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  • Le féminisme face à l’islamophobie occidentale (CCR)

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    Nous publions la traduction de cet article paru sur clasecontraclase.org le 24/03/15 (« El feminismo frente a la islamofobia occidental ») à titre de réflexion sur cette problématique des plus actuelles.

     

    Après les attentats de janvier, l’augmentation du racisme, de la xénophobie et de l’islamophobie a érigé encore une fois la femme en symbole du "retard" et de la "barbarie" du monde arabe et musulman.

    La théorie du "choc des civilisations" trouve aussi une expression dans le féminisme, même si les préjugés raciaux sur la "femme occidentale" et l’exotisation des femmes arabes sont loin d’être nouveaux. Ils se manifestent par le mépris des luttes de ces femmes, pour mieux enseigner les "valeurs occidentales supérieures" à ces femmes prétendument "passives et soumises". Cela passe notamment par ce que beaucoup de féministes appellent "l’uniformisation" des femmes de pays coloniaux ou semi-coloniaux, par le biais d’une généralisation du comportement "des autres", toujours discuté d’un point de vue eurocentré. Il se crée ainsi un idéal faussé de supériorité et de progrès occidental.

    Loin d’une soumission passive, les femmes arabes et musulmanes ont su reconnaître à la fois les particularités de leur propre horizon historico-social dans lequel s’inscrivent les relations d’oppression, et à la fois l’universalité de problèmes partagés par toutes leurs sœurs de classe : la dureté de leurs conditions de travail, l’absence ou le manque de droits sociaux et politiques, les violences et les agressions sexuelles, entre autres. 

    Les multiples stratégies de lutte des "femmes du harem"

    L’histoire des femmes arabes musulmanes n’a cessé de rompre les limites de la figure des "femmes du harem", analysant le caractère de leur oppression et développant une stratégie pour la libération de leurs doubles chaînes, c’est-à-dire à la fois de l’oppression exercée par les pouvoirs autochtones, et de celle exercée par le pouvoir colonial occidental des pays impérialistes.

    Le mouvement féministe des femmes arabes et musulmanes a lutté pour le droit de vote, le droit à participer à la vie politique, pour l’égalité au travail et dans l’éducation, ainsi que différentes revendications liées à la polygamie - qui ne favorisait que les hommes au détriment des femmes -, à la réduction du droit absolu des hommes concernant le divorce, et à l’augmentation de l’âge légal du mariage des filles.

    La féministe marxiste égyptienne Nawal al Saadawi [1], psychiatre et écrivaine, raconte comment les femmes qui se sont intégrées au travail industriel en Égypte pendant les premières décennies du XXe siècle ont été les premières actrices à mener des grèves et des occupations d’usines pour exiger la réduction de la journée de travail et les congés de maternité. De nombreuses femmes devaient en effet cacher leurs grossesses pour éviter de se faire licencier et bien souvent des avortements étaient provoqués avec des tiges d’un végétal : rien de bien différent en réalité de la situation des femmes françaises avant la légalisation de l’avortement, ou des femmes espagnoles pendant le franquisme.

    Le développement de la littérature écrite par des femmes a été très important à cette époque, révélant ainsi la situation d’oppression des femmes et livrant les premières analyses des voies d’émancipation. C’est le cas par exemple de l’égyptienne Hafni Nassif, qui lutta pour l’accès à l’éducation pour les filles et écrivit dans la presse sur la question du divorce, du mariage, et de la mise à l’écart des femmes.

    L’historienne féministe Mary Nash explique comment "les femmes ont déployé de nombreuses ressources et stratégies pour obtenir non seulement les droits qui leur étaient propres mais aussi l’indépendance nationale, avant, pendant et après les processus de décolonisation" [2]. En Égypte, en Tunisie, au Maroc et en Algérie, elles ont joué un rôle actif dans ces processus. Nadal al Saadawi raconte les mobilisations des femmes en Égypte, qui coupaient les lignes téléphoniques et sabotaient les chemins de fer pour bloquer le passage des troupes britanniques pendant les soulèvements de 1919. Certaines ont assailli les casernes et les prisons dans lesquelles étaient enfermés les leaders du mouvement. Des centaines de ces femmes ont été assassinées. Une féministe marocaine reconnue, Fátima Mernissi [3], critique aussi bien les pouvoirs autochtones qu’un secteur du féminisme occidental qui sous-estimait les capacités de mobilisation des femmes arabes : 

    « Quand je rencontre une féministe occidentale qui pense que je devrais lui être reconnaissante pour ma propre évolution dans le féminisme, ce n’est pas tant du futur de la solidarité internationale des femmes dont je me préoccupe, que de la capacité du féminisme occidental à créer des mobilisations sociales populaires, qui permettraient d’atteindre un changement structurel dans les capitales mondiales de leur propre empire industriel » [4].

