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Histoire - Page 18

  • 70 ans après le massacre de Sétif : voyage mémoriel et crimes coloniaux (Lutte ouvrière)

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    Le 19 avril, le secrétaire d’État aux Anciens combattants, Jean-Marc Todeschini, s’est rendu à Sétif, au nord-est de l’Algérie, pour un « voyage mémoriel ».

    Une heure et demie et quelques gerbes de fleurs plus tard, avec une phrase sur « la reconnaissance par la France des souffrances endurées et l’hommage aux victimes algériennes et européennes de Sétif, de Guelma et de Kheratta », la question de Sétif devenait, pour le gouvernement ­Valls, une affaire réglée. Tout au plus sera-t-il question, d’ici quelques semaines, de la nouvelle visite d’un ministre un peu plus élevé dans la hiérarchie, pour évoquer le massacre commis par l’armée française et les milices de colons dans les quelques jours suivant le 8 mai 1945.

    Ce jour-là, la manifestation organisée par les autorités françaises à Sétif pour fêter la reddition de l’Allemagne vit fleurir des slogans réclamant l’indépendance, et même un drapeau algérien !

    Des manifestants et des Européens furent tués. C’en était trop pour les forces armées françaises et les responsables de l’administration coloniale, qui organisèrent le massacre de plusieurs dizaines de milliers d’Algériens, à Sétif mais aussi à Guelma et Kheratta.

    Bombardements de villages, arrestations, tortures, exécutions, actes de barbarie jalonnèrent ces journées, dans la pure tradition de violence coloniale appliquée à la population algérienne depuis plus d’un siècle. Elles annonçaient déjà la guerre d’Algérie.

    Ces massacres de mai 1945, couverts par un gouvernement de Gaulle comprenant des ministres SFIO et PCF, furent longtemps occultés par l’histoire officielle. Et si Hollande y fit allusion lors de son arrivée à la présidence, c’est néanmoins un gouvernement de droite qui dicta en 2005 un des premiers gestes de repentance à son ambassadeur en Algérie. Depuis, le silence était retombé, à quelques exceptions près, jusqu’à ce voyage protocolaire du 19 avril qui, même tout symbolique, a provoqué de la part de l’ancien ministre UMP Wauquiez, quelques plaintes sur l’absence de « fierté de notre histoire » et la « repentance à sens unique ». Todeschini avait pourtant soigneusement équilibré son geste en se rendant également au cimetière marin de Mers-el-Kébir pour un hommage aux marins français tués en juillet 1940 lors d’un bombardement britannique.

    Cette visite se plaçait sans doute dans le cadre d’un processus de rapprochement diplomatique franco-algérien. Mais, de là à une véritable reconnaissance des crimes de la bourgeoisie française au cours de sa domination coloniale en Algérie, il y a loin.

    Viviane LAFONT 22 Avril 2015
     
     
     
  • 1945 2015, pour un 8 mai anticolonialiste!

    offensive anti colonialiste vig

    Il y a 70 ans, le 8 mai 1945 dans le Constantinois, les Algériens ont voulu saisir l’occasion de l’armistice qui libérait la France de l’occupant nazi pour affirmer une  volonté d’indépendance.

    Leurs manifestations ont été durement réprimées par la « force » organisée des occupants, les colons français (et européens). Un affrontement aboutissant à un véritable massacre dont les victimes algériennes, évaluées à environ 1200 par les autorités françaises de l’époque, sont actuellement estimées être de 15 000 à 45 000 victimes. Du côté des colons, une centaine de morts et autant de blessés furent dénombrés.

    Parce que le 8 mai verra cette année encore encenser l’armée française et l’unité nationale, nous voulons rappeler que cette date est synonyme de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, commis par l’État français et ceux qui le servaient. Les situations de domination coloniale ou néocoloniales perdurent et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est aujourd’hui encore bafoué, en Palestine, au Kurdistan, ou au Sahara occidental.

    Pour un autre 8 mai, nous vous invitons à une journée contre le colonialisme et les autres formes de domination.

    VENDREDI 8 MAI 2015
       Parc de la Pépinière à Nancy (derrière l’aire de jeux)

    • 13h-15h: déjeuner sur l’herbe version auberge espagnole
    • 15h: concerts et prises de parole (Chorale des Sans Nom, ATMF, Kader Dellaoui, David Vincent
    • 17h: fin des festivités

    et tout le long: tables de presse, expo, pétanque, football… en organisation autogérée

    Premiers soutiens : Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF), Chorale des Sans Nom, Alternative Libertaire Moselle, Association de Solidarité avec le Peuple Sahraoui Lorraine (ASPS-Lorraine), Assocation France-Palestine Solidarité (AFPS), Bloc Anti Fasciste Nancy (BAF), Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), Mouvement de l’Objection de Conscience (MOC-Nancy), Centre Culturel Autogéré de Nancy (CCAN)

    http://www.sans-nom.net/tous-les-articles/165-1945-2015-pour-un-8-mai-anticolonialiste

  • Non-lieu dans l’affaire Mecili: la cour d’appel de Paris rendra son verdict en juin (Algeria Watch)

    ali-mecili

    *

    La cour d’appel de Paris devrait rendre son verdict concernant la confirmation ou l’annulation du non-lieu dans l’affaire Mecili au mois de juin prochain.

