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Qatar - Page 2

  • Qatar. Des ouvriers du chantier de la Coupe du monde de football sont victimes d’abus (Amnesty)

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    Les travailleurs migrants employés sur le chantier du Khalifa International Stadium à Doha pour la Coupe du monde de football de 2022 sont victimes d’abus, y compris de travail forcé dans certains cas, écrit Amnesty International dans un nouveau rapport rendu public jeudi 31 mars.

    Intitulé Le revers de la médaille. Exploitation sur un site de la Coupe du monde de football Qatar 2022, ce rapport met en lumière l’indifférence de la FIFA face au traitement révoltant réservé aux travailleurs migrants. Le nombre de personnes travaillant sur les sites de la Coupe du monde va presque être multiplié par 10 pour atteindre le chiffre de 36 000 environ au cours des deux prochaines années.

    « Les abus dont sont victimes les travailleurs migrants entachent la conscience du football mondial. Pour les joueurs et les fans de football, un stade de coupe du monde est un lieu qui fait rêver. Mais pour certains des ouvriers qui se sont entretenus avec nous, c’est un cauchemar, a déclaré Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International.

    « Après avoir fait des promesses durant cinq ans, la FIFA a en grande partie manqué à son devoir d’empêcher que la Coupe du monde ne soit bâtie sur un socle d’atteintes aux droits humains. »

    Graves abus incluant la pratique du travail forcé

    Le rapport est basé sur des entretiens réalisés auprès de 132 ouvriers migrants des chantiers de rénovation du stade Khalifa, qui doit selon les prévisions être le premier stade terminé en vue du tournoi et accueillir la demi-finale de la Coupe du monde de 2022. Des entretiens ont également été réalisés auprès de 99 migrants travaillant sur l’aménagement paysager des espaces verts entourant le complexe sportif de l’Aspire Zone, où le Bayern Munich, l’Everton et le Paris Saint-Germain se sont entraînés cet hiver.

    Chacun des ouvriers employés sur les espaces verts et sur les chantiers de construction qui a parlé à Amnesty International a fait état d’abus de diverses sortes, notamment :

    • des logements sordides surpeuplés ;
    • avoir versé de grosses sommes (allant de 500  à 4 300 dollars) à des recruteurs dans leur pays pour obtenir un travail au Qatar ;
    • avoir été trompés quant à la rémunération ou au type de travail offerts (tous à l’exception de six d’entre eux ont perçu à leur arrivée un salaire inférieur à celui qu’on leur avait promis, parfois moitié moins) ;
    • ne pas avoir été payés pendant plusieurs mois, ce qui fait peser une forte pression financière et émotionnelle sur ces travailleurs qui ont déjà de lourdes dettes ;
    • des employeurs ne leur donnent pas de permis de séjour ou ne le renouvellent pas, ce qui leur fait courir le risque d’être arrêtés et expulsés en tant que travailleurs « fugueurs » ;
    • des employeurs confisquent les passeports des travailleurs et ne leur donnent pas de permis de sortie du territoire, ce qui les empêche de quitter le pays ;
    • des travailleurs ont reçu des menaces parce qu’ils s’étaient plaints de leur situation.

    Amnesty International a rassemblé des éléments prouvant que des cadres d’une entreprise de fourniture de main-d’œuvre ont menacé des migrants de leur imposer des pénalités afin de les obliger à travailler ; ils ont notamment menacé de retenir leur salaire, de les livrer à la police ou de les empêcher de quitter le Qatar. De telles pratiques constituent une forme de travail forcé aux termes du droit international.

    Les ouvriers, qui viennent pour la plupart du Bangladesh, d’Inde et du Népal, se sont entretenus avec Amnesty International au Qatar entre février et mai 2015. Quand les chercheurs d’Amnesty International sont retournés au Qatar en février 2016, certains ouvriers avaient été relogés dans de meilleures conditions et des entreprises ayant répondu aux observations d’Amnesty International leur avaient rendu leur passeport, mais d’autres abus n’avaient pas été réglés.

    « La situation des travailleurs migrants, qui sont endettés, qui vivent dans des campements sordides dans le désert et qui sont payés une misère,  tranche résolument avec celle des footballeurs de haut niveau qui vont jouer dans ce stade. Ces ouvriers ne veulent qu’une chose, que leurs droits soient respectés : recevoir leur salaire en temps voulu, pouvoir quitter le pays si nécessaire et être traités avec dignité et respect », a déclaré Salil Shetty.

    Du fait du système de parrainage en vigueur au Qatar, les travailleurs subissent des menaces et vivent dans la peur

    Les menaces utilisées pour faire travailler les ouvriers sont axées sur le système de parrainage en vigueur au Qatar appelé « kafala » ; en vertu de ce système, les travailleurs migrants ne peuvent changer de travail ou de pays que si leur employeur (ou « parrain ») les y autorise. La réforme de ce système de parrainage qui a été annoncée fin 2015 et qui a fait beaucoup de bruit ne va guère modifier les rapports de force entre les travailleurs migrants et leurs employeurs.

    Des ouvriers népalais ont expliqué à Amnesty International qu’ils n’avaient pas été autorisés à rendre visite à leurs proches après le séisme qui a frappé leur pays en avril 2015 et qui a fait plusieurs milliers de morts et provoqué le déplacement de millions de personnes.

    Quand Nabeel (son nom a été modifié afin de protéger son identité), ouvrier métallurgiste venu d’Inde qui a travaillé sur le chantier de rénovation du stade Khalifa, s’est plaint de ne pas avoir été payé pendant plusieurs mois, son employeur a réagi en le menaçant :

    « Il m’a insulté et m’a dit que si je me plaignais de nouveau je ne pourrais jamais quitter le pays. Depuis, je fais attention à ne pas me plaindre au sujet de mon salaire ou de quoi que ce soit d’autre. Bien sûr, si c’était possible je changerais de travail et je partirais du Qatar. »

    Deepak (son nom a été modifié afin de protéger son identité), ouvrier métallurgiste venu du Népal, a déclaré :

    « Ici, je vis comme si j’étais en prison. Le travail est difficile, on a travaillé de nombreuses heures sous un soleil de plomb. La première fois que je me suis plaint au sujet de ma situation, peu après mon arrivée au Qatar, le chef m’a dit "si tu veux te plaindre, tu peux, mais cela aura des conséquences. Si tu veux rester au Qatar, reste tranquille et continue de travailler" »

    Les normes relatives au bien-être des travailleurs sur les chantiers de la Coupe du monde ne sont pas appliquées

    Le Supreme Committee for Delivery and Legacy (SC), qui est l’instance responsable de l’organisation de la Coupe du monde de 2022 et de la rénovation du stade, a publié en 2014 des Normes de bien-être des travailleurs. Ces normes obligent les entreprises travaillant sur les chantiers de la Coupe du monde à accorder aux travailleurs de meilleures conditions de travail que celles prévues par la législation du Qatar.