    Cette auteure explique le féminisme arabe à partir de sa propre expérience, affirmant que l’opposition et la critique des leaders religieux conservateurs arabes et des principes de l’Islam patriarcal viennent en premier lieu des femmes arabes elles-mêmes. Elles ont d’ailleurs été considérées comme une menace pour le système patriarcal, bien souvent accusées par les leaders religieux conservateurs d’introduire des idées destructrices importées d’Occident.

    Usages et symboles du voile

    Les féministes arabes ont beaucoup critiqué le fait que le «féminisme occidental», comme on a pu l’appeler, insistait énormément sur une supposée connexion entre la culture et l’oppression des femmes. De cette idée découle la stratégie d’ «abandon de la culture autochtone» comme voie d’émancipation. L’interdiction du port du voile (du hijab) s’inscrit dans cette logique.

    Le débat sur le hijab est apparu au 19è siècle en Égypte, sous la colonisation britannique. Certains leaders du monde arabo-musulman qui luttaient notamment pour les droits des femmes à l’éducation considérèrent alors, influencés par le discours colonial européen, que le port du voile était un «symbole de retard culturel».

    Les nouveaux courants féministes arabes du 20è siècle ont remis en cause ces réformateurs et leur statut officiel de «premiers féministes». Cette critique fut la base du féminisme anticolonial, qui rejette l’occidentalisation des politiques de genre, notamment l’interdiction du voile qui commençait à s’appliquer dans différents pays. C’est ainsi que le débat sur le voile s’est divisé entre deux positions, l’une considérant le voile comme un symbole du «retard culturel», et l’autre le considérant comme une identification de la culture arabe et musulmane s’opposant au pouvoir des colons.

    Il existe de nombreux débats historiques et actuels sur ce sujet, sur la signification du voile et sur ce qu’il symbolise. Pour mieux les comprendre, il est nécessaire de replacer dans leur contexte les politiques mises en place en faveur ou contre le port du voile. A partir du 20e siècle, sa signification a subi un changement profond, lié au développement des processus anticoloniaux, en devenant un «symbole de la résistance anticoloniale». Comme l’écrit Frantz Fanon lorsqu’il décrit la lutte d’indépendance de l’Algérie dans les années 50, à l’époque, plus de 10 000 femmes sont descendues dans les rues pour protester contre l’interdiction du port du voile par l’Etat français, comme on peut le voir dans le film La bataille d’Alger.

    En parallèle, des mouvements de femmes et de féministes ont lutté dans différents contextes contre l’imposition du hijab ou contre ce que l’on appelle parfois le «voile intégral», la burka et le niqab, sans pour autant abandonner la lutte contre le pouvoir colonial, en s’affrontant dans le même temps aux pouvoirs autochtones. Ce fut le cas notamment de la Fédération des femmes dans les années 1920, composée majoritairement de femmes de classes aisées, qui manifestèrent pour l’abolition du voile; une lutte qui, selon al Saadawi, n’était pas le centre d’attention des femmes travailleuses ou paysannes, notamment parce qu’elles n’avaient pas l’habitude de le porter dans les usines ou les champs.

    En Europe, le débat a été réactualisé ces dernières années suite à l’interdiction de la burka et du niqab en France, en Belgique, aux Pays Bas, au Luxembourg, dans certains conseils municipaux de Catalogne dans l’État Espagnol, en Allemagne – où la moitié des États interdisent le voile – et en Italie, où la loi anti-terroriste de 1970 interdit tout ce qui pourrait cacher le visage. Cette interdiction «au nom de la liberté» des femmes n’est rien de plus que le masque légal de la persécution quotidienne, xénophobe et raciste, subie par les populations immigrées.

    Les différentes tendances du féminisme du monde arabe

    A la chaleur des grandes expériences de luttes et d’organisation ont surgi de nombreux débats entre le « féminisme arabo-musulman » et le « féminisme islamique » au cours des années 1990. Malgré leurs différences, le point d’accord entre ces deux courants est la critique de ce qui est identifié comme « féminisme occidental », un féminisme qui n’est que l’écho de l’ « impérialisme culturel », ce qui conduit à deux grandes conséquences pour le mouvement féministe. La première, c’est un rejet du mouvement féministe dans les sociétés arabes et musulmanes, soutenu par les forces politiques et religieuses conservatrices qui accusent le féminisme d’être l’ « ennemi de la culture traditionnelle et de la religion ». La seconde, c’est l’émergence d’un mouvement féministe large, du laïcisme à l’islamisme.

