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Histoire - Page 19

  • Aux origines du nationalisme arabe (Orient 21)

    Révolte en temps de guerre contre l’empire ottoman

     

    Le Pain (Al-Raghîf) de Toufic Youssef Aouad, que les éditions Sindbad/Actes Sud viennent de rééditer, est paru pour la première fois en 1939.

    Considéré comme le premier roman moderne de la littérature libanaise, il est aussi devenu un classique littéraire de la première guerre mondiale, un témoignage rare de la grande famine qui a ravagé le Mont-Liban entre 1915 et 1918. Aouad fait de ces années noires le terreau d’une révolte qui entraînera ses personnages à combattre aux côtés des troupes de Fayçal, pour reconquérir Damas.

    — Dans le désert, loin, très loin d’ici, là où est né le Prophète béni, dans la plaine qui s’étend à perte de vue et où le soleil brûle comme un fer rougi sur les sables infinis… Là-bas a commencé une révolution contre les Turcs.
    — Et qui a gagné  ?
    — La victoire est entre les mains de Dieu. S’Il le veut, les Arabes l’emporteront, Tom.
    — Et la faim disparaîtra, n’est-ce-pas  ? Nous mangerons de nouveau du pain blanc.

    C’est à Tom, enfant famélique d’un village du Mont-Liban, qu’un résistant apprend qu’il est temps d’espérer un avenir meilleur.

    Meilleur, c’est-à-dire débarrassé en tout premier lieu du conquérant ottoman qui, en 1914, «  s’abattit sur le pays avec la brutalité de l’oppresseur  » et «  se permit tous les abus, toutes les injustices, toutes les exactions  », dit Toufic Youssef Aouad dans l’introduction à son roman historique, Le Pain (Al-Raghîf), paru pour la première fois en 1939.

    Nous sommes à la veille de la révolte arabe de 1916 contre la domination turque. La famine et la misère déciment des dizaines de milliers de Libanais. Un militant nationaliste, Sami Assem, se cache dans une grotte en haute montagne où son amoureuse, Zeina, lui apporte régulièrement de quoi se nourrir et les dernières nouvelles du pays. Lassé de son isolement, Sami quitte sa cachette, tue par erreur un soldat déserteur et finit par être arrêté. La rumeur de sa mort incite Zeina à fomenter l’assassinat du gouverneur turc de sa province. Mais Sami a en réalité échappé à l’exécution capitale et à la prison et poursuit son combat contre les convois ottomans dans le désert, avant la reconquête de Damas sous le commandement de l’émir Fayçal. Son sacrifice héroïque assombrira la belle Zeina, au cœur de la liesse populaire qui suit la libération de la capitale des Omeyyades.

    Le roman, social autant qu’historique, a pour théâtre la terrible famine qui a ravagé le Mont-Liban entre 1915 et 1918. Selon les chiffres, entre 120 000 et 200 000 Libanais, soit un tiers de la population, sont morts de faim au cours de cette période. Les causes en sont connues, explique l’historien libanais Youssef  Mouawad1 : d’abord une invasion de sauterelles en 1915 qui a ravagé les récoltes.

    Puis — et surtout —, pas moins de deux blocus : d’abord le blocus maritime des Alliés, qui avait pour but d’empêcher toute importation d’armes ou de munitions dont auraient pu profiter les Ottomans  ; ensuite, celui des voies de communication terrestres imposé par Jamal Pacha, gouverneur ottoman de Syrie et de Palestine. Selon les propos rapportés par le professeur Antoine Boustany, le chef des forces ottomanes, Enver Pacha, aurait déclaré : «  L’Empire ottoman ne recouvrera liberté et honneur que lorsqu’il aura été débarrassé des Arméniens et des Libanais. Nous avons supprimé les Arméniens par le fer, nous supprimerons les Libanais par la faim  »2.

    Cette «  arme de la famine  » — dont les Alliés espéraient également, pour leur part, qu’elle précipiterait la révolte arabe —, est à l’origine de la violence sociale dépeinte dans le roman de Aouad : trahisons, abandons, cruautés, corruption, prostitution, vols... La faim, ressort dramatique, hante les personnages, les rend fous, idiots et prêts à tout. Elle transforme la population en «  hordes affamées  » : «  des vieillards, des femmes, des enfants, certains pouvant encore marcher, la plupart étendus avec leurs gémissements pour seul bien.  » Les gens se ruent sur le crottin des chevaux de l’armée ottomane pour y récupérer quelques grains d’avoine. Ils grattent la terre, mangent des carcasses décomposées d’animaux. Et meurent, comme dans cette scène de référence souvent citée :

    Il y avait là une femme étendue sur le dos, envahie de poux. Un nourrisson aux yeux énormes pendait à son sein nu (…) La tête de la femme était renversée et ses cheveux épars. De sa poitrine émergeait un sein griffé et meurtri que l’enfant pétrissait de ses petites mains et pressait de ses lèvres puis abandonnait en pleurant.

    L’autre ferment de la révolte qui anime les héros est la répression aveugle et arbitraire qui s’abat sur une population misérable :

    «  Quant à la gare d’Aley, il y régnait une atmosphère terrifiante. Les soldats allaient et venaient avec leurs baïonnettes étincelantes. Ils bousculaient les prisonniers et tançaient les gens, et ceux-ci ressemblaient à des spectres dressés. Enfants et vieillards tendaient la main pour mendier. Les femmes et les jeunes filles en haillons, le regard désespéré, les yeux exorbités, proposaient leurs beauté pour une ration de pain.  » Dans la prison d’Aley, siège de la Cour martiale turque et antichambre de la mort par pendaison commandée par Jamal Pacha, un prisonnier raconte à Sami le genre de «  raisons  » pour lesquelles tant d’hommes sont incarcérés : «  Hanna Dahan (…) avait été trahie par un portrait de Napoléon trouvé dans sa maison  ; un autre par une lettre reçue d’un ami d’Amérique évoquant l’État turc en des termes qui n’étaient pas pour plaire aux autorités  ; un troisième était accusé d’avoir offensé le sultan…  ».

    L’héroïsme des résistants vient en contrepoint de la lutte pour la survie de ces années noires.

