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Histoire - Page 21

  • Les Chibanis de Paris se mobilisent pour garder un toit (France Culture)

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    Cela fait 10 ou 30 ans qu'ils habitent cet hôtel meublé du Faubourg Saint-Antoine, à Paris, qui n'a plus d'hôtel que le nom et qui tombe tristement en lambeaux.

    Malgré la vétusté des lieux, l'absence d'eau chaude et les cafards sur les murs, ces vieux messieurs, immigrés venus d'Algérie et du Maroc, des "chibanis", font de la résistance pour conserver leurs chambres. Reportage d'Agathe Mahuet à découvrir dans ce journal et ci-dessous.

    Parce qu'il veut vendre, le propriétaire (la CISE, Compagnie des immeubles de la Seine) les menace d'expulsion. Eux réclament d'être relogés, décemment. Tout de même, ils n'ont pas travaillé quarante ans en France, sur les chantiers ou dans les cuisines, pour finir abandonnés sur le trottoir.

    Sur les murs de sa chambre de 9m², Smaïl Regredj a collé les photos de sa famillenombreuse, restée en Kabylie. A Tizi-Ouzou, j'ai une femme, huit enfants, et pleins de petits-enfants. Mais cela fait 47 ans que je travaille en France! Je ne peux pas retourner là-bas. Ma vie est ici, j'ai mes habitudes ici

    Smaïl espère maintenant que la ville de Paris transformera le vieil hôtel en un immeuble de logements sociaux. Le problème, comme l'explique Moncef Labidi, responsable du Café social, à Belleville, c'est que les politiques français n'ont jamais pensé que ces travailleurs immigrés solitaires envisageraient de finir leurs jours ici, en France, loin de leur femme, de leurs enfants et du pays qu'ils ont quitté il y a bien trop longtemps pour pouvoir, aujourd'hui, retourner y vivre leur retraite :

    Pour Moncef Labidi, sociologue de formation, le sentiment d'intégration des jeunes Français issus de l'immigration maghrébine serait plus fort si l'on prenait davantage soin de leurs aînés, les Chibanis. En attendant que les politiques se saisissent du dossier, Moncef et son association ont mis en place des colocations pour immigrés âgés : quatre "domiciles partagés" sont déjà loués dans le nord parisien :

    10.09.2014 - 18:00

    http://www.franceculture.fr/emission-journal-de-18h-les-chibanis-de-paris-se-mobilisent-pour-garder-un-toit-2014-09-10

  • Sur l’intégrisme islamique « Il faudrait une alternative crédible, enthousiasmante et mobilisatrice (Essf)

     The Arabs

    Entretien inédit avec Maxime Rodinson réalisé par Gilbert Achcar [1] et publié par la revue Mouvements 6/ 2004 (no 36).

    Résumé

    Avec le décès de Maxime Rodinson, survenu le 23 mai 2004 à l’âge de 89 ans, disparaissait l’une des dernières grandes figures d’une lignée exceptionnelle d’islamologues occidentaux – celle des Régis Blachère, Claude Cahen et Jacques Berque, pour ne citer que des Français comme lui. Rodinson appartenait à cet ensemble d’auteurs aux approches pionnières, qui ont défriché le terrain d’études islamiques mises au diapason des autres sciences sociales, étant eux-mêmes affranchis des principaux travers de « l’orientalisme » colonial et sensibles à la cause des populations musulmanes en lutte contre la domination occidentale [2]. Des auteurs (encore) non corrompus par la médiatisation à outrance de l’« expertise », devenue actrice privilégiée de la société du spectacle, à notre époque où l’Islam a recouvré dans l’imaginaire occidental, sous la forme de l’intégrisme et du terrorisme, son statut d’ennemi privilégié.

    Maxime Rodinson se distingue, parmi ses pairs, par l’application au monde musulman d’une grille de lecture marxienne critique. Son rapport à Marx est, du reste, à l’origine de la très grande diversité de thématiques et de centres d’intérêt qui caractérisent son œuvre et qui font qu’elle ne saurait être confinée aux seules études islamiques. Son apport théorique couvre, en effet, des champs plus généraux de la recherche historique ou sociologique que le seul « monde musulman », en dialogue permanent avec l’inspiration marxienne qu’il n’a jamais reniée. Une dimension non moins importante de l’œuvre de Rodinson porte spécifiquement sur le conflit israélo-arabe : son article « Israël, fait colonial ? » paru dans le numéro spécial des Temps modernes consacré au débat embrasé par la guerre de juin 1967 constitua une contribution fondamentale à la définition d’une critique de gauche du sionisme [3].

    La réflexion de Rodinson sur l’« intégrisme islamique » est, tout entière, placée sous le signe de cette même inspiration marxienne : tant en ce qui concerne sa démarche analytique, à la fois fondamentalement « matérialiste » et comparative, qu’en ce qui concerne son attitude politique, où la compréhension (au sens profond du terme) des ressorts de la résurgence de cette idéologie politico-religieuse n’empêche guère l’athée foncièrement anticlérical qu’il était de n’éprouver aucune sympathie à son égard [4].

    L’entretien qui suit – jamais publié auparavant – a été réalisé en 1986 (je n’en ai plus la date exacte), dans l’appartement parisien de Maxime Rodinson, parmi les amas de livres qui jonchaient son plancher, ne trouvant plus de place dans les rayonnages qui recouvraient les murs. J’ai reconstitué ses propos à partir de notes quasi-sténographiques que j’avais prises à l’écoute de l’enregistrement (perdu) – en faisant abstraction de mes propres questions et interventions – dans le but de publier l’entretien dans une revue en gestation qui ne vit pas le jour. Le décès du grand penseur m’a incité à reprendre ce travail et à le publier en guise d’hommage, d’autant plus que ses propos, comme on pourra en juger, conservent, outre leur actualité, une certaine originalité par rapport à son œuvre déjà connue.

    Gilbert Achcar

    Entretien

    Sous la rubrique de « l’intégrisme islamique » – l’appellation n’est pas très bonne, celle de « fondamentalisme » encore moins ; quant au terme « islamisme », il entraîne une confusion avec l’Islam ; « Islam radical » n’est pas si mal, mais aucune appellation ne correspond tout à fait à l’objet – on peut grouper tous les mouvements qui pensent que l’application intégrale des dogmes et pratiques de l’Islam, y compris dans les domaines politique et social, mènerait la communauté musulmane, voire le monde entier, vers un État harmonieux, idéal, reflet de la première communauté musulmane idéalisée, celle de Médine entre 622 et 632 de l’ère chrétienne.

    En cela, il y a une similarité avec une idéologie politique laïque comme le communisme, pour laquelle l’application intégrale des recettes formulées par le fondateur doit mener à une société harmonieuse, sans exploitation ni oppression. Par contre, il n’y a pas d’idéologie similaire dans le christianisme : les intégristes chrétiens pensent que l’application intégrale des préceptes du Christ rendrait tout le monde bon et gentil, mais elle ne changerait pas forcément la structure de la société.

    Cela tient à la différence profonde entre la genèse du christianisme et celle de l’Islam. Les chrétiens formaient au début une petite « secte », un groupement idéologique autour d’une personne charismatique, dans une province reculée d’un vaste empire, l’Empire romain, doté d’une administration impressionnante. Cette petite secte ne pouvait avoir au départ la prétention de formuler un programme politique et social. Ce n’était ni l’intention de Jésus, ni celle des premiers pères de l’Église pendant deux ou trois siècles.

    Avant que l’empereur Constantin ne déclare, en 325, que cette Église (en latin ecclesia, c’est-à-dire « assemblée ») devait être religion d’État, elle avait eu le temps de bâtir un appareil idéologique autonome bien rodé. De sorte que, même après Constantin, se maintiendra la tradition de deux appareils distincts, celui de l’État et celui de l’Église, qui peuvent être en symbiose ou alliés, et l’ont souvent été (l’alliance du sabre et du goupillon, le césaro-papisme, etc.) ; mais qui peuvent également être en conflit (lutte du Sacerdoce et de l’Empire, Louis XIV et Philippe Auguste excommuniés, etc.). Il y a bien quelques exemples protestants d’État-Église (Genève au xvie siècle, le Massachusetts au xviie siècle), mais ce sont des exceptions dans l’histoire du christianisme.

    L’Islam est né dans une immense péninsule en dehors du champ de la civilisation romaine, où vivaient quelques dizaines de tribus arabes, tout à fait autonomes avec seulement quelques institutions communes : la langue, certains cultes, un calendrier, des foires et des tournois de poésie. Dans sa période médinoise (de 622 à sa mort, en 632), Mohammad (Mahomet) est considéré comme le dirigeant suprême, politique et religieux à la fois. Il est chef religieux, en relation avec Dieu, mais aussi chef de la communauté, non soumise à la loi romaine. Il règle les différends, obtient le ralliement de tribus, et répond aux nécessités de se défendre et, le cas échéant, d’attaquer – ce qui est le mode de vie dominant dans ce monde sans État de l’Arabie de cette époque. C’est ainsi que l’on trouve, aux origines de l’Islam, une fusion du politique et du religieux en un seul appareil - du moins en théorie, car lorsque sera créé un vaste empire islamique, la spécialisation des fonctions s’imposera.

