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Ecologie - Page 5

  • La Prochaine Révolution en Afrique du Nord : La Lutte pour la Justice Climatique (Anti-k)

    Une manifestation contre l’exploitation du gaz de schiste à In Salah, sud de l’Algérie en février 2015. (Crédit Photo: BBOY LEE).

    Le changement climatique aura des effets dévastateurs sur l’Afrique du Nord. Il y aura des morts et des millions de personnes seront forcées de migrer.

    La lutte pour la survie et la justice climatique en Afrique du Nord Par Hamza Hamouchene et Mika Minio-Paluello

    Le désert ne cesse de s’étendre. Les récoltes sont mauvaises et les pêcheurs sont entrain de perdre leurs moyens de subsistance. Les pluies deviendront de plus en plus irrégulières, les ressources en eaux diminueront et les tempêtes seront plus violentes. Les étés seront très chauds et les hivers très froids. La sécheresse contraint déjà les villageois à abandonner leurs foyers et l’élévation du niveau de la mer est en train de détruire les terres fertiles. La chute de la production alimentaire et le tarissement des ressources en eau menaceront même les mégapoles comme le Caire, Casablanca et Alger. Les prochaines vingt années vont transformer fondamentalement la région.

    Ceci n’est pas un fait naturel. Le changement climatique est une guerre de classe, une guerre érigée par les riches contre les classes ouvrières, les petits paysans et les pauvres. Ces derniers portent le fardeau à la place des privilégiés. La violence du changement climatique est causée par le choix de l’exploitation continue des combustibles fossiles, une décision prise par les multinationales et les gouvernements occidentaux avec les élites et militaires locaux. C’est le résultat de plus d’un siècle de capitalisme et de colonialisme. Mais ces décisions sont constamment renouvelées à Bruxelles, Washington DC et Dubaï et plus localement à Héliopolis, Lazoghly et Kattameya, Ben Aknoun, Hydra et La Marsa.

    La survie des générations futures dépendra de l’abandon de l’exploitation des combustibles fossiles et de l’adaptation au climat qui est d’ores et déjà en train de changer. Des milliards de dollars seront dépensés pour essayer de s’adapter : trouver de nouvelles sources en eau, restructurer l’agriculture et réorienter la production vers de nouvelles cultures, construire des digues pour repousser les eaux salées et changer la forme et le style d’urbanisme des villes. Mais, cette adaptation serait dans l’intérêt de quelle catégorie de population ? Les mêmes structures autoritaires des pouvoirs qui ont, en premier lieu, causé ces changements climatiques sont en train de préconiser une stratégie pour assurer leur protection et faire davantage de profits. Les institutions néolibérales se prononcent clairement sur leur transition climatique tandis que la gauche et les mouvements démocratiques restent pour la plus part muets sur ce sujet. La question qui se pose : quelles seront les communautés exclues des cercles fermés et bien protégés de ces changements climatiques durs et pénibles?

    Comment le changement climatique transformera-t-il l’Afrique du Nord ?

    Le changement climatique provoqué par l’être humain est déjà bien une réalité en Afrique du Nord. Cette réalité est en train de saper et d’affaiblir les bases socio-économiques et écologiques de la vie dans la région et finira par imposer un changement des systèmes politiques.

    Les récentes sécheresses prolongées en Algérie et en Syrie ont constitué des événements climatiques chaotiques qui ont dépassé et submergé la capacité des Etats et de leurs structures sociales et institutionnelles actuelles, pourtant conçues pour s’en occuper. Les sécheresses sévères à l’est de la Syrie ont détruit les moyens de subsistance de 800 000 personnes et ont décimé 85% du bétail. 160 villages entiers ont été abandonnés avant 2011. Les changements dans le cycle hydrologique réduiront l’approvisionnement en eau douce ainsi que la production agricole. Cela signifie avoir recours à davantage d’importations alimentaires de denrées de base et des prix plus élevés dans les pays qui en sont déjà dépendants, comme l’Egypte. De plus en plus nombreux seront ceux qui connaîtront la faim et la famine.

    Le désert est en progression croissante, s’étalant de plus en plus sur les terres avoisinantes. Une pression immense s’exercera sur les rares ressources en eau, étant donné que la demande augmente plus rapidement que la croissance démographique. L’approvisionnement chutera à cause des changements dans les précipitations des pluies et l’intrusion de l’eau de mer dans les réserves d’eaux potables souterraines. Ces phénomènes sont les résultats du changement climatique ainsi que de l’usage excessif des eaux souterraines. Cette situation risque de mettre les pays du monde arabe au-dessous du niveau de pauvreté absolue en eau, qui se situe à l’échelle de 500 m3 par personne.

    La montée des niveaux de mers est actuellement en train de forcer les paysans à quitter leurs terres en Tunisie, au Maroc et en Egypte. L’eau salée détruit les champs fertiles du Delta du Nil en Egypte et du Delta de la Moulouya au Maroc, menaçant d’inonder et d’éroder de vastes étendues de peuplements côtiers, y compris des villes comme Alexandrie et Tripoli. Les mers elles-mêmes sont touchées par ce changement climatique. En effet, l’absorption de quantités de plus en plus importantes de dioxyde de carbone les rend plus acides, tuant ainsi les récifs coralliens. Cela va influer négativement sur la biodiversité dans la mer Rouge, détruisant ainsi les moyens de subsistance de dizaines de milliers de personnes qui travaillent dans les secteurs de la pêche et du tourisme.

    La chaleur estivale s’intensifiera. L’augmentation des températures et leurs effets « stressants » vont faire des milliers de morts, particulièrement les travailleurs ruraux qui ne peuvent pas éviter les travaux lourds et les activités d’extérieur. La fréquence et l’intensité des événements météorologiques seront extrêmes et plus importantes. Les tempêtes de poussière et les inondations dues au froid glacial menacent les citadins les plus pauvres, surtout les millions de migrants qui vivent dans des zones d’habitation informelle aux alentours des villes. Les réfugiés seront les moins bien-protégés, y compris les Soudanais en Egypte, les Maliens en Algérie, les Libyens en Tunisie et les Syriens au Liban. Faute d’améliorations majeures, les traditions et l’infrastructure urbaine actuelles qui comprennent les systèmes de drainage, les services d’urgence et les structures qui assurent le partage des ressources d’eaux, ne pourront pas être en mesure de faire face à tous ces problèmes.

    Le réchauffement climatique induit plus de maladies à cause des pathogènes d’origine hydrique qui sont propagés par des insectes venant des régions tropicales, atteignant ainsi des millions de gens qui n’ont été jamais exposés. Le paludisme (malaria) et autres maladies se déplaceront vers le Nord, menaçant et les humains et le bétail. Les parasites qui sont déjà présents en Afrique du Nord élargiront leur zone d’action, par exemple, les « leishmanies » risquent de doubler leur aire géographique au Maroc dans les prochaines années.

    Le chaos climatique coûte déjà des millions de vies et des milliards de dollars. La revue médicale « The Lancet » soutient que « la survie de collectivités entières est en jeu » dans le monde arabe.

    L’échec des dirigeants politiques

    Le changement climatique est attribuable à la combustion des carburants fossiles, à la déforestation et à des pratiques agricoles non-durables et insoutenables, encouragées par l’industrie agro-alimentaire. Le dioxyde de carbone et le méthane, qui sont rejetés dans l’atmosphère, sont des produits dérivés de l’activité industrielle des hydrocarbures. Le pétrole comme le gaz, le charbon et les minéraux sont extraits et consommés à grande échelle pour dégager des profits qui serviront les pouvoirs d’État. C’est le capitalisme extractiviste sous lequel nous vivons.

    Les émanations des dioxydes de carbone CO2 proviennent de la combustion des hydrocarbures – que ce soit en voiture, dans la cuisine ou au sein d’une usine – et du dioxyde de carbone (CO2) est relâché dans l’atmosphère. L’accumulation du CO2 réchauffe notre planète. Il existe maintenant un consensus solide au sein de la communauté scientifique qui soutient que si la température moyenne mondiale augmente de plus de 2 degrés Celsius au cours du 21ème siècle, les changements du climat sur notre planète seront à grande échelle, irréversibles et catastrophiques. Le temps presse et les possibilités d’agir se réduisent !

    Selon les sciences du climat, les scientifiques attestent que si l’humanité désire préserver une planète qui ressemble à la nôtre et où la civilisation s’est développée pour y vivre paisiblement, les niveaux de CO2 dans l’atmosphère doivent être réduits considérablement. Les niveaux actuels du CO2, estimés à 400 parties par million (ppm) doivent baisser au dessous de 350 ppm, bien que de nombreux experts soutiennent que tout niveau supérieur à 300 ppm est trop dangereux. Toute augmentation supplémentaire risque de déclencher des points de bascule climatiques comme la fonte du pergélisol (permafrost) et l’effondrement de la couche de glace du Groenland. Quand on atteindra un point de bascule (un seuil climatique), les émissions de carbone accéléreront le phénomène et le changement climatique pourrait échapper réellement à notre contrôle. Notre survie dépend de la décision de laisser 80% des réserves prouvées de combustibles fossiles dans le sol. Malheureusement, l’extraction de plus en plus forte des hydrocarbures fossiles et leurs transformations entrainent des rejets supplémentaires de deux ppm de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, chaque année.

    Les dirigeants politiques du monde entier ainsi que leurs conseillers et les médias se réunissent chaque année pour une autre conférence des parties à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP). Mais en dépit de la menace globale, les gouvernements autorisent l’augmentation des émissions de carbone dans l’atmosphère et permettent à la crise de s’aggraver. Le pouvoir des multinationales a détourné ces pourparlers de leurs véritables objectifs en s’assurant de promouvoir davantage de fausses solutions, bien lucratives. Les nations industrialisées (l’Occident et la Chine) ne veulent pas assumer leur responsabilité alors que les puissances pétrolières comme l’Arabie saoudite essaient de manipuler le processus. Les pays développés du Sud, bien qu’ils constituent la majorité, peinent à provoquer un changement malgré tous les efforts vaillants de pays comme la Bolivie et les petits États insulaires.

    La COP de Paris en décembre 2015 attirera beaucoup l’attention, mais nous savons, d’ores et déjà, que les dirigeants politiques ne permettront pas les réductions nécessaires afin d’assurer la survie de l’humanité. Il faudra que les structures des pouvoirs changent. L’action pour empêcher la crise climatique se tiendra dans un contexte parallèle à d’autres crises sociales.

    La crise et la pression d’en bas

    Le système sous lequel nous vivons connait une crise profonde qui génère plus de pauvreté, de guerres et de souffrances. La crise économique, qui a débuté en 2008, illustre parfaitement comment le capitalisme résout ses propres contradictions et échecs en dépossédant et punissant davantage la majorité. Plusieurs gouvernements ont sauvé les banques qui ont causé des ravages à l’échelle mondiale obligeant les plus pauvres à payer le prix fort. La crise alimentaire de 2008, ayant causé une famine et provoqué des émeutes dans le Sud, démontre quant à elle que notre système alimentaire est défaillant, car monopolisé par des multinationales qui ne cessent d’œuvrer pour maximiser leurs profits à travers une production exportatrice de monocultures, par l’accaparement des terres, la production des agro-carburants et la spéculation sur les produits alimentaires de base.

    L’enrichissement d’une élite qui dicte ses choix et règles sur toute la planète suscite à maintes reprises des révoltes et des rebellions. La vague de soulèvements arabes de l’année 2011 a inspiré des milliards de gens à travers le monde, s’étendant de la Tunisie et l’Egypte aux indignés en Espagne et en Grèce, aux mobilisations étudiantes au Chili, au mouvement Occupy contre le 1%, aux révoltes en Turquie, au Brésil et au-delà. Chaque lutte est différente et liée à un contexte spécifique mais toutes furent un défi contre le pouvoir de cette élite et contre la violence d’un monde néolibéral.

    Ceci est le contexte dans lequel nous sommes confrontés au changement climatique. La crise du climat est l’incarnation de l’exploitation capitaliste et impérialiste des peuples et de la planète. Laisser le choix des décisions, destinées à faire face au changement climatique, à cette élite insolente et immorale nous engagerait sur une voie vers la disparition de la planète. La lutte pour une justice climatique doit être profondément démocratique. Elle doit impliquer les communautés les plus touchées et doit être en mesure de répondre aux besoins vitaux de tous. Cette lutte est une démarche pour bâtir un futur où chacun de nous doit avoir suffisamment d’énergie et un environnement sain et sauvegardé pour les futures générations. Ce futur désiré serait en harmonie avec les demandes légitimes des soulèvements des populations en Afrique du Nord : souveraineté et dignité nationale, le pain, la liberté et la justice sociale.

    Les politiques du climat dans le monde arabophone sont contrôlées par les riches et les puissants

    Qui sont-ils ces participants à l’élaboration d’une réponse au changement climatique dans le monde arabophone ?

    Des institutions comme la Banque mondiale, l’Agence allemande pour la coopération internationale (GIZ) ainsi que les agences de l’Union européenne s’expriment avec force et se font entendre en organisant des évènements et en publiant des rapports. Elles invoquent les dangers d’un monde réchauffé et soulignent la nécessité d’une action urgente avec plus d’énergies renouvelables propres et des plans d’adaptation. Etant donné le manque d’alternatives, elles semblent avoir des positions relativement radicales par rapport à la position des gouvernements locaux et particulièrement quand elles parlent des conséquences sur les pauvres.

    Cependant, ces institutions sont alignées politiquement avec les puissants et leurs analyses du changement climatique n’intègrent pas les questions de classe, justice, pouvoir et histoire coloniale. Les solutions de la Banque mondiale sont axées sur le marché, sont néolibérales et adoptent une approche descendante (top-down). Elles redonnent le pouvoir à ceux qui possèdent déjà des fortunes sans s’attaquer aux causes profondes de la crise climatique. Au lieu de promouvoir les réductions nécessaires des émissions de gaz, elles offrent des permis pour des activités polluantes et des subventions aux multinationales et aux industries extractives.

    La vision du futur défendue par la Banque mondiale, la GIZ et une grande partie de l’Union européenne est marquée par des économies conjuguées au profit privé et à des privatisations supplémentaires de l’eau, des terres et même de l’atmosphère. Aucune référence n’est faite à la responsabilité historique de l’Occident industrialisé dans la provocation du changement climatique. Un silence inquiétant est entretenu sur les crimes de compagnies pétrolières comme BP, Shell et Total ainsi que sur la dette écologique due aux pays du Sud. Les sociétés nord-africaines qui vivent dans des pays, où la démocratie est absente, continueront de souffrir de l’assujettissement à l’autoritarisme des élites et multinationales qui maintiendront le statu quo.

    Le discours traitant ce sujet est très limité et extrêmement paralysant du fait que ces institutions néolibérales dominent la production du savoir sur les questions du changement climatique en Afrique du Nord. La majorité de la littérature et des écrits sur le changement climatique au Moyen-Orient et Afrique du Nord n’évoquent pas l’oppression ou la résistance des peuples. Il n’y a pas de place pour les peuples mais seulement pour les dirigeants et les experts autoproclamés. Le statu quo continuera de forcer les populations à se déplacer, de polluer les environnements et de mettre des vies en péril. Pour s’organiser et obtenir justice, il faudrait être capable de définir et de proclamer les problèmes actuels et leurs solutions.

    Le vocabulaire de justice autour des questions climatiques

    Comment peut-on combattre quelque chose si on n’est pas capable de la nommer et d’articuler ce qu’on désire à sa place ? Alors que la « justice environnementale » est en usage en arabe, la « justice climatique » ne l’est pas. Cette dénomination est largement utilisée en Amérique latine et dans les pays anglophones, mais elle sonne bizarre en arabe. Nous avons besoin de changer les systèmes énergétiques autour de nous. Pouvons nous alors parler de « justice énergétique » ou de « démocratie énergétique » ?

    Il nous faudrait un vocabulaire pour parler de ces questions et pour décrire la vision d’un futur sain pour lequel nous lutterons. Simplement l’action d’importer des terminologies et des concepts d’autrui ne marchera pas et ne trouvera pas d’échos favorables de la part des populations, si ces concepts ne sont pas issus des racines et des coutumes locales. Cependant, il est important et utile d’échanger des idées et des expériences avec des mouvements qui militent ailleurs dans le monde et d’apprendre d’eux.

    Ce livre évite de formuler des requêtes dans un cadre « sécuritaire » comme la « sécurité climatique » ou la « sécurité hydrique » ou bien la « sécurité alimentaire ». Un futur formulé autour de la « sécurité » soumettra nos luttes à un cadre conceptuel et imaginatif, qui, en fin de compte, renforcera le pouvoir répressif de l’État, axé sur la sécurisation et la militarisation (voire les extraits de l’article de la revue « The Lancet »).