    La résistance prend les traits d’un nationalisme naissant, qu’une conversation entre Sami et son juge ottoman révèle aussi simplement que clairement :

    — «  Nous cherchions à faire valoir nos droits.
    — Vos droits  ! Attention à ne pas me mettre en colère  ! Depuis quand avez-vous des droits en dehors des grâces du sultan, dont jouissent équitablement tous les Ottomans  ?
    — Nous sommes des Arabes qui demandent leur liberté et leur indépendance.

    Et c’est dans une autre conversation, cette fois entre le maronite Sami et Kamel, un camarade de combat musulman, que va s’énoncer une fraternité baptisée dans le sang et dont le sens est d’emblée questionné :

    — Nous avons déclaré le djihad contre les Turcs.
    — Les Turcs aussi ont déclaré le djihad contre nous. Lequel des djihad te semble donc le plus juste  ?
    — (…) Le califat doit revenir aux Arabes. Les Arabes vaincront et renoueront avec leur gloire passée. Ils verront la renaissance de l’ère des califes (…). Nous y désignerons le roi Husayn commandeur des croyants, et il y élira demeure. Nous l’entourerons de nos poètes, de nos savants et de nos intellectuels.

    Mais Sami le nationaliste n’adhère pas au djihad.

    Pas plus qu’il ne considère que son combat s’inscrit dans une «  guerre de religion  ». Pour lui, «  il s’agit d’Arabes qui se battent contre les Turcs pour recouvrer leur liberté et de Turcs qui combattent les Arabes pour continuer à les soumettre. Aujourd’hui, nous assistons à la naissance du véritable nationalisme arabe, dont la mère est la révolution.  »

    La modernité de ce roman réside essentiellement dans sa composition où prédominent les parties dialoguées.

    Elles permettent une approche des personnages dans leur diversité et leurs contradictions, en évitant tout à la fois une «  psychologisation  » individualisante — que l’histoire d’amour entre Zeina et Sami pourrait induire — et la pesanteur du récit historique à message pédagogique. Et c’est de la même manière avec Dans les meules de Beyrouth, publié en 1973, que Toufic Youssef Aouad restituera plus tard, comme en écho, l’atmosphère de la fin des années 1960 et la radicalisation des luttes politiques et idéologiques, celles qui plongeront deux ans plus tard le Liban dans la guerre civile.

    Pour l’heure, nous sommes, à la fin du livre, en 1918. Damas libérée jubile  ; la faim et la souffrance sont oubliées, «  les fantômes de l’injustice et de l’ignorance  » ont disparu comme par enchantement et tous les espoirs de liberté sont permis. Le rêve d’unité arabe du roi Fayçal n’est pas encore brisé et les révolutionnaires survivants comme Zeina peuvent croire que leurs morts n’ont pas été sacrifiés en vain.

    Françoise Feugas 5 mars 2015
     
  • La guerre est-elle finie pour les harkis ? (Les Inrocks)

    *

    Les harkis sortent peu à peu de la stigmatisation grâce aux combats menés par les anciennes et les nouvelles générations.

    L’historien Abderahmen Moumen retrace le parcours de cette communauté doublement malmenée par l’Histoire, au moment où l’on commémore la fin de la guerre d’Algérie.

    Même si les travaux scientifiques récents ont transformé la “question harkis” en un objet historique légitime, les harkis, longtemps relégués et oubliés, sont régulièrement invités dans la polémique publique. De la référence aux“collabos” du président algérien Abdelaziz Bouteflika en 2001 aux“sous-hommes” par Georges Frêche en 2006 jusqu’à la reconnaissance de la “dette immense” de la France envers eux par Manuel Valls, lors du discours d’hommage aux harkis le 25 septembre 2014, et la récente évocation des harkis par le maire de Béziers, Robert Ménard, lors de l’inauguration de la rue du Commandant-Hélie-Denoix-de-Saint-Marc”.

    1954-1962 : les harkis, un monde derrière un mot

    Après le déclenchement de la guerre d’Algérie le 1er novembre 1954, l’armée française décide de se renforcer par l’emploi de troupes supplétives. Les harkis ne sont en réalité qu’une composante des formations supplétives mises sur pied pour suppléer l’armée française durant ce conflit.

    Cinq catégories ont ainsi existé -durant ce que l’on appelait encore des “opérations de maintien de l’ordre” :

    les goumiers des Groupes mobiles de police rurale (GMPR) transformés ensuite en Groupes mobiles de sécurité (GMS),

    les moghaznis chargés de la protection des Sections administratives spécialisés (SAS),

    les ‘assas (gardiens) des Unités territoriales (UT),

    les groupes d’autodéfense (GAD), et enfin, les plus connus,

    les harkis, composant les harkas – de l’arabe “mouvement” –, salariés embauchés localement, au départ à la journée puis sous contrat d’un mois renouvelable, dont les blessures sont considérées comme des “accidents du travail”.

    Ce terme s’étend par la suite à l’ensemble des supplétifs du fait de l’importance numérique des harkis au regard des autres unités (63 000 en janvier 1961). Après la venue en France de ceux que l’on désigne par l’expression de “Français musulmans rapatriés”, le terme harkis amalgame tous ces “Français de souche nord-africaine” (FSNA) ou ces “musulmans” qui se sont placés du côté de l’armée ou du gouvernement français (environ 250 000 personnes en février 1961). Qu’ils soient mili- taires engagés, ou appelés soumis à la conscription, auxiliaires administratifs vestiges d’un certain ordre colonial (bachaga, agha, caïd), fonctionnaires ou élus, nombre d’entre eux sont qualifiés à tort de “harkis”.

    Face à la dégradation des conditions de vie de la paysannerie algérienne, et dans le contexte d’une guerre brutale dont l’enjeu est la mobilisation des masses rurales, l’utilisation de supplétifs par l’armée française dépasse largement la simple nécessité militaire pour devenir un véritable enjeu politique.

    La signature des accords d’Évian le 18 mars 1962 scelle néanmoins l’avenir des supplétifs. Citoyens français de statut de droit local – à la différence des Européens d’Algérie de statut de droit civil – mais d’ores et déjà considérés comme de futurs citoyens algériens, ne disposant pas d’un statut militaire, ils sont rendus à la vie civile, désarmés et renvoyés dans leur foyer. Consignes et circulaires de ce printemps 1962 limitent tant l’engagement dans l’armée que le transfert des “musulmans mena- cés”, sous-estimant la probabilité de représailles massives après l’indépendance, justifiant ainsi l’emploi de la notion d’abandon par le mouvement associatif harki, puis par les historiens et les politiques.