    La séparation de la religion et de l’État est contraire à l’idéal de l’Islam, mais pas à sa pratique, car il y a toujours eu des corps d’oulémas spécialisés : les juges en Islam appartiennent à l’appareil religieux, avec d’autres compétences que les juges en droit romain de l’Occident. On trouve là, d’ailleurs, une parenté très grande avec le judaïsme, où, comme en Islam, les hommes de religion, les rabbins, ne constituent pas un clergé sacré, mais sont des savants (la synagogue, le beit midrash sont des lieux d’étude), à l’instar des oulémas.

    Aujourd’hui subsiste néanmoins l’idéal médinois d’une même autorité politique et religieuse. Rarement trouve-t-on, il est vrai, un cas aussi pur de communauté politico-idéologique que celui de l’Islam – sauf le communisme après 1917, qui a connu des schismes comme l’Islam et où les autorités politiques fixent la doctrine tant sur les problèmes théoriques que sur l’idéologie première et sur ce qu’il faut penser. Cependant, là où le communisme est un modèle projeté dans le futur, l’intégrisme islamique adhère à un modèle réel, mais vieux de quatorze siècles. C’est un idéal flou. Lorsque l’on demande aux intégristes musulmans : « Vous avez des recettes, dites-vous, qui dépassent le socialisme et le capitalisme ? », ils répondent par des exhortations très vagues, toujours les mêmes, qui peuvent se fonder sur deux ou trois versets – mal interprétés, en général – du Coran ou du Hadith.

    Or, le problème ne se posait pas du temps du Prophète, parce que personne ne pensait à changer la structure sociale : on prenait les choses comme allant de soi. Mohammad n’a jamais rien dit contre l’esclavage (de même que Jésus n’a jamais rien dit contre le salariat). Certes, l’idée d’une communauté sociale organisée avec des hiérarchies figure dans le Coran, mais elle est tout à fait normale pour l’époque. Mohammad se situe dans la société, alors que Jésus se situe en dehors d’elle. L’Islam, comme le Confucianisme, s’intéressent à l’État, tandis que les doctrines de Jésus ou de Bouddha sont des morales, axées sur la recherche du salut personnel.

    L’intégrisme islamique est une idéologie passéiste. Les mouvements intégristes musulmans ne cherchent pas du tout à bouleverser la structure sociale, ou ne le cherchent que tout à fait secondairement. Ils n’ont modifié les bases de la société, ni en Arabie Saoudite, ni en Iran. La « nouvelle » société que les « révolutions islamiques » établissent ressemble de façon frappante à celle qu’elles viennent de renverser. Je me suis fait réprimander en 1978 lorsque j’ai affirmé, de manière très modérée, que le cléricalisme iranien ne laissait présager rien de bon. Je disais « au mieux, Khomeiny sera Dupanloup, au pire Torquemada ». Hélas, c’est le pire qui est arrivé.

    Lorsque l’on est saisi par l’histoire, on est forcé de prendre des décisions. Il se forme alors des courants politiques : gauche, droite, centre. Sous influence européenne, le monde musulman a emprunté beaucoup de recettes à l’Occident, libérales parlementaires ou socialistes marxisantes. On a fini par être un peu dégoûté de tout cela : le parlementarisme mettait au pouvoir des propriétaires fonciers, le socialisme des couches gestionnaires militaires et autres. On a voulu revenir alors à la vieille idéologie « bien de chez nous » : l’Islam. Mais l’influence européenne a laissé des traces profondes, notamment l’idée que les gouvernants doivent prendre leur inspiration auprès des gouvernés, en général par le vote. C’est une idée nouvelle dans le monde musulman : ainsi, la première chose que fit Khomeiny, c’est organiser des élections et une nouvelle constitution.

    Au sujet des femmes, on peut trouver dans l’Islam tout un arsenal traditionnel en faveur de la supériorité masculine et de la ségrégation. Une des raisons de la séduction de l’intégrisme islamique un peu partout, c’est que des hommes qui se voient dépossédés de leurs privilèges traditionnels par les idéologies modernistes, savent que, dans une société musulmane telle qu’on la leur propose, ils peuvent s’appuyer sur des arguments sacrés en faveur de la supériorité masculine. C’est une des raisons – qu’on occulte très souvent, mais qui est profondément ancrée, et quelquefois inconsciente, d’ailleurs – de la vogue de l’intégrisme islamique : les expériences modernisantes allaient dans le sens d’accorder plus de droits aux femmes, et cela exaspérait un certain nombre d’hommes.

    En 1965, je m’étais rendu à Alger : c’était l’époque où Ben Bella faisait des efforts prudents pour promouvoir l’égalité des femmes. Une association officielle de femmes, qui n’était pas l’association bidon d’aujourd’hui, tenait un congrès dans la capitale. À la sortie du congrès, Ben Bella était venu prendre la tête d’un défilé des femmes dans les rues d’Alger. Des deux côtés, sur les trottoirs, des hommes dégoûtés sifflaient, lançaient des quolibets, etc. Je suis certain que cela a joué un rôle dans le coup d’État de Boumediene et a décidé beaucoup de gens à le regarder avec sympathie.

    L’intégrisme islamique est un mouvement temporaire, transitoire, mais il peut durer encore trente ans ou cinquante ans – je ne sais pas. Là où il n’est pas au pouvoir, il restera comme idéal tant qu’il y aura cette frustration de base, cette insatisfaction qui pousse les gens à s’engager à l’extrême. Il faut une longue expérience du cléricalisme afin de s’en dégoûter : en Europe, cela a pris pas mal de temps ! La période restera longtemps dominée par les intégristes musulmans.

    Si un régime intégriste islamique avait des échecs très visibles et aboutissait à une tyrannie manifeste, une hiérarchisation abjecte, et aussi des échecs sur le plan du nationalisme, cela pourrait faire tourner beaucoup de gens du côté d’une alternative qui dénonce ces tares. Mais il faudrait une alternative crédible, enthousiasmante et mobilisatrice, et ce ne sera pas facile.

    Maxime Rodinson

    Notes

    [1] Politologue.

    [2] Voir sa propre description de l’évolution des études islamiques dans La fascination de l’Islam, La Découverte, 1980.

    [3] Article repris dans Peuple juif ou problème juif ?, La Découverte, 1981.

    [4] On trouvera les principales réflexions de Maxime Rodinson sur l’intégrisme islamique contemporain dans L’Islam : politique et croyance, Fayard, 1993, à compléter par la lecture du chapitre premier de De Pythagore à Lénine : des activismes idéologiques, Fayard, 1993.

    * Pour citer cet article : Achcar Gilbert, « Maxime Rodinson : sur l’intégrisme islamique », Mouvements 6/ 2004 (no 36), p. 72-76 URL : www.cairn.info/revue-mouveme.... DOI : 10.3917/mouv.036.0072

    RODINSON Maxime, ACHCAR Gilbert
    1986
     

  • Histoire de Palestine (Ina)

  • L'usine invisible de la révolution algérienne (La Brèche)

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    "Mémoires d'un trotskiste grec"

    Dimitris Livieratos, chargé, pour le compte de la IVeme Internationale, de coordonner et de mener a bien l'installation d’usines d’armement pour le FLN au Maroc, raconte dans ce livre ses propres mémoires


    Ce livre nous offre la possibilite de lire de la plume d'un acteur - et étroit collaborateur de Michel Raptis (Pablo), dirigeant célèbre de la IVeme Internationale - la manière dont il a vécu les évenements.
    Il laisse, dans la description d’une revolution en marche, loin des recits héroiques et hagiographiques, une place au tragique, au doute, aux incertitudes.

    Il pose des questions essentielles sur la difficulte d’etablir de nouvelles relations humaines, de nouvelles relations dans le travail, qui ne détruisent pas l’individu au service de la cause.


    Il décrit le décalage entre la classe ouvrière algérienne, qui «vivait hors des frontieres», «s'était développée dans un cadre européen» à «Paris, Marseille, Lyon, Frankfort ou Cologne», et les «gens des djebels», qui peut contribuer a expliquer les difficultes de l'Algerie independante. Il décrit la grandeur et les difficultes de l'internationalisme.

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  • Le village Azrou n’Svah rend hommage à Lounès Kaci (Liberté)

     

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    Militant berbériste de la première heure impliqué dans l’affaire “des poseurs de bombes”

    Le comité du village et l’association culturelle Azrou n’Svah, relevant de la commune de Yakourène (Tizi Ouzou), en collaboration avec la Direction de la culture de la wilaya, ont rendu un vibrant hommage au fils du village, Lounès Kaci, militant berbériste durant les dures années 1970, lors d’une cérémonie mémorable à laquelle ont pris part de nombreux militants de l’époque qui luttaient pour l’identité et la culture amazighes.