    « Le SC a fait montre de son engagement en faveur des droits des travailleurs et ses normes de bien-être sont susceptibles d’apporter une solution. Mais il a du mal à faire appliquer ces normes. Compte tenu de l’apathie du gouvernement qatarien et de l’indifférence de la FIFA, il est presque impossible que la Coupe du monde puisse avoir lieu sans que des abus soient commis », a déclaré Salil Shetty.

    Il est temps pour la FIFA et les sponsors d’intensifier la pression

    Amnesty International demande aux principaux sponsors de la Coupe du monde tels qu’Adidas, Coca-Cola et McDonald’s de faire pression sur la FIFA pour qu’elle s’attaque au problème de l’exploitation des travailleurs sur le chantier du stade Khalifa, et pour qu’elle révèle son projet de prévention des abus sur les chantiers de la Coupe du monde.

    La FIFA devrait pousser le Qatar à rendre public un plan de réforme exhaustif avant que les travaux réalisés en vue de la Coupe du monde n’atteignent leur point culminant mi-2017.

    Il est notamment essentiel de retirer aux employeurs le pouvoir d’empêcher les travailleurs étrangers de changer de travail ou de quitter le pays ; de mener des enquêtes sérieuses sur les conditions de travail des ouvriers ; d’infliger des sanctions plus sévères aux entreprises qui commettent des abus. La FIFA devrait elle-même mener de manière régulière et indépendante ses propres inspections des conditions de travail au Qatar, et en rendre publics les résultats.

    « Le fait d’accueillir la Coupe du monde de football a permis au Qatar de se présenter comme une destination privilégiée pour certains des plus grands clubs du monde. Mais le football mondial ne peut pas fermer les yeux sur les abus commis dans les infrastructures et les stades où se joueront les rencontres », a déclaré Salil Shetty.

    « Si la nouvelle direction de la FIFA veut réellement tourner une page de son histoire, elle ne peut pas laisser un événement de cette ampleur se dérouler dans des stades construits par des travailleurs migrants soumis à des abus. »

    Les infrastructures au cœur du football mondial

    Le stade Khalifa fait partie du complexe sportif de l’Aspire Zone, où se situent le centre d’entraînement de l’Aspire Academy et le centre médical Aspetar qui ont été utilisés par certains des plus grands clubs de football du monde (voir le document d’information).

    « Certaines des plus grandes stars du football mondial s’entraînent peut-être déjà sur des terrains aménagés et entretenus par des travailleurs migrants exploités. Elles joueront probablement bientôt dans des stades construits par ces mêmes personnes », a déclaré Salil Shetty.

    « Il est temps que les dirigeants du football dénoncent à voix haute ces abus s’ils ne veulent pas être salis indirectement, qu’il s’agisse de marques mondiales comme le Bayern Munich ou le PSG, ou de sponsors de premier plan comme Adidas ou Coca-Cola. » 31 mars 2016

    Pour en savoir plus

  • Pourquoi les monarchies du Golfe refusent d'accueillir des réfugiés (FranceTVinfo)

    Alors que quatre millions de personnes ont fui la Syrie depuis 2011, les frontières des riches Etats pétroliers voisins leur restent fermées. Explications.

    Près de 2 millions de réfugiés syriens en Turquie, 115 000 au Liban, 630 000 en Jordanie, 132 000 en Egypte... Et aucun, ou presque, dans les pays du Golfe, d'après les chiffres du Haut Commissariat aux réfugiés de l'ONU. Cette absence d'action politique suscite critiques et interrogations sur la solidarité arabe, non seulement en Occident mais dans les pays eux-mêmes. Comment l'expliquer ?

    Parce que rien ne les y oblige légalement

    Aucun des Etats du Golfe n'est signataire des conventions internationales définissant le statut de réfugié, et notamment la Convention de 1951. Du point de vue du droit international, ils ne sont donc pas contraints d'accueillir des migrants pour leur proposer l'asile ou, a minima, les héberger dans des camps de réfugiés. Contrairement aux pays européens, qui s'organisent en conséquence.

    Pour l'heure, ces pays restent silencieux sur le sujet. "Malheureusement, les riches pays du Golfe n'ont publié aucun communiqué sur la crise et encore moins proposé une stratégie pour aider les migrants, en majorité des musulmans", relevait récemment l'éditorialiste du quotidien qatari Gulf Times.

    Pour les critiques des riches pétromonarchies, le contraste est d'autant plus saisissant que certains de ces Etats du Golfe financent des groupes armés engagés dans la guerre civile syrienne et portent donc une part de responsabilité dans les conséquences humanitaires du conflit. Sara Hashash, responsable des relations presse d'Amnesty International pour le Moyen-Orient, fustige ainsi le comportement "absolument scandaleux" des pays du Golfe.

    Parce qu'ils fournissent déjà une aide financière

    Ces Etats ne sont pourtant pas restés inactifs depuis le début de la guerre en Syrie, en 2011. "Les pays du Golfe ont fourni 900 millions de dollars pour aider les déplacés syriens, à travers des ONG et des donations de particuliers", selon la BBC (en anglais)"Pour des raisons logistiques, le Qatar ne peut accueillir des réfugiés en grand nombre et choisit à la place de les soutenir financièrement", avance Abdullah Al-Athbah, rédacteur du chef du quotidien qatari Al-Arab.

    Mais cette aide est insuffisante, selon le Washington Post (en anglais), qui note que "les Etats-Unis ont levé quatre fois plus de fonds". Directeur pour la Syrie de l'ONG Oxfam, Daniel Gorevan estime lui aussi que les pays du Golfe pourraient "à l'évidence en faire bien plus" pour les réfugiés syriens. Il les invite à leur proposer des emplois, à mettre en place des mécanismes de regroupement familial et des dispositifs d'immigration légale.

    Parce qu'ils craignent un bouleversement de leur démographie

    Problème : ces tout petits Etats (si l'on fait exception de l'Arabie saoudite) craignent d'être submergés par des réfugiés alors qu'ils font déjà travailler des millions de migrants, notamment originaires d'Asie du Sud. Aux Emirats arabes unis et au Qatar, les travailleurs étrangers sont en moyenne cinq fois plus nombreux que les ressortissants nationaux. 

    Pour Sultan Barakat, du Brookings Doha Center, un geste pourrait aider les Syriens et désamorcer les critiques : permettre l'entrée des réfugiés ayant déjà des membres de leur famille dans le Golfe. Des centaines de milliers de Syriens vivent en effet depuis des années dans la région, attirés par les opportunités d'emploi. L'octroi de visas reste cependant strictement contrôlé. 

