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Ecologie - Page 4

  • La levée du caractère confidentiel du dossier est une exigence des chercheurs (Algeria Watch)

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    Essais nucléaires français à Reggane

    La nécessité de lever le caractère confidentiel des dossiers liés aux essais nucléaires français dans le Sahara algérien, pour mettre au jour ces essais dangereux, a été soulignée par un chercheur algérien, spécialiste en génie nucléaire.

    «Lever le caractère confidentiel des dossiers afférents aux essais nucléaires effectués par la France coloniale dans le Sahara algérien permettra de braquer davantage de lumières sur ces dangereuses explosions et élucider leurs effets catastrophiques sur l’environnement et la population», a indiqué
    Dr Ammar Mansouri, chercheur dans le domaine de génie nucléaire, lors d’une rencontre organisée vendredi soir au musée du Moudjahid de Tamanrasset.

    M. Mansouri a souligné que «la levée de l’aspect confidentiel sur ces dossiers d’essais nucléaires permettra aux chercheurs, universitaires et étudiants de s’informer des essais nucléaires, d’évaluer leurs dégâts et répercussions sur l’environnement et l’homme». «Les justifications avancées par la France coloniale sur les modalités de choix de sites de ces essais, admettant que ces endroits ne manifestaient aucun signe de vie humaine, faunistique et floristique, n’est qu’un grand mensonge», a-t-il martelé.

    «Les régions retenues au niveau de Reggane (Adrar) et In-Ikker (Tamanrasset) sont des régions peuplées», a-t-il ajouté, arguant que la population de la région d’In-Ikker, (180 km nord de Tamanrasset) et ses cheptels, ont été transférés vers le nord-est du site des essais, et d'autres populations ont été déplacées vers la région d’Assekrem.

    Lors de cette rencontre à laquelle ont pris part des citoyens, victimes de ces essais nucléaires, des membres d’associations, d’une équipe de journalistes du journal égyptien El-Ahram, l’orateur a mis en exergue les effets nucléaires dévastateurs polluants et dangereux sur l’environnement, tout en signalant que les rayons radioactifs dangereux ont atteint des régions lointaines de l’Afrique et de l’Europe.

    Le secrétaire général de l’association Taourirt des victimes des essais nucléaires à Tamanrasset, Boubaker Ibbeh, a, de son côté souligné que «les essais nucléaires français dans la région sont des crimes contre l’humanité et qu’il appartient de prendre en charge ses répercussions, notamment dans la commune d’In-M’guel, située à 50 km du site des essais, dont les lourdes répercussions y perdurent encore, comme les maladies cancéreuses et différentes infirmités.

    Le Soir d'Algérie, 6 mars 2016

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/pol/france/exigence_chercheurs.htm

  • Tunisie : quand l’environnementalisme de mode domine et réduit les débats (Essf)

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    Entre environnementalisme de mode postrévolutionnaire et urgences environnementales et sociales

    Depuis plusieurs mois le problème des poubelles qui s’accumulent un peu partout dans le pays s’est imposé parmi les premières « urgences » politiques. Il occupe ainsi une place de choix aussi bien dans les espaces publiques que dans les médias et les réseaux sociaux. Même au sein des gouvernements, la question est récurrente à tel point que l’ex-secrétaire d’État en charge de l’environnement n’a pas hésité à se mettre en scène, pelle à la main, en présence des journalistes et face aux caméras, pour en souligner l’urgence.

    Pourtant, d’autres problèmes environnementaux plus graves mais moins visibles, comme les pollutions industrielles et agricoles, etc., n’ont malheureusement pas bénéficié de tels traitements. Ceci est loin d’être un simple hasard. On est en réalité face à une manipulation médiatique coordonnée pour détourner l’attention des citoyens des vrais problèmes environnementaux : la poubelle est ainsi devenu l’arbre qui cache la forêt.

    Ainsi, la sur-médiatisation de ce problème ponctuel lié aux luttes sociales des employés municipaux en charge du ramassage des ordures (les éboueurs) a conforté l’idée, évidemment fausse, que les questions environnementales et écologiques se limitent à l’immédiatement « visible » dans l’environnement quotidien.

    S’il est parfaitement normal et légitime que chaque personne soit d’abord sensible à ce qui la touche directement dans sa vie quotidienne (la saleté de l’espace publique, la pollution urbaine, le bruit,...), il ne faut ni oublier ni minoriser les nuisances invisibles et dont les conséquences à moyens et à longs termes, parfois catastrophiques, ne se révèlent généralement qu’à l’occasion d’une catastrophe. Tout le monde se rappelle, sans doute, l’explosion de l’usine de pesticides de Bhopal en Inde (survenue dans la nuit du 2 au 3 Décembre 1984) qui a couté la vie à plusieurs milliers de personnes en l’espace de quelques heures (3.500 immédiatement et au total 25.000 au total).

    Où en sommes nous du nécessaire débat sur les questions environnementales et écologiques ?

    Depuis la chute du régime de Ben Ali qui empêchait tout débat sur les questions fondamentales, on assiste à une explosion de la parole et nous ne pouvons que nous en réjouir. Toutefois, si certains sujets importants comme les libertés individuelles, l’identité « nationale » (collective), le statut de la femme, les libertés politiques..., ont été abordés avec toutes leurs dimensions essentielles, il n’en a pas été de même pour d’autres sujets, dont l’environnement, la justice sociale et les modèles de développement.

    Ainsi, l’emballement des médias et des réseaux sociaux à propos des ordures et des déchets urbains n’est qu’un exemple de ces débats tronqués. Il relève en réalité du développement d’une forme d’environnementalisme urbain produit et développé par les classes moyennes et supérieures qui se sentent quotidiennement agressées par les nuisances immédiates et visibles.

    « Ca sent mauvais », « ça fait trop de bruit », « c’est sale », « c’est un risque pour la santé », « ce n’est pas beau » et « ça nuit à l’image de ’notre belle Tunisie’ » : Ce ne sont là que certaines des formules clés des discours de ce que j’appelle un environnementalisme de mode postrévolutionnaire. Un environnementalisme qui rassure ces animateurs et leur donne une bonne conscience, mais qui participe très fortement à la marginalisation des véritables questions et enjeux environnementaux et des populations exposées aux risques invisibles.