    Par le biais des transferts officiels minimalistes, de ceux, clandestins, des réseaux d’anciens officiers SAS, ou de l’immigration économique, ce sont environ 21 000 anciens supplétifs, accompagnés de leurs familles, qui réussissent à s’installer en France durant les années 1960, sur un total de 41 000 familles de rapatriés français musulmans. Aujourd’hui encore, le nombre d’anciens supplétifs victimes de représailles et le nombre de ceux qui, restés en Algérie, ont échappé aux violences – phénomène plus important que l’on ne soupçonne – est impossible à préciser.

    1962-1991 : camps, tutelle sociale et révoltes

    Arrivés en France, les harkis ne sont pas considérés comme des rapatriés à part entière, mais considérés comme des réfugiés, à qui la nationalité française ne pourra être reconnu que devant le juge d’instance… De crainte d’une récupération par une OAS encore menaçante et par souci d’éviter, sur le territoire français, une prolongation des hostilités entre anciens supplétifs et membres du FLN, six camps de transit et de reclassement, dont l’encadrement est plus militaire que civil, sont ouverts dans le sud de la France : le camp du Larzac dans l’Aveyron et de Bourg-Lastic dans le Puy-de-Dôme (juin-septembre 1962), celui de Rivesaltes dans les Pyrénées-Orientales (septembre 1962- décembre 1964), de Bias dans le Lot-et-Garonne (1963-1964), de Saint-Maurice L’Ardoise dans le Gard (septembre 1962-1963) et de La Rye dans la Vienne.

    Le camp de Rivesaltes constitue cependant l’épicentre des camps harkis. En fonctionnement, pour ces “réfugiés algériens”, de septembre 1962 à décembre 1964, près de 22 000 personnes y transitent avant d’être dispersés dans toute la France. Au moins 136 personnes, essentiellement des enfants et des personnes âgées, décéderont dans le camp. Une tutelle sociale spécifique se poursuivra encore de nombreuses années dans les espaces de concentration des familles de harkis : les “cités d’accueil” de Bias et de Saint-Maurice-L’Ardoise pour les familles désignées par les pouvoirs publics comme “irrécupérables” (handicapés physiques, invalides, veuves et orphelins…) ; 75 hameaux forestiers essentiellement situés dans les régions du Languedoc-Roussillon, de Provence-Alpes-Côte-d’Azur et de Corse ; enfin les cités urbaines des villes.

    Si une partie de ces familles se disperse sur l’ensemble du territoire national, certaines cumulent les handicaps : faible qualification professionnelle des parents, scolarisation en vase clos des enfants, relégation spatiale empêchant toute forme d’intégration. En mai 1975, une révolte se propage parmi les habitants du camp de Bias et de celui de Saint-Maurice L’Ardoise, se diffusant ensuite à l’ensemble des hameaux forestiers et autres concentrations de familles d’anciens supplétifs. Cette révolte est surtout le fait de jeunes nés, pour la plupart, durant la période de la guerre d’Algérie. Face à cette situation insurrectionnelle, des mesures sont prises par les pouvoirs publics aboutissant à la destruction des camps de Saint-Maurice L’Ardoise et Bias. Néanmoins, le malaise demeure et aboutit à de nouveaux remous en 1991 – avec nombre de jeunes nés cette fois-ci en France après la guerre d’Algérie – qui remet sur le devant de la scène médiatique la “question harkis”.

    1991-2015 : la longue route de la reconnaissance

    Après l’instauration d’une histoire officielle et mythifiée en Algérie, après les silences et la difficile transmission de cette histoire complexe des deux côtés de la Méditerranée, la question des anciens supplétifs de la guerre d’Algérie ressurgit, le plus souvent par le biais de la seconde génération, dans le cadre des “accélérations de mémoires” des années 1990-2000.

    Ces résurgences mémorielles sont à mettre en relation avec la guerre civile algérienne des années 1990 et avec ses résonances en France, ainsi qu’avec la reconnaissance par l’Assemblée nationale du terme “guerre d’Algérie” le 10 juin 1999, ouvrant la voie d’une remémoration et d’une médiatisation de cette page de notre histoire.

    La réapparition de la “questions harkis” est ainsi liée à plusieurs facteurs. Outre les révoltes, un certain nombre de lois votées en faveur des familles d’anciens supplétifs (1987, 1994, 1999, 2005) modifie leur image au sein de l’opinion. Le terme “harkis”, hier vilipendé, est aujourd’hui assumé par une large frange de la seconde génération. Les travaux scientifiques actuels, en éclairant la complexité de cette histoire, ont permis de se départir du diptyque idéologique qui enfermait les anciens supplétifs. Les écrits littéraires sur les harkis, les expositions ont contribué à sensibiliser une opinion publique souvent peu instruite du sujet.

    Des personnalités publiques de premier plan telles que Jean Daniel, Jean Lacouture ou Germaine Tillion ont appelé à une meilleure compréhension de cette histoire confisquée. Enfin, en Algérie comme en France, les harkis apparaissent dans le débat public. En France, les termes du débat se focalisent sur la reconnaissance par les pouvoirs publics des drames subis par ce groupe social. Ainsi, le 25 septembre 2001, dans son discours aux Invalides lors de la Journée d’hommage aux harkis, le président Jacques Chirac exprime pour la première fois la reconnaissance de la nation envers ces hommes. La campagne présidentielle de 2007 et 2012 voit aussi les candidats Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy et François Hollande prendre position officiellement pour une reconnaissance par l’État de “l’abandon des harkis”.

    En Algérie aussi, la question des harkis revient à l’ordre du jour tant au niveau médiatique que politique. La presse leur consacre des articles et laisse la parole à la seconde génération. Les campa- gnes présidentielles (2004, 2009 et 2014) sont souvent l’occasion d’aborder la question, et si des discours de réconciliation se font parfois jour, les harkis continuent d’être l’objet de violentes invectives.

    Au-delà des stigmatisations

    La question des harkis en Algérie et en France doit ainsi dépasser les enjeux de mémoire dont les manichéismes ont longtemps empêché, de part et d’autre des rives de la Méditerranée, une sérénité de la recherche scientifique.