    Parce qu'ils ont peur pour leur sécurité

    La crise des réfugiés syriens intervient au moment où les pays du Golfe concentrent leur attention sur le conflit au Yémen et sur la complexe opération militaire qu'ils y mènent contre des rebelles chiites Houthis. En outre, pour déstabiliser le président syrien Bachar Al-Assad, soutenu par l'Iran chiite, leur rival régional, des pays du Golfe ont aidé, avec de l'argent et des armes, des groupes rebelles sunnites engagés contre le régime de Damas.

    Dans ce contexte, des considérations sécuritaires sont parfois avancées pour expliquer le refus d'accueillir des réfugiés. "Comme les pays du Golfe sont impliqués dans les affaires politiques de la Syrie, ils peuvent s'inquiéter de ce que pourraient entreprendre ceux qui viendraient chez eux", explique Sultan Barakat, du Brookings Doha Center. L'Arabie saoudite a notamment été visée depuis le début de l'année par des attentats du groupe Etat islamique, et veut réduire le plus possible le risque terroriste sur son territoire. Ariane Nicolas Mis à jour le 08/09/2015 | 17:26

    http://www.francetvinfo.fr/monde/europe/migrants/pourquoi-les-monarchies-du-golfe-refusent-d-accueillir-des-refugies_1074749.html

  • Qatar:«J’avais 12 ans lorsqu’ils ont arrêté mon père, nous ne l’avons jamais revu.» (Amnesty)

    Le ressortissant philippin Ronaldo Lopez Ulep a été arrêté devant trois de ses enfants à son domicile, à Doha, la capitale qatarienne, le 7 avril 2010.

    Après avoir été torturé à maintes reprises en détention et avoir passé quatre ans à l’isolement, il a été condamné à une peine de détention à perpétuité en 2014 pour avoir vendu des informations sur son employeur, l’Armée de l'Air de l'Émir du Qatar (QEAF). Il a été déclaré coupable sur la base d’« aveux » qu’il avait été contraint de signer, alors qu’ils étaient rédigés en arabe, langue qu’il ne peut pas lire. Deux autres Philippins ont été condamnés dans le cadre de la même affaire, et l’un d’entre eux risque d’être exécuté.

    Alors que la Cour d’appel doit rendre son jugement concernant Ronaldo ce week-end, sa fille aînée, aujourd’hui âgée de 17 ans, a raconté à Amnesty International la nuit traumatisante où son père a été enlevé et le long combat de leur famille pour la justice.

    « Tout a commencé par des appels d’un numéro inconnu – mon père m’a dit qu’il recevait cinq ou six appels par jour, mais qu’il ne répondait jamais.

    Ensuite, un soir, notre colocataire a remarqué un homme qui prenait des photos de nous, depuis l’extérieur de la maison. Mon frère a vérifié et a vu deux hommes dans des voitures qui surveillaient la maison. Mon père nous a demandé d’emballer quelques affaires et de sortir – nous avons passé la nuit dans nos voitures, tentant de dormir un peu ou conduisant au hasard.

    Lorsque nous sommes rentrés, les hommes qui nous harcelaient étaient partis, mais les appels téléphoniques ont continué. Même alors, nous étions très loin d’imaginer ce qui allait se produire.

    Le lendemain soir, nous étions tous réunis dans le salon pour regarder un film, tout en grignotant, lorsque la sonnette a retenti – sans relâche. Nous avons prié, et notre colocataire est sorti ouvrir le portail. Ensuite, tout est allé très vite.

    Une femme portant l’habit traditionnel qatarien est entrée et a dit « CID » (Division des enquêtes criminelles). Elle était accompagnée de deux policiers et de trois autres hommes portant l’habit traditionnel qatarien.

    Ils ont demandé où était mon père, tandis que la femme a emmené les femmes et les filles dans une autre pièce de la maison. Avant de sortir, j’ai jeté un rapide coup d’œil en arrière et la dernière chose que j’ai vue, c’est un homme qui serrait la main de mon père et lui demandait comment il allait, avant de le menotter soudainement. Depuis notre chambre, nous avons entendu des portes claquer et des choses lourdes tomber par terre.

    Lorsque la femme nous a finalement laissés sortir, mes mains étaient si froides que je ne sentais plus rien. La maison était sens dessus-dessous. J’ai cherché mon père, il n’était plus là. Ils l’ont emmené sans raison, sans explication, sans mandat.

    Nous sommes montés à l’étage pour nous apercevoir que son ordinateur portable et ses téléphones avaient disparu ; les photos de famille étaient éparpillées sur le sol. Ils ont également pris les économies cachées dans notre coffre-fort – de l’argent que ma famille avait économisé depuis que nous étions petits. Ils ont affirmé qu’ils ramèneraient notre père dans deux jours, après l’avoir interrogé. Ils ont menti. Nous ne l’avons jamais revu.

    J’ai commencé à pleurer et pleurer. Papa était parti et nous n’avions personne pour s’occuper de nous. Ma maman se trouvait en vacances aux Philippines avec notre jeune frère de deux ans. Nous lui avons téléphoné pour lui apprendre ce qui était arrivé à papa. Elle a dit que nous devions prendre l’avion pour les Philippines dès que possible.

    Je n’accepte pas la condamnation de mon père à la détention à perpétuité. C’est un homme innocent, qui ne mérite pas cette sentence. Il faut condamner les vrais responsables de cette mauvaise action. Nous n’abandonnerons jamais notre combat pour la vérité.

    Mon papa est un homme bon et un père dévoué. Il nous conduit où nous voulons, nous dépose à l’école et revient nous chercher. Il part travailler tôt le matin et rentre tôt à la maison. Il est grand, beau, il a la peau sombre. C’est notre papa. C’est le souvenir que nous avons de notre père, aujourd’hui encore. Maman nous montre des photos de lui tous les jours et nous raconte ce qu’a été sa vie.

    Le Qatar et tous ces souvenirs me manquent. C’est là que je suis née et que j’ai grandi, et c’était un beau pays. Je ne comprends pas ce qui s’est passé. Nous n’avons pas revu mon père depuis cinq ans et il nous manque de plus en plus. Ma maman tente d’être forte, pour que nous continuions d’avancer, mais elle ne peut pas être à la fois notre mère et notre père. Personne ne le peut.

    Mon jeune frère a sept ans aujourd’hui. Il demande souvent quand il pourra voir papa – pas en photo, mais en vrai. Nous lui expliquons qu’il travaille toujours au Qatar. Tout ce que nous pouvons lui donner, c’est de l’espoir, en lui disant que demain, papa sera ici. Mon frère attend dehors et regarde les avions passer. Il crie « Papa ! » et ça me fend le cœur. Lorsqu’il aperçoit un avion, il me voit pleurer. Je lui dis simplement que j’ai de la poussière dans les yeux.

