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Altermondialisme - Page 3

  • Les carences du secteur agricole accentuent l’insécurité alimentaire (Algeria Watch)

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    En dépit d’un engouement des opérateurs étrangers à investir

    El Watan, 14 novembre 2016

    Des millions d’hectares de terre en jachère, d’autres mal exploités, certaines terres sont détournées de leur vocation, d’autres encore reclassées pour servir au bâtiment, une main- d’œuvre en désertion et des semences locales disparues du marché.

    Vue sous cet angle, la sécurité alimentaire de l’Algérie semble bien compromise. Pourtant on ne peut pas dire que la volonté politique a manqué avec le PNDA, le PNDRA, l’effacement des dettes des agriculteurs, les crédits bancaires à taux 0, etc.

    Si bien que l’agriculture a été le principal secteur porteur de la croissance économique durant une bonne partie des années 2000. Au cours des cinq dernières années, sa croissance a évolué à un rythme annuel de plus de 7% en moyenne. En 2015, la valeur ajoutée du secteur représentait 12% du PIB.

    Pourtant, les résultats semblent insuffisants, car même si le ministère de l’Agriculture avance un taux de couverture de nos besoins agricoles à hauteur de 70% par la production nationale, le pays reste entièrement dépendant des importations pour ce qui est des produits de première nécessité.

    «L’Etat est appelé à venir en permanence à la rescousse pour sauver un marché national exposé aux pénuries dès lors que le secteur agricole national couvre à peine 15 à 20 % du marché en produits de première nécessité», observe Akli Moussouni, expert agronome. La balance agricole et alimentaire est déficitaire et a quadruplé entre 2000 et 2011. «On couvre 70% de nos besoins en fruits et légumes, entre 80 % et 100% pour la viande rouge et blanche, mais on ne couvre localement que 30% de nos besoins en céréales et moins de 50% en matière de lait», argumente Laala Boukhalfa, expert en sécurité alimentaire.

    Dépendance

    Une dépendance aux conséquences économiques directes et pas seulement en termes de sorties en devises. D’après les données de l’Ifpri (International Food Policy Research Institue, 2007), une hausse de 15% des prix agricoles sur le marché international coûte à l’Algérie 0,7% du PIB en raison d’une facture d’importations agricole représentant 4,5% du PIB à plus de 3 milliards de dollars.

    Mais le problème pour l’Algérie ne s’arrête pas là. Car la dépendance aux produits agricoles commence à la base. Des experts dans le domaine agricole ont en effet tiré la sonnette d’alarme sur le fait que 80% des semences locales ont disparu et que celles qui sont importées ne font que renforcer la dépendance de l’Algérie puisqu’il s’agit majoritairement de semences hybrides utilisables une seule fois.

    Déperdition

    Le ministre de l’Agriculture reconnaît qu’il existe un problème de semence qui est en train d’être pris en charge, mais il admet aussi que son règlement prendra des années. Quand ce n’est pas la dépendance aux importations qui pose problème, c’est la déperdition des superficies agricoles qui inquiètent. Les besoins en construction de logements et d’investissements industriels ont sérieusement empiété sur le foncier agricole, mettant à l’arrêt des exploitations agricoles entières. En 2015, ce sont près de 4000 hectares de terres agricoles qui ont été reclassées au bénéfice de l’industrie.

    A cela s’ajoutent quelque 3 millions de terres qui demeurent en jachère, soit plus d’un tiers de la surface agricole utile (8,5 millions d’hectares). Certaines sont considérées à haut potentiel. Le chiffre est important, mais pour Mohamed Alioui, président de l’Union des paysans algériens, il y a lieu d’abord «de s’inquiéter des terres qui sont censées être en exploitation mais ne le sont pas».

    Pourtant le gouvernement a pris ces dernières années des décisions allant dans le sens de l’amélioration de la production agricole et de la couverture des besoins nationaux à travers des mécanismes d’aides directs au profit des agriculteurs. Ces derniers se sont vu effacer en 2009 une dette de 41 milliards de dinars, mais la décision n’aurait pas profité à qui de droit. Selon Mohamed Alioui, «50 à 60% de cet effacement n’a pas bénéficié aux véritables agriculteurs qui en avaient le plus besoin».

    Ambitions

    En cette période de crise, où l’agriculture se positionne comme une alternative au pétrole, la question de la sécurité alimentaire pose indéniablement l’impératif de réduire la dépendance aux importations pour les produits de première nécessité. Pour Akli Moussouni, la solution résiderait dans «un changement radical des politiques agricoles, dont la contrainte de dépendance vis-à-vis du produit agricole étranger doit constituer d’axe de développement».

    Dans ce cadre, le plan d’action Filaha 2019 prévoit la réduction de 30 % de la facture des importations alimentaires (2 milliards de dollars par substitution (poudre de lait, blé dur, semence pomme de terre (A), viande bovine et tomate industrielle) et le doublement des exportations. Pour ce faire, des efforts seront concentrés sur un certain nombre de filières, dont la céréaliculture, les légumes secs, le lait, les cultures fourragères, les viandes bovines et blanches, la pomme de terre, la tomate industrielle.

    Safia Berkouk


    Investissements dans le secteur agricole

    Engouement des opérateurs étrangers

    Les investisseurs étrangers et nationaux se bousculent pour la grande concession.

    Ils sont de plus de plus nombreux à frapper à la porte du ministère de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche (MADRP) pour proposer leurs projets. Jusque-là, le secteur a attribué plus de 600 000 hectares pour la réalisation de projets structurants pour un montant de 600 milliards de dinars. Et ce, au profit de 1 500 investisseurs porteurs de projets intégrés dans les filières stratégiques. Sur ce montant, la valeur des investissements en cours de mise en œuvre avec des partenaires étrangers est de l’ordre de 25 milliards de dinars pour une superficie dépassant les 10 000 hectares par projet.

    Et ce, en dehors des régions du Nord. Le cap est en effet mis sur les IDE dans le Sud et dans les Hauts- Plateaux dans les filières stratégiques où l’Algérie est dépendante des importations C’est le cas notamment à Khenchela, Adrar et Ghardaïa, a-t-on appris auprès du MADRP. Les appels lancés par le gouvernement à l’égard des investisseurs étrangers, faut-il le rappeler, remonte à plusieurs années.

    Déjà en 2006, quand il était secrétaire général du ministère de l’Agriculture, Abdeslam Chelghoum avait invité les opérateurs étrangers à investir dans le domaine de la mise en valeur des terres par le biais du système de la concession mis en place et touchant les zones sahariennes, steppiques et montagneuses. «S’il y a des opérateurs étrangers qui veulent apporter leur contribution à la mise en valeur des terres ils sont les bienvenus», avait-il indiqué à l’issue d’une rencontre avec une délégation canadienne. Depuis, les appels se sont succédé par d’autres responsables du secteur. Il a fallu que les changements interviennent dans le cadre réglementaire notamment dans le cadre de la loi sur les concessions agricoles pour que les investisseurs se manifestent et affichent leur intérêt pour le secteur agricole algérien.

    Des mesures d’accompagnement

    Il faut dire en effet qu’une série de mesures a attiré l’engouement des investisseurs étrangers à la faveur d’une nouvelle stratégie en matière d’investissement dans le secteur agricole, qui mise sur le développement durable et la sécurité alimentaire en Algérie. Parmi ces mesures, on cite l’institutionnalisation d’une cellule d’accompagnement au ministère de l’Agriculture. Dans une de ses études, le cabinet Oxford Business Group ne manque pas d’ailleurs de le souligner.

    Projets structurants

    Il relève le nombre important de contrats d’investissements en projet ou conclus récemment, donnant comme chiffre 80 demandes d’investissements déposées au MADRP au cours du premier semestre 2016. Et rappelant par la même occasion les principaux projets conclus. A titre illustratif, celui conclu fin 2015 entre le Groupe Lacheb et le consortium américain International Agricultural Group, portant sur un mémorandum d’entente sur l’investissement de 100 millions de dollars dans la création d’une nouvelle joint-venture baptisée El Firma, dédiée à l’élevage bovin dans la région d’El Bayadh.

    Au total, six accords ont été signés entre les Etats-Unis et l’Algérie en 2015 dans plusieurs segments agricoles, dont l’irrigation, l’élevage de bétail et l’élevage de vaches laitières, ainsi que l’importation de semences. Plus récemment, le 15 septembre dernier, l’Algérie et la Chine ont signé un protocole d’accord pour l’exécution de la deuxième phase du projet pilote de l’aménagement des terres agricoles salines dans la région de Hmadna (Relizane). Pour le MADRP, ce projet est d’un intérêt stratégique pour l’Algérie, avec l’extension considérable de la salinisation des terres agricoles particulièrement dans les zones arides et semi-arides.

