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  • La réforme agraire au coeur des affrontements (Orient 21)

    Egypte. Vallee du Nil. Sechage de dattes, palmeraie au sud du Caire.jpg

    Luttes de classe dans un village égyptien

    L’histoire du village de Qoutat Qaroun est à l’image de la paysannerie égyptienne, celle d’un conflit permanent entre de gros propriétaires terriens insatiables et proches des cercles de décision politique, et des paysans qui doivent leur survie à des baux de fermage rendus caducs par de nouvelles lois. La liquidation de la réforme agraire nassérienne et la révolution de janvier-février 2011 ont aggravé les conflits.

    Le village de Qoutat Qaroun se trouve dans la région du Fayoum, à 130 kilomètres environ des fameuses pyramides de Gizeh, soit deux heures en voiture. Contrairement aux images des cartes postales, cette immense oasis à l’ouest du Nil, rendue célèbre par son lac féérique de Qaroun, sa pêche au canard et son hôtel de l’Auberge construit en 1937 avant la seconde guerre mondiale, est l’une des régions les plus pauvres d’Égypte.

    Les 5 000 habitants du village de Qoutat Qaroun ne reçoivent l’eau potable que deux fois par semaine. Certes, on y trouve deux écoles primaires et deux collèges. L’électricité y est aussi raccordée, ce qui permet aux habitants de regarder la télévision et les chaînes satellites. Mais le lycée le plus proche se trouve à trente kilomètres et les villageois doivent parcourir dix kilomètres supplémentaires pour accéder aux soins de base à l’hôpital central situé dans la ville d’Ebshoway.

    Réminiscences féodales

    Le tribunal local a récemment prononcé, en un seul mois, près de vingt condamnations en première instance à l’encontre de huit fellahs pauvres accusés d’avoir volé les récoltes des terres qu’ils cultivaient. Les plaintes ont été déposées par la famille Wali, au long passé féodal et très influente dans l’appareil d’État. Près de 65 familles ont ainsi été obligées de renoncer à 150 hectares de terre cultivable du village (environ 3 hectares par famille), que ces paysans pauvres avaient pu acquérir et exploiter en 1966 grâce à l’une des dernières mesures de la réforme agraire du temps de Gamal Abdel Nasser, sans pour autant disposer des titres de propriété officiels.

    Dans un pays comme l’Égypte, l’histoire de l’acquisition par des familles féodales de vastes étendues de terres cultivables renvoie d’emblée au type de relation avec le pouvoir et le gouvernant. C’est ainsi que le conflit autour de la terre entre les paysans et la famille Wali à Qoutat Qaroun est entré dans sa nouvelle phase néolibérale, avec le vote de la loi numéro 96 en 1992 qui a libéré les baux ruraux et les a soumis au marché, aux règles de l’offre et de la demande. Le montant du bail d’un hectare de terre cultivable a été multiplié par 27 en 18 ans depuis la mise en application de cette loi en 1997. Du fait de ces politiques, près de 900 000 paysans pauvres en Égypte (31 % des paysans de l’époque, selon les statistiques officielles du ministère de l’agriculture) ont été expulsés de terres dont ils avaient toujours disposé en fermage, et contraints d’émigrer ou de travailler comme journaliers agricoles ou dans le bâtiment. Des mesures préjudiciables économiquement et socialement pour près de 5,3 millions de personnes.

    Mais dans le Fayoum, Qoutat Qaroun et les villages environnants sont affectés par un drame particulier, qui tient au fait que la famille féodale évoquée plus haut compte parmi ses membres Youssef Wali. Il était vice-premier ministre, ministre de l’agriculture, secrétaire général du parti au pouvoir (le Parti national démocratique), et député au Parlement au moment où la loi a été votée et mise en application. Autrement dit, dans son conflit avec les fellahs, Youssef Wali a utilisé sa position au sein du gouvernement, du Parlement et du parti pour faire voter une loi qui lui est profitable ainsi qu’à ses proches. La spécificité réside dans le fait que cette famille puissante a réussi à faire expulser, outre des familles du village de Qoutat Qaroun, des familles paysannes d’autres villages, avec lesquelles la famille Wali n’avait pas de bail de fermage et dont les terres n’avaient pas fait l’objet de mesure judiciaire.

    L’expropriation et l’expulsion des fellahs démunis a été possible avec la mise en application de la loi 92 de 1996, et grâce à des opérations de police qui ont touché des centaines de villages égyptiens à travers l’Égypte. Selon un rapport du centre Terre en Égypte, il y aurait eu 334 paysans tués entre 1997 et 2003, dont une centaine la première année. Selon les témoignages recueillis à Qoutat Qaroun, les opérations de police se sont multipliées en 1997, des arrestations ont eu lieu au centre de police à Ebshoway, et les détenus ont été torturés individuellement au moyen d’électrochocs. Ils ont également subi des tortures collectives, telle celle qui consiste à faire circuler le courant électrique au sol de la cellule après l’avoir inondé d’eau. À son retour à son domicile, Ismaël Khalil, l’un des prisonniers, est mort des suites de ce type de torture.

    Avec la révolution, l’occupation des terres

    La révolution du 25 janvier a changé la donne dans le village de Qoutat Qaroun. Dès que les paysans ont vu sur les chaînes satellite l’effondrement de l’appareil policier le 28 janvier et la démission de Hosni Moubarak lui-même le 11 février, ils ont repris la terre. En 2012, les petits propriétaires ont constitué leur propre syndicat indépendant dans le village, après une longue période de privation du droit de se constituer en syndicat. C’est ainsi qu’à la suite d’un décret émis en mars 2011 par le ministère de la main-d’œuvre, près de 350 syndicats se sont constitués, même s’ils ne se sont pas regroupés en une union syndicale.

    Les 65 paysans et leurs familles, qui disposent de petites propriétés à Qoutat Qaroun, ont ainsi trouvé, dans le conflit qui les oppose à la famille Wali, un cadre collectif qui les représente auprès des autorités. Le rôle du syndicat s’est confirmé lorsque la famille Wali a repris son souffle et s’est remise à monter les forces de l’ordre contre les fellahs, en les accusant de vols et de destructions de leurs propres récoltes. Les syndicats ont alors organisé des sit-in devant le bureau du procureur général. Durant la présidence de Mohamed Morsi, ils ont également agi pour obtenir à des taux préférentiels des engrais qui ont été redistribués aux paysans. De même qu’ils se sont engagés dans une tentative de commercialisation collective des récoltes d’olives et de poires en 2012.

    C’est aussi au cours de cette période que Mohammad Juneidi a été emprisonné pendant un mois, au début de l’année 2013, au motif qu’il aurait volé la récolte de la terre qu’il cultivait. À ce propos, il convient de rappeler que les Frères musulmans étaient opposés aux lois de réforme agraire depuis les années 1950, mais se sont montrés plus souples vis-à-vis de celles concernant les baux ruraux au début des années 1990.

    Un chapitre d’histoire sociale

    Mais les choses se sont compliquées pour les paysans après le 3 juillet 2013 et la chute du président Morsi. À Qoutat Qaroun, la famille Wali est revenue à l’attaque, en même temps que les anciens apparatchiks et fonctionnaires du régime de Moubarak qui n’hésitent pas à abuser de leur pouvoir contre les citoyens en prétextant la préservation du prestige de l’État, la lutte contre le terrorisme ou encore la poursuite des Frères musulmans. La famille Wali a incité les autorités à la haine des paysans, allant jusqu’à les accuser d’avoir participé au sit-in de Rabaa au Caire et d’être des sympathisants des Frères musulmans. Ces pressions ont fini par payer et des fellahs ont renoncé aux baux de fermage. Ahmad Mohammad Issa, quant à lui, a été emprisonné en mars dernier, accusé de vol de récolte.

    Telle que dépeinte plus haut, la multiplication des peines d’emprisonnement subies par les paysans de Qoutat Qaroun est sans nul doute le résultat de discriminations en hausse de la part de l’administration publique et de fausses accusations portées contre eux. Mais les événements actuels ne sont qu’un chapitre, parmi d’autres, d’une histoire sociale conflictuelle étendue à l’ensemble du monde rural égyptien. Ce conflit est affecté de fait par la manière dont évolue la situation au sommet de l’État au Caire, même si les médias et les journaux de la capitale n’y prêtent pas grande attention.

    Karem Yehia 30 avril 2015
     
  • Irak, Syrie… – La contre-révolution et l’organisation de « l’Etat islamique » (ESSF)

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    Depuis juin dernier, le monde, à en croire les grands médias ou les dirigeants des principaux pays impérialistes, serait exposé à un danger inédit et imminent, n’affectant pas seulement la sécurité des pays de la région arabe, mais qui s’en prendrait à la « paix mondiale » et la « Sûreté nationale » des pays impérialistes de l’est et de l’ouest, avec à leur tête les Etats-Unis, à un point tel que le Conseil de Sécurité a adopté une résolution le 15 août 2014 (n°2170), en vertu du chapître 7 qui autorise le recours à la force contre l’organisation de l’Etat islamique et le Front Al-Nosra, que la résolution caractérise comme terroristes. La résolution prévoit des sanctions contre quiconque les soutiendra ou les aidera. Cette alerte du danger de l’organisation de « l’Etat islamique » intervient après que cette dernière eut mis en place l’Etat du califat islamique le 3 juillet de l’année passée.

    L’Irak, un pays dévasté

    L’Irak a subi un régime dictatorial et sanguinaire, à l’ombre du Baath depuis 1968, dirigé par Ahmad Hassan Albakr, puis Saddam Hussein. Ce pouvoir qui a été aux commandes d’un pays riche en ressources naturelles, particulièrement pétrolières, a écrasé le mouvement ouvrier et communiste, l’un des plus actifs et massifs dans la région ; il a tout fait aussi pour écraser le mouvement de libération nationale kurde, par des moyens brutaux, comme le recours aux armes chimiques contre des civils à Halabja.

    Le parti Baath au pouvoir dans le passé en Irak, se distingue, en dépit d’une ressemblance en matière de sauvagerie, de son parti frère et rival en Syrie, sous Assad le père, puis son fils héritier, par le fait qu’il était plus chauvin que le second car c’est un parti dont la légitimité se réclame de l’idée du nationalisme arabe chauvin. Il n’a pas hésité à accuser la majorité « chiite » et les Kurdes, soit l’essentiel des masses paupérisées et populaires et le terreau essentiel du mouvement ouvrier et communiste, d’être d’origine « iranienne » ou Safavides, comme cela est courant dans le discours chauvin crétin, pour les premiers, et des agents d’Israël pour les seconds.

    Trois décennies de guerres, de destruction et de dévastation

    L’Irak en tant que pays vit effectivement un état de guerre depuis 1980, soit trois décennies, avec des effets désastreux pour la société irakienne sur tous les plans. Le régime bourgeois et dictatorial de Saddam Hussein a mené sa première guerre, soit la première guerre du Golfe, contre l’Iran en 1980, une guerre qui a duré huit ans, et a entraîné une destruction massive en Irak. Les pertes dans l’infrastructure irakienne à la suite de cette guerre sont évaluées à 200 à 350 millions de dollars.