    Plusieurs articles dans ce livre réclament la justice climatique, la justice environnementale et la démocratie/justice énergétique. On ne trouve pas une seule définition pour chacun de ces concepts, ce qui ne diminue pas leurs valeurs pour autant. Dans ces articles :

    ● la « justice climatique » consiste généralement à reconnaitre la responsabilité historique de l’Occident industrialisé dans l’avènement du réchauffement climatique, et ne perd pas de vue les vulnérabilités disproportionnées dont souffrent quelques pays et communautés. Elle admet aussi le rôle du pouvoir dans la provocation du changement climatique ainsi que dans les choix de ceux qui porteront le fardeau. La réponse aux changements climatiques doit prendre en compte les questions de classe, de race, du genre, de l’histoire des dominations coloniales et l’exploitation capitaliste qui perdure. La justice climatique signifie une rupture avec le statu quo (business as usual) qui protège les élites politiques mondiales, les multinationales et les régimes militaires. Son objectif est d’instaurer une transformation sociale et écologique et un processus d’adaptation radicaux.

    ● la « justice environnementale » est généralement centrée autour des besoins des communautés, en obligeant le secteur des combustibles fossiles et autres larges industries à rendre des comptes, et en progressant vers une relation durable et harmonieuse avec la nature. Elle reconnait qu’on ne pourrait pas séparer les effets de la destruction de l’environnement de leur impact sur les peuples. Elle admet aussi que les communautés démunies sont exploitées dans l’intérêt des puissants.

    ● la « démocratie énergétique » et la « justice énergétique » signifient la construction d’un futur où l’énergie est distribuée équitablement, contrôlée et gérée démocratiquement. Les sources d’énergie et les systèmes de transmission doivent être en équilibre avec l’environnement et les besoins des futures générations.

    Il revient au lecteur de voir si ces concepts sont pertinents et utiles en Afrique du Nord. Les descriptions élémentaires fournies ci-dessus ne sont nullement exhaustives et peuvent sûrement être enrichies par des expériences locales.

    Les objectifs de cette publication

    Le but de cette publication est d’introduire des perspectives nouvelles et libératrices, avancées par des intellectuels, activistes, politiciens, organisations et groupes de base progressistes et radicaux des pays du Sud. Nous avons choisi des essais, des entretiens et des déclarations dans lesquels les mouvements sociaux décrivent l’ennemi qu’ils combattent, la manière dont ils s’organisent et leurs revendications. Ils couvrent une large aire géographique, de l’Equateur jusqu’en Inde et de l’Afrique du Sud jusqu’aux Philippines. Nous avons aussi inclus six articles d’Afrique du Nord, qui concernent le Maroc, l’Algérie, l’Egypte et la région au sens large. Il est à espérer que ce livre contribue à l’économie politique naissante du changement climatique en Afrique du Nord, qui examinera les relations entre les industries des combustibles fossiles, les élites régionales et les capitaux internationaux.

    Notre objectif comporte quatre volets :

    1 Souligner l’urgence de la crise climatique en Afrique du Nord et insister sur la nécessité d’une analyse holistique et d’un changement structurel.

    2 Souligner les dangers d’un environnementalisme (écologisme) restreint et contrecarrer le discours néolibéral dominant autour du changement climatique, un discours qui est encouragé et promu par la Banque mondiale et autres institutions néolibérales.

    3 Soutenir la gauche en Afrique du Nord dans ses efforts pour articuler une réponse locale et démocratique face au changement climatique, une réponse qui intègre des analyses d’ordre politique, économique, social, écologique et de classe aussi. Etant donné les pressions de l’autoritarisme, de la répression massive et de la pauvreté généralisée, il est parfaitement compréhensible que la question du changement climatique n’ait fait l’objet que d’une attention limitée dans le passé par les mouvements sociaux en Afrique du Nord.

    4 Donner de l’espoir inspiré des mouvements et luttes des pays du Sud, et réfuter l’affirmation selon laquelle il n’y a rien à faire. La crise climatique découle des actions et décisions humaines qui peuvent être changées.

    Cette publication n’a pas la prétention de fournir toutes les réponses mais plutôt de soulever des questionnements et des défis. A quoi ressemble une réponse juste au changement climatique en Afrique du Nord ? Cela signifie-t-il une évacuation en masse et l’ouverture des frontières avec l’Europe ? Cela signifie-t-il le paiement de la dette écologique et une redistribution des richesses par les gouvernements européens, les multinationales et les riches élites locales ? Faudrait-il rompre radicalement avec le système capitaliste ? Qu’adviendra-t-il des ressources fossiles en Afrique du Nord, qui sont actuellement extraites en grande partie par les multinationales occidentales ? Qui devrait contrôler et posséder les énergies renouvelables ? Nous n’avons pas forcement cherché l’uniformité d’une position, et vous trouverez des perspectives différentes et mêmes contradictoires, mais à notre avis, elles offrent des points de départ pour des discussions importantes.

    Le contenu

    Section 1 : La violence du changement climatique

    Le livre commence par une section qui souligne l’ampleur de la menace posée par le changement climatique. Les extraits de « Santé et pérennité écologique dans le monde arabe : Une question de survie » soutiennent que la survie des communautés entières dans le monde arabe est en jeu. Le discours actuel sur la santé, la population et le développement dans le monde arabe a largement échoué en omettant de communiquer la gravité et le sens de l’urgence. Dans l’article de Mika Minio-Paluello sur la violence du changement climatique en Egypte, elle révèle le niveau brutal de la destruction que risque ce pays. Elle souligne que la violence climatique, qui est une violence de classe, est façonnée de manière à ce que les démunis paieront le prix fort et porteront le fardeau au lieu des riches et fortunés. La survie, selon elle, dépendra d’une adaptation à la transformation qui approche, mais cette adaptation est un processus profondément politique qui pourrait signifier l’émancipation ou davantage d’oppression.

    Dans l’article « Un million de mutineries », Sunita Narain démontre que nous ne sommes pas tous dans le même camp de lutte pour faire face au changement climatique. Alors que les riches veulent maintenir leurs modes de vie, il est impératif d’observer le changement climatique dans les visages des millions de gens qui ont perdu leurs maisons dans les ouragans et dans les mers dont les niveaux ne cessent de s’élever. Il convient clairement de garder à l’esprit que le sort des milliers qui ont péri suite à ces changements climatiques est attribuable aux riches qui ont échoué à réduire leurs émissions de gaz, dans leur poursuite de la croissance économique. Les solutions ne se trouvent pas dans les conférences des élites mais à travers de petites réponses à de grands problèmes qui viendraient de l’environnementalisme des mouvements des dépossédés. Pia Ranada, écrivant des Philippines, décrit un phénomène climatique extrême : le typhon qui a frappé récemment son pays. Elle soutient que les pays du Sud souffrent le plus du chaos climatique. Les pays développés qui ont brûlé une grande partie des combustibles fossiles et qui sont responsables des émissions de carbone qui en découlent, doivent indemniser les communautés et les pays touchés par le changement climatique, en leur payant une « dette écologique ».

    Section 2 : Changer le système pas le climat.

    La deuxième section pose trois questions : Quels sont les facteurs structurels qui contribuent au changement climatique ? Comment imaginons-nous un autre système différent du présent ? Est-il possible de reformer et améliorer les systèmes politiques et économiques actuels pour s’adapter au changement climatique ? Walden Bello, écrivant des Philippines, dans son article « Est ce que le capitalisme survivra au changement climatique ? », soutient que l’expansion du capitalisme a causé l’accélération de la combustion des carburants fossiles et une déforestation rapide, conduisant au réchauffement planétaire. Pour rompre avec cette trajectoire, il nous faudrait un modèle de développement équitable et à faible consommation et croissance, qui améliore le bien-être des populations et accroit le contrôle démocratique de la production. Naturellement, les élites des pays du Nord ainsi que des pays du Sud vont s’opposer à cette réponse globale. Bello estime que nous devrions considérer le changement climatique comme une menace pour notre survie mais aussi comme une opportunité pour engendrer les reformes sociales et économiques, longtemps reportées. Khadija Sharife examine dans son article « Les armes secrètes du changement climatique » comment les paradis fiscaux à l’étranger profitent aux sociétés pétrolières multinationales, aux politiciens corrompus et aux mécanismes du commerce du carbone. Tout cela au dépend des îles comme les Seychelles et les Maldives qui pourraient disparaître complètement avec la montée des niveaux des mers et océans.

    Alberto Costa, un économiste équatorien et un ancien ministre de l’énergie et des mines, se focalise sur le mode extractiviste d’accumulation comme un mécanisme de pillage colonial et néocolonial. Plutôt que de bénéficier des ressources naturelles, les pays qui en sont riches ont fini par souffrir de plus de pauvreté, de chômage et de pollution, d’une faible agriculture et davantage de répression. Dans l’article « Le sol pas le pétrole », Vandana Shiva défie l’idée selon laquelle l’industrialisation est du progrès et remet en cause la valeur qu’on donne à la productivité et au rendement. Elle maintient que notre dépendance envers les combustibles fossiles a « fossilisé notre réflexion ». Shiva appelle à une transition culturelle faisant partie d’une transition énergétique pour arriver à une ère au-delà du pétrole. Dans un système qu’on appelle en anglais « Carbon Democracy », un système ancré dans la biodiversité, tous les êtres vivants auront leurs justes parts du carbone utile et nul ne sera accablé par une part injuste des retombées du changement climatique.

    Malgré des décennies de négociations climatiques très médiatisées, les résultats sont un échec : le statu quo en dépit de la menace. Pablo Solon, qui était auparavant le négociateur en chef de la Bolivie sur la question climatique, décrit dans son article « Le changement climatique : Toute action n’est pas utile » comment les négociations climatiques officielles des Nations Unies ont été détournées par les multinationales, empêchant la prise d’actions nécessaires, afin de garantir les profits à venir. Il avance un plan de dix points pour les mouvements sociaux, qui consiste entre autres à la création d’emplois liés au climat, des mesures pour laisser 80% des combustibles fossiles dans le sol ainsi que soumettre le secteur énergétique au contrôle public et communautaire.

    Section 3 : Attention aux « fausses solutions »

    La troisième section examine comment ceux qui détiennent le pouvoir ont essayé de se servir de la crise climatique pour faire des profits et exacerber les inégalités en poussant à de fausses solutions. Dans l’article « Desertec : Accaparement des sources d’énergie renouvelable », Hamza Hamouchene plaide contre des projets solaires orientés à l’exportation qui placent les intérêts des consommateurs européens et des élites locales répressives au-dessus des intérêts des communautés locales. Il souligne la menace pour les sources d’eau et met Desertec dans le cadre d’un commerce international favorable aux entreprises et multinationales et dans le contexte d’une ruée pour plus d’influence et de ressources énergétique. L’article de Jawad. M sur le Maroc soulève des préoccupations sur la souveraineté nationale et le contrôle de l’énergie renouvelable par les multinationales. Jawad fait une critique du discours du « développement durable » , qui a été vidé de toute signification et a été assujetti aux marchés, et se prononce contre les partenariats publics privés.

    Écrivant depuis l’Afrique du Sud, Khadija Sharife et Patrick Bond révèlent l’échec du commerce du carbone et du Mécanisme du Développement Propre (MDP) à réduire les émissions. Ils exposent la réalité d’un racisme environnemental et de fausses solutions, qui permettent aux compagnies riches de continuer à polluer pendant qu’elles s’assurent de plus grands profits. Le commerce du carbone est une supercherie qui amène beaucoup à croire qu’on pourrait contrecarrer le changement climatique sans un changement structurel. Nous devons reconnaitre que les mécanismes du marché ne réduiront pas suffisamment les émissions globales. Pablo Solon dans un article intitulé « À la croisée des chemins entre l’économie verte et les droits de la nature » nous prévient qu’il ne faut pas se fier à l’économie verte pour notre salut. En privatisant et en poussant la marchandisation de la nature, nous courrons à sa destruction et la nôtre avec. Solon avance spécifiquement une critique du programme de Réduction des Emissions imputables à la Déforestation et à la Dégradation des forêts (REDD) qui selon lui est une autre excuse des riches pour polluer la planète.

    Section 4 : S’organiser pour survivre

    La dernière section se consacre aux manières dont les peuples se mobilisent pour un avenir meilleur et différent. La révolutionnaire égyptienne Mahie­nour El-Massry nous décrit comment le changement climatique est en train de menacer Alexandrie, sa ville natale, et nous parle de ses expériences sur le Delta du Nil et son travail avec les communautés et ouvriers qui sont sur le point de mire du changement climatique et de l’exploitation des entreprises. L’entretien réalisé par Hamza Hamouchene avec Mehdi Bsikri, journaliste et militant algérien, explicite pourquoi des milliers d’Algériens ont protesté contre les plans de fracturations hydrauliques pour extraire du gaz de schiste dans le désert algérien, et décrit comment ils se sont mobilisés contre le gouvernement et les multinationales pétrolières. Un autre petit article d’Alberto Acosta sous le titre « Le défi de l’Équateur » développe le concept sud-américain des « droits de la Terre-Mère » comme un moyen de défendre les droits des communautés et futures générations ainsi qu’une remise en cause des privilèges des puissants afin d’assurer la survie.

    Les mouvements sociaux à travers le monde ont reconnu que la menace du changement climatique transforme leurs luttes. La déclaration « Le changement climatique et la lutte de classes » du National Union of Metal Workers of South Africa (NUMSA – syndicat national sud-africain de la métallurgie) prend fermement position sur une juste transition vers une économie à faible émission de carbone qui est basée sur une propriété sociale, démocratique et contrôlée par les travailleurs. Le syndicat s’oppose à l’appropriation privée de la nature et considère que le changement climatique est une lutte majeure qui va unifier les classes ouvrières dans le monde entier. Pour eux, « nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre nos gouvernements » pour agir. La déclaration de Margarita, signée par plus de cent mouvements sociaux sur l’ile de Margarita au Venezuela en juillet 2014, engage à vivre en harmonie avec les écosystèmes de la terre et dans le respect des droits des futures générations à hériter d’une planète où la vie est possible. Elle appelle les mouvements à créer des fissures dans le système actuel qui n’est pas viable, à entreprendre des actions directes pour éradiquer les énergies sales et combattre les privatisations et l’agroalimentaire. Ce radicalisme et cette conscience progressiste de l’importance de l’environnement pour les humains étaient déjà présents dans les années 1970. Nous avons inclus un article par Aurélien Bernier à propos de la déclaration de Cocoyoc des Nations Unies en 1974, qui a formulé une critique radicale du « développement » , du « libre échange » et des relations Nord-Sud. Elle fut vite enterrée et effacée de l’histoire mais elle reste pour autant pertinente et demeure très urgente.

    Les Nord-Africains dont les vies seront le plus changées, le plus sont les petits paysans sur le Delta du Nil, les pêcheurs de Djerba, les habitants d’Ain Salah et les millions qui vivent dans des habitations informelles au Caire, à Tunis et à Alger. Mais ils sont écartés et empêchés de construire leur avenir. C’est plutôt des régimes militaires avec leurs commanditaires au Riyad, Bruxelles et Wash­ington qui formulent des plans climatiques et énergétiques. Les élites locales nanties collaborent avec les multinationales, la Banque mondiale et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Malgré toutes les promesses faites, les actions de ces institutions démontrent qu’elles sont les ennemies de la justice climatique et de la survie.

    Le changement climatique est une menace mais aussi une opportunité pour instaurer les reformes sociales et économiques qui ont été longtemps différées, déraillées ou sabotées par des élites cherchant à préserver ou accroître leurs privilèges. Ce qui est différent aujourd’hui est que l’existence même de l’humanité et de la planète dépende du remplacement de systèmes économiques basés sur l’appropriation de la rente, sur l’accumulation capitaliste et l’exploitation de classes avec un système ancré sur la justice et l’égalité.

    L’ampleur de la crise signifie qu’il nous faudrait rompre radicalement avec les structures existantes du pouvoir autoritaire et néolibéral. L’urgence laisse croire que nous manquons de temps pour changer le système, mais se fier à ceux qui nous gouvernent nous feraient faire deux pas en arrière pour chaque pas que nous faisons en avant. Nous devons nous inspirer plutôt des mouvements sociaux et des communautés en ligne de mire qui résistent et construisent des voies démocratiques afin de survivre dans un monde réchauffé.

    Ceci sera la lutte globale qui marquera le 21ème siècle.

  • Menacés par le réchauffement climatique, les pays du Golfe freinent (encore) la Cop21 (Le Huffington Post)

     

    Abou Dhabi, Doha, Dubaï, Dhahran, Bandar Abbas... D'ici 2100, la plupart des villes des pays du Golfe persique pourraient devenir inhabitables sous le double effet du réchauffement de la planète conjugué à l’humidité très dense qui sévit dans la région. Dévoilé il y a quinze jours par la très sérieuse revue spécialisée Nature Climate Change, à deux mois de la COP21, ce scénario apocalyptique élaboré par deux chercheurs américains n'a pas semblé émouvoir outre mesure les pays concernés qui viendront en décembre à Paris en traînant des pieds.