    Cette cérémonie se voulait une reconnaissance à celui qui, avec ses compagnons, ont ébranlé l’État algérien à une époque où les libertés étaient quasiment verrouillées. L’affaire dite “des poseurs de bombes” a fait couler beaucoup d’encre en 1976. Pour le pouvoir de l’époque sous la présidence de Houari Boumediene, de nombreux militants de la cause berbère, tels que Haroun Mohamed, Cheradi Houcine, Kaci Lounès, Ahcène Chérifi, Medjber Mohamed ou Smaïl, furent taxés de saboteurs et injustement accusés de trahison, d'atteinte à la sûreté de l'État, de complicité avec l’étranger, de trafic de devises et de jets d'explosifs. Mais pour beaucoup d’autres observateurs, ce sont des exemples de courage, d’engagement et de patriotisme.


    Arrêtés, ces jeunes “berbéristes” furent déclarés “ennemis de l’Algérie”, “agents de services spéciaux nostalgiques de la colonisation” et longuement soumis par les médias étatiques à la vindicte populaire, et leur “cause” clouée au pilori. Leur procès devant la cour de sûreté de l’État a fait, pendant des semaines, l’actualité nationale et leurs “aveux” mis en exergue ; ils seront condamnés par le tribunal de Médéa, le 2 mars 1976, à de lourdes peines. Trois peines capitales, deux condamnations à perpétuité et d'autres peines allant de 10 à 20 ans de prison. Le quotidien El Moudjahid titrait en grandes manchette, à l’époque, “Un châtiment exemplaire, demande l’opinion publique”.


    Durant son témoignage poignant, Lounès Kaci a mis en exergue la répression qui s’est abattue, depuis et jusqu’aux années 1980, sur les militants berbéristes. Des arrestations, des emprisonnements, des membres fondateurs de la première Ligue des droits de l’Homme ont été  condamnés dans un simulacre de procès à la cour de sûreté de l’État, des provocations et des intimidations. Le chanteur et compositeur kabyle, Lounis Aït Menguellet, tout comme le chanteur engagé, Ferhat Imazighen-Imoula, n’ont pas échappé à cette campagne de dénigrement du pouvoir en place. Les membres du réseau des poseurs de bombes ont été toutefois libérés en 1987, après avoir passé 11 ans dans les geôles de Lambèse.


    Lounès Kaci qui vit, depuis 1992, au Canada, a été invité expressément par le comité de son village à assister à l’hommage qui lui a été rendu. De nombreux berbéristes des années 1970 et du mouvement de 1980 ont répondu présent.


    Un programme alléchant a été concocté par les villageois : exposition de coupures de presse du journal El Moudjahid, El Djeïch, Ech Chaâb et des photos. De nombreux militants berbéristes dont Lounès Kaci et sa famille, ainsi que le chanteur Ouzib Mohand Ameziane ont été récompensés à l’occasion et un gala artistique auquel ont pris part de nombreuses stars de la chanson kabyle, s’est tenu dans la soirée jusqu’aux premières heures de la matinée. Par : C. Nath Oukaci

    http://www.liberte-algerie.com/actualite/le-village-azrou-n-svah-rend-hommage-a-lounes-kaci-militant-berberiste-de-la-premiere-heure-implique-dans-l-affaire-des-poseurs-de-bombes-226852

  • Il y a 50 ans, l’insurrection algérienne" (Emancipation)

    L'insurrection algérienne et les communistes libertaires

    Chacun y allant de sa commémoration du cinquantenaire de l’atroce guerre d’Algérie, à notre manière il nous a paru utile de rappeler que nous nous sommes opposéEs à la barbarie colonialiste qui façonne, aujourd’hui encore, l’inconscient français. Pour cela nous avons interrogé notre camarade Georges Fontenis sur son activité à l’époque au sein de la Fédération Communiste Libertaire (FCL) et à l’Ecole Emancipée.

    L’Emancipation : "La Toussaint rouge", le 1er novembre 1954, marque le déclenchement de l’insur-rection. Dès le 9 septembre dans Le Libertaire n°391, vous aviez publié un article critique sous la plume de Paul Philippe à propos du congres du MTLD (Mouvement Pour le Triomphe des Libertés Démo- cratiques). Est-ce à dire que vous pouviez prévoir l’imminence du passage à lu lutte armée?

    Georges Fontenis: La FCL prévoyait clairement le déclenchement de l’insurrection, sans pouvoir bien entendu donner de date. C’est parce que nous avions, d’abord dans les rangs de la FCL des camarades algériens bien formés qui nous apprenaient quelle était la mentalité générale dans les villes et la cam- pagne algériennes. Et nous avions aussi des camarades directement liés a nous du Mouvement Libertaire Nord Africain (MLNA) qui nous faisaient prévoir aussi des événements.

    L’article de Paul Philippe à propos du congrès du MTLD n’a donc rien de surprenant, si ce n’est qu’à cette époque nous étions les seuls strictement à pouvoir nous douter que quelque chose d’extraordi- naire se passerait très bientôt. Nous reparlerons de cet article de Paul Philippe.

    Il y avait aussi le souvenir cruel chez beaucoup d’Algériens des évènements de Sétif de mai 1945 [1]), D’ailleurs au cours des événements de 45, L’Humanité et le PC ne s’étaient pas couverts de gloire, c’est le moins qu’on puisse dire, Ils sanctifiaient l’unité derrière un gouvernement De Gaulle dans lequel des communistes étaient présents, dont d’ailleurs le ministre de l’armement Tilion.

    L’Emancipation La défaite du corps expéditionnaire de Dien Bien Phû a-t-elle influencé la décision du CRUA [2] pour passer à la lutte armée ?

    G.F.: Sans doute la défaite de la France colonialiste au Vietnam n’était pas pour rien non plus, à la fois dans la préparation de l’insurrection algérienne et dans notre clairvoyance. Il ne faut pas oublier que bien des militants qui seront des animateurs du FLN plus tard étaient, au moment de la guerre d’Indo-chine, dans l’année française, et la défaite du corps expéditionnaire français n’a pas été pour rien dans le déclenchement de l’insurrection de novembre 1954.

    L’Emancipation: Penses-tu que la position de la FEN et du SNI résolument anti indépendantistes trouve sa légitimation dans l’assassinat de l’instituteur Guy Monnerot dans les gorges de Tighonimine, ou bien faut-il l’imputer à l’allégeance politique des majoritaires à la SFI0 et à Guy Mollet?

    G.F. : Il est sûr que les positions de la FEN et du SNI sont violemment nationalistes, au profit de la France bien entendu. La présence au gouvernement où la SFIO a sa place et Guy Mollet beaucoup d’importance, n’est pas pour rien non plus dans la position de la FEN et du SNI au moment de l’insur-rection. Il m’est arrivé de rencontrer quelques responsables qui osaient défendre la présente coloniale en Algérie sous prétexte que l’Algérie avait toujours connu un certain colonialisme et que les Arabes n’avaient pas à revendiquer puisqu’ils étaient eux-mêmes les anciens conquérants d’un pays berbère... N’importe quoi. En tout cas on peut résumer ainsi: oui, il y a eu allégeance politique des responsables majoritaires de la FEN et du SNI à la position des dirigeants de la SFIO. Toutefois, et il en sera de même dans le Parti communiste. Le Parti socialiste est parfois divisé. Dans les sous sections, il y avait un certain nombre de camarades socialistes, même inscrits au parti et là je parle en tant qu’ancien instituteur parisien qui étaient restés dignes et qui n’approuvaient pas du tout la politique de la SFIO et de Guy Mollet, j’en reparlerai à l’occasion,

    L’Émancipation: Les jeunes insurgés du CRUA sont en rupture avec le MNA de Messali Hadj. Cette rupture va déboucher sur la fondation du FLN par Ahmed Ben Bella au Caire. L’historien Benjamin Stora évolue à 4 000 les victimes des règlement de comptes entre MNA et RN en métropole, de 1954 à 1962. C’est près de 2% des Algériens de la métropole. Pourrais-tu nous expliquer les différences politiques, culturelles, stratégiques entre le MNA et le FLN. Pourquoi une telle violence politique entre eux ?

    G.F.: Il est clair qu’il y a des différences considérables entre les militants du MNA de Massali Hadj et du FLN qui vient de se fonder. L’analyse globale de la situation soit de la part du MNA, soit du FLN est insa- tisfaisante, bien que le MNA demeure plus proche d’une analyse marxiste. Mais, ni l’un ni l’autre n’ont tenu compte de la complexité de la société algérienne et notamment de l’existence d’une petite bour- geoisie nationale que le colonialisme a laissé se développer (exemple de petites entreprises dirigées par des familles algériennes, se satisfaisant de la présence française). De ce point de vue il est clair que le FLN sera plus adapté que le MNA à la situation du peuple algérien, plus nationaliste que désireux d’un mouvement révolutionnaire. Quant à l’affirmation du nombre de victimes en métropole entre le MNA et le FNL je crois qu’on peut se rallier au point de vue de Benjamin Stora.

