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Maroc - Page 5

  • Quelques éléments sur la situation politique au Maroc (NPA)

    La dépendance du pays s’accentue au niveau énergétique, commercial, technologique, financier et alimentaire.

    La pression de l’Union européenne, des Etats unis et des institutions financières et commerciales internationales augmente dans le contexte de crise du capitalisme international. Le Maroc est contraint d'accélérer la restructuration de son économie et d'harmoniser ses lois et procédures avec les normes internationales.

    La monarchie est un acteur clé dans cette transformation et essaye d’en profiter au maximum par sa mainmise sur tous les secteurs rentables. Les affaires du roi s’entrelacent avec celles des multinationales et les puissances occidentales médiatisent la stabilité du régime comme exception dans la région arabe pour graisser la machine du business.

    Sur le plan international, la monarchie continue dans son rôle d’allié politique de l’impérialisme, offre ses services à l’OTAN et aux USA dans la « la lutte contre le terrorisme » et collabore avec les Etats du Golfe pour étouffer les aspirations des peuples de la région à la liberté, la dignité et la justice sociale.

    Au niveau régional, La question du Sahara joue est un élément essentiel dans la politique étrangère du pays. La monarchie mène une offensive diplomatique intense qui va de pair avec les efforts de consolidation de sa position économique et politique au niveau de l’Afrique. Ce qui accentue l’impasse de la direction du Polisario, affaiblie aussi par la crise du régime algérien.

    Au niveau interne, après le passage de la tempête du M20F initiée par le processus révolutionnaire dans la région qui a commencé en Tunisie en 2010, la monarchie a repris l’initiative et se trouve consolidée par un nouveau consensus des partis de gauche libéraux et des directions syndicales. Elle utilise un gouvernement islamiste de façade qui assume les politiques bourgeoises. Elle essaye de contenir les luttes qui montent par des pseudo concessions mais aussi et surtout par la répression.

    Sur le plan social, la monarchie poursuit ses attaques contre les acquis : démantèlement de la caisse de compensation, des systèmes de retraite et du droit de la grève ; généralisation du contrat à durée déterminée dans la fonction publique, privatisation de l’enseignement, de la santé publique et des autres services publiques (distribution de l’électricité et de l’eau potable, transport urbain, etc.). Ces offensives débouchent sur une augmentation de la pauvreté, du chômage et de la précarisation des conditions de travail.

    Sur le plan politique, la mort de Hassan II a permis d'insuffler à la monarchie un nouveau souffle, en rejetant sur sa personne la responsabilité de la répression noire et en cédant intelligemment sur un certain nombre de problématiques importantes – le code de la famille, le passé de la répression et la question amazighe –, ce qui lui a permis de coopter l’essentiel des directions des organisations de ces secteurs. Les élections législatives servent à renouveler un parlement qui légitime les politiques libérales alors que le roi concentre le pouvoir réel consacré par une constitution qui bafoue toute volonté populaire. Elles reflètent en fait un jeu démocratique qui sert à camoufler le caractère despotique du régime. L’abstention élevée manque d’une expression politique concrète.

    Les directions bureaucratiques syndicales sont complètement en phase avec les offensives des patrons et de l’Etat. Les luttes ouvrières se centrent sur des revendications élémentaires, souffrent de l’absence de solidarité élargie et de dynamique unitaire. Le mouvement des diplômés-chômeurs s’est éclaté en plusieurs coordinations qui luttent séparément sur des revendications spécifiques. La crise du mouvement étudiant, qui dure depuis trois décennies malgré quelques exceptions dans certaines universités, est une crise principalement subjective.

    La radicalisation de la jeunesse et des couches populaires larges s’oriente principalement vers les mouvements islamistes intégristes, surtout le groupe Justice et Bienfaisance. Celui-ci possède une grande force organisationnelle et les conditions objectives lui permettent d'élargir sa base sociale, qui a une position radicale envers la monarchie. Ces éléments lui donnent un rôle important à jouer dans une future explosion sociale, mais il reste hypothéqué par son attentisme politique.

    Les opportunités de reconstruction d’un mouvement de masse sont réelles. Les facteurs essentiels qui étaient à l'origine du processus révolutionnaire dans la région persistent. La soumission et l'acceptation du statut quo n'est plus la règle, plusieurs mobilisations populaires se dressent contre les différentes offensives : les étudiants-médecins, les professeurs stagiaires, les habitants de Tanger contre la hausse des prix, les lauréats du programme gouvernemental de formation dans l’enseignement, différents groupes du mouvement des chômeurs ainsi que des formes très variés de luttes ouvrières et populaires contre les attaques sur certains droits et acquis sociaux, etc..

    Mais les difficultés résident dans l’état de faiblesse de la gauche radicale, non pas seulement en nombre mais aussi et plus particulièrement au niveau de l’implantation dans les mobilisations de la classe ouvrière et des couches populaires, le travail dans les syndicats et les alliances (non seulement avec les composantes de la gauche en général, mais aussi avec les islamistes intégristes de Justice et Bienfaisance).

    Les composantes de la gauche radicale sont très faibles pour initier des dynamiques unitaires et peser dans les organisations syndicales et de lutte afin de développer des courants démocratiques et combatifs.

    Nous faisons partie de cette faiblesse de la gauche radicale. Malgré les difficultés, nous poursuivons nos efforts de coordination et de combats communs. Nous luttons pour convaincre les avant-gardes des luttes sociales d'un projet de construction du parti ouvrier socialiste révolutionnaire de masse. Cela nécessite une intervention conséquente dans les luttes ouvrières quotidiennes et un renforcement des organisations syndicales par la défense en leur sein d’une ligne lutte de classe, mais aussi en initiant des formes d’organisation de jeunes, ainsi que par la reconstruction du mouvement féministe sur des bases anti-patriarcales et anticapitalistes.

    La question écologique est au cœur de notre programme et de nos préoccupations. Nous contribuons à populariser les analyses théoriques (traduction des textes programmatiques), à soutenir les différentes actions et activités pour une justice climatique, et à rendre visibles les expériences de résistances contre l’injustice environnementale.