    Peut être faudrait-il donner ici quelques exemples qui sont trop peu ou pas du tout évoqués dans les débats actuels sur l’environnement :

    Le premier exemple est celui des quartiers populaires périphériques, comme celui de Saida Mannoubia, celui de Mellassine et celui de Sidi Hassine, qui sont à moins d’une heure de marche de l’avenue Bourguiba à Tunis. Dans ces quartiers, les habitants sont depuis des années quotidiennement exposés à de multiples problèmes environnementaux : habitats mal adaptés, un réseau d’assainissement insuffisant et délabré, accumulation des poubelles, bruits et pollutions urbaines..., L’état extrêmement pollué du lac Sijoumi, qui borde ces quartiers par l’ouest et en reçoit la quasi-totalité des eaux usées, est un véritable foyer de risques sanitaires divers. Qui s’en émeut réellement ? Qui en parle ? [1]

    Deuxième exemple : Djerba qui a déjà souffert du sur-pompage de ses nappes et de la destruction de son agriculture de type oasien, qui avait résisté jusqu’au milieu des années 1970, et qui est désormais alimentée en eau potable par des sondages profonds situés à plusieurs dizaines de kilomètres dans la Djeffara voisine, connaît un nouveau problème environnemental qui la défigure et la détruit à une vitesse effrayante. En effet, depuis plusieurs années des centaines de quads la sillonnent dans tous les sens pour promener des touristes en mal de « paysages » exotiques mais toujours pressés et inconscients des nuisances et des dégâts que ce véritable phénomène provoque sur ces paysages, sur les chemins de sable empruntés et évidemment sur la population locale exposée à la fois aux bruits incessants de ces puissants engins et à la pollution engendrée. Les centaines de kilomètres de chemins de sable, qui étaient autrefois des chemins agricoles, ne sont plus qu’un réseau de diffusion de la pollution. Qui en parle ? Qui s’en émeut ?

    Le troisième exemple est bien sûr celui du complexe chimique de Gabes qui est entrain de tuer la seule oasis littorale du monde et un véritable patrimoine environnemental exceptionnel en la privant de la plus grande partie de ses eaux, qui servaient à l’irrigation et en en polluant l’air, l’eau, les sols et la mer. Les populations locales y sont exposées aux pires conséquences sur leur santé (nombreuses maladies dangereuses) et sur leurs sources de vie (Voir mon film documentaire « Gabes Labels » [2]). Qui en parle ? Qui s’en émeut ?

    Ces trois exemples rapidement exposés, ne sont malheureusement pas des exceptions et encore moins accidentels. Des milliers d’autres exemples pourraient être donnés. Ils montrent les vrais problèmes environnementaux et écologiques de la Tunisie d’aujourd’hui. Ils sont d’autant plus sérieux et inquiétants qu’ils sont devenus structurels et permanents et non pas ponctuels et conjoncturels comme le récent problème des ordures et poubelles de toutes sortes.

    Mais ces problèmes environnementaux structurels ne semblent pas provoquer les environnementalistes de mode (petit bourgeois). Certains arrivent même à les justifier, voire les encourager par cette formule magique mais profondément anti-écologique : « C’est le prix à payer du développement », disent plusieurs parmi ceux et celles-là mêmes qui animent le « mouvement » anti-poubelles. Mais le vrai prix certains le payent déjà par les maladies auxquelles ils sont exposés et l’appauvrissement et nous le payerons tous/toutes immanquablement tôt ou tard.

    Il n’en reste pas moins vrai que les questions écologiques sont bien trop complexes et multiples pour les réduire à un tas d’ordures, aussi nuisible soit-il.

    Plus de cinquante ans de politiques anti-environnementales

    Les nombreux problèmes environnementaux que la Tunisie connaît, comme la majorité des pays du Sud et au-delà, ne datent pas d’hier et ne relèvent pas de l’incident et encore moins de la situation politique actuelle du pays. Elaborées autour des deux dogmes de la croissance économique et de l’exportation, les politiques de développement en Tunisie n’ont jamais intégré les conditions et les conséquences environnementales et sociologiques. Elles sont la cause des problèmes écologiques que nous connaissons aujourd’hui et qui ne cessent de s’aggraver.

    Depuis l’indépendance, le développement agricole a été orienté vers l’intensification excessive de l’agriculture grâce à la mécanisation, souvent inadaptée aux conditions géographiques et sociales locales, à l’usage dramatique des pesticides, insecticides et engrais chimiques divers et à l’exploitation minière des ressources hydrauliques relativement limitées.

    En conséquences, nous avons une détérioration des qualités des sols, une pollution chimique de l’eau et de la terre, un épuisement vertigineux des ressources, doublé par la salinisation des nappes (Djerba, Cap Bon, les Oasis...), une multiplication des maladies provoquées par la pollution chimique et une dépossession progressive des petits paysans de leurs moyens de production, de leurs sources de revenues et de leur sécurité alimentaire familiale.

    Le cas du développement agricole techniquement spectaculaire de Sidi Bouzid est probablement l’un des meilleurs exemples de ces choix et de leurs conséquences. En moins de trente années, cette région aride est devenue la principale région de production agricole du pays, grâce à l’exploitation massive des ressources hydrauliques souterraines et à la dépossession des paysans locaux au profit de grands investisseurs venus des villes côtières. Mais ce développement n’a pas empêché Sidi Bouzid d’être la première région en termes de taux de pauvreté. La mort de Mohamed Bouazizi est la conséquence directe de cette mauvaise politique agricole [3].

    Quand un pays à ressources hydrauliques limitées produit des fruits, des légumes et des fleurs hors saison (des primeurs) destinés à l’export, il ne fait en réalité qu’exporter des volumes considérables de son eau. Ainsi la Tunisie est devenue l’un des premiers pays qui présentent ce paradoxe d’être à la fois un grand exportateur de produits agricoles et importateur de produits alimentaires. Toutes les devises du monde ne remplaceraient pas les eaux exportées et ne pourraient même pas garantir une sécurité alimentaire durable.

    Non seulement personne ou presque ne semble se soucier de ce problème, mais un triste consensus semble se dégager sur la « nécessite » de continuer cette politique d’intensification à outrance, en attirant dans le secteur agricole davantage d’investissements et d’investisseurs tunisiens et étrangers. Quand une même personne mène, à juste titre, campagne à la fois contre l’envahissement de nos rues par des tas d’ordures et pour la poursuite des politiques agricoles intensives et fortement destructrices de nos ressources naturelles et marginalisantes de centaines de milliers de familles paysannes, cela relève à la fois de la défense de ses petits intérêts personnels (réduire les nuisances immédiates) et de l’absence de toute conscience écologique réelle. C’est de l’environnementalisme de mode postrévolutionnaire.

