Le projet de loi sur « l’État-nation juif » a provoqué une énorme quantité de discussions et de controverses en et hors d’Israël.
Mais ce qui manque dans la plupart des réactions internationales, c’est à quel point Israël se définit déjà comme un Etat juif et, de ce fait, pratique institutionnellement et juridiquement la discrimination. Ci-après trois entrées par lesquelles la loi israélienne a créé une ethnocratie, pas une démocratie.
Un. Pendant les quelques premières années après la création de l’État d’Israël en 1948, la Knesset a voté trois lois qui établissaient les fondements d’un Etat juif aux dépens des indigènes palestiniens (dont la plupart avaient subi un nettoyage ethnique et été empêchés de revenir).
L’effet combiné de la Loi sur le Droit au Retour, de la Loi sur le Bien des Absents et de la Loi sur la Citoyenneté signifiait ceci : tout Juif dans le monde pouvait migrer en Israël et devenir un citoyen, tandis que les Palestiniens expulsés étaient dépouillés de leur citoyenneté et expropriés de leurs biens par l’État.
Deux. Il n’existe pas de nationalité israélienne, avec l’utilisation, « dans l’Enregistrement de la Population, du mot ‘nationalité’ se référant, non pas à la citoyenneté, mais plutôt à l’identité ethnique ». En octobre 2013, la Cour Suprême d’Israël a pris des décisions contre un effort pour établir une nationalité israélienne distincte de l’identité juive.
Ce faisant, les juges ont confirmé une décision judiciaire de 1972 qui affirmait « il n’y a pas de séparation entre nation israélienne et nation juive », et en créer une « nierait les fondements mêmes sur lesquels l’État d’Israël a été construit » – c’est à dire, en tant qu’Etat juif.
Aeyel Gross a écrit dans Haaretz que cette distinction, parallèlement à « l’identification de l’État à un seul groupe national spécifique, induit une hiérarchie et de l’exclusion » qui ne s’expriment pas que comme des « symboles », mais aussi « en termes d’allocation de ressources, de pouvoir de gouvernement, de travail, de discrimination (formelle ou non) et par le besoin d’indiquer, dans l’enregistrement de la population, qui est juif et qui ne l’est pas.
Trois. Il n’y a pas de garantie d’égalité, pour les citoyens juifs et palestiniens, qui soit enchâssée dans la législation israélienne. Comme l’a exprimé en 2012 le Comité de l’ONU pour l’Elimination de la Discrimination Raciale (CERD), il n’existe ni « définition » ni « prohibition de la discrimination raciale ».
Ce qui s’en rapproche le plus, c’est la Loi fondamentale : Dignité Humaine et Liberté (1992), mais elle ne contient aucune obligation spécifique à l’égalité – ou, selon les mots du Magistrat Aharon Barak, « tous les aspects de l’égalité » ne sont « pas inclus dans le cadre de la dignité humaine ».
En fait, la Loi Fondamentale contient une opposition cruciale, ou clause limitative, qui permet que les « droits » qui y sont inclus puissent être « violés » par des lois « qui conviennent aux valeurs de l’État d’Israël » – à savoir, « en tant qu’Etat juif et démocratique ».
Sur ces éléments fondateurs, on a construit une légion de décisions politiques et de pratiques discriminatoires. Celles ci servent à protéger la majorité juive créée grâce à l’expulsion massive des Palestiniens et assurent aux Juifs des avantages et des privilèges aux dépens de ceux des Palestiniens qui sont restés.
Ceci affecte l’attribution de terre, le logement, la planification régionale et municipale, les droits à la citoyenneté, la famille, l’éducation, la défense des minorités et pléthore d’autres domaines de la vie courante. Même le Département d’État américain reconnaît qu’Israël exerce une « discrimination institutionnelle et sociétale » contre ses citoyens palestiniens. (Pour en savoir plus, voyez mon livre « Palestiniens d’Israël : Ségrégation, Discrimination et Démocratie ».)
Se référant au nouveau projet de loi, Le Times est sorti avec l’en-tête « Israël hésite à propos de la loi sur les Arabes de deuxième classe ». Un éditorial du New York Times a prétendu que « les tribunaux et lois d’Israël » ont logiquement donné un « poids égal » à la définition d’Israël en tant que à la fois « juif et démocratique ». Ceci est tout simplement faux.
Il est absurde de suggérer, comme le fait l’article du New York Times, que « ‘existence même d’Israël… a été fondée sur l’idéal de démocratie pour l’ensemble de sa population ». Les Palestiniens ont toujours été (au mieux) des citoyens de deuxième classe et Israël se définit déjà comme un « Etat juif » plutôt que comme un Etat de tous ses citoyens.
Alors oui, la nouvelle vague de législation d’extrême droite révèle quelque chose de nouveau – mais n’oublions pas que nous sommes témoins d’une intensification de la discrimination raciale, pas de son émergence.
Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine
Source: Middle East Monitor
Ben White
Mardi 25 novembre 2014