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Histoire - Page 14

  • Leila Seurat, le Hamas au-delà des discours (Afps)

    Diplômée d’un doctorat en science politique, et du master de recherche « monde musulman » de Sciences-Po Paris, Leila Seurat est actuellement chercheure associée au Centre de Recherches Internationales (CERI/ CNRS). Son travail interroge le couple intérêt/idéologie à travers le cas du Hamas. Le mois dernier, elle a publié aux éditions du CNRS Le Hamas et le monde, préfacé par Bertrand Badie, qui fut son directeur de thèse. Loin des discours dogmatiques, des préjugés religieux, et de certaines idées reçues, l’ouvrage met en lumière la « boîte noire » du mouvement islamiste palestinien : stratège pragmatique, intransigeant et négociateur, parti de gouvernement.

    Thomas Vescovi, Conseil national de l’AFPS, mardi 3 novembre 2015

    Avant d’évoquer votre livre, et l’actualité, pouvez-vous expliquer ce qu’est le Hamas ?

    Le Hamas est la branche palestinienne des Frères Musulmans. Ces derniers étaient présents en Palestine bien avant la création d’Israël, puisque le frère de Hassan al-Banna, fondateur et théoricien du mouvement, avait réalisé un voyage en Palestine à la fin des années 1930 pour y ouvrir un bureau, à Jérusalem-Est. Les militants de ce mouvement vont d’ailleurs être très actifs dans la première guerre israélo-arabe, entre 1947 et 1949, et vont payer un lourd tribut. Cette précision est importante car les autres forces politiques palestiniennes accusent régulièrement le Hamas d’être arrivé sur le tard, de ne pas être « vraiment » nationaliste. En réalité, jusqu’en 1967, des militants du mouvement vont participer à différentes actions armées contre les forces d’occupation, particulièrement dans la Vallée du Jourdain.

    Pour contrer le caractère nationaliste du Hamas, le Fatah insiste sur la posture attentiste du mouvement jusqu’au déclenchement de la première Intifada. Or nous savons qu’en 1984, le cheikh Yassine avait été arrêté pour possession d’armes. Il est vrai que ses différents militants vont converger, au moment du déclenchement du soulèvement populaire de décembre 1987, pour quitter leur posture quiétiste et participer pleinement à la lutte armée. Le Fatah comme le Jihad islamique étaient nés d’une scission au sein des Frères Musulmans, critiquant leur immobilisme face à Israël.

    Le soir du déclenchement de la première Intifada s’organise une réunion, dans la résidence de cheikh Yassine, où est décidée la création du Hamas, officialisée deux jours plus tard. Il faudra attendre le mois d’août 1988 pour que la Charte du mouvement soit rendue publique.

    De par ses liens avec les Frères Musulmans, le Hamas est entouré d’une image négative, celle d’un mouvement islamiste, employant les armes du terrorisme. Dans quelle mesure le Hamas distingue-t-il, dans ses actions et son idéologie, le religieux du profane ?

    Ma thèse démontre qu’il n’y a pas de dichotomie entre les intérêts et l’idéologie. L’idéologie n’est d’ailleurs pas forcément religieuse. Une idée en soi n’est pas une idéologie, mais la manière dont elle est construite peut devenir une idéologie. De part la lecture des origines du conflit proposée par le Hamas, la Résistance devient ainsi une idéologie. Avec le déclenchement des « Printemps arabes », s’est constitué un nouveau discours, plaçant le Hamas au centre de l’énergie populaire des soulèvements, un précurseur, un exemple à imiter. L’élément principal n’était pas l’utilisation du religieux, mais la victoire électorale du Hamas aux législatives palestiniennes de 2006. Dans ce schéma, l’idéologie, qu’elle soit religieuse ou non, ne fait qu’accompagner, des intérêts contingents. Son caractère religieux n’en fait pas un mouvement différent des autres partis politiques. La singularité du Hamas par rapport aux autres mouvements issus des Frères Musulmans, c’est l’emploi de la lutte armée.

    Justement, quelle est la place d’Israël dans ce jeu idéologique ?

    Il existe un flou sur cette question. Certains dirigeants affirment que le Hamas n’entretient aucune forme de relation avec Israël, que ce soit de manière directe ou indirecte. Pour autant, d’autres dirigeants affirment que, pour les questions humanitaires ou celles relatives aux prisonniers, ils peuvent mener des négociations indirectes avec Israël. Le reste est considéré comme illicite. L’objectif est évidemment de se différencier dans l’opinion publique de l’Organisation de Libération de la Palestine. Concrètement, l’étude des différents dossiers montrent d’une part les tractations entreprises entre le Hamas et Israël sur différentes questions, avec souvent l’Egypte comme médiateur, particulièrement lorsqu’il est question de trêves ; d’autre part des cas où des dirigeants du Hamas se sont entretenus directement avec leurs homologues israéliens sans intermédiaire comme l’ont montré les négociations autour de la libération du soldat Gilad Shalit : Ghazi Hamad, vice ministre des affaires étrangères du Hamas représentait le Hamas et Girshon Baskin, un universitaire, Israël. Ce sont bien des négociations directes qui ont contribué à conclure cet accord d’échange de prisonniers.

    En 2006, le Hamas a remporté les élections législatives palestiniennes, sortant de l’opposition pour former à lui seul le gouvernement de l’Autorité Palestinienne. Comment le mouvement s’est adapté à ce nouveau contexte ?

    Il y a eu une première rupture en 2005. Au mois de mars, les accords du Caire, signés par toutes les factions palestiniennes, consacrent la participation du Hamas au jeu électoral. Jusque là, celui-ci ne participait qu’aux élections locales. Le Hamas avait ainsi refusé de participer aux élections législatives de 1996, considérant qu’un engagement dans ce processus signifierait une reconnaissance de l’Autorité Palestinienne, et une manière de légitimer les accords d’Oslo. Pour expliquer, cette volte face, il assure que désormais les accords d’Oslo sont morts ; la participation aux structures de l’AP ne peut donc plus les légitimer. Toutefois, il est évident qu’au delà du discours, l’objectif du Hamas était indéniablement de profiter des ressources offertes par l’Autorité Palestinienne, née de ces accords.

    Cette même année 2005 coïncide également avec la sortie d’Israël de la bande de Gaza. L’armée est cantonnée aux portes du territoire, et les colonies sont démantelées. Pour le Hamas, c’est une victoire de la résistance. C’est d’ailleurs sur ce point qu’il faut lire aujourd’hui les différences d’appréciation du soulèvement : pour le Fatah qui se situe plutôt dans une logique d’apaisement, la seconde Intifada a été un échec ; pour le Hamas au contraire qui prône l’élargissement de la mobilisation, la seconde intifada n’a été qu’un échec partiel puisqu’elle a quand même conduit à l’évacuation de la bande de Gaza.

    L’autre élément à souligner tient dans l’affirmation répétée du Hamas à la légitimité du gouvernement formé en mars 2006. Ce gouvernement, mené par Ismaël Haniyeh, va tenir onze mois. Une période courte mais considérée par le Hamas comme une apogée. Dans les faits, ce gouvernement a souffert du fait que quasiment tous les Etats arabes, ainsi que la communauté internationale, continuaient à considérer l’OLP comme seule et unique représentante du peuple palestinien. Arrive ensuite 2007, et la prise de Gaza par la force par le Hamas. Commence une période de discrédit pour le Hamas, notamment parce que le second gouvernement qui va être créé, mené par Salam Fayyad, est rapidement reconnu comme légitime par les Etats arabes et la communauté internationale.

    Les Printemps arabes ont signifié une redistribution de certaines cartes politiques pour le Hamas, puisque son chef Khaled Mechaal a quitté Damas, où le mouvement avait son leadership extérieur, au profit de Doha, au Qatar. Quelle est la situation depuis ?

    Les guerres qui ont lieu aujourd’hui au Moyen-Orient s’enlisent vers une confessionnalisation entre sunnites et chiites. Les ruptures sont à plusieurs échelles. D’abord l’axe chiite, Iran, Syrie, Hezbollah, qui soutenait financièrement le Hamas, est mis à mal. Des militants du Hamas ont participé à la lutte contre les troupes d’Assad, voire sur certains terrains, les combattants du Hezbollah. Ensuite, il faut aussi remarquer que ces divisions concernent aussi le monde sunnite, entre les Frères musulmans et les différentes mouvances se réclamant du salafisme, des quiétistes aux jihadistes. Ces luttes ont lieu au sein même de la bande de Gaza où des groupes qui se revendiquent de Daech bien que ne lui étant pas officiellement affiliés, combattent le Hamas.