    Les simulations climatiques régionales avancées par Jeremy Pal, professeur à la Loyola Marymount University à Los Angeles, et Elfatih Eltahir, du Massachusetts Institute of Technology de Cambridge (USA), sont pourtant alarmantes: elles démontreraient que "des pics de température humide dans la région du Golfe vont probablement frôler et dépasser un seuil critique", c'est à dire mortel, avant la fin du siècle si rien n'est fait pour inverser la trajectoire des émissions des gaz à effet de serre (GES).

    Difficile de nier le climat étouffant qui sévit déjà dans la région. En juillet dernier, l'Iran a failli battre le record détenu par l'Arabie saoudite de température ressentie en enregistrant un pic de 74°C. D'ici quelques décennies, des millions de musulmans pourraient devoir renoncer à leur pélerinage à La Mecque en raison des températures humides suffocantes.

    L'Arabie saoudite "cancre" officiel des négociations

    De quoi inciter l'Arabie saoudite, le Qatar ou le Koweit à jouer un rôle décisif lors de la conférence climat en décembre prochain à Paris? Même pas.

    Malgré le sérieux et l'imminence de la menace, la plupart des Etats du Moyen-Orient tout comme certains membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Venezuela, Nigeria), dont l'essentiel du PIB repose sur les énergies carbonées, peinent à s'impliquer franchement dans la lutte contre le réchauffement climatique.

    Signe qui ne trompe pas, rares sont les pays pétroliers à avoir remis la liste de leurs engagements (INDC) pour réduire leurs émissions de GES. Le Koweit, le Qatar, l'Iran, l'Irak et surtout l'Arabie saoudite manquent toujours à l'appel. Officiellement, ces INDC devaient être remis au 1er octobre afin d'être comptabilisés par l'ONU. Les Emirats Arabes Unis, l'un des pays du Golfe les moins en retard en matière de transition énergétique, ont quant à eux remis leur copie le 22 octobre dernier avec un plan a minima dans lequel le gaz et le pétrole sont mis en avant comme la source d'énergie la plus efficace du monde.

    "Cancre officiel" des négociations climatiques aux yeux des experts et des ONG, l'Arabie saoudite est le seul pays membre du G20 à avoir failli à ses obligations en la matière, en dépit des rappels répétés de la communauté internationale. Un "très mauvais signal" pour Célia Gautier, responsable des politiques européennes au Réseau Action Climat (RAC). "C'est une preuve de plus que ces pays n'ont aucun intérêt à soutenir une transition énergétique mondiale", dénonce-t-elle. Le royaume saoudien en particulier, lui qui doit son statut de puissance régionale à sa diplomatie du pétrodollar.

    "A l’approche de Paris ses négociateurs se font de plus en plus présents pour obstruer le processus et tenter de s’opposer aux mesures les plus ambitieuses", prévient l'ancien ministre écologiste Pascal Canfin dans Libération.

    Une ligne maximaliste pour "mieux verrouiller les négociations"

    Entre la question de leur propre survie à moyen terme et leurs intérêts économiques immédiats, "les pays du Golfe sont pris dans une position intenable", confirme Sandrine Maljean-Dubois, directrice de recherche au CNRS et spécialiste des négociations climatiques.

    Pour autant, il n'est plus question pour l'Arabie saoudite de s'opposer à tout accord au nom d'un climatoscepticisme d'Etat, comme elle le faisait par le passé. Membre influent du LMDC (Like-Minded Developing Coutries), l'aile dure du groupe des pays du Sud (G77 + Chine), alors même que son PIB par habitant avoisine celui des Etats-Unis, l'Arabie saoudite joue à fond la carte de la solidarité avec les pays les plus pauvres. Une ligne maximaliste " qui est une autre manière de verrouiller les négociations", précise Sandrine Maljean-Dubois.

    "Parallèlement à nos progrès dans le domaine de l’efficacité énergétique et de la gestion du carbone, nous continuons à dépendre des transferts de technologie des pays développés", se plaint le négociateur saoudien Khalid Abuleif cité par Le Monde.

    Une maigre excuse alors que Ryad, tout comme ses riches voisins, dispose de moyens financiers et énergétiques (à commencer par le soleil) considérables pour amorcer sa transition énergétique.

    Même promise à un véritable enfer climatique, l'Arabie saoudite reste en réalité persuadée qu'elle dispose des capacités technologiques pour s'adapter au réchauffement climatique. D'où ses difficultés à respecter le Protocole de Montréal, censé lutter contre le trou de la couche d'ozone en régulant certains gaz très présents dans la réfrigération et les climatiseurs. Pour l'Arabie saoudite comme les pétromonarchies, "n'importe quel litre de pétrole extrait maintenant est plus rentable qu'un litre de pétrole qui reste dans le sol. C'est pourquoi elles ont tout intérêt à freiner le processus, même s'il est inéluctable", résume Célia Gautier.

    Toute la question est de savoir si Ryad et ses alliés auront les moyens diplomatiques pour bloquer les discussions à Paris. Entre le groupe des Pays arabes, le G77 et le LMDC, certains points ambitieux sont effectivement susceptibles de passer à la trappe. A commencer par l'objectif espéré par les ONG de voir inscrire noir sur blanc la fin de l'extraction du pétrole à l'horizon 2050.

  • Paris eau

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  • Djerba Spéculation sur les déchets : la face cachée du tourisme de masse (Basta)

    Côté face, des plages de sable fin et de grands complexes hôteliers. Côté pile, un tourisme générant des milliers de tonnes de déchets mal gérés par les autorités publiques.

    L’Île de Djerba qui accuse déjà les effets des actes terroristes en Tunisie, souffre d’un mal de plus en plus visible : l’eau, l’air et les sols sont contaminés par les métaux lourds s’échappant de la profusion de décharges illégales. Deux entreprises, dont une filiale de Suez Environnement, se partagent le marché des déchets. Elles en tirent une manne juteuse en privilégiant l’enfouissement plutôt que la valorisation. Basta ! est allé à la rencontre de citoyens tunisiens qui se mobilisent pour redonner du pouvoir aux municipalités et favoriser le tri à la source.

    Une odeur irrespirable, qui vous prend à la gorge. Des montagnes de déchets à perte de vue, d’où s’échappent des fumées de gaz toxique liés à la décomposition. Le vol de centaines de mouettes à la recherche de nourriture entrecoupe celui des sacs plastiques, à quelques mètres seulement de la mer... Dans ce no man’s land surgissent des chiffonniers fouillant dans les détritus. Cette décharge de l’île de Djerba, dans le Sud de la Tunisie, s’étend sur une superficie équivalente à plusieurs terrains de football, au bord de la mer Méditerranée. Ces déchets viennent en partie des grands hôtels internationaux qui se dressent le long de la côte, à cinq minutes seulement en voiture de la décharge. Le Riu, l’Aladin, le Club Med, le Vincci... Ces établissements aux allures de palais, qui comptent chacun entre 500 et 900 lits, proposent des tarifs relativement abordables pour les touristes des pays du Nord.

    Ces hôtels ont longtemps fait rêver les voyageurs européens qui se sont massés pendant près d’un demi-siècle sur l’île aux Sables d’or, comme la surnommait Gustave Flaubert. C’était la belle époque du tourisme tunisien, des années 1970 aux années 2000, avant la révolution tunisienne, la baisse de la fréquentation, la peur du terrorisme. La concurrence acharnée – les hôtels et agences de voyage ont sans cesse tenter de diminuer les prix – a entraîné une chute de la rentabilité de ces complexes hôteliers. Ces derniers sont de moins en mois occupés et entretenus, mais la pression sur l’environnement provoquée par l’afflux de touristes est de plus en plus perceptible. Avec des décharges à perte de vue gagnant toujours un peu plus du terrain.

    Pollution de l’eau et maladies respiratoires

    La qualité de l’eau est susceptible d’être touchée par ces décharges sauvages ou officielles. « Les nappes se situent à 10 mètres du sol, explique Chedly Ben Messaoud, le président de Djerba Ulysse, une association sociale, environnementale et culturelle. Si les déchets sont enfouis, il y a un risque pour la qualité de l’eau. La pluie draine les métaux lourds dans les réserves d’eau. » Les déchets provoqueraient aussi des problèmes sanitaires. Les maladies respiratoires seraient nombreuses. À défaut d’étude épidémiologique, les 12 000 habitants de Guellala – une ville située sur la côte sud de l’île où étaient acheminés jusqu’en 2012 une bonne partie des déchets de l’île – ont été marqués par la prolifération d’une espèce de mouche. « Tout ce que cette mouche touchait pourrissait, la viande en particulier », se rappelle Ahmed Rhouma, président de l’association Djerba Action.

    C’est le visage même de l’île qui est victime de cet amoncellement de déchets. Du côté d’Houmt Souk, le chef-lieu administratif de Djerba, des déchets médicaux et organiques, ainsi que des emballages en plastique et en carton, s’amoncellent entre une rangée d’arbres et la mer. Des dépôts anarchiques à l’air libre. À quelques mètres, une décharge gérée par la collectivité est en cours de remplissage. Une géomembrane noire a été déposée sur le sol de cette immense fosse. De la terre viendra recouvrir les tonnes de détritus entreposés à cet endroit. En attendant, les sacs en plastique s’envolent dans les champs voisins.


    De quoi déclencher la colère des Djerbiens qui se sont mobilisés à plusieurs reprises, entre 2011 et 2014. Grève générale, affrontements avec les forces de l’ordre, grande marche de contestation, et un slogan, en 2012, quelques mois après la révolution tunisienne : « La poubelle, dégage ! ». Suite aux contestations, la principale décharge de l’île, celle de Guellala, a été fermée. Mais sans solution des collectivités, les déchets des Djerbiens se sont retrouvés dans des dépôts sauvages, dissimulés un peu partout sur l’île.

    Le tourisme de masse... et ses déchets

    Comment en est-on arrivés là ? Première explication : le tourisme et la pression démographique qu’il a entraînée. « Djerba, ce sont 134 000 habitants en hiver, le double en été, note Chedly Ben Messaoud. Avant, on disait de Djerba que son air était si pur qu’il empêchait de mourir. Aujourd’hui, la dénaturation de l’île est irréversible. L’agriculture a été abandonnée au profit du tourisme de masse. » D’une dizaine d’hôtels de grande envergure au début des années 1970, Djerba en compte désormais 120 ! « En une vingtaine d’années, ils ont été multipliés par quatre, sans tenir compte de la fragilité de l’île. » L’été, de nombreux Tunisiens affluent du continent pour travailler dans ces hôtels. En haute-saison, l’île génère plus de 200 tonnes de déchets par jour, contre 120 tonnes le reste de l’année. « La transformation démographique ajoutée aux infrastructures [des quartiers se sont construits autour des hôtels] n’ont pas été suivis d’une gestion adaptée des déchets », estime Ahmed Rhouma.

    Mais la pression démographique n’explique pas tout. C’est aussi la gestion calamiteuse des déchets par les autorités publiques qui est en cause. Sur l’île de 500 km2 – cinq fois la superficie de Paris –, les poubelles sont généralement ramassées par les municipalités, rassemblées dans un centre de transfert géré par l’Agence nationale de gestion des déchets (Anged), avant d’être transférées vers des sites de compactage ou d’enfouissement. Pas de tri en aval ou en amont. Les déchets organiques (70% des détritus) ne sont pas récupérés ou compostés. Les lixiviats, ces liquides qui résultent des déchets, ne sont pas traités et s’échappent dans l’environnement. « Dès qu’il pleut, les matières organiques se mélangent avec les métaux lourds et cela contamine les nappes », explique Chedly Ben Messaoud.

    Des acteurs privés pour des solutions très lucratives

    Qui s’occupe de la gestion des déchets ? Des acteurs privés dont Segor, possédé à 40% par Cita, une filiale de la multinationale française Suez Environnement. Cette entreprise aurait obtenu un contrat de deux ans pour traiter 50 000 tonnes de déchets par an, à 50 dinars la tonne (environ 22 euros). La solution mise en avant par Segor ? Le compactage des déchets sous la forme de ballots, 100 000 au total, grâce à une enrubanneuse. « Les liquides peuvent s’échapper au moment du compactage, avance Ahmed Rhouma. Personne ne parle de drainage. » L’entreprise Segor, qui n’a pas donné suite aux appels de Basta !, s’en chargera-t-elle ? Une fois enrubannés, ces détritus sont enfouis dans des fosses officiellement protégées par des géomembranes.

    Une technique d’enfouissement dénoncée par des associations et des experts. Non écologique, coûteuse... et favorisant la production de déchets au lieu d’encourager leur diminution. « Tout ce que ces entreprises font, c’est peser les camions qui entrent dans la décharge, raconte Morched Garbouj, ingénieur en environnement et président de l’association environnementale SOS Biaa. Au lieu de faire le tri, on met tout, c’est une stratégie calamiteuse. » Dans la décharge du grand Tunis, 3 000 tonnes de déchets arrivent tous les jours. « Faites le calcul, à 12 euros la tonne à enfouir, ça fait 36 000 euros par jour sans rien débourser. Certains amènent du sable pour augmenter le poids des déchets. » Les lixiviats ne sont généralement pas traités. Certains sont stockés dans des bassins à l’air libre, ou déversés dans la nature ou dans les cours d’eau.

    Un gâteau à partager

    Deux grosses entreprises se partagent le gâteau de la gestion des déchets en Tunisie. Il y a d’une part Segor qui s’occupe du sud du pays et dont les actionnaires principaux sont Cita (40 %) et SCET Tunisie (50 %), un cabinet d’études et de conseil sur les politiques de déchets. « C’est un conflit d’intérêt flagrant », dénonce Morched Garbouj. On trouve aussi Ecoti, une société italienne, qui intervient dans le centre du pays et dans le grand Tunis, suite au départ de Pizzorno environnement [1]. Cette entreprise française a quitté la Tunisie suite à un scandale de corruption en 2007, sous le régime de Ben Ali. Tous ces acteurs n’ont pas intérêt à ce que les déchets soient réduits... et prônent donc la poursuite de l’enfouissement, alors même que cette technique est abandonnée dans les pays européens.

    Pour bien comprendre ce qui se joue en Tunisie, il faut remonter en 2005. Jusqu’à cette date, ce sont les communes qui gèrent les déchets. Mais Ben Ali assure alors vouloir imiter les pays européens en dotant le pays d’une stratégie nationale de gestion des déchets. « Au lieu de doter les communes de moyens financiers, on crée l’Agence nationale de gestion des déchets (Anged) », relate Morched Garbouj. Objectif affiché : apporter une assistance technique et financière, grâce à des experts compétents et étrangers... « Différents États, comme la Corée du Sud, et institutions [2] ont envoyé de l’argent à l’Anged pour améliorer cette gestion des déchets », raconte Morched Garbouj. Des dizaines de millions d’euros affluent, des crédits à taux bonifiés... Rapidement, l’Anged rend des études concluant à l’intérêt de l’enfouissement. Des décharges sont construites, des contrats sont passés avec des entreprises chinoises, allemandes... « On nous a dit qu’il fallait apprendre le travail des étrangers, souligne Morched Garbouj. Ben Ali assurait que la Tunisie allait devenir le leader arabe en matière de gestion des déchets. »

    « Une véritable mafia de l’environnement »

    La réalité est toute autre. Petit à petit, les communes qui géraient l’ensemble des déchets ne deviennent qu’un intermédiaire et se retrouvent uniquement en charge de la collecte des déchets. Les entreprises privées gèrent les décharges et assurent la dernière étape, la plus lucrative : l’enfouissement. « L’État tunisien leur met à disposition les infrastructures, les camions, les employés, l’essence, explique Morched Garbouj. On a découvert que l’exploitant n’investit rien. Les autorités nous disent que l’on ment. On leur demande les contrats passés avec ces entreprises privées. Elles ne souhaitent pas nous les communiquer. C’est une véritable mafia de l’environnement. »

    Face à cette situation, des citoyens réunis en associations se mobilisent pour mieux gérer les déchets. Premier défi : redonner du pouvoir aux municipalités et éviter ainsi que les responsabilités ne soient diluées. « Il faudrait que ces fonds donnés aux agences soient transférés vers les communes », estime Morched Garbouj. Deuxième défi : traiter en amont la question des déchets. « La seule solution, c’est de valoriser les déchets [majoritairement organiques] par nous-mêmes, de développer le compostage et le tri à la source », indique Ahmed Rhouma. Du compost qui pourrait servir ensuite pour les espaces verts des complexes hôteliers.

