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Palestine - Page 64

  • Palestine. Aux côtés des Palestiniens, contre l’occupation (A l'Encontre.ch)

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    Par Julien Salingue

     Les grands médias et les analystes autoproclamés s’interrogent: comment comprendre la multiplication, ces derniers jours, des attaques menées par des Palestiniens en Cisjordanie, à Jérusalem et en Israël?

    Pourquoi le «calme précaire» a-t-il cédé le pas à un «regain de violences»? Le gouvernement israélien va-t-il pouvoir «reprendre le contrôle» de la situation?

    Ils «vivent» sous occupation

    Une fois de plus, l’intérêt est porté sur le conflit opposant Israël aux Palestiniens lorsque des Israéliens sont blessés ou tués. Comme si, entre deux attaques au couteau ou entre deux tirs de roquettes, les «violences» s’interrompaient. Comme si la mainmise israélienne sur les territoires palestiniens, l’occupation militaire et la colonisation n’étaient pas des violences. Comme si le blocus de Gaza était une mesure pacifique…

    Combien de fois faudra-t-il le rappeler, les Palestiniens vivent sous occupation depuis des décennies. Ils sont confrontés chaque jour à la politique discriminatoire, expansionniste et répressive de l’Etat d’Israël. Il n’y a pas de «processus de paix», mais un processus de colonisation maintenue, avec son cortège d’expulsions, de saisies de terres, de démolitions de maisons, d’arrestations des récalcitrants.

    En temps «normal», il ne s’écoule pas une semaine sans que des manifestations palestiniennes soient prises pour cibles par l’armée israélienne, sans que des habitants de Cisjordanie soient victimes d’exactions commises par les colons [1], sans que des dizaines de Palestiniens soient enlevés en pleine nuit ou au petit matin pour être incarcérés sans jugement dans des prisons militaires.

    Alors, à la question «Pourquoi ces violences de la part des Palestiniens», on a envie de répondre par une autre question: «Pourquoi pas?»

    Sois colonisé et tais-toi?!

    Comme le faisait en effet remarquer la journaliste israélienne Amira Hass dans une tribune parue le 6 octobre dernier dans Haaretz: «Les Palestiniens se battent pour leurs vies, [alors qu’]Israël se bat pour l’occupation.» Et de poursuivre: «Les jeunes Palestiniens ne se mettent pas à assassiner des juifs parce qu’ils sont juifs, mais parce que nous sommes leurs occupants, leurs tortionnaires, leurs geôliers, les voleurs de leur terre et de leur eau, les démolisseurs de leurs maisons, ceux qui les ont exilés, qui bloquent leur horizon. Les jeunes Palestiniens, vengeurs et désespérés, sont prêts à donner leur vie et à causer à leur famille une énorme douleur, parce que l’ennemi auquel ils font face leur prouve chaque jour que sa cruauté n’a pas de limites.» [L’article traduit a été publié sur le site A l’Encontre en date du 10 octobre 2015.]

    Quelles sont les perspectives offertes aux Palestiniens par ceux qui aujourd’hui critiquent leurs actions et exigent un «retour au calme»? Aucune, sinon la perpétuation d’un système de domination et d’oppression contre lequel ils n’auraient pas le droit de s’insurger, et face auquel ils n’auraient qu’une seule attitude à adopter: la soumission et le silence, en attendant que les choses s’améliorent dans un avenir plus ou moins lointain. En d’autres termes: sois colonisé et tais-toi!

    La révolte des Palestiniens est légitime

    Entre le 1er et le 11 octobre, 4 Israéliens sont morts suite à des attaques au couteau et une dizaine d’entre eux ont été blessés. Dans le même temps, 24 Palestiniens ont été tués et plus de 1300 ont été blessés par balles réelles ou balles en caoutchouc, soit une moyenne de 130 par jour. Durant la seule journée du dimanche 11 octobre, 75 Palestiniens ont été atteints par des tirs à balles réelles lors de manifestations en Cisjordanie, à Jérusalem et à Gaza. Des chiffres qui indiquent non seulement l’ampleur de la répression israélienne, qui se durcit chaque jour, mais aussi et surtout le déséquilibre des forces en présence. [Depuis le mercredi 14 octobre, l’armée est déployée, suite à une décision du gouvernement, dans la ville de Jérusalem aux côtés des forces de police; de nouveaux checkpoints ont été mis en place dans Jérusalem-Est, etc.]

    Difficile de mesurer aujourd’hui l’ampleur que peut prendre la révolte en cours, notamment parce qu’elle se caractérise par une accumulation d’actes individuels, sans coordination ni stratégie de la part des factions politiques palestiniennes. Mais une chose est certaine: le gouvernement israélien a une fois de plus choisi de nier ses responsabilités et de se faire passer pour la victime, quitte à multiplier les provocations, les amalgames et les incitations à la haine. Mais rien n’y fera: la colère, la révolte et la résistance des Palestiniens sont légitimes, et personne ne pourra leur interdire de lutter pour affirmer leurs droits. Nous avons été, nous sommes, et nous serons à leur côté dans ce combat. (Publié sur L’Anticapitaliste en date du 14 octobre 2015)

    [1] Dans Le Monde daté du 14 octobre 2015, en page 3, Piotr Smolar rapporte: «L’heure est grave pour les colons; il faut se faire entendre. «Nous pensons qu’il existe une fenêtre historique pour changer la donne et étendre la souveraineté d’Israël à toute la Judée-Samarie [autrement dit la Cisjordanie occupée], explique Avi Roeh, président du conseil de Yesha (organisation regroupant les représentants des colons).»

    Fin de l’article: «Les colons ne représentent pas qu’une minorité bruyante. Leur influence politique est devenue majeure, leur idéologie centrale, faute d’une gauche décomplexée, qui présenterait une alternative solide. Le président Reuven Rivlin, issu du Likoud, ne dit-il pas lui-même que les constructions représentent un «droit national et historique»? Il y avait 341’000 colons en Cisjordanie en 2012; ils étaient 370’000 en 2014 (auxquels s’ajoutent 200’000 à Jérusalem-Est). Quant aux constructions, 2874 chantiers ont été lancés en 2013, 1503 en 2014 et 983 au cours des six premiers mois de 2015, précise l’ONG israélienne La Paix maintenant. «Il est totalement faux de dire que tout est à l’arrêt, explique Anat Ben Nun, responsable des relations extérieures de l’ONG. On construit aussi bien dans les avant-postes illégaux que dans les grands blocs de colonies.» (Réd. A l’Encontre)

    Publié par Alencontre le 14 - octobre - 2015

    Julien Salingue, chercheur, est l’auteur ou co-auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels: Israël: un Etat d’apartheid? Enjeux juridiques et politiques (avec Céline Lebrun), Paris, L’Harmattan, 2013; A la recherche de la Palestine, préface d’Alain Gresh, Le Cygne, Paris, 2011.

    http://alencontre.org/video/palestine-au-cote-des-palestiniens-contre-loccupation.html

  • Conflit israélo-palestinien : les médias restent silencieux. Et la violence s’accélère (Ujfp)

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    L’escalade de la violence se poursuit entre Israëliens et Palestiniens. Comment les médias traitent-ils ces heurts ? Michèle Sibony, membre de l’Agence Média Palestine et de l’Union Juive Française pour la Paix, regrette que les radios et les chaînes de télévision énoncent les faits de façon brute, sans les analyser. Explications.

    Depuis le début octobre auditeurs et téléspectateurs des principaux médias audiovisuels, comme France Inter ou les grandes chaînes de télévision, n’auront pu qu’enregistrer des événements bruts : un Palestinien tué par balles réelles sur un check point, deux colons tués dans leur voiture, puis une accélération des violences...

    Ce qu’ils appellent "un nouveau cycle" ou mieux, "une nouvelle spirale" de violence. Cycle ou spirale ayant l’avantage de supprimer toute temporalité inscrivant dans une circularité éternelle le retour inéluctable d’une violence immanente débarrassée de toute causalité.