    Nour Samad (courant Almounadil-a)

     

  • Le 4e congrès national de La Voie démocratique (NPA)

    Les leçons de 21 ans de lutte de La Voie démocratique ont conduit à définir quatre processus structurant notre action et notre combat :

    La Voie démocratique, comme continuité politique et idéologique du mouvement marxiste-léniniste marocain, en particulier Ilal Amam1, a été créée en 1995 sur la base des acquis de 25 ans de lutte, la rupture avec le réformisme et le révisionnisme et les apports théoriques de Ilal Amam concernant les contradictions fondamentales entre le bloc de classes dominant constitué des gros propriétaires terriens, de la bourgeoisie mandataire et de l’impérialisme, en particulier français, d’une part, et la classe ouvrière et les masses laborieuses, d’autre part ; la désignation de la mafia makhzen, qui détient le pouvoir et une grande partie de la richesse du pays, comme l’ennemi direct le plus féroce et la principale entrave à toute avancée démocratique et sociale ; et les spécificités de la constitution de la nation marocaine comme nation amazigho-arabe et musulmane ayant de fortes spécificités régionales nécessitant la mise en place de larges autonomies.

    - Le processus de constitution de l’organisation politique autonome de la classe ouvrière et des masses laborieuses à travers l’enracinement dans la classe ouvrière et les masses laborieuses et l’unification des organisations marxistes.

    - Le processus de constitution des organisations autonomes des masses populaires (syndicats, associations, comités de quartier…), leur unification et intégration à la lutte pour la libération nationale et la démocratie.

    - Le processus de constitution du front des classes populaires.

    - Le processus d’édification d’une Internationale marxiste.

    Le 4e congrès national s’est tenu en juillet 2016 sous le mot d’ordre « Construire le parti de la classe ouvrière et le front uni pour se débarrasser du makhzen et édifier l’Etat national, démocratique et populaire » dans un contexte national caractérisé par :

    - Une crise économique profonde causée par la dépendance, surtout vis-à-vis de l’impérialisme français, le parasitisme du bloc de classe dominant, l’économie de rente, la prédation de la mafia makhzen, crise exacerbée par la crise actuelle du capitalisme.

    - Une crise sociale touchant non seulement les classes défavorisées mais aussi la petite bourgeoisie et de larges couches de la moyenne bourgeoisie.

    - Une crise politique attestée par le boycott massif des élections (80 % des inscrits) – le champ politique officiel est de plus en plus déconnecté des préoccupations populaires.

    - Une offensive menée par le régime contre les masses populaires et les organisations militantes en profitant d’une conjoncture favorable (priorité à la lutte contre le terrorisme, luttes sanglantes dans plusieurs pays arabes, reflux du mouvement du 20 février), du soutien de l’impérialisme, en particulier français, et des aides financières des pays du Golfe pour faire passer des mesures antipopulaires (« réforme » des retraites au détriment des retraités, liquidation accélérée des services sociaux publics et du soutien aux prix des produits de base…). La contrepartie est l’approfondissement de la dépendance du Maroc, sur tous les plans, vis-à-vis de l’impérialisme, l’alignement sur les positions des régimes rétrogrades du Golfe et la participation à leurs guerres contre les peuples arabes.

    -Une résistance populaire multiforme capitalisant sur les acquis du mouvement du 20 février et montrant les énormes potentiels de lutte de notre peuple : recul de la peur, recours systématique aux sit-in, marches et toutes formes de lutte. Mais ces luttes restent dispersées et n’arrivent pas, souvent, à se transformer en mouvements organisés et stables et à s’unir à cause de la faiblesse des organisations militantes et de leur modeste enracinement en leur sein.

    Le 4e congrès national, prenant en compte cette situation et les leçons de la mise en œuvre des processus cités plus haut dans la réalité concrète, a permis de tirer les conclusions suivantes :

    - L’unification des marxistes s’est révélée difficile (sectarisme, gauchisme, divergences concernant la stratégie du changement, la politique des alliances stratégiques…).

    - Le mouvement du 20 février, qui s’inscrit dans les processus révolutionnaires qui ont embrasé le monde arabe, a échoué à atteindre ses objectifs, en particulier à cause de l’absence d’un parti organisant la classe ouvrière et les masses laborieuses et représentant leurs intérêts.

    Aussi La Voie démocratique a-t-elle décidé, lors du 4e congrès national, de s’atteler sans plus attendre, de toutes ses forces et avec une détermination inébranlable, à la construction du parti de la classe ouvrière et des masses laborieuses qu’elle considère comme sa tâche centrale. Ceci, tout en continuant à tendre la main aux militants marxistes.

    Sur le plan stratégique :

    - La nature de l’Etat permettant l’essor de toutes les composantes de notre peuple, à savoir l’Etat national, démocratique et populaire comme phase posant les jalons pour le socialisme, les objectifs et étapes du changement révolutionnaire (étape du changement national, démocratique et populaire, étape du changement socialiste et les rapports entre elles), les instruments du changement révolutionnaire et les fronts de classe.

    - Le programme de changement démocratique radical de transition vers le socialisme a été réexaminé, enrichi et précisé.

    - Les organisations autonomes des masses populaires sont un enjeu stratégique de première importance car, grâce à elles, les masses apprennent à s’organiser, défendre leurs intérêts et gérer leurs affaires. Elles constituent des embryons de contre-pouvoir. Le parti doit les défendre contre la mainmise du pouvoir et des forces qui lui sont liées et aider à leur unification et leur participation à la lutte globale pour le changement, mais il doit être attentif à leurs doléances, suggestions et critiques et ne doit, en aucun cas, les considérer comme de simples courroies de transmission.

    Au niveau tactique : les alliances tactiques permettent de réaliser une ou quelques tâches en isolant l’ennemi le plus féroce à un moment déterminé et en essayant de rassembler le plus large front possible pour l’abattre. Il est clair qu’un tel front ne peut se faire que sur une base politique et non idéologique, et qu’il est dépassé dès que les tâches pour la réalisation desquelles il s’est formé sont accomplies.

    C’est pourquoi La Voie démocratique, tout en se battant bec et ongles pour la constitution d’un front démocratique, dont le noyau dur et la colonne vertébrale devraient être la gauche militante, lutte dans le même mouvement pour un front plus large, à l’instar du mouvement du 20 février, regroupant toutes les forces et personnalités souffrant de la mainmise de la mafia makhzen sur le pouvoir et la richesse et prêtes à se battre pour l’abattre.