    On peut aussi parler des politiques industrielles suivies et de leurs conséquences catastrophiques sur la population, l’environnement et les ressources naturelles. De Gafsa à Bizerte, en passant par Gabes, Sfax, Ben Arous, le Kef..., les exemples ne manquent guère.

    Si on devait se limiter à un seul, je rappellerai celui du complexe chimique de Gabes que j’ai évoqué plus haut. L’une de ses plus spectaculaires conséquences dramatiques restera, sans aucun doute, la mort progressive du Golfe de Gabes, dans lequel le complexe chimique a déversé pendant plus de 40 années des centaines de milliers de tonnes de phosphogypses et d’autres déchets acides. Fortement polluée et appauvrie, la mer jadis très poissonneuse, est totalement désertée par la faune et la flore marines. Contrairement à celles qui s’entassent dans les rues, cette poubelle là n’est pas directement visible. En dehors de la population de Gabes et surtout de certains de ces habitants actifs et activistes, personne ne semble s’alarmer, outre mesure, par l’ampleur de la catastrophe. Pire, experts et décideurs au pouvoir depuis le 14 janvier ne cessent d’essayer de nous convaincre qu’il faut accepter ce prix du développement. Circulez il n’y rien à voir.

    Il y aurait autant à dire sur l’industrie touristique du pays qui consomme, à elle seule, des volumes considérables d’eau. Le fait que l’un des ministres les plus actifs du gouvernement actuel soit la ministre du tourisme, qui n’hésite pas de payer de sa personne pour attirer davantage de touristes, souligne combien les décideurs actuels s’acharnent à reproduire les mêmes choix économiques des périodes précédentes sans même en avoir fait le bilan économique mais aussi social et écologique.

    Les quads de Djerba, auxquels je faisais allusion ci-dessus, ne sont que l’expression audible et visible du sacrifice de l’environnement et des ressources naturelles au service de la croissance économique qui ne profite qu’à la minorité des « possédants ». Je reconnais qu’un quad, même bruyant, reste moins désagréable à voir qu’un tas d’immondices. Mais les conséquences du premier sont autrement plus graves que celles du second.

    En guise de conclusion : Pour une réelle écologie sociale

    Il n’est pas inutile de relancer le débat sur les questions écologiques de fond, loin de l’environnementalisme de mode qui porte en lui même les germes de son échec. Bien sûr, il n’existe pas de solutions miracles immédiates pour corriger, à court terme, les conséquences dramatiques de six décennies de mauvais développement (sans parler de la période coloniale).

    Evidemment quelques initiatives peuvent être entreprises ici ou là en fonction des moyens, des contraintes et des urgences, mais ce qu’il faut c’est changer progressivement de modèles de développement.

    En effet, il me semble de plus en plus urgent d’adopter de nouvelles politiques de développement visant la croissance sociale plutôt que la croissance économique. Mais la croissance sociale ne peut être atteinte qu’à travers une politique basée sur certains engagements précis, relevant de l’écologie sociale. J’en donne les dix suivants, à titre d’exemples de ce qu’il conviendrait de faire :

    • La valorisation des ressources naturelles (l’eau, la terre, la biodiversité locale, les variétés locales...) ;

    • La valorisation du travail des petits paysans qui devraient bénéficier d’un soutien sécurisé de la part de l’État ;

    • La sécurisation de l’accès des paysans et des paysannes (les femmes paysannes sont les plus exposées aux processus de dépossession et d’appauvrissement) aux différentes ressources agricoles, dont l’eau et la terre ;

    • La sur-taxation de tout usage des ressources hydrauliques pour des activités et des productions spéculatives ;

    • L’application systématique et à toutes les échelles du principe « pollueur, payeur » ;

    • L’imposition d’une taxe environnementale dans le secteur touristique ;

    • La fourniture de l’eau potable gratuitement à tous/toutes à hauteur des besoins réels (environ 50 litres par personne et par jour, à discuter et décider) et l’application d’un tarif prohibitif pour toute consommation dépassant ces besoins réels ;

    • Le développement des énergies renouvelables ;

    • Le développement des infrastructures de transports publiques respectueuses de l’environnement ;

    • La constitutionnalisation des ressources naturelles comme « biens communs » non privatisables...

    Toutefois, de tels choix politiques qui changeraient radicalement les politiques de développement, supposent l’existence d’un véritable courant porteur d’un projet d’écologie sociale volontariste, ambitieux, visible et audible.

    Les partis écologistes existants sont malheureusement peu audibles, malgré les grands efforts de nombre de leurs militants, et l’environnementalisme petit-bourgeois n’est qu’une tendance néo-libérale qui n’envisage aucune politique économique en dehors des dogmes du libéralisme dominant.

    Soyons réellement écologistes, exigeons l’impossible.

    Habib Ayeb ,
    Géographe, enseignant-chercheur à Paris 8, réalisateur

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article37320

  • L’Algérie renonce temporairement au gaz de schiste (Basta)

    La dégringolade des prix du pétrole est officiellement à l’origine de cette décision.

    La compagnie nationale pétrolière Sonatrach suspend son exploration de gaz de schiste près d’In Salah, dans le Sud de l’Algérie. C’est précisément dans cette ville au cœur du Sahara qu’a débuté en janvier 2015 une mobilisation écologique et citoyenne inédite contre les risques de pollution des eaux et de l’air liés à l’usage de la fracturation hydraulique. Selon le quotidien El-Khabar, traduit par le Huffington Post, c’est le passage du prix du baril de pétrole en dessous des 30 dollars qui rend l’exploration non rentable. « Un seul forage revient à plus de 3 millions de dollars », indique le quotidien. « La suspension des travaux d’exploration du gaz restera en vigueur tant que le prix du pétrole ne remonte pas au moins au niveau des 80 dollars le baril ».