    En 2008, l’historien algérien Mohamed Harbi écrit au sujet des harkis “qu’il faudrait étudier l’histoire d’une manière plus précise et renoncer le plus vite possible à toute une série de stigmatisations dangereuses”. En France, et ce depuis les années 1990, la production scientifique sur cet objet d’étude a amplement progressé permettant d’appréhender plus sereinement la complexité de ce groupe social, afin de contribuer à l’écriture d’une histoire totale franco-algérienne, au-delà des stigmatisations et de la politisation des harkis.

    Abderahmen Moumen, chercheur associé au Centre de recherches historiques des sociétés méditerranéennes (CRHiSM) de l’Université de Perpignan.  Il a entre autres publié avec Nicolas Lebourg, Rivesaltes, Le camp de la France (Trabucaire, 2015) et avec Fatima Besnaci-Lancou, Les Harkis, Le Cavalier bleu, 2008. 18/03/2015 | 18h35

    http://www.lesinrocks.com/2015/03/18/actualite/la-guerre-est-elle-finie-pour-les-harkis-11608731/

  • 1914-1918 : la population des colonies embrigadée de force dans la guerre impérialiste.(Lutte Ouvrière)

     
    Un demi-million de soldats venant des colonies furent jetés dans la Première Guerre mondiale par l’impérialisme français, et un sur cinq y laissa sa vie.
     
    François Hollande déclarait à leur propos, dans un discours destiné à justifier l’actuelle intervention militaire au Mali, qu’ils étaient « venus au secours de la France ». C’est un mensonge éhonté. Les Africains, les Maghrébins ou les Indochinois furent arrachés de force à leur famille. Une fois dans les tranchées, l’état-major ne leur laissa d’autre choix, comme aux soldats issus de la métropole, que de tuer ou de se faire tuer.
     
    En quoi les colonisés auraient-ils pu se sentir solidaires de cette France des industriels et des banquiers, qui avait conquis leurs pays en détruisant les villages et en massacrant leurs habitants ? Elle leur avait imposé le travail forcé, avait fait mourir des centaines de milliers d’Africains ou d’Asiatiques dans les plantations, la construction de lignes de chemin de fer ou les chantiers forestiers. La mobilisation des colonies pour cette « guerre de Blancs » fut simplement la continuation de cette oppression.

    Révoltes contre le recrutement forcé

    Lorsque, après les énormes pertes des premiers mois de la guerre, l’état-major fit massivement appel aux colonies pour compenser les vides, un quota d’hommes jeunes et valides à envoyer au front fut attribué à chaque chef de village. Les chefs de village sélectionnèrent les paysans pour la boucherie, mais dès le début les résistances s’exprimèrent et elles ne firent que s’accentuer au fil des mois. En Afrique ce furent d’abord des fuites massives en brousse. Bien souvent, la commission de recrutement arrivait dans des villages où ne restaient que les femmes, les vieillards et les enfants.
     
    Les conscrits partaient dans la consternation. Un administrateur colonial du Sénégal décrit la scène suivante : « Lorsque les jeunes gens furent présentés à la commission, les femmes, réunies dans les carrés les plus proches de la résidence, entonnèrent des chants funèbres chaque fois qu’un des leurs fut signalé apte au service. »
     
    L’abattement et les résistances individuelles firent place à la révolte collective dans plusieurs régions. En mars 1915, toute la zone du Haut-Sénégal et du Niger prit les armes contre la conscription, au point qu’il fallut envoyer 300 soldats pour la soumettre. À la fin de cette même année éclata la « grande révolte » de la Volta. Elle dura neuf mois, et ne fut écrasée qu’au prix du bombardement de centaines de villages.
    À la fin 1916, une insurrection éclata dans les Aurès algériens, lorsque fut instaurée la conscription obligatoire des jeunes de 17 ans. 16 000 soldats furent envoyés pour la réprimer, avec de l’artillerie et des avions. Ils détruisirent les villages des insurgés, volèrent leurs troupeaux, et plus de 200 révoltés furent tués. Les captifs furent parqués dans un camp près de Constantine, en plein froid.
    On est loin de la peinture idyllique de colonies « venant au secours de la France ». 

    La boucherie

    Dès les premiers mois de la guerre, quelques contingents venus des colonies furent précipités dans la bataille. En septembre 1914, le général commandant une brigade de tirailleurs algériens écrivait à son supérieur : « J’ai tué de ma main douze fuyards, et ces exemples n’ont pas suffi à faire cesser l’abandon du champ de bataille par les tirailleurs. »
     
    En décembre de la même année, dix tirailleurs tunisiens étaient fusillés pour l’exemple. Leur compagnie, qui avait refusé d’embarquer pour la France, y avait été contrainte par la force à Bizerte. Arrivée sur le front des Flandres, elle refusa de participer à l’offensive.
     
    Le général qui la commandait fit alors exécuter les ordres du général Foch : « Qu’il soit tiré au sort un tirailleur sur dix de la compagnie qui a refusé de marcher et que les tirailleurs désignés par le sort soient promenés devant le front avec un écriteau portant en français et en arabe le mot “ lâche ”, et qu’ils soient fusillés aussitôt après. »
     
    C’est dans la bataille des Dardanelles, sur le front turc, que les contingents d’outre-mer furent pour la première fois engagés massivement. Un régiment fut constitué à Marseille, pour servir de réserve au corps expéditionnaire. Africains et Antillais finirent par former les deux tiers du corps d’armée. À leurs lourdes pertes au combat s’ajoutèrent celles causées par la maladie, lors de l’hiver 1915-1916.
     
    Plus la guerre durait, plus il fut fait appel aux troupes coloniales pour remplacer les morts. À partir de juin 1916, les rotations des navires marchands réquisitionnés, où les recrues s’entassaient sur le pont à plus de 1 000 par bateau, s’accélérèrent. Après quelques jours de formation, les soldats furent jetés dans les batailles meurtrières de la Somme et de Verdun. Mais c’est surtout au Chemin des Dames, en avril 1917, que les troupes coloniales furent envoyées au massacre.
     