    Déjà en 2012, il y a eu le lancement de la première phase de ce projet pilote pour trois ans (jusqu’à 2015, entre l’Institut national de la recherche agronomique d’Algérie (INRAA) en coopération avec l’entreprise China Agriculture International Development.
    «Les résultats encourageants des expérimentations effectuées incitent à poursuivre les essais durant une seconde phase (2016-2018) avec l’appui de l’expertise chinoise», avait expliqué le MADRP après la conclusion de l’accord pour la deuxième phase du projet.
    Des intentions de projets sont par ailleurs exprimées par des partenaires français et allemands notamment.
    Samira Imadalou


    Développement des filières

    Les céréales et le lait, des défis majeurs

    Poussée par une croissance démographique et de nouvelles habitudes de consommation, la facture des ’importations céréalières a explosé face à une production nationale trop irrégulière pour répondre à tous les besoins.

    L’Algérie importe 80% de ses besoins en blé tendre et produit 60% de son blé dur. Pour le maïs, les importations sont de 100%, alors que pour l’orge, elles demeurent faibles à moins de 20%.

    Ces deux céréales sont destinées principalement à l’alimentation de bétail. 60% des céréales produites au niveau national sont du blé (dont 70% de blé dur et 30% de blé tendre). Selon une étude de l’Ipemed (Institut de prospective économique du monde méditerranéen), l’Algérie a connu une progression rapide de la consommation de blé tendre utilisé pour le pain et la pâtisserie «avec l’occidentalisation du modèle de consommation». Une demande trop forte comparée aux disponibilités réelles. Les céréales occupent à peine un tiers des terres arables et plus de la moitié des exploitants agricoles. Mais on estime cependant que la moitié de la production est réalisée par des exploitations de taille modeste (moins de 50 ha).

    La production reste marquée par une forte irrégularité. «On est à 17q/h. C’est trop faible», observe Laala Boukhalfa, selon qui «il y a des zones de culture à fort potentiel qui ne sont pas exploitées». Une étude de l’Ipemed explique cette faiblesse aussi bien par des causes naturelles (sol et climat), que techniques (semences, pratiques culturales) qu’humaine (organisation et formation des producteurs). Pour réduire la facture d’importation, le ministère de l’Agriculture a prévu dans son plan d’action 2019 de doubler la production céréalière à près de 70 millions de quintaux et d’en finir complètement avec l’importation de blé dur. Cela serait notamment possible grâce à l’augmentation des surfaces irriguées, qui passeront de 230 000 hectares en 2016 à 600 000 hectares en 2019.

    Pour Akli Moussouni, expert agronome, il est possible de couvrir «les ¾ des besoins du marché national à condition de réduire d’environ de 50% les surfaces qui leur sont consacrées, mais en investissant dans la performance de celles qui seront cultivées pour atteindre des rendements élevés (plus de 50 q/ha)». Les surfaces abandonnées par les céréales seraient ensuite consacrées aux parcours pour les filières animales (ovine en particulier)

    Le lait en crise

    Même constat ou presque pour le lait, enclin à des crises cycliques, avec un taux de collecte qui reste faible, puisque seulement le tiers de la production laitière bovine est collectée (en 2012). A la fin des années 1960, les importations totales en lait couvraient 40% des disponibilités, pour une consommation qui atteignait les 50 litres équivalent lait /habitant. Aujourd’hui, elles en couvrent plus de 50 % pour une consommation par habitant qui a presque triplé à 147 litres équivalent lait/habitant. «Nous produisons environ trois milliards de litres pour des besoins estimés à 6 milliards», observe Laala Boukhalfa.

    Près de 30% des disponibilités laitières sont destinés à l’autoconsommation ou se retrouvent dans le circuit informel, selon les chiffres du ministère de l’Agriculture. On estime que le taux d’intégration du lait cru est autour de 15% en moyenne, entre laiteries privées et publiques. Pourtant, pour augmenter cette production et son intégration dans le processus industriel de fabrication du lait pasteurisé, le gouvernement a mis en place un système de primes destiné aux producteurs, aux collecteurs et aux transformateurs.

    Rien n’y fait. Selon Laala Boukhalfa, les subventions constituent «un frein au développement de la filière». Les investisseurs «n’investissent pas car ils ne peuvent pas concurrencer un prix administré de 25 dinars le litre. Ils ne veulent pas investir dans des vaches laitières puisqu’il y a la poudre et qu’elle est subventionnée». En 2013, les subventions à la poudre de lait ont atteint 30 milliards de dinars. Mais, c’est loin d’être la seule contrainte. Dans une étude de l’IAMB (Institut agronomique méditerranéen de Bari) datant de 2015, il est noté que 99% des exploitations laitières sont du type «familial et traditionnel ».

    En 2008, «plus de 95% des exploitations laitières comptaient moins de cinq vaches, alors que celles qui disposaient de plus de 50 vaches laitières ne représentent que de 0,3% du total». Selon la FAO, la taille des troupeaux reste relativement faible, avec 6 à 8 vaches laitières par exploitation. En 2012, on estimait que le bovin laitier de race importée représentait 28% de l’effectif total des vaches laitières et assurait environ 70% de la production totale de lait de vache. Pour Akli Moussouni, la filière agit encore dans l’«archaïsme» pour au moins 4 raisons : sous-alimentation du cheptel, générant une faible rentabilité laitière, la petitesse des exploitations face à des coûts de productions trop importants, infrastructures d’élevages d’un autre âge et enfin le manque de professionnalisme.

    Insuffisances

    Si Laala Boukhalfa pose le problème de l’adaptation des vaches importées au climat algérien, il évoque également la question de la disponibilité de l’alimentation devant répondre aux besoins du cheptel. Des études publiées entre 2009 et 2013 par des chercheurs algériens (Chehat, Soukhal) montrent une «insuffisance des ressources fourragères qui constitue un obstacle au développement de l’élevage bovin en Algérie», puisqu’elles ne couvrent que 50% des besoins annuels, alors que «plus des 2/3 des besoins protéiniques du cheptel sont couverts par des aliments concentrés». En gros, les superficies fourragères ne représentent que 9% de la surface agricole utile, au moment où l’industrie des aliments du bétail est dépendante des importations des matières premières, soulignent les études.

    Selon la FAO, les contraintes liées à la production laitière en Algérie sont nombreuses, citant notamment, la faible production de l’élevage bovin, un prix de revient à la production trop important, des ressources fourragères insuffisantes, un coût de l’alimentation du bétail trop élevé et une désorganisation des réseaux de collecte. Des contraintes que le gouvernement compte lever pour les besoins de la sécurité alimentaire. A l’horizon 2019, l’objectif tracé est de réduire à 0 % l’importation de poudre de lait destinée à la fabrication de produits dérivés. Il est aussi question de promouvoir l’intégration de la production locale du lait cru par l’élargissement de son marché aux produits laitiers dérivés et le renforcement des capacités de production du fourrage.

    Safia Berkouk


    Maladies récurrentes et pratiques informelles

    Menace sur la production animale

    Avec des maladies à répétition, chaque année ou presque, une partie de l’élevage ovin, bovin et avicole est décimée. Brucellose, bronchite infectieuse, grippe aviaire, blue tongue, fièvre ap0hteuse, etc., les maladies sont multiples et leur propagation àa des degrés divers.

    Dernièrement encore, les citoyens ayant acheté le mouton de l’Aïd, n’ont pas sacrifié que ce dernier, mais également l’équivalent d’un mois de salaire pour ceux d’entre eux qui se sont retrouvés avec une viande putréfiée, impropre à la consommation. Pourtant les campagnes de vaccinations existent. En 2014, avec la fièvre aphteuse le gouvernement a dégagé une enveloppe de 100 millions de dinars pour l’achat de 900 000 doses de vaccin, alors que 1,6 million de bovins avaient déjà été vaccinés.

    Avec plus de 26 millions de têtes, l’élevage ovin représente près de 80% de l’effectif total du cheptel national devant le bovin qui en représente 6%. Importations frauduleuses d’animaux malades, abattages clandestins, non-déclaration des maladies, des pratiques hasardeuses en matière d’alimentation et d’administration des médicaments par les éleveurs, menacent cette richesse. Les résultats de l’enquête menée sur la viande de l’Aid avait mis en cause un surdosage de compléments alimentaires administrés aux bêtes en vue de leur engraissement rapide. Mais ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.

    Explications

    Pour les professionnels de la santé animale, ces maladies à répétition ne sont pas forcément anormales. Saida Akali, secrétaire générale du Syndicat national des vétérinaires fonctionnaires en explique les raisons. «Les effectifs de ces élevages sont sans cesse en augmentation (en nombre d’éleveurs et d’animaux), le nombre de vétérinaires augmente aussi et donc les diagnostics de maladies se font aussi plus souvent et leur déclaration se font aussi rapidement». Si l’apparition de ces maladies n’étonne pas, c’est que plusieurs facteurs y contribuent. «Nos élevages ne sont pas identifiés.

    On donne des crédits à toute personne qui le demande pour faire de l’élevage sans formation, sans structure d’encadrement, etc. Aussi, la protéine animale est devenue une valeur spéculative, donc des affairistes s’occupent de présenter des denrées d’origine animale par n’importe quels moyen et méthode». Ahcene Kaci, enseignant–chercheur, spécialiste des productions animales, partage une partie de cette analyse. «Des vétérinaires n’arrivent jamais à déterminer les véritables mortalités du cheptel car les barrières sanitaires ne sont pas respectées, le nombre de laboratoires d’analyse est très insuffisant, la veille sanitaire n’existe pas et la traçabilité des produits n’est pas prise en considération par l’ensemble des acteurs de la chaîne des filières animales». Les deux spécialistes mettent également en cause les faiblesses en matière de contrôle des frontières pour ce qui est des déplacements de troupeaux qui ne sont pas «systématiques».

