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  • Soirée BDS le 29 avril à Paris: Embargo militaire contre Israël!

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    La Campagne BDS France à Paris vous invite à une soirée publique le vendredi 29 avril à 19h à Paris.

    Cette soirée #StopArmingIsrael aura pour thème :

    COMMERCE D’ARMES AVEC ISRAEL : LA SITUATION ET LA CAMPAGNE POUR L’EMBARGO : Le Cas d’Elbit


    Adresse :

    CICP
    21ter, rue Voltaire
    75011 Paris

    Accès :

    M° Rue des boulets (ligne 9)

     

    Rendez-vous

    À Paris (11ème) : soirée BDS le 29 avril - Embargo militaire contre (...) 
    Le mercredi 29 avril 2015 à 19h00
    CICP

    21ter, rue Voltaire 75011 Paris

  • Israël a «ciblé directement» des enfants lors d’attaques de drônes contre Gaza (UJFP)

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    Affirment les groupes de défense des droits

    Israël a délibérément pris pour cible des enfants à Gaza l’été dernier, d’après un nouveau rapport de l’organisme international de défense des enfants palestiniens (DCI – Palestine).

    Outre les 2220 enfants palestiniens tués pendant les 51 jours de la campagne de bombardement, au moins 1492 étaient des civils, incluant au moins 547 enfants.

    Un total de 535 parmi ces enfants, ont été tués à cause d’attaques directes provenant d’Israël. De plus, 68% des enfants tués par Israël à Gaza avaient moins de 12 ans d’après le rapport.

     

    3374 enfants de plus ont été blessés, incluant plus de 1000 qui se retrouvent désormais handicapés à vie, plusieurs d’entre eux ont besoin de soins médicaux, ce qui est inaccessible à Gaza, à cause d’un siège israélien dévastateur qui doit d’abord être levé. Encore 373 000 enfants souffrent de traumatismes profonds et ont désespérément besoin d’un soutien psychologique qui est sévèrement en manque dans la bande de Gaza.

    Il n’y avait aucun lieu de sécurité pour les enfants

    En terme de politique, Israël a délibérément et sans distinction, ciblé des espaces où les enfants sont supposés être le plus en sécurité. De tels actes violent les lois internationales et relèvent de crimes contre l’humanité d’après le rapport.

    Les enfants ont été écrasés jusqu’à la mort alors qu’ils étaient à l’abri chez eux, démembrés alors qu’ils dormaient dans leurs lit, et découpés en morceaux alors qu’ils jouaient dans leur jardin. Au moins 18 enfants ont été tués par des attaques israéliennes ciblant des écoles. Pour les enfants de Gaza, il n’y a aucun lieu de protection contre la violence israélienne.

    Ce qui est aussi troublant que l’endroit où les enfants ont été tués, c’est l’assortiment d’armes qu’Israël a déployé contre eux.

    Répartition des morts infantiles durant l’offensive « Opération de protection des limites » en fonction du type d’attaque

    Source : DCI Palestine

    Au moins 225 enfants ont été tués par attaques aériennes « alors qu’ils étaient dans leurs maisons, ou cherchaient un abri, la plupart étaient assis pour déjeuner en famille, jouer ou dormir, précise le rapport.

    Une enquête effectuée par l’Associated Press rapporte des informations similaires, montrant que 844 palestiniens, plus de la moitié du total des civils tués à Gaza l’été dernier, ont été tués par des attaques aériennes israéliennes sur des maisons de civils, « incluant 19 bébés et 108 enfants de maternelle ayant entre 1ans et 5 ans ».

    Israël tente de justifier avoir pris pour cible la population civile de Gaza en argumentant, sans preuve, que les combattants pour la résistance palestinienne utilisent des civils en tant que boucliers humains, ne donnant ainsi aucun autre choix à Israël que de tirer sur des enfants. DCI- Palestine a fermement critiqué cette déclaration, en répondant :

    La rhétorique clamée par les représentants israéliens au regard des boucliers humains durant l’offensive militaire ne constitue rien de plus que de la généralisation, ce qui est bien peu crédible par rapport au calcul précis requis par les Droits de l’Homme Internationaux, déterminant si une chose est en fait un objet militaire. Même s’il existait une preuve montrant que le Hamas ou d’autres groupes de palestiniens armés utilisaient des civils comme boucliers humains, cela ne soustrait en aucun cas Israël à ses obligations concernant les Droits Internationaux et cela ne justifie pas une attaque envers les civils ou les lieux publics.

    En réalité, c’est Israël qui a une longue histoire bien connue, concernant l’utilisation des enfants palestiniens comme boucliers humains, et l’attaque de l’été dernier n’était pas une exception, comme détaillé par le rapport publié par DCI- Palestine.

    DCI-Palestine attribue les attaques délibérées et sans distinctions sur les maisons des civils et les écoles de Gaza à la doctrine Dahiya. Nommée ainsi en référence au quartier Dahiya à Beyrouth qui a été intentionnellement dévasté par Israël lors de son assaut au Liban en 2006, la doctrine Dahiya fait référence à la politique de l’armée d’Etat qui déploie des forces accablantes contre les infrastructures civiles.

    L’accusation infondée de « boucliers humains » par Israël contre les palestiniens est une tentative pour dissimuler une politique militaire qui viole systématiquement les lois internationales.

    « Directement visés » par des drones

    Encore 164 enfants ont été « directement ciblés et tués illégalement dans les attaques de drônes israéliens sur leurs maisons et dans la rue alors qu’ils essayaient de s’enfuir pour se protéger, d’après DCI-Palestine.

    DCI-Palestine était particulièrement alarmé par le nombre très élevé d’enfants ciblés lors des attaques de drônes, parce que les drônes israéliens délivrent des images en haute définition des individus visibles en dessous et en temps réel. De plus, les représentants israéliens se vantent souvent des frappes de drônes qu’ils considèrent supérieures aux autres méthodes de guerre, grâce à leur précision chirurgicale, a déclaré la DCI-Palestine, suggérant qu’Israël a délibérément ciblé des enfants lors des attaques de drones.

    Un des différents cas mis en évidence par le rapport de DCI Palestine est la mort d’un enfant de 9 ans, Rabi Qasem Rabi Abu Ras, qui a été démembré par un missile de drône israélien, le ciblant alors qu’il courait vers une ambulance suite à l’atterrissage d’un obus proche de lui et de sa mère.

    « Ses bras et jambes furent coupés. La partie supérieure de son corps fut séparée de la partie inférieure, qui fut ensuite déchirée en petit morceaux. J’ai hurlé » raconta sa mère, Aisha Abu Ras dans une interview à DCI Palestine. « J’ai couru vers l’ambulance. Je me suis ruée vers les infirmiers et je leur ai parlé de ça, mais ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient pas approcher les lieux sans une préalable coordination avec l’armée israélienne. »

    Aisha et Rabi étaient en chemin vers un refuge des Nations Unies, après avoir récupéré quelques affaires chez eux ils fuirent à Um Nasr, une ville au nord de Gaza, près de la frontière avec Israël.

    Un drône israélien envoya un missile qui dévasta la maison de Issam Jouda le 24 août, tuant sa femme Rawiya et 4 de ses 5 enfants alors qu’ils jouaient ensemble dans le jardin familial dans le quartier Tal Al Zaatar de Gaza.

    Les Jouda sont une parmi les 140 familles partiellement ou complètement anéanties par Israël l’été dernier.

    Autre famille touchée, la famille El Farra qui a perdu neuf de ses membres le 1 août, incluant cinq enfants entre 4 et 15 ans, lors d’une attaque de drône qui les ciblaient alors qu’ils couraient dans la rue, fuyant deux précédentes attaques de drônes qui frappa leur maison en plein milieu de la nuit sans prévenir, d’après DCI Palestine.