    Deux ans après la fin de la guerre du régime baathiste irakien contre l’Iran, ce même régime a envahi le Koweït au début du mois d’août 1990, à la suite d’un différend sur les champs de pétrole et d’un changement des politiques saoudiennes et des pays du Golfe à son endroit, passant de l’alliance à l’endiguement. L’impérialisme américain a utilisé cette invasion comme prétexte pour réaffirmer son hégémonie, non seulement dans la région, mais aussi à l’échelle mondiale, d’autant plus que cela était concomitant de l’effondrement du bloc de l’est et de l’Union soviétique, pour déclencher début 1991 une guerre dévastatrice contre l’Irak et de détruire ses forces armées au Koweït, lors de ce que l’on a appelé la seconde guerre du Golfe. Cela a entraîné une destruction supplémentaire des infrastructures irakiennes, estimée à 232 milliards de dollars environ. La seconde guerre du Golfe a été suivie d’un blocus impérialiste assassin, et l’un des plus meurtriers, en Irak qui a duré jusqu’à l’invasion impérialiste de l’Irak en 2003, soit la troisième guerre du Golfe qui a détruit le reste du pays et de la société irakiennes. A elles seules, la première et la seconde guerre du Golfe avaient causé la mort d’un million et demi de civils et de militaires.

    Les pertes supportées ou qui vont être supportées par l’Irak en raison de ces guerres sont évaluées à un trillion (mille milliards) et 193 milliards de dollars. En d’autres termes, les richesses pétrolières de l’Irak ont été vendues par anticipation, pour les 85 années à venir. Mais l’impérialisme américain a été défait en Irak et contraint de se retirer en 2011, après une résistance acharnée des masses irakiennes de toutes sensibilités politiques. Avant son retrait, cet impérialisme a mis en place un régime politique faible et corrompu reposant sur les quotas confessionnels qui n’a fait qu’exacerber le caractère catastrophique de la situation et préjudiciable à la majorité écrasante des Irakiens. En plus de l’injustice sociale et politique à laquelle se sont heurtés des secteurs larges d’Irakiens en raison des mesures d’exclusion confessionnelle, les politiques de « éradication du Baath » ont contribué à exclure des centaines de milliers de fonctionnaires, les militaires irakiens de l’ancien régime, ce qui a exacerbé chez beaucoup de ces derniers une hostilité illimitée envers le régime mis en place par l’occupation américaine, pas toujours en tant que réponse politique organisée à ce confessionnalisme, mais sous la forme d’une réaction confessionnelle, ce que n’ont fait qu’exacerber les politiques confessionnelles et corrompues de Nouri Al Maliki.

    La fondation

    Il est notoire et répété dans la plupart des écrits que la formation initiale du futur « Daech », était « le groupe d’unification et de combat » fondé par le Jordanien Abou Mossab Al Zarkaoui (Ahmad Fadhel Al Khalaïla) en 2004, après l’invasion américaine de l’Irak, où ont afflué un grands nombre de jihadistes pour résister à cette invasion. Le nom du groupe est devenu, après qu’il eût prêté allégeance à Ben Laden « Al Qaïda du Jihad au pays de la Mésopotamie ». Mais à la suite de l’assassinat de Al Zerkaoui le 7 juin 2006, a été annoncée le 15 octobre de la même année la constitution de « l’Etat islamique d’Irak ». Le 19 avril 2010, Abou Omar Al Baghdadi et Abou Hamza Al Muhajer se sont succédés à la tête de l’organisation, jusqu’à ce que soit enfin nommé Abou Bakr Al Baghdadi (Ibrahim Awad Al Badri Al Samraï) chef et qu’il se soit désigné comme calife, par la suite.

    « L’Etat islamique d’Irak » fut l’une des plus importantes organisations de la scène irakienne, d’autant qu’elle avait attiré des dizaines d’officiers du régime de Saddam Hussein, des baathistes, surtout après la disparition d’autres forces militaires où étaient enrôlés ces officiers, comme les phalanges de la Révolution d’Achrin, l’Armée islamique, l’Armée de Mohammad, l’armée de la Confrérie Naqchabandie. Cette dernière a des origines baathistes mais avait adhéré aux thèses islamistes pour se rapprocher d’un milieu social sunnite qui n’a toujours pas trouvé d’expression politique moderne. Sans parler d’autres groupes armés opposés à l’occupation américaine et au régime politique mis en place sur la base de quotas confessionnels. D’une part, ces groupes se caractérisaient par une surenchère religieuse ou confessionnelle qui avait permis leur émergence, d’autre part, la destruction sociale et économique du pays, et la discrimination confessionnelle et politique dont étaient victimes les sunnites par le régime confessionnel ont entraîné des contestations face aux inégalités croissantes. L’un de ces officiers baathistes, qui ont joué un rôle important pour améliorer la situation organisationnelle, militaire et de renseignement de l’Etat islamique d’Irak, est le colonel de l’Etat Major Hajji Bakr (de son vrai nom Samir AlKhalifawi), sans parler d’autres personnages moins connus, comme le brigadier Abou Mohand Al Sweïdani, les colonels Abou Muslim Al Turkmeni, Abdurrahim Al Turkmeni et Ali Aswad Al Jabouri, le lieutenant colonel Abou Amor Al Naïmi, le lieutenant colonel Abou Ahmad Al Alwani ,le lieutenant colonel Abou Abdurrahmane Al Bilawi, le lieutenant colonel. Abou Aquil Moussoul et Abou Ali Al Anbari. Ils font partie de l’instance dirigeante de l’Etat islamique.

    Cette fusion entre officiers batistes – formés au sein d’une régime despotique et dogmatique basé sur un crédo nationaliste chauvin et d’un courant tekfiri empruntant le voie salafiste jihadiste, de l’organisation Al Qaïda, dans les circonstances précitées de l’Irak d’alors, a conféré à l’organisation de « l’Etat islamique d’Irak », dont le nom deviendra par la suite « Etat islamique en Irak et au Levant » (Daech), une spécificité qui le distingue des autres organisation jihadistes traditionnelles. Le combat pour elle consiste à fonder un Etat (le Califat), dans sa forme la plus réactionnaire et féroce, hic et nunc, sur terre, suivant une stratégie militaire, politique et médiatique claire, en écrasant tout ce qui est démocratique et progressiste dans la société.

    Quoi qu’il en soit, la direction de Daech est majoritairement irakienne. Les vingt commandants les plus importants dans l’organisation sont tous irakiens, à l’exception d’un Syrien.

    La constitution de Daech

    Le régime syrien a compris dès le départ le danger que ferait courir la poursuite des manifestations pacifiques de masse ; pour cette raison, il les a dépeintes dès le début comme terroristes et tekfiries, et a mené une politique de provocation confessionnelle par la diffusion en continu par les appareils sécuritaires, surtout pendant la première année de la révolution, de vidéos sur les réseaux sociaux, puisque c’étaient eux qui étaient le plus prisés par les militants de la révolution, des scènes de torture et de meurtre perpétrés par les forces du régime contre les manifestants avec brutalité et en mettant en avant le caractère confessionnels de ces actes vus dans ces films,. Il a mené cette politique avec force cynisme et ruse. De même le régime dans la seconde moitié de l’année 2011 et au début de l’année 2012 a libéré des centaines de jihadistes détenus dans ses prisons et qui avaient été arrêtés à leur retour d’Irak.

    Le noyau originel du Front Al-Nosra s’activait déjà en Irak au sein de « l’Etat islamique d’Irak ». Ce dernier les a envoyés dans la seconde moitié de 2011 en Syrie, pour y constituer une branche d’Al Qaïda ce qu’Al-Nosra a fait avec succès, dont le nom a commencé à émerger au début de l’année 2012 et qui a acquis de la notoriété et de l’influence en raison du courage de ses combattants, et leur discipline alors. A ses débuts il n’avait pas de projet d’édification d’un Etat islamique, du moins pas en public, sans parler de son armement de qualité qui surpassait celui des brigades de l’Armée libre, tout cela a poussé de jeunes Syriens à le rejoindre.

    Depuis avril 2013, à la suite de l’ordre d’Abou Bakr Al Baghdadi, chef de l’Etat islamique en Irak de fusionner Al-Nosra avec l’Etat Islamique en Irak pour former une seule organisation, il y a eu une divergence entre les deux branches de la même organisation d’Al Qaïda en Syrie, l’une refusant de rejoindre Daech et l’autre l’ayant rejointe. Si les deux puisaient à la même idéologie religieuse réactionnaire et terroriste, cependant la divergence entre les stratégies et les intérêts l’a emporté pour se transformer en affrontement armé. Pour paraphraser le philosophe italien Antonio Labriola : « Les idées ne tombent pas du ciel et rien ne vient par les rêves ».

    Dans le débat entre les deux parties, il est utile de faire remarquer l’influence de cette « fusion », précitée entre des nationalistes baathistes et un courant salafiste jihadiste au sein de Daech. Abou Mohammad Al Adnani a répondu le 20 juin 2013 à l’invitation d’Ayman Al Zahouahiri de dissoudre Daech et restituer à chaque organisation son nom et les limites de son action, à savoir l’Etat islamique en Irak, et Jabha Al-Nosra en Syrie, en disant que : « Si nous acceptons la décision de dissoudre l’Etat (Islamique), c’est une reconnaissance des frontières de Sykes Picot » Effectivement, l’une des actions symboliques de Daech – le symbolisme et l’utilisation des médias font partie de la stratégie de cette organisations – fut d’effacer une partie des frontières qui séparent l’Irak de la Syrie, et de diffuser ces images à une large échelle, au début du mois de juin 2014.

    Ce mélange de « nationalisme » et islamisme extrémiste chez Daech va au-delà des frontières de l’Irak et de la Syrie, pour faire appel à la mémoire de l’empire musulman et évoquer un passé révolu. Abou Bakr Al Baghdadi lui-même a affirmé le 30 juillet 2013 : « Nous renouvelons l’ère de la Oumma (nation musulmane), nous ne saurions vivre sans avoir libérer les captifs musulmans en tous lieux, repris Jérusalem, être revenus en Andalousie et nous allons conquérir Rome » lors d’un discours flattant les sentiments nationalistes et religieux et se présentant comme un adversaire de l’Etat sioniste et l’Occident, bien que de façon très réactionnaire.

    Dans son message il affirme le penchant de Daech pour le combat et la violence, y compris dans le domaine de la prédication. Il insiste sur le fait que « le combat est une partie de la prédication aussi, et nous allons traîner les gens enchaînés paradis ».

    Dans son discours, Adnani a centré sur l’importance de l’édification de « l’Etat islamique » même si les conditions n’en sont pas réunies. Il y a ajouté une autre spécificité de Daech par rapport aux autres organisations jihadistes. Il ne prend pas position par rapport aux autres parce que ces dernières auraient décidé d’embrasser le « vrai » islam, la foi et la pratique de la religion, mais il en exige l’allégeance à l’Etat qu’il a l’intention d’édifier : « l’Etat islamique », avant même la proclamation de l’Etat du Califat. Alors que Al Zaouahiri appelait les Frères musulmans d’Egypte « mes frères », Adnani quant à lui dit d’eux dans un message intitulé « Le pacifisme est la religion de qui ? » du 31 août 2013 : « les Frères (Musulmans) ne sont qu’un parti laïc avec une pèlerine islamique, ils sont les pires et les plus répugnants des laïcs ».

    Donc nous notons une sorte de rupture, idéologique et politique entre Daech et toute une série de forces islamistes aux positions réactionnaires diverses, dont les forces jihadistes qui ont précédé comme Al Qaïda et sa branche syrienne. Nous avons déjà parlé des origines matérielles de cette rupture qui n’est pas issue seulement de divergences d’interprétation religieuse, comme le disent certains opposants libéraux dans leur analyse « confessionnelle » du conflit. Karl Marx écrivait dans sa préface à l’Economie politique : « nous ne jugeons pas une période d’après sa conscience, c’est au contraire la conscience qui va être expliquée par les contradictions de la vie matérielle ». Daech s’en distingue en Syrie en se basant essentiellement sur des dirigeants et des combattants dont la majorité ne sont pas Syriens, alors que la majorité des combattants et des directions du Front Al-Nosra sont d’origine syrienne. C’est ce qui peut expliquer en partie leur prise en compte la spécificité de la situation syrienne, en comparaison avec l’organisation Daech dont la majorité des directions et une large part des ses combattants ne sont pas Syriens. Par ailleurs ils se disputent le contrôle et l’influence matérielle, des sources de richesses, comme les puits de pétrole et les points de passages frontaliers.