    Abdallah Harif

    • 1. Ilal Aman (« En avant ») était une organisation marxiste-léniniste, constituée en août 1970, qui a été férocement réprimée, une série de ses membres ayant été condamnés à de lourdes peines de prison. Un de ses dirigeants les plus connus était Abraham Serfaty. Nombre de cadres de ce courant, après leur libération au début des années 1990, ont constitué La Voie démocratique.

  • Maroc : La question amazighe (NPA)

    Le 15 janvier 2012, lors d'un rassemblement de célébration du Nouvel an amazigh. DR.
     

    Une des facettes de la contestation actuelle est lié a l’existence d’un mouvement culturel amazigh et aux luttes des populations autochtones.

    La défense de la culture et de la langue a aussi un fondement social et se traduit par la recherche d’une jonction entre la défense d’une identité spécifique discriminée et la lutte pour une émancipation sociale et démocratique.

    A Al Hoceima, les mobilisations contre la « hogra » (l’arbitraire et le mépris), suite à la mort du jeune vendeur de poisson Mohcine Fikri due à l‘intervention des autorités locales, ont un lien avec la situation particulière du Rif et la mémoire collective de la population.

    Le Rif, c’est l’épopée d’Abdelkrim Al Khattabi qui a fondé une république (1917-1926) dans sa guérilla anticoloniale et témoigné toute sa vie d’une défiance vis-à-vis du makhzen ; ce sont les milliers de morts en 1958, après un soulèvement populaire noyé dans le sang par Hassan II, alors prince héritier ; c’est le cœur des émeutes populaires de 1984 contre les politiques d’ajustement structurel ; ce sont les cinq jeunes dont les corps ont été retrouvés carbonisés pendant le Mouvement du 20 février.

    Et c'est la persistance d’une identité amazighe. Le terme Amazigh signifie « Homme libre ». Il est revendiqué face aux autres noms imposés par les différentes colonisations ou les élites, tel que « berbère ». La mobilisation à Al Hoceima associe le drapeau amazigh, celui de la république du Rif et les slogans sociaux et démocratiques contre le makhzen. Cette jonction entre revendications sociales, démocratiques et culturelles renvoie à une histoire spécifique

    La population autochtone amazighe a dû faire face, pendant une longue période, aux tentatives de négation de son identité et ses formes d’organisation sociale. Les communautés paysannes regroupées en tribus (confédérées) avaient un droit d’usage collectif sur la terre et les ressources naturelles. Elles ont historiquement manifesté une autonomie plus ou moins marquée par rapport au pouvoir central. La colonisation française a visé une assimilation et une politique de déstructuration de leurs bases économiques et de leur rapport à la terre, suscitant des résistances populaires armées. Mais à l’indépendance, la question amazighe a été tout autant évacuée.

    Discrimination au nom de l'identité arabo-musulmane

    Pour le mouvement national officiel, principalement urbain, la question amazighe était inexistante. Même Mehdi Ben Barka proclamait au lendemain de l’indépendance que « le berbère est simplement un homme qui n’est pas allé à l’école. Il s’agit là d’un problème d’instruction et d’évolution sociale, d’équipement intellectuel et d’équipement technique des campagnes. » L’identité nationale marocaine portée par des élites urbaines ambitionnait alors de sortir les campagnes de « l’arriération culturelle ». N’étant ni « langue du pouvoir », ni « langue de développement », la langue et la culture amazighs ont été refoulées aux marges et folklorisées.

    La monarchie a mis en avant le caractère arabo-islamique de sa légitimité. L’islam officiel ne peut être concurrencé par une autre langue, ni même par un islam populaire qui soit tant soit peu différent. La conception homogène de la nation marocaine, dont l’unité est matérialisée par la monarchie en tant que pouvoir indivisible sur tout le territoire, a accentué le refoulement politique et culturel des populations amazighes.

    Les politiques linguistiques dans l’enseignement et l’administration, opposées aux langues maternelles, ont contribué à exclure socialement de larges catégories populaires. Les politiques socio-économiques ont marginalisé des territoires entiers, soit pour des motifs politiques (c’est le cas du Rif considéré comme une zone dissidente et « punie » par l’Etat), soit parce qu'ils sont intégrés au « Maroc inutile » (pour le capital local et international), en particulier dans le monde rural et dans les régions à dominante amazighe (le Souss et le Centre).

    La question amazighe n’efface pas les influences multiples qui ont façonné la réalité culturelle, sociale et démographique d'aujourd'hui. Il n’existe quasiment plus, sauf dans des zones très restreintes, d’ethnie de « pure » appartenance amazighe ou arabe. La majorité est arabo-amazighe. Mais cela ne signifie pas évacuer l’existence d’une oppression spécifique cristallisée par l’Etat, ainsi que celle de spécificités régionales ethnoculturelles. Une communauté/peuple qui ne peut ni gouverner ni s’éduquer dans sa langue est discriminée.

    Genèse et développement du mouvement amazigh

    Le mouvement amazigh a connu plusieurs phases. Dans les années 1960/70, il s’est refugié dans une défense des « cultures populaires », sans avancer de revendications à caractère politique ou démocratique. Les années 1980 ont été celles d’une gestation difficile dans un contexte répressif. Ce n’est que dans la décennie suivante qu'en résonance avec la question kabyle dans l’Algérie voisine, un regroupement des différentes associations s'est produit sur la base de la Charte d’Agadir (1991). Celle-ci revendique la constitutionnalisation de la langue amazighe, son utilisation et généralisation dans l’enseignement et l’administration.

    Mais cette politisation ne s'est accompagnée que de mémorandums à destination de la classe politique et du pouvoir. La direction du mouvement ne cherchait pas la confrontation. Dans les années 2000, le pouvoir a mené une politique de cooptation. Les directions majoritaires ont soutenu la création de l’Institut royal de la culture amazighe, se contentant de l’introduction partielle de l’amazigh dans certains cours (en 2003 ) et de la création d’une chaine de télévision à diffusion limitée (2008 ).

    La cooptation s'est également appuyée sur une crise ouverte au sein du mouvement, entraînant nombre de ses cadres et militants à se replier sur l’associatif au plan local, financé par des organismes proches du pouvoir. Le mouvement a connu un reflux et la cristallisation de plusieurs courants : ethniciste-chauvin, autonomiste, institutionnel, démocratique radical… Cependant, en 2011, le M20F a montré la possibilité d’un mouvement populaire qui intègre les revendications spécifiques dans un combat général contre le despotisme. La reconnaissance de la légitimité des revendications amazighes faisait consensus. Cette dynamique a obligé le pouvoir à reconnaitre la langue amazigh comme langue officielle sans pour autant la mettre sur un pied d’égalité, cette « reconnaissance » elle-même devant attendre des décrets d’application, qui se sont avérés par la suite sans portée réelle.

