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  • Nouveautés sur Association France Palestine Solidarité

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  • Maroc. Le Hirak Errif – le Mouvement du Rif – poursuit sa lutte sociale et démocratique (Al'Encontre.ch)

    La ville de Al Hoceima, située dans le nord du Maroc

    Dossier

    Le vendredi 2 juin 2017, dans la bourgade d’Imzouren, à 20 km d’Al Hoceima, la capitale du Rif. Les manifestants réclamaient la libération du leader du mouvement, Nasser Zefzafi, ainsi que celle de plusieurs dizaines d’autres personnes. Des «affrontements» ont éclaté entre les jeunes et les forces antiémeute après la prière du vendredi, boycottée par le mouvement. [Voir sur l’essor du récent mouvement le dossier publié sur le site alencontre.org en date du 2 juin 2017:

    L’«Hirak» bouscule le «Makhzen».]

    Imzouren est la ville d’origine du leader du mouvement, Nasser Zefzafi, et elle est sous tension depuis son arrestation, lundi 29 mai. L’exaspération des manifestant·e·s de cette bourgade est due au fait que les forces de police empêchent régulièrement les militants du mouvement «Al Hirak» de se rassembler sur la place principale.

    En date du 3 juin, la publication Tel quel indiquait: «Dans un communiqué publié ce 3 juin, le parquet d’Al Hoceima annonce le transfert du dossier d’instruction de cinq personnes «arrêtées à Al Hoceima et placées en garde à vue pour leur implication présumée dans des crimes d’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat». Ces dossiers ont été transférés à la Cour d’appel de Casablanca suite à une décision de la Chambre criminelle près de la Cour de cassation. La même source précise que ces cinq personnes ont été transférées à la prison d’Oukacha à Casablanca.

    Parmi elles, le leader du mouvement de contestation du Rif, Nasser Zefzafi, qui a pu rencontrer des avocats de son comité de défense ce 3 juin au siège du Bureau national de police judiciaire (BNPJ). L’un d’entre eux, Abdessadak Elbouchattaoui, affirme que le chef de file du Hirak «est dans de bonnes dispositions physiques et mentales» dans un statut publié sur Facebook. Bien qu’il déplore «la violence physique» dont Nasser Zefzafi aurait fait l’objet à Al Hoceima, l’avocat affirme que la BNPJ de Casablanca s’est comporté avec son client dans le respect de la loi.

    Tel quel ma, du 3 juin 2017, indique que mardi 6 juin Abdelouafi Laftit, ministre de l’Intérieur, répondra aux questions des députés concernant la situation au Rif.

    Nous publions ci-dessous divers articles qui contribuent à saisir des facettes de cette mobilisation populaire dont le cours ne peut être détaché des soubassements socio-économiques et politiques qui ont nourri les «processus révolutionnaires de longue durée» dans un ensemble de régions – certes différentes – d’une même aire. (Rédaction A l’Encontre)

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    La question sociale, un facteur clé pour expliquer
    l’actuelle explosion de colère

    Dans El Watan du 1er juin 2017, Pierre Vermeren, spécialiste du Maroc, explique que la question sociale est un facteur à prendre en compte pour expliquer l’actuelle explosion de colère, indiquant que les seules ressources dont bénéficie la région (du RIF) «sont l’argent de l’émigration, de la contrebande et la culture et le trafic de haschich».

    Manifestation à Al Hoceima, la police intervient

    Malgré l’arrestation de Nasser Zefzafi, le leader du mouvement Hirak Errif [Le mouvement du Rif], la contestation ne faiblit pas dans le Rif marocain, où plusieurs milliers de personnes ont une nouvelle fois manifesté pacifiquement, mardi soir, contre l’«injustice» et la «marginalisation». Les manifestants ont exigé également la libération de Nasser Zefzafi, arrêté lundi par la police pour «atteinte à la sécurité intérieure». C’est aux cris de «Pacifique», «Nous sommes tous Zefzafi», «Dignité pour le Rif» et «Etat corrompu» que les protestataires ont envahi les rues proches du centre-ville d’Al Hoceima après la rupture du jeûne.

    Selon des médias présents sur place, «ils étaient plus nombreux que la veille à descendre dans le quartier Sidi Abed, où les forces antiémeute avaient pris position en grand nombre». La manifestation s’est finalement dispersée peu avant minuit sans incident. D’après des images diffusées sur les réseaux sociaux, d’importantes manifestations ont eu lieu également dans d’autres localités de la province, comme ce fut le cas à Imzouren et Beni Bouyaach.

    La contestation a touché aussi les grandes villes du royaume. A Rabat, un sit-in d’environ 200 personnes devant le Parlement a été violemment dispersé par les policiers. Scénario analogue à Casablanca, à proximité de la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ), où Zefzafi a été transféré. Les autorités marocaines craignent visiblement le phénomène de contagion, surtout que le contexte social est tendu dans plusieurs régions du pays.

    La peur de la contagion

    L’ancien porte-parole de Mohammed VI, Hassan Aourid, a pointé, dans un article publié cette semaine sur le site Al Aoual, «les erreurs et les tergiversations de l’Etat quant à la prise en considération de la situation économique, sociale et culturelle qui prévaut dans cette région depuis longtemps». Qualifiant de «légitimes les revendications des Rifains». Il a estimé nécessaire «d’amorcer un dialogue franc dans un climat de sérénité».

    Pour lui, cela «passe par la libération de tous les détenus et la levée de toutes les poursuites, puisque ces individus ont exprimé des revendications sociales et politiques et ne sont en aucun cas des criminels». M. Aourid a insisté sur le fait, en outre, que «dans un Etat qui se veut démocratique et moderne, il ne faut en aucun cas donner la primauté au sécuritaire aux dépens de la loi et de la justice».

    Une partie de la classe politique marocaine partage ce point de vue. Les antennes à Al Hoceima de trois partis, dont celle du PJD (Parti de la Justice et du développement) au pouvoir, ont d’ailleurs publié un communiqué commun, s’alarmant d’une «situation grave» et désapprouvant «l’approche sécuritaire de l’Etat».

    A la question de savoir si l’arrestation des leaders du mouvement Hirak Errif peut porter un coup d’arrêt à la contestation qui dure depuis plus de 6 mois, le chercheur Pierre Vermeren, de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, a fait remarquer, dans un entretien accordé mardi au quotidien français Libération, que les autorités marocaines ont choisi d’effectuer leur coup de filet au premier jour du Ramadhan, un mois de nervosité propice aux débordements. «Je vois deux scénarios possibles. Privé de ses meneurs, le mouvement peut doucement s’essouffler. Ou au contraire, il peut déraper et basculer dans la violence. Au moindre incident, la situation peut dégénérer. Depuis toujours, le Palais surveille le Rif comme le lait sur le feu», avertit-il. Pierre Vermeren rappelle que «la province est hyper-militarisée».

    Le spécialiste français du Maroc note que «pour l’instant, la mobilisation reste cantonnée à Al Hoceima, qui est somme toute une petite ville de province», estimant toutefois que «si elle devait s’étendre aux grandes villes du Nord, en particulier Nador, peut-être trois fois plus grande et mal contrôlée par la police, les autorités commenceraient à paniquer».

    «Hassan II a puni le Rif»

    Pierre Vermeren souligne que la question sociale est un facteur à prendre en compte pour expliquer l’actuelle explosion de colère, indiquant que les seules ressources dont bénéficie la région «sont l’argent de l’émigration, de la contrebande, et la culture et le trafic de haschich». Pour le chercheur français, la responsabilité de la situation actuelle incombe en premier lieu à Hassan II qui a privé de manière systématique le Rif de programmes de développement.

    «C’est en grande partie de la responsabilité de Hassan II, car après la Révolte du Rif de 1958-1959 et sa répression extrêmement brutale, le roi a puni la région pour avoir osé se soulever contre l’Etat marocain. Il ne s’y est pas rendu une seule fois, il ne lui a laissé aucun investissement. La seule porte de sortie, c’était la culture du kif, dont le privilège avait été accordé par le père de Hassan II aux Rifains», indique-t-il.

    Pierre Vermeren révèle en outre que «le trafic va croître, l’implantation va devenir gigantesque: il y a aujourd’hui des dizaines de milliers d’hectares, qui nourrissent 800 000 paysans». 

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    Au cœur de la Révolte du RIF

    Par Djamel Alilat

    Un reportage au Rif dans El Watan en date du 1er juin 2017.

    Partir à la rencontre des animateurs du Hirak (Le mouvement), les artistes, les intellectuels, les pêcheurs, les montagnards et les citoyens de cette vaste région pour rendre compte des réalités socio-économiques et politiques de cette région frondeuse.

    Raconter le combat de la population rifaine pour la liberté, la dignité et plus de justice sociale. Quand je propose cette idée aux responsables de mon journal, ils sont tout de suite enthousiasmés. «Tu connais bien le Maroc pour y avoir réalisé des reportages et tu y comptes beaucoup d’amis et de connaissances, donc tu es bien placé pour faire ce reportage. Vas-y», me dit-on.