    Jouer la carte du dominant

    Ce qui est remarquable, c’est l’absence quasi totale de commentaires de ces événements. Pas d’interviews d’experts, pas de débats contradictoires ou non, pas d’analyses sur les causes ou les conséquences, les solutions éventuelles, en d’autres termes, pas de discours sur le réel. Cela finit par interpeller.

    Que signifie l’énoncé brut des faits ? On peut penser qu’il ne signifie rien justement. Pourtant, cette absence est signifiante en elle-même.

    Ce qu’elle dit d’abord et avant tout : "il n’y a rien à comprendre, nous sommes devant des violences gratuites". Le citoyen en déduit qu’ils s’entre tuent, point. Il n’y a donc rien à penser pour l’auditeur ou le téléspectateur, renvoyé à sa seule opinion, comme les Palestiniens et les Israéliens semblent l’être eux aussi dos à dos.

    Mais – et c’est là le plus vicieux de la méthode car il s’agit bien d’une méthode, déjà éprouvée avec la crise syrienne à ses débuts –, ne pas donner à penser, c’est jouer la carte du dominant.

    Ne pas expliciter la situation syrienne correspondait à une volonté politique française de ne pas s’interposer entre Bashar Al Assad et son peuple en révolte. Même chose avec la répression de la Tchétchénie : circulez y’a rien à comprendre, parce qu’il n’y avait pas d’intervention politique décidée.

    L’Ukraine, par contre, c’est autre chose, attention, là on a vu, écouté, et appliqué des sanctions, blocus sur les échanges avec la Russie. Impressionnant, cette vigueur soudaine.


    Les Palestiniens n’en peuvent plus

    Sur la question d’aujourd’hui, les explosions multiples de révoltes en Cisjordanie échappant à tout contrôle palestinien et non commandées par des groupes politiques, il faut le souligner, traduisent que les limites du supportable sont atteintes pour de nombreux Palestiniens, dans la jeunesse en particulier.

    Ils n’en peuvent tout simplement plus de l’oppression quotidienne de l’occupation, de la violence quotidienne exercée par l’armée et les colons contre eux, sans limites ni sanctions du gouvernement israélien lui même, ou de l’étranger.

    Ils n’en peuvent plus des fausses négociations qui ont duré plus de 20 ans, et n’étaient qu’un leurre destiné à poursuivre en toute tranquillité la colonisation.

    Ils n’en peuvent plus de l’Autorité palestinienne qui n’a aucune autorité sur personne sauf éventuellement sur eux-même pour les contraindre, et qui ne justifie son existence que pour son existence.

    Ils n’en peuvent plus de l’inertie criminelle des puissances qui auraient du intervenir pour les protéger depuis des dizaines d’années et qui laissent faire, en Ponce Pilate ravi de l’aubaine.


    Le "cycle de la violence" est israélien

    À la violence de la conquête, de l’occupation, de la colonisation, Israël ajoute toujours plus de violence, outil colonial majeur (et classique) de la pacification des territoires conquis.

    Le "cycle de la violence" est israélien du début jusqu’à la fin. C’est la violence initiale qui engendre la résistance, armée ou non, du peuple palestinien depuis les pierres de la première Intifada, aux brigades armées des différents groupes politiques palestiniens de la seconde.

    Arrêter le cycle de la violence, c’est arrêter Israël. Qu’on ne demande pas comment, tous les outils sont là, seule manque la volonté politique, ce qui explique le silence de nos médias.

    Alors no comment dans nos médias, pourquoi ? Pour que la violence israélienne puisse continuer de s’exercer, et que les "terroristes" de 13 et 15 ans soient punis et tués aux checks points de Qalandia ou de Shouafat. Pour que les frappes continuent sur Gaza et que l’auditeur se taise parce qu’il n’y comprend rien.


    Une spirale sans issue

    Le seul hic, c’est que la violence débridée finit toujours par se retourner contre soi, et l’on a depuis des années à présent des exemples multiples de la violence grandissante de la société israélienne.

    Cette violence s’exerce à l’égard des femmes, des juifs orientaux, des juifs éthiopiens, des gays, des travailleurs étrangers, et bien évidemment des Palestiniens citoyens d’Israël, qui sont les premiers visés, des milliers de Bédouins expulsés du Néguev. Ces derniers jours ont également vu l’emprisonnement d’une cinquantaine de jeunes manifestants en Israël.

    La fameuse idée de la démocratie israélienne est entrain de s’évaporer, et le roi est nu pour l’enfant qui sait regarder. Et le fameux cycle de la violence enferme de fait Israël dans une spirale sans issue.


    Cette violence détruit nos droits

    À la violence de la loi du plus fort, seul peut s’opposer le droit régulateur. Laisser exercer cette violence, c’est détruire le droit, nos droits à tous.

    Nous y sommes, et nous bénéficions des médias de ce système. Ceux-là même qui, pour nous informer sur la destruction du droit du travail, nous montrent l’épaisseur du code du travail et limitent leur analyse lapidaire à : "illisible, doit être simplifié".

    Comme ils montrent et remontrent les images d’Air France afin de nous convaincre que la violence est le fait des syndicalistes et des employés révoltés.

    Sur la Palestine, ils se contentent d’énumérer morts et blessés, car au fond, comme sur le reste, nous n’avons rien à en savoir de plus.

     
    mercredi 14 octobre 2015 par Michèle Sibony

    http://www.ujfp.org/spip.php?article4444

  • Appel : Vague internationale BDS de solidarité avec la résistance populaire palestinienne #SolidarityWaveBDS

    Une nouvelle génération de Palestiniens marche sur les traces des générations précédentes en se levant contre le système d’occupation brutal qui dure depuis des décennies, contre le colonialisme et l’apartheid. Des dizaines de milliers de Palestiniens ont pris part à des manifestations dans des dizaines de villes dans toute la Palestine historique, dans les camps de réfugiés et dans les pays arabes voisins.

    À partir de ce weekend, participez à la vague d’action de solidarité avec la lutte des Palestiniens. Les gens de conscience qui veulent soutenir la lutte des Palestiniens sont incités à agir et à développer des efforts de Boycott Désinvestissement Sanctions. Cela fera savoir aux Palestiniens qu’ils ne sont pas seuls.

    Le soulèvement en cours mené par des jeunes de Palestine est une réponse à l’intensification par Israël du nettoyage ethnique et de l’oppression des Palestiniens, particulièrement dans Jérusalem occupée. Dans les derniers mois, Israël a accéléré le vol de la terre palestinienne et la démolition des maisons palestiniennes, accru ses attaques racistes sur le domaine de la mosquée d’Al-Aqsa, resserré le siège de Gaza et pris de nouvelles mesures racistes contre les citoyens palestiniens d’Israël.

    Israël et ses groupes terroristes de colons fondamentalistes attaquent sauvagement le protestataires palestiniens, exécutent des enfants palestiniens et des jeunes dans les rues ; ils en ont laissé plus de 1000 avec des blessures qui peuvent bouleverser leur vie.

    Il est urgent de donner une réponse internationale efficace pour faire pression sur les gouvernements, les institutions et les grandes entreprises afin qu’ils cessent de jouer un rôle dans les crimes d’Israël.

    Le Comité National Palestinien de BDS (BNC), qui dirige le mouvement BDS à l’échelle mondiale, est une large coalition de syndicats palestiniens et d’organisations, dont beaucoup sont engagés dans la résistance populaire. Le BNC appelle à une vague d’actions en solidarité avec la lutte des Palestiniens, qui doit démarrer ce weekend des 16-18 octobre.