    Mon seul espoir est que le 31 mai 2015, les autorités qatariennes libèrent mon père. Je leur demande de le remettre enfin en liberté, et de nous rendre ce qu’ils nous ont pris depuis cinq ans. Ceux qui sont responsables de l’avoir emmené, torturé et emprisonné peuvent corriger leur erreur aujourd’hui, avant qu’il ne soit trop tard. » 29 mai 2015, 16:30

    Cet article a tout d’abord été publié par le Huffington Post ici.

    LIRE : Qatar. Condamné à la réclusion à perpétuité après avoir « avoué » sous la torture (Action Urgente, 23 avril 2015)

    https://www.amnesty.org/fr/articles/news/2015/05/i-was-12-years-old-when-they-took-my-dad-away-we-never-saw-him-again/

  • Qatar. Les réformes se font attendre (Amnesty)

    Alors que les droits sont bafoués dans le cadre des préparatifs de la Coupe du monde

    Plus d’un an après les promesses du gouvernement du Qatar de mettre en œuvre des réformes limitées afin d’améliorer les droits des travailleurs migrants, les espoirs de réels progrès s’estompent rapidement, écrit Amnesty International dans un nouveau rapport publié jeudi 21 mai 2015.

    Intitulé Promising little, delivering less: Qatar and migrant labour abuse ahead of the 2022 Football World Cup, ce document présente une « feuille de score » qui évalue la réponse des autorités à neuf questions relatives aux droits fondamentaux des travailleurs migrants identifiées par Amnesty International. Un an après, on constate des progrès modestes sur cinq de ces questions seulement, les autorités n’ayant apporté aucune amélioration pour les quatre autres.

    « Le Qatar ne s’acquitte pas de ses obligations envers les travailleurs migrants.

    L’an dernier, le gouvernement a promis d’apporter des améliorations concernant leurs droits, mais dans la pratique, la protection des droits n’a pas connu d’amélioration notable », a déclaré Mustafa Qadri, chercheur sur les droits des migrants du Golfe à Amnesty International.

    Au cours des 12 derniers mois, peu de choses ont changé au niveau de la loi, de la politique et de la pratique pour les 1,5 million de travailleurs migrants au Qatar, qui demeurent à la merci de leurs parrains et de leurs employeurs. Sur des questions cruciales comme le permis de sortie, la restriction en matière de changement d’employeurs induite par la kafala (système de parrainage), la protection des employés de maison et la liberté de former ou de rejoindre un syndicat, on ne constate pas la moindre avancée.

    « L’absence de feuille de route comportant objectifs et délais pour mettre en place la réforme laisse planer de sérieux doutes sur la détermination du Qatar à lutter contre les atteintes aux droits humains dont sont victimes les travailleurs migrants. Sans une action rapide, les engagements qu’il a pris l’an dernier risquent fort d’être perçus comme un simple stratagème de relations publiques permettant à l’État du Golfe de se cramponner à la Coupe du monde de football de 2022 », a déclaré Mustafa Qadri.

    Sans une action rapide, les engagements qu’il [le Qatar] a pris l’an dernier risquent fort d’être perçus comme un simple stratagème de relations publiques permettant à l’État du Golfe de se cramponner à la Coupe du monde de football de 2022

    Mustafa Qadri, chercheur sur les droits des migrants du Golfe à Amnesty International.

    La FIFA (Fédération internationale de football) doit élire son nouveau président la semaine prochaine, le 29 mai. L’organisme régissant le football au niveau mondial a une vraie responsabilité : il doit accorder la priorité à la question de l’exploitation des travailleurs migrants au Qatar et demander aux autorités, à la fois publiquement et en privé, de mettre en œuvre des réformes cohérentes afin de protéger leurs droits.

    « La FIFA n’a pas lésiné en termes de temps, d’argent et de capital politique, pour enquêter sur la corruption présumée entachant les candidatures de la Russie et du Qatar, et pour établir le calendrier de la Coupe du monde. Elle doit encore s’engager véritablement pour que la Coupe du monde Qatar 2022 ne s’appuie pas sur l’exploitation des travailleurs et les atteintes aux droits humains, a déclaré Mustafa Qadri.

    « La FIFA doit travailler en étroite collaboration avec le gouvernement, le Comité suprême Qatar 2022 – l’organisme chargé de préparer la Coupe du monde au Qatar, les grandes sociétés partenaires et tous les responsables de l’organisation de la Coupe du monde, afin de prévenir les atteintes aux droits humains liées à la préparation de cet événement sportif. 

    La principale proposition de réforme du gouvernement en 2014, à savoir un système de paiement électronique des salaires destiné à modifier le versement des salaires aux migrants, est encore en phase d’application. De nombreux migrants interrogés par Amnesty International au cours des derniers mois se sont plaints de retards de paiement ou de non-versement des salaires.

    Le Qatar n’a pas atteint son objectif qui était de recruter 300 inspecteurs du travail d’ici la fin 2014.

    Les mesures visant à améliorer la sécurité sur les chantiers, à réglementer les agences de recrutement qui relèvent de l’exploitation, et à améliorer l’accès à la justice pour les victimes d’exploitation du travail, n’ont guère donné de résultat.

    Même si le Qatar avait appliqué toutes les réformes annoncées en mai 2014, cela n’aurait pas suffi pour remédier aux causes profondes de l’exploitation généralisée des travailleurs migrants.

    Dans un rapport publié en novembre 2013 (disponible en anglais), Amnesty International a révélé que les atteintes aux droits humains et l’exploitation que subissent les ouvriers migrants de la construction sont monnaie courante, et s’apparentent parfois à du travail forcé. Bien que le Qatar se soit depuis déclaré déterminé à s’attaquer à ce problème, pour de nombreux migrants la situation sur le terrain a très peu évolué.

    Ranjith, travailleur migrant sri-lankais interrogé par Amnesty International en 2015, n’a pas été payé depuis qu’il est arrivé au Qatar il y a cinq mois.

    Il n’a pas de carte d’identité, pas de contrat. Son logement, situé dans un camp de travailleurs dans la zone industrielle, est exigu et sale.

    « Je veux juste travailler et gagner de l’argent pour mon épouse et mes enfants ; à cause de mon parrain, je ne peux pas changer d’emploi. Si je me présente à la police, ils vont m’arrêter et m’expulser parce que je n’ai pas de papiers d’identité », a-t-il déclaré à Amnesty International.

    « La réalité est que plus d’un an et demi après qu’Amnesty International a dénoncé l’exploitation généralisée des travailleurs migrants, peu de mesures ont été prises pour s’attaquer aux racines du problème. La Coupe du monde Qatar 2022 se rapproche, et le temps presse d’effectuer ces changements, a déclaré Mustafa Qadri.