    Récemment, la publication L’émergence du féminisme islamique [5], revenait sur l’émergence de ce courant [6], qui se caractérisait par le rejet du « féminisme colonial » et de l’idée que « l’occidentalisation entendue comme abandon de l’islam » soit le seul chemin pour obtenir la libération des femmes musulmanes. L’ouvrage revendique alors une émancipation des femmes « dans le cadre de l’islam religieux » et dénonce une dégradation de la tradition de l’islam et une mauvaise interprétation des textes sacrés. Il propose alors une relecture de ces textes à travers une « herméneutique coranique » qui dévoilerait un « islam authentique » contenant un « Coran libérateur de la femme ».

    Bien que le «féminisme islamique» se différencie des leaders religieux conservateurs arabes – qui, sous couvert de lutte contre la «pénétration occidentale » ne font que perpétuer les pratiques patriarcales les plus réactionnaires – il existe néanmoins une grande contradiction dans le fait de vouloir rechercher au sein de la religion les bases de l’émancipation des femmes, car celle-ci possède des liens étroits avec les États et les différentes institutions du système patriarcal, lui même si cher aux sociétés capitalistes.

    Sur ce point, les féministes arabes et musulmanes se sont vivement opposées au « féminisme islamique » en montrant que, même en plongeant dans une « relecture libératrice du Coran », il n’en reste pas moins que toutes les religions, et notamment l’islam, maintiennent une collaboration étroite avec l’État, le pouvoir politique et le système patriarcal. Même si certaines considèrent que l’islam a pu améliorer les droits des femmes à certains moments déterminés de l’histoire, elles expliquent que toutes les religions monothéistes sont patriarcales et qu’il n’est ainsi pas possible d’obtenir l’émancipation des femmes à travers cette logique strictement religieuse.

    L’analyse de Nawal al Saadawi sur cette question est intéressante à plus d’un titre : « L’histoire a mis en évidence le lien étroit existant entre économie et religion, entre les nécessités économiques et les valeurs morales et sexuelles dominantes d’une société déterminée ». A travers un récit détaillé du traitement réservé aux femmes sous le judaïsme, le christianisme et l’islam, elle fonde sa thèse selon laquelle « Les religions monothéistes, pour dicter les principes qui devaient régir le droit et le statut de la femme, se sont inspirées, comme nous l’avons vu, des valeurs qui régnaient dans les sociétés patriarcales et de classes ».

    Malgré cette classification synthétique, il est difficile de donner une division stricte de ces courants. De nombreuses féministes partagent des nuances qui se situent entre le féminisme islamique et le féminisme arabe et musulman. Fátima Mernissi par exemple pourrait être classée comme référente d’un croisement complexe entre ces deux courants.

    Les milles et un problèmes des femmes des « Mille et une nuits »

    Il est plus que temps aujourd’hui de rompre avec la vision qui décrit les femmes arabes et musulmanes comme de simples victimes, et de commencer à connaître les luttes qu’elles ont mené, les idées qu’elles ont porté pour la transformation de leurs sociétés.

    De nombreuses intellectuelles et féministes musulmanes se sont efforcées de rompre la vision occidentale déformée des femmes arabes, qui prend sa source dans l’œuvre des Mille et une nuits. La femme qui pratique la danse du ventre, séduit les hommes, promet des nuits de passion et joue avec les secrets et les intrigues sur des tapis volants. Il n’y a rien à envier là-dedans aux histoires de princesses que la culture occidentale a tant su fabriquer.

    Les luttes historiques et celles d’aujourd’hui menées par les femmes arabes et musulmanes, dans les rues et par l’organisation du mouvement des femmes à travers un large spectre de revendications, montrent bien que la question du voile et la « danse du ventre » sont bien loin des principales préoccupations. Il n’y a rien de plus en rupture avec l’image de la femme des Mille et une nuits que les femmes des révolutions arabes, actrices centrales de ces mobilisations. Pour la seule année 2010, on décompte plus de 300 grèves dans lesquelles les femmes ont fait irruption, en portant sur leurs épaules l’ensemble des problèmes sociaux qui affectaient les familles face à l’inflation des produits de base. Et les images des femmes égyptiennes et marocaines, pancartes et mégaphones à la main, s’affrontant aux forces répressives, ont fait le tour du monde.