    Tâches et perspectives

    Le pouvoir peut réprimer ou faire des concessions formelles, mais alors en contournant les revendications. La lutte pour la satisfaction des droits culturels et démocratiques ne peut s’appuyer sur le dialogue avec lui, ni se limiter à une reconnaissance officielle de la langue. Elle nécessite une rupture avec les politiques d’austérité qui asphyxient l’enseignement public, la formation des maîtres et la possibilité de généraliser son usage.

    Mais il faut aussi lutter pour une réforme agraire et foncière. La culture et la langue amazighes ont en effet été portées par des communautés ancrées dans les liens sociaux et matériels que permettait un régime spécifique de propriété. Les terres étaient collectives, même si les communautés en avaient seulement l’usage. Le dahir (décret) de 1919 régit le « droit de propriété des tribus, fractions, douars ou autres groupements ethniques sur les terres de culture ou de parcours dont ils ont la jouissance à titre collectif ». Placées aujourd’hui sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, ces terres s’étendent sur une superficie estimée à 15 millions d’hectares. Les Amazighs sont aujourd’hui particulièrement touchés par l’intensification de l’accaparement des terres agricoles et pastorales, qui prive les populations rurales de leurs ressources naturelles (mines, forêts, parcours, eau) et de leurs moyens de subsistance, en suscitant en retour une dynamique de résistance.

    Les mobilisations à Imider1 ont réactualisé les formes d’organisation communautaires, en associant l’ensemble des habitants à la conduite de la lutte. La culture amazighe s’assume ici comme un moyen de lutte collective sur des questions sociales, écologiques et démocratiques. A Al Hoceima , les assemblées générales se font dans la langue de l’opprimé. S’il est difficile de savoir sous quelle forme un mouvement de masse pourra s’unifier et se cristalliser, il y a d'ores et déjà une nouvelle génération qui ne se reconnaît pas dans les structures officielles du mouvement amazigh. L’enjeu est de reconstruire un mouvement combatif, indépendant, unitaire, laïc, qui sache combiner les luttes spécifiques et les luttes pour une émancipation globale.

    Celle-ci implique un Etat laïque où les formes de légitimation du pouvoir ne reposent pas sur une religion instituée. L’égalité des droits des langues et cultures ne peut reposer sur la sacralisation de la langue arabe comme langue du coran. Une résolution démocratique implique en outre une rupture avec les conceptions centralisatrices et homogènes de la nation, afin de garantir la possibilité d’une autonomie nationale-culturelle et de l'auto-administration régionale. Mais aussi et en même temps, une lutte de classe résolue contre la classe dominante quelle que soit sa coloration ethnique, pour que les classes populaires conquièrent le pouvoir réel et construisent une société égalitaire, multiculturelle, affranchie de toute forme d’oppression et d’exploitation.

    Karim Oub2

    • 1. Imider : une lutte qui a commencé en 1996 mais a pris une dimension nouvelle depuis six ans, avec l’installation d’un campement permanent des habitants des différents villages qui luttent pour le droit aux ressources, accaparées par un holding royal, et contre la pollution générée par l’exploitation de la mine
    • 2. L'auteur est un militant amazigh et marxiste révolutionnaire.

  • Dossier Maroc ( L'Anticapitaliste)

     

  • Maroc : Du Makhzen précolonial au pouvoir absolu de la monarchie (NPA)

     

    La monarchie s’est historiquement appuyée sur un appareil politique et administratif particulier, conservé et renforcé par la colonisation, que l’on nomme le makhzen.

    Mais la consécration d’un pouvoir absolu, au lendemain de l’indépendance, a nécessite des luttes et conflits qui ont permis de marginaliser le mouvement national et de défaire les résistances populaires.


    Le Makhzen précolonial reposait sur une corrélation étroite entre la violence organisée, la collecte des impôts et l’administration de territoires. Le terme « Makhzen » désigne à la fois le « magasin/lieu de dépôt »  (des richesses prélevées) et l’autorité qui l’institue. Ce « système stable de violence continue » impose un prélèvement fiscal qui, souvent, n’est possible que sous la pression militaire.


    Le sultan et l'Etat

    Dès les premiers temps, il n’y pas à proprement parler de distinction entre le Trésor et la fortune du prince. S’installe un fonctionnement spécifique de ce mode de commandement. Les « harkas » sont à la fois des expéditions punitives et le moyen d’un racket imposé :  le sultan arrive avec sa suite et son armée dans une région ; le caïd et les cheikhs des tribus de la région se portent à sa rencontre. Ces derniers doivent présenter au sultan la collecte de l’impôt. Souvent, des razzias ont lieu. Les richesses collectées servent à financer les expéditions armées. Elles visent à (r)établir l’autorité du sultan, mais aussi à soumettre et appauvrir. Faddul Ghirmit, un « vizir » du 19e siècle, répétait qu'« on doit plumer le contribuable comme le poulet, si on le laisse s’enrichir, il se rebelle ».

    Le Maroc précolonial était structuré par plusieurs centres de domination (tribus, confréries religieuses, corporations urbaines, pouvoir du sultanat...) relativement autonomes. Les historiens parlent de « bled siba » pour désigner les régions rétives ou hostiles à l’autorité politique et administrative du sultanat, et du « bled makhzen » pour les zones où cette autorité s’exerce, par le biais d’allégeances complexes et par la force. Cette distinction était elle-même mouvante. Il y a une dissociation entre l’autorité religieuse du sultan, globalement acceptée, et l’autorité profane qui est circonscrite à des territoires et souvent contestée. La domination instaurée cherche à éviter le développement de pouvoirs locaux autonomes qui pourraient menacer le pouvoir central en consolidation.

    L’administration sert avant tout à gérer les revenus du trésor et le domaine acquis par le sultan et sa cour. Le terme « Dawla »( « Etat ») est, au sens étymologique, l’appropriation exclusive du trésor par l’utilisation de la force. Les impôts sont des amendes extorquées aux commerçants, artisans, paysans. La fiscalité, différentes corvées, le contrôle des zones de pâturage et de l’eau, l’appropriation des terres témoignent d’une forme de prédation économique dont la finalité est aussi politique : assurer le contrôle social sur la base de rapports de forces négociés et renouvelés.