    En février 2012, lorsque Mechaal a quitté définitivement Damas, il y a eu une période de flou, son bras droit Abu Marzouk essayant de faire réinstaller les bureaux au Caire. Finalement Doha a représenté une base plus stable pour le mouvement. La période de transition est terminée puisque le bureau politique du Hamas est en train de se reconstituer au Qatar. Un élément sensible de cette recomposition régionale est le rapprochement entre le Qatar et l’Arabie Saoudite, de moins en moins virulente à l’égard des Frères Musulmans. Pour les Saoudiens, la menace principale reste l’Iran. Ils essayent donc de fortifier leurs liens avec l’ensemble des acteurs politiques sunnites de la région, y compris du côté des Frères musulmans et du Hamas, afin d’empêcher ce dernier de consolider à nouveau ses relations avec la République islamique. Toutefois, ces signes ne constituent pour l’instant que les prémices d’un possible réalignement stratégique du Hamas et d’un rapprochement significatif avec l’Arabie saoudite qui n’a pour l’instant pas encore pris forme. Si en juillet dernier, Mechaal s’est rendu en visite à Doha, où il n’était plus le bienvenu depuis 2007, l’Arabie Saoudite nie ces rapprochements, indiquant que l’objet de sa visite n’était pas religieux et martelant que l’OLP demeure seul représentant du peuple palestinien.

    L’Iran avait en effet très mal accueilli la réorientation de politique étrangère préconisée par Mechaal. En juin 2013, le Cheikh Youssef al-Qardawi accusa dans un discours à la grande mosquée de Doha, en présence de Mechaal, l’Iran et le Hezbollah de faire le jeu des sionistes. Le même mois, dans un communiqué, Mechaal demandait solennellement à l’Iran de se retirer de Syrie. Les réponses iraniennes visent essentiellement Mechaal, devenu persona non grata à Téhéran, et non les dirigeants du Hamas à Gaza, puisque l’on sait que les figures des brigades des martyrs d’al Qassam, branche armée du mouvement, refusent la rupture avec leur financier iranien.

    L’Union Européenne considère le Hamas comme un mouvement terroriste. Celui-ci cherche-t-il à se faire accepter par l’Occident ?

    Le Hamas cherche à obtenir la reconnaissance. Depuis 2006, le mouvement a multiplié les tentatives pour obtenir cette légitimité obtenue par les urnes et pourtant « bafouée ». L’Union européenne est centrale dans ce travail de lobbying : à travers l’action diplomatique de ses députés, invités par la Fédération Internationale des Parlementaires ou par d’autres institutions européennes, le Hamas tente d’être reconnu en tant que gouvernement légitime. Des membres du Hamas et de son instance exécutive se rendent souvent en Europe via leur statut de député. C’est le cas de Mouchir al-Masri qui s’est rendu plusieurs fois à Genève entre 2012 et 2014. Néanmoins, ces visites se font exclusivement dans un cadre parlementaire, et il arrive fréquemment qu’elles soient annulées, lorsque l’étiquette de membre du Hamas est révélée publiquement. Ce qui est intéressant, c’est que ces pressions ne viennent pas seulement d’Israël ou de groupes soutenant Israël, mais aussi de l’OLP qui souhaite demeurer l’unique interlocutrice.

    Depuis plusieurs mois différents médias spéculent autour d’un accord entre Israël et le Hamas, via la médiation de Tony Blair, visant la mise en place d’une ligne maritime pour désenclaver Gaza. Tractation que l’OLP considère être une atteinte au projet national palestinien, les négociations ne se faisant pas sur Gaza et la Cisjordanie, mais uniquement sur Gaza. Qu’en est-il vraiment ?

    Il y a des faits avérés de discussions entre les Israéliens et le Hamas depuis l’hiver 2014 visant à une trêve de longue durée en échange d’une ligne portuaire depuis la partie turque de Chypre vers Gaza. Ne nous trompons pas, cela n’implique pas un port, mais une ligne portuaire. Les cargaisons seraient déchargées à plusieurs milles de la baie de Gaza, et les débats portent notamment sur qui contrôlerait ce point de connexion entre la ligne portuaire et Gaza. Par ailleurs, les négociations se font à Doha, donc même si un l’accord parvenait à être signé, rien ne peut présager que les autorités du Hamas à Gaza l’acceptent. Mais, vu la situation humanitaire désastreuse de la bande de Gaza, on peut imaginer qu’un accord soit accepté y compris par le Hamas de l’intérieur pour lequel l’assouplissement du blocus par Israël demeure une priorité. Ce qui est certain, c’est qu’en poursuivant de telles discussions avec Israël, le Hamas, depuis Doha, fait le jeu de l’État hébreu qui cherche à divise les Palestiniens et à échapper à l’édification d’un État.

    Le Hamas n’est-il pas concurrencé par d’autres mouvements palestiniens, à commencer par le Jihad islamique palestinien ?

    Politiquement non, puisque le Jihad islamique ne participe pas aux élections, et ne revendique pas, comme le Hamas, une large base militante. En revanche, sur la lutte armée, le Jihad islamique accuse le Hamas de ne plus être un mouvement de résistance, d’avoir accepté trop de compromis pour rester au pouvoir. Tout n’est pas soluble dans la résistance.

    Là où il y a concurrence également, c’est sur les liens avec l’Iran. Actuellement, Téhéran est sans doute plus proche du Jihad islamique, qui à l’inverse du Hamas n’a pas pris position en Syrie, et dans sa lutte contre Israël s’avère tout aussi efficace. Les salafistes quant à eux rejettent à la fois le Hamas et le Jihad Islamique, jugés pro-Chiites. Cela ne mérite cependant pas que l’on spécule, mais c’est une donnée à prendre en compte.

    Le soulèvement actuel semble se focaliser sur la Cisjordanie et les Palestiniens d’Israël. Comment le Hamas gère-t-il la bande de Gaza dans ce contexte ?

    Le Hamas a clairement affirmé son soutien au soulèvement, tout en refusant de lancer des roquettes. Ses forces de sécurité empêchent d’ailleurs toutes les autres factions armées d’opérer des actions contre Israël. Son soutien ne reste donc qu’au niveau du discours. Il y a deux choses à retenir. La première c’est que le Hamas est fatigué de ces trois dernières guerres à Gaza, particulièrement de la dernière. Il ne souhaite donc pas pour l’instant prendre part à la mobilisation. Par ailleurs, l’amplification du soulèvement en Cisjordanie peut également favoriser le Hamas dans sa volonté de décrédibiliser l’Autorité Palestinienne. Le Hamas cherche à tout prix à mettre en difficulté Abbas notamment sur la question de la gestion des Lieux Saints, jugé incapable de les protéger, et la coordination sécuritaire. Dernièrement, à Hébron, le Hamas a accusé des policiers palestiniens en civil d’empêcher les manifestants de lancer des pierres. En bref, selon lui, Abbas étoufferait l’avancée de l’Histoire, alors que le Hamas l’impulse.

    http://www.france-palestine.org/Leila-Seurat-le-Hamas-au-dela-des-discours?var_mode=calculhttp:

  • 50 ans après sa disparition, le mystère Ben Barka (france Clture)

     

    Mehdi Ben Barka 

    De nombreuses associations et mouvements syndicaux et politiques se retrouvent ce jeudi soir devant la brasserie Lipp, boulevard Saint Germain à Paris, comme elles le font chaque année, sur les lieux de la disparition de Mehdi Ben Barka.

    Cela fait aujourd'hui cinquante ans que l'opposant marocain a été enlevé. Malgré deux procès et de longues années d'instruction, son corps n'a jamais été retrouvé et de nombreuses questions restent aujourd'hui encore sans réponse.