    Durant la dernière décennie, l’utilisation par Israël d’une guerre robotique contre les Palestiniens s’est intensifiée de façon dramatique, avec chaque assaut militaire sur Gaza beaucoup plus dépendant des drônes que les précédents. 37%, ou 840 individus ont été tués uniquement lors d’attaques de drones, durant l’attaque de l’été dernier.

    En tant que plus grand exportateur de drones, Israël profite énormément de la technologie utilisée pour tuer les enfants.

    « Une crise humanitaire créée par l’homme »

    Les bombes se sont arrêtées pour le moment mais les enfants continuent de souffrir à cause du siège israélien qui dure depuis 8 ans, imposé en partenariat avec l’Egypte.

    Les circonstances de Gaza sont si désespérantes que 46 organismes d’aide internationale ont appelé à des sanctions contre Israël sur son blocus, dont DCI Palestine qui a nommé cela « une crise humanitaire créée par l’homme ».

    Depuis la réduction d’une grande partie de la bande de Gaza en décombres, Israël refuse l’autorisation d’entrée de matériaux de reconstruction désespérément nécessaires à Gaza, abandonnant 108 000 individus, la majorité d’entre eux étant des enfants sans abris.

    Par conséquent, quatre enfants en bas âges dont les maisons ont été détruites par Israël l’an dernier, sont morts d’hypothermie, ceci dû à l’absence de refuge.

    D’autres enfants sont morts à cause d’un équipement militaire actif très présent à travers la bande de Gaza. En Octobre dernier, Muhammed Sami abu Jarad, 4 ans, a été tué par une grenade à main active qui a été laissée derrière eux par les soldats israéliens occupant sa maison à Beit Hanoun pendant la colonisation, d’après DCI Palesine.

    En guerre contre un ghetto

    La férocité de la violence israélienne contre les enfants palestiniens a atteint de nouveaux sommets en 2014, mais DCI Palestine remarque que la brutalité fait partie d’une campagne continue systématique.

    Depuis l’an 2000, une génération d’enfants vivant dans la partie occupée « la Cisjordanie et Gaza », se sont fait tirer dessus, écrasés et bombardés » déclare le rapport. Il ajoute : « Pendant ce temps, les forces israéliennes et les colons ont tué plus de 1950 enfants palestiniens, dont la grande majorité vivaient dans la bande de Gaza. »

    En effet, depuis 2006, Gaza a été le sujet de six assauts militaires israéliens dévastateurs qui ont tué une vingtaine d’enfants.

    Source : DCI Palestine

    Gaza est le foyer de 1,8 millions de palestiniens dont 80% sont des réfugiés. A ce jour, leurs familles ont été expulsées de force d’Israël et ont l’interdiction d’y retourner à cause du fait qu’ils ne soient pas juifs.

    Entre temps, 43% des habitants de Gaza ont en dessous de l’âge de 14 ans. La guerre continue contre Gaza est essentiellement une guerre contre un ghetto de réfugiés.

    Tuer des enfants impunément

    « Alors que les autorités israéliennes ont ouvert, de manière sélective, leurs propres enquêtes pour les nombreux incidents qui se sont déroulés pendant la dernière offensive militaire, l’expérience précédente a montré que les autorités israéliennes échouent continuellement dans les enquêtes sur des violations présumées de ses forces armées conformément aux standards internationaux. » alerte DCI Palestine.

    En effet, l’armée israélienne s’est récemment déchargée de tout méfait pour son comportement avec le sud de la ville de Rafah à Gaza le 1er août, un jour considéré par les Palestiniens comme « le vendredi noir ».

    Ce jour là, les forces israéliennes ont mis a exécution la directive Hannibal, un protocole militaire israélien qui appelle à une puissance de feu massive pour empêcher la capture vivante d’un soldat israélien, même si cela signifie tuer des soldats et une centaine de civils lors du processus.

    Pour empêcher la capture vivante d’un soldat, imaginé à tord comme pris en otage par des soldats palestiniens, les forces israéliennes ont bombardé Rafah, tuant 190 palestiniens en moins de 48 heures incluant au moins 49 enfants, le seul jour du 1er août, d’après DCI Palestine.

    A cause des morgues dont la capacité maximale était atteinte, les travailleurs médicaux ont été forcés à mettre les corps dans des réfrigérateurs pour légumes et des congélateurs pour crèmes glacées afin de palier au grand nombre de défunts.

    L’enquête internationale de l’armée israélienne a qualifié ce carnage comme étant « proportionnel ».

    Le rapport de DCI Palestine termine en appelant à des actions internationales pour lever le siège sur Gaza et tenir Israël comme responsable de ses crimes.

    « L’échec permanent de la communauté internationale à demander la justice et la responsabilité, amène à un accord implicite avec le déni persistant des droits des palestiniens » dit DCI Palestine. « Sans une fin avec le régime actuel de punition collective visant à des assassinats et offensives militaires régulières, la situation des enfants de Gaza aura la garantie d’une détérioration grandissante. »

    Traduction : Latifa M. pour l’Agence Média Palestine

    Source : Electronic Intifada mercredi 22 avril 2015

    Par Rania Khalek, vendredi 17 avril 2015

    http://www.ujfp.org/spip.php?article4100

  • Arabie Saoudite. Le rap des travailleurs immigrés pakistanais (Courrier International)

     

    “Je n'ai pas peur du kafil.”

    C'est le refrain de cette chanson qui met en scène la vie des travailleurs immigrés pakistanais en Arabie Saoudite, et qui fait un tabac sur Internet. Chaque immigré est en effet rattaché à un kafil (sponsor ou tuteur) saoudien dont il est presque entièrement dépendant. Ici, le kafil apparaît au début de la vidéo : “Ah, bien sûr, c'est pour que tu regardes la télé que je t'ai fait venir du Pakistan”, crie-t-il à la face de son domestique. Et celui-ci de répondre en chantant dans un arabe matinée d'ourdou : “C'est moi qui porte tout sur mes épaules. [...] Qui fait les routes ? Qui enlève les ordures ? Les Saoudiens oublient qui conduit les taxis. [...] Je n'ai pas peur du kafil.” En Arabie Saoudite, comme dans tous les pays du Golfe, les Pakistanais, Indiens et Bangladeshis constituent la majorité des immigrés, souvent chargés des tâches les plus ingrates.

    La vidéo a été produite par l'entreprise de médias Tilfaz11 (Télévison11), fondée en 2009 par quatre jeunes Saoudiens, explique le site saoudien Akhbar Al-Saoudiya. Visionnée plus de deux millions de fois, elle a donné lieu à des détournements, comme cette vidéo qui illustre la vision de nombre de Saoudiens qui considèrent qu'en réalité, les immigrés ont la vie belle et abusent de la confiance de leur maître. Publié le 20/04/2015 - 14:31

    http://www.courrierinternational.com/video/arabie-saoudite-le-rap-des-travailleurs-immigres-pakistanais

  • À Yarmouk, à Gaza, en Méditerranée même, on meurt parce que palestinien (AFPS)

    http://koulouba.com/wp-content/uploads/2014/08/secouristes-plage-mer-ocean-corps-migrants-africains.jpg

    La tragédie du camp de Yarmouk, dans la banlieue de Damas, est en cours.

    Les réfugiés y sont véritablement pris dans les feux croisés des belligérants, bombardés par l’armée de Bachar el Assad comme par « l’Etat islamique »...