    « Avec le boom de la construction au Qatar et la population des travailleurs migrants qui devrait atteindre 2,5 millions, le besoin de réforme est plus pressant que jamais. »

    La réalité est que plus d’un an et demi après qu’Amnesty International a dénoncé l’exploitation généralisée des travailleurs migrants, peu de mesures ont été prises pour s’attaquer aux racines du problème.

    Mustafa Qadri

    N’ayant pas pour objectif de s’attaquer à l’exploitation du travail, l’action récente des autorités qatariennes fait s’interroger sur leur volonté de couvrir ces atteintes aux droits humains plutôt que de les éliminer.

    En effet, les journalistes et les défenseurs des droits humains qui enquêtent sur les conditions de travail des migrants au Qatar sont placés en détention et interrogés. Au cours du mois d’avril 2015, des journalistes menant des enquêtes sur l’exploitation des travailleurs migrants pour le compte de WDR (radiodiffuseur allemand) et de la BBC ont été placés en détention.

    « En tentant de réduire au silence ceux qui recueillent des informations sur les conditions de travail des migrants par des mesures de détention et d’intimidation, le gouvernement du Qatar montre qu’il s’inquiète davantage de son image que de la réalité que subissent les dizaines de milliers d’hommes et de femmes victimes d’atteintes aux droits humains », a déclaré Mustafa Qadri.

    21 mai 2015, 18:35 UTC

    https://www.amnesty.org/fr/articles/news/2015/05/mounting-risk-of-world-cup-built-on-abuse-as-qatar-fails-to-deliver-reforms/

  • Veni, Vidi... Vinci (Npa)

    Une plainte déposée par une ONG (l’association Sherpa pour la défense des populations victimes des crimes économiques) et la Fédération CGT de la construction vise les activités du groupe de BTP français Vinci au Qatar. Sa filiale QDVC emploie directement 3 000 salariés et 6 000 dans des entreprises sous-traitantes. « Les enquêtes menées sur place concluent à l’utilisation par ces entreprises de menaces diverses pour contraindre une population vulnérable à des conditions de travail et d’hébergement indignes et à une rémunération dérisoire », dénoncent Sherpa et la CGT.

    Si footballeurs et spectateurs vont éviter l’été qatari, ce n’est pas le cas des milliers de travailleurs migrants employés sur les chantiers du Mondial 2022. La durée maximale hebdo du travail au Qatar est en principe de 60 heures mais peut atteindre 66 heures, et le salaire mensuel sur les chantiers est de 700 ryals, soit 176 dollars. Les ouvriers sont souvent maintenus dans une situation de servitude, contraints de vivre et travailler dans des conditions terribles sans possibilité de protester ni de partir, puisque leurs passeports sont confisqués d’entrée par les employeurs. Sherpa et la CGT ont mené une enquête de terrain, difficile, car les migrants sont terrorisés par le risque de représailles s’ils témoignent.


    Cette plainte est déposée alors que, le 30 mars, l’Assemblée a commencé à examiner la nouvelle mouture de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales vis-à-vis des activités de leurs filiales et sous-traitants à l’étranger. Ce texte a été considérablement édulcoré par rapport au projet initial : il ne prévoit plus qu’une amende relativement modeste et rend l’imputation de la responsabilité beaucoup plus difficile. Et pourtant, Gattaz et le Medef sont frontalement contre. Une nouvelle leçon de choses : comme en matière fiscale, les patrons préfèrent l’ombre à la lumière, et veulent pouvoir exploiter en paix.

    http://npa2009.org/actualite/veni-vidi-vinci

  • Au Qatar, les multinationales tuent en masse (Lcr.be)

    http://revolutionsarabes.hautetfort.com/media/02/00/1213156663.jpeg

    *

    La vulgate néo-libérale est bien connue : le capitalisme est avant tout source de progrès, de subversion des frontières et des structures sociales du passé, le « marché » empêche le repli sur soi, permettrait  etc etc… Si chaque jour qui passe contredit pourtant ce discours d’escroc intellectuel, le scandale de la coupe du monde au Qatar se distingue par la démesure de l’échelle du nombre de morts, des enjeux financiers et de la corruption.

    De quoi s’agit-il ? La Fédération Internationale de Football Association (FIFA) a attribué l’organisation de la coupe du monde de football au Qatar en 2022, petite et richissime monarchie du golfe. Ce mini-Etat a investi dans le sport comme levier international en organisant des événements sportifs internationaux et en acquérant des clubs sportifs, en particulier en France avec l’acquisition par le fonds souverain qatari du club de football du Paris Saint-Germain. Le coupe du monde de football a vocation à « couronner » cette stratégie et a pour conséquence la construction de stades et infrastructures afférentes sur le territoire qatari.

    Passons rapidement sur les scandales en amont de la construction : la construction de ces stades est simplement une absurdité écologique, il est désormais établi que le Qatar a corrompu des membres des instances de la FIFA pour gagner l’attribution, le rapport d’enquête interne sur ce processus n’a été publié que partiellement (entraînant la démission de son rédacteur)… Mais les conséquences désastreuses de la coupe du monde au Qatar sont avant tout humaines : une véritable hécatombe des ouvriers sur les chantiers des stades. En effet, si (contrairement à ses engagements) la FIFA a décidé d’organiser la coupe du monde 2022  en hiver et pas en été comme de tradition pour ne pas faire subir les chaleurs estivales infernales aux sportifs et aux spectateurs, les ouvriers travaillent eux dans un climat désertique et à des cadences inhumaines.

    En l’absence de décompte fiable, les estimations sont alarmantes : selon le journal britannique Guardian  le rythme est d’un ouvrier mort par jour, la Confédération Syndicale Internationale prévoit 4.000 ouvriers morts si rien ne change jusqu’au début de la coupe du monde. Ces ouvriers sont principalement népalais ou indiens et sont réduits à une situation de servitude en raison du système de la kafala : le patron est « parrain » de l’ouvrier étranger, et ce n’est qu’avec son autorisation que cet ouvrier peut quitter le territoire qatari. Les ouvriers sont bien évidemment parqués dans des camps dans des conditions déplorables. Leurs conditions de travail sont absolument épouvantables, si bien qu’il n’est même plus possible d’évoquer des « accidents » du travail le terme approprié serait plutôt « meurtres du travail ». Dans cette monarchie dont les structures politiques rétrogrades peuvent se maintenir grâce à la manne pétrolière, ils ne disposent pas du droit à la libre circulation ni d’aucun droit d’organisation : pas de droit de s’associer, de se syndiquer, de protester collectivement et évidemment de faire grève… En d’autres termes, ils sont des serfs modernes à la différence près avec les serfs du moyen âge qu’ils dégagent d’immenses plus-values et n’ont même pas droit à la protection que devait par principe accorder un seigneur féodal.