    L’opposition droit makhzenien/droit coutumier était souvent tranchée par la force. De même, le monopole du commerce établi, les prélèvements opérés sur certaines filières (notamment le sucre et l’artisanat) imposent un rapprochement avec la caste des marchands, selon une logique qui allait perdurer : le droit à des privilèges en échange de la soumission ; en particulier, le droit concédé et réversible à un monopole de commercialisation de certains produits : les peaux, le sucre, le kif déjà à cette époque, le coton, le blé. Ces mêmes commerçants, ainsi que les collaborateurs et serviteurs du sultan (chorfas, oulamas, militaires, grands fonctionnaires ou leurs représentants locaux), pouvaient bénéficier de terres notamment dans les régions fertiles. Bien avant le Maroc moderne, la pratique de concessions de ressources matérielles s'est répandue comme moyen d’allégeance.


    La colonisation

    Le processus colonial entamé au 19e siècle s’est officiellement établi en 1912, en s’appuyant sur des forces locales. L’accaparement des terres s’accompagne aussi de l’extension de la propriété foncière des caïds et des relais locaux de l’ordre colonial. Ali Benhaddou note que « la qualité de grande famille bourgeoise s’associe nécessairement à la propriété terrienne. Près de 40 000 hectares que détenaient les familles chérifiennes, lettrées et commerçantes, en 1968 leur étaient déjà acquise au début du 20e siècle. En 1973, 500 000 terres de colonisation privée ou officielle sont passées entre les mains des représentants de l’élite politique. S’ajoutent 7500 pachas, caïds et cheikhs qui, dés les années 1930, avaient pris possession du quart des terres marocaines, soit 1 800 000 hectares de cultures. »

    Les dynasties dominantes qui se sont formées ou renforcées au 19e siècle traversent la période coloniale comme alliées subordonnées de la prédation internationale ou comme auxiliaires du makhzen qui assurait, malgré les fluctuations politiques, le maintien de leurs positions dominantes.

    L’ordre colonial s’est appuyé sur les familles dominantes et le corps des caïds pour consolider sa présence. Il a également donné au Makhzen une armature nationale et une infrastructure matérielle et administrative. La colonisation a dû pour cela pacifier le pays pendant vingt ans.

    La République du Rif1 et toute une série de soulèvements dans différentes régions contestaient le pouvoir colonial et le makhzen qui lui était associé. Après leurs défaites, le pays a connu la montée d’un mouvement national plus urbain, dans un premier temps modéré, avant de connaître un processus de radicalisation sous une triple impulsion : la construction d’un syndicalisme ouvrier et nationaliste de masse, incarné par l’Union marocaine du travail (UMT) dans les années 1950 ; la réactivation de la lutte armée dans les villes ; l’avènement des armées de libération du Nord et du Sud.

    Confronté en Algérie à la résistance du FLN, l'Etat français ne voulait pas d’une dynamique comparable au Maroc, ni d’une base arrière pour la rébellion algérienne. Le sultan Mohamed V a alors commencé à cultiver l’image d’un roi opposé aux décrets coloniaux et sympathisant de la « cause nationale ». Son exil et le soutien apporté par le « Parti de l’indépendance » (Istiqlal ) qui entendait démontrer l’unité de la nation l’ont aidé à se construire une image symbolique forte. En 1956, les accords d’Aix-les-Bains ont permis une transition vers une indépendance formelle et négociée, mais la monarchie en tant que pouvoir absolu est le fruit d’un processus parsemé de luttes et de conflits dans la première décennie post-indépendance (1956-1965).


    Vers la monarchie absolue

    Dès le lendemain de l’indépendance, le roi a cherché à temporiser sur l’avenir institutionnel du pays, tout en se donnant les moyens de bâtir un nouveau rapport de force, contre ses adversaires réels ou potentiels. Plusieurs éléments y ont contribué :

    • La construction des Forces armées royales (sous la direction du prince héritier Hassan II) avec des officiers autrefois intégrés aux armées coloniales.

    • L’écrasement des différentes résistances qui ont refusé de déposer les armes au nom de l’inachèvement de la lutte anticoloniale (l’Espagne était toujours présente au nord et au sud, comme restaient sur place des colons et militaires français), y compris à une échelle maghrébine. L’opération Ecouvillon, menée en 1958 avec l’appui tacite de la monarchie, par les armées coloniales françaises (à partir de la Mauritanie) et espagnoles, a abouti à la destruction de l’armée de libération du sud. Celle du nord a été démantelée suite aux pressions de L’Istiqlal et à la répression menée par le pouvoir dans la région du Rif ;

    • La lutte contre l’Istiqlal par la création de partis s’appuyant sur les réseaux de notables et caïds dans les campagnes, un relais social et politique efficace contre les tentatives d’enracinement du mouvement national dans les campagnes réactivant l’allégeance traditionnelle au makhzen.

    • La mise en œuvre d’une politique visant à faire éclater les contradictions internes du mouvement national et à l’affaiblir. L’Istiqlal était un parti interclassiste traversé par une idéologie nationaliste bourgeoise salafiste ( Allal el Fassi est le représentant de ce courant associé à la bourgeoisie commerçante et à l’aristocratie religieuse et lettrée citadine ) ainsi que par des courants nationaux populaires attirés par la dynamique du FLN ou de l’Egypte de Nasser.

    Le pouvoir a su attiser les oppositions entre la « droite « et la « gauche ». La nomination en 1958 d’un gouvernement dirigé partiellement par la gauche a permis à la droite, inquiète des projets de réforme agraire et de plans de modernisation qui pouvaient saper à terme les bases matérielles des couches privilégiées, de se rassembler à l’intérieur et à l'extérieur de l’Istiqlal. Mais cela a aussi entraîné des frictions à gauche, notamment de la part du mouvement syndical qui affirmait la nécessite d’un gouvernement plus offensif et homogène, ainsi que de ses alliés dans l’Istiqlal.