    Élevons la solidarité internationale avec la résistance populaire palestinienne à un niveau supérieur via le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions (BDS) :

    - Appelez à un embargo militaire et à d’autres sanctions contre Israël dans toutes les manifestations et actions créatives directes.
    - Maximisez le bénéfice des manifestations de solidarité en appelant à des campagnes dans tous les domaines pour isoler davantage le régime israélien d’occupation et d’apartheid, comme cela fut fait pour l’apartheid sud-africain.
    - Lancez des campagnes contre la complicité des entreprises internationales telles que G4S et HP et contre les entreprises israéliennes telles Elbit Systems, qui participent à l’infrastructure de l’oppression exercée par Israël.
    - Organisez des événements, des teach-ins, des actions inventives et des activités qui éduquent sur les droits des Palestiniens, à travers l’engagement dans BDS.
    - Faites connaître vos actions en utilisant le hashtag #SolidarityWaveBDS.

    Est-ce que vous organisez une manifestation dans votre ville ? Faites nous savoir ce que vous prévoyez en remplissant cette feuille. Nous ferons circuler toutes les formes d’action mises en place dans le monde sur ce site bdsmovement.net/solidarity-wave. Traduction : SF pour BDS France

    Source : BNC

     

    14 octobre 2015 - post du Comité nationale BDS de Palestine

    Solidarité avec la résistance populaire palestinienne ! Boycottez Israël maintenant !

    #SolidarityWaveBDS

    http://www.ujfp.org/spip.php?article4443

     

  • Nouveautés sur Association France Palestine Solidarité

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  • «Ce ne sont pas les manifestants arabes qui posent problème, c’est la société qui les considère comme des ennemis» (A l'Encontre.ch)

    Hassan Jabareen

    Hassan Jabareen

    Entretien avec Hassan Jabareen
    conduit par Noam Sheifaz

    Quinze ans après les événements d’octobre 2000 au cours desquels la police israélienne a abattu 13 protestataires arabes, Hassan Jabareen, dirigeant d’une organisation pour la défense des droits civils arabes, s’entretient avec le site +972 sur ce que la population palestinienne d’Israël a appris des morts, de l’escalade systématique de la discrimination, et sur la conception d’un Etat démocratique pour tous ses citoyens. «Si les Arabes d’Israël choisissaient leur orientation politique selon ce que leur dictent les juifs, ils seraient toujours inférieurs.»

    Quinze ans se sont écoulés pour la population arabe d’Israël depuis les protestations au cours desquelles la police a abattu 13 personnes et laissé des centaines de blessés. «Octobre 2000 a forcé notre population à comprendre que les outils parlementaires et légaux en vigueur ne suffisaient pas pour défendre nos droits», explique l’avocat Hassan Jabareen, fondateur et directeur d’Adalah, dans un entretien avec le magazine +972. Jabareen ajoute qu’octobre 2000 a été un moment clé pour les citoyens palestiniens d’Israël, un moment qui a changé leur perception de l’Etat d’Israël et a modifié à tout jamais leur rapport politique avec celui-ci.

    Lorsque les événements ont éclaté, à peine cinq ans après la constitution d’Adalah, Jabareen a dirigé l’équipe légale qui représentait les familles des victimes au sein d’une commission d’enquête, connue sous le nom de Commission Or, nommée par Aharon Barak, qui était alors chef de la Cour suprême. Depuis lors, Adalah est devenue l’organisation de défense légale la plus importante pour la minorité arabe d’Israël, soit plus de 1,6 million de Palestiniens (21% de la population) qui sont des citoyens israéliens.

    Au cours des années, Adalah a formulé une longue série de revendications réclamant des droits égaux et une répartition équitable des ressources pour la minorité arabe. Un grand nombre de ces demandes ont abouti à des décisions faisant jurisprudence. Adalah s’est également opposée, sans succès, à une nouvelle vague de lois ciblant les droits et les activités politiques des Palestiniens d’Israël: la loi sur la Nakba [expulsion des Palestiniens en 1948], celle sur la citoyenneté, celle des «comités d’admission» qui ont légalisé la ségrégation au niveau du logement et la loi anti-boycott. Jabareen lui-même a dirigé la défense des membres palestiniens de la Knesset qui étaient disqualifiés de se présenter aux élections (il a gagné tous les cas) et la défense des personnalités publiques arabes menacées de poursuites criminelles et politiques.

    Jabareen est l’avocat du High Follow-Up Committee pour les Arabes citoyens d’Israël et de beaucoup de membres palestiniens de la Knesset [parlement]. Aharon Barack, l’ex-chef de la Cour suprême, a dit de lui qu’il était «un des avocats constitutionnels les plus importants en Israël». Il faisait partie de l’équipe qui a publié la Déclaration d’Haïfa en 2007, présentant la conception arabo-israélienne d’un «Etat démocratique pour tous ses citoyens». Dans notre entretien, Jabareen évoque les événements d’octobre 2000 et décrit ce qui a changé ou non depuis lors, et parle des perspectives de l’égalité civile en Israël.

    Sur quelles questions travailliez-vous dans les mois avant octobre 2000?

    Nous entrions dans un nouveau millénaire avec un certain optimisme. C’était une époque faste pour les organisations de la société civile et c’est pendant cette période qu’ont été fondées Adalah et d’autres associations œuvrant pour les droits des Palestiniens en Israël, en Cisjordanie et à Gaza. Des discussions entre l’OLP et le gouvernement israélien semblaient sérieuses et nous pensions que nous étions proches de la fin de l’occupation. L’élan pouvait être ressenti partout dans le monde. De nouveaux régimes démocratiques étaient en train de surgir, c’était la fin de l’apartheid, la chute du mur de Berlin. Nous savions qui nous vivions sous un régime de discriminations institutionnelles, mais nous avions de l’espoir. Les événements d’octobre 2000 nous ont surpris.

    Les Palestiniens en Israël avaient l’habitude de protestations politiques, mais depuis que six personnes ont été abattues à Sakhnin et à Arabeh lors de la Journée de la Terre de 1976, nous n’avions plus fait l’expérience concrète de tueries. Nous pensions que tout cela était derrière nous. Je participais à la manifestation à Umm el-Fahn où la première victime a été abattue. J’ai vu les réactions des gens, j’ai senti la colère. J’étais là, à l’hôpital Rambam, au moment où Wissam Yazbek, de Nazareth, est mort. J’étais à côté de sa mère lorsque le médecin est sorti lui annoncer que son fils était décédé. Je n’oublierai jamais ce moment.

    Comment avez-vous interprété les incidents à l’époque?

    En tant que membres d’une organisation de défenses des droits humains, ce qui nous préoccupait le plus était de savoir comment réagir: comment faire un maximum pour fournir une protection légale aux protestataires et comment faire connaître ces tueries. Nous avons rassemblé 500 avocats palestiniens pour représenter pro bono [pour le bien public, donc engagement volontaire] toutes les personnes arrêtées. Nous avons publié des communiqués de presse très fermes – en arabe, en hébreu et en anglais – accusant le Premier ministre, le ministre de la Sécurité publique et le commissaire de police de meurtres. Nous accusions la société israélienne de n’avoir pas réagi. Nous sommes encore d’accord avec chacune de ces paroles. A l’époque nous écrivions que les tueries n’étaient simplement pas justifiées. Après avoir enquêté sur les incidents, il est devenu clair que nous avions raison là-dessus. La Commission Or a plus tard confirmé tout cela.

    Le public juif a également été surpris. Que répondez-vous aux gens qui pensent que les citoyens arabes ont rejoint l’Intifada en octobre 2000?

    Les événements ont éclaté lorsque Ariel Sharon, qui à l’époque dirigeait l’opposition, est monté au «Mont du Temple» où se trouve la mosquée Al-Aqsa. Il ne fait aucun doute que cette manœuvre était destinée à faire capoter les négociations qui se déroulaient entre l’OLP et le gouvernement d’Ehoud Barak. La police des frontières y a utilisé une énorme puissance de feu et les images de cet incident ont eu une résonance profonde parmi les Palestiniens israéliens. En réaction, le High Follow Up Committee pour les citoyens arabes d’Israël les a appelés à une grève générale – une réaction qui me paraît évidente.