    La tragédie du blocus de Gaza, criminel et condamné par le droit international, se poursuit. On y meurt de froid et de soins insuffisants, on y meurt brulé vif dans des incendies provoqués par les moyens de fortune utilisés pour se chauffer ou s’éclairer.
    La tragédie des naufrages des candidats au droit d’asile continue en Méditerranée.

    Nous ne mélangeons pas tout. Nous faisons simplement ce terrible constat : la négation des droits du peuple palestinien par Israël avec la complicité active de la « communauté internationale » conduit des milliers de Palestiniens à mourir sans que dans ces cas Israël ait besoin de tirer une seule balle.

    Oui, ces Palestiniens qui meurent à Yarmouk avaient le droit de vivre en paix dans la Palestine dont leurs aînés ont été chassés, et l’exigence d’un couloir humanitaire est encore d’actualité même si beaucoup de temps a été perdu et beaucoup de morts auraient dû être évitées.
    Oui, les Gazaouis enfermés dans un territoire dévasté sont souvent encore sans abri, l’aide internationale promise n’arrive qu’au compte-gouttes, et le blocus par terre, air, mer toujours en vigueur devrait être levé depuis longtemps.

    Oui, phénomène nouveau de ces derniers mois, on trouve, parmi les victimes des trafiquants promettant l’Occident aux habitants d’Afrique et d’Asie, des réfugiés palestiniens qui n’en peuvent plus d’attendre l’application des résolutions de l’ONU sur leur droit au retour.

    Non, ces morts ne sont pas dues à une quelconque fatalité.

    Et nous ne devons pas nous contenter de les pleurer. Pour ce qui concerne la Palestine, la responsabilité des pays occidentaux est totale dans la poursuite en toute impunité de la politique israélienne de spoliation, de colonisation et d’apartheid.

    Ces jours-ci, Israël commémore le 67e anniversaire de son « Indépendance », c’est-à-dire la proclamation par le mouvement sioniste de son Etat. Aujourd’hui, nous savons que pour le peuple palestinien la Nakba, la catastrophe, avait commencé dès l’année précédente, avec l’expulsion de centaines de milliers d’entre eux.

    La politique sioniste d’Israël a abouti à la situation insupportable que subit le peuple palestinien. C’est pourquoi nous continuerons sans relâche, malgré le lancement par notre gouvernement de mesures liberticides, malgré l’amalgame entre antisionisme et antisémitisme visant à criminaliser toute critique d’Israël, à répondre à l’appel du peuple palestinien à développer la Campagne BDS de Boycott, Désinvestissement et Sanctions contre cet Etat jusqu’à ce qu’il se conforme au droit international.

    Le Bureau national de l’UJFP, le 21 avril 2015

  • Le régime algérien à la recherche de son consensus (Essf)

     
    La révision de la Constitution dans l’agenda de Bouteflika

    L’idée d’un « consensus national » a occupé l’espace politique pour un temps. Elle sert, nous dit-on, à faire face à la crise qui menace le pays ! Mais, le récente démarche du FFS pour regrouper toutes les parties autour d’une table de négociation semble aujourd’hui dépassée. Elle a buté sur une double impasse : d’un coté elle a rencontré un rejet net de la part des parties qui sont au pouvoir refusant toute remise en cause de leur légitimité, car, soutiennent-elles, le pouvoir de Bouteflika ne souffre d’aucune illégitimité ! D’un autre coté, l’opposition organisée dans La Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD) l’a désapprouvé en accusant cette initiative de pérenniser le gouvernement actuel et la coalition autour de Bouteflika !

    Quels enjeux !

    Mais, il y a comme un faux débat autour de cette question. Car, la véritable interrogation est celle de la caractérisation de la crise, face à laquelle découlera la nécessité ou non d’aller vers un consensus ; autrement dit, autour de quoi doit-on nous mettre d’accord ?

    Il y a deux réponses à cette question : la première vient de la critique néolibérale qui reproche au gouvernement son inertie et ses hésitations à mener les réformes économiques libérales à terme. Elle crie à la catastrophe. La maladie de Bouteflika est, dans ce scénario catastrophe, le verrou principal du blocage. Car, cette critique ne cible pas la politique du président malade, qui est économiquement néolibérale par ailleurs, mais elle vise son omnipotence et sa volonté, malgré son handicap, à diriger le pays par une main de fer et sans partage. Le projet du code du travail qui prépare l’institutionnalisation de la précarité des travailleurs pour, nous dit-on, être concurrentiel au niveau économique, de même que l’avant-projet de la santé qui fragilise et prépare à liquider à terme ce qui reste de la santé publique, le dossier de l’adhésion à l’OMC, sont autant de dossiers qui ne sont pas les cibles de la critique, ni soumis à la négociation !

    La deuxième critique se veut patriotique. Elle revendique un « renforcement du front interne » autour de Bouteflika. Car l’enjeu serait de faire face à « la main étrangère », au complot qui veut déstabiliser l’Algérie dans le sillage de la déstabilisation du monde arabe ! La violence qui vire vers un conflit communautaire dans la vallée du Mzab, les différentes explosions sociales, la manifestation de la police, les récentes protestations sur l’exploitation du gaz du schiste sont l’une après l’autre mise dans le lot du complot interne ou externe. Toute manifestation hostile au régime de Bouteflika n’est, de ce point de vue, que l’expression d’actes inscrits dans les agendas étrangers qui ne visent en définitive que la destruction des Etats nationaux et de leurs armées au seul profit des forces qui portent la mondialisation libérales à leur têtes l’impérialisme américano-européen, le sionisme et les vassaux dans la région.

    Mais, ces positionnements évacuent une question clé inscrite dans l’agenda de Bouteflika : la révision de la Constitution. Sentant son régime finissant ou voyant souffler le vent du changement au rythme des protestations et les crises successives, le président malade charge Ouyahia de construire son consensus autour d’une réforme des institutions du pays à travers la révision de la Constitution. Le projet va même jusqu’à revenir sur le mandat illimité du président de la république ! C’est là en réalité où devrait se jouer l’avenir immédiat du pays, ou comme le veut la formule en vogue, c’est là ou se joue « la transition » !

    Une mutation en douce

    Au niveau politique, la question de la succession à Bouteflika est surement un enjeu interne pour les tenants du pouvoir actuel. Mais il est secondaire devant l’agenda réel du concerné qui est celui d’assurer une mutation en douce d’un pouvoir bonapartiste à tradition populiste vers un pouvoir plus enclin à suivre les recettes du libéralisme économique version FMI et de l’OMC. Ce qui mettra fin à toute protection de l’Etat dans les affaires économiques et sociales. Les recompositions en cours dans les organisations patronales, la montée spectaculaire des patrons comme Rabrab, Ali Haddad qui prend la tête de l’organisation patronale FCE, et qui aurait des velléités politiques, ou encore de Laid Benamor à la Chambre de commerce, sont autant de signes qui mettent en exergue l’émergence d’une nouvelle logique de pouvoir. Un pouvoir de plus en plus sous l’influence d’une nouvelle « oligarchie » financière. Autrement dit un nouveau consensus historique ! C’est ici où se joue réellement la recherche du « consensus national ».

    En réalité, les véritables exécutants d’agendas impérialistes sont au gouvernement de Bouteflika. Leur programme néolibéral s’exécute à petit feu. La dernière entrave à ce projet sera levée avec l’adhésion définitive à l’OMC qui sera la fin de toute protection d’une économie nationale et la fin des acquis, déjà malmenés, de l’indépendance nationale.