    • Aéroport international de Casablanca, fin d’après-midi du jeudi 26 mai. Le policier de la PAF (Police aux frontières) marocaine ne me pose qu’une seule question: «El Watan, c’est un quotidien ou un hebdo?» Sur ma fiche de contrôle, j’avais coché «tourisme» quant aux motifs de ma visite pour éviter d’être prié de me rendre dans un bureau de la PAF pour m’expliquer longuement.

    Les formalités expédiées, je m’achète une «puce» (carte SIM) marocaine pour communiquer plus facilement avec les amis qui m’attendent et qui, justement, me demandent de venir directement à Rabat au lieu de séjourner à Casa, comme je l’avais prévu. «Prends le train directement de l’aéroport et viens sur Rabat. T’as une heure et demie de route», me dit-on. Décision est donc prise de prolonger vers Rabat.

    Arrivée vers 20h dans la capitale marocaine et première discussion dans un café non loin de la gare avec des militants et des journalistes. On me donne tous les contacts qu’il me faut dans toutes les localités que j’ai décidé de visiter. Je tiens à rencontrer Nasser Zefzafi, le leader du Hirak, mais également à me rendre à Nador, Al Hoceima, Tanger puis dans deux ou trois villages, dont Ajdir où repose l’immense Abdelkrim El Khettabi, alias «Moulay Mhand», l’icône du Rif. [Dirigeant d’un mouvement de résistance contre la France et l’Espagne au Maroc lors de la guerre du Rif entre 1921 et 1926, avec intervention de l’armée espagnole en 1925-1926; il est décédé en 1963 au Caire.]

    • On me promet un rendez-vous avec Zefzafi, mais ce ne sera pas facile, car le makhzen [le réseau de pouvoir «autour» du roi] et ses relais accusent ouvertement le mouvement d’être manipulé par Alger. S’afficher avec un Algérien, même journaliste indépendant, revient à s’exposer à cette redoutable accusation. Les militants me demandent d’être très prudent et décision est prise d’éviter les hôtels pour ne s’appuyer que sur les activistes, les amis et les connaissances.

    • La première nuit est passée chez Mounir Kejji, activiste et militant infatigable du mouvement amazigh [voir article ci-dessous]. La vie de Mounir n’est qu’une suite de combats et sa maison un véritable musée où les livres, les journaux et les revues montent en piles imposantes jusqu’au plafond. Il possède des collections complètes d’œuvres de chanteurs, comme Matoub Lounes et Aït Menguellet, tous les livres d’histoire qui parlent des Berbères où qu’ils se trouvent. Après un bac anglais et des études de droit à l’université, l’enfant de Goulmima s’est engagé corps et âme dans un combat multiple. Journaliste amateur, il collabore à des publications périodiques et des livres et réalise des documentaires. Mounir est partout.

    • Justement, il est à Al Hoceima, ce 28 octobre 2016, lorsque le malheureux poissonnier Mohcine Fikri se fait écraser dans une benne à ordures pour avoir voulu récupérer une partie de la marchandise que la police lui avait confisquée avant de la jeter dans la poubelle. C’est le point de départ de la grande révolte du Rif qui dure jusqu’à ce jour.

    Originaire d’Imzouren, à 18 kilomètres d’Al Hoceima, le papa de Mohcine est un militant du PJD, parti islamiste au pouvoir. Au père qui s’exprimait un peu trop dans les médias, au goût des autorités, le Premier ministre de l’époque, Abdelilah Benkirane, envoie un message verbal par des émissaires. «Enterre ton fils et tais-toi!» Il lui fait comprendre que le Maroc qui préparait la COP 22, un événement mondial, devait se passer de toute mauvaise image qui pouvait écorner la belle image qu’il tentait soigneusement de donner.

    «Il y a eu une grande marche de 18 kilomètres de la morgue d’Al Hoceima jusqu’au domicile de Mohcine Fikri. Au départ, on demandait que les responsables de cette tragédie soient jugés, puis, petit à petit, des revendications sociales sont venues se greffer sur cette demande et un noyau de dirigeants a émergé», raconte Mounir Kejji. Toutes les rancœurs et les frustrations longtemps contenues dans cette région berbérophone, qui rappelle à bien des égards la frondeuse Kabylie, se sont réveillées.

    • D’Al Hoceima, la révolte s’est propagée dans tout le Rif. «Plutôt que de répondre aux revendications légitimes de la population par le dialogue et la concertation, le pouvoir accuse les membres du Hirak d’être des séparatistes, des sécessionnistes, d’être manipulés par des mains étrangères», poursuit Mounir. Le feu de la révolte des Rifains couvait toujours, même après sept mois d’un combat de rue pacifique et citoyen. Le makhzen, qui comptait sur un essoufflement à long terme, cherche à présent à rattraper le temps perdu en envoyant une flopée de ministres en visite dans le Rif. Leur visite sera un flop retentissant.

    • Dans l’après-midi du vendredi, le lendemain de mon arrivée, les choses se précipitent brutalement à Al Hoceima. L’incident de la grande prière qui a vu Zefzafi répondre à l’imam, qui avait passé l’essentiel de son prêche à vilipender le Hirak, met le feu aux poudres. La presse du makhzen s’en donne à cœur joie. Un journal va jusqu’à faire le parallèle entre Zefzafi et Al Baghdadi, l’émir de Daech, qui avait un jour proclamé le califat dans une mosquée de Mossoul. Les couteaux sont désormais tirés et l’ordre est lancé: il faut coûte que coûte en finir avec cet insurgé de Zefzafi et son mouvement qui défient les autorités.

    • Train de nuit vers Nador. Je débarque avec les premières lueurs du jour dans une ville endormie un premier jour de Ramadhan. Je ne rencontre mon contact qu’à 11h. Pour les activistes du Hirak, il faudra attendre la soirée, après le ftour [rupture du jeûne lors du ramadan]. Mon projet est de partir à Al Hoceima le plus rapidement possible, mais la répression qui s’est abattue sur les militants du Hirak fait que la plupart se cachent ou sont étroitement surveillés par les services.

    Djamel Alilat

    • La patience est de mise. Je passe donc le dimanche, soit un jour de plus que ce qui était prévu, à Nador. Dans la soirée de samedi, je rencontre les activistes de Nador dans un café. Pour ces animateurs, dont la plupart viennent de la mouvance amazighe, la seule chose qui a changé par rapport à la répression qui s’est abattue sur leur mouvement est qu’il y a désormais une revendication de plus dans l’agenda déjà bien étoffé qu’ils présentent au gouvernement: la libération des détenus.

    «Pour nous, c’est juste une revendication de plus pour toutes ces arrestations. Nous sommes plus que jamais déterminés à poursuivre notre combat», souligne Saïd Fannich, animateur du Hirak dans la ville de Nador. Pour eux, la priorité est désormais de défendre les détenus en constituant des collectifs d’avocats, élaborer une nouvelle stratégie de lutte qui s’adapte à la répression et aux arrestations puis continuer à mobiliser la rue tout en informant l’opinion publique nationale et internationale.

    • Dans la journée de dimanche, un appel est lancé pour un rassemblement sur la place publique à 22h après les prières du Tarawih. Pour moi, c’est l’occasion de voir enfin le Hirak sur le terrain. Je décide d’y aller et d’observer de loin. A l’heure convenue, les citoyens commencent à se rassembler. Quand ils deviennent assez nombreux, ils s’organisent très vite. On sort les mégaphones, les banderoles et les drapeaux. Hommes et femmes se donnent la main pour former une haie autour des animateurs qui évoluent dans un grand espace. L’ambiance monte très vite.

    • A tour de rôle, les animateurs lancent des slogans que la foule reprend en chœur. «Houria, karama, adala ijtimaâiya!» (Liberté, dignité et justice sociale), «Nous sommes tous Zefzafi!» scande la foule. Fustigé en termes acerbes, le makhzen en prend pour son grade. L’ambiance est tellement chaude que j’en oublie les consignes de sécurité que je m’étais fixées pour commettre une erreur de débutant. Je me dis que je n’aurais peut-être pas l’occasion de faire des photos de manifestation et il m’en fallait absolument quelques-unes pour illustrer mon reportage.

    Au début, je demande à mon contact de me prendre quelques photos, mais il me dit: «Vas-y donc. N’aie pas peur.» Je prends deux ou trois photos avec mon téléphone, puis je sors carrément mon appareil photo et je fais quelques prises. Je n’arrive pas toujours à capter les slogans en derja marocaine et en tamazight du Rif, alors je fais deux ou trois courtes vidéos afin de décortiquer plus tard, tranquillement, ces fameux slogans.