     

     Louis Joinet 

     

    A l'époque des faits, Louis Joinet avait 26 ans. Ancien magistrat à la Cour de cassation, conseiller pour les droits de l'Homme à Matignon et à l'Elysée sous le pouvoir socialiste, Louis Joinet aura été pendant 33 ans expert indépendant à l'ONU et l'un des principaux artisans de la convention internationale contre les disparitions forcées. Mais en septembre 1965, il vient d'arriver comme magistrat stagiaire dans le bureau du juge Zollinger, le premier juge d'instruction de l'affaire Ben Barka

     

    Depuis, neuf autres juges d'instruction se sont succédés dans l'affaire Ben Barka. Les actes de procédure qu'ils ont ordonnés ont évité la clôture du dossier, sous le coup de la prescription.

    Le témoignage de Bachir Ben Barka, le fils du disparu. Il répond à Florence Sturm :

     

     

    Maurice Buttin  

     

    Maurice Buttin est l'avocat de la famille Ben Barka depuis toujours. Il a donc "accompagné" 50 ans d'instruction et 10 juges différents Et il continue à suivre le dossier aujourd'hui encore en espérant voir un jour émerger la vérité judiciaire (au micro de Florence Sturm ).

     

    Points de repères chronologiques :

    29 octobre 1965. Mehdi Ben Barka, l'un des principaux opposants au régime d'Hassan II est enlevé devant la brasserie Lipp, boulevard St Germain à Paris par deux hommes qui présentent des cartes de police.

    11 novembre 1965. Arrestation des deux policiers Louis Souchon et Roger Voitot. Souchon dénoncera ensuite l'implication du SDECE, les services secrets français.

    Janvier 1966. La France lance un mandat d'arrêt à l'encontre du général Mohammed Oufkir, ministre marocain de l'Intérieur et chef des services secrets.

    17 janvier 1966. L'un des principaux témoins, Georges Figon se suicide après ses révélations à l'Express.

    6 mai 1966. Débat sur l'affaire Ben Barka à l'Assemblée nationale.

    5 septembre 1966. Ouverture du procès à Paris. 13 accusés, dont sept en fuite, jugés par contumace. 167 témoins.

    19 octobre 1966. Coup de théâtre. Le commandant Ahmed Dlimi, directeur général de la Sûreté nationale marocaine se constitue prisonnier. Le procès est ajourné.

    17 avril 1967. Reprise du procès.

    7 juin 1967. Verdict : cinq acquittements et huit condamnations, dont six à perpétuité par contumace pour les accusés en fuite. Parmi eux, le général Oufkir qui trouvera la mort quelques années plus tard après un coup d'Etat manqué contre le roi du Maroc.

    Octobre 1975. Nouvelle plainte de la famille pour assassinat et complicité d'assassinat.

    2005. Le juge d'instruction Patrick Ramael se rend au Maroc. Sans résultat. A Paris, il ordonne la perquisition du domicile de l'ancien premier ministre d'Hassan II, Driss Basri. Il demande aussi des fouilles au PF3 de Rabat, un ancien centre de détention. Sans succès.

    23 octobre 2007. Délivrance de cinq mandats d'arrêt internationaux visant cinq Marocains, dont le général Benslimane, le patron de la gendarmerie royale.

    Eté 2015. Le juge d'instruction Cyril Paquaux adresse une commission rogatoire à Tel Aviv pour entendre un agent du Mossad. A ce jour, il n'a pas encore obtenu de réponse.

    http://www.franceculture.fr/2015-10-30-50-ans-apres-sa-disparition-le-mystere-ben-barka

  • L’enquête sur l’assassinat du militant communiste Henri Curiel pourrait être relancée (Les Inrocks)

    Henri Curiel (Capture d'écran @FanceInter)

    Dans un témoignage posthume, le militant d’extrême droite René Resciniti de Says revendique l’assassinat du militant anticolonialiste Henri Curiel, en 1978. L’avocat de la famille a déposé plainte avec constitution de partie civile.

    Qui a tué le militant communiste et anticolonialiste Henri Curiel, le 4 mai 1978 dans l’ascenseur de son immeuble, à Paris ? Depuis trente-sept ans, cette question est restée sans réponse, car ses deux tueurs n’ont jamais été retrouvés, l’assassinat n’ayant été revendiqué que par un mystérieux “groupe Delta”.

    “Ces dernières années, René devenait bavard”

    Officiellement, l’affaire a été classée sans suite, après un non-lieu. Mais un nouveau témoignage pourrait relancer l’enquête. Pour la première fois, un homme revendique cette exécution dans un livre paru en mai dernier, Le Roman vrai d’un fasciste français, du journaliste Christian Rol (éd. La Manufacture de livres). Celui-ci a recueilli les confidences de René Resciniti de Says, dit l’Elégant, militant nationaliste, avant sa mort en 2012.

    “Ces dernières années, René devenait bavard… […] Sa mort a levé le contrat moral qui nous liait, explique le journaliste Christian Rol dans son avant-propos. S’il était exclu de publier quoi que ce soit de son vivant sans son aval, en revanche, rien ne s’opposait à ce que ce récit lui survive.”

    Parmi les secrets révélés dans ce livre, celui de la mort d’Henri Curiel, militant tiers-mondiste, cofondateur du mouvement communiste au Caire avant-guerre, exilé en France. Selon le témoignage rapporté par Christian Rol, René Resciniti de Says a abattu Henri Curiel de trois balles avec un comparse avant de disparaître dans la foule et de remettre l’arme du crime (un Colt 45) à un troisième homme, le tout sur ordre de Pierre Debizet, patron du SAC, la milice du parti gaulliste.

    “Un agent de Moscou à refroidir, c’est dans le cahier des charges”

    L’attentat est revendiqué auprès de l’AFP comme suit :

    “Aujourd’hui, à 14 h, l’agent du KGB, Henri Curiel, militant de la cause arabe, traître à la France qui l’a adopté, a cessé définitivement ses activités. Il a été exécuté en souvenir de tous nos morts. Lors de notre dernière opération, nous avions averti. Delta”.

    Dans Le Roman vrai d’un fasciste français, René Resciniti de Says assume son acte de manière totalement décomplexée :

    “A l’époque, c’est la guerre froide. Curiel nous est présenté comme le super-agent  de la subversion – même si à l’époque il n’avait aucune activité contre la France. Nous, on ne se pose pas de questions: un agent de Moscou à refroidir, qui plus est traître à la France en Algérie, c’est dans le cahier des charges.”

    Christian Rol reconnaît les limites de l’exercice qui consiste à rapporter ce témoignage, alors que le protagoniste est décédé : comment en vérifier la véracité ? Mais il affirme que celui-ci ne relève pas du délire mythomane, et précise même qu’il y a des acteurs toujours vivants de cette histoire : “Les protagonistes supposés de cette affaire, des amis de certains de mes amis, ne sauraient, évidemment, être cités sous leurs vrais noms… et encore moins être entendus. On ne plaisante pas avec ces gens-là…”

    “Des bouches pourraient s’ouvrir”

    Pour Me William Bourdon, avocat de la famille d’Henri Curiel, contacté par Les Inrocks, ce témoignage est susceptible de relancer l’enquête : “Il est essentiel : c’est la première fois que quelqu’un s’auto-désigne comme un des auteurs du crime, même si c’est post-mortem. On sait qu’il y a au moins deux auteurs, mais un crime politique comme celui-ci implique une organisation. Il est de bon sens de dire que si un des auteurs est décédé, ce n’est pas forcément le cas de ses complices.”

    Pour l’avocat, la plainte avec constitution de partie civile qui a été déposée auprès du doyen du juge d’instruction du Tribunal de grande instance de Paris devrait conduire à la désignation d’un juge, ce qui n’avait pas été le cas précédemment car personne n’avait été identifié. 28/10/2015 | 11h34

    http://www.lesinrocks.com/lenquete-sur-lassassinat-du-militant-communiste-henri-curiel

    Lire aussi:

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Curiel

  • 1965 : Mehdi Ben Barka est enlevé et assassiné (Alternative Libertaire)

    Le 29 octobre 1965, Mehdi Ben Barka, considéré par le général Juin comme « le plus dangereux adversaire de la présence française au Maroc » est enlevé par deux policiers français devant la brasserie Lipp à Paris. La découverte de toute la vérité sur la disparition et l’assassinat de ce militant anticolonialiste se heurte toujours aujourd’hui à la raison d’État.