    Le commandant de la Sixième armée, déployée sur une partie de ce front, était le général Mangin, ancien conquérant du Soudan français, connu avant-guerre comme le propagandiste de la « Force noire ». Il prônait le recours massif aux soldats coloniaux pour compenser l’infériorité démographique de la France par rapport à l’Allemagne. « L’Afrique nous a coûté des milliers de soldats, elle doit nous les rendre avec usure », déclarait l’un de ses plus chauds partisans, Adolphe Messimy, ministre de la Guerre au début du conflit. Mangin y ajoutait une vision raciste, considérant les Noirs comme naturellement appelés à fournir des troupes de choc. Il appliqua ses théories en lançant les troupes africaines à l’assaut d’un plateau défendu par des mitrailleuses et en leur enjoignant d’avancer coûte que coûte. Ce fut une hécatombe, dans laquelle Mangin gagna le surnom de « boucher des Noirs ».
     
    La guerre impérialiste de 1914-1918 fut pour les peuples d’Afrique et d’Asie la continuation des maux que leur avait valu l’arrivée sur leur continent des conquérants français, en plus terribles encore. Lorsque le conflit prit fin, le seul souci des gouvernements fut que l’ordre colonial se perpétue comme si rien ne s’était passé. Une partie des soldats coloniaux furent d’ailleurs maintenus sous l’uniforme dans les corps d’occupation cantonnés en Rhénanie allemande et surtout en Macédoine, en Turquie et en Syrie. Ceux qui furent démobilisés n’eurent d’autre choix que de rentrer dans leurs villages pour se soumettre à nouveau aux chefs nommés par la France et aux administrateurs coloniaux.
     
    Il ne fut pas question d’accorder des droits nouveaux aux colonisés qui avaient versé leur sang pour l’impérialisme français. Mais, dans le conflit, ceux-ci avaient pu voir de quelle sauvagerie leurs maîtres étaient capables. Cela allait contribuer à ébranler l’ordre colonial, avant que celui-ci s’effondre après un second conflit mondial et vingt ans de révoltes.
    Daniel MESCLA 
     

  • A Béziers comme ailleurs, non aux nostalgiques de l’Algérie française et de l’OAS (Npa)

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    Robert Ménard, maire de Béziers élu avec le soutien du FN, a décidé de débaptiser la « rue du 19 mars 1962 », date symbolisant la fin de la guerre d’Algérie et son indépendance, pour lui substituer un hommage à un officier français, le commandant Hélie Denoix de Saint Marc, engagé au côté des généraux putschistes de l’OAS.

    Spécialiste des provocations réactionnaires, Ménard, depuis son arrivée à la Mairie, a mis en place une politique antisociale et sécuritaire associant asphyxie financière du centre communal d’action sociale (CCAS), couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans, interdiction d’étendre le linge aux fenêtres dans le centre-ville, armement de la police municipale. La présence dans l’équipe municipale d’authentiques fascistes, membres des réseaux identitaires qu’il a fait venir à Béziers n’est pas étrangère à ses déclarations régulières sur le danger immigré et islamiste s’ajoutant à la panoplie habituelle des mesures prises par nombre de maires de droite.

    La volonté de Ménard de mobiliser tous les anciens de l’OAS, tous les nostalgiques du colonialisme français en choisissant un officier certes résistant à l’occupation nazie, déporté, mais surtout combattant en Indochine et en Algérie, commandant au sein du régiment de parachutistes dirigé par Massu, contre les peuples luttant pour leur liberté, n’est pas anodine.  On retrouve dans cet acte une stratégie qui vise à associer les noyaux les plus durs de la galaxie FN et au delà, aux tenants d’un discours sécuritaire plus classique.

    Le NPA s’associe aux associations, organisations syndicales et partis qui protestent contre cet acte qui tente de réhabiliter le colonialisme. Il dénonce son caractère raciste et revanchard et appelle à se joindre à la manifestation unitaire du samedi 14 mars à 14h à Béziers rue du 19 mars 1962.

    Montreuil, le 10 mars 2015

    http://npa2009.org/communique/beziers-comme-ailleurs-non-aux-nostalgiques-de-lalgerie-francaise-et-de-loas

  • Npa Paris

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  • Algérie à Plougastel

  • Entretien avec Pierre Stambul à paraître dans un journal algérien. (UJFP)

    1) Les positions de Roger Hanin en faveur de l’indépendance de l’Algérie, du temps du colonialisme français, et l’hommage qui a été rendu par le président Abdelaziz Boutéflika, après son décès, prouvent que l’Algérie n’est pas hostile aux Juifs, mais au sionisme qui occupe la Palestine. Un mot autour de ça ?

    La présence des Juifs au Maghreb est antérieure à l’arrivée des Arabes. La plupart d’entre eux étaient descendants de Berbères convertis au judaïsme. D’autres sont les descendants des Juifs chassés d’Espagne en 1492. Les Juifs maghrébins ont vécu en paix avec leurs voisins musulmans pendant des siècles. Il n’y a jamais eu au Maghreb d’expulsions, de spoliations ou de massacres contre les Juifs contrairement à ce que l’Europe chrétienne a souvent connu. En 1870, à l’époque du colonialisme français, le décret Crémieux a donné aux Juifs algériens la nationalité française. Les Juifs qui étaient autochtones ont été assimilés au colonisateur et artificiellement séparés de la population musulmane à qui cette nationalité a été refusée. Au moment de l’indépendance algérienne, la plupart des Juifs (mais pas tous) sont partis vers la France et plus rarement vers Israël. Il est fondamental que les Juifs maghrébins retrouvent la culture, la musique, la cuisine, les odeurs, les lieux qui correspondent à leur histoire et leurs racines. Il est tout aussi fondamental que l’Algérie retrouve sa part juive et recherche les traces de la présence séculaire des Juifs dans ce pays.

    2) Roger Hanin, Fernand Yveton et d’autres, ont prouvé que des Juifs anticolonialistes existent, au même titre que les musulmans et chrétiens. Un mot autour de ça, également ?