    La production avicole

    Cet état des lieux vaut d’autant plus pour le secteur avicole. Dans un document consacré à l’analyse de la filière, le ministère de l’Agriculture note que les limites techniques et sanitaires des bâtiments traditionnels qui représentent la quasi-majorité des bâtiments d’élevage privés, mal aérés, provoque des maladies respiratoires et entraîne des taux de mortalité élevés, ainsi qu’une difficulté de désinfection et de mise en place de barrières sanitaires. Car la filière reste dominée par les pratiques informelles. Certains experts ont estimé que 80% des abattoirs de volailles ne possèdent pas d’agrément sanitaire.

    D’autres avancent un chiffre moins alarmant. «Selon l’étude non encore publiée par Ferrah Ali, chercheur à l’INRA Algérie, l’économie informelle dans l’aviculture algérienne représente 50 %, c’est-à-dire 1 opérateur sur 2 ne dispose pas d’agrément sanitaire», estime Ahcene Kaci. Selon Laala Boukhalfa, spécialiste des questions de sécurité alimentaire, la filière avicole peut produire jusqu’à un million de tonnes par an, mais «les abattoirs existants ne peuvent prendre en charge qu’une capacité de 20%, le reste se fait dans les abattoirs clandestins», posant un grand risque sanitaire. Seulement le problème est beaucoup plus grand qu’une simple question de pratiques informelles. Ahcene Kaci estime que «le risque sanitaire à l’avenir pourrait être d’une grande ampleur» au vu des carences. Car dit-il, il n’est plus concevable d’admettre la présence «des élevages modernes de grandes capacités à côté d’autres élevages traditionnels pourvoyeurs de maladies potentielles.»

    Organisation

    Mais les types d’élevage ne sont pas les seuls à mettre en cause. Pour Saida Akli on exige trop des vétérinaires fonctionnaires sans leur donner les moyens. On leur demande «d’assurer le contrôle sanitaire, les vaccinations, les prélèvements, les enquêtes épidémiologiques, la pharmacovigilance, les comités de lutte contre les zoonoses, les contrôles laitiers. Tout ça avec des effectifs réduits, des salaires dérisoires et des moyens matériels inexistants». En parallèle, la requête formulée pour une 6e année universitaire attend toujours une réponse, les recrutements sont gelés depuis 2014 et l’installation de jeunes vétérinaires relèverait «du casse-tête», selon notre interlocutrice.

    Avec la propagation de l’informel, l’impossibilité de l’identification des cheptels, les insuffisances en matière de contrôle et le manque de moyens au profit des professionnels, la protection des citoyens et de la richesse animale devient problématique. «Nous sommes le dernier maillon de la chaîne alimentaire, mais il faudrait que tous les autres maillons fonctionnent, à commencer par l’application des lois déjà existantes», affirme Saida Akli Abondant dans le même sens, Ahcene Kaci, qui considère que le véritable problème réside dans «l’organisation des filières animales», l’Etat doit prendre «des mesures strictes pour faire respecter la législation à travers ses services fiscaux et vétérinaires». De l’autre, «les autres acteurs doivent instaurer un système de coordination dans le cadre d’un groupement interprofessionnel représentatif afin de permettre à chaque maillon de la filière (agro-fourniture, secteur agricole, agro-industrie, distribution) d’investir, de garantir une traçabilité du produit et de dégager une valeur.»
    Safia Berkouk

    http://www.algeria-watch.org/

  • Maroc : Réchauffement du climat social pendant la COP22 (NPA)

    Depuis le 7 novembre, la ville de Marrakech accueille la COP22 jusqu'au 18. La ville est saturée de messages sur le climat, le développement durable, les énergies renouvelables. Banques, bus et taxis, tous les bâtiments publics et même les mosquées, rien n'y échappe... Jusqu'aux roues des calèches pour les touristes ornées de la rosace, emblème de la COP22. Mais dans dès que l'on quitte la zone des banques et des grands hôtel, la COP semble bien lointaine.

    Dénoncer la hogra

    Qu'en est il pour les secteurs militants, celles et ceux qui résistent et se battent au Maroc ? Les jours qui ont précédé l'ouverture de la COP ont été marqués par les événements d'Al-Hoceima où est mort dans des circonstances atroces et révoltantes Mouhcine Fikri, happé et broyé par la benne à ordure dans laquelle sa marchandise saisie avait été détruite. Des milliers de manifestantEs ont dénoncé la « hogra » - humiliation, injustice, arbitraire du pouvoir - dans les rues de toutes les grandes villes. Le ministre de l’Intérieur marocain s’est empressé de déclarer « L’État ne peut pas être considéré comme directement responsable de ce décès, mais l’État a la responsabilité d’établir les fautes et de les sanctionner », tentant d'éteindre la contestation qui risquait de gâcher la fête de la COP. Mais vendredi 11 novembre, une manifestation a encore eu lieu à Al-Hoceima.

    C'est cette même hogra que dénoncent les jeunes diploméEs de l'enseignement qui occupent, et pour certains observent une grève de la faim, la très fréquentée place Jemaa el-Fna. Ils font partie de ces 10 000 jeunes, diplômés dans le cadre d'un programme gouvernemental de formation d'enseignantEs, qui se voient condamnés à la précarité par un gouvernement qui ne tient pas ses engagements. En lutte depuis 7 mois, ils et elles refusent le gaspillage de l'argent public : 161 millions de Dirhams (environ 15 millions d'euros) qui ne bénéficieront pas à l'enseignement public qui en a tant besoin, mais fourniront une main d’œuvre précaire au secteur privé choyé par le pouvoir.

    Vingt ans de lutte

    Pour l'assemblée Mondiale Amazighe, qui tenait un rassemblement le 12 novembre, la COP offre l'occasion de donner de la visibilité à son combat pour les droits démocratiques et culturels des populations Amazighes et de dénoncer la répression et la spoliations des terres dont elles sont les victimes.

    A 300 kilomètres de la COP, et surtout en complète contradiction avec le discours officiel, les indignéEs d’Imider continuent leur combat contre l’administration de la mine d’argent locale exploitée par une filiale de la compagnie royale Managem. L'exploitation de la mine provoque à la fois une pénurie d’eau et une grave pollution par les rejets toxiques des excavations.

    Occupations et coupures des tuyaux qui fournissent la mine en eau durent depuis 20 ans. Une lutte dans laquelle les femmes occupent une place centrale. C'est sous la forme d'une vidéo qu'ils et elles entendent se rappeler au monde.

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    « Pour la justice sociale et climatique »

    Dans la marche pour le climat du dimanche 13 novembre se côtoyaient des forces avec des positionnements très différents à l'égard de la COP. L'officielle Coalition marocaine pour une justice climatique, qui regroupe ce qu'il est convenu d'appeler la société civile et les organisations syndicales, comptait aussi de nombreuses délégations étrangères des organisations internationales.

    Beaucoup plus critique, la première moitié de la marche rassemblait la gauche marocaine dans ses diverses composantes. RedaCOP22 (réseau démocratique d'accompagnement de la COP22) a été constitué par l’AMDH (Association marocaine des droits humains) et Attac Maroc après avoir quitter la coalition officielle. Attac Maroc et le CADTM ont organisé une rencontre internationale les 4 et 5 novembre à Safi, ville symbole de la destruction du capitalisme industriel, sous le thème « Changeons le système pas le climat ».

    La Coordination régionale environnement et Écologie Marrakech-Safi est un groupe de militantEs se réclamant de l’écologie politique radicale, à l'initiative d'un espace alternatif, indépendant de la COP, et d'une conférence sur les alternatives à la crise écologique. Contre le double discours du pouvoir marocain qui, « après des décennies de politiques de prédation, d'épuisement des sols et de pollution », s’apprête à installer, entre autres projets destructeurs, une nouvelle centrale thermique au charbon, il lance un appel à « la mobilisation nationale et internationale pour la justice sociale et climatique », pour « la convergence des luttes sociales et écologiques, l’unité et la solidarité internationale ».

    De Marrakech, Christine Poupin

  • Déclaration de Safi (ATTAC/CADTM Maroc)

     

    À trois jours de la COP 22, qui débutait ce lundi 7 novembre à Marrakech, Attac Maroc a organisé une rencontre internationale les 4 et 5 novembre à Safi, sous le thème : « Changeons le système pas le climat ».

    L’objectif de cette rencontre était de ne pas laisser le débat sur les changements climatiques aux multinationales, aux États et institutions internationales qui sont en réalité à l’origine de cette dégradation.

    La rencontre était organisée à Safi, ville symbole de la destruction du capitalisme industriel. En contradiction avec les discours de l’État marocain qui se donne une image verte, on retrouve à Safi l’inverse de ce qui sera énoncé dans les enceintes de Marakech. Centrale thermique, cimenterie, carrières de sable, industries du phosphate, polluent l’air, la mer et le sol, et déciment les ressources halieutiques, rendant la vie difficile à la population de Safi.