    La cuirasse de la corruption protège jusqu’à présent les représentants du Qatar et de la FIFA des conséquences de leurs actes mais ils sont loin d’être les seuls responsables de ces meurtres du travail : les grands groupes construisant ces stades sont les mêmes qu’en France. Bien entendu, ces groupes se drapent derrière l’hypocrisie classique consistant à renvoyer la balle à leurs nombreux sous-traitants pour se dédouaner. Par exemple, la fédération construction de la CGT, qui est engagée dans la campagne internationale « carton rouge à la FIFA », relève qu’il y a sur le chantier de Mushrubie  à Doha, 9 entreprises principales, 40 sous-traitants pour chacune d’elles, 13 000 salariés au bout[1]

    Malgré ces procédés, la Fédération Construction de la CGT et l’association Sherpa[2] affirment avoir rassemblé suffisamment de preuves contre le groupe Vinci et les dirigeants de sa filiale française pour les attaquer au pénal estimant que ceux-ci n’ont pas respecté les dispositions sur le nombre d’heures travaillés et le retrait des passeports du code du travail… qatari ! Un code du travail qui n’est pourtant pas particulièrement connu pour sa protection des travailleurs…

    Au final, il s’agit de la combinaison de trois aspects intrinsèquement imbriqués du capitalisme mondial contemporain : l’organisation tentaculaire des multinationales hyperexploitant au détriments de vies humaines, des instances internationales opaques (dont la FIFA est une caricature morbide) liée par une chaine de corruption avec des institutions nationales complices et enfin des poches de néo-féodalité s’accommodant  fort bien du marché mondial et des technologies de communication.

    Depuis plusieurs décennies, les grands événements sportifs servent de paravent à des opérations capitalistes (en particulier immobilières) de grande ampleur au détriment des peuples locaux. La coupe du monde ne fait pas exception avec une accélération dans la période actuelle : l’irrationalité de la répartition de ressources publiques au profit de cet événement au détriment des services publics, la coupe du monde 2018 en Russie avec sa cohorte de répression et de gabegie sur le modèle des jeux olympiques de Sotchi… et enfin les stades qataris construits sur le sang d’ouvriers victimes de meurtres du travail de masse en 2022.  Il n’est plus possible de fermer les yeux sur ce massacre de classe.

    Suren

    [1] http://construction.cgt.fr/wordpress/wp-content/uploads/24avril2014FIFA.pdf

    [2] Consultable et signable ici https://www.powerfoule.org/campaigns/vinci/appel-a-taubira/vinci-pas-de-for%C3%A7ats-sur-les-chantiers-de-la-coupe-du-monde

    http://www.lcr-lagauche.org/au-qatar-les-multinationales-tuent-en-masse/

  • Qatar: La CGT et Sherpa portent plainte contre Vinci pour travail forcé (Bastamag)

     

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    Une plainte déposée par Sherpa et la Fédération nationale des salariés de la construction de la CGT (FNSCBA) vise les activités du groupe de BTP français Vinci au Qatar, dont une filiale commune à Vinci et à l’émirat [1]. « Les enquêtes menées sur place concluent à l’utilisation par ces entreprises de menaces diverses pour contraindre une population vulnérable à des conditions de travail et d’hébergement indignes et à une rémunération dérisoire », dénoncent Sherpa et la CGT. En clair, il s’agit de travail forcé et de servitude.

    Les conditions de travail sur les chantiers qataris du Mondial 2022 défraient la chronique depuis que plusieurs médias, dont Batsa !, et associations humanitaires ont tiré la sonnette d’alarme sur le nombre d’accidents mortels sur les chantiers. On estime qu’au rythme actuel des accidents de travail, près de 4000 ouvriers pourraient trouver la mort d’ici 2022. Les ouvriers sont souvent maintenus dans une situation de servitude, contraints de vivre et travailler dans des conditions terribles sans possibilité de protester ni de partir puisque leurs passeports sont confisqués d’entrée par les employeurs.

    Comme le rappelle une enquête à ce sujet publiée il y a quelques mois par l’Observatoire des multinationales et Basta ! (lire Conditions de travail sur les chantiers du Qatar : quel est le rôle de Bouygues et Vinci ?), Vinci a profité de ses relations étroites avec les dirigeants qataris pour décocher plusieurs contrats dans le pays. Le groupe de BTP emploie plusieurs milliers d’ouvriers pakistanais ou népalais sur ses chantiers, directement ou par le biais de ses sous-traitants.

    Responsabilité des multinationales

    La direction de Vinci a toujours assuré – comme Bouygues également présent dans l’émirat – que ses filiales n’étaient pas concernées par ces accusations et que le groupe assurait à ses ouvriers des conditions décentes de vie et de travail. Vinci avait même organisé une visite de journalistes français pour le démontrer... sans toutefois laisser entrer les syndicats !

    Sherpa et la CGT ont mené l’enquête sur le terrain et déclarent aujourd’hui avoir réuni suffisamment d’« éléments accablants » pour porter plainte contre les filiales de Vinci concernées. Une enquête difficile, selon Marie-Laure Guislain, responsable du contentieux à Sherpa : « Les migrants sont terrorisés à l’idée des représailles qu’ils pourraient subir. Nous avons pu néanmoins collecter sur place des preuves formelles de conditions de travail et de logement indignes, pour une rémunération sans rapport avec le travail fourni, et effectué sous la contrainte de menaces. »

    Cette plainte est déposée quelques jours avant l’examen à l’Assemblée, le 30 mars, de la nouvelle mouture de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales vis-à-vis des activités de leurs filiales et sous-traitants à l’étranger. Cette loi a été considérablement édulcorée comparée à la première version, rejetée il y a quelques semaines (lire notre article). Le nouveau projet ne prévoit plus de sanction pénale, mais seulement une amende relativement modeste. Et rend l’imputation de la responsabilité beaucoup plus difficile. Même allégé, ce projet de loi n’en suscite pas moins une étonnante levée de boucliers de la part des milieux patronaux français. Selon Sherpa, « pour éviter des morts au Qatar comme au Bangladesh, le texte devra être impérativement amendé lors du vote ». Laetitia Liebert, directrice de Sherpa, espère « que cette plainte obligera Vinci à respecter scrupuleusement le droit des travailleurs migrants dans les années à venir et sera un exemple pour le secteur du BTP dans son ensemble. »

    - Une pétition en ligne a été mise en place pour appuyer la plainte de Sherpa et de la CGT.