    L’occupation rapide par Daech de Mossul en Irak le 10 juin 2014, son extension aux zones kurdes et yézidies, les massacres hideux commis à l’encontre des militaires et des civils ont été le préliminaire à la proclamation par l’organisation de ce à quoi il avait appelé ouvertement, l’établissement de l’Etat du Califat, le 29 juin 2014 et l’allégeance prêtée au chef de l’organisation, Abou Bakr Al Baghdadi, comme Calife, permettant à Daech une présence se partageant entre l’Irak et la Syrie, soit sur un tiers de la surface des deux pays.

    L’influence des groupes islamistes extrémistes a progressivement prévalu sur la scène de l’action armée dans les régions « libérées », en raison de la faiblesse de l’organisation et de l’armement de l’Armée libre et de l’abandon par les pays du groupe des « Amis du peuple syrien » des promesses qu’ils avaient faites de l’armer – du reste, il n’en avaient jamais eu l’intention, mais ils leur avaient offert des armes légères qui ne pouvaient les prévenir de l’extermination. Dans le même temps les pays de la région comme le Qatar et l’Arabie Saoudite, la Turquie, sans parler d’importants réseaux soutenant le jihad islamique, dans les pays du Golfe et autres, ont pourvu les groupes islamistes extrémistes en armes et argent de façon illimitée, ce qui leur a permis d’imposer leur hégémonie, devenue évidente fin 2014 dans la plupart des régions qui sortent du contrôle du régime.

    Le développement de Daech et des islamistes extrémistes en Syrie suppose une désintégration sociale

    Il faut remettre la domination de la contre révolution croissante, dans les zones « libérées » et plus particulièrement de l’organisation de l’Etat islamique, mais aussi d’Al-Nosra et de Ahrar Al Cham et autres groupes jihadistes hyper réactionnaires, dans son contexte temporel, soit au printemps 2013 et l’annonce ultérieure de la constitution de Daech, le 9 avril 2013. Il faut également la relier à la situation sociale globale des masses syriennes, dans les zones libérées. Ces masses avaient souffert d’une guerre sanglante menée par les forces du régime qui avait détruit les infrastructures sociales, les quartiers et les municipalités et toutes les composantes de la vie, civile et agricole, lors d’affrontements avec des forces sous armées, sous organisées, et populaires, dénommées « Armée libre ».

    Pour dépeindre ce dont souffrent les masses des régions libérées au début de l’année 2013, les conditions objectives l’expliquent dans une certaine mesure, en ce qu’elles ont permis la progression des forces islamistes jihadistes réactionnaires avec à leur tête Daech. Un rapport publié sous le titre « Réalités socio-économiques à la lumière de la révolution syrienne » du 24 novembre 2013, par le « Centre syrien de recherches et d’études », résume ainsi la situation dans les zones « libérées » en mars de la même année :

    « Dans le cas de la Syrie, les opérations militaires, les bombardements, les arrestations, les déplacements et les exodes de masse, ont affecté la situation humanitaire et économique des Syriens. En dépit du rôle croissant de la société civile, la crise a entraîné une détérioration des relations sociales et la propagation de l’extrémisme et du fanatisme. Elle a affecté négativement les valeurs et les normes sociales, en attisant des idées et des comportements de vengeance. Tout cela a causé une perte énorme de l’harmonie, de la solidarité sociale et des ressources humaines au niveau socioculturel, bien difficile à compenser. Cela a contribué à l’augmentation des gains illicites, par l’utilisation de la violence, ce qui renforce des facteurs du développement inversé. »

    Bien sûr, le chiffre a cru depuis lors, plus de la moitié des habitants de la Syrie sont pauvres, dont 6,7 millions sont passés sous le seuil de la pauvreté depuis le début de la révolution et au printemps 2013, environ 2,3 millions de fonctionnaires et de travailleurs avaient perdu leur poste et leur emploi, le chômage s’établissant aux alentours de 50%.

    En réponse aux interrogations sur le rôle des travailleurs-qui ont participé aux manifestations dès le début de la révolution, mais à titre personnel en général en raison de l’absence de structures syndicales indépendantes, ou de partis politiques et révolutionnaires, puisque la loi de la clique au pouvoir n’autorise que le parti Baath ou des partis satellites, comme le Parti communiste de Bagdach et ses diverses scissions, toutes caractérisées par le même opportunisme et leur trahison de la lutte de la classe ouvrière, l’activité dans les milieux ouvriers- ce rapport indique que : « plus de 85 000 travailleurs ont été licenciés pendant la première année de la révolution. La moitié des licenciements concernent les gouvernorats de Damas et ses banlieues. Et ce nombre n’inclue pas les gouvernorats de Homs, Hama et Idlib où, selon les chiffres officiels, 187 entreprises du secteur privé ont été complètement fermées lors de la période allant du 1er janvier 2011 au 28 février 2012. Il convient de noter que ces chiffres n’ont pas une grande crédibilité, car le nombre d’ateliers et d’usines fermée est de l’ordre de 5000, sans parler des commerces, des marchés qui ont été totalement pillés et détruits, à Homs, Alep, et autres gouvernorats. »

    Ajoutons le nombre de logements entièrement détruits qui s’élevait au début de l’année 2013 à un demi million, et autant de logements partiellement détruits. Cette situation tragique a conduit en 2013 un tiers des habitants de la Syrie, essentiellement des régions révoltées, à se transformer en réfugiés dans les pays voisins ou en déplacés d’une région à l’autre, plus sûre, à l’intérieur du pays. Evidemment en 2014 la moitié des habitants étaient soit des déplacés soit des réfugiés.

    Dans cette situation socio économique de dévastation totale, de désintégration sociale, de désertification humaine, Daech essentiellement, ainsi que les groupes islamiques réactionnaires jihadistes, ont pu se développer et être hégémoniques. L’autre condition de leur développement a été la marginalisation et l’écrasement de l’Armée libre, considérée pour l’essentiel comme la forme populaire de la résistance, face à la violence et la sauvagerie du pouvoir baathiste, et le produit de la révolution populaire. C’est ce qu’ont fait Daech et Al-Nosra, et leurs pairs jihadistes.

    Le développement de Daech et de la contre révolution suppose l’écrasement du mouvement populaire et démocratique

    L’exemple de la ville de Raqqa, qui est la première à s’être libérée des forces de la clique au pouvoir le 4 mars 2013, est sans doute central pour mettre à jour les pratiques de Daech face au mouvement populaire. Cette ville a connu une grande émulation culturelle, politique et populaire à la suite de sa libération et jusqu’à ce qu’elle tombe sous l’emprise de Daech. Un reportage de l’envoyé du Sunday Telegraph, Richard Spencer publié le 30 mars 2014 indique que : « la ville de Raqqa est sous la domination des opposants des groupes libéraux. La ville située au nord de la Syrie est le théâtre de nombreux cercles de discussion philosophiques et politiques, au point que l’un des groupes participait à la plantation des arbres et des plantes vertes pour protéger l’environnement, dans une serre au centre ville. Les activités ont démarré avec une intensité et une vitalité impressionnantes. Les activistes ont lancé plusieurs campagnes (« nos rues respirent la liberté », « notre drapeau », « notre pain »), une exposition de travaux manuels et artistiques, dont les revenus allaient aux familles des martyrs, une campagne (« Notre Raqqa est un paradis »), une initiative qui se déroule tous les vendredis pour nettoyer une artère de la ville. »

    La situation à Raqqa était emblématique de la majorité des villes et des régions « libérées » avant que Daech ne la reprenne. En dépit des pratiques de nombreuses autres brigades islamiques, ou non islamiques, violentes à l’encontre de tel ou tel militant, de l’arrestation d’un tel ou d’un tel, ou d’exécutions arbitraires, les pratiques de Daech se sont distinguées de celles de ses pairs, par leur totalitarisme violent contre toute activité indépendante ou démocratique, imposé par la violence et la force de son idéologie, par l’imposition de pratiques sociales réactionnaires à la population sous sa domination.

    La commission d’enquête des Nations Unies a publié un rapport intitulé « Le règne de la terreur : vivre sous l’Etat islamique en Syrie », le 14 novembre 2014 où il est indiqué que l’organisation Daech « a diffusé la peur en Syrie en perpétrant des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre ». Elle a demandé que ses dirigeants soient poursuivis devant la Cour Pénale Internationale. Le rapport qui a recueilli les témoignages d’environ 300 victimes et témoins oculaires, dit que l’organisation Daech « vise à dominer tous les aspects de la vie des civils sous son contrôle, par la terreur, l’endoctrinement, et la fourniture de services à ceux qui lui obéissent. De même, il mène une politique de sanctions discriminatoires comme les taxes ou les conversions forcées, sur la base de l’identité ethnique ou religieuse, la destruction des lieux de culte et l’expulsion systématique des minorités ». le rapport ajoute que Daech a « décapité ou lapidé des hommes de femmes et d’enfants en place publique, dans les villes et les villages du nord-est de la Syrie » et « exposé les cadavres des victimes sur des croix pendant trois jours, planté les têtes sur les grilles des parcs, en guise d’avertissement à la population sur les conséquence du refus de se soumettre à l’autorité du groupe armé ». Le rapport révèle les viols commis à l’encontre des femmes, qui poussent les familles à marier précipitamment leurs filles mineures, de peur qu’elles ne soient mariées de force aux combattants de Daech. Il pratique également publiquement dans des scènes visant à effrayer les habitants, l’application des « peines légales », en coupant les mains des « voleurs » ou la flagellation ou la crucifixion.

    Le rapport de cette commission révèle que cette organisation barbare, dont les étrangers sont la majorité des combattants, donne la priorité aux « enfants comme supports d’une loyauté à long terme, d’une adhésion idéologique, et comme un groupe de combattants dévoués qui considèrent la violence comme un mode de vie ».

     L’Etat « daechiste » … nous traînons les gens au paradis enchaînés

    A la différence des autres groupes salafistes jihadistes, Daech a un projet de construction d’un Etat et d’une société de type particulier, maintenant et pas dans le futur, par la force des armes et la violence. Après que cette organisation eût affronté l’Armée libre et les groupes jihadistes concurrents, afin d’étendre ses zones d’influence et son « Etat », il s’est occupé de garantir ses sources de financement, plus précisément les points de passage et les puits de pétrole. Il pratique une sauvagerie intense contre les tribus chaîtat à Dir Ez Zor, il en a tué des centaines et contraint à l’errance des milliers d’entre eux, pour faire main basse sur deux champs pétroliers en juillet 2014, l’un d’eux est le champ d’Al Amor, le plus grand champ de pétrole et de gaz de Dir Ez Zor. Le site de Middle East Online révèle dans un reportage du 13 août 2014 que Daech contrôle 50 puits de pétrole en Syrie et 20 puits de pétrole en Irak. Si leur nombre a quelque peu diminué avec le retour des forces gouvernementales irakiennes, dans le dernier mois de 2014, les recettes pétrolières quotidiennes de Daech sont estimées à trois millions de dollars. Il perçoit les impôts plus particulièrement auprès des commerçants, estimés à 60 millions de dollars par tête et par mois, Il exige des rançons pour les otages, vend des pièces archéologiques volées et est financé par ses sympathisants dans les pays du golfe et en Europe.