    Des militant(e)s issues de mouvements sociaux de lutte, de syndicats, militant(e)s contre la dette et pour la justice environnementale sont venu(e)s d’Algérie, Égypte, Ghana, Nigeria, Togo, Côte d’Ivoire, États-Unis, Kenya, France, Belgique, Espagne, Tunisie, et de toutes les régions du Maroc.

    Nous avons montré dans cette rencontre comment la crise écologique et climatique renforce les inégalités sociales et affectent tout particulièrement les communautés rurales, les femmes et la santé des populations. Le réchauffement climatique, la désertification, la montée des eaux, les catastrophes climatiques rendent de plus en plus difficile la vie des populations dans de nombreuses régions du monde et a ouvert la voix à un nouveau type de migrations. Et cela s’ajoute aux dégâts causés par la militarisation et les guerres au Maghreb et au Machrek qui détruisent la terre et la vie.

    Face à cette situation, la mainmise des multinationales et de la finance internationale sur les ressources et sur le débat relatif au changement climatique est inacceptable.

    Comment peut-on imaginer que des États et gouvernements responsables du changement climatique, les grands pollueurs de la planète tels que les sociétés pétrolières, les commerçants du bois, l’agrobusiness, les entreprises du nucléaire et celles qui exploitent le gaz de schiste... prétendent donner des solutions aux problèmes qu’ils ont eux-mêmes créés. Leurs fausses solutions ne permettront pas de limiter le changement climatique ni la destruction de l’environnement. Il est inadmissible que les États supposés représenter les populations invitent ces multinationales dans le débat sur l’avenir de la planète et des ses habitant-e-s

    Les témoignages et les réflexions des personnes qui luttent contre les sociétés pétrolières, les entreprises minières, les carrières, la déforestation, l’accaparement des terres et de l’eau qui chassent les petits paysan-ne-s nous ont permis de comprendre l’urgence que les populations s’imposent dans le débat au Maroc et dans le monde. La planète, l’air, l’eau, les énergies sont des biens communs qui nous appartiennent et doivent cesser d’être dépossédés par le capital avec la bénédiction des gouvernements .

    À l’heure où le peuple marocain se soulève à Al Houceima comme dans l’ensemble du Grand Maghreb contre le mépris (« Hogra ») avec lequel il est tenu, il est primordial que les luttes soient entendues.

    Nous marquons notre solidarité avec l’ensemble des luttes dans le monde et au Maroc envers les personnes de Imider, Jerada, Chtouka Ait Baha, Beni Oukil, Ouled Sbitta...

    Nous réaffirmons notre volonté de continuer à construire ensemble un mouvement pour la justice climatique au-delà des Cop et des logiques institutionnelles, autour des revendications suivantes :

    • Laisser les fossiles dans le sol ;
    • Cesser toute utilisation de l’énergie nucléaire et des gaz et pétroles de schiste ;
    • Reconnaissance de la dette écologique et réparations ;
    • Souveraineté alimentaire et énergétique ;
    • Relocalisation de la production et de la consommation ;
    • Promouvoir le respect de la nature et de ses ressources.

    Changeons le système, pas le climat !

     

    Auteur.e

    ATTAC/CADTM Maroc

    Membre du réseau CADTM en bref :

    L’Association pour la Taxation des Transactions en Aide aux Citoyens au Maroc (ATTAC Maroc) a été créée en 2000. ATTAC Maroc est membre du réseau international du Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde (CADTM) depuis 2006 (devenu Comité pour l’abolition des dettes illégitimes depuis juin 2016). Nous comptons 11 groupes locaux au Maroc. ATTAC veut être un réseau aidant à l’appropriation par les acteurs engagés dans l’activité sociale, associative, syndicale et plus largement militante des enjeux de la mondialisation sur les problématiques de résistance sociale et citoyenne.

    www.attacmaroc.org http://arabic.cadtm.org/

    Adresse : n°140, rue Cadi Bribri Akkari 10000. Rabat.

    azikiomar2008@gmail.com

    Tel 00 212 6 61 17 30 39

    http://www.cadtm.org/

  • Électrifier le pillage : Ce que le Maroc et Siemens cachent à la COP22, à Marrakech (CADTM)

    À la COP22, faites attention à ce que vous lirez sur les efforts du Maroc en matière d’énergie renouvelable.

    Une part croissante de tels projets est située dans le territoire occupé du Sahara Occidental, est utilisée pour le pillage des minerais. Le nouveau rapport WSRW le détaille.

    Une part croissante des programmes d’énergies renouvelables dont se vante le Maroc – jusque sur le site officiel de la COP22 - ne sont pas implantés au Maroc mais au Sahara Occidental, territoire qu’il occupe illégalement et brutalement.

    Lors des négociations climatiques de la COP22 à Marrakech, du 7 au 18 novembre 2016, le gouvernement marocain et une poignée de compagnies d’énergies renouvelables vont activement faire le marketing de leurs efforts pour le développement de solutions d’énergies vertes.

    22 éoliennes nouvellement construites par la société allemande Siemens fournissent 95% de l’énergie nécessaire au pillage très polémique des minéraux non renouvelables du Sahara Occidental. La production d’énergie verte rend le pillage du territoire marocain encore plus lucratif.

    En 2020, plus d’un quart de toute la production d’énergie verte du Maroc serait située dans le territoire qu’il maintient sous occupation, les détails dans le nouveau rapport WSRW.

    Le 27 septembre 2016, des centaines de réfugiés sahraouis manifestent contre la construction d’infrastructures énergétiques par la société allemande Siemens au Sahara Occidental occupé

    Siemens et la compagnie italienne Enel sont les plus impliquées. Elles gagnent des appels d’offres marocains au Sahara Occidental en s’associant à la compagnie énergétique détenue par le roi du Maroc.

    « Quand le palais royal marocain - qui réglemente le marché de l’énergie - reçoit de gros contrats énergétiques sur le territoire, cela coûte très cher au processus de paix des Nations Unies au Sahara Occidental », a déclaré Erik Hagen, de Western Sahara Resource Watch (Observatoire des ressources du Sahara Occidental).

    « En exportant l’énergie au Maroc, le pays et la famille royale ancrent leur lien avec le territoire. Comment le roi serait-il intéressé par un processus d’autodétermination et de décolonisation au Sahara Occidental alors qu’il bénéficie lui-même de la présence illégale de l’armée marocaine là-bas ? », déclare Hagen.

    Le propriétaire légitime du territoire, le peuple sahraoui, n’a jamais consenti aux projets marocains. La moitié de la population originelle du territoire a fui le pays quand le Maroc l’a envahi en 1975. Les principaux opposants à la marginalisation socio-économique des Sahraouis purgent des peines d’emprisonnement à perpétuité dans les prisons marocaines.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Ce rapport détaille comment le Maroc projette de construire des centrales à énergie renouvelable au Sahara Occidental pour plus de 1000 MW (mégawatts). A ce jour, la production d’énergie solaire et éolienne au Sahara Occidental, qui est polémique, constitue au plus 7% de la production énergétique totale du Maroc à partir de ces sources. D’ici 2020, la part pourrait être augmenté à 26,4%.

    Western Sahara Resource Watch demande aux entreprises impliquées de stopper leurs projets d’infrastructure au Sahara Occidental avec le gouvernement marocain, afin de ne pas mettre d’obstacles au processus de paix de l’ONU.

    La Cop22 commence le jour où le Maroc organise sa célébration annuelle de l’occupation. Plusieurs centaines de sahraouis sont toujours portés disparus depuis l’invasion.

    7 novembre par Western Sahara Ressource Watch

     Téléchargez ici le rapport

    Électrifier le pillage - Ce que le Maroc et Siemens cachent à la COP22, à Marrakech (2 Mb) ou la version à imprimer (14 MBb).

    Électrifier le Pillage sur Scribd.


    Source :

    Western Sahara Ressource Watch, traduit par Tlaxcala

  • Nouveautés sur le site du NPA

    Irak, Syrie : Les peuples otages des calculs des grandes puissances (NPA)

    Les égyptiens n’ont plus de sucre, ils n’ont qu’à manger des Rafales ! (NPA 32)

    Camarades belges:

    Climat : la COP22 au Maroc et la ratification de l’accord de Paris : cette transition n’est pas la nôtre ! (LCR.be)

    Courant d'idées du NPA

    La vérité pour Mouhcine Fikri. La mobilisation se poursuit. Mohammed VI tente d’étouffer la contestation (Révolution Permanente)

    Lire aussi:

    Moroccan activists plan protests to coincide with UN climate summit (The Guardian)

     

  • Quelle indépendance 51 ans après la disparition de Mehdi Ben Berka, président de la Tricontinentale ? (Cadtm)


    Plaque commémorative sur le lieu de l’enlèvement de l’homme politique marocain, Mehdi Ben Barka, en octobre 1965 devant la brasserie Lipp, boulevard Saint-Germain à Paris. Wikipédia

     

    La légendaire affaire Ben Barka, dont la famille continue à réclamer le corps disparu depuis son enlèvement le 29 octobre 1965 à Paris par des barbouzes avec la complicité de l’État français : sa police, ses services secrets et sa justice.