    C’est également durant ces années que les fractions plus radicales de la résistance ont été désarmées (opération Ecouvillon, insurrection dans le Rif matée dans le sang par l’armée royale, dissolution du Parti communiste marocain…). Après avoir accepté des responsabilités gouvernementales sans maîtrise du pouvoir réel, sans rapport de forces à l’extérieur et sans lutte pour un processus constituant, confrontée aussi aux difficultés économiques, la « gauche » a été congédiée deux ans plus tard, alors que l’Istiqlal connaissait une scission majeure en 1959, aboutissant à la création de l’Union nationale des forces populaires ( UNFP) dont un des dirigeants a été Mehdi Ben Barka.

    A cet affaiblissement et cette division du mouvement national s'est ajouté un processus de bureaucratisation très rapide de l’Union marocaine du travail, dont la direction s'est noyée dans les privilèges matériels. En 1962/63, elle théorise la « politique du pain », centrée exclusivement sur les revendications professionnelles sans prise en compte des conflits politiques.

    Les conditions d'un affrontement étaient pourtant réunies. Hassan II s'est installé au pouvoir en mars 1961, après le décès de son père. Il a mené une chasse aux sorcières, en particulier contre l’UNFP en réaction à un prétendu complot, et contre ceux qui avaient critiqué la militarisation du conflit à la frontière avec l’Algérie (la « guerre des sables » de 1963) . Des milliers de personnes ont été arrêtées, les administrations purgées des membres actifs de l’UNFP, Ben Barka contraint à l’exil.

    En 1965 s'est produit à Casablanca un soulèvement populaire qui a marqué, moins de dix ans après l’indépendance, la désillusion des classes populaires quant à la possibilité d'un changement. Les partis nationalistes et l’UMT en ont été surpris et se sont trouvés dans l’incapacité de mener la moindre action. La répression, terrible, a été suivie de l’instauration d’un régime d’exception. Quelques mois plus tard, Ben Barka était assassiné à Paris. Les années de plomb commençaient. La monarchie avait gagné le pouvoir absolu.

    Chawqui Lotfi


    • 1. La république du Rif (1919-1927) a eu une portée internationale. Abdelkrim-al-Khattabi a inspiré les théories de la guérilla chez Mao et Hô Chi Minh. La défaite d’une armée espagnole de 60 000 hommes lors de la bataille d’Anoual a menacé tout l’édifice colonial. Il a fallu l’intervention massive et conjointe des armées espagnoles et française, l’usage alors nouveau de l’aviation et l’utilisation du gaz moutarde pour contraindre les révoltés à l’arrêt de combats. L’intervention française visait explicitement à « rassembler les tribus sous l’autorité du sultan ». Abdelkrim avait lancé un appel à la liberté pour tous les peuples. Exilé au moment des accords de l’indépendance, il affirma que « l’Istiqlal et son sultan ont trompé les Marocains et pactisé avec la France ».

    https://npa2009.org/

  • La gauche marocaine : des défis nombreux (NPA)

    Le Mouvement du 20 Février 2015 a dévoilé l’incapacité de la gauche à peser dans la construction d’un rapport de forces, dans un contexte marqué par un aiguisement des contradictions sociales sur tous les terrains, le grippage des mécanismes de la façade démocratique, une crise des médiations traditionnelles et l’amorce de nouvelles dynamiques sociales.

    La stratégie de construction d’un rapport de forces à l’intérieur des institutions a mené la principale opposition historique « de la réforme à la gestion subordonnée ». Le vide crée a facilité la formation d’une coalition de différents courants, la Fédération de la gauche démocratique (FGD), qui défend la perspective d’une monarchie parlementaire par une stratégie pacifique combinant mobilisations sociales et participation institutionnelle. Dans les faits, cela est revenu à autolimiter l’action collective, à la subordonner aux stratégies électorales et à éviter toute perspective d’affrontement social et politique. Aux dernières élections, la FGD a obtenu deux députés.

    La gauche radicale connait également des difficultés considérables.

    Le poids donné aux traditions idéologiques spécifiques l’emportent sur la définition de tâches politiques communes, les pratiques différentes dans le travail de masse, en particulier mais pas seulement syndical, conduisent à des lignes de différenciation importantes. La faiblesse du débat trans-courants entretient les clivages. Au-delà, il y a des différences sur des questions majeures.

    Il en est ainsi de l’idée d’un « front populaire » incluant la gauche non gouvernementale (le FGD) et, à un deuxième niveau, un front civil plus large associant des courants de l’islam politique opposés au système, qui permettrait d’isoler l’adversaire principal, autour d’une tache immédiate : la chute du makhzen. Cette approche sous-estime les possibles et nécessaires radicalisations politiques d’en-bas et la nécessité d’une nouvelle représentation politique, liée organiquement à de nouveaux cycles de mobilisations/expériences de luttes de masses. Le « débouché politique » ne peut être une recomposition, dans le cadre d’un front, de forces issues d’un autre cycle historique, dont les limites et impasses ont été éprouvées.

    La question des mouvements islamistes oppositionnels est complexe. S’il est juste de pas les considérer comme l’ennemi principal, de ne pas faire abstraction de leur base populaire, il faut comprendre les raisons de leur retrait du M20F et la nature de classe de leurs directions. La contradiction principale n’efface pas la contradiction fondamentale, dans un contexte où c’est la question sociale qui tend à être le coeur de la lutte démocratique. Les mobilisations d’en-bas, comme terrains potentiels de confrontation politique, donnant un contenu social et sa base réelle à la lutte démocratique, doivent être le fondement d'alliances réelles.

    La question de l’unification des résistances est le problème clé de la situation.

    Elle ne peut être résolue par les formes actuelles du travail de masse, qui sont sans efficacité par rapport à la tâche posée, ni par rapport à l’enjeu de refonder un nouveau mouvement ouvrier et populaire. Il ne s’agit pas seulement de se « distinguer », dans une « guerre de positions » structurellement inégale face aux bureaucraties et forces liées au système , dans des cadres discrédités et en crise. Il s’agit de comprendre les raisons profondes pour lesquelles le mouvement syndical, les organisations traditionnelles ne permettent plus la reconstruction des capacités collectives d’action, mais aussi pourquoi les secteurs populaires, les salariés, ne les considèrent pas comme des référents « naturels » et n’y adhérent pas, ou seulement conjoncturellement. Il s‘agit bien de rebâtir des cadres d’action collectifs ancrés dans la défense organique des urgences sociales et démocratiques, rompant avec les formes bureaucratiques du travail de masse et les conceptions étroites du travail syndical.