    • C’est probablement à ce moment-là que les services me repèrent. Au bout d’une heure, le rassemblement se transforme en marche qui s’ébranle à travers les rues de la ville. Je décide de rentrer. Je regarde, de loin, la manif grossir, lorsque trois hommes en civil m’accostent pour me demander mes papiers avant de m’embarquer dans un fourgon. Direction le commissariat. Dans un minuscule bureau, ils sont quatre ou cinq policiers autour de moi.

    A vérifier le contenu de mon sac, ma sacoche, mes papiers, mon téléphone et tout ce qui leur tombe sous la main. Je décline mon identité et ma profession et leur dis que je réalise un reportage sur le Hirak du Rif. Les policiers sont indignés: un journaliste algérien qui réalise un reportage sur le Rif!! «Qu’est-ce que tu en as à faire du Rif? Occupez-vous de vos problèmes et ils sont assez nombreux!! Allez balayer devant votre propre porte!!», crie l’un d’eux.

    Les questions vont se succéder jusqu’au matin. Dans un premier temps, ils croient avoir attrapé un espion algérien venu apporter des fonds et des instructions pour déstabiliser le Maroc. «Je ne crois pas que tu sois un journaliste. Si tu l’es, pourquoi ne pas avoir demandé une autorisation pour travailler?» me dit celui qui a l’air d’être leur chef. J’explique que j’étais déjà venu faire des reportages au Maroc.

    Que lors du mouvement du 20 février, j’avais pris contact avec le ministère de la Communication marocain sis à Rabat Agdal. Au bureau des journalistes étrangers dans lequel je m’étais rendu, on m’avait expliqué que les autorisations n’étaient délivrées que pour les télévisions et les journalistes qui se fixaient au Maroc en tant que correspondants d’une chaîne ou d’un journal. J’avais travaillé et réalisé des reportages à Rabat et Casablanca sans aucune autorisation et sans être inquiété le moins du monde. Je leur explique également que si j’avais su qu’une autorisation était nécessaire, je l’aurais demandée et travaillé en toute quiétude.

    Mes carnets de notes sont décortiqués et analysés. Quand, bien entendu, ils arrivent à déchiffrer ma technique de prise de notes qui n’a pas grand-chose à envier à l’écriture d’un médecin rédigeant une ordonnance. Ils scannent tout et vérifient alors que je suis soumis au même feu roulant de questions sur ma filiation, mon parcours journalistique, mes relations avec les citoyens marocains que j’ai rencontrés, mes déplacements, etc.

    Les policiers sont néanmoins polis et courtois. Passé les premiers moments de tension, ils ne vont à aucun moment outrepasser leurs prérogatives. A l’aube, je suis transféré dans un autre commissariat vide, où un policier que l’on venait visiblement de tirer de son sommeil allait devoir rédiger un long rapport. A la fin, on me demande de le lire et le signer. Je ne m’y oppose pas du moment que cela reflète fidèlement mes déclarations. On me signifie que mes deux téléphones, mon dictaphone, mon appareil photo et une clé USB sont saisis sur ordre du juge.

    • Je suis également autorisé à passer un coup de fil pour prévenir une de mes relations que j’ai été arrêté. Je leur demande de prévenir l’ambassade d’Algérie, puis j’appelle Mounir Kejji pour l’informer de mon arrestation. Retour au premier commissariat. Je vais rester là toute la journée jusqu’à minuit en face de deux portraits de Mohammed VI dont l’un semble me narguer et l’autre me souhaiter la bienvenue en son royaume.

    • Vers 6h du matin, on ramène dans le bureau où je me trouve un jeune Algérien. Pâle et amaigri, il tient à peine debout sur ses jambes. Je lui cède le banc pour qu’il puisse s’allonger un peu. En l’interrogeant, j’apprends que c’est un jeune harrag [migrant clandestin] de 22 ans, originaire d’El Harrach qui a tenté sa chance à Melilla, l’enclave espagnole.

    Il a traversé clandestinement les frontières du côté d’Oujda en payant 30’000 DA à un passeur. Ses amis ont pu passer les frontières de Melilla, mais pas lui. Entre-temps, tout l’argent qu’il avait ramené avec lui avait fondu, il ne pouvait même pas se nourrir. «Le soir, je vais à la gare et quand les gens mangent, je m’assois à leurs côtés et ils m’en donnent un peu…», dit-il. Faute de pouvoir se payer un billet d’avion, il ne peut pas non plus retourner chez lui. «J’attends que les autorités marocaines m’expulsent…», dit-il.

    • Dans la cour du commissariat de police dans lequel je me trouvais, ils étaient deux Algériens à partager le sort de la dizaine de réfugiés subsahariens qui campaient là et dormaient sur des matelas crasseux dans une partie couverte du parking. Son histoire me bouleverse et les sous-entendus lourds d’allusions sarcastiques des policiers sur un pays riche qui abandonne ses citoyens font mal au cœur. J’attends que le policier ait le dos tourné pour lui glisser un billet de 100 dirhams. De quoi se payer deux ou trois repas chauds. Il est évacué, je ne sais, où au bout de deux heures.

    • Je vais passer toute la journée dans ce minuscule bureau sous la surveillance d’un ou deux policiers. De temps à autre, on vient me poser une question ou demander une précision. Dans l’après-midi, on me fait sortir pour me conduire dans une agence de la Royal Air Maroc pour avancer la date de mon retour initialement prévu pour le 1er juin. Je paie une pénalité de 450 dirhams et obtiens mon billet. «Tu prends le train de nuit accompagné d’un policier ce soir», me dit celui qui a l’air d’être le responsable du commissariat.

    A l’heure du ftour, on me ramène deux pains, une boîte de thon, une bouteille de jus et une bouteille d’eau, mais les policiers chargés de ma surveillance me disent que je peux tout comme eux commander à manger à l’extérieur en payant. Je commande une hrira (soupe) dont j’avale quelques cuillerées. Impossible de nourrir un estomac noué. Dans la soirée, je réclame la restitution de ma valise restée dans l’appartement que j’occupais. Promesse m’est faite de la ramener.

    Aux alentours de minuit, les clameurs d’une foule en colère me parviennent de plus en plus fortes. Il me faut quelques longues minutes pour comprendre que cela ne vient pas du bureau du chef où les policiers suivent en direct les manifestations, mais bel et bien de la rue. Le commissariat est en alerte maximale. Les portières claquent et les portes se ferment. La foule assiège l’édifice en criant les habituels slogans du mouvement. Pacifiquement, sans jeter de pierre ni quoi que ce soit. Au bout d’une demi-heure, les clameurs s’estompent avant de s’éteindre au loin, dans la nuit.

    On me demande alors de prendre mes affaires et de sortir rapidement. Au milieu des réfugiés subsahariens, le jeune harraga algérien et son ami me font de grands gestes d’amitié. Je prends place à bord d’une voiture de la sûreté nationale avec trois policiers. Jusqu’au matin, nous allons faire près de 650 kilomètres de Nador jusqu’à l’aéroport de Casablanca. Les policiers vont se charger de toutes les formalités du passage des douanes. Je serais escorté jusqu’à mon siège d’avion qui décolle vers 11h pour Alger.

    • Arrivé à Alger, ma première préoccupation est d’abord d’acheter un téléphone pour prévenir ma famille et mon journal que je viens d’arriver plus tôt que prévu et que j’ai été arrêté par la police marocaine et empêché de faire mon travail. Dans ce petit bureau d’un commissariat de Nador, je n’ai aucune idée de ce qui se passe ailleurs. Dès que j’en finis avec la PAF, je suis d’abord surpris de l’accueil des policiers heureux de me voir débarquer, me souhaitant la bienvenue chez moi. Puis je découvre les collègues du journal, à leur tête Omar Belhouchet, ravi de me voir revenu, les amis, les membres de ma famille, les confrères venus nombreux. Moi qui pensais être seul.

    J’en suis ému jusqu’aux larmes. Ma fatigue et mes deux nuits sans sommeil s’effacent d’un coup. Puis je prends connaissance du formidable élan de solidarité et de la mobilisation des lecteurs, des citoyens, des Algériens en général et cela fait chaud au cœur. On se dit que le travail du journaliste, malgré ses risques et ses contraintes, demeure une mission noble qui informe et unit les hommes au-delà de leurs appartenances politiques et leurs préjugés.

    Au-delà aussi des esprits et des frontières fermées. Pour tous ceux qui me disent: «Ne remets jamais les pieds au Maroc», je dirais que je ne suis pas près de sacrifier ce magnifique pays frère pour les beaux yeux du makhzen. J’ai beaucoup de considération pour ce peuple et tous les peuples du monde qui luttent pour leur liberté et leur dignité et je retournerai là bas à la première occasion. En demandant cette fois-ci une autorisation en bonne et due forme. On verra bien… (El Watan, 1er juin 2017)

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    La question amazighe

    Par Karim Oub

    Une des facettes de la contestation actuelle est liée à l’existence d’un mouvement culturel amazigh et aux luttes des populations autochtones. La défense de la culture et de la langue a aussi un fondement social et se traduit par la recherche d’une jonction entre la défense d’une identité spécifique discriminée et la lutte pour une émancipation sociale et démocratique. Cet article a été publié le 7 février 2007 dans la revue mensuelle du NPA, L’Anticapitaliste. (Réd. A l’Encontre)

    Nouvel an amazigh

    A Al Hoceima, les mobilisations contre la «hogra» (l’arbitraire et le mépris), suite à la mort du jeune vendeur de poisson Mohcine Fikri due à l’intervention des autorités locales, ont un lien avec la situation particulière du Rif et la mémoire collective de la population.