    Le secret défense est invoqué, les témoins importants meurent ou se suicident, des journalistes véreux et de faux-témoins brouillent les pistes dès que se profile l’espoir d’une vérité. Les plaintes sont rejetées dès lors qu’il s’agit de protéger les amis de la France et les intérêts des entreprises françaises. Quelle justice peut-on alors espérer en France face à cette criminalité économique et financière cautionnées par les plus hautes instances de l’État ? Quelle justice peut-on espérer dans les pays africains où les élections sont truquées et les dictateurs sont soutenus par les puissances occidentales et la Françafrique toujours en place ? Quelle vérité, quelle réconciliation attendre encore du pouvoir marocain ?

    De l’assassinat de Ben Barka aux « biens mal acquis » : le rôle ininterrompu de la France de De Gaulle à Hollande, dans les « affaires africaines »
     
    C’est le 29 octobre 1965 que Ben Barka est enlevé devant la Brasserie Lipp à Paris, soit quelques mois avant de présider le comité préparatoire de la conférence fondatrice de la Tricontinentale à La Havane, en janvier 1966. Opposant au régime de Hassan II dans un Maroc où l’indépendance a été sacrifiée, Mehdi Ben Barka, condamné à mort par deux fois, quitte le Maroc en juillet 1963 pour un exil sans fin |1|. Leader tiers-mondiste, il œuvre pour unifier les luttes des mouvements de libération des trois continents : Afrique, Asie et Amérique latine. Disparu depuis maintenant 51 ans, le corps de Ben Barka reste introuvable. Les présidents français passent, mais la vérité est toujours étouffée. Hassan II, ses barbouzes et hommes de mains : Oufkir, Dlimi, Basri sont morts mais le silence demeure.

    Quatre mandats d’arrêt internationaux, signés le 18 octobre 2007 par le juge parisien Patrick Ramaël et révélés le 22 octobre lors d’une visite d’État de Nicolas Sarkozy au Maroc, ont été notifiés par Interpol après accord du ministère de la Justice.

    Ils visent le général Hosni Benslimane, chef de la gendarmerie royale marocaine, le général Abdelhak Kadiri, ancien patron de la Direction générale des études et de la documentation (DGED, renseignements militaires), Miloud Tounsi, alias Larbi Chtouki, un membre présumé du commando marocain auteur de l’enlèvement, et Abdlehak Achaachi, agent du Cab 1, une unité secrète des services marocains. Diffusés le 18 septembre 2009 par Interpol, soit deux ans après avoir été signés par le magistrat parisien, ces mandats sont contre toute attente bloqués le 2 octobre 2009 par le parquet de Paris. « Le blocage des mandats, quelques jours après leur diffusion, montre la complicité au plus haut niveau entre la France et le Maroc » a déclaré la famille de Ben Barka. On risque donc de ne jamais rien savoir sur la dépouille de celui qui a été le président de la Tricontinentale avant son enlèvement.
    Cinquante ans après l’enlèvement de Mehdi Ben Barka, la justice n’est donc toujours pas rendue.
    Sa famille n’a pas pu faire son deuil et continue à réclamer la vérité.

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    Mehdi Ben Barka / Wikipédia

    Empêcher l’ouverture des archives pour mieux manipuler encore plus, oublier pour réécrire l’histoire

    Enlevé à la Brasserie Lipp, le 29 octobre 1965, Mehdi Ben Barka aurait été torturé dans une villa, liquidé, son corps n’a jamais été retrouvé depuis.
    51 ans après cet assassinat politique, les documents secrets ne sont toujours pas dé-classifiés, la vérité reste étouffée et les coupables protégés.
    À défaut de révéler la vérité et de juger les coupables, « l’affaire BB » tourne au roman policier, ou resurgit sous la trame d’un film d’espionnage de mauvaise série.
    Des révélations sont régulièrement publiées dans certains journaux en mal de scoop pour semer la confusion et brouiller les pistes.
    Après avoir fait disparaître le corps, on déterre des archives pour récrire l’histoire, la manipuler, la travestir puis la banaliser, pour mieux discréditer le personnage. Ainsi, les néo-conservateurs, en déterrant des révélations douteuses, refont l’histoire : où assassins et truands sont absous, et les révolutionnaires sont déshumanisés, « désacralisés » pour tomber dans l’oubli, puis effacer la vérité.
    C’est vouloir assassiner une deuxième fois Mehdi Ben Barka et par là même enterrer les idées qu’il portait.

    Exiger la vérité, c’est le droit de savoir et la mémoire contre l’oubli

    Il a existé plusieurs Ben Barka, celui du jeune nationaliste du Parti de l’Istiqlal, modéré et monarchiste, poussé aux compromissions, puis acculé à se remettre en question, en une période marquée par la radicalisation des luttes des peuples colonisés pour leur indépendance.
    Sans vouloir mystifier le personnage, le Ben Barka qui nous intéresse aujourd’hui est celui de la Tricontinentale. Pour restituer dans une lecture contemporaine, un projet qui reste toujours actuel, celui de construire des alternatives au monde globalisé que nous subissons.
    Au sortir des Indépendances, sa critique Option révolutionnaire et sa relecture reste encore actuelle.
    La période était marquée par des recherches d’alternatives, internationalistes, mondiales, aux luttes des peuples qui aspirent à une réelle indépendance.
    L’Algérie qui vient de conquérir son indépendance de haute lutte en 1962 a été le point de rencontre de tous les leaders qui ont par la suite contribué à créer la Tricontinentale. Ben Bella sera alors renversé par Boumediene en 1965.
    L’année 1965 aura été le tournant dans les luttes pour les indépendances des peuples colonisés.
    Nous savons que la plupart des leaders porteurs de cette pensée ont été tués : de Lumumba, au Che Guevara, Amilcar Cabral, de ceux qui luttaient contre les colonialismes, qu’ils soient français, belge, espagnol, portugais, nord-américain et de tous continents.

    De Patrice Lumumba à Mehdi Ben Barka

    Patrice Lumumba est assassiné avec ses compagnons le 17 janvier 1961 au Congo et Mobutu prend le pouvoir par un coup d’État.
    Conduits par avion au Katanga, ils seront amenés dans une petite maison sous escorte militaire ou ils seront fusillés le soir même par des soldats sous commandement belge. Des documents secrets officiels belges dé-classifiés, révèlent que c’est bien la Belgique qui porte la plus grande responsabilité dans l’assassinat de Lumumba. La mort de Lumumba a été une lourde perte pour la communauté des pays non-alignés. Ce n’est qu’en 2002 que le gouvernement belge a reconnu une responsabilité dans les événements qui avaient conduit à la mort de Lumumba et s’est limité à des excuses.

    À vouloir travestir l’histoire, elle ne rejaillit que de plus belle…

    La méthode utilisée pour éliminer Ben Barka en 1965 avait déjà servi en 1961 pour éliminer Patrice Lumumba. Et tout comme Ben Barka, Lumumba luttait pour un même projet politique.
    Son engagement dans le mouvement non-aligné, son projet de réformes économiques pour le nouveau Congo indépendant, la rupture avec le colonialisme belge et l’impérialisme US, le rapprochement de l’URSS pour obtenir des subventions et contrer les pressions américaines dans cette période de guerre froide. Une autre vision de l’indépendance que ne pouvait tolérer l’impérialisme car elle touchait au cœur ses intérêts dans la région, elle redonnait espoir aux millions d’Africain.es et concernait tous les peuples dominés.
    Les mêmes méthodes ont été utilisées pour faire disparaître Ben Barka et pour les mêmes raisons.
    Or, l’ouverture des documents secrets dé-classifiés permettraient de lever le doute, au pouvoir marocain de reconnaître sa responsabilité dans l’assassinat de Ben Barka, à la famille de faire le deuil, à la mémoire collective de connaître la vérité… Mais on continue à brouiller les pistes.

    Rendre hommage à Ben Barka serait de réactualiser le projet pour lequel il a été liquidé : La Tricontinentale |2|

    Au sortir d’années de dictatures en Amérique du Sud, les mouvements politiques et sociaux ont imposé une résistance à travers de nombreuses luttes et ont réussi à mettre en place des gouvernements élus démocratiquement pour reconquérir leur souveraineté et autonomie locale et régionale.
    Aujourd’hui, toujours menacée et plus que jamais à l’ordre du jour, elle passe par l’unité des luttes dans les trois continents, dans un contexte de guerres, de pillage des ressources et de soumission de nos souverainetés.

    Dans notre région dévastée par les guerres, nos mouvements sociaux restent faibles, pris en tenaille entre des bureaucraties politiques et syndicales et des régimes répressifs.