    La grève aurait pu se terminer comme d’autres. Pour mémoire, des grèves avaient également été appelées en décembre 1988, il s’agissait de manifestations généralisées de solidarité avec les événements de la Première Intifada. Or, à cette époque, rien ne s’était passé. Mais cette fois l’utilisation de force létale par le gouvernement à Wadi Ara a déclenché une escalade. Si la police avait permis aux gens de manifester, tout se serait passé autrement, même si l’autoroute de Wadi Ara avait été bloquée durant quelques heures. Rappelons en passant que de temps en temps la police a toléré de tels blocages, parfois même en coordination préalable avec certains des membres arabes de la Knesset. Tout cela confirme le fait que les choses auraient pu se dérouler autrement que ce qui s’est passé en octobre 2000.

    La solidarité que démontraient les Palestiniens israéliens avec les autres Palestiniens était légitime. Elle s’est manifestée pacifiquement et dans le calme. Personne n’a utilisé des balles réelles. Les 800 pages du rapport Or sur les événements d’octobre 2000 ne mentionnent pas un seul incident où un Arabe aurait utilisé des balles réelles.

    Mais des routes ont été bloquées et des pierres ont été lancées contre des conducteurs innocents…

    Il est admissible qu’une minorité ou des groupes opprimés bloquent des routes pour protester contre certains événements. Des démocraties permettent à des groupes marginalisés de protester, y compris, parfois, au-delà du cadre légal. Seule une conception fasciste insisterait sur le devoir de se soumettre et d’obéir à la loi à tout prix. Il n’est évidemment pas admissible de causer des préjudices à d’autres lors d’une protestation, mais dans des cas exceptionnels on peut permettre de bloquer des routes et d’arrêter le trafic. L’Etat d’Israël n’a de loin pas une conception démocratique en ce qui nous concerne, nous autres Arabes.

    Le problème ce ne sont pas les manifestants arabes mais le public israélien qui les voit comme des ennemis contre lesquels il faut utiliser la force. Ce n’est pas par hasard si la police utilise la force létale contre les manifestants arabes: elle fait partie de la population juive et internalise son racisme. Il existe bien entendu des membres de la population israélienne qui sont opposés à cette hostilité à l’égard des Arabes, à l’utilisation de violence et qui soutiennent l’égalité, mais il s’agit là d’une minorité. La majorité ne fait pas de distinction entre une solidarité légitime et la violence, la seule question étant de savoir si vous êtres juif ou palestinien. C’est là le facteur déterminant, et c’est pour cela que les tueries d’octobre avaient des relents racistes.

    Les manifestants n’ont-ils pas mis la vie de gens en danger? N’est-ce pas cela qui a entraîné des tirs?

    La Commission Or a entendu 434 témoignages. Elle a relu des dizaines de milliers de documents ainsi qu’une grande partie des rapports de police et des services de renseignement du Shin Bet. Ils se sont rendus aux sites où les gens avaient été abattus et ont évalué chaque incident individuellement. C’est seulement après tout cela que la Commission a déclaré sans équivoque qu’aucun meurtre n’avait été justifié, pas un seul. La Commission a confirmé sans équivoque l’idée que la police avait utilisé une force excessive et violé les règles d’engagement. Elle a condamné l’utilisation de snipers et de tirs à balles réelles.

    Il est vrai qu’au cours des «huit jours d’octobre» il y a eu des incidents sévères. Certains conducteurs juifs ont été traînés de leur voiture et blessés, et un citoyen juif a été tué près de Jissr a-Zarqa. Mais il s’agissait d’incidents isolés et exceptionnels. Le Follow Up Committee les a immédiatement fermement condamnés. Outre le fait que la police a tué 13 jeunes Arabes et blessé d’innombrables autres personnes, il faut déplorer le fait que des Arabes d’Israël ont été attaqués et persécutés par des citoyens juifs à Nazareth, à Illit, à Tiberias, à Acre, à Lod et à Ramie.

    Le Yom Kippour d’octobre 2000 a été terrible. Des Juifs sont sortis et ont attaqué des Arabes – certains utilisaient même des couteaux. Ils ont terrorisé des boutiques et des travailleurs. A Tiberias ils ont essayé de détruire une ancienne mosquée. Les autorités se focalisaient sur l’arrestation et les poursuites de centaines d’Arabes, mais se montraient indifférentes lorsque c’étaient des Juifs qui attaquaient des Arabes.

    Quelle signification ont aujourd’hui pour les citoyens palestiniens d’Israël les événements d’octobre 2000?

    Beaucoup de choses se sont passées depuis lors. Le mur de séparation a été érigé. Gaza a été assiégée; la Cisjordanie est devenue encore plus déconnectée. De nouvelles lois contre la population arabe ont été introduites en Israël; la réunification familiale pour les familles arabes en Israël a été abrogée par la Cour suprême elle-même; la loi sur la Nakba a été introduite, ainsi que la loi sur les «comités d’acceptation». Nous vivons dans un monde très différent de celui de l’an 2000.

    Les citoyens palestiniens d’Israël sont arrivés à la conclusion que les outils législatifs et légaux ne suffisaient plus à sauvegarder leur statut. C’est la raison pour laquelle ils consacrent depuis octobre 2000 davantage d’efforts à l’internationalisation; à se présenter devant des comités internationaux, à participer à des rencontres avec des représentants d’ambassades étrangères à Tel-Aviv, à se présenter devant la Commission européenne et devant divers comités des Nations unies. Leur objectif est d’obtenir que la communauté internationale s’engage davantage pour la sauvegarde du statut des citoyens palestiniens d’Israël.

    Malgré quelques soucis et réserves, nous avons coopéré avec la Commission Or. Nous nous attendions à ce qu’il y ait des procédures judiciaires et lorsque le ministre de la Justice a décidé de clore les enquêtes contre des officiers de police nous avons décidé de faire appel à la communauté internationale. Au cours des années précédentes c’étaient les Arabes qui étaient opposés à s’adresser aux Nations unies et à la communauté internationale, mais le bouclage des enquêtes internes a fait qu’un consensus a été trouvé pour faire appel à la communauté internationale.

    Dans les années suivantes les Arabes d’Israël ont publié une série de documents qui constataient l’hostilité structurelle de l’Etat d’Israël à l’égard des citoyens palestiniens. Nous avons souligné notre identité nationale palestinienne et considéré que la Nakba était une composante centrale de l’identité palestinienne. Ces documents étaient très influencés par les événements d’octobre 2000.

    Du point de vue juif, ce processus trace une narration dans laquelle les citoyens palestiniens d’Israël se sont détachés de l’Etat en octobre 2000 et ont ensuite ancré ce détachement dans les documents exposant leur conception.

    Je comprends que l’on puisse voir les choses ainsi si l’on souscrit au consensus de la conception israélienne. La décision des Palestiniens de faire appel au niveau international est perçue comme étant hostile parce que pour la majorité des Juifs israéliens les Arabes devraient se soumettre et accepter les fondements de leur régime – en particulier son fondement constitutionnel en tant qu’Etat juif et démocratique – et agir en conséquence. Nous rejetons cette conception.

    Il ne s’agit pas seulement de mon opinion personnelle, c’est l’opinion de la vaste majorité des personnes actives dans la société civile, dans les partis politiques et parmi les membres du Follow Up Committee. Nous n’acceptons pas les fondements constitutionnels ethniques d’Israël, nous nous battons pour un Etat démocratique pour tous les citoyens. Si les Arabes d’Israël plaquaient leurs opinions politiques selon ce que leur disent les juifs, ils ne pourraient même pas demander l’égalité; ils continueraient à être considérés comme étant inférieurs.

    Avec le recul, la Commission Or apparaît comme un acte de bonne volonté de la part du gouvernement. Il est difficile d’imaginer qu’une telle commission pourrait être créée ou fonctionner aujourd’hui.