    En sus de l’utilisation de la violence et de la terreur, il utilise d’autres moyens pour gagner la faveur des habitants. Ainsi, après ses massacres commis contre les tribus Chaïtats à Dir Ez Zor, il a distribué le gaz, l’électricité, le carburant et la nourriture, pour obtenir le soutien des habitants sur place et parce que ces régions sont très pauvres. Après qu’il eût mis fin aux vols et puni les « voleurs », il a pu gagner un peu de soutien dans les milieux marginalisés et pauvres. Il a notamment commencé à payer des salaires « très faibles » aux chômeurs, et des salaires de 300 dollars à ses combattants, auxquels qui il assure un logement et la couverture des besoins élémentaires, tandis que la population vit dans des conditions très difficiles. Il est devenu ainsi attractif pour ces groupes socialement marginalisés dont les intérêts de classe n’ont pas trouvé de représentation politique adéquate.

    L’organisation Daech gère et intervient dans tous les détails de la vie quotidienne des gens dans sa capitale de Raqqa et dans les autres régions qu’il contrôle. Ses membres se déplacent – eux seuls ont le droit de porter des armes – dans les rues de Raqqa avec des Kalachnikovs ou des pistolets. Daech a chargé deux forces distinctes des forces de sécurité (la police islamique) du contrôle des femmes et des hommes. La brigade « Al Khansa » est composée de femmes de l’organisation qui portent des armes et ont le droit de fouiller n’importe quelle femme dans la rue tandis que le bataillon « Al Hasba » fait de même avec les hommes. Elles doivent aussi imposer la vision de l’organisation de la législation islamique.

    L’affaire ne se réduit pas à cela. Daech a formé également un gouvernement dont le siège est dans sa capitale de Raqqa, avec les ministres de l’Education, de la Santé, des Ressources hydrauliques et de l’Electricité, des Affaires religieuses et de la Défense, qui occupent les bâtiments qui étaient ceux du gouvernement syrien.

    La majorité des Syriens, dans les régions précitées, considéraient Daech en 2013 comme une organisation « étrangère » et « occupante » où comme l’a dépeint un activiste de Dir Ez Zor : « un mouvement colonisateur, comme Israël a occupé la Palestine avec les colons ». Malgré la persistance de cette approche chez la majorité des gens, Daech a pu trouver un support social important en 2014 dans ces régions, même s’il est resté relativement faible. Ce qui retient l’attention c’est ce sur quoi a insisté un activiste de la ville de Raqqa, sur le site « On égorge Raqqa en silence » que Daech n’avait apporté ni proposé aucune nationalisation ou loi limitant la cupidité des grands commerçants monopolistiques, avec lesquels ils ont de bonnes relations.

    Qu’est-ce que le « daechisme » ?

    Une étude rapide de l’évolution de Daech, en tant qu’organisation sortie de la matrice des courants salafistes jihadistes islamistes, aux orientations hyper réactionnaires, n’est pas suffisante pour expliquer la spécificité idéologique et pratique par rapport à la majorité de ce courant salafiste jihadiste, dont l’organisation la plus importante est celle, terroriste, d’Al Qaïda. Et pour autant ceci montre que l’apparition de Daech constitue premièrement une rupture totale avec ces groupes relevant du salafisme jihadiste, allant jusqu’aux liquidations physiques. Ceci d’une part, et d’autre part une tendance notable à la « daechisation » touche des pans entiers des organisations jihadistes elles-mêmes, dont la plus importante est le front Al- Nosra, qui semble être devenu deux fronts, l’un se rapprochant de Daech de par ses prises de position et pratiques, et l’autre resté fidèle à lui-même. Quant au mouvement d’Ahrar Al Cham il maintient dans une certaine mesure son identité salafiste jihadiste, bien que des brigades en son sein inclinent à adopter le « daechisme ». Mais le pire dans tout cela reste l’allégeance de groupe jihadistes réactionnaires à Daech et à son Califat dans des pays d’Afrique du Nord et dans d’autres régions.

    Certains penseront qu’il n’y a pas d’intérêt politique ou pratique à rechercher une autre caractéristique à Daech. Dans la mesure où il est une composante de la contre révolution réactionnaire. Mais ce phénomène « nouveau » ne peut être compris, comme nous l’avons vu plus haut, hors des conditions matérielles socio-économiques sur lesquelles il repose. Il n’est pas possible de s’y opposer politiquement sans comprendre ces conditions matérielles qui ont conduit à sa constitution et à l’élargissement de son influence, avant de passer à l’élaboration de politiques appropriées pour y faire face, du point de vue des classes exploitées et opprimées, c’est-à-dire d’un point de vue marxiste.

    Il est nécessaire de rappeler encore une fois que dans notre exposé du processus de la genèse de Daech, dans un contexte déterminé, comme force réactionnaire et contre révolutionnaire, et de l’élargissement de son influence en Irak et en Syrie, nous nous sommes concentrés sur le fait qu’une des causes essentielles de son émergence résidait dans les régimes en place eux-mêmes et leurs politiques réactionnaires brutales de marginalisation, sans parler de l’intervention impérialiste. L’occupation américaine de l’Irak, détruisant le reste d’infrastructure et de tissu social, a permis de créer les conditions de développements de tels mouvements. De même, « la guerre contre Daech » depuis de nombreux mois, dans laquelle les Etats Unis sont à la tête d’une alliance impérialiste, ne mènera pas à sa défaite, mais lui attirera des sympathies populaires plus grandes, puisqu’il sera considéré comme affrontant l’impérialisme américain, son premier ennemi.

    Nous pensons que l’approche du processus d’émergence de Daech, de sa spécificité par rapport aux autres mouvements jihadiste traditionnels précités, de cette apparition rapide et « surprenante » dans le cadre d’un processus révolutionnaire, du fait qu’il ait écrasé toutes les expressions de la révolution dans ses zones et ait imposé un mode de vie social et idéologique à ses habitants, la construction de « son Etat » incitent à une approche et à un examen du phénomène Daech à travers l’expérience fasciste, non pas comme cela s’est passé en détail dans les pays d’Europe, mais plutôt dans le cadre des nouveaux mouvements fascistes, dans un concept bien délimité et spécifique. Ce tournant dangereux dans le cours de la révolution syrienne, et dans l’histoire du pays, en a surpris beaucoup, et ainsi « brusquement le destin historique et le destin individuel de milliers d’êtres humains, puis de millions ensuite deviennent un. Les partis politiques ne se sont pas seulement effondrés, mais l’existence de grands groupes humains et leur existence matérielle est un enjeu de doute subitement » selon la description de la montée du fascisme dans le livre de l’intellectuel marxiste révolutionnaire Ernest Mandel, « Les éléments constitutifs de la théorie de Trotsky sur le fascisme ».

    Il est sûr que la définition qu’en a donné le Comintern (stalinien) dans les années trente du siècle passé, est l’acception commune que le fascisme n’est que « le pouvoir du capital financier ». Elle ne s’applique pas pour l’émergence de Daech, comme elle ne suffisait d’ailleurs pas pour interpréter le phénomène du fascisme en Europe, ou les nouveaux mouvements fascistes qui progressent dans les pays européens ou ailleurs.

    Trotsky a été le plus éminent intellectuel marxiste pour son explication et son analyse de l’émergence du fascisme en Europe. Il ne s’est pas contenté de dire que le fascisme « accède au pouvoir porté par la petite bourgeoisie », mais il a fourni une analyse plus approfondie, considérant que les couches sociales sur lesquelles s’appuie le fascisme sont ce qu’il appelle « poussière humaine  », à savoir les artisans et les commerçants des villes, les fonctionnaires, les employés, le personnel technique et l’intelligentsia, les paysans ruinés, selon la définition de Trotsky et on pourrait y ajouter les chômeurs.

    Dans son analyse du fascisme, Trotsky est parti d’une analyse de classe de la société, et d’une compréhension profonde de la loi du développement inégal et combiné où cohabitent des structures de production avec leurs rapports et leurs idéologies héritées des siècles passés avec des structures de production, des rapports et des idéologies plus modernes. Ernest Mandel a résumé dans son livre « Dynamique de la pensée de Trotsky » la compréhension profonde qu’avait Trotsky du phénomène fasciste : «  Trotsky a compris, à l’instar de quelques autres écrivains marxistes (Ernst Bloch, Kurt Tucholsky) la désynchronisation entre formes socio économiques et formes idéologiques, en d’autres termes, que des idées, des sentiments et des représentations très fortes de l’époque pré capitaliste continuent d’exister dans des pans importants de la société bourgeoise (surtout dans les classes moyennes menacées par la paupérisation mais aussi dans des rangs de la bourgeoisie, des intellectuels déclassés, et même dans des franges diverses de la classe ouvrière) ». Mieux que quiconque, Trotsky en a tiré les conclusions socio-politiques : dans des conditions de contradictions socio-économiques de classe croissantes de façon insupportable, des secteurs significatifs des classes et couches précitées – que Trotsky a qualifié avec sagacité de poussière humaine – peuvent fusionner pour former un mouvement de masse puissant qui, fasciné par un leader charismatique et armé par des secteurs de la classe capitaliste et leur appareil d’Etat, peut être utilisé comme un outil pour détruire le mouvement ouvrier, par la terreur sanglante et l’intimidation. »

    Trotsky a également insisté sur ce qui distingue le fascisme du bonapartisme et des autres formes de dictature, à savoir que le fascisme « est une forme spécifique « d’appareil exécutif fort » et de « dictature ouverte » qui se caractérise par la destruction totale de toutes les organisations de la classe ouvrière – y compris les plus modérées, dont les organisations social-démocrates, sans aucun doute. Le fascisme tente d’interdire matériellement toute forme d’auto-défense de la classe ouvrière organisée, par la pulvérisation totale de la classe ouvrière. Arguer du fait que la social-démocratie prépare le terrain au fascisme pour déclarer que la social-démocratie et le fascisme sont des alliés, et bannir toute alliance avec la première contre le second est donc une erreur »

    La caractérisation du phénomène fasciste, en tant que mouvement qui repose sur des masses de la « poussière humaine » s’applique totalement au processus de formation de Daech. Le fascisme se forme en général comme un parti-milices pour combattre l’Etat en place et établir un Etat fasciste. Et les fascistes, selon le chercheur italien Emilio Gentile : « se considèrent comme une élite (aristocratie) d’hommes nouveaux, nés dans la guerre et qui se doivent de prendre le pouvoir, pour renouveler une nation corrompue ». Le fascisme vise à organiser les gens « en tant que masses et non en tant que classes » et le chercheur affirme que les études historiques ont souligné que le fascisme ne cherche pas vraiment comme il l’affirme « à changer le monde, ni la société, mais à changer la nature humaine elle-même » en disciplinant les gens et en utilisant la violence brute.

    En ce sens, seulement, nous pouvons dire que Daech a beaucoup de traits de l’une des nouvelles formes de mouvements fascistes et que l’Etat du Califat est un Etat fasciste, d’un nature particulière dans des circonstances spécifiques.

    Conclusions

    Affirmer que Daech a une caractéristique fasciste, dans des circonstances de destruction et de désintération sociales, pose d’emblée la question des modalités d’intervention des forces révolutionnaires, si l’on considère qu’il s’agit d’un danger mortel pour le mouvement révolutionnaire et populaire. Quelles sont les positions et les formes pratiques de l’affrontement ? D’autre part, cela met à l’ordre du jour immédiat la constitution d’un front uni des forces révolutionnaires démocratiques et de gauche. Il soulève également la question des modalités d’action face à la clique au pouvoir qui écrase et détruit notre peuple et notre pays.

    L’état actuel du processus révolutionnaire en Syrie est très mauvais. La dépression du mouvement populaire est due aux attaques dévastatrices du régime d’Assad, aux massacres et aux déplacements forcés de millions de Syriens, ce qui veut dire que la moitié des Syriens sont aujourd’hui déplacés. S’y ajouter la montée en puissance des forces réactionnaires de la contre révolution, comme Daech, Al-Nosra, et autres aux dépens de l’Armée libre, et la réduction de l’espace du mouvement populaire, y compris dans les zones « libérées » du régime.