    Ces mouvements sont contenus par une répression forte qui ne tolère aucune forme d’auto-organisation. Plusieurs leaders sont liquidés, le cas de Ben Barka, au sortir de l’indépendance est le plus célèbre, mais ne fait pas oublier bien d’autres dirigeants et résistants comme Omar Benjelloun, assassiné en 1972 par des islamistes à la solde du régime, Houcine Manouzi toujours disparu, Abdallah Mounacer, assassiné, son corps jeté dans le port d’Agadir en 1997, pour avoir organisé les marins pêcheurs.

    En Afrique, les guerres incessantes et des régimes mis en place pour permettre aux multinationales de poursuivre le pillage des richesses, perpétuent des génocides sans fin. Asphyxiés par les mécanismes de la dette, dette historique, dette odieuse, dette illégitime, dette écologique, nos peuples ne cessent d’en payer le lourd fardeau.  Chassé de son pays, Mobutu avait trouvé refuge dans le Maroc de Hassan II avec une partie de sa fortune volée. Il est enterré au Maroc. Aujourd’hui, sous Mohamed VI, les nombreux congolais qui fuient les guerres, les pillages, les génocides pour demander asile au Maroc, sont pourchassés, assassinés. Un drame humain que les marocains se doivent de dénoncer mais aussi et surtout nous avons pour tâche de travailler en commun pour que l’argent du peuple volé au peuple congolais soit restitué.
    La dette du Congo comme celle du Maroc, c’est aussi cette histoire entrelacée qui se poursuit.

    Nous ne pouvons pas rembourser la dette parce que nous ne sommes pas responsables de la dette.
    Nous ne pouvons pas payer la dette parce qu’au contraire les autres nous doivent ce que les plus grandes richesses ne pourront jamais payer, c’est-à-dire la dette de sang.
    , déclara Thomas Sankara dans un brillant discours avant son assassinat le 15 octobre 1987. Longue est la liste des dirigeants et opposants disparus pour avoir voulu un autre destin pour les pays du Sud dé-colonisés.

    29 octobre 1965- 29 octobre 2015 : 51 ans après l’enlèvement, la disparition… lutter contre l’oubli

    L’histoire récente, depuis la première guerre du Golf, fait du passé table rase, mondialisation, privatisation, guerres permanentes, peuples dépossédés sur les chemins de l’exil, exilés, et frontières redessinées…
    La mondialisation néolibérale persiste à privatiser le monde, détruire les résistances, générer des guerres sans fin, dévaster la planète et réécrire l’histoire, effacer des mémoires les luttes d’indépendance, passées et à venir.
    Aujourd’hui plus que jamais nous sommes un seul peuple du Sud face à la mondialisation. Nous réapproprier nos luttes et notre mémoire collective, c’est aussi nous forger pour les luttes à venir. Les hommes meurent, mais les idées qui poussent aux résistances se renouvellent sans fin tant qu’une dictature génère encore et encore plus de misère.
    51 ans après l’enlèvement et l’assassinat de Ben Barka, la lutte se poursuit pour la vérité, pour la mémoire, pour l’histoire, car comme le dit si bien Daniel Guérin |3| : « ce mort aura la vie longue ».
    La vérité, c’est la mémoire collective des peuples contre l’oubli, transmise aux prochaines générations.
    51 ans de silence complice, ça suffit ! Exigeons toute la vérité sur l’assassinat de Ben Barka, du Nord au Sud.

     
    Souad Guennoun

    Architecte et photographe renommée, vit à Casablanca. Elle témoigne depuis plusieurs années des crises sociales du Maroc d’aujourd’hui : émigration clandestine, enfants des rues, situation des femmes, luttes ouvrières, etc. Elle filme les luttes menées contre la concentration des richesses, les restructurations d’entreprises provoquées par le néo libéralisme, les choix du régime monarchique visant à soumettre la population aux exigence

    Notes

    |1| Cf Maurice Buttin ; Hassan II-De Gaulle- Ben Barka- Ed Karthala, 2010

    |2| Vidéo sur la Tricontinentale : https://www.youtube.com/watch?v=CKb2Xo07crI

    |3| Daniel Guérin, Ben Barka, ses assassins, Plon, Paris, 1989.

     

    http://www.cadtm.org/

  • COP 22 à Marrakech : Quelle stratégie pour les mouvements sociaux face au changement climatique ? (Cadtm)

    CC - Flickr - COP22 Marrakech COP21

    Le Maroc se prépare à accueillir la Conférence des Parties sur les changements climatiques, COP 22, à Marrakech du 7 au 18 Novembre 2016 dans un contexte d’accentuation de « crise » écologique qui est l’une des dimensions de la crise de civilisation du système capitaliste.

    Cette COP 22 se tiendra alors que les précédentes éditions ont échoué à imposer des mesures contraignantes aux super puissances industrielles afin de parvenir à une réduction des émissions de gaz à effet de serre. La priorité est de garantir les bénéfices que réalisent les multinationales extractives de charbon, de gaz, de pétrole, des minéraux et de diverses sources d’énergie, ou de l’agriculture industrielle et les ressources naturelles du sol, de la mer et du ciel. Les puissants de ce monde proposent des solutions basées sur des investissements « verts » qui accentuent les effets dévastateurs de la logique productiviste et consumériste des ressources et qui permettent l’enrichissement d’une minorité dominante au détriment du sort des générations actuelles et futures de la majorité de la population de la planète.

    Au Maroc, les politiques imposées par les institutions financières et commerciales internationales sont soumises aux mêmes objectifs d’accaparement des richesses de notre pays par des capitalistes étrangers et locaux au détriment des classes populaires et appauvries des villes et des villages. Les gouvernants tentent de minimiser la responsabilité de leurs politiques qui détruisent êtres humains et environnement. Ils évoquent les changements climatiques et établissent des projets de « développement vert » qui constituent de nouveaux chantiers pour le capital privé. Ces chantiers sont soutenus par des investissements publics qui accentuent l’endettement public et l’austérité qui en résulte, en l’absence de tout examen de leur faisabilité économique, sociale et environnementale. Ils cherchent également profiter de l’accueil de la COP 22 pour soutenir leurs offres d’investissements « verts » en mettant en avant la stabilité politique du Maroc. Les centres de décision étrangers et les grandes puissances essayent à leur tour de faire du pays « l’exception » dans la région pour poursuivre leurs politiques néocoloniales.

    D’autre part, et pour légitimer leurs politiques, ils œuvrent à contenir les organisations de la société civile par la création d’un « pôle de la société civile » au sein du comité national de supervision de la COP 22 nommé par le roi en Février 2016. Ce pôle a tracé une feuille de route qui comprend des activités régionales au niveau de 12 régions du Maroc impliquant la société civile, ainsi que divers organes de l’État et le secteur privé en préparation de la COP 22. Il a entamé récemment une tournée en Afrique pour sensibiliser les organisations non gouvernementales, des réseaux et des alliances dans 12 pays de ce continent autour des enjeux de la COP 22 et du rôle du Maroc.

    Et parmi les participants à cette dynamique officielle, on trouve la Coalition marocaine pour la justice climatique (CMJC). Elle a adhéré à la feuille de route et programmé, elle aussi, des rencontres régionales baptisées « PRE-COP 22 » dans plusieurs régions du Maroc conçues à l’image de la COP : interventions d’ « experts », exposition des initiatives sur le climat proposées par les institutions gouvernementales et le secteur privé, concertations entre différents « partenaires », etc. Tout cela en l’absence de toute critique et indépendance envers l’État et les entreprises. La CMJC contribue également à la mobilisation de la société civile à l’extérieur du Maroc telle que l’organisation du Forum Maghrébin de la justice climatique en mai 2016 à Hammamet en Tunisie. Et voilà aujourd’hui qu’elle appelle à une réunion internationale les 23, 24 et 25 Septembre à Marrakech pour couronner ces préparations.

    La société civile officielle et la Coalition marocaine pour la justice climatique contribuent ainsi à assurer une ambiance festive à la COP 22 qui permettra de faciliter les contrats de « projets verts » et la recherche de fonds et d’exclure le vrai débat sur la justice climatique lié à celui sur les choix politiques, économiques et sociaux qui perpétuent l’inégalité.

    ATTAC CADTM Maroc considère que la question des changements climatiques n’est pas une question réservée aux experts ou une question de négociations entre gouvernements. Elle est au cœur de la réalité quotidienne vécue par les citoyens et les citoyennes. Nous soutenons les luttes de toutes les catégories populaires victimes de l’injustice pour réclamer la rupture avec les politiques libérales qui sont la cause de la détérioration de nos conditions sociales et environnementales. Nous les soutenons également pour exiger leur participation à travers une démocratie réelle dans la prise de décision concernant les solutions qui devraient être fondées sur la justice sociale et l’égalité dans la répartition des richesses.

    ATTAC CADTM Maroc refuse également la cooptation de la Coalition pour la justice climatique par l’État marocain pour servir son agenda. C’est bien ça qui constitue l’essence de notre désaccord avec l’approche du Comité de pilotage qui domine aujourd’hui la CMJC ainsi que la principale raison de notre retrait de cette coalition après avoir y travaillé en tant que membre depuis sa création au début de 2016. Ceci en plus du manque de démocratie et de transparence dans la prise de décisions et l’exclusion des organisations qui militent depuis des années sur le thème de l’environnement, y compris notre association.