    Un projet de valorisation des déchets abandonné

    Le compostage, c’est l’objectif du projet de coopération internationale développé en partenariat avec le département de l’Hérault. 500 000 euros devaient être investis pour construire une usine de valorisation des déchets [3]. « L’idée est de valoriser les bio-déchets des hôtels, de produire du compost qui sert ensuite à améliorer les sols, et de réaliser un transfert de compétences entre le syndicat de gestion des déchets Centre-Hérault et les autorités tunisiennes », explique Marie Doutremepuich, du service de la coopération décentralisée de l’Hérault. Mais le projet, dont le premier emplacement choisi a été contesté, a pris du retard. La structure métallique devra donc être déplacée dans les prochains mois. Un projet pilote a déjà été réalisé à Houmt Souk, la plus grande ville de l’île.

    Mais c’est aussi à un changement des mentalités et des pratiques individuelles qu’appellent les associations de défense de l’environnement. « Nos parents ne jetaient pas les matières organiques dans les poubelles », se souvient Chedly Ben Messaoud. « Nous souhaitons lancer une campagne pour que les sacs plastiques soient supprimés des commerces », lance Ahmed Rhouma, dont l’association travaille auprès des écoles pour sensibiliser autour de cette question. Enfin, quelques hôtels semblent avoir mis en place un système de tri des déchets [4]. Mais c’est certainement la baisse de la fréquentation touristique de l’île, suite aux attentats de mars et juin 2015, qui aura le plus fort impact sur la quantité des déchets de Djerba.

    Texte : Sophie Chapelle et Simon Gouin par Nathalie Crubézy, 26 octobre 2015

    Notes

    [1A lire : l’article de Rue89.

    [2Parmi lesquels le Programme des nations unies pour le développement, l’Agence française du développement et l’Union Européenne.

    [4A lire : l’article de Libération.

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  • Relevé non exhaustif de luttes écologiques (Essf)

    Menées dans la foulée des processus révolutionnaires dans les pays arabes entre 2010 et 2015

    ALGERIE

    In Salah : opposition de la population à l’exploitation du gaz de schiste dans une région marquée par les expériences atomiques des années 60 et la séquestration du CO2 dans le gisement de gaz de Krechba. Depuis le 31 décembre 2014, la population manifeste quotidiennement et occupe la place centrale de la ville (Sahat Essoumoud). Des tentes sont montées. Il s’est constitué un collectif anti gaz de schiste. Le 23 février une demande de moratoire est adressée au Président de la République.

    Fin janvier 2015, Total annonce sur son site n’être plus présent sur le site d’Ahnet depuis le 6 juin 2014. En 2009 Total avait annoncé avoir remporté un appel d’offres pour l’acquisition d’une participation de 49% (51% revenant à la Sonatrach) sur le permis d’exploration et d’exploitation Ahnet.

    Le caricaturiste Tahar Dhejiche a été interpellé par la police dans la wilaya d’Al Oued le 20 avril 2015 après avoir évoqué sur sa page Facebook l’exploitation du gaz de schiste, l’une de ses caricatures représentant Bouteflika à l’intérieur d’un sablier croulant sous le sable d’In Salah.

    En parallèle des marches sont organisées à Ouargla, Adrar, Batna, Tindouf, Metlili, In Ghar, Sahai Tahtania, Ghardaia. A Ouargla, les chômeurs bloquent quelques axes à Hassi Messaoud et réclament le départ du chef de l’agence de l’ANEM de l’APW. La jonction avec le mouvement anti gaz de schiste est faite début 2025.

    Manifestations à Alger, vite réprimées et à deux reprises devant le consulat d’Algérie à Paris.

    Présence de militant anti gaz de schiste au Forum Social Mondial à Tunis en 2015.

    BAHRAIN

    Les habitants de Ma’ameer et ses environs accusent les usines voisines d’être responsables des problèmes de santé et de décès, et de malformations à la naissance, selon le Ma’amer Environmental Activists Committee.

    Sitra, 23 novembre 2014, manifestation de pêcheurs contre les problèmes de pollution, causant la mort des poissons, la baisse des stocks et la diminution de leurs revenus ; certains pêcheurs se voient refuser des licences au détriment de personnes venues d’ailleurs. Ils simulent le détournement d’un important déversement de pétrole.

    EGYPTE

    Les habitants de Ouadi Al Qamar exigent depuis des années le transfert de l’usine de ciment Titan (Grèce) en raison des émanations de produits chimiques toxiques pour les poumons. Un décret de déménagement de l’usine dans une zone non habitée, pris en 1996 n’a jamais été appliqué. L’affaire est entre les mains du Tribunal administratif d’Alexandrie.

    5 avril 2011, le comité populaire contre la pollution environnementale de Chibra Al Khaïma appelle à manifester contre le projet de complexe pétro chimique de raffinage de l’hydrogène d’une production de 692 barils/jour, de raffinage du pétrole qui menace la santé des habitants du Caire et de Qalioubiya.

    2011, une campagne (militants, agriculteurs, pêcheurs) part d’Idku sur la côte méditerranéenne pour stopper les projets de BP de construire des pipelines sous la mer, des plate formes pétrolières et un projet gazier sur la plage. Les habitants ont déjà pâti de la pollution due à BG/Rashpetco’s LNG (poissons mort, ruine de l’agriculture). Le gaz naturel est exporté d’Idku en Europe et Asie orientale. Ils parviennent au prix d’énormes mobilisations de rue, graffiti, slogans, chants à stopper le projet. Les locaux de BP sont investis, les computers dérobés. Au bout de 18 mois de mobilisations, les manifestants obligent le gouverneur de Beheira à un moratoire et BP renonce au projet. La loi sur les manifestations (Sissi) er la nouvelle loi sur les investissements entrave les mobilisations. A la suite de ses revers à Idku, BP se tourne vers Kfar Sheikh pour son projet et se heurte à la mobilisation des habitants des villages.

    A Damiette, en novembre 2011, des manifestants se heurtent à l’armée lors de manifestations contre l’usine de fertilisants MOPCO (Misr Oil Processing Compagny) et Canada’s Agrium dont l’implantation remonte à quatre années. Il y a un mort (Islam Abdullah) et onze blessés. Le trafic a été bloqué et le port empêché de fonctionner. L’entreprise Canadian Methanex a fermé pour des raisons de sécurité. 18 juillet 2013, sit-in pour la fermeture de l’entreprise MOPCO. Les travailleurs de MOPCO manifestent devant le cabinet pour protester contre la fermeture provisoire de MOCPO.

    Août 2011, début des manifestations menées par des milliers d’habitants de Dabaa (gouvernorat de Matrouh) contre un projet de site nucléaire, d’affrontements avec les forces de l’ordre. 13 et 15 janvier 2012, la population de Dabaa manifeste contre le projet nucléaire destiné à produire de l’électricité, annoncé déjà par Mubarak et qui rencontre l’hostilité de la population et du secteur touristique en raison de la dévastation environnementale. 13 janvier 2012, 500 habitants partent en manifestation et sit-in (41 blessés dont 29 soldats selon Al Ahram). Les employés refusent de retourner travailler en l’absence de sécurité. 14 janvier 2012, poursuite des affrontements et du sit-in. 19 janvier, les habitants décident de construire Dabaa la Nouvelle et d’offrir des logements aux sans abri. Ils refusent de négocier. 15 juillet 2012, les habitants dénoncent la destruction de 350 de leurs logements, des murs, des arbres. Les habitants ont créé leur page Facebook. Accord Sissi Poutine les 9 et 10 février 2015 pour construire le site nucléaire.

    Avril 2012, Toukh, (Al Kalioubia) les populations d’Ajhour Al Kobra, Azba Al Saghir, Azba Al barbari, Al Haiaouan, Al Sadakia, Azbat Al Diwani, Kombatin, Al Amar et Barchoum manifestent devant la direction de la sécurité d’Alkalioubia et bloquent la route. Elles dénoncent l’exploitation du charbon dans les zones habitées, son exportation en Israël et la pollution à l’origine de leur état de santé dégradé.

    Al Houd Musullas, 7 avril 2012, des mobilisations empêchent la démolition de douze maisons. Le 20 novembre 2014, 350 habitants, pour la plupart des travailleurs agricoles, s’affrontent aux bulldozers et aux forces de sécurité qui veulent démolir leurs logements après avoir pollué leurs terres agricoles, car les eaux usées sont répandues dans les champs. 5000 familles sont menacées par des expropriations en vue de projet immobiliers. Le 22 septembre 2009, Hassan Shandy, un agriculteur qui avait tenté d’organiser les autres habitants contre les expulsions, avait été retrouvé mort avec un message explicite.

    16 octobre 2012, la population d’Al Sarw (gouvernorat de Damiette) manifeste pour exiger de ne plus appartenir à ce gouvernorat afin de ne pas connaître le sort des habitants de Sunsaft dont les habitants avaient été contaminés par la pollution de l’eau.

    12 février 2012, rassemblement des habitants de Ficha (gouvernorat de Mahmoudiya) contre la pollution et les autorités qui n’ont pas fait suivre leurs engagements d’actes. 24 janvier 2014, colère des habitants de Ficha contre la pollution de l’eau, qui conduit à des coupures et les contraint à acheter de l’eau en bouteilles.

    11 mars 2012, les pêcheurs de Kafr Al Dawar (gouvernorat d’Al Buhaïra), manifestent pour protester contre la pollution de l’eau du Nil.

    Wadi Firan (Sinaï), les bédouins ferment le 15 mai 2012 le siège de la société des eaux pour protester contre la pollution des eaux.

    3 septembre 2012, la population d’Arab Beni Wassil (gouvernorat de Sohag) manifeste devant les autorités du centre de Saqutla pour protester contre la pollution de l’eau potable.

    16 mars 2013, la population d’Al Dakhila et de Wadi Al Kamar (ouest d’Alexandrie), manifeste contre la pollution du port d’Al Dakhila. A l’origine l’usine Estyrenics de production d’Ethylène et Polyéthylène, à l’origine de cancers et d’insuffisances rénales dans la population.

    14 avril 2013, manifestation de la population d’Abou Alrich devant le gouvernorat d’Assouan pour exiger d’être protégés de la pollution de la raffinerie de Kima (Société égyptienne d’industries chimiques) qui déverse toujours ses eaux usées dans le Nil.

    24 avril 2013, manifestation de la population de Dandera (province de Qena) pour protester contre la pollution de l’eau.

    Mai 2013, manifestation devant l’ambassade d’Ethiopie au Caire pour protester contre la construction du Barrage de la Grande Renaissance sur le Nil, à des fins électriques plutôt que d’irrigation. La Chine est partie prenante du projet.

    12 août 2013, manifestation des populations de Nagaa Hamed, Nagaa Hermas, Nagaa Hamouda, Nagaa Chouiha et Nagaa Abdessatar (gouvernorat de Sohag). Elles édifient des barrages sur la route Le Caire/Assouan pour protester contre la pollution de l’eau potable.

    23 août 2013, manifestation des habitants des villages aux alentours de Rosetta contre la pollution des eaux, l’altération de l’eau potable et l’empoisonnement des poissons.

    15 septembre 2013, la population d’Houdh (gouvernorat d’Al Sherkia) manifeste contre la pollution de l’eau potable.

    21 Janvier 2014, des habitants de Mahmoudiya appellent à uriner sur les murs et dans les bureaux de la municipalité pour protester contre la pollution de l’eau potable, coupée depuis 5 jours. Ils exigent « pain, liberté et l’eau au robinet » ainsi que le départ des responsables de la ville.

    19 janvier 2014, manifestation des populations de Dessouk (gouvernorat de Kafr Al Sheikh) et des pêcheurs de la zone devant la municipalité pour protester contre l’élévation du taux d’ammoniaque dans le Nil qui tue les poissons et pollue l’eau potable. 22 janvier 2014, des habitants ferment les entrées du de la municipalité et en bloquent les accès aux employés et aux citoyens, pour protester contre la pollution de l’eau potable, due à l’élévation du taux d’ammoniaque. Le 18 février, les populations et les pêcheurs de Dessouk refusent la dispersion de leur manifestation contre la pollution de l’eau potable et de l’eau du Nil.

    1er septembre 2014, la population de Kamshoush, (gouvernorat de Menoufiya), manifeste devant la station d’eau, pour protester contre la pollution de l’eau potable, les promesses non tenues des autorités et exiger la fermeture de la station d’eau actuelle. Le 15 septembre 2014, nouvelle manifestation de ces populations devant le poste de police de Menouf contre la coupure d’eau. Ils exigent le départ du président de la société des eaux de Menoufiya.

    Fin décembre 2014, la population de Sunsaft coupe la route pour protester contre des cas d’empoisonnement dus à la pollution de l’eau potable.

    Mars 2015, la population de Salamun (gouvernorat de Menoufiya) se mobilise contre la pollution de l’eau potable.

    11 juin 2015, la population de Kafr Ficha (gouvernorat de Menoufiya) coupe la route où doit passer le gouverneur de Menoufiya pour protester contre la pollution de l’eau.

    7 juillet 2015, les populations d’Al Sawalem (gouvernorat de Damiette), se mobilisent pour l’accès à l’eau potable et exigent que des prélèvements soient effectués et que les canalisations soient changées.

    Des pêcheurs de Port Saïd apportent leurs revendications à Sissi à la veille de l’inauguration du nouveau canal de Suez, prévue pour le 8 août 2015. Ils se plaignent de la rareté des poissons due à la pollution de l’eau, notamment en raison de l’entreprise Senmar.

    15 août 2015, la population de Sanhur (gouvernorat d’Al Buhaïra) bloque la route agricole Damanhur-Mahmoudiyya pour protester contre les coupures d’eau, ce qui les contraint à recourir à e l’eau polluée.

    IRAK

    8 juillet 2012, des organisations de protection de l’environnement protestent contre la pollution émise par la Société des Pétrole du Nord de Kirkouk (Actuelle société des pétroles du Nord).

    28 juin 2015, Manifestation à l’occasion d’une conférence du World Heritage Committee de l’UNESCO à Bonn afin qu’Hasankeyf fasse parti du WH List et que le barrage d’Ilisu soit stoppé. 26 septembre 2013, rencontre internationale à Baghdad avec des militants d’Irak, de Turquie, du Royaume Uni, d’Allemagne et d’Italie. Save the Tigris Campaign. 22 mars 2014, rassemblement de militants à Basra à l’occasion de la journée mondiale de l’eau, pour protester contre la détérioration des ressources en eau dans le Chott Al Arab, notamment à cause du barrage d’ilisu. A l’initiative de Save The Tigris River and the Iraqi Marshes, la Onf Group, Al Firdos Association, Union with engineering professions-southern electricity sector.

    1er novembre 2013 à Darbandikhan, manifestation des habitants pour protester contre la pollution remontant à des années et qui s’est aggravée récemment dans l’eau potable distribuée dans la ville et accusent les pouvoirs locaux (Soulaymania) de négligence. De nombreuses maladies sont mises sur le compte de la pollution de l’eau depuis la construction du barrage de Darbandikhan.

    27 Mars 2014 les habitants de Bazyan, province de Soulaymania, manifestent contre le manque d’équipements, la pollution (causée par la raffinerie et la cimenterie) et le fait qu’ils sont délaissés par les autorités. Ils bloquent la route Kirkuk Soulaymania et interpellent le gouvernement du Kurdistan. 20 entreprises polluent la région et n’emploient pas les populations locales. Ils sont privés d’électricité, de route, d’hôpital. 205 personnes auraient un cancer (2014). Lafarge a acquis une cimenterie à Bazyan en 2009. 10 avril 2014, des diplômés chômeurs de la région d’Halabja ont brulé leurs diplômes, accusant le gouvernement du Kurdistan de favoritisme. Ils font partie de « Unemployed Graduate Campaign ». 16 mai des diplômés manifestent devant la direction de l’éducation de Garmyan. 4 juin 2014, des chômeurs diplômés de Bazyan bloquent la route Soulaymania Bazyan protestent contre le manque d’équipements.

    IRAN

    Février à avril 2015 : la minorité arabe d’Iran manifeste par dizaines de milliers dans le Khouzestan, à Ahvaz, Souss, Tuster, Abadan, Al Mohamarra, Hawizeh, Al Fallahiya et Al Khafajiya (appellations arabes de villes iraniennes), notamment contre le racisme et la pollution. Ils arborent des pancartes en arabe et persan pour protester contre la situation qui leur est faite, du fait de l’assèchement des fleuves en raison de la construction de barrages, notamment sur les fleuves Karoun et Karkheh, demandent que les rivières soient rouvertes. Ils dénoncent également l’implantation d’entreprises iraniennes qui engendrent la pollution de la région, qui concentre des champs de pétrole et de gaz qui assurent 85% du budget iranien. Le régime avait décidé de transporter les eaux des fleuves au centre du pays et d’industrialiser (aciéries, pétrochimie) cette région anciennement agricole. S’y mêlent la dénonciation de l’appauvrissement et du chômage. Sur les pancartes : « je veux avoir le droit de vivre dignement ». Février 2015, la pollution a contraint des écoles à fermer. L’OMS a déclaré Ahwaz comme la ville la plus polluée au monde.