    • Le Rif, c’est l’épopée d’Abdelkrim Al Khattabi qui a fondé une république (1917-1926) dans sa guérilla anti-coloniale et témoigné toute sa vie d’une défiance vis-à-vis du makhzen; ce sont les milliers de morts en 1958, après un soulèvement populaire noyé dans le sang par Hassan II, alors prince héritier; c’est le cœur des émeutes populaires de 1984 contre les politiques d’ajustement structurel; ce sont les cinq jeunes dont les corps ont été retrouvés carbonisés pendant le Mouvement du 20 février.

    • Et c’est la persistance d’une identité amazighe. Le terme Amazigh signifie «Homme libre». Il est revendiqué face aux autres noms imposés par les différentes colonisations ou les élites, tels que «berbère». La mobilisation à Al Hoceima associe le drapeau amazigh, celui de la république du Rif et les slogans sociaux et démocratiques contre le makhzen. Cette jonction entre revendications sociales, démocratiques et culturelles renvoie à une histoire spécifique

    La population autochtone amazighe a dû faire face, pendant une longue période, aux tentatives de négation de son identité et ses formes d’organisation sociale. Les communautés paysannes regroupées en tribus (confédérées) avaient un droit d’usage collectif sur la terre et les ressources naturelles. Elles ont historiquement manifesté une autonomie plus ou moins marquée par rapport au pouvoir central. La colonisation française a visé une assimilation et une politique de déstructuration de leurs bases économiques et de leur rapport à la terre, suscitant des résistances populaires armées. Mais à l’indépendance, la question amazighe a été tout autant évacuée.

    Discrimination au nom de l’identité arabo-musulmane

    • Pour le mouvement national officiel, principalement urbain, la question amazighe était inexistante. Même Mehdi Ben Barka [1920-1965, cet opposant clé à Hassan II a été enlevé à Paris par des agents marocains en liaison avec les services français, puis assassiné; cela s’est passé à l’époque ou Georges Pompidou était premiers ministres] proclamait au lendemain de l’indépendance que «le berbère est simplement un homme qui n’est pas allé à l’école. Il s’agit là d’un problème d’instruction et d’évolution sociale, d’équipement intellectuel et d’équipement technique des campagnes.» L’identité nationale marocaine portée par des élites urbaines ambitionnait alors de sortir les campagnes de «l’arriération culturelle». N’étant ni «langue du pouvoir», ni «langue de développement», la langue et la culture amazighs ont été refoulées aux marges et folklorisées.

    • La monarchie a mis en avant le caractère arabo-islamique de sa légitimité. L’islam officiel ne peut être concurrencé par une autre langue, ni même par un islam populaire qui soit tant soit peu différent. La conception homogène de la nation marocaine, dont l’unité est matérialisée par la monarchie en tant que pouvoir indivisible sur tout le territoire, a accentué le refoulement politique et culturel des populations amazighes.

    • Les politiques linguistiques dans l’enseignement et l’administration, opposées aux langues maternelles, ont contribué à exclure socialement de larges catégories populaires. Les politiques socio-économiques ont marginalisé des territoires entiers, soit pour des motifs politiques (c’est le cas du Rif considéré comme une zone dissidente et «punie» par l’Etat), soit parce qu’ils sont intégrés au «Maroc inutile» (pour le capital local et international), en particulier dans le monde rural et dans les régions à dominante amazighe (le Souss et le Centre).

    • La question amazighe n’efface pas les influences multiples qui ont façonné la réalité culturelle, sociale et démographique d’aujourd’hui. Il n’existe quasiment plus, sauf dans des zones très restreintes, d’ethnie de «pure» appartenance amazighe ou arabe. La majorité est arabo-amazighe. Mais cela ne signifie pas évacuer l’existence d’une oppression spécifique cristallisée par l’Etat, ainsi que celle de spécificités régionales ethnoculturelles. Une communauté/peuple qui ne peut ni gouverner ni s’éduquer dans sa langue est discriminée.

    Genèse et développement du mouvement amazigh

    • Le mouvement amazigh a connu plusieurs phases. Dans les années 1960-1970, il s’est refugié dans une défense des «cultures populaires», sans avancer de revendications à caractère politique ou démocratique. Les années 1980 ont été celles d’une gestation difficile dans un contexte répressif. Ce n’est que dans la décennie suivante qu’en résonance avec la question kabyle dans l’Algérie voisine, un regroupement des différentes associations s’est produit sur la base de la Charte d’Agadir (1991). Celle-ci revendique la constitutionnalisation de la langue amazighe, son utilisation et généralisation dans l’enseignement et l’administration.

    Mais cette politisation ne s’est accompagnée que de mémorandums à destination de la classe politique et du pouvoir. La direction du mouvement ne cherchait pas la confrontation. Dans les années 2000, le pouvoir a mené une politique de cooptation. Les directions majoritaires ont soutenu la création de l’Institut royal de la culture amazighe, se contentant de l’introduction partielle de l’amazigh dans certains cours (en 2003 ) et de la création d’une chaîne de télévision à diffusion limitée (2008 ).

    • La cooptation s’est également appuyée sur une crise ouverte au sein du mouvement, entraînant nombre de ses cadres et militants à se replier sur l’associatif au plan local, financé par des organismes proches du pouvoir. Le mouvement a connu un reflux et la cristallisation de plusieurs courants : ethniciste-chauvin, autonomiste, institutionnel, démocratique radical… Cependant, en 2011, le M20F (Mouvement du 20 février) a montré la possibilité d’un mouvement populaire qui intègre les revendications spécifiques dans un combat général contre le despotisme. La reconnaissance de la légitimité des revendications amazighes faisait consensus. Cette dynamique a obligé le pouvoir à reconnaître la langue amazigh comme langue officielle sans pour autant la mettre sur un pied d’égalité, cette « reconnaissance » elle-même devant attendre des décrets d’application, qui se sont avérés par la suite sans portée réelle.

    Tâches et perspectives

    • Le pouvoir peut réprimer ou faire des concessions formelles, mais alors en contournant les revendications. La lutte pour la satisfaction des droits culturels et démocratiques ne peut s’appuyer sur le dialogue avec lui, ni se limiter à une reconnaissance officielle de la langue. Elle nécessite une rupture avec les politiques d’austérité qui asphyxient l’enseignement public, la formation des maîtres et la possibilité de généraliser son usage.

    • Mais il faut aussi lutter pour une réforme agraire et foncière. La culture et la langue amazighes ont en effet été portées par des communautés ancrées dans les liens sociaux et matériels que permettait un régime spécifique de propriété. Les terres étaient collectives, même si les communautés en avaient seulement l’usage. Le dahir (décret) de 1919 régit le «droit de propriété des tribus, fractions, douars ou autres groupements ethniques sur les terres de culture ou de parcours dont ils ont la jouissance à titre collectif». Placées aujourd’hui sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, ces terres s’étendent sur une superficie estimée à 15 millions d’hectares. Les Amazighs sont aujourd’hui particulièrement touchés par l’intensification de l’accaparement des terres agricoles et pastorales, qui prive les populations rurales de leurs ressources naturelles (mines, forêts, parcours, eau) et de leurs moyens de subsistance, en suscitant en retour une dynamique de résistance.

    Les mobilisations à Imider [1] ont réactualisé les formes d’organisation communautaires, en associant l’ensemble des habitants à la conduite de la lutte. La culture amazighe s’assume ici comme un moyen de lutte collective sur des questions sociales, écologiques et démocratiques. A Al Hoceima, les assemblées générales se font dans la langue de l’opprimé. S’il est difficile de savoir sous quelle forme un mouvement de masse pourra s’unifier et se cristalliser, il y a d’ores et déjà une nouvelle génération qui ne se reconnaît pas dans les structures officielles du mouvement amazigh. L’enjeu est de reconstruire un mouvement combatif, indépendant, unitaire, laïc, qui sache combiner les luttes spécifiques et les luttes pour une émancipation globale.

    Celle-ci implique un Etat laïque où les formes de légitimation du pouvoir ne reposent pas sur une religion instituée. L’égalité des droits des langues et cultures ne peut reposer sur la sacralisation de la langue arabe comme langue du coran. Une résolution démocratique implique en outre une rupture avec les conceptions centralisatrices et homogènes de la nation, afin de garantir la possibilité d’une autonomie nationale-culturelle et de l’auto-administration régionale. Mais aussi et en même temps, une lutte de classe résolue contre la classe dominante quelle que soit sa coloration ethnique, pour que les classes populaires conquièrent le pouvoir réel et construisent une société égalitaire, multiculturelle, affranchie de toute forme d’oppression et d’exploitation.