    En parallèle à cette dynamique semi-officielle menée par la Coalition marocaine pour la justice climatique, ATTAC CADTM Maroc est engagée avec plusieurs associations, organisations de droits humains et des syndicats dans le Réseau Démocratique pour Accompagner la COP 22 (REDACOP 22). Ce réseau vise à construire au Maroc un mouvement écologique démocratique et indépendant du pouvoir politique et économique dans notre pays et des bailleurs de fond internationaux en se basant sur les mobilisations des véritables victimes des dommages environnementaux : la classe ouvrière, les paysans pauvres, les petits pêcheurs, les habitants des oasis, les populations autochtones, etc. Le REDACOP 22 avance aujourd’hui dans la constitution de sections locales sur la base des expériences des luttes environnementales des populations locales. Dans ce cadre stratégique, nous nous mobiliserons lors de la COP 22 pour mettre en évidence les approches et les résistances en vue d’assurer une justice environnementale et sociale dans une perspective populaire.

    Ainsi notre association ATTAC Maroc organisera les 4 et 5 novembre une conférence internationale sur la justice climatique à Safi l’une des villes marocaine les plus sinistrées du point de vue environnement. Juste après, nous participerons à un autre colloque international organisé par REDACOP 22 le 6 novembre à Marrakech.

    ATTAC Maroc reste ouverte à toutes les initiatives et les formes de mobilisation en d’une véritable justice climatique durant toute la période de la COP 22 à Marrakech. Nos interventions porteront sur la dénonciation des solutions officielles trompeuses et encadrées par la logique du marché. Nous développerons des propositions d’alternatives radicales à la crise écologique qui est l’un des aspects les plus dangereux de la crise du système capitaliste.

    Secrétariat national
    15/09/2016

    Source

    Auteur.e

    ATTAC/CADTM Maroc

    membre du réseau CADTM en bref : L’Association pour la Taxation des Transactions en Aide aux Citoyens au Maroc (ATTAC Maroc) a été créée en 2000. ATTAC Maroc est membre du réseau international du Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde (CADTM) depuis 2006. Nous comptons 11 groupes locaux au Maroc. ATTAC veut être un réseau aidant à l’appropriation par les acteurs engagés dans l’activité sociale, associative, syndicale et plus largement militante des enjeux de la mondialisation sur les problématiques de résistance sociale et citoyenne.

    www.attacmaroc.org http://arabic.cadtm.org/

    15 septembre par ATTAC/CADTM Maroc

    http://www.cadtm.org/COP-22-a-Marrakech-Quelle

  • Maroc : une prédation toxique (NPA)

    Le pouvoir qui s’apprête à accueillir la COP22 en novembre mène une politique de prédation et de projets inutiles et nuisibles.

    Ainsi la construction d’une ligne TGV de 1 500 km (plus de 100 milliards de dirhams, soit 36 % de la dette publique externe...) au profit exclusif d’Alstom. Financée par des emprunts que la population doit rembourser, cela alors qu’elle ne l’utilisera pas compte tenu des prix des billets ! Cette ligne draine les fonds publics alors que le réseau ferroviaire date d’avant l’indépendance et ne couvre pas de nombreuses régions. Chaque 10 mètres construits coûte l’équivalent d’une école dans le monde rural.

    Autre exemple : la centrale thermique de Safi au profit, entre autres, d’une filiale de GDF Suez. Le charbon utilisé est qualifié de « propre » car supposé réduire les émissions en CO2, cela dans une ville extrêmement polluée en raison des usines chimiques liées à l’extraction et transformation du phosphate. Il contient de l’arsenic et du mercure, produits toxiques, sans parler des conséquences des rejets de l’eau de la mer utilisée pour refroidir les chaudières. Les conséquences sont donc multiples : pluies acides impactant l’agriculture, le bétail, extension des maladies respiratoires, disparition des poissons alors que la ville était un des plus grands ports faisant vivre des milliers de familles exerçant une pêche artisanale.

    Dette, coupes budgétaires et expropriations...

    Autre exemple, la construction de la plus grande centrale solaire du monde à Ouarzazate. 3 000 hectares de terres collectives utilisés comme parcours d’élevage accaparés à un prix dérisoire et revendus à l’Agence marocaine pour l’énergie solaire... une société privée liée à la famille royale. La technologie utilisée repose sur l’utilisation extensive de l’eau (entre 2 et 3 millions de mètre cubes par an)... dans une région semi-aride avec des ressources en eau constamment en baisse. Les besoins de la centrale pour exporter l’énergie solaire produite seront donc satisfaits au détriment de l’irrigation et de l’eau potable. Après l’or, le diamant, le coton, le pétrole et le gaz, l’énergie solaire servira-t-elle à nouveau à maintenir la domination impérialiste ?

    À Imider, siège la plus grande exploitation minière d’Afrique exportant de l’argent vers l’Europe, les habitantEs n’ont ni route, ni dispensaire, ni école, et l’hôpital le plus proche est situé à 200 km. La surexploitation de la mine a provoqué la pollution de leur environnement immédiat au cyanure et au mercure et la confiscation de l’eau destinée à l’irrigation et la consommation.

    Tout ces projets, parmi d’autres, nourrissent la spirale de la dette, les coupes budgétaires, exproprient les terres. Les mobilisations populaires sont récurrentes : contre les industries chimiques, le pillage des ressources forestières et naturelles, la spéculation foncière, la pollution de l’air, l’importation des déchets, la surfacturation et la diminution des ressources d’eau. Il serait nécessaire que les différentes résistances, ici et là-bas, s’expriment et convergent lors de la tenue de la COP22. C’est l’enjeu des semaines à venir.

  • Mascara Protestation contre l’exploration du gaz de schiste (Algeria Watch)

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    Hier vers 1h, de nombreux citoyens de la commune de Aïn Farès, à 13 km du chef-lieu de la wilaya de Mascara, sont descendus dans la rue pour réclamer l’abandon immédiat et définitif de l’exploration du gaz de schiste dans la région.

    Pris de panique vers 0h45 par la troisième secousse sismique de magnitude de 3,1 sur l’échelle de Richter, localisée à 9 km au nord-ouest de la localité d’El Bordj, les habitants de Aïn Fares se sont rassemblés, toute la nuit, à quelques encablures du siège de la sûreté de daïra en signe de colère.

    Certains ont bloqué la circulation automobile durant quelques heures sur la RN7 reliant Mascara à Relizane. «Ce sont les opérations d’exploration de gaz de schiste, menées depuis plusieurs mois dans les régions limitrophes, qui sont à l’origine des séismes qui secouent notre localité ces derniers jours», s’accordent à dire les citoyens mécontents.

    Certains parmi les manifestants ont profité de l’occasion pour revendiquer des postes d’emploi et autres logements sociaux.
    Depuis lundi dernier (4 juillet), trois secousses telluriques ont été enregistrées à travers la wilaya de Mascara. La première, de magnitude de 3,4 sur l’échelle de Richter, a été localisée au sud-est de la localité de Sidi Kadda et la seconde de magnitude 3,2 a été enregistrée jeudi et localisée à 12 km au nord-est de Mascara.

    Sans faire de dégâts matériels ni de perte humaine, ces secousses ont effrayé les populations de nombreuses régions, dont celle de Aïn Fares. Rappelons que depuis plusieurs mois, des véhicules tout-terrain immatriculés à Ouargla de l’Entreprise nationale de géophysique (Enageo) sillonnent le territoire de la wilaya de Mascara, notamment les monts de Beni Chougrane dans le cadre d’une opération de «prospection d’hydrocarbures».

    Abdelouahab Souag El Watan, 9 juillet 2016

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/eco/gaz_schiste/mascara_protestations.htm

  • Dans le monde arabe aussi, les médias libres s’organisent malgré la censure, les menaces et la propagande (Bastamag)

    En Egypte, en Tunisie, en Algérie ou même en Syrie, des médias indépendants ont éclos depuis les Printemps arabes. Tous partagent des aspirations communes : informer face aux intox et à la propagande, consolider leur indépendance malgré des moyens réduits, faire de l’investigation et traiter des sujets de fond, y compris ceux qui fâchent les conservatismes culturels. Confrontés à des régimes répressifs, à la menace terroriste ou à la guerre-civile, ils se battent pour les sociétés démocratiques du futur. Basta ! a croisé plusieurs de ces journalistes courageux, à l’occasion d’une rencontre organisée à par le site OrientXXI.

    Son site d’information est une « fille de la crise ». Lina Attalah est directrice de Mada Masr, un média indépendant égyptien lancé à la veille du coup d’État militaire de 2013 contre le président islamo-conservateur Mohamed Morsi, démocratiquement élu un an plus tôt. Basés au Caire, les membres de Mada Masr ont tous en commun d’avoir été renvoyés du journal Egypt Independent. En cause : leur trop grande indépendance d’esprit et leur liberté de parole. « Nous avons dû fonder notre propre média pour continuer notre travail, couvrir l’actualité en profondeur, y compris dans les domaines de la culture, de l’économie, de l’environnement », précise Lina, soucieuse de son indépendance vis à vis des partis au pouvoir.