    L’Émancipation: Pourquoi les libertaires de la FCL et les trotskistes du PCI aidèrent-ils au départ les nationalistes du MNA plutôt que le FLN et comment s’opérera le basculement d’alliance en faveur de ce dernier?

    GF. : Il ne faut pas oublier que l’Etoile Nord Africaine, puis le MTLD (sous sa nouvelle forme MNA) existent depuis les années 1930. Pour les camarades de la FCL, il y aura bien sûr peu à peu un passage du soutien au MNA en faveur du FNL. Cela se fera sans que nous rejetions nos contacts et notre soli- darité avec le MNA. Mais il faut bien admettre, quand on est responsable d’un mouvement, des change- ments historiques comme la montée du FLN par rapport au MNA et ce basculement d’alliance sera parfaitement assimilé par nos camarades, car il correspond à une véritable connaissance de la réalité politique.

    L’Emancipation : Comment les tendances dons la FEN et le SNI ce situaient-elles par rapport aux questions de la décolonisation ? Quel climat régnait à l’intérieur de la profession et de ses syndicats ?

    G.F.: J’en viens à préciser comment nous voyions, à ce moment-là, les tendances dans la FEN et le SNI. J’ai parlé un peu plus haut de la position des majoritaires qui était finalement colonialiste. Mais il y avait, à l’époque, une véritable résistance par l’Ecole Émancipée. Et, il faut bien dire que chez les majoritaires comme d’ailleurs chez les militants disons de la tendance cégétiste étroitement dirigée par le PCF, qui devait devenir Unité & Action , il y avait des différences individuelles considérables. Car, même dans les tendances réformistes, il y avait un certain nombre de militants qui n’étaient pas igno- rants des vraies questions de la décolonisation, je me souviens d’avoir échangé des propos assez violents avec le secrétaire majoritaire de la fédération de la Seine qui était franchement nationaliste et colonialiste, Mais on peut bien penser que l’ensemble des enseignants ne suivaient pas la trajectoire des partis communiste et socialiste. Il y eut donc, dans les premières années de l’insurrection, assez souvent une différenciation entre les chefs des partis et un certain nombre des militants de base. Plus tard, lorsque nous passerons à la clandestinité, nous recevrons des aides très ouvertes, très sympa-thiques de militants communistes en dépit des positions de leur parti et d’un certain nombre de militants socialistes qui d’ailleurs nous rendront un certain nombre de services.

    En réalité, il y avait une réponse saine d’un assez grand nombre de syndicalistes en dépit de ce que j’appellerais le colonialisme honteux des directions. Encore que, même dans les directions, il y ait eu des militants qui résistaient.

    L’Émancipation: Pourrais-tu nous relater en quoi consistait votre soutien concret aux insurgés ?

    GS. : Voilà une des questions les plus gênantes qu’on peut me poser. Notre soutien concret aux insur- gés algériens consistait en dépôt et transport de matériel (armes légères, vêtements et pièces d’état civil. Transport possible grâce à notre système de passage des frontières terrestres (Belgique, Suisse) ou maritimes (Ste) et facilité par nos rapports avec des camarades de diverses nationalités, et aussi des camarades d’autres réseaux.

    L’Émancipation: Pourrais-tu lever un coin du voile sur la teneur de vos conversations lors de ta rencontre à Angoulême avec Messali Hadj ?

    GF: Il est évident qu’avec Messali Hadj nous avons abordé des problèmes de fond concernant l’avenir, voulu par lui et ses amis, pour l’Algérie et sur le poids limité que nous avions dans l’opposition en France. Messali envisage une société algérienne démocratique et basée sur l’autogestion, mais il reste flou. On sent qu’il n’est pas sûr de ses troupes. Messali, que j’avais rencontré grâce à l’aide et à l’insis- tance de Daniel Guérin en dépit de l’opposition du parti trotskiste, le PCI de Lambert, qui a tenté d’empêcher ma rencontre avec Messali. Je précise que ce parti lambertiste restera inconditionnellement partisan du soutien au MNA alors que les autres groupes trotskistes sont pour le soutien au FLN.

    Il est clair que ce fut une conversation très libre, très ouverte, au cours de laquelle j’insistais sur la nécessité d’une analyse révolutionnaire de la situation et de l’orientation nécessaire du mouvement de libération. En fait, Messali Hadi était d’accord avec notre position de "soutien critique". Messali, au cours de cette conversation, fut d’accord avec ce que je pouvais avancer. Mais il me laissa entendre qu’il n’était pas toujours entendu et que quelquefois les militants du MNA n’avaient pas toujours une position parfaitement claire. D’où, bien entendu, accord minimum avec la FCL sur ce que nous appelions à l’époque "le soutien critique’.

    L’Émancipation: La question du contenu politique du nationalisme algérien a pu poser problème. Comment expliques-tu ta position d’alors : le "soutiens critique" aux natio- nalistes et, surtout, comment as-tu pu participer à la réflexion d’abord dans le MNA ensuite dans le FLN ? En quoi certains cadres de la lutte armée ont-ils modifié leurs positions grâce aux positions critiques que la FCL développait ?

    G. F. : Il est vrai que le courant politique du nationalisme algérien n’a pas été toujours très clair. C’est pourquoi notre "soutien critique" qui peut convenir à d’autres cas et à presque toutes les guerres de libération demande une analyse de la situation, en particulier des différentes forces qui se trouvent opposées à la puissance colonialiste. Et je dois dire que, dans les rencontres que nous avions avec les représentants du MNA d’abord et du FNL ensuite, nous n’avons jamais caché notre inquiétude a propos des insuffisances politiques du nationalisme algérien.

    Mais notre position selon laquelle il Fallait se libérer sur le plan national mais aussi sur le plan intérieur, pour une Algérie nouvelle, dans une direction disons socialiste, il est sûr que cela a fini par toucher un certain nombre de nos correspondants. C’est si vrai que certains des militants du MNA n’étaient pas loin de nous rejoindre et que même certains cadres de la lutte armée ont modifié leurs positions et adopté les nôtres grâce aux positions critiques que nous développions. Je suis même persuadé d’une certaine réussite lorsque, au cours d’une rencontre, j’eus la surprise d’entendre Mohammed Boudiaf reprendre pratiquement nos positions. A ce sujet, voir son livre "Ou va l’Algérie ?" (Editions de l’Étoile, 1964).

    Il est peut-être utile de rappeler ce qu’était notre position de "soutien critique". Nous pouvons pour cela nous reporter a l’article du Libertaire paru dès septembre 1954, c’est-à-dire quelques mois avant l’insurrection, sous la signature de Paul Philippe, membre du secrétariat de la FCL. C’est une position de "soutien critique" aux luttes de libération nationale parce qu’elles font partie de la guerre contre le capitalisme et ses extensions colonialistes et que, affaiblir les métropoles est toujours une chose indis- pensable dans un processus de libération. Mais l’aspect critique de ce "soutien critique est dû au fait que le mouvement algérien (le MTLD à l’époque) n’a pas le bases théoriques révolutionnaires propre- ment dites. C’est pourquoi dans ce soutien critique", nous rappelions que le but final révolutionnaire était indispensable, c’est-à-dire précisément : socialisation de la propriété. Notre "soutien critique", c’était notre soutien aux luttes de libération nationale mais dans une perspective révolutionnaire partant d’une analyse de classe.

    L’Emancipation: On s’imagine souvent que le PCF, parce que stalinien, était monolithique. Mais à l’épreuve des evenements, qu’en a-t-il été ?

    Georges Fontenis: Dés le début de la guerre d’Algérie, il y a eu des des problèmes à l’intérieur du Parti communiste. Et quand nous serons dans la période où un certain nombre de militaires refuseront de partir, où les trains s’arrêteront et où les gares seront envahies par les opposants, nous verrons tout de suite qu’il y a à l’intérieur du parti toute une tendance de militants communistes qui ne sont pas satisfaits de la politique du parti. Nous verrons par exemple cela dans la région parisienne mais aussi à Grenoble Nous retrouverons bien sûr l’esprit de la Résistance. C’est un véritable vent de fronde qui se manifeste. Au fond, ces militants ne faisaient que participer à la cause de la Révolution algèrienne comme les militants du PCA dans le FNL

    Officiellement, le PCF n’était pas pour la libération de l’Algérie. Il avait d’abord beaucoup critiqué les insurgés de novembre 54. L’Humanité, à l’époque, avait condamné les nationalistes en prétendant que les émeutiers faisaient le jeu des nazis. Le PCF ne se ralliera que très tardivement à la cause de l’Algé- rie indépendante. La position officielle était défendue, proclamée par Maurice Thorez. Une abomination sera le vote des pouvoirs spéciaux a Guy Mollet par le Parti Communiste, Et ce ne sera guère plus beau que les positions du Parti socialiste de Guy Mollet ou de Mitterrand qui voulaient voir en Algérie des départements français.