    Pour un processus constituant démocratique et social

    Mais pour la majorité des Algériens, des couches populaires, des travailleurs, des jeunes, l’enjeu est aussi social. En effet la question sociale reste au centre de la question politique. Toute négociation, toute recherche de consensus doit tenir compte de cette dimension si l’on veut construire un socle solide pour une quelconque transition démocratique. Les politiques économiques et sociales du gouvernement, notamment celles qui engagent stratégiquement l’Algérie comme le gaz de schiste par exemple et la question énergétique, nécessitent une transparence dans les prises de décisions. Elles exigent pour cela l’engagement des institutions élues et la population qu’elles sont sensé représenter. Mais le gouvernement actuel, fort du rapport de force et de la légitimité que s’octroient ses institutions ne l’entend pas sous cet angle ! il veut mener seul cette transition et imposer un « consensus » autour de lui.

    Voila pourquoi, la crise actuelle est une crise de représentation politique qui exige une rupture avec les institutions actuelles et la construction d’un processus constituant qui mette en place une démocratie où les assemblée élues au suffrage universel, et sous contrôle populaire, de la commune au niveau national, qui décident de toutes les questions politiques, sociales et économiques. Cela exige à son tour que les travailleurs et les travailleuses et les couches populaires fassent irruption sur la scène politique.

    Nadir Djermoune, 31mars 2015

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article34787
  • L’industrie pétrolière algérienne danse sur un baril de poudre (Orient 21)

    Depuis l’élection d’Abdelaziz Bouteflika à la présidence, en 1999, l’avenir du régime n’a jamais été aussi incertain.

    Malade, le chef de l’État n’exerce plus guère de fonction autre que protocolaire. Ses pouvoirs sont allés à un collège officieux de régents : des proches collaborateurs, comme son conseiller et frère Saïd Bouteflika, le premier ministre, Abdelmalek Sellal et le vice-ministre de la défense ou le chef d’état-major de l’armée, le général Ahmed Gaid Salah. Rien n’indique qu’une solution consensuelle ait été trouvée à la crise de succession qui secoue le régime et qui s’est manifestée, à la veille de l’élection présidentielle de 2014, par un conflit feutré, par justice et presse interposées, entre deux groupes adverses, l’un hostile, l’autre favorable à la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à un quatrième mandat.

    Cet inquiétant tableau politique voisine avec un tableau économique non moins préoccupant.

    L’année 2014 a fermé la boucle d’une aisance financière sans précédent dans l’histoire de l’Algérie, due à d’excellents cours pétroliers depuis le début des années 2000. Mais les prix du brut ont plongé ces derniers mois de 50 % environ entre juin 2014 et avril 2015. Rien ne présage de leur redressement à court terme, leur effondrement ne s’expliquant pas uniquement par une offre excédentaire, mais aussi par un début de bouleversement du marché énergétique mondial, avec l’essor des énergies renouvelables et l’entrée en compétition des hydrocarbures non conventionnels, notamment les gaz de schiste américains.

    Crise des revenus de l’État

    Selon le Fonds monétaire international (FMI), sur la base d’un prix du baril de pétrole à 89 dollars, les revenus extérieurs de l’Algérie ne dépasseraient pas 48,9 milliards de dollars en 2015, contre 62,95 milliards en 2014 et 76,9 milliards en 2008. L’hypothèse d’un baril de pétrole à 89 dollars paraît, au demeurant, bien trop optimiste. Si les prix se maintiennent en 2015 à 50 dollars en moyenne, les recettes en devises seront divisées par deux et les recettes fiscales en recul d’un gros tiers.

    Les contestations sociales ne feront que s’étendre et se radicaliser.

    Si la protestation a pu être contenue ces dernières années, c’est aussi grâce à la redistribution de la rente pétrolière, après une décennie 1990 marquée par une chute libre du pouvoir d’achat de la majorité des Algériens. La détérioration des cours pétroliers n’était pas imprévisible. Nombre d’observateurs avaient mis en garde contre le caractère éphémère de l’aisance financière de la décennie 2000.

    Ils avaient rappelé que les mirobolants revenus des exportations devaient être employés pour mettre l’Algérie sur les rails d’une économie moins dépendante du brut. Car s’ils ont financé nombre d’infrastructures et amélioré le pouvoir d’achat de larges couches (les dépenses des ménages ont triplé en dinars courants entre 2000 et 2011), ces revenus n’ont pas servi à transformer l’Algérie en pays émergent — le rêve officiel. Le pétrole et le gaz représentent toujours la majeure partie des exportations (95,6 % en 2014) et l’industrie pétrogazière fournit, à elle seule, près du tiers du PIB (27,5 % en 2014 selon les prévisions gouvernementales). La chute des cours s’ajoute à la stagnation de la production et des exportations pétrolières (1,202 milliard de barils produits en 2013, selon l’Organisation des pays producteurs de pétrole - OPEP, contre 1,371 en 2007) et à la baisse sensible des exportations gazières (44 milliards de mètres cubes en 2014 contre 46,708 milliards en 2013 et plus de 50 milliards en 2010), baisse due à une explosion de la consommation intérieure, qui devrait passer à 50 milliards de mètres cubes en 2017-2020.

    Diversification de l’économie  ?

    Devant ce contre-choc pétrolier rappelant par certains aspects celui de 1985-1986, des mesures pour une meilleure maîtrise des dépenses publiques ont été annoncées : arrêt du recrutement de fonctionnaires, gel des chantiers d’infrastructures «  non indispensables  », etc. La crise, s’est plu à déclarer le président de la République fin 2014, devrait être transformée en opportunité pour diversifier l’économie.

    Mais le gouvernement est-il réellement résolu à prendre le chemin d’une déconnexion progressive du budget et des recettes en devises de la manne pétrogazière  ? Rien ne permet de l’affirmer. L’importance du programme d’investissement de la société publique d’hydrocarbures Sonatrach (90 milliards de dollars pour 2015-2019) n’est pas, en soi, la preuve que la voie rentière demeure celle privilégiée par les pouvoirs publics (les revenus du pétrole et du gaz pourraient aussi bien financer la constitution d’une économie plus diversifiée). En revanche, il témoigne du caractère imprécis des orientations présidentielles pour la diversification économique.

    Des orientations similaires pour la dynamisation de l’industrie, de la pétrochimie, de l’agriculture, du tourisme et des NTIC ont été données, par le passé, à l’exécutif sans jamais se traduire en objectifs chiffrés ni en réalisations. L’augmentation promise de la production d’hydrocarbures vise sans doute moins à financer le passage à une économie émergente qu’à compenser le manque à gagner pour les caisses de l’État de la baisse des prix du brut.

    Le gouvernement espère d’ici à 2019 augmenter la production de pétrole de 20 % et produire 151 milliards de mètres cubes de gaz conventionnels (contre 131 milliards en 2014). Il entend également lancer l’exploitation des gaz de schiste, dont l’Algérie détiendrait, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les quatrièmes réserves mondiales techniquement récupérables. Comment financer ces ambitieux projets si les revenus pétrogaziers sont en baisse  ? Le recours à l’investissement étranger n’est pas l’option la plus probable, à en juger par le peu empressement des firmes internationales à répondre au 4e appel d’offres de l’Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures (Alnaft) en septembre 2014 (quatre périmètres de recherche et d’exploration attribués sur 32 offres).

    Le gaz de schiste : une aubaine  ?

    Légale depuis 2013, l’exploitation des gaz non conventionnels tient une place de plus en plus grande dans les projets gaziers algériens. Leur production, a déclaré le 7 décembre 2014 le président de Sonatrach Saïd Sahnoune, atteindra 20 milliards de mètres cubes en 2022 et 30 milliards en 2025 (soit, respectivement, 15,2 % et 22,9 % de la production gazière algérienne de 2014).