    Mehdi Ben Barka est né à Rabat en 1920. Son histoire est fortement marquée par ces années du XXe siècle où les peuples colonisés luttent pour leur indépendance politique mais aussi pour la fin de la tutelle des ex-puissances coloniales, avec en perspective leur développement économique, social et culturel ; cela amène à préparer les nécessaires ruptures avec le système capitaliste qui est au cœur du colonialisme, mais aussi à repenser les rapports avec les États dits « socialistes ». Il ne se revendiquait nullement du mouvement libertaire mais de l’héritage socialiste, à travers la construction d’une force révolutionnaire clairement ancrée dans la lutte des classes et articulée avec les luttes pour l’émancipation des peuples.

    Du colonialisme au néocolonialisme

    Dès l’âge de 14 ans, Mehdi Ben Barka rejoint le Comité d’action marocaine qui deviendra ensuite le Parti national avant de se renommer parti de l’Istiqlal, c’est-à-dire parti de l’Indépendance. Étudiant, il milite à l’Association des étudiants nord-africains, dont il devient le président. Il fait partie des signataires du Manifeste de l’indépendance, rendu public le 11 janvier 1944 ; il en est d’ailleurs le plus jeune signataire. Il est alors emprisonné, comme les autres responsables du mouvement, puis sera licencié de son poste d’enseignant. A sa sortie de prison, il redynamise l’activité du parti de l’Istiqlal, dont il est devenu le secrétaire administratif. Il est dans le collimateur des dirigeants de l’État colonial et du Protectorat [1]. Déporté en mars 1951 au sud de l’Atlas, il est libéré en octobre 1954. Mehdi Ben Barka a joué un rôle majeur dans le mouvement qui aboutit à l’indépendance du Maroc, concédée officiellement à compter du 2 mars 1956.

    Quelques années plus tard, il analysera de manière critique les conditions dans lesquelles cette indépendance fut obtenue : « C’est au bout de cette évolution qui a mis objectivement à l’ordre du jour le rôle et les objectifs des masses laborieuses citadines, la nécessité de leur liaison avec les masses paysannes, le problème de la violence, non dans un cadre étroit, mais dans une perspective anti colonialiste de plus en plus large, qu’est intervenu le compromis d’Aix-les-Bains […] Pourquoi le mouvement de libération nationale n’avait pas compris, et fait comprendre, aux militants la raison fondamentale, les problèmes essentiels de l’exploitation coloniale, et par conséquent les exigences d’une réelle libération ? [ … ] L’histoire nous avait donné tous les moyens de faire le travail de clarification que nous devions faire en tant que révolutionnaires. Le compromis que nous avions passé avec le colonialisme, l’avons-nous présenté comme un compromis ? C’est-à-dire un accord par lequel nous avions à la fois gagné et momentanément perdu. »  [2]

    Son activité militante ne s’arrête pas à l’indépendance et en 1959 il fait partie des fondateurs de l’Union nationale des forces populaires qui s’affirme « progressiste et révolutionnaire ». Forcé à l’exil et à la clandestinité en juillet 1963, il est condamné à mort par contumace, à deux reprises, par le tribunal militaire royal.

    La tricontinentale

    Outre la dénonciation du régime d’Hassan II et la popularisation à l’extérieur du pays des luttes menées au Maroc, Mehdi Ben Barka agit aussi au plan international, notamment en préparant la conférence de la Tricontinentale [3] , qui doit avoir lieu à La Havane en janvier 1966, dont l’ambition était de réunir les représentants et représentantes des peuples Afrique, d’Asie et d’Amérique latine confrontés à l’impérialisme.

    Quatre points sont à l’ordre du jour [4]  : – Lutte contre l’impérialisme, le colonialisme et le néo-colonialisme. – « Points chauds » de la lutte anti-impérialiste à travers les trois continents, particulièrement au Vietnam, à Saint-Domingue, au Congo, dans les colonies portugaises, en Rhodésie du Sud, en Palestine et dans le Sud-Arabique. – Solidarité anti-impérialiste parmi les peuples africains, asiatiques et latino-américains dans les domaines économique, social et culturel. – Unification politique et organique des efforts des peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine dans leur lutte commune pour la libération et l’édification nationales.

    Même si les « régimes amis » (URSS, Chine…) ne permirent pas au mouvement de se développer de manière autonome, l’ordre du jour de cette conférence Tricontinentale montre comment les autorités de nombreux pays pouvaient s’inquiéter de sa tenue et se satisfaire de la disparition de son principal promoteur.

    Ben Barka, chargé de la préparation politique et matérielle de cette conférence, devait rencontrer un producteur et un réalisateur d’un film qui devait s’intituler Basta et qui devait être projeté à l’ouverture de la Conférence.

    L’enlèvement

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    Mehdi Ben Barka, « ce mort aura la vie dure, ce mort aura le dernier mot » (Daniel Guérin)

    Si ce sont bien deux policiers français, Louis Souchon et Roger Voitot, qui enlèvent Mehdi Ben Barka le 29 octobre, il est tout de suite emmené dans la maison d’un truand français, Georges Boucheseiche, à Fontenay-le-Vicomte. Celui-ci s’envole pour le Maroc le 1er novembre et y restera jusqu’à sa mort en 1972. Le prétendu producteur, George Figon, qui avait attiré Ben Barka au rendez-vous, se « suicide » le 17 janvier 1966.

    L’enquête de deux journalistes d’investigation du quotidien israélien Yediot Aharonot publiée en mars 2015 apporte d’implacables précisions sur ce que l’on soupçonnait déjà très fortement, à savoir l’implication directe du Mossad israélien. Au début des années 1960, les services de renseignements israéliens installent, en échange d’une coopération active dans l’élimination du FLN algérien, une base à Paris pour y planifier leurs opérations en Europe. Israël considérait ses relations avec le Maroc comme stratégiques et les deux pays avaient réussi à se trouver des intérêts communs. Le roi Hassan II facilite l’émigration des juifs marocains vers Israël en échange ­d’une aide technologique et de la formation des militaires marocains. En septembre 1965 ce deal permet à des agents du Mossad d’obtenir des informations capitales sur le sommet de la Ligue arabe qui se tient alors à Casablanca. C’est d’ailleurs en partie sur la foi de ces informations que l’armée israélienne recommanda au gouvernement de Levi Eshkol de lancer ce qui deviendra la guerre des Six-Jours en 1967.

    Israël est alors redevable d’une dette envers le Maroc, qui exige, en dédommagement de cette collaboration, la tête de Ben Barka. C’est ainsi que le Mossad réussit à localiser Ben Barka à Genève, au kiosque où il relevait son courrier. L’opération sera menée par les services marocains avec l’assistance technique du Mossad (fourniture de voitures et des passeports aux marocains et français impliqués dans l’affaire pour qu’ils puissent rapidement s’enfuir). C’est également le Mossad qui met au point l’embuscade de la réalisation d’un documentaire pour attirer Ben Barka à Paris.

    Ben Barka est séquestré et torturé, probablement à mort, à coups de brûlures de cigarettes, d’électrochocs et de simulations de noyade. Les services de renseignements israéliens font ensuite disparaître le corps, dissous à l’acide à l’aide de produits chimiques achetés dans plusieurs pharmacies, puis enterré en pleine nuit dans la forêt de Saint-Germain.

    Combat pour la vérité

    Ce fut un des nombreux combats menés par Daniel Guérin [5] . Une quête de la vérité, mais dans quels buts ? Béchir Ben Barka l’explique dans l’entretien de 1995 : « Ce qui nous poussait, qui poussait Daniel, c’était ce désir de justice mais pas uniquement la justice pour la justice. Ce qui le poussait à travers cette recherche de la vérité, outre cet acharnement à dévoiler toutes les responsabilités, c’était, je crois, la volonté de rester fidèle à un certain idéal et de rendre hommage à celui qui, pour beaucoup de peuples du tiers-monde, le représentait par son engagement ».