    L’Émancipation : On a quasiment oublié, comme le rappelle l’article du Monde du 29/10/04, que la FCL a été la première a réclamer l’indépendance de l’Algérie et à dénoncer la tor- ture. De même que vous avez été les premiers à aider les "rebelles". Pourrais-tu nous rappeler l’ampleur de la répression qui vous a frappés et ses conséquences politiques?

    GF. : Comme ce serait évidemment beaucoup trop long de faire la liste des persécutions que nous subissions, je me contenterai de citer quelques exemples.

    Le Libertaire , le journal de la FCL, avait été saisi sept fois en peu de temps . car ce décompte date de juillet 56 dont trois saisies en quatre semaines ! Et pour parler des inculpations de nos militants, il suffit de savoir que tous les numéros du Libertaire, même ceux qui n’ont pas été saisis, ont été poursuivis. Ces poursuites étaient nominales. J’y étais en bonne place en tant que directeur du journal. Et à mes côtés Robert Joulin, Paul Philippe, Michel Donnet, etc. [3]. Il est bon de signaler que nous avions été obliges de changer d’imprimeur parce que l’imprimerie du Croissant où nous sortions au début de la guerre d’Algérie ne voulait plus nous éditer! (...)

    L’Émancipation : Qu’est-ce qui a poussé à vous rendre à la justice? Tu totalisais en tout 18 mois de prison, si j’ai bien compté tes condamnations sans parler de la lourdeur des amendes. Comment as-tu « néqoclé » ta sortie de la clandestinité?

    G.E. : D’abord je dirai qu’il faut préciser que nous ne nous sommes pas rendus à la justice. Person- nellement, j’ai été arrêté par la DST alors que je me camouflais comme je pouvais. Je n’ai pas été le seul dans cette situation. Nous n’avons donc pas eu à négocier la sortie de la clandestinité. Elle s’est faite par l’arrêt de nos activités du fait que la plupart des camarades responsables étaient arrêtés ou devaient se cacher davantage qu’auparavant. Et nous étions réduits à nos propres forces.

    L’Émancipation: Lors des poursuites et de la clandestinité, as-tu été défendu par le SNI ou la FEN?Et, à ton retour à la vie normale le syndicat t’a-t-il aidé à retrouver ton métier?

    G.E.: En ce qui me concerne, jamais le SNI ou la FEN dans leurs directions n’ont agi en ma faveur, ou pour essayer de me défendre. Le retour à une vie normale a demandé des mois après la sortie de prison. Et je dois là saluer, non pas un responsable syndical mais un militant déjà ancien du Parti socia- liste qui avait été mon directeur d’école et qui, ancien déporté, n’avait toujours estimé. Ce personnage, monsieur Dirand, du fait de son parcours politique, avait réussi à intégrer de hautes fonctions au minis- tère de l’éducation nationale. C’est grâce a lui que lefus réintégré car il insista beaucoup auprès de la direction de l’enseignement du département de la Seine pour que je retrouve un poste.

    L’Émancipation: Y avait-il débat à l’intérieur de l’École émancipée sur la question algérienne? Quels étaient les clivages politiques dans l’EE de l’époque?

    G.E. : le ne me souviens pas qu’il y ait eu débat à l’École Émancipée sur la question algérienne. Sur le fond, tout le monde à l’époque était d’accord. Et naturellement la position de la FCL était connue et estimée. Le clivage politique entre libertaires et trotskistes au sein de l’École Emancipée était peu marqué à l’époque, au moins sur le sujet de l’anticolonialisme.

    Du côté trotskiste, il y avait le PCI de Lambert qui devient l’OCI lorsque Frank et Pablo sont majo- ritaires dans la 4°t Internationale. L’opposition entre eux à propos de la guerre d’Algérie est violente, l’OCI restant obstinément fidèle au MNA. En ce qui concerne les libertaires, il faut préciser qu’il y avait eu scission au début des années 50 entre les militants de la FCL et ceux qui créèrent Le Monde liber- taire. Nous regroupions surtout des camarades ouvriers, des jeunes, sur des positions de classe alors que les autres s’en tenaient à un pacifisme qui renvoie dos à dos le colonialisme et les luttes de libé- ration nationale. Et nos camarades du MLNA (Mouvement Libertaire Nord Africain), voisin de la FCL, voyaient le Monde Libertaire en vente en Algérie pendant que Le Libertaire - le nôtre – était poursuivi.

    Cependant je dois préciser qu’il y aura une évolution parmi certains militants de la FA. Leurs positions, sans aller jusqu’au "soutien critique" se rapprocheront des nôtres dans l’affirmation du combat anti- colonialiste. En 1957, Le Monde libertaire sera saisi en Algérie et des militants subiront à leur tour des poursuites, surtout au début des années 60. La FCL du fait de sa position révolutionnaire, en particulier dans la guerre d’Algérie, se retrouvait aux côtés de l’opposition interne du PC (La Voie Communiste), cette collaboration s’étendit naturellement à d’autres regroupements comme le Réseau Jeanson. La FCL cessant de fonctionner, même clandestinement, se transforme en « Action Communiste ».

    De cette époque j’ai conservé le souvenir d’une bonne entente avec les militants encore au PC mais dans la mouvance « Voie Communiste ». Certains, comme Blumental, Folgalvez, ont été membres, voire responsables du PCF, d’autres ont rompu avec la IVème Internationale. Il y a aussi à la Voie Communiste d’anciens membres du Parti Communiste Algérien. La plupart des militants de la Voie intégrèrent le réseau « Jeune Résistance".

    C’est la "Voie" et ses militants qui organisent l’évasion de la prison de la Roquette, le 1 janvier 1961, de six militantes françaises et algéniennes. Je veux signaler aussi l’activité incessante de nos camarades de Macon et de Genève, activité gérée par Guy Bourgeois, décédé récemment,

    L’Émancipation: Quand tu vols les évolutions en Algérie depuis l’indépendance, regret- tes-tu tes engagements d’alors ou y trouves-tu matière à renouveler tes enthousiasmes et tes espoirs? Rétrospectivement, quel regard portes-tu sur les jeunes militants que vous étiez, au-delà du courage exemplaire dont la mémoire fait dorénavant partie de noire histoire?

    G.E. : Je ne regrette en rien les engagements de l’époque en dépit de la disparition des espoirs et, bien sûr, des enthousiasmes. Notre "soutien critique", au cours des années depuis la libération et depuis la paix de 62, s’est manifestement valorisé car il fallait bien que la nation algérienne se constitue, mais il aurait fallu promouvoir un système d’autogestion beaucoup plus général et démocratique, et éliminer la toute puissance de l’armée et des cadres de l’industrie. Les jeunes militants que nous étions, étaient suffisamment conscients du fait qu’une insurrection particulière ne peut aboutir indépendamment de la situation de la lutte des classes dans le monde, notamment dans les métropoles.

    Néanmoins, notre soutien à la Révolution algérienne nous a confortés dans notre opposition révolu- tionnaire et nous a donné le courage de continuer notre lutte qui intègre une véritable libération pour le peuple algérien. C’est pourquoi je reste fidèle ainsi que mes vieux camarades de la FCL au slogan que nous avions élaboré avec Daniel Guérin « Il y a toujours un point du globe où la guerre de classes se rallume".

    Propos recueillIs par Gilbert ESTEVE Novembre 2004

    Ouvrages et documents consultés : Georges Fontenis. Changer le monde, Ed Le Coquelicot/AL Une résistance oubliée (1954-1957), un documentaire de D. Goude et G. Lenormant. K7 Le Fil du temps ; L’insurrection algérienne et les communistes libertaires, Edition en facsimilé du Libertaire. Ed. AL (La signature de A. Coursan est un pseudonyme de G. Fontenis).

    [1La rupture chez les nationalistes algériens entre intégrationnistes et indépendantistes s’est cristallisée au cours de la 2"° Guerre Mondiale lorsque Messali Hadi a été condamné aux travaux forcés par le régime de Vichy pour avoir refusé de collaborer avec les nazis. Il est à nouveau emprisonné à la veille de la défaite hitlérienne, Les Algériens ont alors le sentiment que jamais la France ne leur accordera la citoyenneté française et le suffrage universel. Le jour même de la capitulation allemande, le S mai 1945, éclatent les massacres de Sétif qui feront officiellement 103 morts chez les Européens et 10 000 chez les Algériens (45.000 d’après les nationalistes). Signalons que le maire socialiste de Sétif qui avait voulu s’interposer entre la police et les manifestants, sera abattu. L’Humanité condamne violemment les nationastes algériens et prétend que les émeutiers seraient des sympathisants de Hitler et des nazis.

    [2Le jour de la Toussaint 1954, les jeunes insurgés membres du CRUA (Comité révolutionnaire d’union et d’action) déclenchent une trentaine d’attentats qui feront 7 morts, dont un européen, l’instituteur Guy Monnerot, fauché lors da mitraillage d’un autocar dans les gorges de Tighanimine. Là encore le hasard a voulu que Monnerot soit tué alors que les insurgés visaient le caïd Hadj Sadok. Par la suite, ses meurtriers seront cruellement punis par leurs propres chefs car les ordres formels du CRUA étalent de n’abattre que des notables musulmans. (ndlr)

    [312 juillet 1956: arrestation de Fontenis, Joulin, Caron, Donnet, Mulot, Simon et Philippe par la DST,

    Arrêté le 29 juin 1955, l’ouvrier du bâtiment Pierre Morain , de la FCL, a été le premier militant français emprisonné (un an d’incarcération) pour sa lutte contre la guerre d’Algéne (ndl

    ESTEVE, Gilbert. "Un entretien avec Georges Fontenis.