    Les mobilisations sont l’expression sur différents terrains de la contradiction entre la logique d’ensemble de la reproduction et prédation du capital local et international, et la satisfaction des besoins élémentaires des classes populaires et des travailleurs. Elles prennent la forme concrète d'une opposition aux politiques d’austérité et répressives. Malgré leur caractère spécifique ou sectoriel, elles s’affrontent à une logique globale qui nécessite de puissants mouvements populaires, un processus de convergence des luttes, autour d’exigences communes contre la répression et l’austérité.

    Cette dynamique nécessite une compréhension que le moteur d’une lutte démocratique radicale est la question sociale et la rupture avec les stratégies de « dialogue social » et les formes d’action qui n’ont pas d’impact concret sur la puissance des dominants. La question de l’unité d’action populaire, sous des formes qui permettent l’auto-organisation et le développement d’un mouvement de masse autonome, s’érigeant comme force sociale et politique et disputant au pouvoir sa légitimité à diriger, est centrale dans la construction d’un rapport de forces. La construction de réponses globales et unifiantes contre l’austérité, les discriminations et la répression peut à cette étape en être le socle politique. Le climat social indique la possibilité d’une reconstruction politique de références et formes d’organisation, ainsi que d’un espace de la gauche démocratique révolutionnaire, à condition qu’elle sache articuler une politique indépendante dans les luttes, une pratique unitaire et une perspective anti-institutionnelle radicale.

    Le réveil social actuel peut s’élargir et avoir une portée globale s’il est sous-tendu par une perspective politique posant les jalons d’un parti de classe pluraliste, indépendant, unifié sur la base de tâches politiques centrales et non sur le bilan du passé ou la prédominance de telle ou telle tradition politique. Cela implique aussi une redéfinition, ouverte aux ajustements et débats, des formes et contenus d’intervention dans les organisations de masse, un dépassement des formes verticalistes de combat politique et d’organisation, qui font l’objet d’une méfiance et d’un rejet au sein des nouvelles générations. Cela implique une rupture avec les approches visant à faire de tel ou tel courant le noyau exclusif, principal ou hégémonique du parti se construisant par ses propres forces, ainsi qu'avec celles qui ne dépassent pas un rapport activiste et propagandiste aux luttes.

    Au-delà, une partie des difficultés tient à des faiblesses combinées :

    a) l’absence d’un projet global qui nourrisse un horizon émancipateur dont le fil conducteur, y compris pour les luttes d’aujourd’hui, soit une démocratie radicale fondée sur le contrôle populaire, une répartition égalitaire des richesses, une gestion écologique des biens communs, l’égalité des droits pour tous et toutes ;

    b) une difficulté à penser les stratégies de luttes en dehors des marges concédées par la façade démocratique ;

    c) une difficulté à porter une perspective politique offensive et des mots d’ordres capables d’incarner, au-delà du rejet ou de la chute du makhzen, l’exigence d’une réappropriation démocratique du pouvoir et de la richesse ;

    d) une difficulté à penser les conditions actuelles de la construction d’une alternative, les différents courants estimant qu’il y a déjà une « offre politique » qu’il suffit de renforcer, au détriment de l’ouverture d’un nouveau cycle politique dépassant l’éparpillement des forces révolutionnaires et rassemblant, dans une nouvelle force, les nouvelles générations dont la satisfaction des aspirations nécessite une révolution sociale et démocratique.

    Amin Saber (Tahadi)


  • Revue Anticapitaliste n°83

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    Revue n°83 - Dossier “Maroc”

    ÉDITORIAL

    Galia Trépère Alep, les crimes de la contre-révolution

    RUSSIE 1917 : LA REVOLUTION

    Laurent Ripart La Russie à la veille de la révolution Quand « ceux d’en bas » ne veulent plus et « ceux d’en haut » ne peuvent plus

    ACTUALITÉ

    Samuel Farber Fidel Castro et l’Etat qu’il a créé

    Manon Labaye, Alexandre Raguet Mélenchon, de L’Humain d’abord à L’Avenir en commun

    DOSSIER

    Chawqui Lotfi Du Makhzen précolonial au pouvoir absolu de la monarchie

    Chawqui Lotfi De quoi la monarchie est-elle le nom ?

    Chawqui Lotfi Une instabilité sociale et politique

    Mohamed Aboud Un nouveau cycle de luttes sociales

    Tahani B., Ouadie E., Mohamed J.  Le Maroc : pays des droits, dites-vous ? 

    Karim Oub La question amazighe

    Secteur Femmes de La Voie démocratique - Paris

    Femmes au Maroc : entre patriarcat et exploitation

    Points de vue de la gauche radicale marocaine

    Abdallah Harif Le 4e congrès national de La Voie démocratique

    Nour Samad (courant Almounadil-a) Quelques éléments sur la situation politique au Maroc 

    Amin Saber (Tahadi) La gauche marocaine : des défis nombreux 

    LECTURES

    Michael Löwy Le Voyage en terres d’espoir d’Edwy Plénel

    Georges Ubbiali 1920, le Congrès des peuples d’Orient

    FOCUS

    Séverin Lechelle Quand La Poste casse les postiers

    Revue L’Anticapitaliste n°83 (janvier 2017)

    https://npa2009.org/

  • Marins marocains

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  • « Au Maroc, les professeurs de philosophie sont des foyers de résistance contre la bêtise » (Le Monde)

    Les enseignants de philosophie marocains sont mobilisés contre des nouveaux manuels d’éducation islamique, qui présentent la philosophie comme une « matière contraire à l’islam ». Noureddine Affaya, professeur de philosophie moderne et d’esthétique à l’université Mohammed-V de Rabat, décrypte les relations tendues entre la philosophie et le pouvoir, dans un contexte de retour au traditionalisme culturel sous Hassan II. Il a publié, en 2014, De la critique philosophique contemporaine (prix de la Fondation de la pensée arabe, Beyrouth, 2015).

    Avez-vous été surpris de la mobilisation des enseignants de philosophie ?

    Noureddine Affaya J’aurais été surpris que les enseignants de philosophie ne se mobilisent pas pour dénoncer les dérapages des nouveaux manuels d’éducation islamique. Cela prouve qu’au Maroc, et en dépit des élans rétrogrades, il y a toujours des défenseurs de la pensée moderne, y compris la philosophie.

    Comment expliquez-vous la tension récurrente entre la philosophie et les sciences sociales d’un côté, et la sphère religieuse de l’autre ?