    ISRAËL

    13 janvier 2013, les habitants de Qalansiwa et d’Al Tiba et Shaar Efraim, manifestent sur l’avenue 444 près de la zone industrielle de Qalansiwa contre l’entreprise de déchets Sharonim et contre les usines qui sont à l’origine de la pollution de la zone avec des pancartes « Notre maison n’est pas une poubelle » ou « Fermez Sharonim ». Des affrontements conduisent à l’arrestation du président du comité de l’environnement, Abdelsatar Hajj Yahya et d’un autre citoyen d’une vingtaine d’années.

    18 avril 2015, des habitants arabes et juifs de Haïfa manifestent à la suite de la publication par le ministère de la santé de rapports sur le cancer et la pollution à Haïfa.

    JORDANIE

    17 août 2011, manifestation à Amman contre le projet de centrale nucléaire à Mafraq, à l’est du pays, organisée par Greenpeace.

    8 novembre 2011, des citoyens se mobilisent dans le gouvernorat d’Ajloun pour exiger le contrôle des déchets des pressoirs d’olives qui s’infiltrent dans la nappe phréatique et polluent l’eau potable et l’eau destinée aux agriculteurs.

    Mai 2012, les députés suspendent le programme nucléaire jordanien, AREVA était alors sur les rangs.

    Août 2012, Amman, manifestation contre le recours à l’énergie nucléaire, à l’initiative de Green Peace, et pour l’énergie renouvelable (vent, soleil).

    Manifestation des Beni Sakher, tribu, contre l’annonce le 28 octobre 2013 de la construction de deux réacteurs nucléaires à Qusayr Amra, un désert à l’est d’Amman, en collaboration avec la firme Rosatom (Russie) entre deux plaques tectoniques et dans une zone de conflits, et d’approvisionnement en eau de la capitale. Lancement de campagnes de désobéissance civile à l’instigation des Beni Sakher. Mobilisation aussi de la tribu Kraisheh. Les premières mobilisations ont lieu à Qusayr Amra, puis à Amman, et à l’ensemble du territoire.

    Mobilisation contre la coupe annoncée en 2011 de 2200 arbres centenaires pour construire une académie militaire dans la forêt de Bergesh, près d’Ajloun, à l’initiative de la société civile, Green Peace.

    KOWEIT

    15 000 écoliers de la cité Ali Sabah Al Salem (dite aussi Umm Al Hayman, 55 km au sud de la capitale) font la grève de l’école pendant deux jours pour protester l’inaction du gouvernement face à la pollution ayant entraîné de nombreux problèmes respiratoires dans la population. Ils et elles manifestent en arborant des pancartes réclamant un air propre et le droit de faire grève. Il y a des installations pétrolières et 156 usines chimiques, dont la construction avait été déconseillée en 1994. Il faut soit « fermer les usines, soit reloger les habitants »

    LIBAN

    27 décembre 2011, des habitants d’Hassabiyya manifestent contre la pollution de la rivière Al Hassabani.

    17 janvier 2012, les populations de Jiyeh ferment l’entrée du port avec le concours des autorités municipales, pour protester contre le passage de camions de fuel.

    3 juillet 2012, manifestation contre la pollution à Beyrouth.

    Barja, décembre 2014 mobilisation contre la pollution industrielle à Jiyyeh, Sibline et Baasir, qui occasionne des problèmes respiratoires et des cancers, contre Electricité du Liban, qui frappe les populations dont 12 000 réfugiés syriens qui vivent là. Ils demandent que la décharge soit construite dans une zone inhabitée.

    Zouk Mikael, avril 2015, prolifération de cancers, asthme. Des centaines d’habitants du mont Liban bloquent l’autoroute Beyrouth Tripoli pour protester contre les émanations toxiques d’un site de carburant. Les manifestants demandent sa délocalisation ou son remplacement par du gaz.

    Beyrouth, juillet-août 2015, la population et le mouvement « Vous puez » protestent contre l’accumulation des ordures dans la ville et réclame le tri à la source, refuse les incinérateurs et exige la « chute du régime ». Le 22 août, les manifestations sont violemment réprimées.

    LIBYE

    Lancement de la campagne Cleaning Up Libya aux fins de nettoyer les villes et les reboiser, en l’absence de vide institutionnel. Fondée à Tripoli mais étend ses initiatives jusqu’à Benghazi.

    MAROC

    Imider, 200 km au nord-est d’Ouarzazate. Depuis 1969, la société métallurgique d’Imider exploite une mine d’argent. En 1986, la SMI creuse un puits en bas de l’Alban pour alimenter l’usine en eau. Manifestations. En 1996, la mobilisation reprend. Imider.

    Août 2011, les habitants occupent le mont Alban, en face de la mine d’argent d’Imider exploitée par une holding royale pour protester contre le pompage de l’eau et la pollution des sols au cyanure et au mercure. Ils sont montés sur la colline pour couper l’approvisionnement en eau de la mine. Cette lutte avait commencé par 48 jours d’occupation en 1996 (22 blessés, 23 arrestations dont 16 sont relâchés. En 2004, la SMI creuse un forage et construit un réservoir. Les étudiants manifestent le 1er août 2011 lorsque la SMI leur refuse une intégration d’un mois dans la mine. Puis hommes, femmes, chômeurs se mobiliser. Le 20 août la population occupe le haut de la montagne et le 23, l’eau du second forage est coupée et elle continue jusqu’à aujourd’hui. Les femmes y viennent quotidiennement pour cuisiner.

    L’argent de la mine est exporté aux Etats-Unis, en Suisse et en France.

    Les revendications : emplois (75% réservés aux locaux), traitement des déchets, filtrage des vapeurs, dédommagement des paysans expropriés. Les enfants boycottent l’école pendant une année.

    5 octobre 2011, arrestation de Mustapha Ouchtoubane, condamné à quatre ans de prison le 1er décembre 2011. 12 juillet 2012, arrestation de cinq autres militants (Moha Bennaser, Karim Lahcen, Faska Laadad, Taîeb Omar et Moha Ouljihad)à Tinghir et libérés suite à la mobilisation de la population. 7 juin 2013, H. Mounas est agressé. 28 décembre 2013, agression et arrestation d’Hamid Berki, déjà agressé le 17 juillet de la même année et laissé pour mort. 30 décembre 2013, arrestation d’Ichou Hamdan. 1er mars 2014 : arrestation musclée de trois militants (Omar Moujane, Brahim Hamdaoui, Abdessamad Matri), condamnés le 24 avril à trois années de prison. En appel, le 7 juillet 2014 la peine a été confirmée assortie d’une amende de 60 000 dirhams chacun. 31 décembre 2014 : arrestation de deux militants de MSV96.

    2 janvier 2015 le Mouvement Sur la Voie de 1996 organise une marche de protestation pacifique avec leurs revendications socio économiques et environnementales.

    Le mouvement propose un plan de développement alternatif pour les sept villages d’Imider : regrouper les écoles, mettre en place des moyens de transport. Aujourd’hui le campement est fait de maisons en dur, pouvant abriter de 100 à 400 personnes. Les décisions sont prises en assemblées avec les 7 villages : la réduction de la pollution, l’accès à l’emploi pour les locaux, une gestion raisonnée des ressources, des droits sociaux (santé).

    Au niveau juridique, aucune procédure n’est engagée contre les militants qui bloquent le puits. Ce dernier a été creusé illégalement, la SMI n’y a donc pas intérêt.

    La ZAD est soutenue par les ZAD de France, la CNT Catalogne, des militants brésiliens et thaïlandais. Le mouvement a reçu la visite de zadistes de Nantes. Le MSV 96 soutient les ZAD, NDDL, Testet.

    Les habitants et les agriculteurs d’Aïn Taoujdate manifestent le 29 janvier 2012 contre la pollution des eaux et de l’air causée par une huilerie qui entraîne aussi des pertes de bétail.

    5 octobre 2013, manifestation à l’appel d’associations de protection de l’environnement à Anza, pour protester contre la pollution à l’usine Komplema, une précédente fuite d’ammoniaque ayant blessé des employés de l’usine et contre la pollution émise par des usines textiles.

    12 février 2014, Kuneïtra, manifestation avec des masques pour protester contre la pollution de l’air à l’appel d’une association pour l’environnement.

    Les habitants de Douar El Gzazera et Douar Kassem manifestent le 28 février 2014 sur la route qui relie des deux localités pour protester contre le passage des camions transportant le phosphate à Youssefia, qui occasionne des fissures dans les logement, des affaissements de terrains, polluent l’air et menacent la vie des animaux. Ils exigent la libération d’un habitant qui avait manifesté précédemment.

    Safi, 21 septembre 2014, les militants de Safi participent à la marche populaire pour le climat organisée au niveau mondial, pour protester contre l’implantation d’une centrale thermique à Safi, qui travaille au charbon, qui doit pomper de l’eau de mer et la rejeter avec des substances polluées.

    Safi : campagne du port de masques protecteur pour protester contre la pollution après une fuite de gaz phosphoriques du complexe chimique de phosphates (OCP)

    Tan Tan, Manifestation des habitant(e)s de la cité Al Nahdha devant la municipalité contre la pollution industrielle due aux usines du nord de la ville. Ils exigent des compensations pour les préjudices subis.

    Le 29 mars 2015, manifestation à Safi contre l’implantation d’une centrale thermique dont l’appel d’offres a été remporté par des entreprises étrangères dont GDF Suez. Elle doit utiliser les techniques du « charbon propre ». Une association locale appelle à la construction d’une centrale à énergie solaire.

    30 mai 2015, les habitants de Tamlassat manifestent devant les autorités de la commune rurale de Drarga pour protester contre la non résolution de la question des déchets qui intoxique l’eau de la nappe phréatique.

    Taroudant, 19 mai 2013, manifestation contre le projet d’aciérie (firme indonésienne) à Stah Lamedina. Charge violente des forces de l’ordre. Hommes et femmes blessés sont transportés à l’hôpital local. Les populations dénoncent la municipalité qui a vendu leurs terres collectives sans indemnités. Sit-in le 9 juin 2013. Juin 2015, la commune urbaine de Taroudant résilie son accord avec Earthstone Metals and Minings (Indonésie).

    4 août 2015, des habitants de Mohammedia manifestent avec des masques pour protester contre la poussière noire émise par la station thermique de la ville.

    OMAN

    6 octobre 2012 les habitants de Liwa manifestent devant le bureau du gouverneur pour exiger l’éviction et le jugement de Jamal Abdel Aziz, directeur du port de Sohar et responsable de la pollution, de Mosab Al Mahrouki, directeur exécutif d’ORPIC, et de tous les responsables, la résolution du problème de la pollution, des emplois avec des salaires décents pour les habitants de Liwa, la résolution des problèmes de transport, des dédommagements pour la route côtière, des emplois, des soins pour les malades de la pollution, une assurance sociale pour les habitants du gouvernorat, l’exécution du plan de développement du gouvernorat.

    Manifestation d’hommes, de femmes et d’enfants à Liwa le 22 août 2013. Les forces de sécurité dispersent les manifestants avec des gaz lacrymogènes. Talib Al Maamari, député élu à la Choura fait partie des manifestants, est blessé et arrêté le 24 août au domicile d’un ami lors d’une descente ainsi qu’un membre du conseil municipal, Saqr Al Balouchi, à côté d’autres manifestants. Le 11 octobre 2013, il est libéré sous caution et arrêté le 13 octobre à nouveau et il sera privé de visite jusqu’en décembre. Le 10 Octobre 2013, il est condamné en première instance à 7 ans d’emprisonnement et en décembre 2013 à 4 ans, Saqr Al Balouchi est condamné à un an, Trois sont acquittés et cinq autres sont condamnés à un an de prison. Le tribunal suprême casse le jugement le 25 février 2014. Le TPI reporte l’examen au 24 mars, puis au 7 avril : sept accusés. Le 5 août 2014, il est condamné en première instance à 4 ans d’emprisonnement. En décembre 2014 le ministre du Logement annonce que la seconde phase de la construction d’une nouvelle ville de 3000 logements est presque finie (8 écoles, 2 universités, 11 mosquées). Elle est prévue pour 30 000 personnes qui seront éloignées du port de Sohar.

    Jaalan Bou Ali, novembre 2014, les écoliers assistent aux cours avec des masques pour protester contre la pollution due à une usine d’huile de poisson. Elle sera fermée par les autorités en janvier 2015.

    QATAR

    Lors de la COP 18 à Doha, l’Arab Youth Climate Movement est autorisé à manifester. Mais deux de ses délégués, Raied Ghablawy et Mohammed Anis sont interpellés le 6 décembre 2012 alors qu’ils interpellaient le Qatar à l’aéroport, ils sont expulsés du pays.

    SOUDAN

    Mobilisation durement réprimées des populations Manasir déplacées en 2007 (70 000 personnes) par le barrage Merowee sur le Nil, dont la construction s’est faite avec Lahmeyer (Allemagne) et Alsthom (France). Leurs revendications modestes de dédommagements n’ont pas été respectées. 30 villages ont été noyés et les habitants déplacés dans le désert de Nubie. Les Manasir suspectent Alsthom d’avoir corrompu le pouvoir soudanais pour pouvoir procéder à la construction du barrage. Elles mènent aussi des investigations sur la légalité des actions de Lahmeyer. 10 août 2015, les populations déplacées par le barrage dans la région d’Amri la nouvelle examinent la possibilité d’avoir recours à des mesures judiciaires contre les autorités du gouvernorat après la publication d’un rapport faisant état de la pollution à 83 % de l’eau potable.

    Janvier 2011, mobilisation contre le barrage de Kajbar dont le projet est aux mains de Chinois.

    1er juin 2011, la population d’Al Aylafun (gouvernorat de Khartoum) manifeste contre la pollution de l’eau qui est à l’origine de cancers.

    Juillet 2011, les habitants de Kalakila d’Al Sahafa et Jabra (Khartoum) manifestent contre la non alimentation en eau.

    Octobre 2012, Des habitants d’Ouad Madani bloquent à deux reprises les routes pour protester contre un projet agricole qui a des impacts environnementaux négatifs. La police tire des gaz lacrymogènes.

    29 septembre 2014, les populations d’Hodaiba manifestent à Khartoum contre la pollution causée par un élevage de poules ayant entraîné maladies et décès et réclament son déménagement.

    Juillet 2015, manifestations à répétition des habitants de quartiers de Khartoum (Dakhinat, Al Hajj Youssef, Darouchab, pour un accès à l’eau potable, l’eau étant polluée.

    SYRIE

    Lancement de l’agriculture urbaine dans des zones libérées ou assiégées à Yarmouk, Qalamoun, au sud de Damas, un projet appelé 15th Garden, soutenu par Heinrich Boell Fondation’s Middle East Office.

    TERRITOIRES OCCUPES

    Gaza, juillet 2012 ; rassemblement et marche d’enfants de la cité Borj Al Saada pour protester contre la pollution due à une imprimerie voisine (bruits et émanations toxiques). La manifestation est réprimée par des éléments armés.

    Tulkarem, 29 avril 2015, des Palestiniens et des militants internationaux manifestent à Tulkarem contre la présence de onze usines chimiques israéliennes dans la ville. Ils réclament un environnement sain et la fin de l’occupation. Un manifestant est blessé par des tirs de gaz lacrymogènes. Mais il existe aussi des usines produisant des plastiques, des teintures industrielles, des pesticides. Selon un rapport du ministre de la Santé de 2012, 77% des cas de cancers sont dus à la pollution industrielle.

    2 novembre 2014, environ 300 Palestiniens manifestent à Al Aissawya à Jérusalem Est pour réclamer l’ouverture des entrées de la ville fermée en guise de sanctions contre les affrontements qui durent depuis près de trois mois entre les jeunes et la police. Leurs pancartes dénoncent la pollution par les gaz et les produits chimiques » ou la ségrégation raciale.

    TUNISIE

    Février 2011, manifestations des habitants de Jradou (20 km de Zaghouan) pour l’arrêt des activités du centre de traitements des déchets industriels et spéciaux, inauguré en 2009 et financé aux deux tiers par l’Allemagne (Kreditanstalt für Wiederaufbau) dans le cadre de la coopération. Le 15 mars 2013, la justice ordonne l’arrêt des activités.

    Juillet 2011, Sidi Bouzid, manifestation des habitants pendant deux jours pour obtenir une compensation financière pour l’exposition aux poussières résultant de l’exploitation des carrières de pierre de Fayedh, qui a touché l’environnement et l’agriculture.