    «Nous ne pourrions pas admettre que la cour d’appel de Paris confirme le non-lieu qu’a prononcé le juge d’instruction en novembre dernier. Et contre lequel nous avons fait appel», a déclaré Annie Mécili, veuve de Ali Mecili, assassiné le 7 avril 1987 à Paris.

    Lors de son allocution d’ouverture de la cérémonie de recueillement annuel à la mémoire de son défunt époux, au cimetière du Père Lachaise, Mme Mecili a réaffirmé sa détermination, celle de ses enfants et des camarades de son mari, à «poursuivre l’objectif final qui n’est autre que le rétablissement de la justice» et la fin de l’impunité qui dure depuis 28 ans.

    Elle a exprimé son souhait de voir la justice française se ressaisir en annulant, comme elle l’a fait dans le passé, le non-lieu.

    «Cette année, nous sommes encore plus déterminés à poursuivre notre combat. D’ici juin, nous comptons organiser plusieurs actions pour dénoncer l’impunité», a-t-elle indiqué.

    Ensuite, elle a laissé la parole à son fils Yalhane, qui a lu un dialogue entre son père et Hocine Aït Ahmed, constitué à partir de lettres qu’ils ont échangées entre 1967 et 1987. «Hocine est parmi nous par la pensée et par le cœur. Et d’ailleurs je suis entourée par ses camarades de la direction nationale du FFS, j’en suis très heureuse, de son fils Jugurtha et de son petit-fils.

    Ali et Hocine avaient le souci d’établir la démocratie à la fois en Algérie et au sein du mouvement de l’opposition», a souligné Annie Mécili qui conclut la cérémonie avec un dernier commentaire sur le dialogue entre Aït Ahmed et Mecili : «C’est une vraie leçon de pédagogie politique et nous comprenons pourquoi ces deux compagnons se sont trouvés et ont fait route ensemble, partageant la même humanité, la même intelligence politique et la même ouverture au monde. Et aussi, nous comprenons pourquoi ils faisaient peur au pouvoir algérien.» 
    Ghezlaoui Samir El Watan, 13 avril 2015

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/just/affaire_mecili/verdict_juin.htm

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Ali_Andr%C3%A9_M%C3%A9cili

  • Maspero est mort (Algéria Watch)

    Par Brahim Senouci, Le Quotidien d'Oran, 14 avril 2015

    François Maspero vient de mourir. Ce nom résonne-t-il aux oreilles algériennes ? J'en doute.

    Et pourtant:

    Né en 1932, François est le fils et le petit-fils de savants illustres, Professeurs au Collège de France, l'égyptologue Gaston Maspero, qui a laissé son nom à un quartier du Caire et le sinologue Henri Maspero, mort dans le camp de concentration de Buchenwald.

    Lui-même a été écrivain, éditeur.

    Il a notamment publié «l'Honneur de Saint-Arnaud» en Algérie, à Casbah Editions. Il a consacré sa maison d'édition à la publication d'œuvres choisies pour leur engagement contre le colonialisme, la lutte contre la torture, la dénonciation du racisme. Son nom reste attaché à la guerre d'Algérie.

    Il a assuré la sortie d'ouvrages tels que «L'An V de la révolution algérienne» (1959), de Frantz Fanon, «Ratonnades à Paris», long article (non signé), de Paulette Péju, «L'Algérie, nation et société» (1965), de Mostefa Lacheraf.

    Il fonde, en 1961, la revue «Partisans» qui devient l'un des porte-voix incontournables du mouvement anticolonialiste. Il lance, en 1959, la collection «Cahiers libres» pour «combler les lacunes de l'information sur la guerre d'Algérie». La censure gaulliste s'abat sur lui. Des livres et des articles sont frappés d'interdiction.

    Avec les Editions de Minuit, fondées par Jérôme Lindon, les éditions Maspero sont les seules, en France, à braver le pouvoir, la répression et les attentats de l'OAS. Lassé par les luttes et les désillusions, François décide de passer la main à un de ses collaborateurs, François Gèze, qui rebaptise la maison et en fait «La Découverte».

    Il a écrit de nombreux romans, édités au Seuil, «Le Sourire du chat» (1984), «Le Figuier» (1988), «Le Temps des Italiens» (1994) ou «La Plage noire» (1995). Ces livres lui ressemblent, par le nimbe de lumière dans lequel ils sont enchâssés, par la sourde désespérance dont on perçoit l'écho. La vie ne l'a pas plus épargné après la guerre. Il ne s'est jamais, vraiment, remis de la perte d'une compagne et d'une fille bien-aimées.

    François était très ami avec le chroniqueur et écrivain algérien, Sadek Aïssat, qui écrivait «les chroniques du café mort» dans le «Matin d'Algérie» jusqu'à son départ, en France, en 1990. Sadek est mort, il y a 10 ans. Nous avons commémoré ce douloureux anniversaire, en compagnie de François, autour d'un couscous… Sadek et François avaient, en partage, un mal d'être que Sadek évacuait par le chaabi et François par des engagements, en pointillés, pour des causes choisies.