    Les Pieds Noirs n’ont pas tous été pour l’OAS et les Juifs n’ont pas tous été contre l’indépendance de l’Algérie. Il est important que l’Algérie célèbre, avec les centaines de milliers de victimes de la guerre d’indépendance, le courage de Maurice Audin, torturé à mort par les hommes du Général Aussaresses, le combat des « porteurs de valise », les risques incroyables pris par des Européens ou des Juifs qui sont allés au bout de leurs convictions contre le colonialisme. Je citerai plusieurs Juifs : Henri Curiel, Henri Alleg, William Sportisse. Je conseille d’ailleurs aux lecteurs de lire le livre autobiographique de William Sportisse (« Le camp des oliviers ») qui raconte des décennies de lutte anticoloniale dans la région de Constantine. À l’Union Juive Française pour la Paix, nous comparons souvent le combat des « porteurs de valise » (dont certains étaient juifs) à celui des anticolonialistes israéliens qui soutiennent les droits du peuple palestinien.

    3) Quels liens gardent encore les Juifs d’Algérie avec leur pays d’origine ?

    On ne peut pas généraliser. Beaucoup ont la nostalgie, le besoin d’aller visiter les endroits où leurs ancêtres ont vécu ou de fleurir les cimetières. Quelqu’un comme Roger Hanin a toujours considéré que l’Algérie était son pays.  En même temps, dans le climat d’islamophobie assez répugnant que connaît la France aujourd’hui, les Juifs français originaires du Maghreb sont des « cibles ». Certains occultent leurs origines berbères, prétendent que les Juifs maghrébins ont été persécutés et tiennent des propos racistes.

    4) Les Juifs hostiles au sionisme et à l’occupation de la Palestine sont-ils persécutés en Israël et en France ?

    En France, le problème n’est pas la répression mais plutôt l’ignorance. Pour les médias, c’est plus simple si les Musulmans sont pour la Palestine et les Juifs pour Israël. L’existence de Juifs antisionistes pose la question de la guerre du Proche-Orient, non pas en termes de religion, d’origine ou de communauté, mais en termes de refus du colonialisme, de lutte contre l’apartheid et de « vivre ensemble dans l’égalité des droits ». Pendant longtemps, les médias nous ont ignorés. Ils commencent doucement à nous donner la parole.


    En Israël, le pays se définit comme un « Etat juif ». Les non Juifs n’ont aucun droit mais, en principe, le pays est « démocratique » pour les Juifs. Les Israéliens anticolonialistes peuvent s’exprimer, y compris dans la presse, mais on observe un durcissement certain : les refuzniks (ceux qui refusent l’armée) vont en prison. Les manifestations de soutien aux Palestiniens sont souvent attaquées. Des lois sont votées pour criminaliser tout appel au boycott d’Israël. Nos camarades israéliens nous décrivent l’ambiance étouffante d’une société raciste et certains sont tentés de partir.

    5) Le Premier ministre Nétanyahou a réitéré son appel aux Juifs pour s’installer en Israël après les attentats terroristes de Paris et de Copenhague. S’agit-il d’une tentative de récupération politique ?

    C’est une infamie. Le sionisme n’a jamais lutté contre l’antisémitisme, il s’en nourrit. Il ne défend pas les Juifs, il les met volontairement en danger. Les Juifs français ont derrière eux une longue histoire de lutte pour la citoyenneté et l’égalité. Ils ont joué un rôle important dans la résistance contre le nazisme et dans les luttes anticoloniales. Et voilà un chef d’Etat étranger qui vient de commettre de nombreux crimes de guerre à Gaza qui arrive sur notre territoire pour nous expliquer que nous sommes des touristes et que nous avons mal compris, notre pays c’est là-bas. Il nous pousse à quitter notre pays pour aller voler des terres palestiniennes.

    Le sionisme a toujours affirmé que Juifs et non Juifs ne peuvent pas vivre ensemble (ni en France, ni au Proche-Orient). Son seul but a toujours été de pousser les Juifs à partir en Israël. Cette stratégie n’est pas seulement criminelle contre les Palestiniens. Elle est suicidaire pour les Juifs.

    Comble de la récupération : les victimes de l’attentat antisémite de Paris ont été enterrées au cimetière de Givat Shaul. Ce « nouveau quartier » de Jérusalem s’appelait autrefois Deir Yassine, le principal village palestinien martyr où, le 9 avril 1948, les milices de l’Irgoun dirigées par Menahem Begin ont massacré toute la population civile. Quel symbole !

    5) Les attentats terroristes de Paris ont-ils servi les intérêts politiques de Nétanyahou ?

    À l’évidence les actes de Daesh ou d’autres groupes semblables servent les intérêts de ce que ces terroristes prétendent combattre. Les sionistes ont toujours affirmé que juif=sioniste et ils sont devenus les élèves modèles du « choc des civilisations ». En s’en prenant aux Juifs parce que Juifs et en profanant l’Islam, des groupes comme Daesh veulent nous entraîner vers une guerre que nous devenons absolument refuser.
    Contre cette logique de mort, nous devons mener ensemble un combat contre tous les racismes : le racisme antiRom, antiArabe, antiNoir, antisémite, antimusulman …

    Pierre Stambul
    Coprésident de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP) lundi 16 février 2015

    http://www.ujfp.org/spip.php?article3894

  • 11 février 2011: La révolution égyptienne remporte la première manche: Moubarak a dégagé! Au suivant! (lcr.be)

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    La démission du dictateur Hosny Moubarak représente une victoire colossale et ô combien légitime pour le peuple égyptien.

    C'est avec une profonde joie que nous saluons cette victoire populaire, car elle est le résultat d'un courage et d'une ténacité extraordinaires, d'une capacité de mobilisation et de résistance inouïes ainsi que d'une rage de vaincre sans égal. Nous nous inclinons également devant les plus de 300 martyrs qui ont donné leur vie pour que cette première victoire soit possible et ouvre de nouvelles perspectives révolutionnaires. Cette victoire est celle du peuple égyptien, payée par son sang, mais elle est également partagée par tous les peuples de la région car elle donnera une impulsion déterminante pour la révolution arabe, initiée il y a quelques semaines à peine avec la chute de Ben Ali en Tunisie.

    Tout n'est pas terminé en Egypte pour autant, loin de là. Au travers de Moubarak, c'est l'ensemble du régime et de ses institutions, sa corruption et sa soumission face à l'impérialisme et au sionisme, sa distribution inégale des richesses générant misère et chômage, que le peuple égyptien veut mettre définitivement à bas. Et cette victoire lui donne désormais confiance en ses propres forces.