    Karim Oub est un militant amazigh, maxiste-révolutionnaire

    ____

    [1] Imider: une lutte qui a commencé en 1996, mais a pris une dimension nouvelle depuis six ans, avec l’installation d’un campement permanent des habitants des différents villages qui luttent pour le droit aux ressources, accaparées par un holding royal, et contre la pollution générée par l’exploitation de la mine.

    *****

    Hirak Errif – le Mouvement du Rif – exige la libération des détenus. Les journalistes Rifains dénoncent les méthodes du pouvoir

    Par Aniss Z.

    El Watan du 3 juin 2017 a publié cet article dont nous reproduisons quelques extraits. «La quasi-totalité des magasins du centre-ville ont respecté jeudi 1er juin 2017 après-midi le mot d’ordre de grève générale pour exiger la remise en liberté des activistes de Hirak Errif. Le mouvement a été très suivi dans la ville voisine de Beni Bouyaach. Une importante manifestation a également eu lieu à Imzouren et ses environs, selon des images diffusées sur les réseaux sociaux.

    Nasser Zefzafi

    • Malgré les arrestations, les manifestations perdurent à Al Hoceima. De son côté, le mouvement Hirak Errif qui lutte contre la marginalisation de la région s’organise et mobilise, même privé de ses leaders. […]

    Et leur mot d’ordre de grève générale a été largement suivi jeudi dans le nord du Maroc, où les manifestations pour réclamer la libération du leader de la contestation locale se poursuivent à un rythme quotidien. L’annonce de la grève générale avait été lancée sur les réseaux sociaux par Najib Ahmajik, le n° 2 du mouvement de contestation qui est actuellement en fuite.

    Comme à chaque nuit tombée depuis presque une semaine, les manifestants se sont rassemblés de nouveau dans le quartier Sidi Abed, proche du centre-ville. Ils étaient près de 2000 à exiger de nouveau la «libération des prisonniers», brandissant en tête de cortège une banderole avec le portrait du leader de la contestation emprisonné, Nasser Zefzafi. C’est aux cris de «Nous sommes tous Nasser Zefzafi!» que les contestataires ont investi les rues.

    Le rassemblement s’est déroulé sans incident, pour s’achever peu avant minuit, indiquent des médias étrangers présents sur place. […]

    • Selon un décompte officiel, la police a procédé depuis vendredi dernier à une quarantaine d’arrestations, visant essentiellement le «noyau dur» du Hirak. Vingt-cinq des personnes arrêtées ont été déférées devant le parquet.

    L’appel des journalistes rifains

    Dans un communiqué rendu public jeudi après-midi, un groupe de journalistes rifains parmi lesquels figure Mohamed El Asrihi, directeur du site d’informations rifain Rif24, a appelé «la communauté internationale et toutes les organisations mondiales de défense des droits humains à faire pression sur les autorités marocaines afin qu’elles abandonnent les charges retenues contre les journalistes et les activistes rifains telles que les accusations d’avoir menacé la sécurité intérieure de l’Etat et d’avoir reçu des fonds étrangers».

    • Dans leur appel, ils disent souhaiter également que ces organisations poussent les autorités marocaines à arrêter les harcèlements et les arrestations qui frappent le Rif. «Nous faisons face à ces menaces et persécutions pour la simple raison que nous avons traité les événements vécus dans notre région avec objectivité et conscience professionnelle, et parce que nous nous sommes battus pour rapporter et transmettre au monde entier les vérités et la réalité telle qu’elle est, d’une manière neutre», indique la même source.

    Les auteurs du communiqué dénoncent en outre «les graves violations des droits de l’homme commises par les autorités marocaines envers les journalistes rifains et leurs familles, et leurs tentatives délibérées de faire taire les voix dissidentes et libres». (3 juin 2017)

     Alencontre le 4 - juin - 2017
     
  • Daech assassine une fois de plus en Tunisie (ESSF)

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    Samedi 3 mai, jour où a été commis le dernier attentat islamiste de Londres, le cadavre d’un jeune berger de la région de Sidi Bouzid a été retrouvé. Enlevé la veille par la branche tunisienne de Daech, Khalifa Soltani avait ensuite été égorgé et mutilé.
    Mabrouk, un de ses frères, avait subi un sort encore plus atroce le 13 novembre 2015, le jour même où la barbarie de Daech s’était abattue en région parisienne, en particulier au Bataclan.


    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article36457

    4 juin : Le gouverneur de Sidi Bouzid reçu par des « dégages » aux funérailles de Khlifa Soltani

    http://www.webdo.tn/2017/06/04/le-gouverneur-de-sidi-bouzid-recu-par-des-degage-aux-funerailles-de-khlifa-soltani/
    En visite à la maison du martyr Khalifa Soltani, avant d’assister aux funérailles, le gouverneur de Sidi Bouzid et le délégué de Jelma ont été reçus par des « dégage ».
    Les habitants de Douar Slatnia ont scandé des slogans contre les responsables. Ils ont également dénoncé le décalage de l’heure de l’inhumation du martyr.
    Des renforts sécuritaires et militaires ont été déployés dans la matinée de ce dimanche 4 juin 2017, au domicile du martyr.

    4 juin : Funérailles de Soltani - La délégation gouvernementale malmenée par les habitants en colère

    http://www.businessnews.com.tn/funerailles-de-soltani--la-delegation-gouvernementale-malmenee-par-les-habitants-en-colere,520,72750,3
    Une grande colère a accueilli la délégation gouvernementale qui s’est rendue, ce dimanche 4 juin 2017, aux funérailles de Khalifa Soltani pour présenter ses condoléances à la famille du défunt.
    La délégation, composée du ministre de la Défense, Farhat Horchani, du ministre de l’Agriculture, Samir Taieb, du ministre des Affaires sociales, Mohamed Trabelsi et du secrétaire d’Etat aux Domaines de l’Etat et aux Affaires foncières, Mabrouk Korchid, était marquée par une forte présence militaire et sécuritaire.
    Les habitants ont pris à partie les membres de la délégation et ont scandé « Pilleurs du pays, tueurs de nos enfants » ; « le peuple souffre du terrorisme » ou encore « gouvernement dégage ».

    Manifestation nocturne du Front populaire contre le terrorisme

    https://tunisie14.tn/article/detail/manifestation-nocturne-du-front-populaire-contre-le-terrorisme
    Des partisans du Front populaire se son rassemblés, samedi 3 au soir, devant le théâtre municipal de Tunis pour protester contre l’assassinat, par des éléments terroristes, du berger Khalifa Soltani frère de Mabrouk Soltani tué lors d’une opération similaire le 13 novembre 2015.
    “Le gouvernement assume la responsabilité de se qui est arrivé à la famille Soltani“, a déclaré, le coordinateur du Front populaire dans le gouvernorat de Ben Arous Mahmoud Doggi, rappelant que cette famille avait sollicité la protection du gouvernement juste après l’assassinat de son premier fils Mabrouk.
    Le responsable a en outre indiqué que le Front populaire « organisera, à partir de dimanche, d’autres actions de protestation contre ces terribles assassinats lâches ».

    Rassemblement lundi 5 juin 2017 à 18h devant l’Ambassade de Tunisie à Paris

    à la sortie du métro Saint François Xavier (ligne 13)

    En hommage à Khalifa Soltani, jeune tunisien assassiné par les terroristes, un an après avoir égorgé son frère,
    En hommage aux victimes du même terrorisme à Londres
    Pour exprimer notre indignation face à ces lâches assassinats
    Pour dénoncer l’incapacité des pouvoirs publics tunisiens à protéger les citoyens.
    A bas le terrorisme vil et lâche qui assassine !
    La FTCR et le CRLDHT se joignent à cet appel.

    lundi 5 juin 2017

    http://www.europe-solidaire.org/

  • Le roi du Maroc face aux révoltés du Rif (JDD)

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    Au Maroc, cela fait maintenant plus d’une semaine que des manifestations ont lieu tous les jours dans l’une des plus importantes villes de la région du Rif où l’on n’a pas oublié la mort il y a 6 mois d’un vendeur de poisson, broyé dans une benne à ordures.

    Le mouvement prend de l’ampleur, ce qui embarrasse le gouvernement et le roi Mohammed VI.

    A tous ceux qui seraient tentés de croire que ce qui se passe en ce moment dans le Rif, au Maroc, correspond à un nouveau printemps arabe, autant dire tout de suite que ce n’est pas le cas. Certes, il y a des ressemblances. Les foules réclament justice, dignité, des investissements lourds pour soutenir l’une des régions les plus défavorisées du pays, une meilleure éducation, davantage  de considération en fait de la part des autorités centrales.