    C'est ainsi que j'ai eu le privilège de le connaître. Il a, en effet, fait partie du Comité organisateur du Tribunal «Russell» sur la Palestine. Nos réunions se passaient à Bruxelles et nous voyagions souvent ensemble. C'était un «taiseux», espèce rare dans les rues parisiennes gonflées de conversations ineptes. Il pouvait, même, avoir l'air revêche. Il était en fait d'une délicatesse extrême et très affectueux. Aux funérailles de sa compagne, son visage s'est éclairé à ma vue. Il m'a serré dans ses bras, «à l'algérienne»…

    Salut, François…

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/div/maspero_deces.htm

    El Watan:

    http://www.elwatan.com/actualite/francois-maspero-l-editeur-engage-n-est-plus-14-04-2015-292397_109.php

    Lire aussi:

    http://npa29.unblog.fr/2015/04/13/francois-maspero-lediteur-et-ecrivain-est-mort-of/

  • Maroc : hier et aujourd’hui, le pouvoir réprime (Npa)

    Manif commémorative de 1965

     

    En mars 1965, à coup de blindés et mitraillettes, l’État réprimait les manifestations déclenchées par une mesure de restriction à l’accès à l’éducation pour les lycéens, manifestations auxquelles s’étaient greffés les chômeurs et travailleurs des quartiers populaires et bidonvilles.

    La journée du 23 mars fut sanglante, notamment à Casablanca (on parle de mille morts dont beaucoup enterrés dans des fosses communes). Hassan II déclarait le 30 mars : « il n’y a pas de danger plus grave pour l’État que celui de soi-disant intellectuels. Il vaudrait mieux que vous soyez illettrés »... La nature réelle du pouvoir se révélait : une dictature qui a su inverser le rapport de forces en sa faveur.

    Après l’indépendance, le désenchantement

    Durant la décennie 1956-1965, il y avait eu le démantèlement des armées de libération au Nord comme au Sud, armées qui estimaient que le combat pour l’indépendance n’était pas achevé et devait se poursuivre à l’échelle du Maghreb. En 1962, la Constitution posait les bases d’une monarchie despotique. Le mouvement syndical connaissait une scission mais surtout un processus de bureaucratisation accéléré, une dépolitisation de l’action revendicative, en échange de privilèges matériels considérables.

    L’Union nationale des forces populaire (UNFP), principal parti d’opposition, a été paralysée, en raison de l’arrestation de milliers de militants, de ses ambiguïtés stratégiques et divisions entre ailes radicales et réformistes. Son principal leader en exil, Ben Barka, sera enlevé et assassiné en octobre de la même année.

    La monarchie a su reconstruire ses bases sociales d’appui autour des grands propriétaires fonciers, ­restructurer l’appareil d’État et l’armée dirigée par des officiers liés autrefois à l’armée coloniale et avec le soutien matériel de l’État français. Moins de 10 ans après l’indépendance formelle, l’irruption populaire témoignait d’un désenchantement : ni avancées sociales ni libertés démocratiques. Ce désenchantement traduisait le divorce grandissant entre le pouvoir et la population, mais aussi le décalage entre les oppositions et les majorités populaires.

    Radicalisation après le mouvement

    Le 7 juin 1965, Hassan II impose un « État d’exception » inaugurant la longue nuit des années de plomb. La répression massive devient une norme de gouvernement. Néanmoins, cette séquence ouvre aussi un processus de radicalisation. Une partie de la jeunesse du parti communiste marocain et de l’UNFP s’interrogent sur leur passivité et participation au fameux colloque d’Ifrane, sous le patronage de Sa Majesté, colloque censé traiter des problèmes de l’éducation nationale alors que le sang n’avait pas fini de sécher dans les rues de Casablanca.

    Des anciens résistants cherchent aussi une autre voie. L’impact le plus visible de ce processus est dans l’Union nationale des étudiants du Maroc (UNEM) et chez les lycéens. Dés 1966-1967 se forment les noyaux révolutionnaires, pour beaucoup d’obédience marxiste-léniniste. Le contexte régional et international pèse également. La « nouvelle gauche » se constitue officiellement en 1970, dont une des composantes s’est appelé « Mouvement du 23 mars ».

    Aujourd’hui, un maillon du néocolonialisme français

    50 ans après, la monarchie, en plus d’être absolue, est une des composantes principales de la bourgeoisie. La plupart des partis sont domestiqués. Si le niveau de répression n’est plus le même, ce n’est pas en raison d’une démocratisation du régime mais de sa capacité à développer une stratégie de cooptation, de paix sociale clientéliste et à isoler les luttes. Mais l’ensemble des responsables des années de plomb sont toujours en place, et la répression est quotidienne.

    À leur tour, les processus de lutte ont évolué : ce n’est pas sous forme d’émeutes mais de contestations de masse prolongées que les résistances se déploient, ce n’est pas à travers un prisme idéologique mais bien souvent autour des questions sociales et démocratiques concrètes que toute une nouvelle génération se politise.