    Monastir, 11 septembre 2011, protestation des citoyens de « la fabrique de savon » pour en exiger la fermeture, pour cause d’émissions de gaz toxiques et d’odeurs dues à la fumée.

    Septembre 2011, blocage des camions de l’entreprise de production de ciment Balinvadh (Monastir), donc blocage de la production, par des manifestants exigeant une vie décente sans contamination et des indemnisations en contre partie des problèmes de santé et des dommages causés aux logements.

    Bakht, octobre 2011, manifestations pour le droit à la vie en raison de propagation de cancers dans la pollution mises en rapport avec les bancs de poissons morts sur la plage, les odeurs dégagées sur le littoral.

    El Berka, 6 mai 2012, manifestation contre la pollution, les explosions et l’assèchement de la nappe phréatique, causées par la compagnie des phosphates de Gafsa. 15 juillet 2014, rassemblement devant la Cour d’Appel de Gafsa contre la criminalisation des accusés d’Al Barka (12 en fuite) condamnés à des peines allant jusqu’à 10 ans d’emprisonnement.

    Sbeitla, janvier 2013, premier forum national de l’environnement.

    Ouled Nsir, 11 juillet 2013, manifestation des habitants victimes des nuisances dues à un forage pétrolier (société Dualex, Canada) : un an sans eau courante, bruit empêchant de dormir, 625 habitations fissurées par les vibrations, eaux usées rejetées dans les terrains agricoles, d’où l’eau détournée pour les cultures. Arrestations et condamnations de jeunes manifestants. 22 juillet 2013, manifestation des agriculteurs devant le gouvernorat de Kairouan contre le forage.

    Ksibet Al Mediouni, 12 septembre 2013, les habitants bloquent la route Ksar Hellal/Monastir conte la pollution de l’eau de mer entraînant la mort de bancs de poissons.

    6 octobre 2012, manifestation à Jerba contre la réouverture d’une décharge publique à Guellala. Usage de lacrymogènes contre les manifestants. Reprise des affrontements dans la soirée. Guellala, 6 juillet 2014, manifestation des habitants et des médecins de Djerba contre les ordures. 18 septembre 2014, grève générale des habitants d’Houmt Souk à l’appel de l’UTICA, fermeture des commerces, cafés et établissements scolaires. 25 et 26 septembre 2014, grève de la ville d’Houmt Souk à Jerba, pour protester contre la prolifération des maladies due à l’’accumulation des ordures. 27 septembre 2014, manifestation contre la pollution à Jerba sur l’avenue Bourguiba à Tunis. 20 novembre 2014, le bureau de l’UTICA proteste contre le laxisme des autorités envers la pollution.. 14 janvier 2015, sit-in de protestation à Jerba contre l’arrestation de manifestants anti pollution

    Gabès :

    Octobre 2012, manifestations de jeunes sur la place Aïn Salam contre le chômage et la pollution, et pour la construction d’une fac de médecine et d’un CHU. Avril 2013, blocage du port par les marins pêcheurs qui demandent un dédommagement pour les pertes occasionnées par la pollution. novembre 2013, manifestations pour la création d’un CHU en raison des accidents industriels, des brûlures. Le 27 novembre, des milliers de manifestants (partis de l’URT-UGTT) posent la première pierre d’une faculté de médecine à titre symbolique. 17 janvier 2014, des milliers de chômeurs manifestent pour obtenir des emplois à la Compagnie de l’environnement de la culture et du jardinage, qui emploi e 2400 personnes (mise en place par les autorités en réponse aux revendications des chômeurs). La police fait usage de gaz lacrymogènes, en arrête une dizaine et les relâche. Gabès, 11 décembre 2014, les marins, pêcheurs et aquaculteurs manifestent contre la dégradation de la situation du secteur maritime en raison de la pêche anarchique et de la pollution marine en raison du phosphogypse (engrais phosphatés), déversé par le Groupe Chimique Tunisien qui devrait verser des dédommagements et se voir interdire de polluer. 17 mars 2015, les marins pêcheurs sont en sit-in à l’entrée nord de la zone industrielle de Gabès, et les agriculteurs bloquent l’entrée sud contre l’absence de réponse du gouvernement à leurs demandes de compensation pour les préjudices causés à leurs activités par la pollution dues aux activités du Groupe Chimique Tunisien et exigent l’arrêt des rejets du phosphogypse dans la mer.. Ils sont dispersés à coups de gaz lacrymogènes. 16 octobre 2012, Oudhref, des habitants entament une grève générale pour protester contre la décision du ministère de l’industrie relative à la création d’une décharge de phosphogypse à Oudhref (avec subventions de l’UE et prêts de la banque européenne d’investissements) (20 km de Gabès) qui est proposée en alternative à l’immersion du PG dans la mer, et le blocage des routes menant à Gabès.

    La société franco britannique Perenco aurait commencé des essais d’extraction de gaz de schiste par fracturation hydraulique en 2010 et il aura fallu attendre novembre 2012 pour que le gouvernement parle publiquement de ce contrat. 9 octobre 2012, manifestation devant l’ANC contre l’exploitation des gisements de gaz de schiste. Un accord a été signé en novembre 2012 avec Shell pour exploiter cette ressource dans quatre forages dans la région de Kairouan.

    1er août 2015, les habitants de Boulaaba (gouvernorat de Kasserine) bloquent le carrefour d’Al Bratlia, pour protester contre la pollution de l’eau.

    YEMEN

    Avril 2014, Les habitants d’une banlieue de Sanaa (Al Mazra, district de Shaoub) ainsi que l’administration d’une école primaire, se mobilisent contre le brûlage de pesticides par les auorités, à la suite de leur confiscation dans le port d’Aden.

    Suqutra, octobre 2011, les manifestants nettoient les rues d’Hadiboh et poussent la rhétorique du nettoyage jusqu’à chasser les vendeurs de qat hors d’Hadiboh et Qalansiya.

    Publié vendredi 25 septembre 2015, Luiza Toscane, 25 août 2015

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article35958

  • Liban: les activistes de la campagne "Vous Puez" au ministère de l'Environnement (An Nahar)

    Des activistes de la campagne "Vous Puez" #طلعت_ريحتكم sont entrés de force au siège du ministère de l'Environnement à Beyrouth.
     
    Malgré les multiples tentatives des forces de sécurité de faire sortir les protestataires, ces derniers insistent d'y rester jusqu'à la démission du ministre Mohammad el-Machnouk. Suite à l'appel lancé par les activistes, plusieurs citoyens se sont rassemblés devant le siège du ministère en soildarité avec les protestataires.
     
    Des renforts de l'armée libanaise sont arrivés sur les lieux et les forces de sécurité ont bloqué toutes les entrées menant au bâtiment.
     
    La pression s'est accrue dimanche sur le gouvernement libanais au lendemain de la plus grande manifestation jamais organisée par la société civile qui lui a donné jusqu'à mardi pour trouver une issue à la crise des ordures.
     
    "Votre heure a sonné", ont prévenu les organisateurs de la campagne citoyenne "Vous puez" à l'adresse des dirigeants politiques, promettant une "escalade" si leurs revendications n'étaient pas entendues d'ici à mardi soir, au terme d'un ultimatum lancé samedi.
  • La malédiction des phosphates: dans les coulisses polluées et désertifiées de l’agriculture chimique (Basta)

    *

    En France et en Europe, le recours intensif aux phosphates dans l’agriculture provoque un appauvrissement des sols, pollue les rivières et génère la prolifération des algues vertes. Mais d’où viennent ces phosphates chimiques qui nous servent d’engrais ? De leur dispersion dans les campagnes françaises à leur extraction minière, Basta ! a remonté la filière du phosphate jusqu’en Tunisie, longtemps l’un des principaux fournisseurs de l’Europe. Oasis en voie de désertification, pathologies, pollution marine : ses impacts environnementaux, sanitaires et sociaux y sont également désastreux. Le phosphate, meilleur ami des agriculteurs, vraiment ? Reportage.

    Pour profiter de ce reportage en grand format, c’est ici.

    Sur les plages du Finistère, les algues vertes prolifèrent de nouveau depuis fin mai. A presque 3000 kilomètres de là, sur le littoral tunisien, les habitants de la ville de Gabès sont confrontés à une grave pollution de l’eau, de l’air et de leurs terres, et redoutent la disparition de leur oasis côtière. Le point commun entre ces maux ? Les phosphates.

    En Europe, les phosphates sont abondamment utilisés dans l’agriculture comme engrais, en tant que source de phosphore, mais aussi d’azote, de calcium et d’aluminium. Initialement apporté aux cultures sous forme organique (fumiers ou compost par exemple), le phosphore est de plus en plus épandu sur les terres agricoles européennes sous forme chimique [1].

    Si les conséquences de la sur-utilisation d’engrais phosphatés sont déjà visibles en France et en Europe [2], qu’en est-il en amont de la filière ? Basta ! a remonté la piste jusqu’en Tunisie où la production et la transformation du phosphate constituent l’un des principaux revenus du pays, avec le tourisme. La Tunisie était rangée au cinquième rang des producteurs mondiaux jusqu’en 2010 (4 % du PIB du pays, 10 % des exportations) [3]. Elle a été, pendant une décennie, l’un des trois principaux fournisseurs d’engrais chimiques de l’Europe, avec le Maroc et la Russie [4]. Confrontée aujourd’hui à des troubles sociaux, l’industrie du phosphate tunisienne est en perte de vitesse. Les contestations qui la paralysent ne sont pas sans lien avec les conséquences environnementales et sanitaires de la production et du traitement du phosphate. Et de décennies d’inconséquences.

    Mais où est passée l’eau de l’oasis ?

    Pour mieux comprendre l’impact du phosphate sur l’environnement, il faut se rendre à Gabès, à 450 kilomètres au sud de Tunis. Autour de cette ville grise qui borde la Méditerranée, on trouve une ceinture verte de palmiers, d’arbres fruitiers et de maraîchage. Un oasis maritime de 170 hectares où se rencontrent les eaux salées et les eaux douces. Pourtant, en ce mois de mars, seul de petites rigoles coulent ici ou là, dans le fond de la vallée. Une situation exceptionnelle ? Pas vraiment. « Les sources naturelles d’eau ont tari depuis des années », explique Mabrouk Jabri, un instituteur à la retraite. « Maintenant, on n’a accès à l’eau qu’avec des forages », ajoute Abdekhader Béji, un ouvrier agricole.

    Mais où est passée l’eau qui faisait autrefois de cet oasis un petit paradis sur terre ? Tous les témoignages pointent le Groupe chimique tunisien (GCT). En 1970, cette entreprise d’État s’est installée sur les rives du golfe de Gabès. Elle transforme chaque année environ quatre millions de tonnes de phosphate en engrais et en détergent, dont 90 % sont ensuite exportés par bateau vers l’Europe ou le reste du monde. Une petite partie, l’engrais ammonitrate, serait consommée localement. Pour transformer le phosphate, l’usine utilise de l’eau, beaucoup d’eau. 7 à 8 mètres cubes sont nécessaires pour produire une tonne d’acide phosphorique. Soit la contenance de plus de 50 baignoires standard. « Depuis l’installation du GCT, il y a une diminution remarquable de l’eau dans l’oasis », avance Skandar Rejeb, un professeur d’université et membre de l’Association de sauvegarde de l’oasis de Chenini (Asoc).

    L’agriculture dans l’oasis a été bouleversée. Il est de plus en plus difficile de cultiver ses parcelles, particulièrement en été, où les paysans doivent attendre deux mois et demi pour irriguer leurs cultures. « Autrefois, c’était entre 10 et 15 jours », se rappelle l’instituteur Mabrouk Jabri. Puisque l’eau douce se tarit, l’eau salée devient plus présente et détériore les cultures. La biodiversité s’amenuise. « Des espèces d’arbres qu’on voyait dans chaque parcelle disparaissent progressivement, comme les pommiers, les pêchers et les abricotiers », raconte Abdekhader Béji. Face aux difficultés, les jeunes se détournent progressivement de l’agriculture. « L’oasis était un lieu de vie où chaque famille cultivait son lopin de terre. Aujourd’hui, c’est tout un savoir-faire qui est en train de disparaître. » L’oasis ne représenterait plus que 170 hectares. Il en comptait 750 en 1970. Un paradoxe, alors que les phosphates servent à augmenter les rendements agricoles, de l’autre côté de la Méditerranée !

      

    Photo de l’oasis aujourd’hui :

    « La mer est malade »

    L’agriculture de la région n’est pas la seule à être affectée par le Groupe chimique tunisien. En bord de mer, les chalutiers sont amarrés. Seuls de petits bateaux lèvent l’ancre. L’activité du port tourne au ralenti. « Avant l’implantation de l’usine, le golfe de Gabès était un paradis pour les pêcheurs, car c’est un lieu où les poissons se reproduisent, la pépinière de la Méditerranée, expliquent Abdelmajd Ghoul et Fathi Fetoui, deux armateurs. Aujourd’hui, 90 % des poissons ont disparu. La mer est malade. » Là aussi, le GCT est pointé du doigt : tous les jours, le groupe industriel rejette dans la mer environ 13 000 tonnes de boues chargées en phosphogypse, un des déchets de la transformation du phosphate. « Le fond de la mer est tapissé par ces boues, indiquent les pêcheurs. A cause du manque d’oxygène, les fonds marins se sont désertifiés. Les poissons manquent de nourriture. Et quand le soleil tape sur l’eau, une réaction chimique s’opère entre les boues et l’eau. » 

    Un désastre environnemental qui débute au pied de l’usine, où des boues noires affluent à longueur de journée et se jettent dans la Méditerranée. Pour les pêcheurs, les conséquences sont désastreuses. Un des deux armateurs employait 15 marins. Ils ne sont plus que sept. Pour trouver du poisson, ils doivent aller plus loin, vers le Nord et la ville de Sfax. Mais cela demande plus de carburant, donc les coûts augmentent. Faute de travail, de moins en moins de pêcheurs ont accès à la sécurité sociale. Certains ont vendu leur matériel ; d’autres continuent leur activité et réparent régulièrement leurs filets pris dans la colle jaunâtre qui tapisse les fonds marins. A cela s’ajoute un problème de surpêche de gros chalutiers et un manque de contrôle des autorités.  

    Plus de maladies qu’ailleurs ?

    En plus des pêcheurs, Gabès a vu ses plages désertées et les touristes disparaître. Les fumées de l’usine et l’odeur de soufre qui rend parfois l’air de la ville irrespirable ont eu raison de son attrait touristique. La dégradation de la qualité de l’air inquiète la population. Les rejets atmosphériques du GCT sont accusés de provoquer des cancers et des cas de fluorose. Cette maladie, Moekles, un jeune informaticien, en est atteint. « J’ai des douleurs aux os, et je peux facilement me casser quelque chose, explique-t-il. Je dois faire attention à chacun de mes mouvements. » Le médecin qui le suit n’a pas fait le lien avec les rejets de l’usine de fluor adossée au GCT. Mais les symptômes de Moekles ne sont pas rares.


    Foued Kraiem, le président de l’Association tunisienne de l’environnement et de la nature, suit de près les conséquences de l’industrie du phosphate. Pour lui, la région de Gabès recense une forte densité de maladies, dont des cancers. « Dans certaines familles, plusieurs membres sont malades », atteste t-il, évoquant également des pathologies pulmonaires comme les allergies ou l’asthme. Les malades sont obligés de se rendre à Sfax, à 2h30 de route, pour être soignés, car Gabès n’a pas les infrastructures hospitalières nécessaires. « Nous demandons qu’il y ait une vraie étude épidémiologique, sur 3000 familles », réclame Foued Kraiem. Une étude qui permettrait enfin d’établir les éventuelles responsabilités de l’usine de transformation du phosphates. Et de contrebalancer l’extraordinaire poids économique qu’elle représente à l’échelle de la région, et de la Tunisie !

    « Le maximum de bénéfices avec le moins de dépenses possibles »

    Dans la région de Gabès, l’usine emploie officiellement près de 4000 personnes. En 2010, le GCT générait 2,1 milliards d’euros de chiffres d’affaires. Des résultats qui sont tombés aux alentours de 700 millions d’euros, en 2012 et en 2013, à cause des grèves (voir ci-dessous) [5]. Malgré cette diminution, l’usine représente une manne financière extraordinaire pour la Tunisie, un véritable poumon économique... aux conséquences désastreuses sur le long terme.