    L’occultation, la méconnaissance de leurs actions, et leur description comme simples victimes sont des mécanismes qui ne font que soutenir le racisme et l’islamophobie qui pèsent quotidiennement sur le quotidien des femmes qui vivent dans les pays d’Europe ou aux États Unis. Si l’oppression des femmes est double, comme femme et comme travailleuse, elle est triple en réalité dans les pays impérialistes pour toutes ces femmes.

    24/03/15 Cynthia Lub

    http://www.ccr4.org/Le-feminisme-face-a-l-islamophobie

  • Germaine Tillion, une ethnologue au Panthéon (Cnrs)

    Germaine Tillion, photographiée en 1935 en Algérie.

     
    Figure de la Résistance, Germaine Tillion entre au Panthéon mercredi 27 mai, avec Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Pierre Brossolette et Jean Zay. L’historien Tzvetan Todorov nous retrace le destin de cette ethnologue d’exception, que son engagement mena en prison puis au camp de Ravensbrück.

    Germaine Tillion, ethnologue et historienne, résistante et déportée, est née le 30 mai 1907, à Allègre, dans la Haute-Loire. Après des études secondaires à Clermont-Ferrand, elle suit sa famille qui déménage dans la région parisienne. À partir de 1926, elle entreprend des études universitaires variées, d’abord en archéologie, préhistoire et histoire de l’art, puis elle suit des cours à l’Institut d’ethnologie et au Collège de France, où elle participe au séminaire de Marcel Mauss.

    1934 : début de sa thèse sur les Chaouias d’Algérie

    Tillion obtient son certificat de l’Institut d’ethnologie en 1932 et s’inscrit en thèse avec Mauss ; c’est lui aussi qui lui procure son premier travail. L’International Institute for African Languages and Cultures de Londres accorde deux bourses à des étudiantes françaises ; Mauss recommande Tillion pour l’une d’entre elles. Elle part en décembre 1934, en même temps que Thérèse Rivière, pour la région des Aurès, en Algérie, où elle restera jusqu’en février 1937, à étudier la société des Chaouias. De retour en France, elle transforme son sujet de thèse en « Étude totale d’une tribu berbère », toujours sous la direction de Mauss, secondé maintenant par Louis Massignon. Elle publie ses premières études ethnologiques, consacrées à la population des Aurès.

    En août 1939, elle repart sur le terrain avec une bourse du CNRS et y reste jusqu’à la fin mai 1940. Le travail sur la thèse est bien avancé, Tillion a rassemblé une abondante information sur la société qu’elle étudie, en mettant en pratique la méthode de Mauss et en cherchant d’abord la réponse à des questions concrètes : qui, quand, où, combien, comment, le tout conduisant à la construction du fait social total.

    1940 : engagement dans la Résistance

    Le retour de Tillion en France coïncide avec la débâcle, les armées allemandes déferlent sur le pays. Dès le mois de juin 1940, la jeune ethnologue cherche à participer à un mouvement de résistance. Elle monte un groupe qui entre en rapport avec le réseau dit du Musée de l’homme. Ce groupe aux dimensions fluctuantes se livre à des activités multiples : collecter des informations à envoyer à Londres, accueillir des soldats évadés ou organiser des évasions, fabriquer de faux papiers, diffuser des appels au combat, liquider des agents de la Gestapo. Plusieurs membres du réseau sont trahis et arrêtés, elle intervient pour essayer de leur sauver la vie, sans succès. En août 1942, à la suite à d’une trahison, elle-même sera arrêtée. Elle passe une année dans les prisons françaises, où elle a la possibilité de terminer sa thèse.

    1943 : déportation à Ravensbrück

    En octobre 1943, elle est déportée dans le camp de Ravensbrück, sa mère, arrêtée en tant que complice, l’y suivra quelques mois plus tard. Le manuscrit de sa thèse disparaîtra au cours de ce déplacement. Dans le camp, elle se comporte encore – dans une certaine mesure – en ethnologue : elle réunit des informations, les analyse et communique les résultats de sa recherche à ses camarades de détention, ce qui les aide à mieux supporter l’épreuve. « Comprendre ce qui vous écrase est en quelque sorte le dominer », écrira-t-elle plus tard. Au cours des mêmes mois, elle rédige aussi une « opérette-revue », Le Verfügbar aux enfers, parodie d’Orphée aux enfers, qui décrit sur un mode ironique la condition des détenues : celles-ci auront ainsi l’occasion de rire de leurs propres infortunes. Tillion subit un coup dur en mars 1945 : sa mère est raflée et envoyée à la chambre de gaz en tant que personne inutile parce que trop âgée.