    Le 22 mars 2015, à l’appel de courants radicaux de l’UNEM et avec le soutien de la gauche de lutte a eu lieu une manifestation à Rabat, à la mémoire du 23 mars 1965 mais aussi contre la privatisation de l’enseignement public et la militarisation des facultés. En soutien aussi aux prisonniers politiques dont certains sont en grève de la faim.

    Dans ce contexte, la décision de l’État français d’accorder une légion d’honneur à un tortionnaire avéré – Abdellatif Hammouchi, directeur général des services de renseignements – apparaît comme un droit à l’impunité accordée à l’État marocain. Une complicité néocoloniale tant la monarchie relaye les intérêts des entreprises du Cac 40, de la Françafrique et les exigences de l’Europe forteresse. Par la solidarité internationale, c’est ce lien qu’il faut briser.

    Chawqui Lotfi

  • “L’exploitation coloniale, des violences extraordinaires” (Npa)

    Entretien. Enseignant-chercheur en sciences politiques à l’université d’Évry-Val-d’Essonne, Olivier Le Cour Grandmaison vient de sortir un nouveau livre, l’Empire des hygiénistes. Vivre aux colonies (1). Nous l’avons rencontré à cette occasion.  

    Le livre commence par une surprenante description du désastre sanitaire qui accompagne les débuts de la colonisation. Peux-tu en donner quelques éléments et explications ?


    Les causes de ces désastres sanitaires, constatés par de nombreux médecins qui occupent souvent des responsabilités importantes au sein de l’institution médicale et/ou militaire, sont multiples. Elles sont liées au retard de la médecine et de l’hygiène coloniales françaises comparées à celles de la Grande-Bretagne qui est à l’époque très en avance dans ces domaines, notamment en raison de sa longue expérience impériale en Inde. À cela s’ajoute le conservatisme, souvent dénoncé par les médecins et certains officiers supérieurs, de la hiérarchie militaire, et un mépris certain pour la vie des soldats du rang. De là ces désastres fort coûteux sur le plan humain et parfois même susceptibles de retarder des opérations militaires pourtant jugées essentielles par les autorités politiques.

    C’est le cas, par exemple, en 1881 : alors que la France s’apprête à envahir la Tunisie, plusieurs divisions sont réunies à Marseille et Toulon dans des conditions sanitaires pour le moins mauvaises. Bilan : Plus de 800 décès et 5 000 malades ! Rappelons enfin que jusqu’en 1910, les armées françaises comptent plus de vétérinaires pour soigner les chevaux que de médecins pour soigner les soldats. À la veille de la Première Guerre mondiale, 700 praticiens aux armées manquent toujours à l’appel.

    Face à ce « désastre », quelles mesures d’auto-protection va mettre en œuvre le pouvoir colonial pour « protéger » ses forces coloniales ?


    Une telle situation est à l’origine de la mobilisation individuelle et collective des médecins qui vont batailler pour imposer de nouvelles règles d’hygiène dans un contexte où, si l’on connaît les mécanismes de transmission de certaines maladies, comme le paludisme par exemple, nul ne sait comment le soigner. Faute de guérir, il faut donc prévenir de toute urgence, en multipliant les prescriptions relatives à l’alimentation, au logement des soldats et aux casernes, aux vêtements et à l’organisation des opérations militaires elles-mêmes. Enfin, dans le cadre d’une division raciale du travail élaborée par les médecins, entre autres, les forces armées dans les colonies vont recourir à de nombreux soldats « indigènes » pour assumer les tâches les plus rudes : travaux du génie, notamment, afin de préserver la santé des militaires français et leur efficacité lors des combats.


    Au-delà des troupes appelées à servir en outre-mer, ces mesures préventives concernent aussi la société coloniale dans son ensemble. Elle est traitée comme un vaste corps physique, sexuel, économique, social, urbain et politique, qu’il faut protéger d’un environnement naturel et humain jugé extrêmement dangereux sur le plan sanitaire. Chaque partie de ce vaste organisme, indispensable à sa vie comme à son développement – hommes, femmes, voies de circulation, maisons, cimetières, quartiers d’habitation –, doit obéir aux « lois de l’hygiène » pour bénéficier ainsi d’une sécurité sanitaire optimale et indispensable au succès de la colonisation. Comme l’écrivent de nombreux médecins, « l’indigène est un réservoir à virus », et il faut donc s’en éloigner pour se protéger des nombreuses maladies qu’il est susceptible de transmettre.


    De telles conceptions sont au fondement de nombreuses prescriptions. Elles concernent les relations sexuelles interraciales, par exemple, qui sont alors proscrites afin de protéger « l’homme blanc » des maladies vénériennes. Ces prescriptions sont également au principe de l’organisation ségréguée des principales villes coloniales qui doivent comprendre des quartiers européens et des quartiers « indigènes » nettement séparés. En matière d’urbanisme, les enjeux sont également sécuritaires – assurer au mieux la protection des biens et des personnes des Européens – et politiques – inscrire dans l’organisation même de la ville l’ordre colonial comme ordre colonial hiérarchisé au sommet duquel se trouve le Blanc. Là encore, les pratiques coloniales de la Grande-Bretagne ont été autant de modèles pour les hygiénistes et les urbanistes français. Enfin, et pour des motifs identiques, cette ségrégation s’étend aussi aux hôpitaux construits en outre-mer.