    Depuis cinquante ans, l’obstruction d’État est totale. Déjà en décembre 1981, Daniel Guérin concluait son livre par cette phrase : « Bachir [Ben Barka] a formulé le souhait que le changement politique, issu de l’élection présidentielle du 10 mai 1981, permette enfin de découvrir toute la vérité sur le meurtre de son père. » Trente-quatre ans plus tard, nous savons qu’il n’en est rien : Mitterrand ou Hollande n’ont rien fait de plus que Chirac ou Sarkozy. De Fabius à Buffet en passant par Duflot ou Mélenchon et bien d’autres, les ministres socialistes, communistes et écologistes ont défilé dans les ministères, pas un et pas une n’a dénoncé publiquement la scandaleuse chape de plomb maintenue sur cette « affaire d’État(s) » dont ils et elles sont ainsi devenu-e-s complices. Comble du ridicule, en 2014 puis en 2015 c’est l’avocat de la famille Ben Barka qui est traîné devant les tribunaux pour une pseudo « violation du secret de l’instruction ». La plainte émanait de l’une des personnes visées par les mandats d’arrêt internationaux [6] non suivis d’effet depuis des années.

    Relancer l’affaire

    Un nouveau Comité pour la vérité dans l’enlèvement et la disparition de Mehdi Ben Barka a été formé. Comme le rappelle son manifeste, il y a urgence à relancer l’affaire car « aussi bien du côté marocain que sans doute du côté français, des témoins en possession d’une part de vérité sont encore en vie, les archives pouvant apporter des réponses doivent encore exister, en particulier celles de la CIA. » La Commission rogatoire internationale adressée au Maroc depuis septembre 2003, renouvelée au printemps 2005, n’a toujours pas été exécutée et les autorités politiques françaises refusent la levée du secret-défense sur la totalité des documents relatifs à l’affaire.

    Notre courant communiste libertaire est particulièrement attaché à cette lutte, notamment de par l’important rôle joué durant des années par notre camarade Daniel Guérin ; celui-ci a laissé, sur ce sujet comme sur bien d’autres thèmes, un héritage politique qui est une des références sur lesquelles se fonde l’activité d’Alternative libertaire. C’est dans ce prolongement que nous soutenons le Comité nouvellement reconstitué.

    Gisèle (AL Paris Nord Est) et Christian (AL Transcom)


    MEDHI BEN BARKA, MON PÈRE...

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    Bechir Ben Barka

    Bechir Ben Barka est le fils de Medhi Ben Barka. Il anime le Comité pour la vérité sur l’affaire Ben Barka. Dans cet entretien, réalisé en 1995, il résume les raisons qui ont amené à la mort de son père  [7].

    Medhi Ben Barka, mon père, a été interpellé devant la brasserie Lipp, le 29 octobre 1965, par deux policiers français. Il les a suivis puisqu’ils lui ont montré leurs cartes et, confiant, il est monté avec eux dans la voiture de service. Outre les deux policiers, un agent des services secrets français et un truand ont pris place dans la voiture qui les a menés à Fontenay-le-Vicomte dans la maison du truand. Mon père est entré dans la maison et après on ne sait plus ce qui s’est passé. On suppose qu’il a été assassiné mais on ne sait pas de quelle manière et on n’a jamais retrouvé son corps. [...] Il va y avoir une convergence d’intérêts pour mettre fin aux activités de mon père. Cette convergence va se remarquer parmi les protagonistes de l’affaire. En premier lieu, le ministre marocain de l’Intérieur, un agent des services français, des truands chargés de faire le sale boulot, des agents des services secrets américains et israéliens. […]

    Il y avait eu deux procès en 1966 et 1967 où les ravisseurs de mon père ont été jugés mais on n’a jamais pu répondre aux questions de fond car on s’est heurté à la raison d’État. En 1975, nous déposons une seconde plainte pour l’assassinat de mon père pour éviter que l’affaire soit définitivement close par prescription. Daniel Guérin avait découvert un élément nouveau. En 1966, lors de la première enquête, le soi-disant producteur de films était recherché par la police française et au moment où il allait être arrêté, il s’est "suicidé" de deux balles dans le dos. Dans sa mallette, on a retrouvé un questionnaire de type policier, destiné à l’interrogatoire de mon père. Et puis personne n’y a fait attention. Toujours est-il qu’en 1970 un deuxième questionnaire a été retrouvé mais avec des commentaires manuscrits. C’est Daniel Guérin qui a conclu que le scripteur n’était autre qu’un certain Pierre Lemarchand, ancien député gaulliste et un des anciens chefs des barbouzes. Malgré les promesses d’apporter dans les plus brefs délais les preuves de son innocence en justice, cette dernière n’a pas cru bon de le reconvoquer jusqu’à aujourd’hui.

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    Cabu dessine le procès de l’enlèvement de Ben Barka en octobre 1966 pour le Figaro. « Les fonctionnaires du SDECE, MM. Klein et Como, tels que le président Pérez a pu les voir. On reconnait à gauche les accusés et leurs avocats ; à droite la partie civile. »

    Deuxième blocage, celui du Sdece [8] qui se retranche derrière le secret-défense et refuse de fournir ses dossiers. Après l’élection de Mitterrand, Pierre Mauroy a ordonné aux services secrets d’ouvrir les dossiers. Mais ces derniers n’ont fourni que des éléments dont nous avions déjà connaissance. Vingt à trente ans après l’enlèvement de mon père, il n’y avait toujours pas une volonté politique de faire aboutir la vérité. Je dirais même qu’il y avait une volonté politique de ne pas faire apparaître la vérité. […]

     

    [1] Le Protectorat était alors le régime politique du Maroc ; l’État colonial français appliquait ce même régime à la Tunisie et aux pays de l’Indochine (Annam, Cambodge, Laos, Tonkin). Des « possessions » aux « départements », en passant par les « protectorats » ou les « territoires », le colonialisme n’est pas avare de mots pour maintenir sa domination.

     

    [2] Mehdi Ben Barka, Opinion révolutionnaire au Maroc ; cité par Bachir Ben Barka (« Mehdi Ben Barka, ou la politique du vrai »)

     

    [3] Mehdi Ben Barka était le président du Comité international préparatoire de cette conférence Tricontinentale.

     

    [4] Brieux Jean-Jacques, La « Tricontinentale », in Politique étrangère, n°1 - 1966 - 31 année. pp. 19-43.

     

    [5] Daniel Guérin, Ben Barka et ses assassins, 16 ans d’enquête, Plon, 1982.

     

    [6] Miloud Tounsi a été visé par un mandat d’arrêt international en 2007 dans le cadre de l’enlèvement de Mehdi Ben Barka. Les quatre autres personnes sont le général Hosni Benslimane, chef de la gendarmerie royale marocaine, Abdelkader Kadiri, ancien patron de la Direction générale des études et de la documentation (renseignements militaires), Boubker Hassouni, infirmier et agent du Cab 1, une des unités des services marocains ultrasecrètes, et Abdelhaq Achaachi, également agent du Cab 1 (informations de l’Association de défense des droits de l’Homme au Maroc).

     

    [7] L’entretien entier est disponible sur : www.danielguerin.info

     

    [8] Service de documentation extérieure et de contre-espionnage, renommé Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) en 1982.

    http://alternativelibertaire.org/?1965-Mehdi-Ben-Barka-est-enleve-et

  • La faute aux Palestiniens (CCR)

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    Quand Netanyahou dédouane Hitler de sa responsabilité dans la Shoah

    Dans son discours devant l’Assemblée du 37ème Congrès Sioniste, Netanyahou a réécrit l’histoire. Selon lui, Hitler ne voulait pas de l’extermination des juifs avant sa rencontre avec le mufti palestinien al-Husseini, qui l’aurait convaincu de « brûler les juifs », et donc inspiré la « solution finale »…
    Retour sur un révisionnisme utile au colon israélien.

    Pour l’augmentation de sa politique coloniale, raciste, de nettoyage ethnique, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou doit trouver des justifications théoriques, en puisant toujours plus loin dans le révisionnisme. D’abord, cet arrangement avec l’histoire est une outrance, et en quelque sorte une démonstration de la force et de l’impunité dont dispose le membre du Likoud. Celui-ci peut se permettre d’expliquer que le mufti de Jérusalem a conseillé à Hitler la solution des chambres à gaz, qui au départ ne voulait pas exterminer les juifs mais seulement les déporter. Ce n’est pas ce qui empêche Merkel de le recevoir juste après ses propos : celle-ci s’étant contentée de les nuancer quant à la responsabilité des nazis dans l’extermination de six millions de juifs.