    Mais les opposants algériens au gaz de schiste n’ont pas eu le temps de savourer cette première victoire. Dix-huit activistes viennent d’être convoqués par la police judiciaire d’In Salah, pour des faits qui se seraient produits pendant le mouvement de contestation, rapporte le journal algérien TSA. Les manifestants seraient mis en cause pour le vol de pièces détachées et d’équipements, précise le site du quotidien El Watan. Mohad Gasmi, l’un des piliers de la lutte, a ainsi été arrêté le 3 février, selon les informations recueillies par Basta ! (notre portrait de cet activiste).

    Une mobilisation citoyenne visant à dénoncer ces « représailles » est en cours de préparation. « Nous nous attendions tous à des répressions, confie une militante d’In Salah. L’essentiel est que la lutte continue. Le bout du chemin est là. » Des militants du mouvement anti gaz de schiste d’In Salah planchent par ailleurs sur le projet de « Smart Sahara » visant à promouvoir l’écologie et les énergies renouvelables, dans une région où se conjuguent un puissant ensoleillement et une vaste nappe phréatique dont dépendent des milliers d’agriculteurs.

     Sophie Chapelle

    Pour aller plus loin :
    - télécharger le rapport de Basta ! et l’Observatoire des multinationales sur Total et les gaz de schiste en Algérie

  • Gaz de schiste : La lutte qui a changé les habitants d’In Salah (Algeria Watch)

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    Plus d’un an après les manifestations anti-gaz de schiste, les habitants de cette ville du Sahara ne sont plus les mêmes. Rassemblés, ils comptent bien rester des interlocuteurs pour les autorités dans le développement de leur région.

    Sous les arcades de la place, les passants et les marchands le saluent. Abdelouahab Messaoudi, 32 ans, jean, veste et chaussures Caterpillar ocres assorties, répond toujours avec un immense sourire. Désormais, tout le monde connaît ce fils d’un employé de l’Algérienne des eaux. Pendant huit mois, il a tenu la kheïma qui servait de QG aux opposants au gaz de schiste sur la place Soumoud.

    «Les vieux nous ont dit qu’ils n’avaient jamais vu un mouvement aussi solidaire depuis l’indépendance», raconte-t-il. Fin décembre 2014, lorsque les habitants de la ville découvrent que l’État lance des explorations de gaz de schiste à 16 km de là, ils se serrent les coudes pour se faire entendre. «Des hommes allaient faire les courses, des femmes faisaient la cuisine.

    Ce sont les femmes qui ont bloqué l’accès à la daïra», se souvient le jeune homme qui organise à l’époque la prise en charge de plusieurs victimes blessées dans les affrontements avec les forces de l’ordre. «Le gaz de schiste a fédéré et effacé les communautarismes. Nous étions dans un bateau en pleine mer. La coque était trouée. Tout le monde devait participer, sinon tout le monde se noyait», résume Mehdi, 30 ans, aide-cuisinier dans l’une des bases vie d’In Salah.

    Méfiance

    A la nuit tombée, Abdelouahab retrouve des amis, sous une kheïma. Mohamed, 31 ans, faisait partie des premiers manifestants. Il a été licencié en représailles par GTP comme 64 autres salariés. «Les négociations avec l’entreprise n’ont rien donné. Nous l’avons attaquée en justice», raconte-t-il. Le jeune homme n’a toujours pas retrouvé de travail. «Il y a du travail à In Salah, mais il faut de la maarifa», ajoute Abdelouahab qui, lui aussi, est au chômage. Le tribunal examine toujours une plainte déposée par le P/APC pour destruction d’un parc de la commune. «Les 18 accusés ont participé à la mobilisation. Cette plainte est un règlement de compte», affirme l’un des leaders de la contestation.

    A la rentrée universitaire, les autorités ont voulu démolir une petite boutique qui fait face à l’université de Tamanrasset. «Le propriétaire a beaucoup aidé les étudiants qui manifestaient l’année dernière», raconte un habitant. Le jour de la destruction, des dizaines d’étudiants ont bloqué l’avancée des forces de l’ordre et empêché la démolition du magasin. «En guise de remerciements, le propriétaire a organisé une fête dans la cité universitaire», se souvient un jeune protégé du froid par son burnous.

    Chèche bleu enroulé autour de la tête, Djamel Addoun, 50 ans, sert le thé. Ce retraité de l’éducation est l’un des photographes de la place Soumoud. «Aujourd’hui, les habitants se tiennent au courant de tout ce qui se passe dans la ville. Ils sont vigilants parce qu’ils ne font plus confiance à l’État», explique-t-il. «A In Salah, le FLN nous disait de voter Bouteflika, on votait.

    Pour nous, l’État ne pouvait vouloir que notre bien. Quand les habitants se sont rendu compte que cet État pouvait leur faire du mal, ils ont passé deux mois dehors», explique un ingénieur de la ville. Sous la tente, dans les effluves de khor, jeunes et moins jeunes, évoquent les mois de rassemblement avec nostalgie et fierté : «Nous avions une opinion, nous l’avons exprimée, nous l’avons défendue. On n’aurait jamais pensé y arriver», ajoute l’ingénieur. Aujourd’hui, lors des cérémonies de mariage, on chante encore des chants anti-gaz de schiste.

    Trahison

    Le matin, le vent froid soulève le sable et fait voler les foulards. Abdelouahab salue un jeune homme fin en survêtement qui conduit un fourgon blanc. Lahcene Nakhou, 28 ans, tient une boutique d’informatique sur l’une des avenues de la ville. Il est le frère d’Ahmed, 32 ans, décédé pendant les affrontements entre manifestants et forces de l’ordre, asphyxié par les gaz lacrymogènes. Ce fils d’une famille de nobles de la ville s’est senti trahi : «Pendant les affrontements, j’étais avec le commissaire pour apaiser les esprits mais mon frère est mort à cause de leurs bombes lacrymogènes».

    Lahcene insiste : «Ils ont traité les manifestants de fils du Mali et de perturbateurs. Ils considèrent qu’à In Salah personne ne comprend rien.» Ces insultes-là, la réponse des autorités, sont toujours une blessure importante pour les habitants. «Les responsables nous ont fait comprendre que pour eux, la citoyenneté ce n’est que de l’encre sur du papier», ajoute Abdelouahab.