    Source: L’Emancipation syndicale et pédagogique, 31 janvier et 28 février 2005

    http://raforum.info/spip.php?article1845&lang=en

  • Algérie: Mélenchon en homme d'État (Npa)

    Quand, dans le cadre d’une tournée au Maghreb pour des conférences sur l’écosocialisme, Jean-luc Mélenchon va en Algérie, ce n’est pas pour discuter en internationaliste, solidaire des mobilisations en cours dans différents secteurs (mouvement des chômeurs à Ouargla, mobilisation des différents secteurs publics, Barbacha…).

    «Vous êtes assez subtils pour deviner qu’étant de passage à Alger, je n’ai naturellement pas l’intention de m'exprimer sur la situation en Algérie » a-t-il déclaré à la presse. Il discute en « patriote » et expli- que à propos des contrats que Hollande est venu conclure en décembre dernier à Alger : « La vie des nations est également faite de contrats et d’accords. Si les Algériens ne sont pas contents de ces contrats, ils n’ont qu’à en signer d’autres. La République française doit y trouver son compte ».

    Pas de repentance

    Mais c'est surtout sur les questions liées au passé colonial de la France en Algérie que Mélenchon sou- tient Hollande. Pas question de parler de repentance de la France : « Je pense que ça serait une belle perte de temps. La France, c’est aussi moi, et moi je n’ai martyrisé personne, ni mes ancêtres. (…) Je pense que c’est une perte de temps totale et un subterfuge pour ne pas parler d’autre chose, des problèmes auxquels nous sommes confrontés ». 

    Des crimes commis à l'époque de la colonisation ?

    « Le peuple français n’est pas davantage responsable de la colonisation que de l’esclavage ou de la déportation des juifs ! (…) J’ai dit devant le Sénat français que nos armes ont combattu pour un ordre injuste, celui de la colonisation et qu’il était juste qu’elles perdent ce combat. Le peuple algérien et l’Algérie se sont constitués dans la guerre d’indépendance. Cette guerre, il l’a gagnée. Quel genre de vainqueur a besoin des excuses du vaincu ? En avons-nous jamais demandé, après les avoir vaincus, aux Allemands qui nous ont envahis trois fois en un siècle ? ».

    Comme si la lutte entre les deux puissances impérialistes rivales était comparable à 132 ans de colonisation, de spoliations légalisées, de soumission d'un peuple réduit au statut « d'indigène musulman ». Mais cela n'entre pas dans le raisonnement du défenseur de la laïcité républicaine, qui d'ailleurs a fini par parler de « guerre civile » à propos de la guerre d'indépendance.

    Quand Mélenchon se positionne à l'étranger, ce n'est plus au nom de la « révolution citoyenne », mais en responsable politique qui assume le passé de l’État français. Rien de bien subversif !


    Cathy Billard  Hebdo Tout est à nous ! 184 (28/02/13)

  • Mélenchon: la Guerre d'Algérie, une guerre civile ? (Médiapart)

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    Quand, en visite en Algérie en février 2013, dans le cadre d'une conférence donnée à l'Institut français d'Alger, Jean-Luc Mélenchon évoqua la "guerre civile", j'ai aussitôt pensé à une référence à la "décennie noire".

    Mais non, Mélenchon évoquait la Guerre d'Algérie. C'est pour le moins surprenant et irresponsable de la part d'un responsable politique, surtout quand il s'agit de faire référence à une période chaude de l'histoire, celle du colonialisme. Cette prise de position, qui s'oppose au consensus qui a été obtenu de haute lutte pour qualifier cette guerre de libération nationale de "Guerre d'Algérie", demande quelques développements. D'autant qu'elle fut passée sous silence en France, dans une complicité médiatique à peu près complète. Mélenchon n'a pas tant d'ennemis, dans les médias, qu'il veut bien le dire.

    Jean-Luc Mélenchon est dans le même registre que les socialistes de la SFIO qui avaient mené la répression

    Sur-le-champ, la presse algérienne francophone réagit vivement à ses déclarations. Si le journal ''Liberté-Alger'' se contente d'évoquer "des propos à l'emporte-pièce" (''Jean-Luc Mélenchon : “La repentance ? Une belle perte de temps”'', in ''Liberté'', 14 février 2013), l'intellectuel progressiste algérien Chems Eddine Chitour souligne dans le quotidien ''L'Expression'' les "ambiguïtés" d'un discours sur la Guerre d'Algérie qui rappelle celui de la SFIO :

    Quand M. Mélenchon joue sur les mots en parlant de « guerre civile », il ne fait pas avancer le débat. Pour rappel, une guerre civile est la situation qui existe lorsqu'au sein d'un État, une lutte armée oppose les forces armées régulières à des groupes armés identifiables, ou des groupes armés entre eux, dans des combats dont l'importance et l'extension dépassent la simple révolte ou l'insurrection. Du point de vue du droit de la guerre, on utilise l'expression « conflit armé non international », le mot « guerre » étant réservé au conflit armé international. (...) Jusqu'au début du XXe s., la guerre civile est considérée comme une affaire strictement intérieure qui ressort du domaine réservé de l'État concerné, qui a de fait et de droit toute latitude pour traiter comme bon lui semble les factieux, en considérant par exemple les rebelles en armes comme de simples criminels. (...)

    « civile » signifie que la lutte a lieu à l'intérieur d'un territoire national. La violence est le critère suprême: les combattants essaient de s'emparer du pouvoir national ou de le conserver. La vengeance, la revendication de droits, les crimes de masse et les gains économiques ne sont pas, pris isolément ou ensemble, des motifs suffisants. Seuls cinq cas précis peuvent être cités : les conflits anglais (1642-1649), américain (1861-1865), russe (1918-1921), espagnol (1936-1939) et libanais (1975-1990).

    Un apartheid avec une classe supérieure et des indigènes.

    On le voit, la Révolution algérienne n'est pas cataloguée sous le vocable de guerre civile. De plus, le concept de guerre civile s'adresse à une population homogène. Tel n'était pas le cas, puisque c'était en fait, un apartheid avec une classe supérieure et des indigènes. Nulle part nous n'avons entendu parler de guerre civile s'agissant de la Révolution de Novembre. Jean-Luc Mélenchon est dans le même registre que les socialistes de la gauche (Section française de l'Internationale ouvrière - SFIO) qui avaient mené la répression et désignant ce qui se passait en Algérie d'évènements d'Algérie. Il a fallu près d'un demi-siècle pour que la France reconnaisse qu'il y avait une guerre d'Algérie.

    (Chems Eddine CHITOUR, ''Jean-Luc Mélenchon. Certitude et ambiguïté du discours'', ''L'Expression'', samedi 16 février 2013) 

    Voir aussi : Yacine Ouchikh, "Algérie. Mélenchon qualifie la repentance de belle plaisanterie", ''Courrier de l'Atlas'', 13 février 2013)

    Mélenchon compare la guerre d'indépendance algérienne à une lutte entre deux puissances égales

    En France, seul le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) semble avoir réagi à chaud. Il souligne que Jean-Luc Mélenchon est venu en Algérie en tant que responsable politique qui assume le passé de l’État français. Il lui reproche cependant de comparer la guerre d'indépendance algérienne à une lutte entre deux puissances égales, comme si la lutte entre les deux puissances impérialistes rivales était comparable à 132 ans de colonisation, de spoliations légalisées, de soumission d'un peuple réduit au statut « d'indigène musulman ». Mais cela n'entre pas dans le raisonnement du défenseur de la laïcité républicaine, qui d'ailleurs a fini par parler de « guerre civile » à propos de la guerre d'indépendance.

    (Algérie : Mélenchon en Homme d'Etat, in ''Hebdo tout est à nous'', n° 184, 28 février 2013.

    La revendication de certains groupes pieds-noirs

    Qu'est-ce qui motive le positionnement idéologique de Mélenchon ? Nous avons vu qu'il rappelle la position officielle de la SFIO. Mélenchon semble en tout cas rejoindre les revendications de groupes Pieds-Noirs, milieu dont il est lui-même issu. Ceux-ci revendiquent l'appellation de "guerre civile" au motif que les Algériens, avant l'indépendance, étaient tous des citoyens français, y compris les Musulmans. Et d'autre part, de manière assez inique, parce qu'il n'existait pas de nationalité algérienne avant l'indépendance.