    Dans la continuité d’un de tes ­ouvrages précédent, Coloniser, Exterminer. Sur la guerre et l’État colonial (2), tu reviens sur les violences faites aux « indigènes », mais moins en termes d’affrontements, de barbarie militaires, que de « vie quotidienne », notamment dans le cadre de la division raciste du travail. Quelques illustrations ?


    En ce qui concerne les modalités de l’exploitation coloniale, l’analyse précise des conceptions et des pratiques révèle des violences extraordinaires liées aux méthodes employées. Je pense en particulier au travail forcé imposé à l’ensemble des populations civiles du Congo français. L’exemple alors célèbre est celui de la construction de la ligne de chemin de fer destinée à relier Brazzaville à Pointe-Noire sur la côte atlantique. 17 000 morts « indigènes » lors de la construction des 140 premiers kilomètres et des taux de mortalité de 57 % dans certains camps de travail établis pour réunir la main-d’œuvre indispensable à la réalisation de ce chantier.

    Je précise que ce dernier chiffre est celui qui a été rendu public par le ministre des Colonies de l’époque, André Maginot. Quant à l’entreprise chargée de cette « glorieuse » construction, il s’agit de la Société de construction des Batignolles, connue aujourd’hui sous le nom de Spie-Batignolles, l’un des plus grands groupes du BTP français. Il y a peu, l’un des anciens PDG, Jean Monville, vantait encore les réalisations remarquables de son entreprise lors de « l’aventure outre-mer »...

    Dans la conclusion, tu évoques largement le livre de Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres. En quoi illustre-t-il ton propos ?

    Ce texte de Conrad est à l’époque connu de tous ceux qui s’intéressent aux colonies. Ce n’est pas un hasard si André Gide dédie son livre Retour du Congo à cet écrivain. Avant beaucoup d’autres, Conrad a découvert l’extraordinaire brutalité quotidienne de l’exploitation coloniale, le mépris raciste qui la légitime et les conséquences dramatiques de cette exploitation : des morts par dizaines de milliers, des régions entières abandonnées par leurs habitants autochtones qui fuient les réquisitions, les déportations et le travail forcé.

    Contrairement à beaucoup de ses contemporains, Conrad n’euphémise pas ces pratiques. Au contraire, grâce à une investigation littéraire, il les dévoile avec une précision remarquable. À l’heure où, en France, sévit de nouveau un révisionnisme colonial allègre, Au cœur des ténèbres rappelle utilement ce passé meurtrier.

    Propos recueillis par Robert Pelletier
    1 – Fayard, 2014, 23 euros
    2 – Fayard, 2005, 22 euros

    «  Les Blancs ne communiquent avec les Noirs ou les Jaunes que pour les asservir ou les massacrer. Les peuples que nous appelons barbares ne nous connaissent encore que par nos crimes. (…) allons-nous armer sans cesse contre nous en Afrique, en Asie, d’inextinguibles colères et des haines insatiables et nous préparer pour un avenir lointain sans doute, mais assuré, des millions d’ennemis ? »

    Anatole France (1906), mis en exergue dans la conclusion d’un précédent ouvrage d’Olivier Le Cour Grandmaison, Coloniser Exterminer. Sur la guerre et l’État colonial.

  • RASSEMBLEMENT pour Ali Mécili (Ageria Watch)

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    À l’initiative de sa famille et de ses amis

     

    dimanche 12 avril 2015 à 14h30

    Cimetière du Père Lachaise – Entrée principale

     

    "J'aurais pu mourir hier sous les balles des soldats de la colonisation, je meurs aujourd'hui sous des balles algériennes dans un pays que l'ironie de l'Histoire a voulu que je connaisse après l'avoir combattu les armes à la main. Je meurs sous des balles algériennes pour avoir aimé l'Algérie".

    Ces mots ont été écrits par l'avocat Ali Mécili, bien avant son assassinat à Paris le 7 avril 1987 sur ordre du pouvoir algérien. Ces mots nous saisissent par ce qu'ils révèlent de sa clairvoyance et de sa lucidité, lui qui a combattu, avec Hocine Aït-Ahmed, pour la démocratie et le respect des droits de l'Homme.

    Ironie de l'Histoire encore aujourd'hui. Vingt-huit ans après, un juge d’instruction français en vient à prononcer un non lieu pour clore un dossier d'assassinat politique, marqué dès l'origine par la Raison d'Etat et le renvoi en Algérie de l'assassin présumé. Un juge d'instruction français se soumet et reconnaît à un Etat étranger le droit de paralyser l'action judiciaire en France en se fondant sur le refus de coopération internationale de l'Algérie pour justifier un non lieu.