    « Quand l’usine de phosphate a été créée, nos parents ont applaudi : il y aura du travail », se souvient Mabrouk Jabri, l’instituteur de Chenini. Quarante ans plus tard, le bilan est catastrophique. Non seulement le GCT n’a pas investi dans le développement social de la région, mais il a détruit son environnement. « L’usine souhaite réaliser le maximum de bénéfices avec le moins de dépenses possibles, regrette Mabrouk Jabri. La région est touchée par la pauvreté culturelle et les problèmes de santé. Le GCT pourrait au moins résoudre ces problèmes grâce aux millions qu’elle gagne par jour. »

    Depuis la révolution tunisienne, la liberté d’expression acquise est utilisée pour critiquer l’usine, autrefois intouchable. Les associations foisonnent, les mobilisations aussi. En 2011, les pêcheurs de Gabès ont bloqué le terminal commercial du GCT pendant une douzaine de jours, afin de faire pression pour que les rejets en mer cessent. Les jeunes de Gabès ont profité du Forum social mondial à Tunis, en mars 2015, pour alerter l’opinion publique sur la pollution environnementale. Les associations et les représentants de la société civile participent désormais à des négociations avec l’entreprise. « Avant la Révolution, il était impossible de discuter avec la compagnie », se souvient Mabrouk Jabri. 

    Entre déni et greenwashing

    Le groupe chimique tunisien ouvre désormais ses portes aux journalistes. Il a même recruté un directeur en charge de l’environnement, Noureddine Trabelsi. Dans la salle de réunion sont exposés les différents produits fabriqués sur le site : acide phosphorique, engrais phosphatés, adjuvant d’aliment de bétail... « Nous sommes conscients des problématiques environnementales, que ce soit la pollution atmosphérique ou les rejets en mer, plaide t-il. Mais on injecte 7 millions de dinars dans l’économie de la région. Nous sommes la locomotive de Gabès ! » Face aux critiques, le groupe communique sur les « mises à niveau environnementales » du site de production. Noureddine Trabelsi égrène les millions de dinars investis dans de nouvelles technologies pour réduire, d’ici fin 2015, les émissions d’ammoniac et d’oxyde d’azote. Le groupe espère même « éliminer l’odeur de sulfure  », ce gaz malodorant qui envahit les rues de Gabès par intermittence. Les émissions seront donc toujours présentes, mais bien moins perceptibles, promet-on...

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    Si le groupe reconnaît le rejet de phosphogypse en mer – une tonne d’acide phosphorique produite pour cinq tonnes de phosphogypse ! – il dément son rôle dans la dégradation de la faune marine. Mais il admet que la pollution au phosphogypse peut avoir un effet sur la pêche, « l’amenuiser », tout en clamant que « les vrais responsables sont les grands bateaux qui drainent tout ». La responsabilité de la France est aussi pointée du doigt. « La première usine en 1972 a été créée par le SPIE Batignolles (groupe français de BTP, ndlr) qui a programmé ces rejets, rappelle Noureddine Trabelsi. A l’époque, la France rejetait le phosphogypse dans la Seine, avant que ce ne soit interdit à la fin des années 80. On ne savait pas qu’il y avait de la pollution derrière... ». Mais cette ignorance ne suffit plus à tempérer la colère des riverains. 

    Déplacer la pollution

    Au fond de la salle, une immense carte du littoral dévoile les ambitions du groupe. « On va faire six pipelines enterrés sur 23 kilomètres pour transporter les boues de phosphogypse », détaille Noureddine Trabelsi. Soutenu par l’Union européenne, le projet visait initialement à stocker les boues à Ouedref, un village situé à une vingtaine de kilomètres de Gabès. « On a proposé un stockage avec une géomembrane, mais la population a refusé... On vient de proposer deux autres sites à la société civile. » Aux craintes de contamination des nappes phréatiques s’ajoutent celles relatives à la radioactivité des boues. « Avec la Révolution, c’est devenu difficile. Les habitants ne veulent plus de décharges chez eux. Et en même temps, tout le monde veut être recruté par notre groupe. »

    Le GCT rejette par ailleurs toute responsabilité dans l’épuisement des nappes. « Notre groupe, c’est 6 % de la consommation d’eau à Gabès. Or, le manque d’eau est dû à l’agriculture qui en consomme 80 % », se défend le responsable environnement de l’entreprise, sans être en mesure de nous transmettre la moindre étude à ce sujet. Une chose est sûre : la consommation d’eau du groupe s’est réduite ces dernières années suite à la division par deux de la production [6]. « On rencontre des difficultés dans l’approvisionnement en phosphates. Il y a des problèmes sociaux dans le bassin minier de Gafsa, là où sont extraits les phosphates. On espère que la situation va se débloquer... »

    Dans les mines : « Les oubliés du phosphate »

    Les rails qui longent le complexe industriel de Gabès mènent au bassin minier de Gafsa, un parcours de 150 kilomètres vers l’Ouest de la Tunisie. C’est là que les phosphates sont extraits du sous-sol avant d’être envoyés à Gabès pour y être transformés. Là aussi, c’est une entreprise liée aux phosphates, la CPG [7], qui reste le principal employeur de la région. L’entreprise est l’un des plus gros producteurs de phosphates dans le monde (8 millions de tonnes en 2010). Mais a quasiment cessé d’embaucher [8].

    « Avec les modernisations des techniques d’extraction, la CPG a besoin de moins en moins besoin d’ouvriers, indique Taoufik Ain, de l’Association du bassin minier pour l’investissement et développement, à Moularés. Il y en avait 15 000 en 1980, on est à 5 000 aujourd’hui. » « En 2014, les pertes, aggravées par la baisse des cours du phosphate – entamée en 2012 et qui pourrait durer jusqu’en 2025 selon la Banque mondiale –, ont atteint 20 millions de dinars (8,8 millions d’euros) en 2014 », précise le journal Jeune Afrique

    Dynamite, poussières, cancers

    Dans cette région du Sud-Ouest, le chômage atteint 29 %. A la désespérance sociale se mêlent les problèmes sanitaires. « Les poussières provoquent des maladies respiratoires, des cancers. Il y a aussi des problèmes de dents à cause du fluor présent dans l’eau. Les os peuvent se casser. » L’absence d’hôpital à Gafsa contraint les habitants à se rendre à Tunis ou Sousse. Dans cette zone aussi, les habitants constatent l’épuisement de l’eau souterraine. « Il n’y a pas d’agriculture possible avec ces ressources en eau qui diminuent. »


    « Le problème, ce n’est pas le phosphate, mais la façon dont on le traite », précise Zaybi Abdessalem, de l’association Mlal environnement. « Pour l’extraire, on utilise de la dynamite. Les secousses sont entendues tous les jours, à midi. Elles ébranlent les maisons, causent des fissures chez ceux qui sont à un ou deux kilomètres. Plus on met d’explosif pour extraire davantage de phosphate, plus les poussières se dispersent sur le territoire. » Pour éviter que les poussières ne se répandent dans l’environnement, le phosphate doit normalement être humidifié lors du transport. « Comme ils veulent gagner du temps et de l’argent, ils ne le font pas. Au Maroc, ils respectent les normes alors qu’ils extraient deux fois plus de phosphate. Ici, ils veulent en vendre plus et ils se fichent de notre santé ! » Depuis quatre ans, la vie des « oubliés du phosphate » bat au rythme des revendications sociales, des grèves et des mouvements protestataires (voir la bande annonce de Maudit soit le phosphate, un documentaire sur les grèves et leur répression).

    http://primed.tv/maudit-soit-le-phosphate/

    De Gabès à Gafsa : « pollueur payeur »

    Une telle industrie, même en s’adaptant, peut-elle être plus respectueuse de l’environnement ? C’est le point de vue des responsables des associations du bassin minier de Gafsa. « L’eau qui sert à laver le phosphate pourrait être réutilisée au moins deux fois pour le lavage des nouvelles roches », illustre l’un d’eux. Ce qu’ils espèrent surtout, c’est une redistribution d’une partie de l’argent du phosphate pour soutenir le développement de la région, en termes de soins de santé ou d’éducation. « Nous avons le droit de vivre dans un bassin minier propre. Il faut respecter la loi et sinon, on doit retirer la licence de l’entreprise ! »

    A Gabès, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), centrale syndicale, réclame l’application du principe « pollueur payeur ». « Il n’y a pas d’équilibre entre un secteur qui produit beaucoup d’argent, mais aussi beaucoup de dégâts. Rien n’a été fait depuis les années 1970. Nos services sanitaires ne sont pas à la hauteur. Les habitants sont obligés d’aller à Sfax ou Sousse pour se faire soigner. Malgré les législations tunisiennes, aucune étude d’impact n’est réalisée. » Le syndicat demande lui aussi un soutien au développement économique et social de la région.

    Changer de modèle de développement

    Autour du complexe chimique, les citoyens n’attendent plus que l’entreprise agisse. Ils multiplient les projets pour sauvegarder l’oasis de Gabès, construisant des retenues d’eau, soutenant l’installation de paysans, développant un tourisme solidaire et la commercialisation de produits locaux (voir notre reportage). Ensemble, ils démontrent qu’un autre développement de la région est toujours possible. Mais réussiront-ils si l’eau ne revient pas ?

    A l’autre bout de la filière, en France et en Europe, les engrais phosphatés contribuent à une dégradation générale de la situation environnementale. Combien de temps faudra t-il pour réguler un système destructeur pour l’environnement et la santé, dans lequel les habitants et les agriculteurs sont pris au piège ? Au-delà de la seule limitation des phosphates dans les lessives et détergents pour lave-vaisselles à usage domestique...

    Texte : Simon Gouin et Sophie Chapelle

    Images (photos et vidéos) : Nathalie Crubézy / Collectif à vif(s)

    - Le reportage photo est tiré du projet en cours "Time for change : pour une production et une consommation soutenables des matières premières" porté par l’Aitec, en partenariat avec Attac, Bastamag et le collectif à-vif(s)

    Notes

    [2La concentration excessive de phosphates dans l’eau entraine une eutrophisation des rivières à débit lent des lacs, des réservoirs et des zones côtières, qui se manifeste par une prolifération d’algues bleu-verte, une moindre infiltration de la lumière, la raréfaction de l’oxygène dans les eaux de surface, la disparition des invertébrés benthiques et la production de toxines nuisibles aux poissons, au bétail et aux humains. Source

    [3La Chine, le Maroc et les États-Unis assurent à eux-seuls plus des deux tiers de la production mondiale de phosphates, voir U.S. Geological Survey, Mineral Commodity Summaries, Janvier 2015 Source

    [4The World Phosphate Market, What Risk for the European Union, Inra, Juin 2014 (voir ici).

    [6« La quantité de phosphates produite a pu atteindre 3,9 millions de tonnes de phosphates maximum par an à Gabès, illustre Noureddine Trabelsi. Aujourd’hui on est à deux millions de tonnes. »

    [7La CPG, compagnie des phosphates de Gafsa, est une entreprise publique qui a fusionné en 1994 avec l’un des principaux groupes industriels en Tunisie, le Groupe Chimique Tunisien (également public).

    [8Un plan stratégique de réforme intitulé « Plan de réhabilitation de la CPG » fut mis en place par le gouvernement tunisien à partir de 1985. Financé par des prêts, de la Banque mondiale puis de la Banque africaine de développement, ce plan prévoyait notamment la mécanisation de la production, la réduction des charges et des coûts d’exploitation et la réduction des effectifs. Voir les rapports disponibles sur le site de la Banque africaine de développement

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    http://www.bastamag.net/La-malediction-des-phosphates-les-dessous-de-l-agriculture-chimique

  • Le gaz de schiste en Algérie : un mouvement de contestation inédit (Algeria Watch)

    Hocine Malti, Parlement européen, Bruxelles, 4 juin 2015

    Conférence du groupe des Verts sur les hydrocarbures non conventionnels au Parlement européen '"Un point de vue extra européen : le cas de l'Algérie".

    La genèse

    Tout a commencé il y a une dizaine d’années quand l’Agence américaine de l’énergie a publié une étude dans laquelle l’Algérie était classée troisième au monde pour ce qui est des réserves de gaz de schiste, qu’elle avait estimées à près de 20 000 milliards de m3. Disons tout de suite que ce sont là des chiffres fantaisistes : la même agence, en utilisant les mêmes techniques d’appréciation, s’est trompée dans un rapport de un à cinq pour ce qui est des réserves de la Pologne. Pour la Californie, ce sont 96 % des réserves qu’elle avait annoncées qui n’existent pas en réalité. En Algérie, cela n’est cependant pas tombé dans l’oreille d’un sourd ; la compagnie nationale des pétroles Sonatrach, se fondant sur ces affirmations, a foré un premier puits de gaz de schiste en 2008.

    En parallèle, en 2010-2011, le gouvernement s’est rendu compte que l’Algérie n’attirait plus les investisseurs étrangers, en raison d’une loi sur les hydrocarbures qui était devenue un véritable repoussoir. Il décida alors de la changer. Il prit attache des compagnies pétrolières étrangères et entreprit avec elles ce que l’on peut considérer comme des négociations secrètes, dans le but de savoir quelles modifications elles souhaitaient. Elles « suggérèrent » que soit révisé le système de calcul de l’impôt et que soit autorisée l’exploitation du gaz de schiste. Ce que le gouvernement fit dans une nouvelle loi sur les hydrocarbures, entérinée par le Parlement en 2013.

    Les multinationales pétrolières ne se bousculèrent pas pour autant au portillon, car elles ne voulaient pas essuyer les plâtres, tant sur le plan technico-économique qu’au plan des relations avec les populations locales. Preuve en est que lors de l’appel à la concurrence pour l’attribution de permis de recherche de septembre 2014, aucun des dix-sept périmètres censés contenir du gaz de schiste ne trouva preneur. Sonatrach se lança alors seule dans le forage de puits d’exploration. Elle a réalisé, à ce jour (autant que l’on sache, car aucune information ne filtre à l’extérieur), sept à huit puits dont deux sur le permis de l’Ahnet (région d’In-Salah).

    La réaction de la population

    Dès que l’on sut, déjà en 2012, que la nouvelle loi sur les hydrocarbures allait permettre l’exploitation du gaz de schiste, un vent de protestation se mit à souffler sur l’Algérie. Les mouvements associatifs, des spécialistes pétroliers, des journalistes, des responsables politiques, des syndicalistes manifestèrent leur opposition à ce projet. Le mouvement de protestation s’amplifia en 2013, après la promulgation de la loi. Le Premier ministre tenta de calmer le jeu et fit notamment une déclaration, dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle est malheureuse : il dit que l’exploitation n’était pas prévue avant 2025, voire 2040, comme si le fait de reporter à plus tard la catastrophe la rendait plus acceptable. Il dit aussi que les produits chimiques utilisés lors de la fracturation hydraulique n’étaient pas plus nocifs que ceux dont sont imbibées des couches-bébé…

    À In-Salah, le mouvement de protestation de la population a été plus puissant que partout ailleurs. Parce que, non seulement le forage des deux puits programmés se déroulait, on peut dire aux portes de la ville (à 28 km à vol d’oiseau), mais aussi parce que des dizaines, voire des centaines d’autres puits suivront, dans le cas où il serait décidé d’exploiter le gaz contenu dans ce bassin géologique. L’opposition de la population d’In-Salah est d’autant plus légitime qu’elle souffre de traumatismes antérieurs. C’est dans cette région qu’ont eu lieu les expériences atomiques françaises des années 1960 et c’est ici aussi que se déroule une autre opération extrêmement dangereuse pour l’homme et son environnement, celle de la séquestration du CO2 dans le gisement de gaz de Krechba.

    Le face-à-face autorités-population

    La visite du ministre de l’Énergie, fin décembre 2014, pour inaugurer le premier puits allait mettre le feu aux poudres à In-Salah. Il s’en prenait violemment à la population qui, disait-il, avait montré par ses manifestations contre le gaz de schiste qu’elle voulait du mal à son pays et qu’elle allait en faire un nouvel Irak ou une nouvelle Libye. Dire cela à des gens connus pour leur pacifisme et qui, après tout, ne réclament rien d’autre que le droit à la vie…

    Depuis le 1er janvier 2015, c’est toute la population qui manifeste journellement, du matin au soir sur la place centrale de la ville qu’elle a débaptisée et qu’elle appelle Sahat Essoumoud (place de la Résistance). Il s’est constitué un collectif anti-gaz de schiste composé de vingt-deux membres qui veille à ce que le mouvement demeure pacifique, mais extrêmement ferme dans ses revendications. C’est là un fait inédit en Algérie, et ce pour deux raisons.

    C’est la première fois que l’on voit autant de femmes dans une manifestation de rue. Ailleurs à travers le pays, on ne voit d’habitude que des hommes et quelques rares femmes noyées dans la foule, alors que là il y a pratiquement autant de femmes que d’hommes. La seconde raison est que l’on a affaire à un mouvement citoyen sans motivations politiques ni matérielles. Cette foule ne dit pas « Bouteflika, dégage ! » et ne demande pas d’argent ou de privilèges particuliers. Et ça, le pouvoir ne sait pas traiter.