    Ces propos ont néanmoins provoqué des réactions. De nombreux historiens ont pointé le mensonge évident que constituait cette version des faits. Il est connu qu’Hitler évoquait déjà « l’extermination de la race juive » à son discours du 30 janvier 1939 devant le Reichstag, que de nombreux juifs avaient déjà été exécutés avant novembre 41 (les 30.000 de Babi Yar en Ukraine par exemple), et que les tests de gazage avaient commencé en octobre 41, avant donc la rencontre Husseini-Hitler, qui aurait déterminé un changement dans la politique nazie selon Netanyahu.

    Cette théorie, s’appuyant sur les thèses du négationniste David Irving, tend à placer le mufti Haj Amin al-Husseini comme le précurseur, le principal responsable de la Shoah. S’il est établi que ce nationaliste palestinien était un antisémite extrême, effectivement partisan de la « solution finale » et qui recrutait des arabes pour les SS, il est considéré plutôt comme un « poids plume », mendiant l’aide d’Hitler pour débarrasser la Palestine du mandat britannique et empêcher la venue de juifs. Inverser les rôles relève de la même logique que les révisionnistes Soral et Dieudonné quand ils inversent les rôles dans le rapport entre Israël et Etats-Unis.Cela permet aussi de passer sous silence le rôle de certains grands patrons américains dans la diffusion des idées antisémites, comme Henry Ford, auteur du torchon antisémite Le Juif International au début des années 1920, et inspirateur d’Adolf Hitler pour le sociologue Michael Löwy.

    De même qu’il ne s’agit pas de nier qui était le réactionnaire mufti Husseini, nous ne nions pas non plus la présence de courants antisémites dans la culture arabe, plus ou moins importante selon les époques. Dans son livre « Les arabes et la Shoah », Gilbert Achcar examine les différents courants et idéologies qui ont traversé le « monde arabe », nuançant par le même coup les visions essentialistes de l’Orientalisme qui homogénéisent à outrance ce « monde arabe ». Cette étude minutieuse permet d’invalider la tendance à assimiler les « arabes » à l’antisémitisme, ce qui est un des piliers de l’argumentation israélienne pour justifier sa colonisation militaire : les palestiniens, les arabes, voudraient « l’anéantissement physique » des juifs et de leur Etat [1].

    Face au révisionnisme du Likoud, ou aux explications bourgeoises de la Shoah, nous réaffirmons que c’est bien le capital allemand qui est responsable, en ayant mis Hitler au pouvoir, avec l’assentiment des puissances impérialistes satisfaites de la solution trouvée pour écraser les organisations de la classe ouvrière dans les années 30. Ce sont ces mêmes puissances qui ont ensuite mis en place une politique coloniale après 47, avec la création de l’Etat d’Israël, en se servant justement de la Shoah pour justifier cette politique… Publié le 22 octobre 2015 G.Gorritxo

    [1] : pour approfondir cet aspect, nous conseillons les intéressantes notes de Julien Salingue sur le livre de G.Achcar : http://www.juliensalingue.fr/article-note-sur-les-arabes-et-la-shoah-de-gilbert-achcar-52285544.html

  • Aux lendemains des événements du 17 octobre 1961, El Moudjahid publie un article virulent (Babzman)

    octobre

    Dans son numéro du 1er novembre 1961, El Moudjahid ouvre ses pages sur les terribles massacres perpétrés dans les rues de Paris, durant les journées du 17 et 18 octobre précédentes. A commencer par le texte d’une déclaration faite par Benyoucef Benkhedda, au nom du GPRA, lors d’un discours prononcé à Tunis le 24 du même mois. S’ensuit un long plaidoyer sur les violences que subissent les Algériens de l’immigration depuis le début de la guerre. Cet article que Babzman vous propose dans son intégralité, est intitulé « La politique du crime ». Il n’est pas signé, comme la quasi totalité des articles d’El Moudjahid de l’époque, mais nous pouvons supposer qu’il s’agit d’une grande figure qui prêtait sa plume à cet organe. L’article est accompagné de la photographie d’un Algérien torturé en France.

    La politique du crime

    Depuis le début de la guerre d’Algérie, les Algériens résidant en France n’ont pas échappé aux mesures répressives qui frappent sans discernement l’ensemble du peuple algérien. Les brimades, les vexations et les humiliations de toutes sortes ont été le lot quotidien de l’émigration algérienne. Les méthodes policières qui ont été sadiquement mises au point en Algérie dans les cillas Susini et autres officines des parachutistes, gagnaient peu à peu les locaux de la DST et les commissariats de police en France. Perquisitions, arrestations arbitraires, tortures deviennent chaque jour davantage les moyens de choix des autorités françaises dans leur tentative de briser la volonté irréductible de l’émigration algérienne dans sa lutte inflexible pour défendre ses droits à la liberté et à la dignité et pour la réalisation d’un des objectifs politiques sacrés du peuple algérien : l’indépendance nationale.

    La violence et le droit

    Des millions d’Algériens ont fait le dur apprentissage de la résistance dans les geôles  colonialistes de France. Nombre d’entre eux ont connu dans leur chair et dans leur âme les affres de la torture.

    Depuis 1956, les familles algériennes entassées dans les bidonvilles de Nanterre et e Gennevilliers vivent dans un climat d’insécurité permanente à la merci des policiers et CRS qui organisent des ratissages périodiques avec une brutalité sans pareil.

    Cette terreur policière est loin de venir à bout de la détermination de nos compatriotes en France. Elle n’a fait que renforcer  leur combativité au sein du Front de Libération Nationale qui s’est imposé comme creuset où sont venues se fondre les forces vives de toutes l’émigration algérienne.

    Une lutte héroïque s’engagea alors sur le sol même de l’adversaire et les patriotes algériens ont apporté leur précieuse contribution au renforcement du combat libérateur.

    Dans son désarroi, le gouvernement français développe son système répressif. Les prisons étant insuffisantes pour contenir les dizaines de milliers de militants arrêtés, il a fallu ouvrir de véritables camps de concentration en France même : Larzac, Thol, Mourmelon, Neuville-sur-Ain.

    Parallèlement à ces mesures d’inspiration nazie, une vaste campagne d’intoxication est déclenchée au sein de la population française par le gouvernement français et ses émules ultra-colonialistes et fascistes.

    Colonialisme et fascisme

    Pour justifier une guerre d’extermination coloniale sans issue les gouvernements français successifs ont cultivé le mythe de la grandeur de l’Empire français et ont par là même favorisé le déferlement absurde des idées chauvines et racistes qui sont à l’origine du fascisme.

    Cet état d’esprit qui s’est progressivement développé en France atteignait insidieusement certaines couches de la Gauche française elle-même dont elle a paralysé pendant longtemps les traditionnels réflexes de défense des valeurs fondamentales de démocratie et de liberté.

    Les explosions racistes survenus dernièrement à Metz où les parachutistes sous l’œil complaisant de la population civile, se sont livrés à d’odieux lynchages donnent une idée de la situation dramatique des Algériens en France.

    Par des mesures coécrives et arbitraires le gouvernement français a cru trouver les moyens susceptibles de masquer son refus de s’engager dans la voie d’une solution négociée de la guerre d’Algérie. C’est là la véritable solution capable de résoudre tous les problèmes y compris celui des Algériens de France.

    Jusqu’à présent, le gouvernement français s’est acharné à noyer dans le sang la lutte juste d’un peuple pour sa libération. Au lieu de s’engager dans une décolonisation effective, le gouvernement français donne des dimensions gigantesques à la répression. Dans la logique belliqueuse, il a généralisé ses méthodes de génocide et les applique dans toute leur sauvagerie, en France même.

    L’ère du racisme

    Le gouvernement français en instaurant le 5 octobre 1961 couvre-feu pour les Algériens de la région parisienne a érigé en système de la discrimination raciale.

    Par l’extrême gravité de ces décisions les autorités françaises ont ouvert la porte à tous les excès et ont donné la possibilité et les moyens légaux à tous les courants racistes et fascistes de donner libre cours à leur fureur haineuse et à faire le jeu de ceux qui veulent approfondir le fossé qui sépare Algériens et Français.