    Rap

    A 200 m de la place Soumoud, le café de la piscine est l’un des lieux de rendez-vous des jeunes de la ville. Il y a du thé, du café, le wifi et la télévision. Abdelouahab y retrouve Adel, rappeur des Desert Boys, un groupe de la ville qui a participé à la contestation. Salarié de In Salah Gaz, diplômé en sécurité environnementale, Adel, 27 ans, est né à In Salah, comme les autres membres du groupe. «Le gaz de schiste est néfaste. Nous devions nous mobiliser sur le terrain et à travers notre musique», dit-il. Desert Boys a donc enregistré un featuring avec Lotfi Double Canon intitulé «Samidoun». Un an plus tard, Adel considère qu’il y a encore des problèmes qui doivent être au cœur de ses chansons. «Il n’y a pas assez de travail, pas assez de lieux pour les jeunes. Nous avons d’autres combats à mener», sourit-il.

    Écoute

    Les jeunes, c’est le coeur de cible du nouveau wali délégué, Lakhdar Seddas. Ancien chef de daïra de Beni Ounif, cet énarque de 56 ans reçoit les habitants tous les jours : «Nous avons découvert que derrière les manifestations, il y avait des revendications d’ordre social. Il y a une cassure entre les citoyens et les représentants de l’Etat.

    L’éloignement de la ville du chef-lieu de la wilaya était l’une des causes principales de cette cassure.» Les habitants apprécient ce nouveau responsable qui fait du travail de proximité sa priorité. «Avant, pour se faire entendre, nous devions attendre la visite du wali depuis Tamanrasset. Cette affaire de gaz de schiste c’est aussi un problème d’écoute : comment ont-ils pu vouloir nous imposer ce projet alors que tout le monde s’y opposait ?», se souvient Abdelouab.

    Devant son hôtel fermé par les autorités locales, près du marché, Abdelmalek est ravi de l’évolution : «L’APC n’avait rien fait en quatre ans. Depuis l’arrivée du wali délégué, la route a été améliorée et il y a de l’éclairage public. C’est déjà un signe de changement». Autre symbole, la population raconte en souriant que Lakhdar Seddas fait le plein pour son véhicule à la station-service comme les autres habitants.

    Maraîchage

    «On sent que l’Etat s’intéresse à cette région mais ce n’est pas la Californie», nuance un cadre. In Salah reste une ville où la vie est éprouvante. La température l’été y atteint 50°C, il y pleut deux jours par an, et l’eau de source qui alimente la ville, trop salée, rend les habitants hypertendus. «Après des mois de contestation, il fallait canaliser l’énergie de la mobilisation. On veut voir l’avenir sous d’autres perspectives que les hydrocarbures. Nous voulons désormais développer une vision basée sur le maraîchage et la plantation d’arbres», explique Hacina Zegzeg l’une des figures de la contestation, qui veut créer avec son mari l’association Smart Sahara.

    Sa fille, Djihad, fait des exposés sur le gaz de schiste «pour sensibiliser» et tente d’organiser une opération de plantation d’arbres dans son lycée : «On me dit que se sont des problèmes d’adultes mais nous devons aussi participer au développement de notre ville». Au début du mois de janvier, des habitants de la sortie ouest de la ville ont entendu un grondement sourd. Tout le monde a cru à une explosion de gaz. «On n’a jamais eu aucune information sur les explorations. Aujourd’hui, on a appris à se méfier de tout», explique Hacina.

    Personne ne sait si l’exploration est terminée. «L’appareil de forage et tous les travailleurs ont été envoyés à Hassi Messaoud. Il n’y a plus que les maintenanciers et les gendarmes», raconte l’un des employés du site. Sur la place Soumoud, il ne reste comme témoignage de la lutte qu’un slogan écrit en vert sur un mur ocre. Abdelouahab traverse encore cette place ensablée tous les jours : «Nous sommes toujours debout et nous saurons faire face si l’Etat décide de lancer d’autres projets de gaz de schiste».
    Beratto Leïla El Watan, 29 janvier 2016

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/eco/gaz_schiste/lutte_un_an_apres.htm

  • Surexploitée, la Méditerranée boit la tasse (Anti-k)

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    La mer Méditerranée n’est pas au bout de ses déboires

    selon l’étude MedTrends, rendue publique lundi 18 janvier par l’association WWF, son exploitation, notamment pétrolière et touristique, va se développer tous azimuts au cours des 20 prochaines années. Seul perdante, la pêche professionnelle, dont le recul devrait se poursuivre.

    C’est comme si l’expression «Mare Nostrum» prenait un nouveau sens: à force de nous appartenir, la nature y perd progressivement ses droits. Malmenée par la surpêche, la pollution d’origine terrestre, le transport maritime et le réchauffement climatique, la Méditerranée, l’un des 25 hotspots mondiaux de biodiversité, est déjà en bien piteux état. Et nul ne sait quand sa rapide dégradation prendra fin.

    Dans un rapport publié lundi, l’association WWF dresse les perspectives de développement de plusieurs activités marines au cours des 20 prochaines années. Intitulé MedTrends, ce projet, mené sur les 8 pays européens bordant la Grande Bleue, révèle une forte croissance dans tous les secteurs. A l’exception de la pêche professionnelle, bridée par l’effondrement des stocks halieutiques, une tendance très nette depuis le milieu des années 1990.

    A défaut de pêche, les amateurs de poissons pourront toujours se rabattre sur l’aquaculture méditerranéenne. Celle-ci est en plein boom, avec un taux annuel de croissance systématiquement supérieur à 8% au cours des 40 dernières années. Et elle devrait encore doubler en 2030 par rapport à 2010, avec une production supérieure à 600.000 tonnes/an.

    Vers un quintuplement de la production gazière

    L’exploration d’hydrocarbures a également de très beaux jours devant elle: selon les projections du WWF, la production pétrolière en mer pourrait augmenter de 60% en 2020 par rapport à 2010, tandis que la production gazière devrait quintupler en 2030 par rapport à 2010.

    Actuellement, 23% de la surface méditerranéenne est couverte par des contrats d’exploration, et 21% additionnels pourraient bientôt être concernés (zones ouvertes à l’exploration, appels d’offre). Si le gros de l’exploitation, pétrolière et gazière, s’effectue en Egypte, l’Italie, dotée d’une centaine d’installations gazières dans l’Adriatique, est le premier pays européen en la matière, suivi de loin par l’Espagne.