    Trois ans après son lancement, Mada Masr contemple une Égypte qui ne cesse de restreindre la liberté d’expression. « Ce qui est important aujourd’hui, c’est de documenter ce qu’il se passe dans le pays sur le plan social et politique », estime Lina. Une préoccupation partagée par des journalistes venus d’Algérie, de Tunisie, de Syrie, du Liban ou de Jordanie, à l’occasion d’une rencontre initiée par le site d’information OrientXXI [1]« Les révolutions ont ouvert les yeux sur une situation politique commune aux différents pays arabes, relève Ihsane El Kadi, directeur de Maghreb Emergent en Algérie. Nous avons connu l’ouverture politique, la guerre civile, la résilience. Qu’est-ce qu’il en reste aujourd’hui ? » A voir les journalistes présents autour de la table, une première certitude : toutes et tous entendent développer davantage de relations entre leurs rédactions dans les différents pays de la Méditerranée et du Proche-Orient.

    Face à « une jungle de l’information où tout est prétexte à l’intox et à la propagande »

    Journaliste, Sana Sbouai a co-fondé le site d’information tunisien Inkyfada, lancé en juin 2014. « Ici, on prend le temps nécessaire pour produire une information de qualité », préviennent les journalistes, développeurs et graphistes à l’initiative de ce web-magazine. Une manière de dépasser les réseaux sociaux qui, s’ils ont été un outil essentiel pendant la révolution, seraient devenu depuis « une jungle de l’information où tout est prétexte au commentaire, à l’intox et à la propagande » [2]. « On se concentre sur l’investigation, les reportages, le data-journalisme [3], et c’est en ce sens qu’on parle de "slow journalism" [littéralement, « journalisme lent », ndlr] », détaille Sana.

    Le sérieux de leur travail paie : l’International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ) a choisi Inkyfada pour révéler début avril les noms tunisiens figurant dans les Panama papers. Les menaces de poursuites en diffamation n’ont finalement pas été suivies d’effets. « Notre site a par contre été piraté, et des noms ont été changés dans les articles, précise Sana. Derrière cette attaque très pointue, il y avait une volonté de manipuler l’information. » Mais l’idée même qu’il puisse exister des « médias indépendants » reste difficile à faire passer en Tunisie, comme le souligne Sana : « On a du mal à faire entendre qu’on travaille sans agenda politique. »

    L’aspiration à une vraie démocratie

    La Jordanie a également connu quelques manifestations au début du Printemps arabe. « C’était une demande de liberté, de démocratie, face à la concentration des pouvoirs du Roi, qui est plutôt vu dans la communauté internationale comme progressif et libéral, relève Lina Ejeilat, rédactrice en chef de 7iber. Mais c’est très difficile de pousser le public à se mêler des questions de transformation politique, démocratique... On nous dit qu’on devrait être heureux de ce que nous avons en Jordanie. » Lina égrène les noms de journalistes et de blogueurs comparaissant devant les tribunaux, auxquels personne ne prête attention. « La liberté d’expression, politique, civile, ne fait pas partie des priorités en Jordanie ».

    La question de l’indépendance des médias se pose aussi au Liban. Nahla Chahal, professeure de sociologie politique et directrice de publication de l’hebdomadaire Arabi Assafir, vulgarise des textes d’analyse sur le Liban, sur ses villes, son économie, l’architecture, le goût, la politique... « Au Liban, la répression n’a pas été aussi directe qu’ailleurs, témoigne Nahla. L’État est faible, et nous pouvons écrire ce que nous voulons. Ils ont essayé d’intervenir sur des thématiques sensibles, morales en particulier, mais ils ont dû reculer devant la levée de boucliers. »

    « Si on veut résister, il faut aussi parler de social et de culture »

    La Syrie figure parmi les pays les plus dangereux pour les journalistes. Al-Jumhuriya est un site d’information sur les transformations politiques, sociales et culturelles en Syrie et dans le monde arabe, créé en mars 2012 à Istanbul par un groupe d’intellectuels syriens exilés. Son directeur, Kerem Nachar, enseigne aujourd’hui les sciences politiques en Turquie. Comment écrire en temps de guerre ? « Il faut diversifier la narration, ne pas se contenter de savoir combien de gens sont morts tel jour ou tel autre, comme le font les grands médias, observe Kerem. La Syrie est une société vivante, où des gens résistent. Notre site travaille par exemple sur les résistances laïques contre l’islamisation de la sphère publique. » Récemment, Al-Jumhuriya a publié une série d’articles sur les dix dernières années de l’histoire d’Alep. « Aujourd’hui, ma ville natale est connue comme la cité la plus dangereuse du monde. Nous montrons que c’est aussi l’une des plus riches et complexes. »

    « Nous écrivons beaucoup de choses malgré la guerre, poursuit Kerem. Si nous voulons résister, il faut aussi parler de social, de culture.... Nous parlons de la sexualité ou des LGBT [4]. Certains nous disent qu’en temps de guerre, ces questions sont secondaires. Mais pour nous, il faut lutter sur plusieurs fronts. » Bien que les noms de leurs journalistes en Syrie soient confidentiels, des menaces sont régulièrement adressées à Al-Jumhuriya. « Nous développons des stratégies pour ne pas nous mettre en danger. » Mais la conscience d’être une cible, y compris en-dehors des frontières syriennes, demeure présente en permanence.

    « L’emprisonnement ou la disparition »

    En matière de sécurité, la situation en Égypte diffère de la Syrie. « En 2015, l’Égypte est le pays qui a emprisonné le plus de journalistes après la Chine. C’est le genre de prix que l’on gagne », ironise Lina Attalah. « Le risque ici, c’est vraiment l’emprisonnement ou la disparition. » Des craintes qui peuvent se traduire par une forme d’autocensure. « Il faut résister à l’idée de ne pas publier parce que nous avons peur. Nous avons peur la plupart du temps. » Lina évoque la publication, quelques jours plus tôt, d’un dossier sur la corruption de l’État égyptien. « Le rédacteur du rapport est un inspecteur : il a été relevé de ses fonctions et envoyé en prison. Nous avons toujours des discussions internes avant de publier ce type de document. Mais nous arrivons toujours à la même conclusion : c’est exactement pour publier ce type d’articles que nous avons décidé de créer Mada Masr. »

    Au Liban, malgré tout, Nahla Chahal subit régulièrement des attaques, comme après avoir publié un article sur les queers de Palestine. « Nous pesons le pour et le contre avant de publier un sujet, et c’est légitime. Nous savons que des sujets ayant trait à la sexualité peuvent choquer, mais nous passons outre. Nous voulons montrer notre société telle qu’elle est. » Mais le recours à des pseudonymes ne suffit pas toujours à garantir la sécurité des auteurs face à la surveillance de masse. « Nous poussons les journalistes à crypter leurs communications sur internet », raconte Lina Ejeilat. Mais c’est difficile de changer la culture d’utilisation des réseaux. Il faut sans cesse se remettre à jour. »

    Le défi de l’indépendance économique

    « Le modèle économique est une question décisive. Il s’agit de rendre soutenable des médias qui se sont construits sur des bases alternatives », observe Ihsane El Kadi du Maghreb Emergent en Algérie. « La première garantie de l’indépendance, c’est le lecteur. Mais sous l’ère Bouteflika, le paiement électronique n’existe pas encore, nous ne pouvons donc pas développer ce modèle. » En Égypte, l’équipe de Mada Masr s’attelle à diversifier les sources de revenus pour garantir l’accès libre à leur site : abonnements, prestations de service, publicité, subventions, organisation d’événements, vente de revues de presse... « Nous sommes indépendants parce qu’il n’y a pas qu’une seule source qui nous donne de l’argent », complète Lina Ejeilat du site jordanien 7iber.

    Sur les deux rives de la Méditerranée, l’enjeu pour les médias indépendants est de ne pas rester confiné dans les marges. « Nous n’aurons peut-être jamais le lectorat que les grands sites web ont en Égypte, mais nous tenons à notre différence qualitative », insiste Lina Attalah. La tunisienne Sana Sbouai évoque l’effet levier de certains articles, comme celui portant sur un groupe de migrants expulsés et abandonnés à la frontière algérienne par les autorités tunisiennes. « Suite à la publication de cette enquête, l’Organisation internationale pour les migrations a eu un rendez-vous dans la nuit avec le ministère de l’Intérieur. Le lendemain, ces migrants étaient libérés et de retour à Tunis. Nous pouvons obliger les décideurs à agir en étant des watchdogs [chiens de garde, ndlr]. » Et Nalha Chalal d’opiner : « Si nous pouvons sauver une seule personne par notre travail d’enquête, nous pouvons déjà en être fiers. »

    Sophie Chapelle

    Pour aller plus loin :
    - l’émission Côte à Côte de Radio Grenouille du 17 juin : Quel journalisme après les révolutions arabes ? Quelles libertés pour quels contextes ?
    - S’informer, décrypter, participer - Guide pour s’orienter dans le brouillard de l’information (Ritimo, mars 2016).
    - la carte de la presse pas pareille méditerranéenne réalisée par le journal Le Ravi.