    Refusant de s’incliner devant ces mesures scélérates et pour attirer l’attention de l’opinion public française et internationale, les Algériens ont décidé, sous l’égide du FLN de manifester pacifiquement, dans l’ordre et la discipline. Des dizaines de milliers de travailleurs, d’étudiants, de femmes et d’enfants algériens sont descendus dans les rues de Paris pour crier leur indignation contre les mesures d’exception à caractère racial qui les frappent.

    Le vrai visage de la police et des forces de la répression est apparu dans toute sa hideur au service d’un système où le lynchage devient légal, la violence et la brutalité de règle.

    Les événements qui viennent de se dérouler dans la région parisienne donne une image de ce qu’est la guerre d’Algérie et des exactions que subit quotidiennement le peuple algérien depuis sept longues années de guerre.

    Ce déferlement de fureur aveugle contre des manifestants désarmés n’est-il pas le signe éclatant de la faillite totale du colonialisme et l’expression évidente des soubresauts de son agonie ?

    Aux yeux du monde entier, ces tragiques événements illustrent une fois de plus le génocide perpétré par le colonialisme français contre le peuple algérien.

    Alors que des perspectives de négociation commencent enfin à apparaître, les chances risquent d’être sérieusement compromises. Et c’est le gouvernement français qui portera la lourde responsabilité de tels agissements.

    On a toujours affirmé que le colonialisme et ses méthodes sont les meilleurs fourniers du fascisme. L’expérience que vit actuellement la France en est la meilleure preuve. Au fur et à mesure que s’intensifient la guerre d’Algérie et la répression colonialiste, le fascisme s’implante de plus en plus solidement en France. Les institutions républicaines sont minées, les dernières libertés démocratiques menacées.

    Certains Français conscients ont compris cette vérité essentielle. Malgré les débordements racistes d’une fraction de la population française, il s’est trouvé cependant des voix pour s’élever avec vigueur et protester  contre la politique du pire. Un grand nombre d’organisations démocratiques ont pris clairement position contre les violences policières et le racisme. Elles sont sorties du cadre habituel des protestations purement formelles pour entreprendre des actions concrètes afin de mettre un terme à ces mesures d’exception et à ce règne de terreur raciste.

    Les manifestations organisées par l’UNEF, la déclaration des intellectuels français, les pétitions des ouvriers donnent un souffle nouveau à l’action anticolonialiste. Cette prise de conscience laisse espérer un engagement plus positif du peuple français pour faire prévaloir la seule solution susceptible de mettre fin à la guerre d’Algérie, celle d’une négociation immédiate avec le GPRA, car cette lutte sur la paix qui s’impose aujourd’hui plus impérieuse que jamais, sert non seulement les intérêts véritables des peuples algériens et français, mais elle est aussi le moyen le plus sûr de briser la marée fasciste qui déferle sur la France.

    Quant au peuple algérien, convaincu de l’issue victorieuse de son combat, tout en réaffirmant son désir de parvenir à une solution juste et rapide, par al voie de la négociation, demeure farouchement résolu à poursuivre la lutte jusqu’à la liquidation totale du colonialisme.

    In El Moudjahid N° 86, du 1er novembre 1961

    http://www.babzman.com/aux-lendemains-des-evenements-du-17-octobre-1961-el-moudjahid-publie-un-article-virulent/

  • Massacre du 17 octobre 1961 : le crime d’Etat d’une métropole coloniale (NPA)

    Mardi 17 octobre 1961. Paris. Au petit matin. Les hommes de Maurice Papon, préfet de police de Paris, se tiennent prêts, plus que jamais, à dégainer la flingue et la matraque. Ce jour là, les algériens de métropole, pour la plupart concentrés dans les usines parisiennes s’apprêtent à manifester pour la première fois dans les rues de la capitale. Manifestation préparée en secret, contre le couvre-feu raciste décrété à l’encontre des nord-africains. A l’appel du FLN, ils vont affronter, de manière massive et pacifique, les escadrons de la police française, pour revendiquer leur droit à l’indépendance de leur territoire national, l’Algérie encore maintenue sous domination coloniale française. Véritable massacre, dénié par l’histoire officielle, censuré au point d’être maintenu dans l’oubli durant de longues années, la répression de masse qui s’abat sur les manifestants ce jour-là est d’une rare violenc

    La manifestation du 17 octobre 1961 est le pendant métropolitain de la guerre d’Algérie et l’expression de toute la violence de l’Etat français pour maintenir sa domination raciste et impérialiste. Son chef d’orchestre : Maurice Papon, ancien secrétaire général de la préfecture de la Gironde sous le gouvernement de Vichy, collaborationniste et organisateur de rafles de juifs. Il a été choisi pour l’occasion. Reconnu pour son « efficacité », on sait, au sein de l’appareil d’Etat, et au premier chef de Gaulle qui l’a nommé à son poste, qu’il ne fait pas dans la dentelle quand il s’agit d’exécuter les ordres.

    Depuis août 1961 déjà, la répression s’intensifiait à l’encontre des algériens, et de quiconque, tunisien, portugais, marocain, italien, a la peau plus foncée et le cheveu brun et bouclé. Plus forts que jamais étaient les rafles, les chiens, les coups, les « ratonnades » comme les porteurs de matraques aiment à les appeler… Le FLN décide fin août de reprendre sa campagne d’attentats en métropole, abandonnée pourtant depuis plusieurs semaines à cause des négociations entre le gouvernement français et le gouvernement provisoire d’Algérie. Arrestations, contrôles arbitraires, descentes dans les lieux de vie des populations maghrébines et rafles n’ont jamais été aussi systématiques. L’offensive policière prend place dans les rues, les bus et le métro parisien. Pour Papon, « pour un coup rendu, nous en porterons dix ». Le quartier de la Goutte d’Or dans le 18ème arrondissement est particulièrement visé. En septembre, les noyés. Chaque jour ou presque. Latia Younes, Salat Belkacem, Ouiche Mohammed, Mohammed Alhafnaouissi, et bien d’autres encore dont certains ne seront jamais identifiés. A partir du 2 octobre, un couvre-feu anti-arabe est installé : qui l’enfreint risque une mort certaine. C’est la stratégie de la tension qui est choisie par De Gaulle et son fidèle premier ministre, Michel Debré, partisan de l’Algérie française, qui compte ne rien perdre du rapport de force et profite de la répression pour maintenir au sein du territoire français la région du Sahara, zone qui révèlera par la suite ses denrées pétrolifères.

    Dans ce contexte là, la résistance des algériens de métropoles s’organise, mais avec un changement de stratégie. Face à la répression, il faut s’unir. Les algériens, encadrés par le puissant appareil du FLN choisiront la manifestation et la démonstration de force par le nombre. Celle-ci vise l’opinion publique. Les consignes sont de ne céder à aucune provocation et à aucune violence. Trois itinéraires sont choisis et le mot s’est répandu parmi la population algérienne. Aux portes de Paris, aux stations Etoile, Opéra, Concorde, Grands Boulevards, les manifestants sont systématiquement matraqués jusqu’à ce qu’ils s’effondrent. Sur le boulevard Bonne-nouvelle, au pont de Neuilly, au Pont-Neuf d’Argenteuil et ailleurs, la police tirent sur les manifestants. Sur le Pont saint Michel, des hommes sont jetés à la Seine.

    Ce jour là, plus de 10 000 algériens sont interpellés et internés au Palais des Sports, au Parc des expositions, au Stade de Coubertin, au centre d’Identification de Vincennes pendant près de 4 jours. Les autorités françaises qui s’en tiennent à la version d’un échange de tirs entre policiers et manifestants déplorent 3 morts. Pour le FLN, ils seraient plusieurs centaines à être décédés sous les coups de la police française aux ordres du criminel Maurice Papon, pour avoir osé crier et revendiquer le droit à l’égalité, à l’auto-détermination et à la dignité.