    Haut lieu du transport maritime, aussi bien de marchandises que de passagers, la Méditerranée devrait s’embouteiller encore plus. Le commerce international devrait augmenter de 4% par an au cours de la prochaine décennie, les croisières touristiques de 10%. En mer ou sur la plage, le tourisme va poursuivre sa croissance: première destination mondiale, la Méditerranée devrait connaître 60% plus de visiteurs en 2030 qu’en 2010, dépassant ainsi le seuil des 500 millions.

    Conséquence directe de cet afflux de vacanciers, mais aussi d’une forte croissance démographique, le littoral se peuplera toujours plus: la population locale pourrait augmenter de 5% dans les pays européens bordant la Méditerranée entre 2010 et 2030, voire jusqu’à 44% en Jordanie et 59% en Palestine sur la même période. Ce qui va pousser un peu à l’artificialisation du littoral, qui touchera 5.000 km de plus en 2025 par rapport à 2005.

    L’exploration minière, de lointains projets

    A plus long terme, l’exploitation minière sous-marine pourrait aussi se développer en Méditerranée. WWF évoque notamment l’identification de gisements de sulfure à proximité des littoraux italien et grec, respectivement près de la Calabre et en mer Egée. Quant aux énergies renouvelables, dont l’expansion est pour l’instant limitée, l’éolien offshore pourrait produire jusqu’à 12 gigawatts dans les pays méditerranéens de l’UE d’ici 2030. Un développement souhaitable d’un point de vue climatique, mais qui pourrait avoir des effets néfastes localement, notamment en termes de bruit sous-marin.

    Parmi les rares bonnes nouvelles de MedTrends, une atténuation de la pollution terrestre, au moins pour les pays membres de l’UE et pour quelques polluants: moins d’eaux usées, moins de polluants organiques polluants (POP), moins de mercure et de plomb. En revanche, les rejets de nutriments, dont les nitrates et les phosphates issus de l’agriculture, «devraient légèrement augmenter dans les 15 années à venir», prévoit le WWF.

    Reste à savoir comment tous ces secteurs en forte croissance s’accommoderont les uns des autres. Selon l’association, le risque de conflits est grand, par exemple entre aquaculture côtière, source de pollution organique, et tourisme, ou encore entre exploitation d’hydrocarbures et transport maritime.

    Ces tendances concurrentes ne vont pas pousser à la mise en place d’aires marines protégées (AMP): «il est hautement probable que l’expansion des activités des secteurs maritimes et le renforcement de la concurrence spatiale aient pour effet de ralentir, voire d’entraver, le processus de désignation de nouvelles AMP», juge le WWF.

    Avec 3,21% de la surface méditerranéenne protégée en 2015, contre 1,08% en 2010 (hors sanctuaire Pelagos), «il est peu probable que le seuil de 10% soit atteint en 2020», selon l’objectif 11 d’Aichi fixé par la Convention sur la diversité biologique (CBD). Le 19 janvier 2016 par Romain Loury

    http://www.journaldelenvironnement.net/article/surexploitee-la-mediterranee-boit-la-tasse,66189?xtor=EPR-9

    http://www.anti-k.org/2016/01/20/surexploitee-la-mediterranee-boit-la-tasse/

  • Maghreb-Proche-Orient, une dépendance alimentaire toujours plus impitoyable (Orient 21)

    Tunis, marché central. Alexandre Moreau, 2009.

    Poussée démographique fulgurante, production agricole poussive, meilleurs régimes diététiques ont provoqué une formidable hausse de la demande alimentaire qui a profité aux grands exportateurs internationaux. L’extérieur fournit déjà 45 % des besoins de la région ; cela pourrait monter à 70 % en 2050 si un changement radical n’intervient pas d’ici là.

    Plus de 40 % de sa consommation provient des marchés internationaux. Et, à l’horizon 2050, les choses pourraient s’aggraver encore, compte tenu notamment des changements climatiques. Une telle fragilité est devenue l’un des risques majeurs d’une région qui n’en manque pas.

    Les politiques de soutien pour contenir les prix à la consommation des produits de base atteignent déjà leurs limites budgétaires. En 2012, rappelle Sébastien Abis, secrétaire général du Centre international des hautes études agronomiques méditerranéennes (Ciheam), 40 milliards de dollars ont été consacrés aux subventions alimentaires dans la région. En Égypte, plus de 3 % du produit intérieur brut (PIB) sont mobilisés à cette fin1. Une importante étude de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra)2 menée pour le compte de Pluriagri3 contribue à clarifier ces enjeux. Une rétrospective portant sur la période allant de 1961 à 2011, publiée début 2015, a été suivie en octobre d’une étude prospective sur les trajectoires à l’œuvre à l’horizon 2050 et sur les possibilités de freiner l’accentuation de la dépendance de la région aux importations alimentaires.

    Une demande multipliée par six, une production qui ne suit pas

    Du côté de la demande, entre 1961 et 2011, l’explosion démographique s’est accompagnée d’une évolution sensible des régimes alimentaires. Le développement économique et les politiques de maintien à des niveaux bas des prix à la consommation ont permis un rapprochement avec les niveaux européens.

    La part des huiles végétales et des produit sucriers a augmenté. Mais le régime alimentaire de la région garde des traits spécifiques, comme la place importante des céréales, particulièrement du blé, et la faible part des produits animaux. Le poids relatif des produits laitiers recule cependant au profit de la viande de volaille et des œufs.

    Au total, la demande de produits agricoles a été multipliée par six en un demi-siècle.

    La production, quoique en augmentation spectaculaire, n’a pas pu suivre. La production animale, multipliée par cinq, soit une croissance de 50 % de la production par habitant, a suivi globalement la demande en volume. L’évolution structurelle s’est adaptée à celle de la demande. Elle suggère, selon les chercheurs de l’Inra, «  une remise en cause de la tradition pastorale de la région  ». Multipliée par quatre, la production végétale n’arrive à suivre la demande intérieure ni en volume, ni en structure. Les productions de fruits et légumes soutenues par les politiques publiques visent pour leur part principalement la demande extérieure. Cette limitation relative des performances des agriculteurs de la région tient d’abord aux contraintes qui pèsent sur les ressources naturelles. L’aridité est forte. Les terres cultivables et l’eau sont rares.