    En effet. Malgré nos critiques concernant certains aspects du travail de la commission et notre opinion que la commission n’a pas eu le courage de citer explicitement les noms des comandants de police coupables de meurtre ni de recommander qu’ils soient inculpés, nous reconnaissons qu’elle a effectué un travail sérieux, surtout compte tenu du contexte politique ambiant et l’opposition des ministres du gouvernement qui contestaient sa légitimité. Dans ses conclusions, la commission a abordé de manière approfondie la question de la discrimination. Elle a également essayé de faire que des procédures pénales soient lancées contre les personnes impliquées dans les tueries.

    Quinze ans plus tard, la Commission Or apparaît comme une institution totalement étrangère à ce qu’est devenu cet Etat. Et j’utilise le terme «étranger» dans le sens positif. L’opportunité ouverte par la Commission Or n’a pas été saisie.

    Qu’est ce qui vous a conduit à remettre en question votre travail avec la commission?

    Avant de décider de travailler avec la Commission Or, une délégation d’Adalah s’est rendue en Irlande pour consulter les avocats qui avaient eu une expérience similaire avec une commission qui a investigué les événements de Bloody Sunday, ainsi qu’en Afrique du Sud. Nous étions inquiets non seulement à cause du caractère brutal des événements mais aussi parce que nous craignions que ce soit la population arabe d’Israël qui en serait responsable.

    Même si nous n’avions pas de grandes attentes, nous avons décidé d’utiliser la commission pour disposer d’une plateforme pour présenter des récits personnels, recueillir des témoignages, présenter les demandes des victimes et examiner minutieusement les témoignages de la police. Nous avons opté pour utiliser la procédure pour nous donner des moyens d’enquêter depuis l’intérieur, indépendamment des conclusions auxquelles elle aboutirait. Lors des audiences nous avons toujours déclaré que nous savions déjà qui étaient les coupables.

    Au terme des travaux de la Commission Or, personne n’a été inculpé. Les seules charges retenues par le ministre de la Justice étaient contre les victimes. Par exemple contre le père d’une victime qui a attaqué l’officier de police Guy Reif pendant la procédure de la commission, ou encore contre le frère d’une des victimes qui, après la clôture de l’enquête concernant son frère, avait déclaré qu’il tuerait celui qui avait abattu son frère. Dans ce domaine nous n’avons pas réussi, malgré le travail professionnel et intense que nous avons mené. Le racisme des officiers de police était plus fort que la loi.

    Malgré tout cela, je ne regrette pas le travail que nous avons effectué. Si nous n’avions pas fait appel à la Commission Or nous n’aurions pas pu rassembler plus de 400 témoignages, qu’Adalah a plus tard publiés dans ses rapports. Nous n’aurions pas pu révéler les témoignages de la police. Nous n’aurions pas pu avoir accès à plus de 4000 pièces à conviction. Nous n’aurions pas pu avoir des rapports détaillés sur chacun des meurtres. Nous n’aurions pas eu accès au rapport israélien de 800 pages indiquant que la police était hostile à l’ensemble de la population arabe. Nous n’aurions pas pu disposer d’un rapport qui déclare que les événements ont eu lieu dans un contexte de discrimination historique contre les citoyens arabes.

    Croyez-vous encore qu’il vous soit possible de travailler avec des institutions israéliennes? Qu’il soit encore utile de faire appel à la Cour suprême?

    Il faut distinguer entre le besoin d’utiliser la loi et le fait de légitimer des normes répressives et discriminatoires. Les organisations pour les droits humains ont toujours utilisé les moyens légaux. Même les esclaves ont présenté leur cas devant la Cour suprême des Etats-Unis. En Afrique du Sud les Noirs ont largement fait appel aux tribunaux, tout comme les résidents de Cisjordanie et de Gaza et ceux d’Irlande du Nord. Dans aucun de ces exemples le fait de s’adresser aux tribunaux pour soutenir les victimes n’implique une justification du système, ni que ce serait la seule manière de lutter contre l’oppression et d’obtenir l’égalité. C’est simplement un moyen parmi beaucoup d’autres.

    Les tribunaux sont au service du régime et la loi n’est qu’un aspect de la politique du consensus juif, surtout quand il s’agit des Palestiniens. Nous nous efforçons de changer notre position dans la société. Et c’est justement en tenant compte de la connexion entre la loi et la politique que la politique utilise aussi les tribunaux pour susciter des changements.

    Vous savez probablement que la plupart des Israéliens considèrent que la Cour suprême israélienne est «gauchiste»?

    Je ne mesure pas mes valeurs sur le barème juif-israélien. Au cours des récentes années, la Cour suprême a de plus en plus capitulé au consensus israélien, en rejetant des demandes qui étaient tout à fait justes. C’est ainsi qu’elle a approuvé la loi des «comités d’admission», la loi sur la Nakba ainsi que la loi la plus raciste de ces vingt dernières années, celle interdisant la réunification familiale.

    Il est très peu probable que l’actuelle Cour suprême prendrait aujourd’hui la décision de justice qu’elle a prise pour le cas Ka’adan. Les décisions prises actuellement tendent plutôt à la contredire. L’arrêté concernant le village de Umm al-Hiran était raciste: au lieu de décider que les Arabes ont le droit de vivre dignement dans leur village, il stipule qu’il est permis de bannir les Arabes des villages où ils ont habité depuis plus de 50 ans pour pouvoir construire des colonies juives. Cette décision concernant Umm al-Hiram met crûment en évidence les liens entre le système légal et le colonialisme.

    J’ai entendu des intellectuels palestiniens déclarer que les lois contre les Palestiniens israéliens constituaient pour la population juive une manière de contrer les tentatives des Arabes israéliens de prendre au sérieux leur citoyenneté israélienne pour ce qui est des droits que confère la citoyenneté. Autrement dit, ils pensent que jusqu’en 1980 les citoyens palestiniens d’Israël n’avaient pas vraiment intégré le fait qu’ils étaient des citoyens israéliens, et que ce n’est que lorsqu’ils l’ont réalisé qu’ils ont commencé à lutter pour leurs droits. Cela aurait surpris la population juive qui aurait alors commencé à consolider la discrimination en élaborant de nouvelles lois. Que pensez-vous de cette conception?

    La position que vous évoquez est effectivement celle à laquelle souscrivent la plupart des intellectuels et universitaires en Israël. Je ne suis pas d’accord avec elle. Le problème n’est pas que les Palestiniens d’Israël n’avaient pas «pris au sérieux leur citoyenneté» dans les années 1950, c’est qu’à cette époque ils étaient engagés dans une lutte pour la survie pour éviter la déportation, la démolition des maisons, l’expropriation des terres et la domination militaire. Dans les années 1950 et 1960 il existait une conscience nationale arabe en Israël; l’Etat était raciste, mais le consensus politique était différent.

    Pour les Arabes il n’est pas possible d’adopter entièrement leur citoyenneté israélienne. Prendre au sérieux la citoyenneté dans son entièreté impliquerait lutter pour l’égalité complète, pour des droits et des obligations égaux. Or cela signifierait par exemple se battre pour accomplir son service militaire et grader dans l’armée de manière à être représentés au sommet de la hiérarchie militaire, ou d’entrer au ministère des Affaires étrangères de manière à obtenir des sièges à la Knesset aux Affaires étrangères et à la Défense. Or, les Arabes ne vont pas revendiquer cela, et Adalah ne consentirait jamais à soumettre une demande allant dans ce sens, parce que le régime actuel ne garantit pas fondamentalement une citoyenneté égale, même en théorie. Je ne connais pas dans l’histoire moderne de groupe d’indigènes qui ait lutté pour l’égalité dans tous les domaines, y compris pour l’intégration, avant un changement de régime et la reconnaissance de leurs droits. La lutte des citoyens arabes d’Israël vise d’abord de changer le régime pour qu’il devienne une démocratie pour tous ses citoyens et mette fin à l’occupation.