    Qualifiée d’«  aubaine  » par le premier ministre Abdelmalek Sellal, le gaz de schiste n’est pourtant pas la solution-miracle à la crise financière. L’extraction de ces ressources non conventionnelles nécessite de plus lourds investissements que les hydrocarbures classiques. Et même si le potentiel algérien est confirmé par l’exploration sur le terrain, son exploitation nécessitera le recours aux sociétés étrangères. En effet, Sonatrach ne peut mener seule un projet d’exploitation commercialement rentable.

    À supposer qu’elles aient envie d’investir dans le sous-sol algérien, les compagnies internationales ont besoin d’être rassurées sur l’accueil par la population du gaz de schiste, réputé dangereux pour l’environnement. Or, leur acceptation est loin d’être acquise. Le mouvement anti-gaz de schiste à In Salah, ville de l’extrême sud, l’a récemment montré. Les habitants s’opposent à son exploitation dans le bassin d’Ahnet où des tests de production ont été concluants. Ils craignent une possible pollution des nappes phréatiques et leur tarissement rapide à cause des besoins en eau de la fracturation hydraulique. Dans une région où le souvenir des essais nucléaires français des années 1960 reste vivace, la préoccupation écologique et sanitaire est profonde.

    Le sud et la menace djihadiste

    Le gouvernement, si prompt à réprimer la moindre contestation populaire, a montré une certaine prudence dans le traitement des protestations d’In Salah : réunions entre des membres du gouvernement et les représentants de la population, envoyés spéciaux de la présidence... Cette prudence s’explique par la délicatesse de la situation dans le sud, région ouverte, de surcroît, sur deux pays instables : le Mali et la Libye. Le sud vit, en effet, depuis plus d’un an au rythme d’affrontements ethno-religieux dans la vallée du M’zab entre ibadites «  berbères  » et sunnites «  arabes  ». Il vit également, depuis plus longtemps encore, au rythme de contestations sociales non négligeables. Avant In Salah, la ville de Ouargla, chef lieu de la wilaya où se situe le plus grand gisement algérien de pétrole (Hassi Messaoud), avait été — est toujours — le théâtre d’un mouvement radical de chômeurs qui revendiquent la priorité pour la population locale dans l’accès aux emplois des hydrocarbures.

    La contestation exprime le sentiment d’injustice des habitants du sud, pauvres en dépit des budgets colossaux qui ont été officiellement alloués (2,415 milliards de dinars, soit quelque 24 milliards d’euros, entre 1999 et 2013, selon une déclaration d’Abdelmalek Sellal le 23 mai 2013). Une des banderoles déployées par les manifestants d’In-Salah énonçait : «  Nous avons été un champ d’expérimentation pour vos bombes. Nous ne le serons pas pour le gaz de schiste  ! Nous n’avons pas profité du gaz conventionnel, ni des retombées de la manne pétrolière. (...) Le gaz de schiste nous prendra le peu que nous avons.  »

    Le fruit amer de la répression

    La répression des premières contestations sociales dans le sud a été à l’origine de la naissance du groupe armé appelé «  Les enfants du sud pour la justice islamique  ». La justice condamna à des peines d’emprisonnement, en 2004, certains de ses fondateurs, alors membres d’un mouvement social pacifique, le Mouvement des enfants du sud pour la justice. Des médiations traditionnelles persuadèrent une partie de ses membres de se rendre aux autorités en 2008 mais il n’a pas pour autant disparu. Son émir, Mohamed Lamine Ben Cheneb, a lancé en janvier 2013 un audacieux assaut sur le site gazier de Tiguentourine (sud-est), qui s’est soldé par 40 morts, en majorité étrangers.

    Le gouvernement semble être, face à la contestation d’In Salah, devant un dilemme : la répression pourrait engendrer une dangereuse radicalisation de la jeunesse du sud  ; cependant, céder à ses revendications éloignerait les firmes pétrogazières internationales, indispensables à l’exploitation des gaz de schiste. Il est toutefois improbable que pour échapper à ce dilemme le choix se porte sur une solution démocratique : ouvrir un débat sur la production des hydrocarbures non conventionnels et sur un meilleur modèle de développement du Sahara. Le plus probable est que, sous la pression de services de sécurité de plus en plus omnipotents, l’exécutif soit tenté par le tout-répressif. Ce n’est pas un hasard si l’émissaire dépêché par la présidence pour écouter les doléances des habitants d’In Salah est le patron de la sûreté nationale, le général Abdelghani Hamel, «  grand spécialiste des gaz lacrymogènes  », pour citer un journaliste algérien.

    Yassin Temlal 21 mai 2011.

    http://orientxxi.info/magazine/l-industrie-petroliere-algerienne,0874

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    Intervention lors du colloque organisé par le CVPR, « L’économie de la Palestine, asphyxiée et pourtant vivante » le 11 Avril 2015 au Sénat

    Le dé-développement, c’est-à-dire le fait d’empêcher par la force une population de se développer économiquement, et de détruire les industries naissantes et les organisations commerciales qui, laissées à elles-mêmes, en aurait fait un concurrent pour les puissances occidentales, a des racines coloniales qui plongent très loin dans le passé.

    En 1838, l’Egypte de Mohammed Ali avait investi 12 Millions de livres sterling (une somme énorme pour l’époque) dans l’industrie lourde, qui employait déjà trente à quarante mille personnes [1]. Situation intolérable pour les Européens, comme le soulignait un contemporain [2] « Tout cet excellent coton qui est gaspillé, au lieu de nous être vendu ! Et c’est d’autant plus exaspérant que les travailleurs qui sont ainsi attirés dans les usines sont ainsi retirés du travail de la terre. ». Aussi ne tardèrent-ils pas à y mettre bon ordre : une intervention militaire de la « communauté internationale » en 1839-41 contraignit Mohammed Ali à supprimer son armée (qui était le principal client de son industrie lourde) et supprima les barrières douanières qui protégeaient son industrie naissante. La fin de l’Empire Ottoman consacre la domination économique et militaire de l’Occident. Les grands investissements, comme le canal de Suez, et les ressources naturelles, notamment le pétrole, sont solidement entre des mains étrangères : c’est l’époque où est fondée la Anglo-Persian Oil Company, devenue depuis BP, une des sept soeurs qui se partagent encore aujourd’hui le pétrole mondial.

    C’est dans ce contexte général d’exploitation coloniale que se déroule la colonisation de la Palestine, alors sous mandat britannique.

    L’immigration juive, qui déplace la population autochtone, lui donne un caractère particulier, qui a été largement étudié par ailleurs [3] après la déclaration d’indépendance, l’état d’Israël continue à appliquer les règlements militaires et administratifs légués par les Britanniques pour contrôler la population autochtone et ses activités économiques. La guerre de 1967 ouvre de nouveaux territoires à la colonisation, en Cisjordanie et à Gaza. Le terme de dé-développement est inventé en 1987 par Sara Roy [4], économiste à Harvard, pour décrire ce qui se passe à Gaza.

    Elle décrit une politique consciente et organisée, aménageant le territoire et la réglementation pour favoriser une population aux dépens de l’autre.

    Sara Roy distingue trois éléments dans le dé-développement : l’expropriation des ressources naturelles (l’eau, et surtout l’espace, dans sa triple dimension de terre agricole, de moyen de communication, et d’habitat), l’externalisation de l’économie palestinienne, privée de ressources propres et fonctionnant comme un marché captif pour l’économie israélienne, et la dé-institutionalisation, c’est-à-dire l’élimination des institutions publiques ou privées qui seraient susceptibles de favoriser le développement économique, par exemple en orientant les investissements vers les secteurs productifs plutôt que le secteur immobilier. Le concept a été repris par d’autres, dont Olivia Elias au cours de ce colloque, et l’économie du dé-développement apparaît donc, aux côtés de l’économie du développement, comme une branche nouvelle de la macroéconomie. Tout ceci est maintenant bien compris, et il ne se passe pas d’année que le processus ne soit expliqué et dénoncé par les rapports des Nations Unies, de la Commission Européenne, ou d’organismes indépendants, le dernier en date étant le rapport 2015 des chefs de mission de l’UE à Jérusalem.