    1945 : réintégration de son poste au CNRS

    En avril 1945, les détenues sont libérées du camp et envoyées en convalescence en Suède. Tillion revient en France en juillet de la même année et retrouve son poste au CNRS. Mais sa thèse est perdue, les Chaouias sont loin, et elle choisit de passer dans la section d’histoire moderne, où elle se consacre à l’étude de la résistance et  de la déportation. Elle a cependant l’occasion de revenir à son travail ethnologique en 1947, car l’Institute de Londres lui demande un rapport sur son travail d’avant-guerre. En le rédigeant, elle se rend compte que, après Ravensbrück, elle n’interprète plus la société chaouia de la même manière, alors même qu’elle n’a collecté aucune nouvelle information. Ce fait l’incite à interpréter la connaissance en sciences humaines comme une interaction entre les faits objectifs et la subjectivité du savant, irréductible. Mais ses principaux travaux du moment portent sur l’histoire immédiate : elle rédige un premier texte sur Ravensbrück, une étude aussi sur les débuts de la Résistance en France. En même temps, elle participe à la Commission créée par l’ancien déporté David Rousset, qui lutte contre les camps de concentration toujours en activité, notamment dans les pays communistes en Europe et en Asie.

    1954 : en mission d’information en Algérie

    En 1954, au début de l’insurrection algérienne, Tillion est sollicitée par Massignon pour se rendre en Algérie en mission d’information. À la suite d’un séjour de deux mois, elle élabore le projet des Centres sociaux, lieux d’éducation destinés aux enfants et aux adultes, aux hommes et aux femmes, qui leur permettent d’acquérir une formation de base et leur offrent en même temps une aide médicale et administrative. De retour en France, elle expose à ses camarades de déportation  la situation en Algérie ; le texte de son rapport sera publié originellement sous le titre L’Algérie en 1956. Au début de l’année suivante la répression de l’insurrection par l’armée française s’intensifie, l’usage de la torture se généralise. Tillion renonce à la poursuite de tout projet politique et se consacre essentiellement à la protection d’individus dont la vie est menacée. Elle rencontre des responsables des insurgés, essaie de faire cesser les attentats aveugles, d’un côté, la torture et les exécutions, de l’autre. Dans ses démarches, elle échoue souvent, mais d’autres fois réussit, et grâce à elle des centaines de personnes échappent à la mort, à la torture, à la prison.

    1958 : inauguration de sa chaire de « Sociologie algérienne »

    En 1958, Tillion est élue directrice d’études à la VIe section de l’École pratique des hautes études (plus tard EHESS). Sa chaire s’intitule « Sociologie algérienne » : le centre de gravitation de ses travaux s’est déplacé de nouveau, cette fois-ci de l’histoire moderne vers l’ethnologie. Elle dirige dans ce cadre des dizaines de travaux d’étudiants, accomplit de nombreuses missions scientifiques dans le Maghreb, en Afrique noire et au Moyen-Orient. En 1960, elle publie son livre sur la guerre d’Algérie, Les Ennemis complémentaires. Elle travaille ensuite à la rédaction d’un ouvrage sur « l’apprentissage des sciences humaines », qu’elle abandonnera plus tard. En 1966, elle publie un essai d’anthropologie générale intitulé Le Harem et les cousins, sur la condition féminine dans l’aire méditerranéenne. Elle part à la retraite en 1977, mais continue d’enseigner jusqu’en 1980.
     

    2005 : réédition des « Ennemis complémentaires », son livre sur la guerre d’Algérie

    Pendant les dernières décennies de sa vie, Tillion publiera plusieurs ouvrages de fond. En 1973 paraît le volume intitulé Ravensbrück, étude approfondie de ce camp. Il illustre en même temps la méthode de Tillion qui refuse de séparer l’histoire objective et le vécu subjectif (ce livre connaîtra une ultime révision en 1988). En 1999, elle publie une version enrichie et complétée de son premier livre sur l’Algérie, sous le titre L’Afrique bascule vers l’avenir. En 2000 paraît Il était une fois l’ethnographie, écrit à partir des notes préparatoires qu’elle avait accumulées en vue de sa thèse sur les Chaouias. Deux autres titres sont publiés en 2001 : À la recherche du vrai et du juste, reprise de ses publications disparates entre 1940 et 2000, et L’Algérie aurésienne, en collaboration avec Nancy Wood, à partir des photographies qu’elle avait prises au cours de ses enquêtes sur le terrain, dans les années 1930. En 2005 voit le jour une nouvelle édition entièrement recomposée et enrichie des Ennemis complémentaires et, pour la première fois, le texte de son « opérette » de Ravensbrück, Le Verfügbar aux enfers. Germaine Tillion est décédée à son domicile le 19 avril 2008.