    La philosophie, en tant que discipline et matière d’apprentissage, est le fruit du système d’enseignement introduit par le protectorat français [de 1912 à 1956]. D’ailleurs, elle n’a été arabisée qu’au milieu des années 1970. La tension entre la philosophie et la sphère religieuse n’est pas spécifique au cas marocain.

    Mais il faut dire que l’adversité à l’égard de la philosophie, au Maroc, s’explique, entre autres, par la peur et la résistance des milieux conservateurs contre toute pensée moderne enseignant la liberté, le questionnement et les principes de l’argumentation. L’enseignement de la philosophie est devenu un enjeu de pouvoir majeur.

    Qui est responsable de ce pourrissement ?

    La faute incombe au pouvoir politique qui a fait du système d’enseignement, après l’indépendance du pays, un front pour contrer les élans modernistes des élites et de la société marocaine, au lieu d’en faire un levier d’épanouissement et de progrès.

    Vous rappelez dans vos écrits que la philosophie a été considérée comme « dangereuse » et officiellement combattue pendant « les années de plomb », sous le règne d’Hassan II. Est-ce encore le cas ?

    Durant « les années de plomb », tant le pouvoir que les milieux traditionalistes ont vigoureusement combattu la philosophie et les sciences sociales et humaines. Néanmoins, les intellectuels marocains ont résisté, en investissant les institutions culturelles et par des pratiques pédagogiques et de sensibilisation.

    Pendant des années, le pouvoir politique a cru pouvoir contrer les habiletés critiques de la philosophie en encourageant les tendances islamisantes et conservatrices. Quand Mohammed VI a opté pour un discours moderniste, il s’est trouvé face à une opposition représentée par les différents courants islamistes qui avaient commencé à devenir plus visibles dès le début des années 1990.

    Comment avez-vous vécu cette montée en puissance de l’idéologie islamiste au Maroc, y compris et peut-être d’abord dans les facultés ?

    Il s’agit d’une histoire tumultueuse. Quand les autorités ont décidé d’élargir la carte universitaire dans les années 1980, de nouvelles universités ont été construites mais les facultés de lettres et sciences humaines étaient dépourvues de départements de philosophie.

    En lieu et place, on a ouvert de nouveaux départements d’« études islamiques », conçus et soutenus par un représentant officiel du wahhabisme marocain. Il est vrai qu’ensuite, l’Etat a permis l’ouverture de départements de philosophie dans les nouvelles facultés, mais dans des conditions extrêmement tendues et difficiles à cause de la nouvelle configuration idéologique caractérisée par la forte présence de l’islamisme.

    Quel rôle joue l’islam officiel, qui légitime le pouvoir royal, dans cette « bataille des valeurs » ?

    L’islam légitime le pouvoir au Maroc et les discours officiels revendiquent un islam ouvert et tolérant, mais leur mise en œuvre est marquée par des dérapages souvent incontrôlables. Ceux qui sont censés traduire ces discours en programmes et actions publiques sont eux-mêmes traversés par les courants qui n’hésitent aucunement à idéologiser, voire à « islamiser » la fonction éducative et pédagogique.

    Le roi a lancé une réforme des programmes de l’enseignement religieux, qui s’est faite sous l’égide du conseil des oulémas. Or, cette institution est dominée par une lecture traditionaliste, sinon salafiste…

    La lecture traditionaliste est prépondérante au sein du corps des oulémas. Mais il y a aussi diverses sensibilités et approches interprétatives du corpus religieux dans les structures institutionnelles qui gèrent « le capital religieux » au Maroc. Le souci tient au manque de vigilance des autorités responsables des programmes. Elles ont travaillé dans l’urgence à les modifier, laissant passer des manipulations aberrantes, notamment vis-à-vis de la philosophie et plus largement de toute pensée critique.

    Les islamistes se targuent d’avoir remporté la bataille idéologique. La philosophie et l’esprit critique sont-ils passés de mode ?

    La philosophie se bat toujours pour arracher sa légitimité et sa crédibilité. Le Maroc est probablement le seul pays au monde qui programme trois années d’enseignement de philosophie avant le baccalauréat. Cet acquis est le fruit d’une lutte des professeurs, car l’idéologie islamiste est présente aussi et contribue aux côtés d’autres forces politiques et sociales à nous tirer vers le bas.

    Les professeurs de philosophie sont des foyers de résistance contre la bêtise, la régression et l’amalgame. Et, heureusement, des espaces d’expression et d’apprentissage de l’esprit critique émergent, que ce soit grâce aux supports numériques ou dans des lieux de vie culturels qui échappent au contrôle des différents censeurs.

    http://www.lemonde.fr/

    Le Maroc enterre trente ans d’arabisation pour retourner au français

    Au Maroc, un manuel scolaire affirme que la philosophie est « contraire à l’islam »

    Au Maroc, la disparition des écoles publiques accélère la marchandisation de l’éducation

  • Marins du Maroc

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    النقابة الوطنية لبحارة الصيد الساحلي والصيد بأعالي البحار تنتزع حق الإعتراف القانوني.
    هنيئا لبحارة الصيد الساحلي والصيد بأعالي البحار المنضوون تحت لواء النقابة ...

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    El Sindicato Nacional de los marineros de la pesca costera y la pesca en alta mar arrogar el derecho de reconocimiento jurídico.

    Felicidades, marineros de la pesca costera y la pesca en alta mar se asuntos bajo la bandera del Sindicato Nacional de los marineros de la pesca costera y la pesca en alta mar, que victoria y extraer el reconocimiento legal del sindicato, tras la reciente sentencia del tribunal de casación de Rabat, día 8 Diciembre de 2016, ratifica núcleos del Sindicato Nacional.

    Vivió una lucha marineros de Marruecos
    Saludo de alta a la defensa que representa el profesor ahmed agujas de shell.
    " el tribunal de casación rechazó la solicitud de cordones el recurso de casación presentado por un factor de empleo agadir kit de gratitud día 08 de diciembre de 2016, lo que significa que el fallo del Tribunal Administrativo de baca monasterio de derogar la resolución tácita de autoridades locales baca der rechazar reconoce el archivo Legal del Sindicato Nacional de los marineros de la pesca costera y la pesca en alta mar en Marruecos y la entrega final de interfaces de assis. La fuerza de cosa juzgada "