    Mais je voudrais souligner ici un aspect de l’occupation qui est souvent passé sous silence : au-delà des bénéfices habituels de la colonisation, c’est une excellente affaire pour l’économie israélienne. Elle dure depuis bientôt un demi-siècle, et les besoins militaires ont fait naître des industries puissantes et prospères, qui sont aujourd’hui à la pointe des exportations israéliennes. Il faut contrôler une population nombreuse, qui ne s’est jamais résignée à son sort ? On la parque dans des enclaves fermées, comme Gaza, que l’on survole en permanence par des drones, capables de capter les mouvements, de les analyser en temps réel, et de tuer si nécessaire. Il faut contrôler les entrées et les sorties, avec le minimum de personnel ?

    Le mur qui fait le tour de la Cisjordanie, est hérissé de matériel de surveillance, et aux points de passage le soldat dans son mirador n’est plus en contact avec la foule et les voitures qui se pressent pour passer : tout se fait par voie électronique, hauts-parleurs, télévisions en circuit fermé, portes et couloirs commandés à distance. Le résultat est qu’Israël équipe en drones les armées du monde entier, et que les chercheurs israéliens ont obtenu un nombre impressionnant de contrats de recherche de l’UE sur la surveillance automatique.

    Les universités sont parties prenantes de ce complexe militaro-industriel.

    Les chercheurs du Technion, par exemple, ont beaucoup contribué au développement des drones, et cherchent actuellement à les miniaturiser pour qu’ils puissent pénétrer dans les maisons. C’est également au Technion qu’on a équipé un bulldozer géant, le Caterpillar D9, d’un système de pilotage à distance, en vue d’applications militaires : il a été utilisé lors des opérations contre Gaza pour détruire les infrastructures civiles, notamment les maisons, sans risquer la vie des soldats. La contribution des universités israéliennes à l’occupation ne se limite pas à la technologie. Les soldats sont gênés par ce qu’on leur fait faire ? Les opérateurs de drones se demandent de quel droit ils tuent à distance des gens qu’ils ne connaissent pas, et qui sont bien incapables de se défendre, simplement en appuyant sur un bouton ? Qu’à cela ne tienne. Le code d’éthique militaire [5], conçu à l’Université de Tel-Aviv , les soulagera de ces scrupules, en expliquant dans quelles circonstances la torture et les assassinats sont justifiés. On y trouvera même la définition du terrorisme : c’est une action armée qui n’est pas menée sous l’égide d’un état, et elle est toujours moralement répréhensible. La boucle est bouclée, l’éthique et la force sont enfin du même côté, la résistance armée est non seulement impossible mais immorale.

    Ce rappel historique étant fait, quelle est la situation aujourd’hui ?

    On a, d’une part, une économie palestinienne en régression, notamment dans son domaine traditionnel, l’agriculture, en raison de l’expropriation systématique de la zone C, avec une bulle immobilière, notamment à Ramallah où les immeubles vides poussent comme des champignons [6], soutenue par une aide internationale destinée à soutenir les forces de sécurité et la police plutôt que les investissements productifs, et qui entretient une caste dirigeante discréditée.

    Et d’autre part, une économie israélienne basée sur la haute technologie, et qui exporte des armes et des équipements de surveillance et de sécurité, comme les drones.

    Dans ces secteurs, elle est un des leaders modiaux, notamment parce qu’elle peut se vanter que ses matériels ont été testés en condition réelle, notamment à Gaza. Cette économie passe pour prospère, mais il faut noter qu’elle est très inégalitaire. Le coefficient de Gini, qui mesure le degré d’inégalité dans une société donnée, et qui va de 0 (égalité totale de tous les citoyens) à 1 (inégalité maximum, toutes les ressources entre les mains d’un seul), est à l’heure où j’écris de 0,38 pour Israël alors qu’il est de 0,365 pour les USA : les courbes se sont croisées en 2007.

    En d’autres termes, Israël est la société la plus inégalitaire de tous les pays développés, devant même les USA !

    C’est d’ailleurs cette inégalité galopante qui a inquiété Netanyahu pour sa réélection, et non sa politique vis-à-vis des palestiniens, qui n’a guère fait débat durant la campagne. On a donc toute une société militarisée, tournée vers l’Europe et les USA et non vers ses voisins, engagée dans une folle tentative d’effacer les contraintes géographiques, y compris sa population autochtone : tout le réseau de communication est conçu pour que les Israéliens et les Palestiniens ne se rencontrent pas, et les que les premiers puissent vivre en ignorant l’existence des autres. Dorénavant, l’apartheid n’est plus niable, et le mot se retrouve même dans la bouche des plus hauts responsables des USA, à commencer par le Secrétaire d’État John Kerry. Il l’est d’autant moins que Netanyahu a retiré le dernier prétexte qui empêchait encore de le prononcer, en annonçant durant sa campagne électorale que, tant qu’il serait premier ministre, il n’y aurait pas d’état palestinien. Déclaration remarquable de franchise, qui met un point final à des années d’hypocrisie, et qui laisse comme seule perspective aux palestiniens de vivre perpétuellement sous la domination israélienne, dans un état d’apartheid. Il va être extrêmement intéressant de voir si l’UE, et notamment la France, vont maintenir la fiction d’un processus de paix, maintenant qu’Israël a enfin annoncé la couleur.

    En quoi cela nous concerne-t-il ?

    Pourquoi avons-nous passé cette journée de samedi dans un sous-sol du Sénat au lieu d’aller nous promener ? Le beau temps est revenu, l’hiver a été long, pourquoi nous préoccuper de ce qui se passe à des milliers de kilomètres de nous ? Pourquoi certains d’entre nous ont-ils pris le risque de rejoindre Gaza par les tunnels pour opérer dans les hôpitaux non encore détruits ? Je mets de côté ici toute la dimension morale et personnelle. Pour ceux d’entre nous qui ont été sur place, et qui ont vu de leurs yeux avec quel mépris et quelle brutalité on traitait les palestiniens, la réponse est évidente : parce qu’on ne peut pas supporter cela, on ne peut pas accepter le racisme et la discrimination. Mais bien des militants n’ont jamais été dans les territoires occupés, et ils ne sont pas moins actifs que les autres. Qu’est-ce qui les mobilise ?

    Voici ma réponse. Après la première guerre mondiale, et encore plus après la seconde, l’humanité, dans un mouvement collectif, s’est dit : plus jamais cela.

    Elle a donc cherché à construire un nouvel ordre mondial, basé sur le droit et non plus sur la force. Hobbes avait écrit qu’en l’absence d’état, détenant le monopole de la violence légitime, la vie sociale se résumerait à la lutte de tous contre tous, et la vie individuelle serait « nasty, brutish and short », brutale, bestiale et brève. La même chose est vraie de la vie internationale. C’est pourquoi les puissances dominantes, au sortir des deux guerres, ont voulu créer des institutions internationales qui pourraient faire régner le droit, la SDN d’abord, qui a péri de ne pas avoir de moyen de contrainte, puis l’ONU, qui en a davantage, grâce au Conseil de Sécurité.

