « camp sunnite », par opposition a un « camp chiite » mené par l’Iran, Riyad a arbitré les conflits entre Doha, Abou Dhabi et Le Caire, tandis que le Qatar participait à la coalition saoudienne au Yémen. La continuation de la politique indépendante du Qatar a eu raison de la patience du royaume saoudien.

    Dans cette crise politique entre états réactionnaires, il faut bien sûr dénoncer l’opportunisme politique et les mensonges de l’Arabie Saoudite et ses alliés dans leurs campagnes d’isolement et de pressions contre le Qatar. Ces Etats sont des dictatures qui répriment toute forme d’opposition. Ces Etats sont des dictatures qui répriment toute forme d’opposition. L’idéologie réactionnaire wahabite est promeut par le royaume saoudien à travers le monde, inspirant des groupes jihadistes, salafistes et fondamentalistes islamiques. Pour autant, cette réalité ne doit par contre nous mener à une forme d’idéalisation ou d’angélisme envers l’émirat du Qatar, qui est également une dictature promouvant la même idéologie réactionnaire wahabite.

    Malgrél ces divergences politiques, toutes ces dictatures ont un agenda contre révolutionnaire par leurs soutiens à des anciens régimes et ou des forces islamiques fondamentalistes. Toutes ces monarchies sont en opposition totale aux objectifs des soulèvements populaires pour la démocratie, la justice sociale et l’égalité et ne cherchent qu’à renforcer leurs intérêts politiques à travers le soutien à différents acteurs. Ryad et Doha soutiennent les deux des politiques impérialistes, néo-libérales et autoritaires, traitent la grande majorité de leurs travailleurs- euses, comme des esclaves modernes, particulièrement étrangers. Sans oublier une diffusion d’un discours confessionnel rivalisant de haine, tout en promouvant une vision rétrograde de la société et des droits des femmes.

    Face à cette crise entre états réactionnaires, souhaitons la chute de leurs élites et la libération des peuples de la région.

    Joseph Daher

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    Lire aussi:

    Dangereuses reconfigurations au Moyen-Orient (Révolution Permanente)

    Profil bas pour le Qatar, par Alain Gresh (Le Monde Diplomatique, juin 2016)

    Qatar et Arabie saoudite : crise entre deux alliés de l’impérialisme (Lutte Ouvrière)

     

  • Le “Hirak” dans le Rif marocain continue sa résistance et la contestation s’étends ! (ESSF)

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    Depuis plus de six mois, un mouvement de contestation populaire massif s’est développé dans la région du Rif au nord du Maroc, et a culminé par un rassemblement de plusieurs dizaines de milliers de manifestant·e·s à dans la ville de al-Hoceima le 18 mai dernier.

    Tout a débuté en octobre 2016 lorsqu’un jeune pêcheur, Mohsen Fikri, a été broyé dans une benne à ordures à al-Hoceima. Les populations locales du Rif se sont alors organisées dans des comités locaux, demandant le jugement des responsables de ce décès et de celui de cinq autres Rifains tués dans une agence de la Banque Populaire lors des manifestations populaires du 20 février 2011. Le mouvement de protestation réclame aussi la levée de la militarisation de la province d’al-Hoceima, l’arrêt des poursuites et du harcèlement contre les petits paysans, la libération de tous les prisonniers·ères politiques du Rif et l’augmentation et l’amélioration des services de santé, d’éducation, culturelles, et les infrastructures qui font défaut dans la région.

    Contre les politiques d’austérités

    Ces mobilisations sont le résultat de l’autoritarisme de la monarchie marocaine et surtout des politiques néolibérales destructrices au niveau social pour les classes populaires, encouragées et imposées par les institutions financières et commerciales internationales et les gouvernements des puissances impérialistes. Cela s’est en effet traduit par des politiques démolissant le tissu productif, par le pillage des ressources maritimes et forestières, la faiblesse des principaux services publics et l’absence d’emploi pour les jeunes.