    Sur les 1 300 000 millions d’hectares que compte la région, 84 millions seulement sont cultivés, soit déjà plus que les terres considérées comme cultivables. Les surfaces équipées pour l’irrigation ont globalement doublé (de 15 à 30 %), mais la concurrence avec les usages industriels et urbains de l’eau est de plus en plus forte. Le seuil de 80 % d’utilisation des ressources renouvelables en eau est fréquemment atteint. Parfois c’est pire. L’étude rappelle les expériences de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis qui ont mis en place au cours des années 1980 et 1990, grâce à la rente pétrolière, des programmes d’agriculture «  clé en main  », irrigués par leurs ressources en eau souterraine. Ils ont dû être abandonnés «  du fait de restrictions budgétaires, mais aussi à cause de la concurrence exercée par les villes et les industries sur la ressource en eau  ».

    Les défaillances des politiques agricoles notamment en matière d’investissement ont aussi leur part. Les industries agroalimentaires ont été largement délaissées. Elles sont toujours constituées principalement de micro-entreprises, limitées à la première transformation et les investissements étrangers sont particulièrement faibles.

    Une dépendance multipliée par quatre

    Un recours de plus en plus massif aux importations comble le déséquilibre entre offre et demande. La dépendance alimentaire nette de la région est passée de 10 à 40 % en cinquante ans. Elle est devenue l’un des plus gros importateurs mondiaux de céréales. Les importations de blé sont passées de 5 à 44 millions de tonnes. Les autres produits phares des régimes alimentaires ne sont pas en reste. Le volume des importations de plantes sucrières a été multiplié par quinze, celui des produits oléoprotéagineux par trente.

    La région ANMO polarise ainsi le tiers des achats mondiaux de blé. Tous les pays exportateurs de produits alimentaires, notamment de blé, lorgnent dans sa direction pour leurs surplus. Les États-Unis, les pays de l’Union européenne, l’Australie ont été rejoints par le Brésil et par les riverains de la mer Noire (Russie, Ukraine, Roumanie). Du côté des acheteurs, chaque pays agit seul et l’hypothèse d’une organisation d’achats solidaires permettant une taille critique semble «  farfelue  » (Sébastien Abis). Certains pays du Golfe (Arabie saoudite, Émirats arabes unis et Qatar), développent cependant une stratégie d’influence par la mise en place de hubs (centres de tri et d’aiguillage de la marchandise) logistiques pour l’agroalimentaire de la région.

    Une calorie sur deux est importée

    Au-delà de ces caractéristiques communes, l’étude met en relief des différences importantes entre sous-régions et pays. La Turquie fait figure d’exception, aussi bien pour sa production végétale que pour son industrie agroalimentaire. Sa dépendance globale, quatre fois moindre que la moyenne régionale, n’a pas augmenté. Son autosuffisance est assurée pour de nombreux produits. La Turquie exporte une part non négligeable de sa production. Pour les chercheurs de l’Inra, «  cette force de l’économie agricole turque liée au succès des politiques d’intensification agricole lancées depuis les années 1950  » donne cependant des signes d’essoufflement.

    À l’inverse, les autres pays de la Méditerranée qui avaient également une dépendance alimentaire de 10 % importent maintenant une calorie sur deux. La productivité du travail agricole reste limitée, particulièrement au Maghreb (mais elle a triplé en Égypte). L’équipement pour l’irrigation est faible, à l’exception des cultures intensives de fruits et légumes, largement tournées vers l’exportation. Les gaspillages et les pertes sont importantes, faute d’équipements et d’entretien pour les réseaux, les moyens de conservation, la logistique. La transformation industrielle de l’agriculture est également particulièrement faible. Mais la population rurale reste nombreuse compte tenu de la faible capacité globale de l’emploi dans les autres secteurs. «  L’agriculture, expliquent les chercheurs de l’Inra, devient alors, et notamment pour les jeunes générations, une situation professionnelle subie, ce qui limite l’attrait des agriculteurs pour les innovations et la modernisation de la production agricole  ». Cette spirale négative est une cause majeure de pauvreté d’une grande partie du monde rural et renforce les inégalités de revenus entre ruraux et urbains.

    Perspective alarmante

    À partir de cette analyse rétrospective, les chercheurs ont simulé les évolutions tendancielles à l’horizon 2050. Elles montrent que la dépendance aux importations risque de s’accentuer, notamment si les effets du changement climatique se font plus prégnants.

    Du côté de la demande, les projections ont pris pour hypothèse la simple poursuite de la tendance passée d’évolution des régimes alimentaires. La population devrait pour sa part augmenter de 50 % environ4.

    Du côté de l’offre, la réponse peut venir de l’amélioration des rendements, de l’extension des terres cultivées ou de l’augmentation de la dépendance. Si les rendements ne sont pas améliorés, la stabilisation de la dépendance supposera une augmentation de 71 % des terres cultivées à l’horizon 2050. C’est évidemment impossible.

    Les tendances concernant les rendements illustrent le poids du facteur climatique. Si le changement est modéré, l’évolution prévisible des rendements n’empêcherait pas une augmentation globale de la dépendance. Mais pas partout. Au Maghreb la production pourrait croître plus vite que la demande. À l’inverse, le Maghreb et le Moyen-Orient seraient particulièrement pénalisés par une accentuation des changements climatiques. Dans ce scénario, en 2050, la dépendance approcherait 70 % au Maghreb, au Proche et au Moyen-Orient.

    Les leviers possibles

    L’étude prospective montre la crise de la productivité agricole. À l’exception de la Turquie, elle continuerait à stagner dans le scénario climatique favorable et baisserait même dans le scénario défavorable. «  Ce résultat, alertent les chercheurs, met en évidence la possibilité d’un maintien, voire d’un renforcement, de la pauvreté (relative ou absolue) en milieu rural dans les différentes zones de la région  ».

    L’étude teste l’impact de trois leviers utilisables pour infléchir ces tendances : le progrès technique pour accroître encore les rendements, une amélioration des régimes alimentaires et une limitation des pertes et gaspillages en ligne de la production à la consommation. Pris isolément, chacun de ces leviers aurait un impact relativement faible. Conjugués dans une réforme d’ensemble, qui suppose des politiques publiques ambitieuses et des investissements coûteux, leur impact serait évidemment démultiplié. Néanmoins, ces mesures se perdraient dans les sables en cas de réchauffement climatique accéléré. C’est pourquoi, conclut l’étude, «  le levier le plus efficace pour limiter cette dépendance serait d’œuvrer pour freiner ce changement global, objectif que seuls des accords internationaux et des politiques climatiques vigoureuses seraient en mesure d’atteindre  ».