    C’est cette timide tentative de sortir du cycle infernal des guerres à répétition, de plus en plus meurtrières (le 20ème siècle a été le premier où les victimes des guerres se sont comptées par millions, voire par dizaines de millions, et l’on frémit de penser à ce que serait une guerre nucléaire au 21ème siècle) que le non-règlement de la question palestinienne met en péril. D’une part, il est avéré que l’occupation militaire israélienne, les colonies et le mur de séparation construits sur les terres palestiniennes, le régime d’exception qui prévaut en Cisjordanie, les invasions meurtrières de Gaza et le blocus de la population, sont autant de violations flagrantes du droit international. Elles ont été dénoncées et condamnées à de multiples reprises, les résolutions de l’ONU sur le sujet se comptent par centaines. D’autre part, les moyens de faire respecter ces résolutions existent : ils sont entre les mains des états. Dans d’autres circonstances, ces états n’ont pas hésité à appliquer les résolutions de l’ONU, soit par le biais de sanctions économiques (dans le cas de l’Irak, par exemple), soit par une intervention militaire directe (dans le cas de la première guerre d’Irak). La Cour de Justice Internationale, dans un verdict historique prononcé en 2004 et acquis par quatorze voix contre une, non seulement condamne Israël à démanteler la partie du mur construite sur les terres palestiniennes et à dédommager les palestiniens, mais fait obligation aux parties contractantes, notamment aux USA et aux pays européens, de contraindre Israël à faire respecter le jugement.

    Tout cela est resté lettre morte : le gendarme est là, le juge lui demande d’agir, et il ne fait rien.

    Cela fait un demi-siècle que cela dure, et le plus terrible, dans cette histoire, c’est qu’on en prend l’habitude. Il se produit un glissement des normes : chaque nouvelle génération considère comme normale la situation qu’elle a connu en arrivant à l’âge adulte, et la prend comme point de référence. Ainsi, quand j’étais beaucoup plus jeune, et que je naviguais en Méditerrannée, on rencontrait fréquemment des bancs de dauphins qui accompagnaient les bateaux. Je n’en vois plus, et je comprends que les dauphins de Méditerrannée sont en train de disaparaître, victimes du réchauffement climatique et de la surpêche, qui les prive de nourriture. Mais les jeunes générations, celles qui commencent à naviguer aujourd’hui, n’en ont jamais vus, et considèrent donc une Méditerrannée sans dauphins comme parfaitement normale. C’est ainsi que les dauphins (et les poissons) disparaissent dans l’indifférence générale. De même, les jeunes générations considèrent la situation actuelle en Palestine comme normale. Il est normal de ne pas pouvoir se rendre en Palestine ou la quitter sans passer par Israël. Il est normal de devoir répondre aux interrogatoires, de se laisser fouiller à corps, et de donner ses mots de passe à l’aéroport de Lod. Il est normal de ne pas pouvoir se rendre à Gaza. Il est normal que les colons circulent en armes, roulent sans encombre sur des routes interdites aux Palestiniens, tandis que ceux-ci s’entassent devant les checkpoints. Il est normal que les colonies coupent la Cisjordanie en deux et isolent Jérusalem-Est. Nous sommes anesthésiés par l’habitude. Gaza est devenu un endroit privilégié pour faire des photos et des reportages. Enfants tués portés en terre par leurs parents, familles ramassant leurs biens dans les décombres de leur maison détruite, officiels pleurant devant les caméras, ces images font le tour du monde, gagnent des prix, et disparaissent de l’actualité. La mort et la souffrance sont devenues une distraction.

    Il s’établit ainsi une nouvelle normalité, qui malheureusement ne se limite pas à la Palestine.

    Partout, la force prime le droit, partout les libertés individuelles sont suspendues sous prétexte de lutte contre le terrorisme. Les USA, la plus ancienne et la plus puissante démocratie du monde, se sont abaissés à faire de la torture et de la détention indéfinie sans jugement un moyen normal d’exercer leur pouvoir, et s’arrogent le droit de tuer, loin de leurs frontières, sans autre forme de procès, en leur envoyant des missiles ou des commandos, des citoyens étrangers qui ne leur plaisent pas. Le résultat, comme l’avait prédit Hobbes, est une situation internationale désormais hors de contrôle. Dans cette région du monde, où ils étaient intervenus si souvent depuis deux siècles, les Occidentaux n’osent plus envoyer de troupes au sol, et en Syrie, on ne sait même plus contre qui ou avec qui on se bat ! C’est la fin de l’ordre international construit péniblement après la deuxième guerre mondiale, les modes pacifiques de résolution des conflits qui avaient été mis en place sont discrédités les uns après les autres, et il ne reste plus que l’action militaire. La guerre apparaît désormais comme l’alpha et l’omega des relations internationales. Au moment où la planète affronte une crise très grave, le réchauffement climatique, cette crise totale de la coopération internationale est une catastrophe.

    Tout cela va se retourner contre nous, citoyens français, que dis-je, cela se retourne déjà contre nous.

    La nouvelle normalité s’impose déjà, les libertés individuelles disparaissent au profit de mesures dites sécuritaires. On n’apprend plus aux gens à vivre ensemble, on leur apprend à se méfier les uns des autres. La république n’est plus égalitaire ni fraternelle : elle est décomposée en communautés que l’état doit protéger les unes des autres, ce qui lui permet d’asseoir son pouvoir, non sur le consentement des citoyens, mais sur la peur qu’ils éprouvent les uns pour les autres. C’est ainsi que la liberté d’expression, par exemple, disparaît.

    Depuis la création de l’AURDIP, voici six ans, nous n’avons jamais pu organiser un débat sur la Palestine dans une université française : l’autorisation a toujours été refusée, quelquefois au dernier moment. Le cas le plus célèbre s’est produit en 2011 à l’Ecole Normale Supérieure, où le directeur de l’époque, Monique Canto-Sperber, est allée jusqu’au Conseil d’État pour refuser une salle à ses propres élèves, coupables d’avoir voulu organiser une réunion sur la Palestine avec Stéphane Hessel, lui-même ancien élève de l’Ecole, ancien déporté, grand résistant, couvert de gloire et d’honneurs, âgé alors de 94 ans. Je profite de l’occasion pour faire une page de publicité. Pour ceux d’entre vous qui seraient à New-York le 24 Avril, ne manquez pas de vous rendre au service culturel français : vous aurez le plaisir d’y entendre Monique Canto-Sperber faire une conférence publique sur, mais oui, la liberté d’expression !

    La question palestinienne s’insère dans une crise plus vaste, celle de la démocratie représentative.

    Comment faire savoir qu’on n’est pas d’accord, et changer l’avenir qu’on nous prépare ? Le grand poète israélien Aaron Shabtai explique que les Grecs distinguaient les idiotai, ceux qui s’occupent de leurs affaires et ne se mêlent pas de politique, des politai, ceux qui s’impliquent dans la vie de la cité, et qui considèrent les affaires publiques comme les leurs. On peut rester le dos courbé, ou se lever pour sauver la collectivité. Comment devenir un polites ? Que peut faire le citoyen quand la démocratie représentative ne fonctionne plus ? Nous vivons dans une société du spectacle, les informations se bousculent, les pétitions, les photos, les tribunes sont éphémères, on vit dans l’instantané, nos émotions ne durent pas plus qu’un tweet. Comment construire une action durable ?