    Ces dynamiques populaires sont également liées à la question Amazigh au Maroc, dont la région du Rif est peuplée. En plus de la justice sociale et la dignité, les manifestant·e·s demandent en effet que les services locaux de la fonction publique recrutent des habitant·e·s de la région, et l’adoption de l’amazigh comme langue de l’administration locale. Les autorités monarchiques ont en effet l’habitude d’envoyer des fonctionnaires et policiers d’autres régions du Maroc non Amazigh pour contrôler et intimider les habitant·e·s locaux, souvent en toute impunité. Le Rif a d’ailleurs des spécificités historiques, longtemps exclu par la monarchie, il a une longue histoire de résistance : de la création de la République du Rif avec Abdekrim el Khattabi, au soulèvement au lendemain de l’indépendance contre le pouvoir central, au cœur des révoltes contre les politiques d’ajustement structurel, particulièrement mobilisé durant le M20 Février. Le drapeau amazigh est d’ailleurs très présent dans les manifestations, associés aux slogans sociaux et démocratiques contre les autorités centrales de Rabat.

    L’Etat autoritaire marocain tente de son côté de réprimer et diffamer le mouvement de contestation pour qu’il ne soit pas suivi dans d’autres villes et régions du Maroc qui vivent dans les mêmes conditions de marginalisation, de paupérisation et de répression. Le pouvoir présente notamment les manifestant-es comme des « séparatistes » financés par l’étranger qui contestent l’autorité et l’intégrité territoriales. La répression est également très dure de la part des forces répressives et « balatgias » (voyous employés par le régime) contre les manifestant.es.

    Ces politiques répressives et autoritaires n’ont néanmoins pas permis de mettre fin au mouvement, qui s’étends même avec des discours et mobilisations de soutien en faveur du mouvement populaire dans le Rif à travers plusieurs villes du pays. Le 28 mai au soir, des rassemblements de solidarité ont eu lieu dans plusieurs villes (Tanger, Nador, Marrakech, M’diq), y compris devant le parlement à Rabat, avec le mouvement du Rif. Plus de 40 personnes du « Hirak » ont été arrêtées par les autorités depuis le début du mouvement du Rif, dont Nasser Zefzafi, le leader de la contestation populaire, incarcéré le 29 mai sous prétexte qu’il avait 3 jours plus tôt interrompu le prêche de l’imam à la mosquée qui accusait les manifestations d’apporter la « fitna » (discorde) dans le Royaume. Le soir même de son arrestation, près de 3000 manifestant·e·s réclamaient sa libération dans les rues d’al-Hoceima et « la liberté, la dignité et la justice sociale ». D’autres manifestations ont également eu lieu dans la région, plus précisément à Nador et dans les villes d’Atroukoute et Imzouren. Ce mouvement de contestation populaire s’est poursuivi toute la semaine.

    Le vendredi 2 juin, une grève générale a été lancée depuis la ville d’Al-Hoceïma à l’initiative du « hirak », contre les politiques autoritaires du gouvernement et la libération des activistes du mouvement incarcérés. La grève a été suivi dans plusieurs villes proche d’Al-Hoiceima. Les prêches officiels dans les mosquées ont également été boycottés dans al-Hoceima et ses environs. Cette journée fut marqué par de nombreux affrontements entre manifestant-es et forces répressive de l’état.

    Le 5 juin, c’était le tour de deux membres de premier plan du « Hirak » (mouvement) d’être arrêtés : Nabil Ahamjik, considéré comme le numéro deux du mouvement, et Silya Ziani, l’une des nouvelles figures des manifestations. Ces arrestations n’ont qu’attiser la colère de plusieurs milliers de manifestant-es qui continuent de se réunir chaque soir à Al-Hoceima et ses environs.

    La contestation est loin d’être finie, et la détermination des manifestant-es du Rif persiste. La solidarité se développe en même temps progressivement à travers le pays, malgré les tentatives de la monarchie marocaine d’empêcher tout effet boule de neige à travers le pays. L’extension est la clé de la réussite et de la survie du mouvement. On a notamment observé des manifestations et grèves dans plusieurs villes du pays ces derniers jours pour protester contre leurs marginalisations économiques et sociales. Le 6 juin, une grève et des manifestations ont par exemple eu lieu dans la ville de Imintanoute, proche de Marrakech, contre le coût élevé des factures d’eau et d’électricité qui ont augmenté de plus de 50 %, en plus d’autres revendications sociales et économiques comme la construction d’un hôpital. La contestation continuait dans la ville.

    Solidarité avec la lutte pour la liberté, la dignité et la justice sociale des classes populaires du Rif et du Maroc !

    Joe Daher mercredi 7 juin 2017

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    Lire aussi:

    Au Maroc, le «Hirak» des manifestants de la région du Rif gagne tout le royaume (Médiapart)