    Il y a aussi le fait que le leader du mouvement, Nasser Zefsafi, un chômeur de 39 ans, est extrêmement charismatique et qu’il utilise les réseaux sociaux brillamment, y compris depuis qu’il est détenu par les forces de l’ordre depuis une semaine pour menace à l’ordre public. Mais la comparaison s’arrête là.

    Le Rif a toujours été en révolte

    D’abord parce que le Rif a toujours été en révolte. Cette région était déjà rebelle du temps du protectorat français. C’est une région de culture intensive du cannabis depuis des siècles, raison pour laquelle les Français y avaient installé leur Régie du kif et des tabacs, une région où économie et trafics ont donc toujours été liés, ce qui a maintenu vivantes des pratiques de corruption, d’abus de pouvoir, et d’impunité très fortes.

    Ensuite parce que cette révolte n’est pas arabe mais majoritairement berbère. La population locale a long- temps souffert de ne pas faire valoir reconnaître ses droits à la différence, avec sa langue et ses pratiques religieuses différentes. Il n’est pas question de séparatisme mais d’être traité au contraire sur un pied d’égalité avec les autres régions à majorité arabe qui bénéficient de programmes sociaux et d’éducation plus avantageux. Cela ne veut pas dire pour autant que rien n’a été fait. Le Roi a en effet contribué à faire évoluer les choses sur le plan économique et social mais ce n’est pas suffisamment. (Affirmation gratuite! Note du blog)

    Les provinces enclavées, un défi pour Mohammed VI

    Il y a enfin de grandes différences avec les principaux mouvements d’opinion qui ont marqué le règne de Mohammed VI. Ce qui se passe dans le Rif n’a pas grand-chose à voir ( Ah Bon? Note du blog) avec le mouvement du 20 février, qui avait mobilisé dans les grandes villes marocaines des centaines de milliers de jeunes et qui réclamaient plus de libertés individuelles et publiques, une plus grande libéralisation de la société et des réformes modernes, notamment en faveur des femmes.

    Il ne s’agit pas non plus d’un mouvement traditionaliste et religieux comme on a pu le voir aussi dans le pays et qui a contribué à porter au pouvoir un parti islamiste, le PJD. Cette révolte du Rif montre en fait une dernière facette de la société marocaine. Celle des provinces enclavées, loin des grandes cités touristiques, celle de la pauvreté, souvent cachée et occultée. Et qui pourrait bien donner du fil à retordre à Mohammed VI, qui s’était autoproclamé au début de son règne, le "Roi des Pauvres". 

    Sur le même sujet :

      1 juin 2017

    http://www.lejdd.fr/

    Commentaire:

    Nous pensons au contraire que le Rif au Maroc, s'inscrit dans la situation globale déclenchée par les "Printemps Arabes" qui malgré des reculs n'a pas fini d'agiter la région. Les pays arabes monarchiques ou républicains, partagent un mode d'exploitation similaire des masses. Extorsion des richesses appuyée par l'armée (partie prenante de l'économie y compris frauduleuse) , obéissance aveugle au FMI: destruction des rares services publics. Grave crise écologique et désertification (réchauffement climatique). La situation est explosive du Maghreb au Moyen-Orient pour des dizaines d'années. Il suffit d'une étincelle.

  • Maroc : Une mobilisation populaire massive et radicale (NPA)

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    Les nervis "baltajis" sont ressortis

    Voilà maintenant près de 7 mois que la mobilisation dans le Rif dure.

    Déclenchée en réaction à l’assassinat de Mohcine Fikri, un vendeur de poisson écrasé dans une benne à ordure, le mouvement s’est doté d’ une plateforme revendicative dans le cadre d’un processus d’assemblées populaires.

    Celle-ci fait ressortir des demandes élémentaires : la construction d’universités, d’hôpitaux, de centres de formation, l’accès aux services de base, la lutte contre le chômage et les expropriations de terre, ainsi que la levée du décret de militarisation établi dans les années 1950, la fin de la corruption, la libération des prisonniers du mouvement, la condamnation des vrais responsables de la mort de Fikri. Les comités locaux du mouvement populaire structurent à la base la mobilisation qui a essaimé, y compris dans les plus petites localités.  

    Le pouvoir a cherché à invisibiliser la lutte, comptant sur un épuisement.

    Mais en se dotant de structures d’auto-organisation, en contournant les médiations traditionnelles discréditées (partis, syndicats, société civile, élus), le mouvement était en phase directe avec les aspirations populaires. Aucune institution, aucun relais du pouvoir, aucune « opposition » n’est en mesure de canaliser la lutte, avec en toile de fond, une crise profonde de la façade démocratique.

    Cinq ans après 2011, le régime n’a jamais été aussi autoritaire, corrompu et dans l’incapacité de vendre l’illusion d’un semblant d’auto-réforme. Le rejet massif des institutions se traduit aussi bien dans les urnes que dans les mobilisations qui n’ont cessé de s’étendre sur tous les terrains et dans tous les recoins du pays. Le Rif présente par ailleurs une spécificité historique, longtemps ostracisé par le pouvoir, il a une longue histoire de résistance : de la fondation de la République du Rif avec Abdekrim el Khattabi, au soulèvement au lendemain de l’indépendance contre le pouvoir central, au cœur des révoltes contre les politiques d’ajustement structurel, particulièrement mobilisé durant le M20 Février. Ce n’est pas un hasard si l’emblème de la contestation est celui de la République du Rif et le drapeau amazigh.

    Escalade répressive

    Devant la persistance de la mobilisation, le pouvoir a cherché à la présenter comme répondant à un agenda étranger séditieux mené par des « séparatistes », et n’a cessé de déployer ses forces répressives et « balatgias ». La journée du 18 mai a été emblématique : malgré un dispositif militaire impressionnant et des barrages systématiques, des milliers de personnes les ont forcés et rejoint al Hoceima, acculant le pouvoir à assister à une manifestation de masse sans précédent doublée d’une grève générale.

    Le mouvement populaire a posé des exigences très claires : ce ne sont pas les institutions élues corrompues et les ONG bidons mais les représentants du mouvement qui doivent être à la table des négociations, et celle-ci ont pour préalable la libération des détenus, la levée de la militarisation, et pour seul objectif la satisfaction des revendications assorties de garanties. Le mouvement ne s’arrêtera pas tant que la population n’aura pas obtenu satisfaction.

    L’escalade répressive est en cours : plusieurs dizaines d’arrestations dont les animateurs du mouvement et ses porte-parole ont eu lieu, et la liste s’allonge... Depuis plusieurs nuits des heurts ont lieu. La radicalisation politique est explicite à travers des mots d’ordre qui visent la fin du makhzen ou la transformation du fameux « Dieu, la patrie, le roi » en « Dieu, la patrie, le peuple ».

    Un affrontement majeur se dessine, massif et radical, et dans de nombreuses autres villes, la contestation s’étend malgré la violence de l’État. Les prochaines semaines seront déterminantes pour la relance du processus révolutionnaire et l’affrontement avec la monarchie. La solidarité internationale pour la satisfaction des revendications du peuple du Rif, le soutien à toutes les mobilisations sociales et démocratiques et l’arrêt de la répression est urgente. 

    Chawqui Lotfi (militant de Tahadi / Émancipation démocratique)

    https://npa2009.org/

    Commentaire: Il ne fait pas de doute pour nous que le Rif est une région berbère...

     
  • Déclaration en hommage aux prisonniers palestiniens grévistes de la faim (Essf)

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    Du 17 avril au 27 mai, plus d’un millier de prisonniers politiques palestiniens détenus dans les geôles israéliennes ont cessé de s’alimenter.

    Ce mouvement de grève de la faim historique s’articulait autour de deux mots d’ordre : liberté et dignité. Les prisonniers revendiquaient des améliorations de leurs conditions de détention (accès aux soins médicaux, extension du droit de visite, accès à des téléphones, etc.) et la fin de certaines pratiques des autorités israéliennes, comme la détention administrative ou l’isolement.

    Face à ce mouvement d’une ampleur rare, Israël a décidé de jouer l’épreuve de force en expliquant qu’il n’y avait rien à négocier avec des « terroristes ». Certains responsables israéliens se référaient même à l’attitude de Thatcher lors du mouvement de grève de la faim des prisonniers politiques irlandais en 1981, au cours de laquelle dix d’entre eux moururent. Les grévistes palestiniens ont été victimes de sanctions, de pressions, de mauvais traitement, et Israël menaçait de les nourrir de force s’ils poursuivent leur mobilisation.

    Après 40 jours de grève de la faim, les prisonniers ont obtenu satisfaction sur la plupart de leurs revendications. Cette grève, suivie par des membres de l’ensemble des factions politiques, a été une démonstration de la détermination des prisonniers, mais aussi de la puissance des mobilisations palestiniennes lorsqu’elles sont menées de manière unitaire et sans enjeu direct de pouvoir institutionnel. Cette mobilisation contrastait ainsi fortement avec l’incapacité des directions de Gaza et de Ramallah, jalouses de leurs maigres avantages matériels et symboliques et empêtrées dans leurs rivalités, à proposer une stratégie de libération à l’ensemble de la population.