    Il sait comment casser un mouvement de contestation politique. Par la matraque, les gaz lacrymogènes, les arrestations, etc. Par la manipulation et l’infiltration du mouvement : il sait corrompre les leaders ou pousser à la violence les militants. Par le « clonage », en créant un mouvement parallèle, généralement plus extrémiste dans ses revendications affichées pour mieux torpiller l’action des mouvements d’origine. Toutes ces techniques ont été utilisées sans succès à In-Salah. Pour neutraliser un mouvement de contestation à motivation matérielle, le régime algérien sort quelques millions de dollars du Trésor public qu’il distribue aux contestataires et achète ainsi la paix sociale. À In-Salah, ce sont tour à tour le Premier ministre, le chef de la police, le chef de la région militaire qui se sont rendus sur place et ont tenté de calmer les ardeurs de la population. Laquelle rejette toute discussion et n’exige qu’une seule chose : que le président de la République proclame l’arrêt des forages.

    La contestation a pris une ampleur particulière au cours du premier trimestre 2015 . On a vu naître un peu partout à travers le pays des collectifs identiques à celui d’In-Salah, qui se sont fédérés au niveau national au sein d’un « collectif national Non au gaz de schiste ». Le 23 février, a été adressée au président de la République une demande de moratoire, accompagnée d’un argumentaire extrêmement bien fait dans lequel sont démontrés tous les dangers que comporte la technique de fracturation hydraulique utilisée pour extraire le gaz de schiste de la roche-mère ; les dangers pour la santé de l’homme mais aussi les risques de pollution du sol, du sous-sol, de l’air, de l’eau, notamment de la couche albienne qui recèle des dizaines de milliers de milliards de mètres cubes d’une eau fossile, accumulée là depuis la nuit des temps. Cet argumentaire relève également que l’exploitation du gaz de schiste est économiquement non rentable.

    Dans la demande adressée au président de la République, en sus de la promulgation d’un moratoire, il a été proposé qu’ait lieu un débat public, une confrontation d’idées entre les experts ayant préparé l’argumentaire qui y est joint et les spécialistes qui auraient préparé le dossier technique sur lequel s’est appuyé le gouvernement pour autoriser l’exploitation du gaz de schiste. À ce jour, aucune réponse n’a été donnée par le président de la République à cette requête.

    L’« assistance » américaine

    Constatant que le mouvement de rejet de l’exploitation du gaz de schiste se propageait rapidement à travers le pays et craignent que le « virus » n’atteigne le cœur de la Sonatrach, le pouvoir a fait appel à l’assistance des États-Unis. Le 18 février de cette année il fit inviter par l’IAP (Institut algérien du pétrole) un spécialiste « indépendant » américain qui vint à Alger exposer aux cadres supérieurs de l’entreprise nationale les bienfaits que cela procurerait à l’Algérie. Effectivement, ce spécialiste, Thomas Murphy, directeur du Penn State Marcellus Center of Outreach and Research, ne dit que du bien de la fracturation hydraulique, une technique qui serait, selon son expérience personnelle en Pennsylvanie, sans danger pour l’homme, pour la faune et pour la flore. Il ne fit qu’une seule recommandation, celle d’agir en toute transparence, car, dit-il, les masses populaires sont ignorantes de toutes les retombées positives que procure l’exploitation du gaz de schiste.

    Il faut savoir que le centre de recherches que dirige M. Murphy est chargé du suivi de l’exploitation du gisement de gaz de schiste de Marcellus, l’un des plus grands – si ce n’est le plus grand – aux États-Unis, et que participent au fonctionnement et au financement de ce centre pas moins de trois cents firmes, toutes intéressées à un titre ou un autre par l’exploitation du gisement. Que pouvait donc dire d’autre M. Murphy, si ce n’est louer les bienfaits de l’exploitation du gaz de schiste ? Le gouvernement connaissait évidemment ce « détail » : c’est en toute connaissance de cause qu’il fit appel à ce représentant d’un lobby, qu’il présenta comme un expert « indépendant ».

    Autre initiative américaine, la venue à Alger dans le courant de la première quinzaine de mars  2015 de Charles Rivkin, sous-secrétaire d’État aux Affaires économiques, qui fit une conférence de presse à l’ambassade des États-Unis, au cours de laquelle il déclara qu’il « n’avait pas de conseils à donner aux Algériens, mais qu’il fallait qu’ils sachent que, dans son pays, l’exploitation du gaz de schiste avait été créative d’emplois, que la technique utilisée était saine et sans dangers et que l’opération était rentable ». Puis il ajoutait que « les États-Unis étaient disposés à fournir à l’Algérie l’assistance technique nécessaire, si elle le désirait ». Venant de la part d’un représentant officiel de la première puissance mondiale, c’était là plus qu’un conseil donné aux Algériens, c’était un ordre.

    Pollution et hécatombe d’oiseaux

    Aujourd’hui, il est certain que la pollution est déjà là. Elle est partout : dans l’air, à la surface du sol et dans le sous-sol. Il n’est qu’à voir, pour s’en convaincre, ces images diffusées sur Internet de bourbiers laissés derrière eux par les exploitants, qu’il s’agisse de Halliburton ou des foreurs de la Sonatrach. Il y a de fortes chances que la nappe d’eau phréatique, utilisée par la population locale pour ses besoins personnels, soit déjà polluée ou en voie de l’être très bientôt.

    D’ailleurs des pigeons sont morts, des faucons sont morts, des volées de cigognes en migration sont mortes également. On ne connaît pas la raison exacte d’une telle hécatombe, très probablement la conséquence de la pollution des eaux et de l’air causée par les forages réalisés ou en cours dans la région. Connaîtra-t-on un jour la vérité ? Cela semble difficile, car les vétérinaires d’In-Salah ou des villes avoisinantes, sollicités pour procéder aux examens, analyses ou autopsies qui permettraient de déterminer les causes de ces morts, refusent de les faire. Ils craignent des représailles de la part des autorités dans le cas où ils viendraient à démontrer des liens de cause à effet entre les forages de gaz de schiste et ces disparitions d’oiseaux…

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/eco/gaz_schiste/intervention_malti_bruxelles.htm

  • Jeudi 11 Juin 2015 : « Le sionisme en questions » Pierre Stambul

    palestine1900-2000

    Le 11 juin 2015 à 20:00

    Amphi 2 

    29 Boulevard Gergovia, U.F.R. Lettres, Langues et Sciences Humaines,

    Clermont-Ferrand, France

    La guerre qu’Israël mène contre le peuple palestinien avec son cortège de nettoyages ethniques et de crimes de guerre n’a commencé ni en 1967, ni même en 1948. Elle remonte au début du XXe siècle quand les sionistes ont commencé leur conquête coloniale. Les « solutions » comme les accords d’Oslo qui ont voulu éviter d’aborder les questions vives (occupation, colonisation, apartheid, racisme …) ont définitivement échoué. Il est clair aujourd’hui qu’il s’agissait alors d’une grande illusion.

    La question du sionisme est centrale comme l’était celle de l’apartheid quand il a fallu imaginer un autre avenir pour l’Afrique du Sud.

    Le sionisme est à la fois une fausse réponse à l’antisémitisme, un nationalisme, un colonialisme et une manipulation de l’histoire, de la mémoire et des identités juives. Il est aussi une idéologie prétendant transformer les anciens parias de l’Europe jugés inassimilables en colons européens en Asie. Parce qu’il a gommé les différences idéologiques, le sionisme a abouti au gouvernement de type OAS qui gouverne aujourd’hui Israël.

    Cette idéologie n’est pas seulement criminelle pour les Palestiniens, elle n’offre aucune issue pour les Juifs qu’elle met sciemment en danger et qu’elle voudrait pousser à être traitres ou complices.

    Sans dépassement ou rupture avec le sionisme, aucune paix juste n’est envisageable.

    Pierre Stambul est membre de l’Union Juive Française pour la Paix dans laquelle il exerce ou a exercé de nombreuses responsabilités. Il est l’auteur de « Israël/Palestine, du refus d’être complice à l’engagement » (ed. Acratie, 2012).

    https://amistempsdescerises.wordpress.com/2015/04/03/jeudi-11-juin-2015-le-sionisme-en-questions-pierre-stambul/

  • Pesticides, des dangers insoupçonnés (El Watan)

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    L’utilisation massive des pesticides a un impact désastreux sur la qualité sanitaire des fruits et légumes mis sur le marché. Le consommateur ignore très souvent la menace qui pèse sur sa santé et le contrôle des traitements en amont reste aléatoire

    25 groupes de pesticides — pour la plupart utilisés en Algérie — ont été déclarés substances cancérigènes. Plus de 150 études réalisées dans 61 pays ont incriminé les pesticides dans l’apparition des maladies cancéreuses, de l’infertilité  et des perturbations du système immunitaire.

    L’utilisation généralisée des pesticides dans les exploitations agricoles, mais aussi dans les espaces verts, les forêts, les maisons entraîne des problèmes de santé, dont des cancers et des décès dans de nombreuses régions du monde, souvent en raison d’une exposition sur le lieu de travail ou d’une intoxication accidentelle ou intentionnelle. Des études scientifiques réalisées à travers le monde affirment ce lien entre pesticides et risques sur l’homme et l’environnement.

    L’OMS rappelle que l’homme peut également être exposé aux pesticides, qui se présentent trois formes

    : les herbicides ou désherbants (contre les mauvaises herbes) ;

    les fongicides (contre les champignons et les moisissures) ;

    les insecticides.

    Leur ingestion est extrêmement dangereuse à la suite d’une contamination environnementale, de contamination des denrées alimentaires et éventuellement de l’eau contenant des résidus de pesticides, même si les preuves de cancers chez l’homme manquent.

    Mais cela n’a pas empêché l’organisation onusienne de tirer la sonnette d’alarme à propos de cinq produits classés cancérogènes «probables» ou «possibles» pour l’homme en mars dernier, à travers l’IARC (agence du cancer de l’OMS(. Il s’agit de l’herbicide «glyphosate», l’un des plus utilisés dans le monde, et des insecticides «malathion» et «diazinon».

    Le glyphosate est la substance active du Roundup, l’un des herbicides les plus vendus selon l’IARC. Les insecticides «tetrachlorvinphos» et «parathion», qui font déjà l’objet d’interdictions ou de restrictions dans de nombreux pays, ont pour leur part été classés cancérigènes «possibles». Le glyphosate est l’herbicide dont la production est la plus importante en volume. Outre l’agriculture où son usage a fortement augmenté, il est également utilisé dans les forêts et par les particuliers dans leurs jardins, rapporte l’agence de l’OMS. Et de signaler que du glyphosate a été retrouvé dans l’air, dans l’eau et dans la nourriture.

    La population, en général, est notamment exposée lorsqu’elle habite à côté de zones traitées. «Les niveaux d’exposition observés sont toutefois généralement bas», souligne l’IARC. Pour ce qui est des risques cancérigènes du glyphosate et des insecticides malathion et diazinon, l’IARC note qu’il existe des «preuves limitées» chez l’homme en ce qui concerne les lymphomes non hodgkiniens, des cancers du sang. Pour le malathion, l’IARC cite également le cancer de la prostate et pour le diazinon, le cancer du poumon. Les risques ont été évalués en se basant notamment sur des études d’exposition agricole menées aux Etats-Unis, au Canada et en Suède, ainsi que sur des animaux, en laboratoire.

    Cancers : De plus en plus de preuves…

    Une étude d’évaluation des effets des pesticides sur la prolifération lymphocytaire et le stress oxydatif in vitro d’une chercheure de l’université de Tlemcen, docteur en physiologie et biochimie de la nutrition, montre bien le lien avec l’utilisation de ces produits. Il est donc constaté des effets immunomodulateurs des pesticides et des répercussions sur l’ADN et la balance intracellulaire «redox»

    «Ces effets immunomodulateurs très précoces sont à l’origine de nombreuses maladies. S’ils sont corrigés à temps, la santé peut être préservée», a déclaré la chercheure Amel Medjdoub, lauréate du prix Sanofi de la recherche en santé en Algérie 2015. D’autres travaux sur les résidus et la rémanence de ces produits dans les fruits et légumes ont été effectués par plusieurs chercheurs et étudiants dans les universités algériennes. Au Centre national de toxicologie de l’Institut Pasteur d’Algérie, de nombreuses publications anciennes et récentes sur le sujet sont archivées.

    Parmi ces travaux de recherche, l’étude pour l’obtention du diplôme de magistère à l’école Polytechnique d’Alger en 2011 ayant pour thème «Recherche de résidus de pesticides par couplage CPG/SM dans quelques fruits et légumes» révèle que les teneurs en résidus d’insecticides sont plus élevés que les limites maximales admises, fixées par les index phytosanitaires (ACTA 2009). Le chlorpyrifos a été détecté dans la fraise et la tomate malgré le respect des délais avant la récolte (DAR) préconisés et des doses de traitement homologuées pour ces produits dans les cultures étudiées.

    L’auteur de l’étude a également relevé que le non-respect des délais avant la récolte dans le cas de la courgette engendre une teneur supérieure aux limites maximales de résidus. «Il y a cumul des teneurs en résidus d’insecticides par le fait des successions de plusieurs traitements par une même molécule pour une même culture», conclut-on. Ainsi, le glyphosate — le plus utilisé et le plus vendu — figure sur la liste des produits qui font l’objet de l’alerte de l’OMS. L’évaluation de la rémanence de cet herbicide dans les cultures maraîchères de la wilaya de Jijel a fait aussil’objet d’un mémoire pour l’obtention d’un magistère, option biologie appliquée, à l’université de Constantine.

    Les herbicides sont plus persistants dans les sols que les insecticides et les fongicides et génèrent des produits de dégradation stables, qui peuvent également présenter une activité biocide rappelle la chercheure. «S’il est nécessaire que les herbicides sont appliqués sur le sol pour contrôler les mauvaises herbes pendant la saison d’application, il n’est pas souhaitable qu’ils soient rémanents et affectent la croissance des cultures suivantes. La durée d’action d’un herbicide dans le sol est appelé rémanence ou persistance d’action’», explique-t-elle. Et de préciser que les effets à long terme d’une exposition chronique sont plus difficiles à apprécier : «La toxicité chronique est, quant à elle, nettement moins bien connue et beaucoup plus difficile à mettre en évidence.

    Elle peut être associée à une absorption de faibles quantités de pesticides présents dans différents milieux sur une longue période. Elle peut provoquer différentes maladies : cancers, problèmes de reproduction troubles neurologiques (dont la maladie de Parkinson), affaiblissement du système immunitaire, troubles hormonaux.» L’herbicide glyphosate, a encore souligné Amel Medjdoub, figure aujourd’hui sur le marché dans une dizaine de préparations commerciales (Brex, Glyphos, Roundup, Kalach...) et la voie alimentaire n’est pas la principale exposition aux pesticides.

    Réduire l’utilisation des Pesticides

    Sur les 99 études épidémiologiques, 75 indiquent une relation positive entre l’exposition à des pesticides et l’atteinte par un lymphome. Depuis une vingtaine d’années, de dizaines d’études épidémiologiques menées aux USA et ailleurs montrent que les utilisateurs de pesticides sont plus souvent atteints par certains cancers (estomac, prostate, vessie, cerveau, lèvres, LNH, leucémies...) que la population générale. Les enfants d’utilisateurs, notamment d’agriculteurs, sont également touchés.

    La mise en place d’un plan viserant à réduire l’usage des pesticides et l’élaboration d’une nouvelle législation en la matière est fortement recommandée par les défenseurs de l’environnement et les médecins spécialistes, qui souhaitent également le lancement d’une étude nationale sur l’usage des pesticides en Algérie pour évaluer leur impact sur l’environnement et la santé et afin d’instaurer des normes plus contraignantes, sous forme de loi, sur l’usage de ces produits qui semblent faiblement contrôlés chez les agriculteurs.

    L’Algérienne des phytosanitaires (Alphyt), filiale du groupe industriel Asmidal, qui a pour vocation la formulation, la commercialisation et le développement des produits phytosanitaires à usage agricole et d’hygiène publique, commercialise ces produits montrés du doigt par l’OMS, dont le glyphosate, sous le nom commercial Mamba 360 SL. Un suivi rigoureux des rejets industriels (gaz ou résidus) est effectué périodiquement pour mesurer le degré de pollution.

    Il ressort que les résultats obtenus nous confortent car ils sont en dessous des normes internationales admises. De plus, des mesures préventives sont prises pour limiter au maximum toute pollution de l’environnement», souligne une source proche du dossier. Et de signaler que ces produits sont également importés par des entreprises privées. C’est justement là le problème puisque des substances interdites de commercialisation en Europe ont été retrouvés dans les fruits et légumes.

    Djamila Kourta le 03.06.15 | 10h00

    http://www.elwatan.com/une/pesticides-des-dangers-insoupconnes-03-06-2015-296398_108.php