    La réponse, c’est le boycott. Le boycott est un moyen d’action

    • démocratique : pour que le boycott soit efficace, il faut être plusieurs, et plus on est nombreux, plus il est efficace
    • non-violent : le boycott se place délibérément sur le terrain de l’exercice des libertés individuelles (acheter ou ne pas acheter, accepter ou non une invitation) et non sur celui de la contrainte. L’affrontement a lieu dans les consciences.
    • pédagogique : on ne boycotte pas de gaîté de coeur, on le fait parce qu’il y a une raison, à savoir la situation en Palestine, et si on veut que le geste soit compris, il faut expliquer celle-ci, de préférence par des exemples précis et ciblés.
    • démocratique derechef : car ces explications donneront lieu à des débats contradictoires, et c’est de la discussion publique que naît la démocratie.

    Le boycott est aussi un cri d’alarme, un geste a-normal dans une situation où les normes sont perverties, une manière de réveiller les gens de leur anesthésie, de leur faire prendre conscience que le monde qu’on leur présente n’est pas le vrai, d’ouvrir un débat sur la situation en Palestine en dépit des interdits. Mais peut-être est-il utile maintenant de faire un rappel historique sur les boycotts.

    La première chose à remarquer, c’est que les états ne s’en privent pas, et boycottent sans aucun scrupule. À cette échelle, cela s’appelle autrement : ce sont les fameuses sanctions économiques, qui ont fait des centaines de milliers de morts en Irak, et qui sont en train de mettre à genoux l’Iran. Citons aussi le blocus de Gaza, mené par Israël et l’Égypte, sans que le gouvernement français, par exemple, ne s’en émeuve le moins du monde. C’’est le même gouvernement qui déclarera immoral un boycott citoyen d’Israël et mobilisera pour le réprimer tout un arsenal législatif.

    Je range dans la même catégorie, celle des boycotts d’état, le boycott des commerces juifs en 1933 en Allemagne : il était organisé par le gouvernement nazi, et la force publique était chargée, dans tout le pays, de le faire respecter, avec le concours musclé des SA. Les boycotts citoyens, issus de mouvements populaires, sont de nature bien différente. Dans ma vie, j’en ai connu deux :

    • le boycott des bus de Montgomery en 1955, à l’appel de Martin Luther King, pour obtenir la fin de la discrimination raciale pratiquée par la compagnie, étape importante dans le mouvement des droits civiques.
    • le boycott international de l’Afrique du Sud, qui a commencé vers 1960, avant d’aboutir en 1994 à l’arrivée au pouvoir de Nelson Mandela. Les états se sont progressivement joints au mouvement, et ont adopté des sanctions économiques, à l’exception d’Israël qui a maintenu jusqu’au bout une coopération suivie avec le gouvernement sud-africain.

    De ces précédents historiques on peut tirer quelques leçons. La première est que le boycott est efficace, mais que son efficacité se fait attendre : le boycott des bus de Montgomery a duré 381 jours, plus d’un an, et le boycott de l’Afrique du Sud près de trente ans. La deuxième est que ses adversaires répondent par la violence, et notamment la violence légitime, celle de l’état : la maison de Martin Luther King a été incendiée, lui-même a été traîné devant les tribunaux et condamné pour entrave au commerce, tout comme un vulgaire militant BDS dans la France de 2015. Il fit de la prison, et il devait en faire encore : c’est du fond d’une prison de Birmingham qu’il devait écrire en 1963 une lettre admirable, que je n’ai pas le temps de commenter ici, mais dont je voudrais extraire cette phrase : "j’en suis presque arrivé à la regrettable conclusion que le principal obstacle que rencontre le noir dans sa quête de la liberté n’est pas le membre du Ku Klux Klan, mais le blanc modéré, qui est plus attaché à « l’ordre » qu’à la justice, qui préfère une paix négative qui est l’absence de tension à une paix positive, qui est la présence de la justice"

    La société civile palestinienne a lancé en 2004 un appel au boycott académique et culturel (PACBI) suivi en 2005 d’un appel au boycott économique, au désinvestissement dans les compagnies qui soutiennent la colonisation et l’occupation, et à l’application des sanctions internationales prévues par les traités en vigueur (BDS). Le boycott académique et culturel est un boycott non des personnes, mais des institutions : il ne s’agit pas, pour nous universitaires, de juger nos collègues israéliens ou de ne pas leur parler, il s’agit de refuser de participer à des programmes de recherche ou de coopération organisés ou financés par les institutions israéliennes. La raison en est l’implication constante et avérée de celles-ci dans la colonisation et l’occupation. Dans la droite ligne de ce que j’ai dit sur le boycott, lorsque nous écrivons à des établissements d’enseignement supérieur ou de recherche français pour dénoncer les accords qu’ils pourraient avoir des homologues israéliens, nous prenons soin de détailler ce que nous reprochons à ceux-ci (voir par exemple la lettre de l’AURDIP au directeur de l’École Polytechnique à propos du Technion).

    Le boycott a maintenant dix ans. En comparaison des trente ans que cela a duré pour l’Afrique du Sud, nous ne sommes encore qu’au tiers du chemin, et nous sommes bien partis. En 2013, le scientifique le plus célèbre du monde, Stephen Hawking, l’auteur d’ « Une brève histoire du temps », refusait de se rendre au 90ème anniversaire de Shimon Peres, et déclarait se joindre au boycott. La même année, l’UE publiait des lignes directrices, demandant aux bénéficiaires israéliens de contrats de recherche de certifier qu’aucune activité n’aurait lieu dans les territoires occupés. Cette année, Veolia Environnement, célèbre dans le monde entier pour avoir construit le tramway qui relie commodément les colonies israéliennes à Jérusalem-Ouest, en passant sur les territoires occupés de Jérusalem-Est, a déclaré avoir vendu toutes ses activités en Israël (eau, déchets, énergie), à l’exception justement de sa participation au tramway, dont elle n’a pas encore pu se débarasser. Le ministère des affaires étrangères met dorénavant en garde les entreprises françaises sur les risques juridiques qu’elles courent à investir dans les colonies.

    On peut aussi mesurer le succès de la campagne à la férocité de la répression.

    Partout dans le monde on se heurte aux organisations pro-israéliennes, promptes à brandir l’accusation d’antisémitisme, mais La France est le seul pays où le gouvernement réprime le BDS : la droite, avec Michèle Alliot-Marie, puis la gauche, avec Christiane Taubira, ont donné aux procureurs l’instruction de poursuivre systématiquement les militants, suivant en cela un argumentaire juridique qui a été rejeté à plusieurs reprises par les tribunaux. On revit ainsi en France la situation des militants des droits civiques aux États-Unis, condamnés eux aussi pour entrave au commerce ! Pourquoi cette répression ? Parce qu’au final, notre gouvernement a compris que le boycott est dirigé contre lui : c’est son inertie que le mouvement dénonce, son refus d’appliquer le droit international et de respecter sa propre parole. Si les sanctions économiques prévues au traité d’association entre l’UE et Israël étaient appliquées, ou si le Conseil de Sécurté de l’ONU faisait respecter les résolutions, il n’y aurait pas de boycott citoyen.

    Le regretté Yeshayahu Leibowitz [7] avait coutume de dire que le véritable courage ne consiste pas à charger l’ennemi, côte à côte avec ses camarades dans l’exaltation du combat, mais à être celui ou celle qui dit non aux siens, seul contre tous, jour après jour dans la réprobation générale. C’est lui, c’est elle, qui change le cours de l’histoire. Je rends hommage aux militants du boycott, en Israël comme en France et ailleurs, qui essaient, non sans risque pour eux-mêmes, de faire régner la paix, la paix positive dont parlait Martin Luther King, dans cette région du monde qui a tant souffert.

    Ivar Ekeland, Président de l’AURDIP, ancien Président de l’Université Paris-Dauphine.

    http://www.aurdip.org/la-palestine-et-nous.html

    http://www.ujfp.org/spip.php?article4085