    Tout appel au repli, au silence et à la démission à des forces populaires révolutionnaires, qui signifie leur capitulation devant cette attaque féroce des forces diverses de la contre révolution – et qui se combattent entre elles –, serait désastreux et ne ferait qu’aggraver encore plus la situation dégradée de la révolution, au contraire de ce que croient certains. En revanche, nous considérons que la mobilisation des groupes, des coordinations et des organisations révolutionnaires, partout, pour poursuivre les mobilisations, les manifestations et toutes les formes de lutte du mouvement populaire, la résurgence de ce dernier, même s’il est faible et dispersé, c’est ce que nous devons réaliser de toutes nos forces. D’autant plus que le mouvement populaire est toujours vivant et a commencé à recouvrer sa vitalité, même dans les zones contrôlées par les forces jihadistes extrémistes comme le Front Al-Nosra.

    Mais nous avons besoin d’un outil pour réaliser cela. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un Front uni des forces révolutionnaires démocratiques et de gauche à même d’élaborer une stratégie d’action combative et centralisée reprenant les revendications de base de la révolution populaire. Dans les zones de l’Armée libre, ou de la résistance populaire armée, l’affrontement avec les forces réactionnaires, par les armes, n’est pas un luxe, mais une question de vie ou de mort pour la révolution et le mouvement populaire, en dépit de son manque d’armes sérieuses. Ce qu’elle a sa à sa disposition sera suffisant si ses forces sont unies sous une direction militaire et politique nationale et centralisée aussi. On ne peut borner la constitution de ce front uni au plan politique, il doit englober le militaire aussi. Et plus particulièrement car l’adversaire principal des forces révolutionnaires n’est pas seulement les forces réactionnaires de la contre révolution, c’est aussi la clique au pouvoir. Il faut toujours garder à l’esprit que la faire tomber est la condition préalable pour abattre ces forces fascistes et réactionnaires. Le maintien de ce régime, même superficiellement modifié, constituerait une défaite écrasante pour la révolution populaire et une victoire manifeste de la contre révolution. Il faut conjuguer nos efforts pour renverser le rapport de forces en faveur des classes populaires qui étaient et sont toujours les forces sociales motrices de la révolution, et en faveur des forces politiques révolutionnaires.

    La guerre impérialiste contre Daech a fourni aux impérialistes et leurs alliés régionaux un prétexte pour « reproduire » le régime d’Assad. Nous avons remarqué un regain des discours en faveur d’une solution politique en Syrie dans les dernier mois, saluée par les pays impérialistes, qui prétendent être amis du peuple syrien et dont le but n’a jamais été d’abattre le régime, mais de le pousser à un changement interne par en haut et une réorientation politique et la destruction des capacités économiques et militaires de la Syrie. De même nous voyons que les gouvernements d’Arabie Saoudite, du Qatar et de pays du Golfe, cœur et bastions de la contre révolution dans la région, avec le gouvernement de la contre révolution en Egypte ont tout mis en œuvre pour vendre cette solution politique pour remettre à flot le régime d’Assad. Tant et si bien que la coalition nationale, leur rejeton, s’est plainte publiquement de l’arrêt du financement saoudien et de pays du Golfe, depuis plus de six mois, afin de la pousser à rejoindre la solution politique maintenant en place le régime. Elle sera probablement amenée à le faire par la suite, compte tenu de sa nature opportuniste et corrompue. Notons qu’elle s’est abstenue de participer à la fin du mois dernier à la réunion de Moscou, à laquelle ont participé des groupes de la dite opposition de l’intérieur pour l’essentiel le Comité de coordination, aux positions ambiguës depuis le début de la révolution et des groupes venant de l’étranger sans poids réel sur le terrain. Moscou, Téhéran et l’Egypte semblent être chargés de parrainer ces tentatives, pour promouvoir la « solution politique » qui émane de démarches dont l’objectif n’est en réalité que de reproduire le régime.

    Nous ne pouvons nous opposer à aucune mesure qui vise à soulager les souffrances des masses populaires, sans pour autant oublier les revendications exprimées dans leur révolution populaire ; la « solution politique » en question impose la vigilance et la prudence des forces de la révolution, et impose de démasquer et dénoncer toute concession de ceux et celles qui sont ou en seront partie prenante dans des négociations de « solution politique » pour maintenir le régime dictatorial. Il faudra aussi combattre toute concession sur les libertés démocratiques, ou la revendication d’édifier un régime démocratique radical sur les ruines du régime dictatorial, ou de marchander les sacrifices des masses populaires pour abattre le régime et construire la Syrie de la liberté, de la démocratie, de l’égalité, de la justice sociale.

    Les marxistes révolutionnaires du courant de la gauche révolutionnaire, dans ce combat aux fronts multiples, sont attelés également à une tâche fondamentale pour laquelle ils oeuvrent sans relâche, à savoir la construction du parti ouvrier révolutionnaire et de masse.

    Ghayath Naïsse

    * Paru dans la revue en langue arabe Révolution permanente n°5, mars 2015.

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article34842

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  • En Israël, la Cour suprême conforte les partisans de la colonisation (Orient 21)

    http://referentiel.nouvelobs.com/file/4946293.jpg

    Dans deux récents avis, la Cour suprême israélienne a modifié la jurisprudence concernant d’un côté les propriétés des Palestiniens à Jérusalem-Est, de l’autre la différence entre Israël proprement dit et les territoires occupés. Ces décisions risquent de renforcer l’isolement d’Israël et de l’éloigner encore un peu plus de l’idéal dont il se réclame.

    La Cour suprême israélienne vient d’adopter deux décisions qui confortent clairement les politiques de colonisation du gouvernement de Benyamin Nétanyahou dans les territoires palestiniens. La première, votée par cinq juges contre quatre, estime que l’appel au boycott d’Israël constitue un délit susceptible d’être poursuivi pour dommages et intérêts. Dans ses attendus, elle définit le boycott d’Israël comme «  un refus délibéré de relation économique, culturelle ou universitaire avec une personne ou une entité au seul motif de son lien avec Israël, une de ses institutions ou une zone sous son contrôle, dans le but de lui causer un dommage  ». En pénalisant cette attitude, la Cour admet imposer une restriction au droit à la libre expression, mais le justifie dès lors qu’elle est proportionnelle et menée à bon escient.

    Jusqu’ici, la loi israélienne autorisait le ministère des finances à poursuivre ou à annuler les avantages fiscaux légaux d’une ONG israélienne si elle appelait à boycotter les produits de toute partie du territoire contrôlé par Israël, et elle autorisait tout producteur israélien à demander réparation sans avoir à démontrer la réalité d’un préjudice. La Cour a annulé ce second aspect de la loi : pour avoir droit à une compensation, tout plaignant devra démontrer que l’appel au boycott l’a réellement affecté. Mais cet appel en tant que tel restera condamnable.

    Pour la première fois, une décision de la Cour suprême israélienne limite délibérément la liberté d’expression (même si, dans la réalité, de nombreuses décisions gouvernementales l’ont limitée historiquement, en particulier dans le cadre électoral). Surtout, la décision est opérante même si l’appel au boycott ne porte que sur une «  zone sous contrôle  » israélien –- expression neutre désignant expressément les territoires palestiniens occupés. Ainsi, le refus récent d’une soixantaine d’artistes israéliens de se produire dans le théâtre d’Ariel, une grosse bourgade de colons en Cisjordanie, pourrait-il être attaqué en justice. De plus, la décision instaure une égalité de traitement entre l’appel au boycott général d’Israël et celui restreint aux territoires occupés, élargissant de facto le caractère colonial du pays des seuls territoires occupés à sa totalité. Le juge qui a rédigé la décision, Hanan Melcer, estime que, dans certains cas, l’appel au boycott s’assimile à la «  terreur politique  »

    Cette décision, écrit le juriste Aeyal Gross dans Haaretz, fait suite à «  une vague de projets de loi antidémocratiques destinées à “ tuer le messager” plutôt que de répondre au contenu propre de sa critique  ». Elle s’inscrit dans la tentative, continue depuis le retour de Nétanyahou au pouvoir en 2009, d’effacer et même de pénaliser toute référence à une réalité historique ou contemporaine non conforme au discours officiel. Ainsi de la loi récente pénalisant l’usage du terme Nakba. Signifiant «  catastrophe  » en arabe, il désigne l’expulsion ou le départ forcé entre 1947 et 1950 de 85 % de la population palestinienne dans ce qui deviendra le territoire d’Israël en 1948.

    Expropriation légalisée à Jérusalem-Est

    Le lendemain de la décision de pénaliser tout appel au boycott, la même Cour suprême validait une autre requête ancienne du mouvement des colons. Elle a légitimé l’application par le gouvernement de la loi «  sur la propriété des absents  » aux biens de propriétaires sis à Jérusalem-Est. Cette loi, votée en 1950, autorisait l’État à s’emparer des terres et des biens détenus par leurs propriétaires «  absents  » –- ces Palestiniens devenus des réfugiés avec la création d’Israël auxquels on interdisait tout retour. La loi spécifiait que quiconque vit dans un «  pays hostile  » ou dans une région de la «  terre d’Israël  » non soumise au contrôle de l’État et qui détient une propriété en Israël sans y résider est considéré comme «  absent  » et peut voir ses biens confisqués pour être alloués au «  développement du pays  ». Ce qui fut fait de manière généralisée.

    Après la conquête de la Cisjordanie et de Gaza en juin 1967, Israël a très vite annexé la partie orientale de Jérusalem et ses environs -– annexion non reconnue à ce jour par la communauté internationale. Depuis, la droite nationaliste et les groupements de colons ont poussé à l’application de la loi sur la propriété des absents à Jérusalem-Est , dans l’objectif avoué de promouvoir la judaïsation de ladite capitale israélienne (elle aussi non reconnue par les Nations unies). Dans un premier temps, cette loi fut immédiatement appliquée et des Palestiniens détenant une propriété dans Jérusalem-Est mais habitant dans un faubourg de la ville s’en virent privés illico presto. Mais l’application de la loi à Jérusalem-Est a fait ensuite l’objet de multiples contestations. Le procureur général d’Israël y a mis fin en 1968. Elle fut réhabilitée par le Likoud au pouvoir en 1977, remise au placard par le travailliste Yitzhak Rabin en 1992, enfin réinstaurée en 2004 sous Ariel Sharon.

    Depuis, la plupart des «  avis  » émis par les conseils juridiques du gouvernement, y compris de droite, ont décrété que les Palestiniens de Cisjordanie détenant des propriétés à Jérusalem ne pouvaient pas être considérés comme des «  absents  ». Mais la loi a continué de s’appliquer et en 2013, le procureur général a formellement justifié son usage. La Cour suprême a fini par valider une loi qui entérine purement et simplement le vol de propriété. Un Palestinien habitant un village à cinq kilomètres de la Ville sainte détenant un bien à Jérusalem-Est peut s’en voir exproprié. Son bien peut être ensuite acquis en toute légalité par un Américain qui ne vit pas ni n’a jamais vécu en Israël et qui finance l’installation de colons israéliens en ville arabe.

    Le paradoxe de ces décisions est qu’en criminalisant l’appel au boycott et en légalisant l’expropriation des propriétaires palestiniens à Jérusalem-Est, la Cour suprême israélienne justifie de facto l’accusation selon laquelle Israël, pour ce qui touche aux rapports avec les Palestiniens, tourne le dos à la démocratie et pratique une politique de ségrégation. Telle a été la réaction unanime des organisations et associations qui, en Israël même, luttent contre l’occupation des territoires palestiniens. Comme l’a écrit le journaliste Gideon Levy, pour la Cour suprême, «  les masques tombent  ». L’institution qui a «  toujours trahi son rôle de gardien des droits de l’homme, de la loi internationale, de l’égalité et de la justice dans les territoires occupés  » en vient à faire de même avec les droits du citoyen en Israël.