    15.07.2014, par
    Tzvetan Todorov

    Mis à jour le 22.05.2015
     
  • Marianne à Brest même!

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    Excellente journée autour de la Marianne ce 26 mai sous le soleil. De nombreux contacts médias, un accueil officiel et chaleureux à la mairie par Mme Kervern adjointe au maire et une superbe soirée.

    Beaucoup de monde au port autour du bateau et de son équipage, de nombreux échanges, une visite du bateau pour qui voulait monter à bord et un beau rassemblement coloré et très chaleureux. Nous avons eu le plaisir d'écouter M. Salami, adjoint maire à la solidarité internationale, réaffirmer l'engagement de la municipalité auprès de l'Afps et des citoyens solidaires de la Palestine.
    Puis nous nous avons entendu les militants français raconter les Flottilles, celle de 2011 où nous étions très engagés et celle-ci que nous accompagnons de près, ainsi que la situation à Gaza.
    L'équipage de la Marianne s'est ensuite adressé au très nombreuses personnes présentes expliquant leur engagement et la nécessité absolue de la solidarité internationale.
    Un concert a clôturé cette manifestation très réussie dont la mémoire restera longtemps. Merci à toutes ceux et celles qui ont contribué à cet élan superbe, notamment en faisant montre de leur magnifique générosité (plus de 1500 euros ont été récoltés qui vont emplir les réservoirs de carburant!). Merci d'avoir été là, parfois venus de loin.
    La Marianne reprend la mer demain à marée haute, vers le sud, vers Gaza assiégée où elle va apporter un message d'humanité et de courage.
    Bon vent, Flottille de la Liberté!

     

  • Nouveautés sur Association France Palestine Solidarité

     

  • Notre camarade tunisienne Ahlem Belhadj (A l'encontre.ch)

    Ahlem Belhadj, médecin, pédopsychiatre, professeure à l'Université de Tunis, inscrit le rôle des femmes dans le processus de changement en Tunisie.

    Cette intervention est faite dans un atelier qui faisait partie intégrante du Forum international organisé les 20, 21, 22 mai 2015 à Lausanne.

    Celles et ceux qui regarderont cette vidéo seront attentifs à une intervention du syndicaliste Nizar Amami, député du Front populaire. Il répond en arabe à une question. L'ensemble des dizaines d'interventions de ce Forum seront disponibles sous peu. Rédaction A l'Encontre

    http://alencontre.org/

  • "Les juifs algériens dans la lutte anticoloniale. Trajectoires dissidentes (1934-1965)" (Ujfp)

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     de Pierre-Jean Le Foll-Luciani.

    Présentation : « Pour nous qui venions à peine d’avoir l’âge de raison en ces jours d’humiliation, ces années de jeunesse ont à jamais marqué notre vie et c’est pourquoi nous sommes fiers de l’injure qu’on nous lançait comme un opprobre : Oui, nous sommes des juifs indigènes algériens… Et après ? Vous n’aurez pas notre cœur contre un certificat de nationalité dont vous vous servez comme d’un couperet de guillotine. »

    Diffusées clandestinement durant la guerre d’indépendance, ces lignes ont été écrites en 1957 par des juifs algériens qui, nés citoyens français vers 1930, déchus de la citoyenneté française durant trois années et exclus de l’école sous Vichy, sont devenus des militants communistes algériens après la Seconde Guerre mondiale avant de rejoindre le FLN en 1956.

    De l’entre-deux-guerres à l’indépendance de l’Algérie, une petite minorité de juifs issus de familles autochtones ont suivi des trajectoires comparables, les déplaçant en quelques années des projets sociaux ordinaires de leurs parents – faire de leurs enfants de bons Français plus ou moins juifs – vers le projet politique inouï de s’affirmer Algériens.