    Face à un gouvernement d’extrême-droite soutenu par les grandes puissances impérialistes, qui renforce et étend chaque jour un peu plus l’emprise coloniale d’Israël sur la Palestine, le peuple palestinien souffre d’un déficit de leadership, de stratégie, de programme de libération. Alors qu’une nouvelle génération est entrée dans la lutte avec la multiplication, depuis près de deux ans, des attaques individuelles contre les soldats et les colons, le fossé séparant, d’une part, les directions de l’OLP et du Hamas et, d’autre part, la population, n’a jamais été aussi béant.

    Dans un tel contexte, il n’est guère surprenant que le mouvement des prisonniers ait bénéficié d’un important écho dans les territoires palestiniens, avec des journées de grève générale et des manifestations régulières, violemment dispersées par l’armée d’occupation. Sans surestimer la portée à moyen et long terme de la grève de la faim, force est de constater qu’elle a contribué à remobiliser des secteurs significatifs de la société palestinienne et à remettre sur le devant de la scène politique une perspective anticoloniale.

    Nous saluons la victoire des prisonniers, notre solidarité avec eux est totale, et c’est pourquoi nous nous sommes joints, et continuerons de nous joindre, aux mobilisations internationales en soutien à leur lutte. Au-delà, nous réaffirmons notre soutien aux revendications du peuple palestinien : fin du régime d’apartheid, droit à l’autodétermination, droit au retour pour les réfugiés. Nous continuerons d’entretenir et de développer des liens avec nos camarades palestiniens, isolés à l’échelle régionale et internationale, et de construire la campagne Boycott-Désinvestissement-Sanctions (BDS), destinée à affaiblir la puissance coloniale.

    31 mai 2017

    Bureau exécutif de la IVe Internationale

    http://www.europe-solidaire.org/

     

    Lire aussi:

    Palestine : grève de la faim victorieuse des prisonniers politiques palestiniens, la lutte continue ! (NPA)

     

  • Rassemblement en Solidarité avec le mouvement social pacifique du Rif (Essf)

    rif.jpg

    Rassemblement mercredi 7 juin 2017 18h30
    Ambassade du Maroc Paris
    Rue le Tasse
    75016- Paris
    Métro : Trocadéro

    Depuis le vendredi 26 mai 2017, une vague de répression, accompagnée par des arrestations massives, s’est abattue sur la ville d’Al-Hoceima en particulier, et s’est étendue à d’autres parties du Rif.

    Ces derniers jours, l’élan de solidarité et de contestation touche toutes les régions du Maroc, où des manifestations pacifiques sont dispersées avec violence.

    Ce mouvement populaire est né suite au décès de Mouhcine Fikri (mort broyé, le 28 Octobre 2016) qui tentait de sauver sa marchandise jetée arbitrairement par la police dans un camion poubelle.

    Cette attitude est symptomatique et à l’opposé des grands discours sur le développement, la bonne gouvernance, la démocratisation, l’égalité, la lutte contre les corruptions ; bref contre l’avènement d’un Etat de droit.

    Pour rappel, la région du Rif a été complètement délaissée pendant des décennies par le Makhzen et l’Etat central. Elle a été exclue, de tous les projets de développement que le Maroc a connu depuis plus d’un demi-siècle et ce, à l’instar des régions du Maroc dit inutile par opposition à un Maroc supposé utile.

    Bien que cette politique ait sensiblement changé depuis quelques années, il n’en reste pas moins que la région du Rif est en manque de tout : infrastructures routières, hôpitaux, écoles supérieures, emplois (taux de chômage des plus élevé du Maroc). Le Haut-Commissariat au Plan (2012) relève que 63% de la population d’Al Hoceima n’exerce aucune activité économique, que dans la région 52% de la population est analphabète, ce qui fait que l’écart avec d’autres régions s’est cruellement creusé. A cela s’ajoute comme dans l’ensemble du pays une corruption endémique.

    Devant cette situation, le mouvement qui secoue la région depuis la mort de Fikri a toujours été pacifique et les protestataires réclament essentiellement des mesures socio-économiques pour désenclaver leur région et permettre à sa population de vivre dans la dignité.

    Face à ces revendications légitimes, l’approche de l’état marocain a été dans un premier temps conciliante afin de calmer l’ardeur des revendications notamment par l’annonce fort médiatisée d’une série de projets de développement pour la ville d’Al-Hoceima.

    Par ailleurs l’état, et comme à son habitude, n’a pas manqué de lancer une campagne médiatique de dénigrement du mouvement et ses leaders. D’ailleurs, le principale responsable Nacer Zefzafi vient d’être arrêté ce lundi 30 mai ainsi que plusieurs autres militants de ce mouvement. Ils sont accusés « d’atteinte à la sécurité intérieure », « d’incitation à commettre des délits et des crimes », « d’humiliation de fonctionnaires publics » et « d’hostilité envers les symboles ». Dans un second temps ce sont les manifestations de soutien au mouvement qui sont réprimées.

    Nous associations et organisations de la société civile maghrébine en Europe, tout en exprimant notre totale solidarité et notre soutien au mouvement social dans la région du Rif, exigeons :

    · La libération sans conditions de toutes les personnes arrêtées dernièrement et l’abandon de toutes les charges à leur encontre ;

    · Cesser la chasse aux militants du Hirak et la répression des manifestations ;

    · Mettre en place un réel projet de développement socio-économique capable de sortir la région de son isolement, de créer de l’emploi, de scolariser la jeunesse dans des conditions décentes, de promouvoir la spécificité linguistique et culturelle et de désenclaver la région sur le plan sanitaire et social.

    · Accéder à toutes les revendications légitimes de ce mouvement.

    Enfin, nous condamnons :

    - L’utilisation de la religion et les mosquées comme outil politique à l’encontre des mouvements sociaux. En effet, Lors de son prêche, l’imam de la ville d’Al-Hoceima a reproché aux manifestants d’encourager la fitna [la discorde], une accusation très grave.

    - Les tentatives de décrédibilisation du mouvement associatif démocratique.

    - La désinformation systématique des médias officiels.

    Nous appelons l’ensemble des forces démocratiques à manifester leur solidarité et soutien au mouvement social du Rif aussi bien au Maghreb, en Europe qu’à travers le monde le mercredi 7 juin 2017 sous les différentes formes d’expression pacifiques appropriées à chaque pays.

    Premiers signataires :

    Association des Marocains en France – AMF

    Association des Travailleurs Maghrébins en France – ATMF

    Association Na’oura - Belgique

    La plateforme Euro-Marocaine - MDDC

    Réseau Marocain Transnational Migration & Développement Emcemo – Hollande

    Immigration Développement Démocratie – IDD – France

    Association Démocratique des Tunisiens en France - ADTF

    AIDDA

    Collectif 3C – Citoyenneté et Culture

    Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie – CRLDHT

    Fédération des Tunisiens Citoyens des deux Rives – FTCR

    RESEAU Euro6Maghrébin Citoyenneté et Culture – REMCC

    Agir Pour la Démocratie en Algérie – ACDA

    Association des Prisonniers et Disparus Sahraouis – AFAPREDESA

    Comité pour le Respect des Libertés au Sahara Occidental – CORELSO

    Avec le soutien de :

    - ATTAC

    - Cedétim

    - Droits Devant

    - Europe solidaire sans frontières (ESSF)

    - Initiatives pour un Autre Monde - IPAM

    - Sortir du Colonialisme

    - SOS Migrant - ASBL – Belgique

    - No Vox International

    - Ensemble

    - Europe Ecologie Les Verts - EELV

    - Nouveau Parti Anti Capitaliste - NPA

    - Parti Communiste Français – PCF

    Personnalités :

    Jean Claude Amara

    Tewfik Allal

    Bernard Dreano

    Jacques Fath

    Gustave Massiah

    Daniel Manceron

    Abdallah Zniber

    http://www.europe-solidaire.org/

  • Maroc dans le Rif (Euronews)

    Tous les manifestants réclament la “libération des prisonniers”. En tête de cortège, ils brandissaient une banderole et le portrait du leader de la contestation, Nasser Zefzafi, arrêté lundi pour “atteinte à la sécurité intérieure”. A l’heure actuelle 25 personnes sont toujours sous les verrous et en attente d’un procès qui doit avoir lieu la semaine prochaine.

    La région du Rif est livrée depuis de longues années à la pauvreté et aux trafiquants de drogue. Les manifestants et le mouvement “Hirak” que dirigeait Zefzafi réclament des droits socio-économiques, dénoncent le chômage, la prédation et le manque d’infrastructures. Ils attendent une réaction du roi du Maroc Mohammed VI.