    Vu l'importance du pays dans le monde arabe et sa position clé dans l'échiquier géostratégique, l'impact de la révolution égyptienne a des dimensions cataclysmiques pour les classes dominantes arabes, pour l'Etat sioniste criminel d'Israël et pour l'impérialisme occidental.

    Il s'agit enfin et surtout d'une victoire où les travailleurs ont apporté une contribution qui s'est révélée décisive, en menant une vague de grèves massives touchant les secteurs vitaux de l'économie comme le Canal de Suez (voir ci-dessous). Pour ceux qui se sont empressés de lui dire adieu un peu trop rapidement, la chute de Moubarak vient brutalement rappeler que la classe ouvrière est toujours bel et bien là et qu'elle constitue l'élément clé de tout processus révolutionnaire, de par la place qu'elle occupe dans la production des richesses.

    La chute de Moubarak, chassé par les masses dans la rue, est une leçon exemplaire pour les travailleurs du monde entier: oui, la révolution est possible!

    En Egypte, en Tunisie et demain en Algérie, au Yémen, au Maroc...: la lutte continue.

    Vive les peuples en lutte pour la liberté, la dignité et la justice sociale! 

    Vive la révolution permanente arabe! (LCR-Web)


    Déclaration des socialistes révolutionnaires d’Egypte

    Ce qui se passe aujourd’hui en Egypte est la plus ample révolution populaire dans l’histoire de notre pays… et dans celle de tout le monde arabe. Le sacrifice de nos martyres [l’ONU déclare, le 7 février, 300 morts] a construit notre révolution et nous avons brisé toutes les barrières de la peur. Nous ne reculerons pas jusqu’à ce que les «dirigeants» criminels et leur système soient détruits.

    Aux travailleurs d’Egypte

    Les manifestations et les diverses protestations ont joué un rôle clé dans le démarrage et la poursuite de notre révolution. Maintenant, nous avons besoin de l’engagement des travailleurs. Ils peuvent sceller le destin du régime. Non seulement en participant aux manifestations, mais en organisant une grève générale dans toutes les industries clé et les grands secteurs économiques.

    Le régime peut se permettre d’attendre des jours et des semaines s’il n’y a que des sit-ins et des manifestations ; mais il ne peut pas résister durant longtemps si les travailleurs utilisent les grèves comme leur arme. La grève dans les chemins de fer, la grève dans les transports publics, la grève dans les aéroports et dans les grandes entreprises industrielles. Travailleurs d’Egypte, au nom du soutien à la jeunesse rebelle et pour honorer le sang de nos martyrs, rejoignez les rangs de la révolution, utilisez votre pouvoir et la victoire sera vôtre.

    Formez des conseils révolutionnaires le plus vite possible. Cette révolution a dépassé nos espoirs les plus grands. Personne ne s’attendait à autant de manifestants. Personne ne s’attendait à ce que les Égyptiens et les Égyptiennes manifestent autant de bravoure face à la police. Personne ne peut dire que nous n’avons pas obligé le dictateur à se retirer. Personne ne peut dire qu’une véritable transformation ne s’est pas faite sur la place de El-Tahrir [place de la Libération].

    Ce dont nous avons besoin, c’est de mettre en avant les revendications socio-économiques comme partie intégrante de nos revendications afin que ceux qui sont dans leurs maisons sachent que nous nous battons pour leurs droits…

    Nous devons nous organiser nous-mêmes en comités populaires qui élisent des conseils démocratiques plus larges et cela depuis en bas. Ces conseils doivent donner naissance à un conseil général, supérieur, qui intègre des délégués de toutes les tendances. Nous devons élire un conseil suprême du peuple qui nous représente et dans lequel nous plaçons notre confiance. Nous appelons à la formation de conseils populaires depuis la place de la Libération au Caire jusque dans toutes les villes d’Egypte.

    Voici notre position, en tant que socialistes révolutionnaires, sur le rôle de l’armée. Chacun nous demande l’armée est-elle avec le peuple ou contre lui ? L’armée n’est pas un bloc homogène. Les intérêts des soldats [conscrits] et des sous-officiers sont les mêmes que ceux des masses. Mais les officiers supérieurs sont des hommes de Moubarak choisit avec précaution afin de protéger son régime corrompu, sa richesse et sa tyrannie. Ce secteur fait partie intégrante du système.

    L’armée n’est plus l’armée du peuple. Cette armée n’est plus celle qui a défait les sionistes en octobre 1973. Cette armée est étroitement associée aux Etats-Unis et à Israël. Son rôle est de protéger Israël et non pas le peuple… Oui, nous voulons gagner les soldats à la révolution, mais nous ne devons pas être trompés par des slogans tels que: «l’armée est de notre côté». L’armée soit mettra fin directement aux manifestations ou elle restructura la police pour que cette dernière joue ce rôle.

    (1er février 2011, traduit de l’arabe)

  • « L’Algérie française, c’est fini mais… ça continue quand même ! »

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    L’establishment français observe une sorte d’omerta quand il s’agit de dénoncer des biens mal acquis par des dirigeants algériens. Pourquoi ?

    Je crois que c’est dû à un problème plus général qui est la France-Afrique et qui structure les rapports avec toutes les anciennes colonies. C’est ce qui fait que tous les dictateurs et les non-démocrates, qui se sont enrichis dans la période post-coloniale, ont tous placé, en partie, leur argent en France, dans l’ancien empire colonial, ont acheté des immeubles, parfois acquis des biens extraordinaires. Le tout exécuté dans un silence complice. La presse en a parlé un peu, mais les gouvernements se sont tus parce qu’il s’agit d’intérêts stratégiques. Et en France, il faudrait compter aussi sur ce sentiment de culpabilité.

    C’est cette attitude qu’on retrouve dans le Parti socialiste, aujourd’hui au pouvoir, et qui a été corespon- sable de la guerre coloniale, des assassinats et tortures et qui a fait voter les pouvoirs spéciaux. Chez la droite, ce n’est même plus de la culpabilité mais de la connivence. Et quand on a une alternance droite-gauche, alors tout le monde se tait sur ces phénomènes scandaleux d’enrichissement illicite. C’est cette collusion qu’on retrouve ces jours-ci dans cette affaire d’exploitation de gaz de schiste autorisée en Algérie alors qu’elle est proscrite en France.