    Ne pouvant accepter une telle décision qui ne pourra qu'encourager d'autres crimes politiques et faire de la France un lieu d'impunité, nous avons fait appel de cette ordonnance de non lieu et demeurons dans l'attente de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris.
    C'est pourquoi, le 12 avril prochain, nous devons être encore plus nombreux à rendre hommage à Ali et à montrer notre détermination.
    Oui, Ali est mort à Paris sous des balles algériennes pour avoir aimé l'Algérie, il est mort aussi pour avoir aimé la France des droits de l'Homme et de la démocratie.

    Que justice lui soit un jour rendue dans un pays fidèle à ses valeurs.

    Paris le 31 mars 2015

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/div/livres/affaire_mecili.htm

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/just/affaire_mecili/rassemblement_2015.htm

    Voir aussi:

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Ali_Andr%C3%A9_M%C3%A9cili

  • Nouveautés sur "Algeria Watch"

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    http://www.algeria-watch.org/francais.htm

  • Comment le Mossad a aidé le Maroc à tuer Ben Barka (Courrier International)

    Une grande enquête du quotidien israélien Yediot Aharonot publiée cette semaine met en lumière l’implication des services de renseignements israéliens dans l’enlèvement à Paris, le 29 octobre 1965, et l’assassinat de l’opposant marocain Mehdi Ben Barka

    Un jour sombre et pluvieux dans une forêt des environs de Paris. Des hommes creusent un trou pour y jeter le corps d’un homme mort étranglé peu de temps auparavant. A cet instant, personne n’imagine que le fantôme de la victime va hanter le Mossad pendant de longues années.” L’enquête des deux journalistes israéliens Ronen Bergman et Shlomo Nakdimon, publiée dans Yediot Aharonot, débute comme un polar. Paris. Une cible marocaine. Les services secrets israéliens. Tel est le décor de ce qui va devenir le dossier “Baba Batra”, une des affaires les plus délicates de l’histoire du renseignement israélien.

    La mort du célèbre opposant marocain, Mehdi Ben Barka, eut d’importantes conséquences notamment sur les relations entre le Mossad, le Premier ministre d’alors, Levi Eshkol, et Isser Harel, figure mythique des services israéliens, qui fut chargé d’enquêter sur cette affaire d’Etat, mais aussi sur les relations franco-marocaines. Comme le souligne Le Monde, qui a interviewé l'un des auteurs de l'enquête, l'article a été soumis à la relecture de la censure militaire avant publication, car la loi israélienne l’exige. Toutefois, fondé sur la retranscription d’une rencontre entre le chef du Mossad de l’époque, Meir Amit,  Levi Eshkol et Isser Harel, et sur les témoignages de nombreux acteurs de l’affaire, l'article du Yediot Aharonot révèle l’implication logistique du Mossad dans la mort de Ben Barka.

    Quels rapports de forces ?

    A l'entame des années 1960, le Mossad (chargé du renseignement extérieur et de l'antiterrorisme) a installé un siège à Paris pour organiser ses opérations dans toute l’Europe. En matière de sécurité, les relations entre Israël et la France sont alors très étroites. La France, empêtrée “dans le bourbier algérien” et aux prises avec le Front de libération nationale (FLN), a besoin de l’aide du Mossad. “Au début, cette coopération s’est traduite par le partage d’informations sur l’organisation clandestine. Puis le Mossad livra des armes qui serviront dans une série d’assassinats perpétrés par les services français contre le siège du FLN au Caire”, écrivent les journalistes de Yediot Aharonot.

    De son côté, le Mossad “utilise” Paris comme “voie d’accès à l’Afrique et à l’Asie”. Très actif, le service cherche alors à obtenir le plus possible d’informations sur les pays arabes et sur le bloc soviétique – pour les partager avec les Etats-Unis. Si le Mossad noue à l’époque des relations secrètes avec la Turquie, l’Iran et l’Ethiopie, “une cible lui manque cruellement : le Maroc”. Pays arabe modéré, le Maroc est un pays qui entretient des relations avec les principaux ennemis d'Israël. “Sans parler du fait qu’à la tête du royaume, Hassan II fait plutôt figure d’allié de l’Occident.”

    Echange de services

    “Dans le renseignement, il n’y a pas de cadeaux gratuits”, rappelle l’enquête de Yediot Aharonot. C’est en vertu de cet adage que, six semaines avant l’assassinat de Ben Barka, le Mossad s’est retrouvé débiteur d’une dette vis-à-vis du Maroc. D’après les documents utilisés par les journalistes, Israël considérait ses relations avec le Maroc comme “stratégiques” et les deux pays avaient réussi à se trouver des intérêts. Le roi Hassan II s’était laissé convaincre de “laisser des Juifs de son pays émigrer vers Israël”. En échange, l’Etat hébreu fournissait une aide logistique au Maroc, formait ses militaires. En 1965, la coopération entre les services de renseignements des deux pays prit une dimension autrement plus importante.