    Bouleversant l’ordre du monde colonial par leurs prises de position politiques, par leurs sociabilités transgressives et jusque dans leur intimité affective, ces hommes et ces femmes ont engagé leur vie pour une Algérie décolonisée et socialiste dont ils seraient citoyens, participant pleinement – mais non sans difficultés dans leur confrontation avec le nationalisme algérien dominant – au mouvement national, aux épreuves de la clandestinité et de la répression durant la guerre d’indépendance, et aux premières années de construction de l’Algérie indépendante.

    Basé sur des entretiens biographiques menés avec 40 anciens militants, sur des sources privées et sur des fonds d’archives souvent inexplorés, cet ouvrage met en lumière les ressorts de ces trajectoires dissidentes en les articulant à une réflexion générale sur le rapport des juifs algériens à la question coloniale. Au prisme de cette entrée minoritaire, il s’agit aussi de construire une histoire par le bas des juifs d’Algérie, du communisme algérien et, plus généralement, de la société algérienne colonisée et nouvellement indépendante.

    Ouvrage de 541 pages comprenant un cahier de 72 photographies.

    À lire en ligne : l’introduction de l’ouvrage et la table des matières.

    Le blog de l’auteur

    Rendez-vous

    À Lyon, présentation du livre :"Les juifs algériens dans la lutte (...) 
    Le mercredi 10 juin 2015 à 19h30
    Maison des passages

    44 rue Saint Georges
    LYON

    dimanche 24 mai 2015

     

    Ouvrage paru aux Presses universitaires de Rennes en mai 2015.

    http://www.ujfp.org/spip.php?article4179

  • La France lance à l’ONU une nouvelle tentative en vue de saper les droits des Palestiniens (Ujfp)

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    Le gouvernement du président français François Hollande renouvelle ses efforts pour saper de façon irréparable les droits fondamentaux des Palestiniens, en particulier ceux des réfugiés.

    Le journal ’Le Figaro’ s’est procuré le texte d’un projet de résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU que l’administration Hollande a l’intention de présenter avant le mois de septembre.

    Cette résolution peut être vue comme l’équivalent au niveau international des mesures énergiques prises en France à l’encontre du soutien à la Palestine sous couvert de lutte contre l’antisémitisme. La résolution graverait dans le marbre le principe sioniste et ségrégationniste « deux États pour deux peuples »

    Elle parle également de « compensation » pour les réfugiés palestiniens plutôt que de leur droit de retrouver les terres dont ils ont été expulsés et empéchés d’y revenir juste parce qu’ils n’étaient pas Juifs. Selon ’Le Figaro’, le ministre français des affaires étrangères Laurent Fabius a soumis le projet de texte à des gouvernements arabes.

    La résolution définirait une durée limite de 18 mois aux négociations en vue d’atteindre « une paix juste, durable et globale » entre Israéliens et Palestiniens. Si aucun accord n’était atteint à l’issue de cette période, la France reconnaîtrait officiellement un « État de Palestine » qui n’existe pas.

    Défense du programme israélien

    Le texte de la résolution reprend des formulations de feu le « processus de paix » qui avaient été soigneusement écrites pour autoriser Israël à maximiser son annexion des territoires occupés et à conserver les colonies qu’il y avait mises en place en violation du droit international.

    Il appelle à la création d’un état palestinien « sur la base des frontières du 4 juin 1967, moyennant des échanges mutuellement agréés de territoires équivalents », tout en plaçant les soi- disant « préoccupations sécuritaires » d’Israël au « cœur des futures négociations ».

    Comme je l’ai noté auparavant, le terme « sur la base » devrait être considéré avec autant de sérieux que lorsqu’un téléfilm prétend être construit « sur la base » d’une histoire vraie.

    Un autre aspect recyclé de la résolution est la demande que « l’État » de Palestine soit « démilitarisé » accompagné d’un retrait d’Israël de son territoire étalé sur une période non spécifiée qui peut même, selon les termes des accords d’Oslo en 1993, s’étendre à l’infini. Alors que les Palestiniens seraient désarmés, aucune limitation n’est prévue concernant les forces militaires dont Israël a usé depuis des dizaines d’années pour le nettoyage ethnique et la conquête de territoires appartenant aux Palestiniens et aux états voisins.

    Pas de droit au retour

    En ce qui concerne les réfugiés, le texte de la France appelle à « une solution juste, équilibrée et réaliste au problème des réfugiés », en soulignant qu’elle devrait s’appuyer sur un « mécanisme de compensation ». Il s’agît évidemment d’une autre concession manifeste au refus d’Israël d’autoriser les réfugiés palestiniens à revenir, afin qu’Israël puisse maintenir une majorité juive – une volonté raciste qui va à l’encontre du droit des réfugiés, inscrit dans la loi et mis en œuvre en Bosnie, de revenir chez eux même si les autorités locales sont sectaires envers leur groupe ethnique ou religieux.