    Le pouvoir inquiet face au boycott

    Ces décisions semblent surtout souligner à quel point Israël se rétracte dans son isolement international quand les partisans du boycott, sans déstabiliser son économie, connaissent des succès et un impact médiatique croissants. En Israël, les adversaires de l’occupation s’accordent de plus en plus à penser que seul le boycott permettra, sur le long terme, de modifier le rapport de forces actuel qui voit la communauté internationale incapable d’amener Israël à reconsidérer sa politique de domination des territoires palestiniens.

    Par dérision, Omar Barghouti, l’ingénieur palestinien formé à l’université américaine de Columbia qui a fondé en 2005 et dirige la campagne internationale Boycott-désinvestissement-sanctions (BDS) déclarait en décembre 2014 : «  Nous devons accorder ce crédit à Nétanyahou : sans lui, nous n’aurions pas pu réussir à ce point.  » Il est indubitable que ce mouvement, qui se veut international, a pris une ampleur inédite ces dernières années. Des figures publiques d’envergure y ont adhéré. Et au plan international, l’idée qui le sous-tend s’instille de plus en plus dans les esprits. La décision prise en août 2014 par le fonds de pensions néerlandais PGGM (plus de 150 milliards d’euros d’actifs) de retirer ses investissements dans cinq grandes banques israéliennes pour leur «  implication  » dans les territoires occupés a jusqu’ici été l’acte de boycott financier le plus marquant sur le plan international. Mais il n’est pas le seul, et la montée en puissance de BDS inquiète désormais ouvertement les autorités israéliennes. En février 2014, le ministre israélien des affaires stratégiques, Youval Steinitz, avait obtenu un budget de 100 millions de shekels (24 millions d’euros) pour mener une campagne de communication internationale contre le boycott. Il semble, vu la progression du mouvement, que cette contre-offensive a eu peu d’effets. La dirigeante des Verts britanniques, Natalie Bennett, a récemment apporté son soutien au boycott «  tant qu’Israël ne se conforme pas au droit international  ». Le mouvement s’étend sur les campus américains. Des appels au boycott ont été votés par les associations estudiantines des universités de Berkeley, Stanford, UCLA, San Diego, Loyola, DePaul, et d’autres encore. De nombreuses associations estudiantines (au Texas, en Ohio, au Nouveau Mexique, etc.) l’ont inscrit à l’ordre du jour.

    Un vote doit avoir lieu sur le prestigieux campus de Princeton la semaine prochaine. L’enjeu portera sur la politique de Princo, la division investissement de l’université, troisième plus riche du pays (elle gère 19 milliards de dollars de dotation). La motion appelle Princo à retirer son soutien aux multinationales qui œuvrent à «  préserver l’infrastructure de l’occupation israélienne en Cisjordanie  ». Historiquement, l’université de Princeton n’a été confrontée à un appel au désinvestissement qu’à deux reprises : en 1987, concernant l’apartheid en Afrique du sud, et en 2006 contre le Soudan, lors de la tragédie du Darfour.

    Ces votes n’ont en eux-mêmes pas d’impact direct, les universités n’étant pas tenues de les respecter. Mais leur multiplication est plus que symbolique. Pour prendre un exemple récent, suite à une campagne partie de Grande-Bretagne et menée aussi aux États-Unis pour — à défaut de boycott —, au moins inscrire la provenance exacte des produits vendus par les entreprises israéliennes, la société de boissons gazeuses SodaStream, située à Mishor Adoumim, une colonie de Cisjordanie, a annoncé le 8 avril qu’elle indiquerait désormais la Cisjordanie comme son lieu d’activité au lieu de l’usuel «  made in Israël  », et qu’elle déménagerait bientôt sa production à l’intérieur des frontières israéliennes de 1967. Sa décision, a assuré la société, n’est pas liée aux appels au boycott qui l’ont frappée. Il reste qu’elle manifeste une prise en compte croissante de l’impact de BDS par les intérêts israéliens. Comme l’est la proposition de loi «  Boycottons nos ennemis  », déposée par deux représentants républicains à la Chambre, à Washington, laquelle, si elle était votée, obligerait tout contractant d’un marché public aux États-Unis à assurer qu’il ne participe pas à un boycott d’Israël.

    «  Il fut un temps, a déclaré en décembre 2014 Omar Barghouti, où l’inscription “made in South Africa” était devenue toxique. Nous en sommes encore loin. Mais nous nous rapprochons  ». En Israël, nombre des adversaires de la pénalisation du boycott ont dénoncé la décision de la Cour suprême pour des motifs de préservation de la libre expression. Mais beaucoup ont aussi insisté sur le fait que l’arrêt des juges, plutôt que d’affaiblir les partisans du boycott, devrait au contraire contribuer à les renforcer. «  En instaurant une équivalence entre Israël et les territoires occupés  », la Cour Suprême a entraîné «  une défaite pour Israël, et une victoire pour les colons et pour le mouvement BDS  », a écrit Lara Friedman, une dirigeante américaine de La Paix Maintenant, dans Haaretz. Les deux décisions risquent fort, en effet, de conforter à l’échelle internationale l’opinion de ceux qui estiment que la société israélienne, définitivement prise dans une vision où seule la force tient lieu de politique, est désormais dans l’incapacité totale à se confronter aux enjeux de sa propre survie, s’enfonçant ainsi dans un isolement international qui ne peut qu’aller croissant.

    Sylvain Cyprel27 avril 2015
     
  • Grève des agents de Tunisie Telecom (Afriques en lutte)

    Greve-TT-UGTT

    Les agents de Tunisie Telecom sont entrés en grève, ce lundi 27 avril 2015.

    Des centaines d’employés de l’opérateur se sont réunis, ce matin à la pace Mohamed Ali devant le siège de l’UGTT, en levant plusieurs slogans et en scandant l’hymne national. Un mouvement qui a été très suivi, selon les taux de participation communiqués par la centrale syndicale.

    Les agents de Tunisie Telecom réclament la hausse de leurs salaires, l’augmentation de plusieurs primes spéciales et la révision du règlement intérieur de la société.

    Source : Business News 28 avril 2015

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/tunisie/article/greve-des-agents-de-tunisie

  • République Sahraouie : « Lutter au Sahara » est sorti… (Afriques en lutte)

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    "Lutter au Sahara" est un ouvrage de référence sur le Sahara Occidental, un livre qui dérange. 15 auteurs portent un regard sur Le territoire dont personne ne parle.

    “Il est grand temps pour la communauté internationale d’agir pour mettre un terme à l’occupation marocaine criminelle du Sahara Occidental, afin que les Sahraouis puissent jouir des droits à l’autodétermination et à la liberté pour lesquels ils ont courageusement lutté durant de nombreuses années, au sein de terribles conflits. J’espère vivement que cette publication portera le sort du peuple sahraoui vers un public beaucoup plus large, et contribuera à ouvrir la voie vers la fin de l’assujettissement brutal de la dernière colonie d’Afrique.” Noam Chomsky

    Le Sahara occidental : un simple bout de désert ?

    Terre oubliée du nord-ouest de l’Afrique, le Sahara Occidental a subi une centaine d’années de colonisation espagnole avant l’actuelle occupation par le Maroc qui empêche l’autodétermination de la dernière colonie du continent. Une image qui fait écho à celle de la Palestine, alors que le Sahara Occidental ne bénéficie pas de la même attention de la part des médias. Comment le droit international se positionne-t-il, et comment est-il respecté ? Comment une occupation se prolonge-t-elle depuis 40 ans dans le silence ? Pourquoi l’exploitation des ressources naturelles se trouve-t-elle à la source du statu quo ? Que sont devenus les droits de l’Homme et comment se transforme la culture traditionnellement nomade du peuple sahraoui ? 15 spécialistes, témoins et acteurs directs participent à cet ouvrage unique et contemporain, analysant ces questions et proposant une vision globale et vivante de l’épineuse "question" du Sahara Occidental.

    Sous la direction de Denis Véricel et Apso : Edouardo Galeano, Francesco Bastagli, Anna Theofilopoulou, Oliver Quarante, Bill Fletcher Jr, Jacob Mundy, Vincent Chapaux, Ayad Abraham, Juan Soroeta, Jeffrey Smith, Erik Hagen, Alice Wilson, Tara Deubel, Sebastien Boulay, Mohamed Mouloud Mohamed Fadel.

    Pour voir le sommaire, ici.

    Pour l’acheter :

    Commander à APSO, en écrivant à APSOlument @ yahoo.fr et demandez le chez votre libraire

    28 avril 2015 

     

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/republique-sahraouie/article/republique-sahraouie-lutter-au

  • Sur la situation au Yémen (Lcr.be)

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    Déclaration des organisations marxistes révolutionnaires dans la région arabe

    Le 26 mars 2015 à minuit des avions de combat appartenant à dix pays arabes, et musulmans (Pakistan), commandés par l’Arabie saoudite, ont effectué leurs premiers raids au Yémen. Le prétexte est de faire face à une milice confessionnelle yéménite (les rebelles houthis), liée à un Etat étranger, à savoir la République islamique d’Iran, qui essaye de prendre le contrôle sur l’ensemble du pays, et de faire un coup d’Etat contre l’autorité légitime incarnée par le président de la République Abed Rabbo Mansour Hadi, dont l’intervention n’est soi-disant qu’une réponse favorable à sa requête.

     

    D’une part cette campagne militaire a trouvé un bon écho auprès de gouvernements occidentaux impérialistes, et d’autre part, très particulièrement, elle a suscité une solidarité immense chez la plupart des gouvernements arabes, qui se sont réunis, cette fois, lors d’un sommet tenu à Charm El-Cheikh, avec une hâte surprenante, moins de deux jours après le début des opérations militaires, et qui a été marqué par la présence de la grande majorité de ces gouvernements. En plus de la décision de soutenir l’attaque contre le Yémen, jusqu’à la réalisation des objectifs initiaux, à savoir l’élimination de la rébellion des houthis et leur désarmement en vue de rétablir l’autorité légitime dirigée par le président Hadi, ce sommeil a pris une décision curieuse concernant la constitution d’une force militaire commune pour, d’un côté, faire face à ce que ces gouvernements considèrent un danger qui menace la nation dans son ensemble, et, de l’autre, lui garantir la protection ; en réalité ils visent avant tout la protection des différents régimes en place. Et ce notamment après la recrudescence, au cours des dernières années, de mobilisations populaires à l’échelle de la région arabe-maghrébine visant la destitution de ces régimes.

     

    Ce n’est certes pas la première fois que l’Arabie saoudite s’ingère dans les affaires du Yémen. Déjà dans les années 1960 elle s’est dépêchée pour défendre, avec tous les moyens qu’elle dispose, y compris militaires, le système de l’imamat contre la révolution yéménite, qui bénéficiait de l’appui militaire et financier égyptien, sous le règne nassérien. Il ne faut pas oublier non plus le rôle qu’elle a joué récemment pour contrecarrer le soulèvement pacifique de la population yéménite, et ce, à travers la pression qu’elle a exercé conjointement avec les autres pays du Conseil de coopération du Golfe en vue d’imposer un règlement qui ne va pas au-delà du départ d’Ali Abdullah Saleh du pouvoir, tout en maintenant le régime, sans changements sérieux. C’est ce qui a facilité à ce dernier de permettre aux houthis, en dépit d’une longue lutte contre eux, — et après qu’ils sont devenus ses nouveaux alliés, forts plus particulièrement du soutien iranien et roulant pour l’autorité des mollahs et des ayatollahs et leurs aspirations impériales nationalistes, qui se couvrent d’idéologie religieuse et n’hésitent pas à utiliser les facteurs confessionnels diviseurs pour réaliser leur projet — de prendre le contrôle de la capitale Sanaa il y a quelques mois, puis de la plupart des provinces et régions du Yémen, avant les récents développements spectaculaires que connaît le pays.