    - Lire notre enquête « Conditions de travail sur les chantiers du Qatar : quel est le rôle de Bouygues et Vinci ? »

    Olivier Petitjean 24 mars 2015

    Notes

    [1Sont visées par la plainte a filiale Vinci Construction Grands Projets (VCGP) et les dirigeants français de QDVC, la filiale mise en place par Vinci (49%) avec l’émirat (51%). Le fonds souverain du Qatar détient aussi 5,5% des actions de Vinci et a un représentant à son conseil d’administration.

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    http://www.bastamag.net/Qatar-plainte-Vinci-esclavage-Mondial-2022

  • Régimes d’Arabie Saoudite et du Qatar... (ESSF)

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    L’Arabie Saoudite vient de faire parler d’elle à l’échelle internationale, avec la mort du roi Abdallah, décédé le 23 janvier dernier à l’âgé de 90 ans. Son successeur sera son frère Salmane, un jeunot de 79 ans, aussi « ouvert d’esprit » que son aîné.

    Les divers hommages venus des grandes puissances au défunt roi prêteraient à rire, si la réalité de la vie des « sujets » saoudiens n’était pas aussi triste. Mais une partie des dirigeants impérialistes a un peu moins trouvé à rire quand est venue sur la table la question du rôle du royaume saoudien dans la région.

    Ainsi le 2 octobre 2014, le vice-président des États-Unis, Joe Biden, déclara lors d’une réunion à l’université de Harvard (aux USA), à propos des soutiens dont bénéficiaient les groupes djihadistes : « Notre plus gros problème, c’était nos alliés dans la région. Les Turcs sont des grands amis, ainsi que les Saoudiens et les résidents des Émirats arabes unis. Mais (…) ils ont mené une guerre par procuration entre sunnites et chiites, et ils ont fourni des centaines de millions de dollars et des dizaines de milliers d’armes à tous ceux qui acceptent de lutter contre el-Assad. »

    Pouvoir wahhabite et Frères musulmans

    On comprend bien que ce qui inquiétait le vice-président US, ce n’est pas que les pays nommés auraient soutenu des forces démocratiques se battant contre la dictature syrienne, mais bien les djihadistes qui conçoivent cette lutte dans une optique de guerre confessionnelle : le pouvoir syrien est entre les mains du courant religieux alaouite, et ses principaux alliés sont chiites (le régime iranien et le Hezbollah libanais).

    Certains ont cru ou croient toujours que la monarchie saoudienne soutiendrait les partis affiliés à l’internationale des Frères musulmans, ce qui est une erreur. Si le pouvoir wahhabite saoudien a aidé les Frères musulmans dans les années 1950 et 1960 contre le régime nassériste – le nationalisme arabe séculier était alors son ennemi principal absolu –, les deux sont devenus des rivaux depuis de longues années. Cela s’explique par des rivalités pour la direction des forces islamistes dans le monde, mais aussi par l’orientation « républicaine » des Frères musulmans (qui aspirent à une République islamique, mais rejettent la monarchie).

    Concernant l’Égypte, les alliés de l’Arabie saoudite se trouvent parmi les partis salafistes, qui ont majoritairement soutenu les militaires contre les Frères musulmans. L’Arabie saoudite et d’autres monarchies du Golfe ont rapidement collecté 12 milliards de dollars d’aide financière en quelques jours début juillet 2013, permettant au nouveau pouvoir égyptien de colmater les brèches dans le budget de l’État...

    Le Qatar en soutien aux radicaux

    Le Qatar est le seul régime monarchique du Golfe à déplorer ouvertement la mise à l’écart des Frères musulmans en Egypte. La chaîne télévisée qatarie a pris d’ailleurs ouvertement leur parti, mais le pouvoir qatari a fini par accepter les nouvelles réalités égyptiennes.

    Mais le Qatar soutient, lui aussi, des islamistes plus radicaux, d’obédience djihadistes, dans certains pays. Ainsi, quand les djihadistes avaient pris le pouvoir par les armes au Nord du Mali entre janvier et avril 2012, le Qatar leur fournissait une aide qui ne tarda pas à être remarquée : des avions en provenance du Qatar atterrissaient sur place, officiellement dans un but « humanitaire »…

    Et sur le théâtre de guerre syrien, le Qatar joue par ailleurs le même jeu que le pouvoir saoudien, cherchant à transformer l’affrontement politique avec le régime Assad en guerre confessionnelle.

    Bertold du Ryon

    * Paru dans l’Hebdo L’Anticapitaliste - 274 (29/01/2015). http://www.npa2009.org/

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article34242

  • Qatar. Les mesures prises pour en finir avec l'exploitation des migrants (Amnesty)

    Sont «tout à fait insuffisantes»

    Les autorités qatariennes ont encore de très gros efforts à faire pour lutter contre les violations endémiques des droits des travailleurs migrants, écrit Amnesty International dans un rapport rendu public six mois après la série de réformes annoncées par le gouvernement pour combattre l’exploitation à l’approche de la Coupe du monde de football de 2022.

    Dans son rapport No Extra Time: How Qatar is still failing on workers’ rights ahead of the World Cup, l’organisation montre que les autorités qatariennes n’ont pas modifié les systèmes favorisant les atteintes aux droits des travailleurs migrants et n’ont que peu progressé sur plusieurs projets annoncés en mai 2014.

    « Le temps presse. Quatre années se sont écoulées depuis que le Qatar a remporté l’organisation de la Coupe du monde, se plaçant ainsi sur le devant de la scène internationale. Pour le moment, les efforts déployés par le pays face aux problèmes que rencontre la main-d’œuvre migrante se sont limités à des promesses de mesures et quelques propositions de loi, a déclaré Sherif Elsayed Ali, responsable du programme Droits des réfugiés et des migrants d’Amnesty International.

    « Il faut agir de toute urgence si l’on ne veut pas que la Coupe du monde de 2022 repose sur le travail forcé et l’exploitation. »

    Le rapport analyse les mesures prises par les autorités pour s’employer à résoudre neuf problèmes graves qui portent atteinte aux droits des travailleurs migrants au Qatar. Aucun progrès n’a été accompli sur cinq problèmes, et seules des avancées limitées ou partielles ont été réalisées dans les quatre autres domaines.

    « Alors qu’il s’est engagé à plusieurs reprises à agir avant la Coupe du monde, le gouvernement qatarien semble toujours renâcler à faire des changements essentiels, comme supprimer le permis de sortie du territoire et réformer le système abusif de parrainage », a déclaré Sherif Elsayed Ali.

    Amnesty International a engagé à maintes reprises le Qatar à mettre fin à la délivrance de permis de sortie, violation flagrante des droits des migrants qui permet aux employeurs de restreindre les mouvements des travailleurs migrants, ceux-ci risquant alors de se retrouver piégés dans le pays, dans l’impossibilité d’en sortir.

    L’organisation n’a aussi cessé de demander la réforme du système de parrainage, ou kafala, qui lie le travailleur à son employé et favorise le travail forcé.

