De plus en plus de jeunes algériens, que ce soit des filles ou des garçons, jeunes et moins jeunes, parfois à l'école primaire, s'adonnent à l'usage de la drogue, préviennent les acteurs de la société civile et les services de la sécurité. Une bonne partie de notre jeunesse consomme différents types de drogues aujourd'hui, qu'elles soient dures ou douces. Les drogues les plus consommées par nos jeunes ont parfois des appellations connotatives. L'on cite el Hamra, Batman, superman, cafard, Bkhrour, Madame courage, Madame la pharmacienne, essence, BRI, ainsi que d'autres appellations qui nous renseignent sur les caractéristiques de chaque substance, qui en finalité vous donne des portraits différents des personnes qui sont sous l'emprise de ces drogues.
La liste est longue, mais celle qui est en vogue actuellement, selon le professeur Mustapha Khiati, président de la Forem, c'est la drogue appelée « Karkabou ». Intervenant, jeudi dernier, au forum de la Sûreté nationale à l'école Ali Tounsi à Alger, le professeur Khiati a précisé que cette drogue qui arrive du Maroc est en fait un mélange de résine de cannabis et de produits chimiques. Et de préciser que ses effets sur le cerveau et sur le corps sont désastreux. Il précise encore que ses effets sont similaires aux effets provoqués par la consommation de l'héroïne et de la Cocaïne. Le professeur Khiati a présenté, comme à chaque occasion, des chiffres « approximatifs » sur la consommation de la drogue dans le milieu scolaire, en attendant l'enquête qui devrait être réalisée par l'office nationale de lutte contre la drogue et la toxicomanie dans les établissements scolaires, durant le 1er semestre 2016.
Le Pr khiati a indiqué que 7,75 % des collégiens et 1,27 % des collégiennes consomment, ou ont déjà consommé certaines drogues. Et 18,77 % des lycéens et 2,21% des lycéennes consomment ou ont déjà touché à la drogue.
A l'université, 27 % des étudiants et 6 % des étudiantes la consomment. Bien évidement, ces chiffres sont vagues ; l'enquête réalisée par la FOREM, ayant concerné des lycées et des collèges de l'est d'Alger, s'est basée uniquement sur un simple interrogatoire. Sachant aussi que parfois, les jeunes trouvent amusant d'affirmer qu'ils consomment de la drogue et parfois d'autres consommateurs nient en avoir consommé par peur de représailles ou par discrétion.
Mais le plus intéressant dans cette enquête réalisée par la FOREM est de savoir que 81 % des filles et 75 % des garçons interrogés aux collèges et lycées n'ont jamais assisté à une conférence sur la drogue et ses conséquences ni vu un film de sensibilisation sur la drogue.
Justement, en cette Journée mondiale de lutte contre les drogues et la toxicomanie, les services de la Sûreté nationale, présidents d'associations et experts ont, cette fois-ci, voulu parler de la prévention au lieu de s'arrêter aux chiffres qui ne cessent d'augmenter au fil des années. Ils se sont dits convaincus que, parfois, le témoignage d'une jeune victime de la drogue est plus significatif que n'importe quel chiffre.
Le témoignage d'un jeune garçon consommateur d'héroïne diffusé par vidéo au forum de la Sûreté nationale, jeudi dernier, était poignant. Il a affirmé que la dépendance à l'héroïne est beaucoup plus grave que d'autres drogues dites douces ; avec le temps, c'est elle qui tient les rênes de ta vie : « je vous assure que je n'ai pas pris une douche complète durant deux années consécutives, je n'arrivais pas à le faire, je ne voulais pas prendre une douche , je me contentais d'une petite toilette car mon état de santé n'a cessé de se dégrader, l'héroïne est destructive, je pouvais bien commettre un crime sans m'en soucier ou plutôt sans m'en rendre compte», a-t-il relaté.
Une autre jeune fille a affirmé lors de son témoignage qu'elle a commencé de consommer de la drogue à l'âge de 14 ans : « J'étais une bonne élève mais, après une simple tentation avec un ami, je suis devenue accro et depuis j'ai abandonné mes études, je suis devenue une autre personne, j'ai jamais imaginé arriver à ce point ». Ces deux jeunes ont décidé aujourd'hui d'être les maîtres de leur propre personne; ils ont décidé de suivre des cures de sevrage. Les services de la sécurité ont appelé la société civile, notamment les parents, à s'impliquer davantage dans la lutte contre la consommation de la drogue, avant que leurs enfants ne s'engouffrent dans le monde de la drogue et commettent des crimes. Aujourd'hui, nous disposons de 32 centres intermédiaires de désintoxication et deux centres spécialisés dans le sevrage pour ceux qui veulent sortir de l'engrenage de la drogue.
A titre indicatif, les services de la police, de la gendarmerie et ceux des douanes ont saisi 550 tonnes de drogues de différents types au cours des trois dernières années, sans parler du volume des drogues qui a été commercialisé ou consommé.
par M. Aziza, Le Quotidien d'Oran, 27 juin 2015
http://www.algeria-watch.org/fr/article/eco/soc/drogues_ravages.htm