    Adalah cherche à obtenir des avancées dans les domaines de l’égalité et de la dignité dans la vie quotidienne. C’est la raison pour laquelle notre requête à la Cour exige des budgets équitables et lutte contre la discrimination et l’expropriation des terres. Mais nous ne demandons pas une répartition équitable des propriétés de réfugiés palestiniens, par exemple. Lorsque les intellectuels juifs-mizrahi réclament une distribution équitable des terres appartenant à des kibboutz, ils sont en train de demander la distribution de biens dont les Palestinens ont été dépossédés. Nous ne sommes par partie prenante des guerres israéliennes et nous ne réclamons pas la distribution des butins provenant de ces guerres dont nous sommes les victimes.

    Nous ne pouvons pas participer à une dépossession qui viole le droit de notre peuple. On ne peut pas être un soldat palestinien dans une armée juive qui occupe son peuple. On ne peut pas être un ambassadeur d’un gouvernement qui pratique une occupation. On a le droit de lutter pour une vie digne.

    Pourtant il existe un consul palestinien et il y a des soldats palestiniens…

    Je fais référence à l’appel pour l’égalité au niveau du processus des partis politiques, des autorités et de la société civile, c’est sur ce terrain que lutte Adalah et non pas au niveau individuel. On ne peut avoir l’égalité dans un régime fondé sur le déni de notre identité. On ne peut pas rejoindre une machine qui est en train d’anéantir votre peuple. Un appel aveugle à l’égalité civile qui ne tienne pas compte du droit de vivre dignement n’est pas un vrai appel à l’égalité; c’est simplement une illusion.

    Pourquoi l’identité nationale des Palestiniens et leurs droits collectifs ne devraient-ils pas s’exprimer dans un Etat palestinien? Un Etat de Palestine pourrait étendre l’auto-détermination à tous les Palestiniens du monde, et les citoyens palestiniens d’Israël pourraient disposer de tous les droits civils et l’égalité dans l’Etat d’Israël, en tant qu’Etat juif.

    C’est ce que prétendent les philosophes sionistes libéraux. Cela me fait rire. A qui payerions-nous les impôts? A l’Autorité palestinienne qui sauvegarderait nos droits nationaux ou à l’Etat juif? Où pourrions-nous travailler en tant qu’ambassadeurs? Dans notre Etat-nation ou dans l’Etat juif? Et à quel parlement participerions-nous? Et s’il y avait un vote au parlement concernant des questions nationales, serait-il possible aux membres arabes de la Knesset de participer à ce vote? Est-ce le régime palestinien ou le régime juif qui fixerait les curriculums de nos écoles? Qui déciderait quelles fêtes religieuses ou nationales seraient respectées durant l’année scolaire? Et qu’en serait-il du statut de la langue arabe? Où le Théâtre Al Midan trouverait-il des fonds pour des spectacles qui décrivent la vie palestinienne? L’idée que vous évoquez impliquerait l’existence de trois types de lois dans d’Etat juif, un pour les juifs, un pour les Arabes et un pour la citoyenneté. Ce serait un régime d’apartheid par excellence.

    Le sionisme voulait rassembler tous les Juifs en un territoire avec l’idée que ce n’était qu’en Palestine qu’ils pourraient avoir une vie nationale et civile et jouir de la liberté et de l’autonomie, qu’on pourrait dire à tous les juifs du monde: si vous voulez bénéficier de tous vos droits, allez à l’Etat des juifs. C’est d’ailleurs ce que disait Netanyahou après les événements de Charlie Hebdo lorsqu’il invitait les Juifs français à immigrer dans l’Etat juif. C’est également ce que nous disent les sionistes libéraux aujourd’hui. Mais cette idée qu’un Etat peut défendre les droits civils d’un seul groupe ethnique est une idée raciste qui a prévalu dans la vieille Europe. Un Juif jouit des droits civils aussi en France. La citoyenneté ne peut pas être scindée par un territoire ou un régime. L’idée d’un Etat ethno-nationaliste est anachronique. Cette idée a un passé terrible et n’a pas d’avenir. Et cela sans même évoquer le point de départ de notre discussion. Nous n’avons pas immigré en Israël, c’est cet Etat qui nous a immigrés.

    A un niveau plus personnel, vous avez 50 ans et vous avez été engagé dans des luttes civiles pour les Israéliens arabes depuis plus de 20 ans Qu’est-ce qui vous inquiète le plus actuellement?

    Ce qui m’inquiète les plus c’est la guerre civile, et en premier lieu ce qui se passe en Syrie, mais aussi en Irak, en Libye et au Yémen. C’est une situation très difficile. Tout Arabe, femme ou homme, qui espère une vie meilleure pense à cela actuellement. La situation en Syrie ne signifie pas que j’abandonne la lutte contre l’occupation ou celle pour une vie digne ici, mais à un niveau personnel je reconnais que c’est ce qui m’inquiète le plus aujourd’hui. C’est le thème qu’évoquent plus de 300 millions d’Arabes, y compris les Arabes d’Israël. (Traduction A l’Encontre, publié sur le site +972 en date du 6 octobre 2015)

    http://alencontre.org/moyenorient/palestine/ce-ne-sont-pas-les-manifestants-arabes-qui-posent-probleme-cest-la-societe-qui-les-considere-comme-des-ennemis.html

  • Le couteau de cuisine ou l’arme du desespoir (Essf)

    « Troisieme Intifada » ? s’interrogent les éditorialistes.

    La question me semble sans grande importance : ce qui est certain par contre, c’est que nous sommes témoins de la fin d’une longue période de calme relatif en Cisjordanie occupée, en particulier à Jerusalem et dans sa grande banlieue. Un calme relatif lié à l’attente d’un éventuel débouché des initiatives diplomatiques menées par Mahmoud Abbas sous les conseils-pressions des Etats-Unis et des pays de l’Union Européenne.

    Tout semble indiquer que le long sursis donne au Président palestinien par sa propre population touche à sa fin.

    Abou Mazen n’a rien obtenu, ne serait-ce que dans le domaine du symbolique. Au contraire, il s’est attrapé des gifles humiliantes de la part d’un gouvernement israélien qui se refuse même à faire semblant de jouer dans la pièce tragico-grotesque que l’on nomme « processus de paix ».

    Les dernières provocations israéliennes se sont passées sur l’Esplanade des Mosquées, le site le plus sensible pour les Palestiniens (et pour un milliard et demi de musulmans à travers le monde) sous la forme de parades musclées de la part de plusieurs ministres et deputés de la droite au pouvoir, et la profanation d’el Aqsa par les forces de police israéliennes.

    Si l’on s’obstine à appeler les événements actuels « Intifada », il est vraisemblable qu’on la nommera l’« Intifada des couteaux », c’est-à-dire une longue série d’initiatives individuelles ou des hommes et des femmes, jeunes pour la plupart, s’en prennent à des soldats ou à des civils israéliens avec un couteau, un cutter ou même un tournevis.

    Ils savent qu’ils risquent leur vie, d’autant que Netanyahou et ses sbires ont appelé la population a s’armer et à tirer sur ceux qui attaquent des Juifs, « tirer pour tuer » ont-ils insisté. Comme l’indique Gideon Levi dans le Haaretz du 11 Octobre, il s’agit là d’éxécutions sommaires de quiconque lève la main sur un Juif. Cette pratique sauvage s’étant confirmée au cours des derniers jours, toute agression palestinienne d’un israélien, civil ou militaire, devient en fait une opération suicide.

    Il est important de souligner que ces actes suicides ne sont pas le fait de militants organisés, et ne sont pas commandités par tel ou tel mouvement national palestinien ; c’est d’ailleurs ce qui explique l’incapacité des services de renseignements à prévenir ces attaques : une jeune femme se lève un matin, prend un tournevis et attaque un israélien, en uniforme ou non, en sachant qu’elle a toutes les chances, ou presque, d’y laisser sa vie. C’est dire l’état de désespoir d’une population palestinienne qui a perdu toute forme d’illusion sur le « processus de paix ».

    C’est dire aussi l’isolement grandissant de Mahmoud Abbas part rapport à son peuple, continuant ses gesticulations diplomatiques stériles alors qu’il n’a aucun partenaire, ou plutôt, qu’en face de lui se trouve un gouvernement dont l’intransigeance et le comportement provocateur le tournent en ridicule.