    L'Etat français a donné le qualificatif de "guerre" à l'ensemble des actes criminels, et à leur répression par des autorités politiques françaises, qui se sont déroulés dans les départements français d'Algérie du 31 octobre 1954 au 2 juillet 1962 (La loi N°74.1044 du 9 décembre 1974). Les débats à l'Assemblée nationale, au Sénat et dans les médias n'ont pas qualifié correctement cet ensemble de faits violents baptisés du seul mot "guerre". L'analyse des faits historiques démontre qu'il s'agit en réalité d'une suite de guerres civiles franco-françaises. Dans le contexte algérien, le terme de "guerre" doit être effectivement accompagné de "civile" car tous les intervenants avaient de facto jusqu'au 3 juillet 1962 la nationalité française, la nationalité algérienne n'ayant jamais existé auparavant. L'Algérie est une création purement française, l'ensemble de territoires correspondant à cette dénomination n'ayant jamais porté ce nom auparavant. L'Algérie indépendante est aussi une création française, la décision d'abandon de nos départements algériens ayant été prise par le Chef de l'Etat d'alors, le général de Gaulle.

    (http://jeunepiednoir.pagesperso-orange.fr/jpn.wst/GuerreAlg%E9rie.htm)

    Cette dénomination repose donc sur une farce "juridique" présupposant que, comme la Palestine avant 1948 selon le point de vue israélien, l'Algérie n'existait pas avant la colonisation.

    Nationalité française face à statut civil de droit local

    En réalité, les Musulmans ne disposèrent que tardivement (après la Libération) d'un "statut civil de droit local" qui leur permettait d'accéder à certains droits selon un principe dérogatoire. Une citoyenneté qui s'est progressivement élargie au fur et à mesure que la France perdait le contrôle du territoire.

    C'est d'ailleurs sur la base d'une telle fable que certains descendants de Musulmans d'Algérie ont tenté d'obtenir la nationalité française, arguant de la "nationalité française" de leur parent (rappelée effec- tivement en toutes lettres dans les papiers officiels). Or, même en brandissant des certificats militaires (de nombreux Musulmans d'Algérie ayant été enrôlés dans les guerres européennes), ils se sont heur- tés à un refus ; sauf dans les cas, assez rares, d'acquisition de la nationalité française par décret. Il est évident qu'un statut civil de droit local n'offre pas une citoyenneté pleine et entière.

    Il est facile de montrer que l'Algérie était en situation d'apartheid et qu'il existait une séparation de fait entre les Algériens d'origine européenne, les Musulmans et les Juifs. Suggérer qu'il existait un ensem- ble commun réunissant des citoyens français égaux entre eux au sein des fameux départements algériens, qui se seraient opposés dans une "guerre civile", est donc une imposture.

    Quand la SFIO vante le colonialisme

    Les Français furent d'ailleurs de bien mauvais colonisateurs au Maghreb, en dépit des envolées lyriques universalistes sur la mission civilisatrice de la colonisation  (qui ne sont pas sans évoquer un certain discours européiste admettant la supériorité de l'Allemagne, par exemple en matière de gestion budgétaire) : 

    « Nous admettons qu'il peut y avoir non seulement un droit, mais un devoir de ce qu'on appelle les races supérieures, revendiquant quelquefois pour elles un privilège quelque peu indu, d’attirer à elles les races qui ne sont pas parvenues au même degré de culture et de civilisation » (Léon Blum, Débat sur le budget des colonies à la Chambre des députés, 9 juillet 1925, J.O., Débats parlementaires, Assemblée, Session Ordinaire (30 juin-12 juillet 1925), p. 848).

    En guise de mission civilisatrice, dans les faits, la France ne scolarisa les enfants musulmans qu'en infime quantité, les Pieds Noirs s'étant fermement opposés à l'ouverture d'écoles pour les "Arabes". Et ce n'est pas l'assouplissement de la position des colons, contraints par les circonstances dans les dernières années, qui change quelque chose à cette réalité de longue durée.

    60 élus pour 900 000 électeurs européens / 60 élus pour 9 millions de Musulmans

    La France avait de même mis entre parenthèses le principe de laïcité, organisant par exemple des élections où les communautés était représentées séparément, selon un principe fortement inégalitaire : le premier collège (constitué de 900 000 électeurs européens) élisait 60 représentants à l’Assemblée algérienne, le second collège (constitué de 9 millions de Musulmans) élisait de même 60 représentants à cette assemblée.

    Comme le suggère M. Chitour, évoquer une "guerre civile" à défaut des "événements" d'Algérie au lieu de conserver l'acquis reconnaissant encore trop tardivement une "guerre" d'Algérie est le signe d'une régression, qui dénote l'incapacité de Mélenchon à prendre de la distance vis-à-vis d'un passé familial pro-"Algérie française". Mélenchon a parfois bien du mal à rester en cohérence avec une famille politique, normalement anticolonialiste, qui a rompu avec la SFIO depuis des décennies et dont il semble se réclamer sur le tard.

  • Le problème palestinien et le conflit israélo-arabe (Manifeste Matzpen 1967)

    Le dix-neuvième anniversaire de la création de l'Etat d'Israël aura lieu ce mois-ci. Durant ces dix-neuf années le conflit israélo-arabe ne s'est pas rapproché d'une solution.

    Le problème palestinien demeure une plaie ouverte au sein du Moyen-Orient ; une source incessante d'effusions de sang, de souffrances et d'injustices ; un lourd fardeau pesant sur les ressources économiques de la région ; un prétexte pour l'intervention impérialiste et l'agression militaire ; une menace grave pour la paix mondiale.

    Mais ce qui est particulièrement grave, c'est la situation des Arabes palestiniens, les victimes directes de la guerre de 1948 et de la collusion entre « les frères-ennemis » : Ben Gourion et Abdallah. La majorité des Arabes de Palestine ont été dépossédés de leurs foyers et de leurs terres durant la guerre de 1948 et après celle-ci, et ils vivent depuis lors comme réfugiés, dans les souffrances et la détresse, à l'extérieur d'Israël.

    Les dirigeants israéliens refusent catégoriquement de reconnaître leur droit élémentaire au rapatriement. Les Arabes qui sont restés en Israël sont victimes d'une sévère oppression économique, civique et nationale.

    Durant ces dix-neuf années, Israël a été un îlot isolé au sein du Moyen-Orient, un état qui n'est indépendant qu'au sens formel du terme, vu sa dépendance économique et politique des puissances impérialistes, spécialement des Etats-Unis. Il a servi continuellement d'instrument de ces puissances contre la nation Arabe et contre les forces progressistes du monde arabe. Ce rôle de la politique officielle israélienne s'est manifesté le plus clairement (mais ce ne fut pas la seule occasion) en 1956, lorsque le gouvernement israélien s'est joint à l'impérialisme anglo-français dans une collusion agressive contre l'Egypte, fournissant même à ces puissances le prétexte d'une intervention militaire.

    L'état de guerre et l'hostilité entre Israël et ses voisins arabes s'est poursuivi depuis dix-neuf ans et les dirigeants sionistes d'Israël n'ont aucune perspective réelle de modifier cette situation. La politique israélienne est dans l'impasse.

    La crise économique actuelle en Israël, qui a entraîné un chômage important chez les ouvriers et qui soumet les masses populaires à une pénible épreuve, souligne le fait qu'Israël ne peut continuer à exister longtemps sous sa forme présente, en tant qu'Etat sioniste, coupé de la partie du monde où il se situe.

    Ainsi la situation actuelle est contraire aux intérêts des masses arabes : Israël, sous sa forme actuelle, constitue un obstacle important à la lutte de ces masses contre l'impérialisme et pour l'unité socialiste Arabe. Le maintien du statu quo est également contraire aux intérêts des masses israéliennes.

    L'Organisation Socialiste Israélienne dans les rangs de laquelle se trouvent des Arabes comme des Juifs, estime que le problème palestinien et le conflit israélo-arabe peuvent et doivent être résolus dans une direction socialiste et internationaliste, prenant en considération les aspects spécifiques de ce problème complexe. Ce n'est pas un conflit ordinaire entre deux nations.

    Par conséquent il ne suffit pas d'en appeler à une coexistence basée sur la reconnaissance mutuelle des droits nationaux des deux peuples.

    L'état d'Israël est la conséquence de la colonisation jusqu'au boutiste de la Palestine par le mouvement sioniste, aux dépens du peuple arabe et sous les auspices de l'impérialisme. Le présent état d'Israël, sioniste, est aussi un instrument de la poursuite du "projet sioniste". Le monde arabe ne peut approuver l'existence en son sein d'un Etat sioniste dont l'objectif déclaré est non pas de servir d'expression politique à sa propre population, mais de tête de pont, instrument politique et destination de l'immigration des juifs du monde entier. Le caractère sioniste d'Israël est également contraire aux véritables intérêts des masses israéliennes, parce qu'il signifie que le pays se trouve dans une dépendance constante de forces extérieures.