    Dans deux rapports rendus publics l’année dernière, Amnesty International a dénoncé plusieurs pratiques abusives, telles que les retards de paiement des salaires, des conditions de travail très difficiles et dangereuses et des conditions de vie déplorables, et relayé des informations choquantes sur le travail forcé et les violences physiques et sexuelles dont étaient victimes les employés de maison.

    En réponse au tollé international provoqué par les critiques des médias et les pressions exercées par Amnesty International et d’autres groupes de défense des droits, le gouvernement qatarien a demandé au cabinet d’avocats DLA Piper d’enquêter sur les allégations d’abus.

    En mai 2014, DLA Piper a formulé toute une série de recommandations à l’intention du gouvernement dans un rapport couvrant un champ très large et se montrant notamment critique envers le système de parrainage.

    Peu de temps après, le gouvernement qatarien a annoncé une série de réformes, y compris des propositions visant à modifier le système de parrainage et le régime de délivrance de permis de sortie, et à supprimer la règle empêchant les travailleurs de revenir au Qatar pendant deux années après la fin de leur contrat. Amnesty International avait alors considéré que les réformes annoncées constituaient une « occasion manquée », car elles ne résolvaient pas les problèmes fondamentaux contribuant à l’exploitation généralisée de la main-d’œuvre migrante. Même ces propositions de réformes limitées n’ont pas abouti.

    En outre, depuis le mois de mai, les initiatives prises par le gouvernement afin de supprimer les principaux obstacles auxquels se heurtent les travailleurs pour obtenir justice et de répondre aux vives inquiétudes quant à la santé et la sécurité des ouvriers du bâtiment sont insuffisantes.

    « Six mois après l’annonce de ces mesures limitées, seules quelques-unes ont été partiellement mises en œuvre. Globalement, les mesures prises par le Qatar sont tout à fait insuffisantes », a déclaré Sherif Elsayed Ali.

    « En n’agissant pas rapidement pour résoudre les graves problèmes de droits humains dans le pays, le Qatar risque de voir sa crédibilité gravement entamée et son engagement envers les droits humains remis en cause. »

    Dans le cadre des réformes globales qui sont nécessaires pour que le système de parrainage et le droit du travail soient conformes aux obligations relatives aux droits humains du Qatar, Amnesty International engage les autorités qatariennes à prendre de premières mesures concrètes, notamment à :

    •abolir clairement le régime de délivrance de permis de sortie du territoire ;

    •diligenter une enquête indépendante sur les circonstances des décès de travailleurs migrants ;

    •supprimer les frais de justice prohibitifs, qui empêchent les travailleurs de porter plainte contre leurs employeurs ;

    •rendre publics les noms des recruteurs et employeurs qui exploitent la main-d’œuvre ;

    •accorder aux employés de maison les mêmes protections juridiques du droit du travail que celles qui couvrent les autres travailleurs.

    L’organisation va continuer de suivre de près les efforts du Qatar pour remédier à ces problèmes et à d’autres encore au cours des six prochains mois.

    12 novembre 2014

    http://www.amnesty.org/fr/for-media/press-releases/qatar-steps-end-migrants-exploitation-ahead-world-cup-woefully-insufficient

  • Qatar : des organisations internationales dénoncent une économie d’esclavage moderne (Bastamag))

    « Je suis suivi par la police. On dirait qu’ils vont nous faire des problèmes. »

    C’est le dernier message envoyé le 31 août depuis le Qatar par Krishna Upadhyaya et Ghimire Gundev, deux militants britanniques des droits humains. Depuis, ils n’ont plus donné de nouvelles. Les autorités qataries ont révélé le 7 septembre qu’ils étaient retenus prisonniers et interrogés pour avoir “violé les lois” de l’émirat [1]. Les deux hommes travaillent pour l’organisation norvégienne Global Network for Rights and Development (GNRD). Ils se sont rendus au Qatar pour rencontrer des travailleurs népalais et documenter la situation des travailleurs migrants sur les chantiers de la Coupe du monde de football 2022.

    L’organisation Global Network for Rights and Development (GNRD) a lancé aux côtés de la Confédération syndicale internationale (CSI), de la fondation pour la défense des droits de l’homme Front line defenders et de l’ONG contre l’esclavage moderne Anti slavery international une action pour demander la libération des deux militants.

    1,4 million de migrants travaillent dans le petit émirat du Qatar.

    Ils constituent la majorité de la population du pays, mais n’ont pratiquement aucun droit. « Les travailleurs étrangers sont presque réduits en esclavage – totalement soumis au pouvoir de leurs employeurs qui détiennent un contrôle total sur les salaires et les conditions d’emploi, ont le pouvoir d’attribuer les permis de résidence (ne pas en avoir peut conduire en prison) et peuvent refuser au travailleur un changement d’emploi, ou même un visa de sortie pour pouvoir quitter le pays », résumait la Confédération syndicale internationale dans un rapport au printemps dernier.

    Plus d’un millier d’ouvriers sont déjà morts sur les chantiers du Qatar depuis que l’émirat s’est vu attribuer l’organisation du mondial, en 2010. La plupart ont péri d’accidents du travail ou de crise cardiaque (Voir notre enquête "Coupe du monde : Bouygues et Vinci s’installent au Qatar, un pays qui recourt massivement au travail forcé").

    « À chacun de nos voyages au Qatar, les gens ont de plus en plus peur de parler »

    Suite aux rapports accablants de la CSI et d’Amnesty sur cette situation, le Qatar avait promis des améliorations en juin. L’arrestation des deux militants laisse présager du contraire. « Le Qatar semble penser que créer un climat de peur et d’intimidation va détourner l’attention du monde de son économie d’esclavage moderne, a réagi Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI après l’annonce de la disparition des deux hommes. Des centaines de travailleurs migrants, dont beaucoup de femmes, sont en train de dépérir dans les centres de détention de Doha tout simplement pour avoir voulu échapper à des employeurs violents et abusifs. Des journalistes étrangers ont été détenus pour avoir essayer de montrer la vérité, et la répression d’état s’accentue dans un pays qui n’a montré jusqu’à maintenant aucun respect pour les droits humains et les standards légaux de base. »

    En juin, Gemma Swart, de la CSI, témoignait déjà d’une pression grandissante sur les travailleurs migrants depuis les révélations toujours plus précises sur leurs terribles conditions de vie et de travail. « À chacun de nos voyages au Qatar, les gens ont de plus en plus peur de parler » , nous disait-t-elle. Manifestement, l’émirat veut aussi intensifier la pression sur les organisations qui luttent pour les droits de l’homme et des travailleurs. Sans réaction de la part de la Fifa.

    Rachel Knaebel 8 septembre 2014

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