    Quand à la dite communauté internationale, elle appelle scandaleusement à « la fin de la violence des deux côtés », et se garde bien d’utiliser les moyens dont elle dispose pour imposer à l’Etat colonial israélien la mise en œuvre de résolutions qu’elle adopte régulièrement tout en continuant à traiter Israël comme un allié fiable et un partenaire avec lequel il est bon de faire des affaires.

    Michel Warschawski

    * Presse-toi à gauche. mardi 13 octobre 2015 :
    http://www.pressegauche.org/spip.php?article23718

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article36071

  • Nouveautés sur Association France Palestine Solidarité


  • Festival de films « Proche-Orient, ce que peut le cinéma » (Ujfp)

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    Vendredi 20 au dimanche 29 novembre – Paris (75), festival de films « Proche-Orient, ce que peut le cinéma » organisé par Janine Euvrard, critique de cinéma, écrivaine et membre de l’UJFP.

    Notre association est partenaire de ce festival, qui présente 37 films d’Israël, de Palestine et du monde arabo-musulman (le Liban, la Syrie, l’Irak, la Libye et l’Iran).

    De nombreuses projections sont suivies de débats avec la participation d’intervenants tels Leila Shaid, Carol Mansour, Françoise Germain-Robin, Vanessa Rousselot, Dominique Vidal, Sylvain Cypel et Zaid Medoukh.

    Présentation par les organisateurs :

    La 7è édition de notre Biennale Proche orient, ce que peut le cinéma se déroulera du 20 au 29 novembre prochain dans le cinéma historique Les 3 Luxembourg, premier complexe Art et Essai du Quartier Latin.

    The Wanted 18 de Amir Shomali, sélectionné aux Academy Awards pour représenter la Palestine, ouvrira notre manifestation, en présence de Leila Shahid (ex délégué de la Palestine à l’Union Européenne) et Dominique Vidal (journaliste/écrivain).

    Ces 10 jours de programmation proposeront entre 35-40 films, la plupart inédits en France, et 9 grands débats chaque soir abordant les thèmes comme Israël-Palestine, Les leviers de la paix, Le chaos libyen, Egypte, le calvaire des femmes égyptiennes, Iran, un accord historique Irak et Syrie, Les racines de Daesh, Le Liban submergé par les réfugié, Gaza, un an après…

    La photo qui illustre, cette année, notre manifestation grâce à l’UNRWA, est signée d’un jeune photographe palestinien, Khalid Hasan Atif, qui a remporté le Prix du public au Concours de Photographie UNRWA de la jeunesse 2014.

    Le gagnant de ce même concours, Niraz Said, 23 ans, dont la photo a été prise dans le camp de réfugiés de Yarmouk, près de Damas en Syrie, participe au film de Rashid Masharawi Lettres de Yarmouk programmé le 28 novembre.

    Eyes of a Thief de Najwa Najjar, également inédit en France, clôturera notre Biennale.

    Ces projections, toutes enrichies soit d’un Q&A, soit d’un débat avec des spécialistes des sujets traités, donneront, nous l’espérons, l’occasion au public d’en apprendre davantage sur le travail de tous ces cinéastes et sur la politique de tous ces pays du Moyen Orient.

    Rendez-vous

    À Paris (6ème) : Festival de films « Proche-Orient, ce que peut le cinéma (...) 
    du vendredi 20 novembre 2015 à partir de 09h00 au dimanche 29 novembre 2015 jusqu'à 23h00
    Au cinéma Les 3 Luxembourg

    67 rue Monsieur le Prince, 75006 Paris (RER Luxembourg)

    http://www.ujfp.org/spip.php?article4416

  • Tribune de Marwan Barghouthi (Afps)

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    Aucun peuple sur terre n’accepterait de coexister avec l’oppression. Par nature, les êtres humains aspirent à la liberté, luttent pour la liberté, se sacrifient pour la liberté. Et la liberté du peuple palestinien n’a que trop tardé.

    Marwan Barghouthi, leader palestinien emprisonné, député, Président du groupe d’amitié avec la France au Conseil Législatif Palestinien, Membre du Comité Central du Fatah, souvent appelé « le Mandela palestinien »

    L’escalade n’a pas débuté avec la mort de deux colons israéliens.

    Elle a débuté il y a longtemps, et s’est poursuivie durant des années. Chaque jour, des Palestiniens sont tués, blessés, arrêtés. Chaque jour, le colonialisme avance, le siège contre notre peuple à Gaza se poursuit, l’oppression et l’humiliation persistent. Alors que certains veulent que nous soyons accablés par les conséquences potentielles d’une nouvelle spirale de la violence, je continue à plaider, comme je l’ai fait en 2002 , pour que l’on s’attaque aux causes de cette violence : le déni de liberté pour les Palestiniens.

    Certains ont suggéré que la raison pour laquelle nous ne sommes pas parvenus à conclure un accord de paix est le manque de volonté de feu Président Yasser Arafat ou du manque de capacité du Président Mahmoud Abbas, alors que tous les deux étaient prêts et capables de signer un tel accord. Le véritable problème est qu’Israël a choisi l’occupation aux dépens de la paix et a usé des négociations comme d’un écran de fumée pour faire avancer son projet colonial. Tous les gouvernements au monde connaissent pertinemment cette vérité élémentaire et pourtant nombre d’entre eux prétendent que le retour aux recettes éculées nous permettra d’atteindre la liberté et la paix. La folie c’est de répéter sans arrêt la même chose et d’espérer un résultat différent. Il ne peut y avoir de négociations sans un engagement israélien clair de se retirer complètement du territoire qu’Israël a occupé en 1967, y compris en ce qui concerne Jérusalem, une fin de l’ensemble des politiques coloniales, la reconnaissance des droits inaliénables du peuple palestinien, y compris le droit à l’auto-détermination et au retour, et la libération de tous les prisonniers palestiniens. Nous ne pouvons coexister avec l’occupation israélienne, et nous ne capitulerons pas devant elle.

    On nous a demandé d’être patients, et nous l’avons été, donnant une chance après l’autre pour la conclusion d’un accord de paix, y compris depuis 2005 et jusqu’à aujourd’hui. Il est peut-être utile de rappeler au monde que notre dépossession, exil et transfert forcés, et l’oppression que nous subissons ont duré près de 70 ans et nous sommes le seul point toujours à l’agenda des Nations Unies depuis sa création. On nous a dit qu’en ayant recours aux moyens pacifiques et aux cadres diplomatiques et politiques, nous engrangerions le soutien de la communauté internationale pour mettre fin à l’occupation. Et pourtant, comme en 1999 à la fin de la période intérimaire, la communauté internationale n’a pas réussi à adopter une seule mesure significative, y compris mettre en place un cadre international assurant la mise en œuvre du droit international et des résolutions onusiennes, et adopter des mesures pour mettre fin à l’impunité, y compris à travers le boycott, les désinvestissements et les sanctions, en s’inspirant des outils qui ont permis de débarrasser le monde du régime d’apartheid.

    En l’absence d’intervention internationale pour mettre fin à l’occupation, et en l’absence d’actions sérieuses des gouvernements pour mettre fin à l’impunité d’Israël, et en l’absence de toute perspective de protection internationale accordée au peuple palestinien sous occupation, et alors même que la colonisation et ses manifestations diverses, y compris les attaques violentes des colons israéliens, s’intensifient, que nous demande-t-on de faire ? Laisser faire et attendre qu’une autre famille palestinienne se fasse brûler, qu’un autre jeune palestinien se fasse tuer, qu’une nouvelle colonie soit construite, qu’une autre maison palestinienne soit détruite, qu’un autre enfant palestinien soit arrêté, qu’une nouvelle attaque de colons ait lieu, qu’une autre agression contre notre peuple à Gaza soit lancée ? Le monde entier sait pertinemment que Jérusalem est la flamme qui peut inspirer la paix ou déclencher la guerre. Alors pourquoi demeure-t-il impassible alors que les attaques israéliennes contre le peuple palestinien dans la ville et les lieux saints musulmans et chrétiens, notamment Al-Haram Al-Sharif, continuent sans relâche ? Les actions et les crimes israéliens ne détruisent pas seulement la solution à deux Etats sur les frontières de 1967 et violent le droit international. Ils menacent de transformer un conflit politique qui peut être résolu en un conflit religieux éternel qui ne fera que déstabiliser plus avant une région qui fait déjà l’expérience de bouleversements sans précédents.