    En septembre 1965, expliquent Ronen Bergman et Shlomo Nakdimon, le renseignement marocain permet en effet à des agents du Mossad d’obtenir des informations cruciales. Du 13 au 18 septembre 1965, la Ligue arabe tint un sommet de la plus haute importance à Casablanca. Le roi Hassan II délivra à Meit Amir, le directeur du Mossad, tous les documents relatifs à cette rencontre ainsi que les enregistrements de la réunion, qui avait été mise sur écoute. “Ces informations très importantes donnèrent un aperçu des ambitions des plus grands ennemis d’Israël. [...] Lors de la réunion, les commandants des armées arabes avouèrent qu’elles n’étaient pas préparées pour une nouvelle guerre contre Israël”, rapporte Yediot Aharonot. C’est en partie sur ces informations que Tsahal recommanda au gouvernement de Levi Eshkol de lancer ce qui deviendra la guerre des Six-Jours en 1967. Conflit qui vit l’armée israélienne triompher des armées syrienne, égyptienne et jordanienne.

    Après cette coopération sans précédent, le Maroc voulut être dédommagé du service rendu le plus vite possible. Le nom de cette dette : Ben Barka, l’un des opposants les plus farouches du roi Hassan II. C’est ainsi que fut lancée l’opération Baba Batra – qui, en plus d’avoir les mêmes initiales que Ben Barka, désigne dans le Talmud un traité s’intéressant aux questions liées à la responsabilité individuelle.

    L’opération Baba Batra

    En échange de la coopération du Maroc lors du sommet de la Ligue arabe, le Mossad s’engagea à  suivre les déplacements de Ben Barka en Europe – l’homme était alors en exil. Mehdi Ben Barka était une figure influente au Maroc et dans le monde arabe. Homme de gauche, il soutint la révolution et le combat contre le colonialisme, et devint l’un des opposants les plus virulents au roi Hassan II.

    L’enquête révèle que le Mossad réussit à localiser Ben Barka à Genève, où l’opposant marocain relevait son courrier. “Le Mossad donna l’adresse du kiosque à Ahmed Dlimi, adjoint de Mohammed Oufkir, le ministre de l’Intérieur marocain. Les agents marocains n’avaient plus qu’à surveiller le kiosque vingt-quatre heures sur vingt-quatre, pendant deux semaines, jusqu’à ce que leur cible se montre.”

    A ce stade de l’affaire, il n’est encore question pour le Mossad que de fournir une assistance technique, tout en gardant ses distances avec une opération qui, concrètement, sera menée par les agents maro- cains. Le Mossad fournit notamment de faux documents afin de louer des voitures et des passeports aux Marocains et Français impliqués dans l’affaire pour qu'ils puissent fuir rapidement après l’opération.

    Le piège du documentaire

    “Quel était le but de l’opération pour les Marocains ?" interrogent Ronen Bergman et Shlomo Nakdimon. "La réponse dépend de la personne à qui vous posez la question. Selon l'historien spécialiste des relations israélo-marocaines, Yigal Ben-Nun, l’idée au départ, était de kidnapper l’opposant avant de le soumettre à un choix : soit il devenait ministre de l’Education du gouvernement de Hassan II (ce qui sous-entend qu’il se soumet à sa loi), soit il comparaissait lors d’un procès public pour trahison. Selon d’autres preuves, notamment les enregistrements du Mossad et du Premier ministre israélien, l’intention a toujours été de mettre fin à sa vie.”

    Le Mossad met au point un piège en montant une histoire de documentaire sur Ben Barka pour l’attirer à Paris. La suite de l’histoire est connue. Le 29 octobre 1965 : Mehdi Ben Barka arrive à Paris. Il a rendez-vous chez Lipp – la fameuse brasserie du boulevard Saint-Germain – avec un jour- naliste français. A quelques pas du restaurant, deux policiers français demandent à Mehdi Ben Barka de les suivre. Le piège se referme.

    Les journalistes d’investigation racontent ensuite comment l’opposant a été amené dans un apparte- ment.  Il y sera longuement et sauvagement torturé par Ahmed Dlimi et ses acolytes à coups de brû- lures de cigarettes, d’électrochocs et de simulations de noyade. Ronen Bergman et Shlomo Nakdimon précisent que “le Mossad n’était pas présent au moment des faits et n’a pas autorisé sa mise à mort”. D’après les témoignages de membres du Mossad à l’époque, au bout de plusieurs dizaines de minutes d'interrogatoire, Ahmed Dlimi aurait appelé ses homologues israéliens depuis l’appartement en disant : “Je ne voulais pas... il est mort.”

    Les Marocains demandent alors aux services de renseignements israéliens de faire disparaître le corps. Le cadavre de Ben Barka sera emmené, enterré en pleine nuit dans la forêt de Saint-Germain, puis “dissous à l’acide” avec des produits chimiques achetés dans plusieurs pharmacies.

    Les conséquences de l'affaire

    Yediot Aharonot explique que la mort de Ben Barka provoqua une grave crise politique en Israël. Isser Harel, figure des renseignements israéliens, chargé d’enquêter sur l’affaire, réclame la démission d'Amit, le chef du Mossad, puis carrément celle du Premier ministre, Levi Eshkol. L’enlèvement de Ben Barka en plein Paris et sa disparition avérée sur le sol français ont par ailleurs profondément marqué les relations entre la France et le Maroc, ainsi qu’entre la France et Israël.