     

    Cependant, l’attaque saoudienne en cours contre le Yémen diffère clairement des précédentes. Riyad, ayant bénéficié de l’expérience de l’administration américaine en matière des ses campagnes néo-impérialistes depuis la guerre en Irak en 1991, a impliqué dans ses raids aériens neuf autres pays, dont un au moins non arabe (le Pakistan), et s’est empressé de convoquer tous les pays de la Ligue arabe, à l’exception de la Syrie, au sommet susmentionné. C’est sans doute pour les engager en faveur d’une mobilisation de leurs forces armées dans un guerre terrestre très coûteuse et très complexe, qui sera lancée, probablement, à une date ultérieure, sur le territoire yéménite, et qui durera probablement plusieurs mois, le pays étant caractérisé par ses terrains accidentés et ses montagnes escarpées. Une guerre susceptible de provoquer un conflit civil confessionnel dont l’étincelle, rien ne peut l’exclure, pourrait embraser d’autres pays arabes, et même non arabes. Ceci conjointement avec une course effrénée à l’armement dans la région, tandis que les plus grands bénéficiaires du commerce des armes sont les pays impérialistes et leurs institutions militaires. Sans parler des réactions dangereuses probables dont personne ne peut prédire les implications dans une région qui regorge de richesses inestimables cependant sous domination impérialiste.

     

    Il est par ailleurs évident que les premières victimes de cette attaque sont et seront des civils, qui n’ont rien à voir avec l’une ou l’autres des parties au conflit, et qu’elle causera, en plus des pertes humaines, une dévastation des sites urbains et des infrastructures, et un amenuisement des capacités militaires du peuple yéménite. Ceci concerne un pays parmi les plus pauvres dans la région arabe, mais aussi dans le monde entier.

     

    Enfin, il convient de noter que parmi les décisions prises par les dirigeants arabes lors de leur dernier sommet, il n’y avait aucune qui concerne le peuple palestinien. Bien que ce somment se soit tenu juste après la guerre israélienne contre Gaza, qui a engendré des pertes considérables en vies humaines et en infrastructures, alors qu’une grande majorité de la population venait juste de restaurer ses habitations, détruites lors de guerres d’agression précédentes, en plus du fait que l’ennemi sioniste poursuit sa politique de colonisation accélérée en Cisjordanie et à Jérusalem, avec la démolition des maisons et des constructions, et la destruction au bulldozer de vergers et de terres agricoles palestiniens, ainsi qu’une continuation des mauvais traitements envers les Palestiniens, allant des assassinats à l’emprisonnement ou l’exil forcé… En dépit de tout cela il n’y avait parmi les décisions des dirigeants arabes aucune pour répondre à cette politique, même pas une élémentaire position de principe pour la condamner ou la dénoncer, à défaut de menacer de recourir aux diverses procédures approuvées par le droit international, entre autres l’usage de la dissuasion, l’encouragement des actes de résistance, et la mise à disposition des moyens de les mener au profit d’un peuple sous occupation sans fin, à cause de la trahison et la lâcheté des dirigeants arabes et de la médiocrité de ses propres directions.

     

    En contraste avec la déclaration de guerre contre un pays arabe misérable tel le Yémen, et la décision de former une force militaire arabe unifiée capable de s’engager dans différentes guerres — comprendre qu’elle ne sera pas dirigée contre l’Etat sioniste ou utilisée pour riposter à ses agressions mais dirigée plutôt contre des soulèvements populaires en territoires arabes —, les mesures effectives de solidarité avec le peuple palestinien se sont résumées à verser les tranches dues à l’autorité de l’accord d’Oslo en Cisjordanie !

     

    Les organisations marxistes révolutionnaires signataires de cette déclaration, tout en dénonçant fortement les différents actes d’agression auxquels se sont livrés les houthis, au Yémen, en alliance avec l’appareil militaire toujours contrôlé par l’ancien tyran du Yémen, Ali Abdullah Saleh, et avec le soutien de la République islamique des mollahs d’Iran, condamnent avec les termes les plus forts l’agression récente criminelle et brutale toujours en cours du royaume saoudien et ses alliés, et appellent à la cessation des hostilités de la part des différentes parties concernées et à leur retrait du Yémen avec l’engagement des différents pays étrangers, y compris l’Iran et les divers gouvernements du Golfe, notamment l’Arabie saoudite, de verser des compensations financières en rapport avec les pertes énormes subies par le peuple yéménite ces dernières années, en raison des ingérences agressives de ces gouvernement dans les affaires du Yémen, qui appellent notre condamnation absolue. Nous appelons également à laisser la liberté au peuple yéménite d’exercer son droit à l’autodétermination, et de choisir librement la forme de pouvoir qu’il souhaite sans aucune contrainte ou ingérence étrangères.

     

     

    Non à l’intervention réactionnaire étrangère au Yémen, que ce soit de la part de l’Iran ou de l’Arabie saoudite et ses alliés  

     

    Non à l’ensemble des traitres et des corrompus unis qui se sont réunis à Charm El-Cheikh

     

    Non à l’appui impérialiste à cette nouvelle agression militaire réactionnaire

     

    Non à la guerre civile … Oui au droit du peuple du Yémen à l’autodétermination

     

    Oui à toutes les formes d’aide pour la relance du processus révolutionnaire des masses populaires yéménites

     

    Oui pour l’unité des masses laborieuses de la région arabe, de toutes les nationalités, toutes les confessions

     

     

    Organisations Signataires :

     

    Socialistes révolutionnaires (Egypte) – Mouvement de la Gauche révolutionnaire (Syrie), Union des Communistes en Irak – Courant Al Mounadil-a (Maroc) – Le Forum socialiste (Liban) - Ligue de la Gauche ouvrière (Tunisie)

     

     

    Traduction de l’arabe par Rafik Khalfaoui

     

    Source : http://al-manshour.org/node/6252

    http://www.lcr-lagauche.org/declaration-des-organisations-marxistes-revolutionnaires-dans-la-region-arabe-sur-la-situation-au-yemen/

  • Nouveautés sur Global Voices

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    Aéroports, habitations, usines, stades, palais, infrastructures : la longue liste des destructions de la guerre au Yémen

    Des photos et vidéos impressionnantes de la dévastation et les destructions à grande échelle de l'opération "Tempête Décisive" et des attaques des milices houthistes et pro-Saleh.

     

    Le Liban célèbre son héritage arménien et commémore le génocide

    Le Liban fait partie des nations qui ont accueilli les réfugiés arméniens qui fuyaient le génocide de 1915, et célèbre aujourd'hui la richesse de leur contribution...

     

    L'Arabie Saoudite annonce la fin des frappes aériennes sur le Yémen

    L'Arabie Saoudite vient d'annoncer la fin de ses frappes aériennes au Yémen après avoir “réalisé ses objectifs militaires”. Les internautes n'y croient pas encore.

     

    Les pénuries aggravent les souffrances des Yéménites sous les bombardements de la coalition saoudienne

    La crise humanitaire existait déjà avant la présente guerre : 15,9 millions de personnes, 61 % de la population dépendaient de l'aide humanitaire fin 2014.

     

    Le Koweït, le Bahreïn et l'Arabie Saoudite font taire les voix qui s'élèvent contre la guerre au Yémen

    La lutte contre les activistes anti-guerre s'intensifie. Le Koweït et le Bahreïn emprisonnent des activistes qui avaient critiqué la guerre menée par l'Arabie Saoudite au Yémen.

     

  • Débats nauséabonds et fausses solutions (CCR)

    Comment résoudre « le problème » des migrants « clandestins » ?

    L’année passée, plus de 4.000 migrants, hommes, femmes et enfants, ont perdu la vie en tentant leur chance en Méditerranée pour passer d’Afrique, du Moyen-Orient ou du Maghreb en Europe. Ces dix derniers jours, pas moins de 1.300 personnes, poussées par les guerres ou la misère, alimentées ou provoquées par les impérialistes, se sont noyées en Méditerranée. Pendant que les assassinats prémédités par nos gouvernements se poursuivent, la presse et les médias de la semaine sont largement revenus sur la question qui taraude nos gouvernants: «comment résoudre le «’problème’ de l’immigration ‘irrégulière’ » ?

    Des cafards au Figaro en passant par Zemmour. Quelques raccourcis

    C’est du côté de la presse d’outre-manche que racisme et xénophobie ont pu s’étaler avec le moins de retenue. Le 17 avril, en page une du tabloïde britannique The Sun, le journal le plus lu du royaume, Katie Hopkins n’a pas hésité à comparer les migrants à des « cafards », appelant de ses vœux à « utiliser des navires de combat pour stopper les clandestins ». Ces sorties médiatiques, destinées à booster les ventes d’un torchon tout en libérant la parole d’extrême droite, n’ont rien à envier à celles d’Eric Zemmour chez nous.

    Dans sa chronique du 23 Avril sur RTL, Zemmour s’en est pris aux « droits de l’homme qui tuent ». Ce seraient en effet les « droits de l’homme » qui « nous » obligeraient à « les » « secourir », « accueillir », « adopter » et « intégrer », alors que de l’autre côté, « nous » n’aurions pas le droit de les « trier », de les « sélectionner ». On l’aura compris. Entre le tri des êtres humains et les cafards, il n’y a qu’un pas.

    Yvan Rioufol se garde bien de le franchir, mais il n’en est pas loin, dans son éditorial du 23 avril dans Le Figaro.

    Pour Rioufol, toujours à l’écoute de son prochain, l’urgence n’est pas de secourir les migrants mais de « dissuader ceux qui veulent forcer les portes ». Les drames de la Méditerranée, loin de l’émouvoir, doivent permettre, selon l’éditorialiste, de « relancer le débat sur l’immigration en Europe ». Pour Rioufol, cette immigration est, bien entendu, une « menace pour l’Europe ». Ce qui nous guette, en effet, c’est une « invasion (…) d’un million de déshérités économiques (…) prêts à tout, tout de suite ». La plupart, on s’en doute, ne peuvent être que des « musulmans ». De façon plus policée, Le Figaro réchauffe les propos orduriers, racistes et islamophobes que The Sun et Zemmour déversent à longueur de journée.

    « Sauver d’abord, accompagner ensuite et réformer pour finir »

    Pour Christophe Barbier, éditorialiste à L’Express, il faut d’abord commencer par éviter de passer pour un assassin pour mieux maquiller par la suite la scène du crime. Dans sa chronique vidéo du 20 avril, Barbier souligne que la question n’est pas de se défendre contre « une invasion » mais d’abord de « sauver » ces migrants afin « d’échapper à l’accusation de non-assistance à personne en danger », et ce pour « sauver l’honneur de l’Europe ». Plus qu’une urgence humanitaire, il y a bien urgence médiatique, selon Barbier qui relaie bien, en cela, la posture de l’Elysée.

    Une fois ces migrants sauvés, l’accompagnement consisterait à séparer le bon grain de l’ivraie. Il faudrait « raccompagner » les migrants qui « quittent un pays ou une situation économique et sociale qui ne leur laisse pas assez d’espérance » et ne faire des exceptions que pour ceux qui « échappent à une guerre civile », et ce afin de limiter au maximum le soi-disant effet « pompe aspirante ». Pour les heureux élus au retour au pays, il s’agirait de les « raccompagner pour les aider à [y] rester » pour qu’ils « développent leur projet d’épanouissement personnel ». Barbier, qui pourrait devenir porte-parole du ministère des Douanes et des Frontières, ne rechigne pas, lui non plus, à trier et à distinguer : les migrants « légaux » des migrants « illégaux », tout d’abord, puis, au sein de ces derniers, ceux qui fuient un vrai conflit de ceux qu’il faut renvoyer chez eux pour « s’épanouir » (dans la misère) parce qu’ils n’ont pas une kalachnikov braquée sur la tempe.