    « Liberté, Egalite, fraternité » répètent en boucle depuis ces sombres temps présidents et gouvernants, y compris ceux qui se satisfont encore aujourd’hui des « bienfaits du colonialisme ». Mais qui est encore dupe ? Nous n’oublierons jamais Malik Oussekine assassiné par les voltigeurs de Pasqua en 1985. En février 2005 la droite fit même passer à l’assemblée une loi insistant sur la nécessité de mettre en valeur « l’aspect positif de la colonisation » dans les livres d’histoire. Avec le temps, rien n’a changé. Aujourd’hui encore la justice donne toute l’impunité à ses policiers : elle a refusé il y a peu de reconnaitre la qualité de meurtre à la mort en 2005 de Zyed et Bouna, il y a 10 ans. Malgré les 54 ans qui nous séparent de ce véritable pogrom orchestré par l’Etat français à l’encontre de la population algérienne en métropole, il y a toujours des voix au sein de la classe politique pour contester la nature des faits. Ainsi, en 2012 où pour la première fois le massacre a été reconnu, quoique bien du bout des lèvres, par l’Etat français en la personne de François Hollande, les Gaino et Sarkozy refusaient « l’engrenage de la repentance ». Ce discours n’exprimait par seulement la crainte de voir les deniers publics ailler à l’indemnisation des familles des victimes, mais surtout de voir s’affirmer lecaractère raciste de la République française, aujourd’hui comme fauteuse d’oppression et de domination des autres peuples, d’Afrique tout particulièrement, qu’elle continue de rançonner ou d’agresser militairement, quand ils ne sont pas gouvernés par des dictateurs à sa botte.

    A l’heure de la chasse aux rroms et aux migrants, d’un racisme d’Etat dorénavant justifié par la « guerre au terrorisme », ce massacre doit être encore et toujours rappelé et condamné, et ce samedi 17 octobre 2015, l’occasion de se rassembler pour cela. A Paris, ce sera à 17h30 au Pont Saint-Michel.

    Yano Lesage

    https://www.npa2009.org/evenement/rassemblement-17-octobre-1961-17-octobre-2015

  • M. Harbi, un combattant de la démocratie et de l’autogestion (Tendance Claire)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Mohammed Harbi   est  né en 1933 à El Harrouch (Skikda).

    Il s’engage dès l’âge de 15 ans dans le combat contre le colonalisme et pour l’indépendance de l’Algérie. D’abord au PPA-MTLD, il est un responsable de l’organisation des étudiants nord-africains en France, puis membre de la direction de la Fédération de France du FLN où il s’occupe de la presse et de l’information.  

    C’est en France qu’il a l’occasion de rencontrer des militants ouvriers et intellectuels comme Daniel Guérin (qui dans Ci-git le colonialisme confirme que Mohammed Harbi est le rédacteur du texte de la Fédération de France sur le FLN, « le PCF et la question algérienne » paru dans Quatrième internationale en 1958).

    Il participe aux premières négociations d’Evian et, après l’indépendance, conseiller de la présidence sous Ben Bella. Dans Une vie debout, il retrace cet itinéraire, jusqu’en 1962 pour le premier volume (le deuxième est en chantier). Après l’indépendance il s’affirme comme un des penseurs et praticiens de l’autogestion, qui se heurte à une bonne part de l’appareil politico-administratif et militaire.

    Il participe à la rédaction du programme de Tripoli, dirige le journal Révolution africaine, est conseiller auprès de la présidence sous Ben Bella, et plus particulièrement anime avec d’autres (dont Michel Pablo – Raptis)  le bureau national d’animation du secteur socialiste.

    Arrêté en 1965 au moment du coup d’Etat de Boumedienne, il est emprisonné, puis placé en résidence surveillée. Il s’évade en 1973 (Ben Bella restera en prison jusqu’en 1980). Avec Hocine Zaouane, libéré au même moment,  il portait le projet de constitution d’une gauche du FLN. Ils sont enfin libres de s’exprimer en public, et ils annoncent leur programme depuis Rome.

    C’est en exil en France que Mohammed Harbi reprend des études d’histoire et langues orientales et devient l’un des principaux historiens de l’Algérie contemporaine s’appuyant sur une approche sociologique des groupes sociaux et des classes, des pratiques qui lui permet de saisir les obstacles concrètement dressés face aux dynamiques autogestionnaires.

    Mais ses recherches ne l’ont pas retiré des combats pour la démocratie.  Pour reprendre l’expression de Paul Bouchet  sur  ce type d’acteurs de l’histoire, Mohammed Harbi n’est pas un « ancien combattant », c’est un vieux lutteur.

    Pour aller plus loin :

    Entretien avec Mohammed Harbi sur TV5 (29 décembre 2009) ;

    Colloque international sur Messali HadjTlemcen : 16 –18 septembre 2011. Partie 3, , intervention Mohammed Harbi. http://www.youtube.com/watch?v=2uZNtqGD5B8

    Université de tous les savoirs. Bilan d’une guerre d’indépendance, 14 mars 2012.http://www.canal-u.tv/video/universite_de_tous_les_savoirs/bilan_d_une_guerre_d_independance.1268

    Mohammed Harbi. Algérie: approches historiques du FLN. D’une génération à l’autre,controverse. IREMMO, Paris. ;

    Autour de Pierre Bourdieu et de la rencontre de l’Ethnologie et de la Sociologie, Bourdieu et l’Algérie des années 60 (2011) Institut du Monde Arabe,http://www.archivesaudiovisuelles.fr/FR/_video.asp?id=108&ress=579&video=5525&format=68

    articles de presse

    « L’histoire est instrumentalisée en Algérie » Jeune Afrique, 5 juillet 2012http://www.jeuneafrique.com/Articles/Dossier/JA2686p065-067.xml0/algerie-fln-guerre-d-algerie-interviewmohammed-harbi-l-histoire-est-instrumentalisee-en-algerie.html

    L’autogestion après l’indépendance: Mohamed Harbi écorne un grand «mythe algérien» El Kadi Ihsane Publié dans Maghreb Emergent le 20 – 05 – 2011http://www.djazairess.com/fr/maghrebemergent/3437

    Algérie : un texte de Mohammed Harbi pour le colloque d’El Watan à Alger, 30 juillet 2012.http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/algerie/article/algerie-un-texte-de-mohammed-harbi

    « Mohamed Harbi et les « volte-face » de Ben Bella », par Mustapha Benfodil. jeudi, 26 mai 2011 http://www.tamurt.info/index.php?page=imprimir_articulo&id_article=1672

    portrait de Mohammed Harbi Une histoire algérienne paru dans CQFD n°82 (octobre 2010), par Anatole Istria ;

    Interview de l’historien Mohammed Harbi, Nouvel Observateur, 11 juillet 2010http://arezkimetref.blogs.nouvelobs.com/archive/2010/07/11/intrview-de-l-historien-mohammed-harbi.html

    Notes sur les écrits

    Après la réédition des Archives de la révolution algérienne. Le Matin/dz El Watan 3 janvier 2012. ;

    compte rendu de la première édition Berg Eugène. Mohammed Harbi (éd.). Les archives de la révolution algériennePolitique étrangère, 1981, vol. 46, n° 4, pp. 996-997.
    url : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342x_1981_num_46_4_3099_t1_0996_0000_3

    Une vie debout ; comptes-rendus dans Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée Ivan Jaffrin, 2005) http://remmm.revues.org/2774

    Valensi Lucette. Mohammed Harbi, Le F.L.N. Mirage et réalité. Des origines à la prise du pouvoir (1945-1962)Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 1982, vol. 37, n° 4, pp. 843-844.
    url : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1982_num_37_4_282889_t1_0843_0000_009

    Une ouverture en Algérie ? Un colloque sur Mohammed Harbi à Oran. Par Benjamin Stora,Jeune Afrique, le 17 février 2008 ;

    Eléments de bibliographie

    •  Aux origines du FLN – La scission du PPA MTLD, , Bouchene, 2003

    • Préface du livre de Sylvain Pattieu, Les camarades, des frères trotskistes et libertaires dans la guerre d’Algérie, Syllepse, 2002

    • Une vie debout – T1 Mémoires 1945-1962, La découverte, 2001

    • 1954 la guerre commence en Algérie, Complexe , 1998

    • L’Algérie et son destin – croyants ou citoyens, Arcanteres, 1992

    • L’Islamisme dans tous ses états, Arcanteres, 1991

    • Le FLN, Mirage et réalité, Jeune Afrique, 1980 et 1984

    • Archives de la révolution algérienne, Jeune Afrique, 1981.

    • avec Benjamin Stora La guerre d’Algérie – 1954-2004 La fin de l’amnésie, Robert Laffont, 2004 etLa guerre d’Algérie, Fayard 2010.

    Brève publiée le 4 octobre 2015

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