    Des fuites bien orchestrées ont rapidement fait comprendre à l’entourage du général de Gaulle que les services marocains étaient impliqués dans la disparition de Mehdi Ben Barka. La réaction du président français fut immédiate : il décapita les services secrets français, intérieurs comme extérieurs, et ce fut la fin du SDECE (contre-espionnage). Il alla même jusqu’à demander au roi Hassan II de lui livrer Mohamed Oufkir et Ahmed Dlimi. Le refus du souverain chérifien marqua une dégradation brutale des relations diplomatiques entre Paris et Rabat, sur lesquelles plane encore aujourd’hui “l’ombre du fantôme de Ben Barka”, souligne le quotidien israélien.

    Le site d'information marocain Tel Quel rappelle se son côté qu'“à ce jour l'affaire Ben Barka n'a toujours pas été élucidée par la justice marocaine”.

    Avec Tel-Aviv, les choses furent différentes. Tout en soupçonnant le Mossad d’être mêlé d’une façon ou d’une autre à “l’affaire”, le soutien de la France à Israël a prévalu sur la nécessité de faire toute la lumière sur cette participation, soulignent Ronen Bergman et Shlomo Nakdimon. Pourtant, au moment de la guerre des Six-Jours, le général de Gaulle décida d’“un embargo absolu sur les armes”. Son discours devant l’Assemblée nationale en novembre 1967 est entré dans les livres d’histoire : “Les Juifs [sont] restés ce qu'ils [ont] été de tout temps, un peuple d'élite, sûr de lui-même et dominateur.” Deux jours après avoir prononcé ces mots, il ordonna l’expulsion des représentants du Mossad en France et le démantèlement de son siège parisien. Publié le 26/03/2015 - 16:51

    http://www.courrierinternational.com/article/renseignement-comment-le-mossad-aide-le-maroc-tuer-ben-barka

    Sur l'affaire on peut lire le polar: L'affaire N'Gustro

  • Révolte arabe 1916-1918 (Orient 21)

    http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/4c/030Arab.jpg

    La grande révolte arabe de 1916 fait suite aux promesses britanniques visant à encourager la création d’un grand royaume arabe (correspondance Hussein-MacMahon, 1915).

    Dans l’esprit des décideurs britanniques, la formation d’un tel État, revanche arabe après des siècles de domination ottomane, s’entend comme une récompense à terme pour l’aide que les Arabes pourront accorder à Londres dans les opérations menées contre les Ottomans, entrés en guerre contre les puissances de l’Entente, à la fin de l’année 1914.

    Les Arabes, en particulier Hussein, chérif de la Mecque, sont approchés par des émissaires, en particulier le colonel Thomas Edward Lawrence, de l’Arab Bureau du Caire. De leur côté les Français les encouragent également, en leur envoyant le lieutenant-colonel Édouard Brémond, un officier colonial. Tandis que les Puissances centrales, Allemagne et Autriche-Hongrie, alliées de l’empire ottoman, tentent également d’attirer à elles les Arabes pour conserver leur neutralité, voire pour obtenir leur participation aux combats contre les Français et les Anglais, puissances coloniales.

    Séduits par la réalisation de ce vieux rêve de la restauration de la grandeur arabe, encouragés par des apports monétaires et militaires, Hussein et ses Bédouins passent à l’action en juin 1916. Le soulèvement contre les Turcs se traduit par le siège de places fortes (Médine) et par une progression en direction du nord, vers la Transjordanie puis la Syrie, en parallèle aux efforts britanniques (troupes australiennes et néo-zélandaises) à partir du Sinaï, vers la Palestine.

    Immortalisés par le film de David Lean Lawrence d’Arabie, les principaux faits d’armes des troupes arabes sont le sabotage du chemin de fer du Hedjaz et l’attaque de ses principales gares, la prise d’Aqaba (juin 1917), mais surtout celle de Damas en septembre 1918. Cette dernière est concédée par Londres, pour satisfaire symboliquement Hussein, avec une entrée triomphale de son fils Fayçal.

    Dans les faits, la contribution arabe aux opérations militaires britanniques et à la victoire sur l’empire ottoman ne conduit pas à la récompense attendue.

    Entretemps, les promesses britanniques (et françaises) sont concurrencées par un autre engagement, contradictoire : le 2 novembre 1917, par la déclaration Balfour, Londres appuie l’idée d’un «  foyer national juif  » en Palestine, privant d’emblée le royaume arabe unifié de ce territoire.

    Ayant avancé en vain l’idée d’un grand royaume arabe lors de la conférence de Versailles, Fayçal prend l’initiative de le proclamer lui-même, à partir de Damas, désormais sous contrôle français après l’évacuation des troupes britanniques. L’entité est éphémère : créée en janvier 1920, l’initiative arabe est réprimée dans le sang en juillet de la même année.

    Pour compensation, les hachémites sont placés à la tête des deux entités nouvellement créées. Le mandat britannique de Transjordanie se voit attribuer un émir : Abdallah, fils de Hussein, tandis que son frère Fayçal, défait à Damas, prend la tête du royaume d’Irak, qui succède au mandat de Mésopotamie.

    19 mars 2015

    http://orientxxi.info/documents/glossaire/grande-revolte-arabe,0838