    Pour répondre, à long terme, « à la tragédie des migrants qui traversent la Méditerrané », il faudrait réformer « les liens entre le Sud et le Nord », autrement dit, « aider le continent africain à sortir du chaos et à aller vers la prospérité ». Il faudrait, de la même façon, réformer les actions « diplomatiques et militaires envers ou contre les pays du Nord de l’Afrique en proie au chaos et aux mains des trafiquants, (…) notamment [en] Lybie [puis] gérer la suite en Syrie ». L’hôpital se fout de la charité. Ce sont les politiques impérialistes qui sont responsables et qui maintiennent sous-développement, misère, famine, chômage et surexploitation dans les semi-colonies d’Afrique, en collaboration avec les dictatures et les pseudo-démocraties locales. Et ce sont les interventions impérialistes qui créent chaos, guerres civiles et monstruosités réactionnaires, que les migrants fuient. Cette « réforme des actions diplomatiques et militaires », appelée par Christophe Barbier, n’est autre qu’une reconsidération de nouvelles interventions impérialistes en Lybie et en Syrie.

    Hollande, Sarkozy, Marine Le Pen se renvoient la balle

    C’est ce qui est en jeu ces derniers jours, d’ailleurs. Dans les heures qui ont suivi le naufrage de 800 migrants embarqués dans un chalutier au large de la Lybie, dans la nuit du 18 au 19 avril, les politiques ont parlé d’une situation « dramatique » et « épouvantable », disant leur « tristesse » face à ce qui venait d’arriver. Une fois le « moment émotion » passé, place à l’instrumentalisation en revanche. C’est ce que pointe Cécile Cornudet, dans Les Echos du 23 avril, en décrivant l’affrontement entre le gouvernement, l’UMP, et le FN, se « renvoyant la responsabilité de la situation » pour « masquer l’impuissance » des uns et des autres.

    Tandis que Sarkozy attaque Hollande sur le terrain d’un « problème d’immigration » que le président refuserait de « de voir en face », Hollande, appuyé sur ce point par le FN, rétorque sur la nécessité de « réparer les erreurs du passé en Libye », reprochant à son prédécesseur de n’avoir eu « aucune réflexion sur ce qui devait se passer après ».

    Contrairement à ce qu’écrit Cornudet, cependant, ce dialogue de sourd, ne démontre pas l’impuissance des gouvernants mais bien leur responsabilité pleine et entière dans ces assassinats planifiés car annoncés. Pour preuve, après avoir dénoncé une « catastrophe », Hollande a poursuivi en qualifiant les passeurs de « terroristes » pour, aussitôt, demander à Bruxelles plus de moyens pour lutter contre le trafic d’êtres humains, en refoulant les migrants et en bombardant les passeurs. Ce n’est autre qu’un nouveau prétexte pour une intervention contre ces nouveaux « terroristes » en Lybie, d’autant que le précédent gouvernement n’aurait pas fini correctement son travail.

    La réponse et la continuité des politiques impérialistes de nos gouvernements est claire : triplement du budget de l’Opération Triton et préparation de nouvelles interventions au Nord de la Méditerranée.

    « Légalisation de l’immigration » et « vente de visas aux travailleurs migrants »

    Pour les moins va-t-en-guerre et les plus lucides de nos porte-voix médiatiques de la bourgeoisie hexagonale, « résoudre le problème de l’immigration clandestine », c’est possible et, de surcroit, cela ne devrait pas empêcher de faire de l’argent au passage. Libération et Le Monde des 20 et 21 avril donnent la parole à Emmanuelle Auriol, chercheure à l’Ecole d’Economie de Toulouse, et à Alice Mesnard, chercheure à la City University de Londres, toutes deux auteures d’une étude sur la « légalisation de l’immigration ».

    Partant du constat que « l’émigration économique ne se tarira pas tant que subsisteront de telles différences économiques entre Nord et Sud » et soulignant un « manque de migrants » en Europe, Auriol et Mesnard proposent de légaliser « l’immigration économique en vendant des visas aux gens qui souhaitent travailler chez nous ». Selon leur étude, cette légalisation, couplée à une politique répressive contre les passeurs et les entreprises qui continueraient à embaucher des travailleurs « clandestins », devrait permettre de mettre fin à ces catastrophes.

    La délivrance au « compte-gouttes [faisant] le jeu des passeurs », baliser davantage les flux migratoires en les encadrant de façon à « légaliser l’immigration » ne représente pas aujourd’hui le point de vue dominant dans les pays impérialistes. Le projet, visant à fournir une main d’œuvre légale, abondante et peu qualifiée, aux entreprises capitalistes, prend exemple sur ce qui se fait actuellement en Israël ou la Jordanie qui « accordent des permis de travail temporaires sur des emplois peu qualifiés » et qui sont, comme chacun sait, des pays forts sympathiques à l’égard des travailleurs migrants. Cette option, que Le Monde et Libération présentent comme une alternative au tout sécuritaire, n’est qu’une version moins barbare d’un système basé sur une division internationale du marché du travail perpétuant, derrière des frontières mieux contrôlées, la dichotomie entre pays du Sud et puissances impérialistes. A l’opposé de ce qui serait une véritable « légalisation de l’immigration », à savoir la liberté d’installation et de circulation pour tous et toutes.

    25/04/15  Damien Bernard

    http://www.ccr4.org/Debats-nauseabonds-et-fausses

  • Yarmouk, les portes de l’enfer… (CCR)

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    Yarmouk. Situé à quelques kilomètres du centre de Damas, c’était, jusqu’en 2014, le principal camp de réfugiés palestiniens en Syrie et la place forte du Front Populaire de Libération de la Palestine – Commandement Général. A Yarmouk comme dans les camps palestiniens du Liban dans les années 1980, la dynamique de la guerre civile interne a pris le dessus sur le combat pour le droit au retour et contre le sionisme. Dès 2011, le FPLP-CG a pris le parti du régime du dictateur Al-Assad et l’Armée Syrienne Libre, soutenue par les impérialistes, a attaqué le camp, à plusieurs reprises. Yarmouk est par la suite tombé aux mains d’Aknaf Bait al-Maqdis, une milice palestinienne liée au Hamas, et le camp se retrouve aujourd’hui pris en étau entre les forces loyales au régime de Damas et les bourreaux du groupe Etat Islamique.

    Les images pourraient être celles de Gaza après l’Opération Bordure Protectrice. A l’origine des bombardements, cependant, on ne trouve pas Tsahal mais les forces du régime de Damas, d’un côté, et Daesh, de l’autre. Au milieu du feu croisé de la guerre civile syrienne, quelque 18.000 Palestiniens essayent de survivre. Ou plutôt de ne pas mourir. Ce sont ceux qui n’ont pas pu fuir. Parmi eux, 3 500 enfants, à la merci de l’artillerie et des obus. La situation est désespérante. Cela fait plus de six mois qu’il n’y a plus d’eau potable ni de médicaments. Selon l’URNWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, les rations alimentaires qui entrent dans le camp suffisent à peine à assurer 400 calories par jour et par habitant. Lorsqu’ils n’ont pas été détruits, les hôpitaux comme le Palestine Hospital ou le Al-Basil Hospital sont l’objet d’intenses bombardements. Dans les 20 écoles financées par l’UNRWA, les rares enseignants qui sont restés font cours dans les caves.

    Le camp de Yarmouk a été créé en 1957. La première génération de réfugiés est arrivée quelques années après la Nakba, quand, en 1948, les milices sionistes et les forces armées de l’Etat israélien ont expulsé près d’un million de Palestiniens, forcés de prendre la route de l’exil. Après la Guerre des Six jours, en 1967, ce sont des dizaines de milliers de Palestiniens qui ont à nouveau dû fuir leurs terres. Nombre d’entre eux se sont installé à Yarmouk également, sorte de ghetto de deux kilomètres carré qui a accueilli jusqu’à 250.000 palestiniens, entassés dans des conditions humiliantes. Mais avec le temps et avec le manque de perspectives de la lutte pour la libération nationale palestinienne, les tentes se sont transformées en maisons et en petits immeubles. De tout cela, il ne reste quasiment plus rien.

    Cela faisait deux ans déjà que le gouvernement d’Afez Al-Assad avait instauré une sorte de blocus complet du camp de Yarmouk, soumettant les résidents à de terribles pénuries. Le conflit entre milices palestiniennes opposées puis l’occupation d’importantes zones stratégiques du camp par les milices de l’Etat Islamique (EI) début avril n’ont fait qu’aggraver la situation. Dans une orgie de sang, les djihadistes de l’EI ont semé la terreur, assassinant plus de mille Palestiniens, dont un imam lié au Hamas, décapité en place publique pour hérésie. Le massacre a atteint un tel degré de férocité que certains journalistes arabes ont rebaptisé le camp « la nouvelle Srebrenica », en référence au génocide des 8.000 Bosniaques musulmans perpétré impunément par les milices serbes en 1995.

    Dans sa lutte contre l’EI, le gouvernement syrien, qui n’a pas hésité à bombarder certains districts du camp, après 2012, pour appuyer les milices du FPLP-CG qui perdaient du terrain, assure aujourd’hui vouloir appuyer les combattants palestiniens, quels qu’ils soient, pour ouvrir un corridor humanitaire. Selon plusieurs spécialistes, dont Lira Khativ, du Carnegie Middle East Center, basé à Beyrouth, c’est en réalité Assad, lui-même, qui aurait permis la progression de l’EI sur Yarmouk. L’enjeu était d’affaiblir les milices d’Aknaf Bait al-Maqdis ayant définitivement pris le dessus sur le FPLP-CG, les forces d’Aknaf Bait al-Maqdis étant liées au Hamas et alliées au Jabhat Al Nusra, la branche syrienne d’Al-Qaeda et qui combat dans plusieurs régions du pays le régime baathiste.

    Comme le faisait son père Hafez Al-Assad, Bashar Al Assad utilise et instrumentalise les revendications du peuple palestinien et certaines factions du mouvement de libération national pour légitimer son régime assassin. En 1976, déjà, Hafez Al-Assad avait commandité des tueries de Palestiniens dans les camps de réfugiés de Tal Al Zaatar, Jesr Al Basha et Dbayeh. Plus tard, pendant la guerre civile libanaise, il n’a pas hésité à collaborer avec les milices libanaises chrétiennes-maronites et avec les troupes israéliennes en 1982.

    Sous la pression de milliers de Palestiniens de Cisjordanie qui essayent d’avoir des nouvelles de membres de leur famille résidant à Yarmouk, le président de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas a exigé de l’aide pour le camp. Déjà, en 2013, face aux conséquences catastrophiques de la guerre civile syrienne, Abbas avait proposé le départ des Palestiniens de Yarmouk pour Gaza et la Cisjordanie. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait alors répondu positivement à la sollicitude d’Abbas à condition que les réfugiés de Yarmouk renoncent formellement au droit au retour. L’ultimatum formulé par Tel-Aviv avec le soutien de Washington avait été rejeté. La triste ironie du sort, c’est que l’Autorité Palestinienne, que dirige aujourd’hui Abbas, est née des accords d’Oslo de 1993, qui nient le droit au retour, l’une des principales revendications démocratiques du peuple palestinien. Pendant ce temps, les Palestiniens de Yarmouk continuent de se faire massacrer. Miguel Raider 17/04/15

    http://www.ccr4.org/Yarmouk-les-portes-de-l-enfer

    Commentaire: Le CCR est un courant au sein du NPA