    Aucun peuple sur terre n’accepterait de coexister avec l’oppression. Par nature, les êtres humains aspirent à la liberté, luttent pour la liberté, se sacrifient pour la liberté. Et la liberté du peuple palestinien n’a que trop tardé. Pendant la première Intifada, le gouvernement israélien a lancé une politique « briser leurs os pour briser leur volonté », mais une génération après l’autre, le peuple palestinien a démontré que sa volonté ne peut être brisée et ne doit pas être testée.

    Cette nouvelle génération palestinienne n’a pas attendu les pourparlers de réconciliation pour incarner une unité nationale que les partis politiques ont échouée à réaliser, dépassant les divisions politiques et la fragmentation géographique. Elle n’a pas attendu d’instructions pour mettre en œuvre son droit, et même son devoir, de résister à cette occupation. Elle le fait sans armes, alors même qu’elle est confrontée à une des plus importantes puissances militaires au monde. Et pourtant, nous demeurons convaincus que la liberté et la dignité l’emporteront, et que nous triompherons. Et que le drapeau palestinien que nous avons levé avec fierté à l’ONU flottera au-dessus des murailles de la vieille ville de Jérusalem, pas pour un jour, mais pour toujours.

    J’ai rejoint la lutte palestinienne pour l’indépendance il y a 40 ans, et fus emprisonné pour la première fois à l’âge de 15 ans. Cela ne m’a pas empêché de plaider pour une paix fondée sur le droit international et les résolutions de l’ONU. Mais j’ai vu Israël détruire méthodiquement cette perspective année après année. J’ai passé 20 ans de ma vie dans les geôles israéliennes, y compris les 13 dernières années, et ces années n’ont fait que renforcer ma foi en cette vérité inaltérable : le dernier jour de l’occupation sera le premier jour de paix. Ceux qui veulent réaliser cette dernière doivent agir, et agir maintenant, pour précipiter la première.

    Marwan Barghouthi prison de Hadarim cellule n°28

    The Guardian - octobre 2015, lundi 12 octobre 2015

    http://www.france-palestine.org/Tribune-de-Marwan-Barghouthi

  • Rony Brauman sur France 24: "On s’achemine vers une démission de l’Autorité palestinienne" (Ujfp)

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    À l’heure où des heurts embrasent la Cisjordanie et Jérusalem-Est, certains craignent l’éclatement d’une troisième intifada. Pour Rony Brauman, professeur à Sciences-Po, ces événements démontrent la fin proche de l’Autorité palestinienne.

    La vague de violences qui secoue Jérusalem et la Cisjordanie réveille une nouvelle fois de plus le spectre d’une troisième intifada chez certains. Lundi 5 octobre, un adolescent palestinien a été tué par l’armée israélienne lors d’affrontements. Côté israélien, quatre personnes sont mortes depuis jeudi, deux criblées de balles en Cisjordanie, et deux autres dans une attaque au couteau dans la Vieille ville de Jérusalem.

    Face à cette escalade de tensions, l’État hébreu a décrété un durcissement des mesures répressives, interdisant l’accès à la Vieille ville de Jérusalem-Est aux Palestiniens.

    Décryptage de la situation avec Rony Brauman, ancien président de MSF et professeur en relations internationales à Sciences-Po et auteur du livre "Manifeste pour les Palestiniens".

    France 24 : Assiste-t-on au début d’une nouvelle intifada, comme le redoute le porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, Martin Schäfer, ou comme l’interroge le quotidien israélien "Yedioth Aronoth" ?

    Rony Brauman : C’est difficile à dire, mais ces déclarations annonçant une troisième intifada ont quelque chose de rituel. À l’automne 2014, déjà, lors d’une poussée d’agressions, beaucoup avaient prédit l’éclatement d’un nouveau cycle de violences.

    Ce qui est sûr, c’est que le niveau de répression et de harcèlement en Cisjordanie augmente. Le gouvernement israélien s’autorise l’une des mesures les plus barbares qui soit : la destruction des habitations appartenant aux auteurs d’attentat ou à leur famille [Benjamin Netanyhaou a ordonné d’accélérer ces démolitions de maisons dans l’objectif de donner à réfléchir à ceux qui veulent perpétrer des attaques, NDLR]. Or, cela relève de la punition collective et ce concept est rejeté dans le droit moderne. Pour ce qui est de l’interdiction de l’accès à la Vieille Ville de Jérusalem pour les Palestiniens [cette mesure, annoncée dimanche 4 octobre pour une durée de deux jours, a été décrétée à la suite d’attaques qui ont coûté la vie à deux Israéliens, NDLR], il s’agit d’une décision très rare, sinon inédite.

    Pour preuve de la montée des tensions, un récent sondage indique qu’une majorité de Palestiniens est favorable à un soulèvement armé en l’absence de discussions de paix. Tout cela indique que les attentats, les harcèlements et les passages à l’acte ne vont pas s’arrêter aujourd’hui.

    F24 : Dans ce contexte, ni le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, ni le dirigeant palestinien, Mahmoud Abbas, n’appellent au calme. L’un a promis de durcir la répression, parlant d’"un combat jusqu’à la mort contre le terrorisme palestinien", l’autre a affirmé ne plus se considérer comme lié par les accords passés avec Israël. Que faut-il en penser ?

    R. B. : Pour ce qui est des Israéliens, ils soufflent depuis toujours le chaud et le froid. Benjamin Netanyahou avait, avant son élection, déclaré qu’il n’y aurait pas d’État palestinien de son vivant. Puis après avoir été élu, il a dit que c’était envisageable à certaines conditions. En Israël, on est habitué à revenir sur ce genre de déclarations martiales.

    En ce qui concerne Mahmoud Abbas, sa déclaration est un pas symbolique. Les accords d’Oslo, ce moment très positif des années 1990, viennent d’être remis en question. Benjamin Netanyahou, lui, a toujours dit que ces accords étaient un chiffon de papier sur lequel il s’asseyait, alors pourquoi Mahmoud Abbas a-t-il tant tardé pour faire ce genre de déclaration ? C’était la moindre des choses.

    F24 : Comment voyez-vous la situation évoluer ?

    R. B.  : L’étape suivante devrait être une démission de l’Autorité palestinienne, ce qui serait l’ultime sursaut d’honneur des Palestiniens. Mahmoud Abbas pourrait déclarer sa propre faillite, et symboliquement remettre les clés de la Cisjordanie aux Israéliens, ce qui serait certes un aveu d’échec. Mais le rapport de force n’est de toute façon pas en sa faveur. Ce cas de figure mènerait à la création d’un État binational avec les mêmes droits pour l’ensemble des citoyens. Cette option terrifie côté israélien, mais séduit de plus en plus de personnes côté palestinien.

    De toute façon, l’Autorité palestinienne n’a d’autorité que le nom. Il s’agit davantage d’un pouvoir municipal avec un fragment d’autorité sur les questions routières et l’aménagement des parcs et des jardins que d’un gouvernement. Ce pouvoir, qui ne dispose pas de ministère de la Défense, sert uniquement d’alibi politique et de punching ball aux Israéliens. Ces derniers assurent vouloir discuter avec ce partenaire mais regrettent son incompétence… Tout cela, c’est de la démagogie.

     
    mardi 13 octobre 2015 par Rony Brauman Texte par Charlotte OBERTI

    http://www.ujfp.org/spip.php?article4441