    La contradiction avec des stratégies de développement dominantes dans la région qui restent axées sur l’extraction pétrolière et gazière est évidemment un obstacle majeur, comme on a pu le vérifier encore lors de la COP 215.

    1Sébastien Abis, Géopolitique du blé, Armand Colin, 2015.

    2Pauline Marty, Stéphane Manceron, Chantal Le Mouël, Bertrand Schmitt, Système agricole et alimentaire de la région Afrique du Nord - Moyen-Orient, Inra, décembre 2014.

    3Pluriagri est une association formée par des acteurs des grandes cultures (Avril, Confédération des planteurs de betteraves, Unigrains) et par le Crédit agricole SA pour mener des études prospectives sur les marchés ou les politiques publiques.

    4La population de l’ANMO passerait de 460 millions d’habitants en 2008 à 700 millions en 2050

    5Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, Paris, décembre 2015.

    http://orientxxi.info/magazine/maghreb-proche-orient-une-dependance-alimentaire-toujours-plus-impitoyable,1144

  • Maroc Etat de la Justice Climatique ATTAC/CADTM

    La COP21 (21e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques) a démarré hier pour se poursuivre jusqu’au 11 décembre prochain. 195 pays-parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) se réunissent pour, officiellement, aboutir à un accord contraignant limitant à 2°C maximum le réchauffement climatique.

    Cet accord international sur le climat est bloqué pour la 21e fois face aux tergiversations des pays du Nord et des pays émergents. Pendant ces deux décennies de fausses négociations, 600.000 personnes ont perdu la vie à cause de catastrophes climatiques.

    Dans ce contexte de crise environnementale globalisée, ATTAC Maroc, membre du réseau CADTM, publie son premier rapport sur « L’état de la justice climatique au Maroc » et déclare ce qui suit :

    Sur le plan international :

    - Nous apportons notre soutien au mouvement mondial pour la justice climatique mobilisé à Paris face au tour de vis sécuritaire imposé aux manifestations pacifistes. Et nous nous joignons à l’appel international pour décréter l’état d’urgence climatique.

    - Nous appelons à la reconnaissance de la dette écologique des pays du Nord envers les pays du Sud et le versement - sans condition et sans contrepartie - par les pays les plus industrialisés de contributions et de réparations en dédommagement du pillage perpétré depuis des siècles dans les pays de la Périphérie.

    - Nous exigeons le retrait de la Banque mondiale, du FMI et les autres Institutions Financières Internationales de tous les projets destructeurs pour l’environnement et participant à la violation des droits humains, dont ceux financés au Maroc comme les barrages et les stations thermiques.


    Sur le plan national :

    - Nous constatons que la Contribution nationale Maroc ne constitue en rien un engagement à réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais tout au plus un engagement à réduire la hausse prévue de ces émissions. En outre plusieurs des mesures préconisées, Plan vert, Plan Halieutis, plan Azur, par exemple) loin de conduire à une telle réduction conduiront au contraire à leur augmentation.

    - Nous appelons à placer le débat sur les dérèglements climatiques au niveau des citoyens. Cette question ne peut pas être exclusivement réservé aux experts, et négocié entre gouvernements ou entreprises. Un débat public sur la justice climatique au Maroc est essentiel, car les conséquences du dérèglement climatique creusent les disparités sociales entre populations.

    - Nous nous inquiétons des conséquences du dérèglement climatique sur les populations vulnérables (petits agriculteurs et pêcheurs, populations des oasis, nomades, etc.). Le Plan Maroc Vert, le Plan Halieutis et le Plan Azur pour le tourisme mettent en péril les ressources naturelles du Maroc comme le montrent les données de notre rapport.

    - Nous exprimons notre refus des projets de « capitalisme vert » et de Partenariat Public Privé (PPP) pour exécuter le Plan Maroc solaire et les différents plans de développement des énergies renouvelables. Le pays sera otage d’entreprises, hors de tout contrôle populaire dans ce secteur vital, à qui nous allons déléguer la construction et l’exploitation de parcs de production d’énergie

    - Nous exigeons l’arrêt immédiat de toutes les ventes ou cessions à durée déterminée des ressources naturelles aux multinationales et leurs alliés locaux et de tous les projets de privatisation de l’eau et de gestion déléguée

    - Nous refusons l’installation au Maroc de projet d’énergie nucléaire. Nous appelons à la mobilisation face à cette industrie dangereuse qui risque de menacer nos vies et approfondir notre dépendance aux conglomérats industriels et énergétiques étrangers

    - Nous défendons un Maroc sans gaz de schiste et nous nous opposons aux différentes activités de forages liées à cette énergie aux conséquences catastrophiques sur la nappe phréatique et dangereuse par ses émissions de méthane.


    Nous proposons :

    o Des engagements contraignants et effectifs des gouvernements pour réduire les émissions de GES ainsi que la mise en place de mécanismes de contrôle et de sanctions.
    o Un nouveau modèle économique et social, assurant le respect de l’être humain et de la nature, capable d’assurer les besoins essentiels des populations
    o Une taxation spécifique sur les industries polluantes et le développement du transport public
    o Le passage d’un mode d’agriculture intensive orientée vers l’exportation à une agriculture écologique, tournée vers la consommation locale et utilisant les semences locales.
    o Des mesures d’encouragement à une consommation sobre.


    Concernant la COP22 prévue à Marrakech en 2016 :

    - Nous refusons toute restriction qui sera imposée par les autorités marocaines sur la liberté de circulation, le droit au rassemblement, de réunions et de manifestations

    - Nous nous inquiétons la participation de multinationales et entreprises marocaines impliquées dans la destruction massive de l’environnement au Maroc dans l’organisation et le financement de ce sommet dans des actions de Greenwashing (éco-blanchiment).

    - Nous espérons que le temps de cette conférence sera un espace dialogue libre entre les différents acteurs concernés par ces questions, y compris ceux qui ne partagent pas les positions aujourd’hui dominantes

    - Nous appelons à la création d’un front commun de lutte face à l’urgence climatique

    Ensemble, construisons un contre-pouvoir écologique et climatique au Maroc.

    Rabat, 1er décembre 2015

    2 décembre par ATTAC/CADTM Maroc

    http://cadtm.org/ATTAC-CADTM-Maroc-Etat-de-la