    La ségrégation gravée dans le marbre

    A propos de l’adoption dans le texte de la formulation « deux états pour deux peuples », Le Figaro commente : « Cette mention, en apparence anodine, constitue l’amorce d’une concession aux Israéliens qui, depuis de nombreuses années, demandent la reconnaissance du caractère juif de leur état. Une revendication que les Palestiniens jugent inacceptable, dès lors qu’un cinquième de la population israélienne est constituée d’Arabes musulmans ou chrétiens. ».

    J’ai déjà noté auparavant que cette formulation, mise en avant par la femme politique israélienne Tzipi Livni lors des précédents cycles de négociation, a précisément pour fonction de légitimer la demande d’Israël qu’il lui soit garanti un droit de discrimination contre les Palestiniens, en particulier les citoyens palestiniens d’Israël et les réfugiés. Le Figaro note encore que le projet de texte s’en tient à une « formule vague » pour dire que Jérusalem devrait être « la capitale des deux futurs états ».

    Pire que la dernière résolution

    En décembre dernier, une résolution similaire proposée par la Jordanie, au nom de l’Autorité Palestinienne, a échoué à obtenir une majorité au Conseil de Sécurité. Ce fut un grand soulagement. Avant que le vote ait lieu, j’ai expliqué pourquoi je voulais que les Etats-Unis opposent leur veto, à la résolution, à cause des dégâts qu’elle provoquerait sur les droits des Palestiniens. J’ai défendu l’idée que, si elle était adoptée, cette faible résolution aurait pour effet de nier des résolutions existantes beaucoup plus fortes.

    Evidemment, je comprenais qu’aucun veto des Etats-Unis ne serait motivé par mes préoccupations, mais je pensais qu’un échec de la résolution du à un veto des Etats-Unis serait une meilleure chose que de la voir être acceptée. Le nouveau projet de la France est apparemment même pire pour les Palestiniens que celui qui a été rejeté en décembre.

    Comme l’a écrit Joseph Massad, professeur à l’Université Columbia : les initiatives en vue de « reconnaître » « l’état de Palestine » sont en fait des tentatives des états européens de protéger Israël en tant qu’état raciste (voir l’article de Massad).

    J’espère que les amis de la cause palestinienne en France ne seront pas séduits par les promesses de l’administration Hollande de « reconnaître » un État palestinien imaginaire et n’apporteront pas un soutien malencontreux à ce plan.

    A la place, ils devraient insister dans tous les forums possibles qu’il ne peut pas y avoir quelque chose comme la paix sans récupération de tous leurs droits humains et politiques par tous les Palestiniens.

    Source : Electronic Intifada :

    lundi 25 mai 2015 par Ali Abunimah

    http://electronicintifada.net/blogs/ali-abunimah/france-launches-new-un-effort-undermine-palestinian-rights

     
  • La Marianne à Brest le 26 mai (Ujfp)

    pal

    Un bateau pour Gaza

    MARDI 26 mai à 18h, quai la Pérouse au Port du Château à Brest, venez accueillir cet équipage valeureux qui va essayer de briser le blocus de Gaza.

    La MARIANNE, bateau affrété par les campagnes norvégienne et suédoise, approche des côtes de Bretagne! Parti de Suède, après un tour en mer baltique et des ennuis techniques qui l’ont retardé de plusieurs jours, il va faire escale ici où nous lui préparons un accueil solidaire.

    MOBILISATION, TOUS SUR LE PONT !

    La Marianne rejoindra d’autres bateaux en Méditerranée et tentera, comme nous l’avons fait en 2011 de rejoindre la Palestine par la mer. Le blocus est illégal, il doit être levé immédiatement et sans conditions ! La liberté de mouvement, refusée aux Palestiniens de Gaza, est un droit pour tous. La Flottille porte ces exigences. Soutenons la, comme le font la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine et le Collectif national.

    lundi 25 mai 2015 Par l’AFPS 29N-Brest

    Pour information sur Gaza et la Flottille : http://www.plateforme-palestine.org/Un-bateau-pour-Gaza-Flottille-de,4264

    NDLR : L’UJFP-Bretagne participera à cet accueil comme elle a participé à l’accueil de l’Estelle à Douarnenez