    De nouveaux visages du mouvement Hirak sont apparus sur le devant de la scène, comme Nawal Benaissa, 36 ans et mère de quatre enfants.
    Disant être convoquée par la police, celle-ci s’est rendue jeudi matin au commissariat d’Al-Hoceïma, d’où elle est ressortie libre peu après et a affirmé avoir été interrogée notamment à propos du mot d’ordre de grève générale qu’elle avait relayé la veille.

    Grève générale très suivie par les commerçants d’Al-Hoceïma, une nouvelle manifestation d’environ 2 000 personnes, la contestation populaire dans la région du Rif au Maroc ne faiblit pas.
    Le mot d’ordre de grève a été très suivie à Al-Hoceïma et dans les villes voisines d’Imzouren et Beni Bouyaach selon des habitants joints par téléphone. Et comme à chaque nuit tombée depuis une semaine, les manifestants se sont de nouveau rassemblés dans le quartier Sidi Abed. Aucun incident n’a été signalé. Le rassemblement s’est dispersé vers minuit.

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    Tous les manifestants réclament la “libération des prisonniers”. En tête de cortège, ils brandissaient une banderole et le portrait du leader de la contestation, Nasser Zefzafi, arrêté lundi pour “atteinte à la sécurité intérieure”. A l’heure actuelle 25 personnes sont toujours sous les verrous et en attente d’un procès qui doit avoir lieu la semaine prochaine.

    La région du Rif est livrée depuis de longues années à la pauvreté et aux trafiquants de drogue. Les manifestants et le mouvement “Hirak” que dirigeait Zefzafi réclament des droits socio-économiques, dénoncent le chômage, la prédation et le manque d’infrastructures. Ils attendent une réaction du roi du Maroc Mohammed VI.

    De nouveaux visages du mouvement Hirak sont apparus sur le devant de la scène, comme Nawal Benaissa, 36 ans et mère de quatre enfants.
    Disant être convoquée par la police, celle-ci s’est rendue jeudi matin au commissariat d’Al-Hoceïma, d’où elle est ressortie libre peu après et a affirmé avoir été interrogée notamment à propos du mot d’ordre de grève générale qu’elle avait relayé la veille.

  • Dossier Tunisie (Anti-k)

     

    Tunisie : La guerre contre la corruption est-elle réellement déclarée ?

    Les associations démocratiques de l’immigration tunisienne depuis toujours mobilisées contre la corruption qui gangrène le pays s’associent à l’appel ci-dessous « la guerre contre la corruption est-elle réellement déclarée ? » et appellent l’ensemble des tunisien(ne)s à l’étranger à faire barrage à ce fléau.

    Depuis quelques jours, les Tunisiens découvrent avec un sentiment d’émoi et d’indignation les effets de cette campagne d’arrestations qui vise des affairistes véreux sur lesquels, et depuis longtemps, de graves soupçons pèsent sur eux : activités douteuses, des grands contrebandiers, d’anciens cadres de la Douane suspectés de corruption et impliqués dans le commerce parallèle… La Commission de confiscation a d’ores et déjà procédé à la confiscation des biens de certains d’entre eux.

    Tout en exprimant notre soutien à cette campagne de salubrité publique qui constitue un début de concrétisation de l’un des objectifs de notre Révolution, nous tenons toutefois à affirmer que :

    - Cette campagne ne doit en aucune manière être sélective. Les arrestations doivent s’inscrire réellement dans un processus de démantèlement de tout le système de la corruption qui, au mépris de toutes les lois, gangrène encore la société tunisienne et met en péril l’institution étatique elle-même.

    - Les procédures légales et les normes de la justice équitable doivent être observées pour tous les acteurs publics afin d’éviter les risques d’abus, mais aussi les atteintes aux libertés ainsi que les possibles règlements de comptes, fussent-ils, sous couvert des recours « judiciaires ».

    - La justice doit examiner les affaires qui lui seront soumises en toute indépendance, sans pression aucune ; afin que nous, citoyens de ce pays, puissions en toute objectivité, constater la souveraineté de la loi et apprécier l’engagement résolu des autorités publiques dans la lutte contre le fléau de la corruption.

    - Nous tenons également à souligner que la détermination du gouvernement à combattre la corruption suppose également le respect du processus de la Justice transitionnelle. 
    En conséquence, nous appelons le gouvernement à retirer le projet de loi dit de réconciliation économique et financière car, son maintien, ne peut que semer le doute sur sa ferme détermination à s’attaquer durablement et sans exclusive à la corruption, sous toutes ses formes.

    - Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme CRLDHT
    - Association vigilance pour la démocratie et l’État civique (Yakhadha)
    - Association Démocratique des Tunisiens en France – ADTF
    - Association des Tunisiennes et Tunisiens de Suisse – ATTS
    - Association des Tunisiens de l’Isère Citoyens des Deux Rives – l’ATI-CDR
    - Comité de Vigilance pour la Démocratie en Tunisie – Belgique – CVDT
    - Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme CRLDHT
    - Fédération des Tunisiens Citoyens des deux Rives – FTCR
    - Réseau Euro Maghrébin Citoyenneté et Culture – REMCC

    Espérant mettre fin à son impopularité croissante, le pouvoir tunisien coupe quelques branches pourries

    En grande difficulté face à la révolte des populations paupérisées du sud tunisien (1), où rien n’est à ce jour réglé, le pouvoir a brusquement déclenché le 23 mai une grande opération contre certains affairistes.

    Un inventaire à la Prévert

    Tout a commencé par l’arrestation de Chafik Jarraya. « Ancien associé d’Imed Trabelsi (le neveu de Leïla Ben Ali), Jarraya se targuait publiquement d’acheter parlementaires, juges et journalistes. Longtemps proche du parti Nidaa Tounes, aujourd’hui dirigé par Hafedh Caïd Essebsi (le fils du chef de l’État), mais aussi des islamistes tunisiens et libyens, Jarraya personnifiait la caste des intouchables ».(2)
    Dans la foulée, ont été notamment arrêtés plusieurs importants « hommes d’affaires », des hauts responsables de la douane dont un ancien colonel, des gros bonnets et des lampistes de la contrebande, des petits et gros trafiquants de drogue, de métaux, de fruits secs, d’armes, l’ancien responsable de la lutte anti-terroriste et actuel responsable de la « police touristique », etc.
    Les biens de certains « hommes d’affaires », dont un yacht, ont été saisis, ainsi que des voitures et appartements qu’ils avaient mis à la disposition d’hommes politiques ou de journalistes. D’après certains media, la valeur totale des biens saisis serait « astronomique ».

    La volonté de mettre un coup d’arrêt à l’impopularité croissante du pouvoir

    D’après un sondage, 91,7% des citoyens tunisiens interrogés ont exprimé leur soutien à ces arrestations.(3)
    Reflétant cet état d’esprit, l’UGTT qualifie celles-ci de « courageuses » : « La lutte contre la corruption en Tunisie et son déracinement ont toujours été parmi les principales revendications de l’UGTT ».
    Gardant ses distances, l’UGTT ajoute néanmoins : « Il est nécessaire d’aller jusqu’au bout de cette campagne, de ne pas céder aux pressions et d’appliquer la loi contre tous ceux qui ont spolié l’argent public, et utilisé leur position et liens pour faire fortune ».

    De « curieux oublis »

    A ce jour, des individus connus pour faire partie des rouages essentiels du système de corruption qui ravage la Tunisie depuis des années continuent tranquillement à vaquer à leurs activités prédatrices. Il en va de même du côté d’hommes politiques particulièrement « arrosés ». La plupart d’entre eux appartiennent aux partis qui dirigent ou ont dirigé le pouvoir depuis 2011 :
    - Nidaa Tounès, constitué autour de notables de l’ancien régime (et qui dirige le pouvoir depuis janvier 2015),
    - le parti islamiste Ennahdha (qui a été au gouvernement en 2012-2013, et y participe à nouveau depuis 2015 aux côtés de Nidaa).

    Un pouvoir aux prétentions contradictoires

    - D’un côté, il déclare avoir engagé une offensive « anti-corruption » implacable ;
    - De l’autre, il persiste à vouloir imposer une loi de « réconciliation » (4) blanchissant les corrompus de l’époque Ben Ben Ali … dont fait justement partie Chafik Jarraya arrêté le 23 mai !

    Des menaces sur les libertés

    S’appuyant sur la proclamation de l’état d’urgence à la suite des attentats jihadistes, le pouvoir utilise abondamment des pratiques en vigueur du temps de Ben Ali, comme par exemple la comparution de civils devant le tribunal militaire.

    Le 1er juin 2017

    http://www.anti-k.org/

     

    Lire aussi:

    De Tataouine à Ouargla, le même malaise (El Watan)

    Tunisie : la guerre contre la corruption doit être globale et crédible (Front Populaire)

    Tunisie : le mouvement des chômeurs continue (Lutte Ouvrière)

    Tunisie : la bataille écologique des élections municipales (MEE)