    Nous estimons, par conséquent, qu'une solution du problème requiert la désionisation d'Israël. L'Etat d'Israël doit subir une profonde transformation révolutionnaire, de sorte que cet état sioniste (c'est-à-dire état des Juifs du monde entier) devienne un état socialiste représentant les intérêts des masses qui y vivent. En particulier, la « loi du retour » (qui accorde à tout juif du monde le droit absolu et automatique d'immigrer en Israël et en devenir un citoyen), doit être abrogée. Chaque demande d'immigration en Israël sera jugée à ce moment séparément sur ses mérites propres, sans discrimination aucune de nature raciale ou religieuse.

    Le problème des réfugiés arabes de Palestine est l'aspect le plus douloureux du conflit israélo-arabe. Nous sommes donc d'avis que tout réfugié qui désire retourner en Israël doit être mis en mesure de le faire ; dans ce cas, il devrait obtenir un rétablissement intégral dans tous ses droits économiques et sociaux. Les réfugiés qui choisiraient librement de ne pas être rapatriés devraient être intégralement indemnisés pour la perte de propriété et les souffrances personnelles subies par eux.

    En outre, tous les lois et règlements ayant pour objet d'exercer une discrimination envers la population arabe d'Israël, de l'opprimer et d'exproprier ses terres doivent être abrogés. Toutes expropriations et tous dommages (relatifs à la terre, à la propriété et à la personne) causés sous couvert de ces lois et règlements doivent être intégralement dédommagés.

    La désionisation d'Israël implique également que soit mis fin à la politique étrangère sioniste, qui sert l'impérialisme. Israël doit prendre une part active à la lutte des arabes contre l'impérialisme et pour l'établissement d'une unité socialiste arabe.

    La colonisation sioniste de la Palestine se différencie de la colonisation d'autres pays sous un rapport essentiel : alors que dans d'autres pays les colons ont fondé leur économie sur l'exploitation du travail des autochtones, la colonisation de la Palestine a été réalisée par le remplacement et l'expulsion de la population indigène.

    Ce fait a engendré une complication extrême du problème palestinien. Comme résultat de la colonisation sioniste s'est formée en Palestine une nation hébraïque avec ses propres caractéristiques nationales (langue commune, économie séparée, etc.). Qui plus est, cette nation a une structure de classe capitaliste ; elle se divise en exploiteurs et exploités, bourgeoisie et prolétariat.

    L'argument que cette nation s'est formée artificiellement et aux dépens de la population arabe indigène ne change rien au fait que cette nation hébraïque est maintenant existante. Ce serait une erreur désastreuse que d'ignorer ce fait.

    La solution du problème palestinien doit non seulement réparer les torts faits aux arabes de Palestine, mais également garantir l'avenir national des masses hébraïques. Ces masses ont été amenées en Palestine par le sionisme, mais elles ne sont pas responsables des actions du sionisme. Tenter de punir les travailleurs et les masses populaires d'Israël pour les péchés du sionisme ne peut résoudre le problème palestinien, mais seulement mener à de nouveaux malheurs.

    Ceux des dirigeants nationalistes arabes qui en appellent au Jihad [guerre sainte] pour la libération de la Palestine ignorent le fait que, même si Israël était vaincu militairement et cessait d'exister en tant qu'Etat, la nation hébraïque existerait encore. Si le problème de l'existence de cette nation n'est pas résolu correctement, une situation de conflit national dangereux et prolongé sera à nouveau créée, ce qui causera une effusion de sang et des souffrances sans fin et servira de nouveau prétexte à l'intervention impérialiste. Ce n'est pas une coïncidence que les dirigeants qui préconisent pareille « solution » s'avèrent également incapables de résoudre le problème kurde.

    De plus, il faut comprendre que les masses israéliennes ne seront délivrées de l'influence du sionisme et ne lutteront contre lui qu'à la condition que les forces progressistes du monde arabe leur présentent une perspective de coexistence sans oppression nationale. L'Organisation Socialiste Israélienne estime par conséquent qu'une solution véritable du problème palestinien requiert la reconnaissance du droit de la nation hébraïque à l'autodétermination.

    Autodétermination ne signifie pas nécessairement séparation. Au contraire, nous sommes d'avis qu'un petit pays pauvre en ressources naturelles, tel qu'Israël, ne peut exister en tant qu'entité séparée. Une seule alternative s'offre à lui : ou bien continuer à dépendre des puissances étrangères, ou bien s'intégrer dans une union régionale.

    Il s'ensuit que la seule solution conforme aux intérêts des masses arabes, comme des masses israéliennes, est l'intégration d'Israël en tant qu'unité dans une union économique et politique du Moyen-Orient sur la base du socialisme. Dans un pareil cadre, la nation hébraïque sera à même de mener sa propre vie nationale et culturelle sans mettre en péril le monde arabe et sans que sa propre existence soit menacée par les arabes. Les forces des masses israéliennes se joindront à celles des masses arabes dans une lutte commune pour le progrès et la prospérité.

    Nous estimons, par conséquent, que le problème palestinien, de même que d'autres problèmes essentiels du Moyen-Orient, ne peut être résolu que dans le cadre d'une Union du Moyen-Orient. L'analyse théorique et l'expérience pratique montrent toutes deux que l'unité arabe ne peut se former et exister de manière stable seulement si elle a un caractère socialiste.

    On peut donc résumer la solution que nous proposons par la formule : désionisation d'Israël et intégration de celle-ci dans une Fédération Socialiste du Moyen-Orient. Nous sommes d'avis que le problème de l'avenir politique des Arabes palestiniens devrait également être résolu dans le cadre décrit ci-dessus.

    Certains estiment que la justice exige la création d'une entité politique spéciale des Arabes de Palestine. Notre opinion est que cette question doit être décidée par les Arabes palestiniens eux-mêmes, sans ingérence extérieure. Cependant, nous pensons que ce serait une grave erreur de poser le problème de l'avenir politique des arabes palestiniens séparément et indépendamment de la question de l'union socialiste arabe. Les arabes palestiniens sont à présent aux premiers rangs de la lutte pour l'unité. Si on devait leur présenter un objectif séparé et indépendant, la cause de l'unité arabe pourrait en subir de sérieux dommages. De même, la création d'un petit etat arabe séparé n'est pas conforme aux intérêts de la nation arabe, y compris du peuple arabe de Palestine.

    Par conséquent, nous sommes d'avis que si les arabes de Palestine se prononcent pour la création d'une entité politique propre, les dispositions politiques et territoriales nécessaires devraient être prises dans le cadre de la formation d'une Fédération socialiste du Moyen-Orient. Les pays qui détiennent actuellement des portions du territoire de la Palestine — Israël, la Jordanie, et l'Egypte — devraient contribuer en particulier à un tel règlement.

    Nous en appelons aux forces socialistes révolutionnaires des pays arabes et des autres pays, afin qu'elles prennent en considération le programme présent qui est le nôtre, et entament une large discussion en vue de mettre au point une position commune sur les problèmes du Moyen-Orient.  

    Organisation Socialiste Israélienne

    Matzpen (La Boussole) 18 mai 1967

    https://www.marxists.org/francais/4int/suqi/1967/05/manifeste_matzpen.htm

  • Des survivants juifs du génocide nazi

    Des survivants juifs du génocide nazi et des descendants de survivants condamnent de façon sans équivoque  le massacre des Palestiniens à Gaza.

    En tant que survivants juifs du génocide nazi et descendants de survivants nous condamnons sans équivoque le massacre des Palestiniens à Gaza, l’occupation et la colonisation de la Palestine historique qui continuent. Nous condamnons en outre les Etats-Unis qui apportent un financement à Israël pour mener à bien leur attaque et de façon plus générale les états occidentaux qui utilisent leur force diplomatique à protéger Israël de toute condamnation. Le génocide commence par le silence du monde.

    Nous sommes très préoccupés par la déshumanisation raciste extrême des Palestiniens dans la société israélienne qui a atteint un paroxysme. En Israël, les politiciens et les pontes ont appelé ouvertement dans le « Times of Jerusalem » et le « Jerusalem Post » au génocide des Palestiniens et l’extrême-droite israélienne adopte des insignes néo-nazis.

    En outre, nous sommes dégoûtés et outragés par l’usage abusif de notre histoire dans ces pages pour promouvoir des mensonges flagrants utilisés pour justifier l’injustifiable :  l’important effort d’Israël pour détruire Gaza et le meurtre de près de 2000 Palestiniens, parmi lesquels plusieurs centaines d’enfants.

    Rien ne peut justifier le bombardement d’abris de l’ONU, de maisons, d’hôpitaux et d’universités. Rien ne peut justifier le fait de priver les gens d’électricité et d’eau. Nous devons élever une voix collective et utiliser notre pouvoir collectif pour mettre un terme à toutes les formes de racisme, y compris le génocide en cours des Palestiniens. Nous appelons à la fin immédiate du siège et du blocus de Gaza. Nous appelons à un total boycott économique, culturel et universitaire d’Israël. « Plus jamais » doit signifier « Plus jamais pour tous ».

    Appel déjà signé par 250 personnes.

    Déclaration et appel du Réseau International Juif Antisioniste (International Jewish Anti-Zionist Network – IJAN) publiés dans le « New York Times ».