    Levée de boucliers quand il s’agit d’anciennes colonies de l’Afrique subsaharienne ou centrale, omerta et impunité quand il s’agit d’Afrique du Nord : les liens sont-ils aussi forts ?

    Les liens sont forts. Il y a un phénomène avec l’Algérie que les Américains par exemple n’ont pas connu avec le Vietnam. Je parlais de culpabilité. Il ne faut pas oublier que le contingent était parti en Algérie. Il y a des milliers, des millions de Françaises et Français qui étaient liés directement à la guerre d’Algérie. Les soldats ont assisté pour la plupart à des scènes de torture, à la différence des soldats américains, ils se sont tus, ont complètement culpabilisé d’y avoir participé… D’où cette vague de silence.

    Le sentiment de culpabilité peut-il tout expliquer ? N’est-ce pas les appétits voraces, l’intéressement, la prédation qui motivent ces silences complices ?

    Oui. C’est certain. C’est pour cela qu’on parle de néocolonialisme parce que justement les liens coloniaux persistent à ce jour sur le plan économique. S’il n’y a pas de cogestion, il une cosolidarité avec les dirigeants algériens qui date de l’Algérie française et qui se traduit sur le plan économique.

    Qu’est-ce qui vous choque le plus dans ces rapports franco-algériens ?

    C’est l’existence de rapports coloniaux avec la direction algérienne. Avec sa bourgeoisie, sa bureau- cratie et ses appareils pourris. Quand on voit ce qui se passe avec Bouteflika, c’est une caricature de démocratie ; quand on voit la répression qui s’abat sur les Algériens, les vrais démocrates, on se rend compte du degré de connivence avec les milieux politiques et dirigeants français. Et même si formel- lement l’Algérie française, c’est fini, ça continue quand même ! Il y a des bénéfices colossaux qui sont réalisés en Algérie par les entreprises françaises parce qu’entre autre la main-d’œuvre algérienne est bon marché, que les Algériens travaillent toujours pour nous.

    Techniquement, comment cette France-Afrique s’organise, agit avec et envers l’Algérie ?

    C’est un classique. Elle s’organise avec les milieux financiers, les banques… et puis après on met le vernis idéologique des droits de l’homme, des libertés, de la démocratie.

    Alain Krivine est un ex-député européen, ancien porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire (actuellement Nouveau Parti anticapitaliste).

    Propos recueillis par Mohand Aziri (journaliste à El Watan)

     

  • Aux origines d’Al-Qaïda, l’URSS et le nouvel ordre mondial (ESSF)

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    La première manifestation spectaculaire de la mouvance djihadiste moderne a été l’attaque de la Grande mosquée à La Mecque, avec une prise de nombreux otages, en novembre 1979.

    Cette action, qui a été réprimée par l’assaut de forces mixtes saoudiennes et françaises, et qui a fait plus de 300 morts des deux côtés, avait été menée au nom d’une idée messianique : l’« arrivée du Mahdi », sauveur envoyé par Dieu. Des membres de la famille Ben Laden ont été impliqués dans la préparation de cette action.

    En lutte contre le « communisme »

    Sa préparation avait été effectuée au nom d’une dénonciation du mode de vie « impie » des dirigeants saoudiens, fait de luxe, de corruption et de vice. Ce faisant, les djihadistes avaient retourné l’idéologie officielle du royaume wahhabite contre ses dirigeants. Les djihadistes revendiquent l’application au pied de la lettre de l’idéologie, sous sa forme pure et dure, pour « remoraliser » la société, en y soumettant aussi les dirigeants du pays.

    La grande lutte des islamistes radicaux des années 1980 sera la lutte contre le régime « communiste » régnant en Afghanistan depuis 1979 et appuyé par une armée d’occupation soviétique. Le régime s’impose par la force à une société qui lui résiste (parmi d’autres raisons, on trouve l’échec d’une réforme agraire ne permettant pas aux paysans affranchis des pouvoirs féodaux de survivre). Mais les forces islamistes qui mènent la résistance armée dénoncent ses aspects modernisateurs, par exemple la scolarisation des filles. Toutes les forces djihadistes de la région se tournent alors contre le communisme, athée et donc pervers par nature. Les services saoudiens et états-uniens fournissent toute sorte d’aide : logistique, matérielle, militaire. Et comme d’autres, Oussama Ben Laden participe à la lutte en Afghanistan...

    Le nouvel ordre mondial

    L’alliance tacite avec la réaction wahhabite et avec les États-Unis est rompue en 1990. À partir de la « crise du Golfe », suite à l’occupation du Koweït par la dictature irakienne, le royaume saoudien offre son sol au déploiement d’une armada impérialiste qui va bombarder l’Irak en janvier et février 1991. À l’instar d’autres, Oussama Ben Laden dénonce un pouvoir royal qui « laisse fouler le sol du pays par des soldats non-musulmans, alors qu’il est le gardien de La Mecque et de Médine ». Leur combat international sera désormais orienté contre les USA et leurs alliés. Ben Laden séjourne dans plusieurs pays arabes, en Libye, au Soudan… S’ensuivront des séjours en Afghanistan, et la préparation des attentats du 11 septembre 2011. Les Talibans, au pouvoir depuis 1996, le protègent.

    Le développement des « filiales »

    Après 2001, Al-Qaïda, nom désormais connu dans le monde entier, ouvrira des « filiales » dans plusieurs pays arabes. Des groupes locaux cherchent à s’affilier pour gagner en notoriété. En 2004, Al-Qaïda s’implante en Irak pour tenter d’apparaître comme la force en pointe dans la résistance à l’occupation US. En 2007, le dernier reste des groupes islamistes armés en Algérie (après la défaite de la mouvance islamiste dans la guerre civile des années de 1992 à 1999) choisit d’adopter le nom d’ « Al-Qaïda au pays du Maghreb islamique » (AQMI).

    En 2009, la dernière « filiale » sera créée : « Al-Qaïda dans la péninsule arabique » (AQPA). Aujourd’hui, au Yémen, le réseau profite largement de la faiblesse structurelle du pouvoir central, dans une société à structuration encore tribale et traversée par un clivage confessionnel sunnites/chiites.

    Bertold du Ryon

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article34242