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IVè Internationale - Page 4

  • Les gauches politiques (Inprecor)

    © Photothèque Rouge/JMB

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    Contrairement à l’Égypte, en Tunisie les forces de gauche ont eu la capacité de maintenir une continuité pendant des dizaines d’années, même dans la clandestinité.

    La principale raison en est l’existence depuis les lendemains de la Seconde Guerre mondiale d’un mouvement syndical puissant. Celui-ci a joué un rôle décisif dans les luttes pour l’indépendance et a permis aux forces de gauche de se protéger partiellement des effets de la répression. Certains de ses débats ressemblent à ceux d’autres pays, à commencer par ce qui concerne ses relations avec les pouvoirs en place.

     

    I. Aux origines des gauches

    Débuts prometteurs

    Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la référence à la gauche n’existe pour l’essentiel que parmi une minorité de la population d’origine européenne (1). Cette gauche se situe dans le prolongement de la tradition socialiste européenne et avant tout celle de la France.

    En 1920, la majorité de la Fédération socialiste se range au côté de la révolution russe et devient section de l’Internationale communiste. Celle-ci se déclare partisane de l’indépendance de la Tunisie (2).

    Simultanément, une partie significative des salariés autochtones cherche à s’organiser syndicalement. Ne trouvant leur place ni au sein du prolongement local de la CGT française, ni dans le mouvement nationaliste tunisien de l’époque, ils fondent en décembre 1924 leur propre centrale syndicale, la Confédération générale tunisienne du travail (CGTT). On y trouve notamment des dockers, des cheminots et des traminots. Immédiatement la CGTU et les communistes tunisiens s’engagent pleinement à leur côté, dont leur porte-parole Jean-Paul Finidori.

    La voie est ouverte au développement d’une gauche radicale où convergent référence au communisme, syndicalisme de lutte de tradition française et syndicalisme tunisien embryonnaire d’orientation nationaliste.

    Mais très rapidement, deux obstacles majeurs vont faire dérailler ce processus naissant :

    • La répression coloniale se déchaîne. Les fondateurs de la CGTT et leurs soutiens français se retrouvent en prison, dont les porte-parole de la CGTT et de la CGTU qui sont ensuite condamnés à l’exil.

    • L’abandon de la revendication d’indépendance par les communistes, dont l’organisation prend en 1934 le nom de Parti communiste tunisien (PCT) : ils s’alignent en effet sur le tournant en ce domaine opéré par le PCF et l’Internationale communiste stalinisée.

    Un pas supplémentaire est franchi en 1945. Dans le cadre du gouvernement français auquel le PCF participe, les responsables communistes combattent l’idée d’indépendance et y opposent celle d’autonomie au sein de l’Union française.

    Tout cela explique pourquoi la gauche se réclamant du communisme et le mouvement national ont cheminé séparément pendant des dizaines d’années (3).

    À partir des années 1930, le leadership politique passe dans les mains du Néo-Destour

    Le parti fondé par Bourguiba en 1934 ne cherche pas à rompre avec le colonialisme mais à le réformer. Il ne cherche pas non plus à rompre avec le capitalisme mais à y introduire certains aménagements.

    Ce parti devient hégémonique au sein du mouvement national, et la plupart des militants syndicaux autochtones en sont membres.

    Ces derniers fondent en 1946 leur propre centrale sous le nom d’Union générale tunisienne du travail (UGTT). Celle-ci joue un rôle décisif dans la lutte pour l’indépendance et absorbe par la suite ce qu’il reste des structures syndicales fondées par les Français. Il s’agit là d’une différence majeure et durable avec l’Égypte où le syndicalisme est éradiqué durablement au début des années 1950.

    Pas étonnant dans ces conditions qu’une symbiose existe après l’indépendance (1956) entre le Néo-Destour et le mouvement syndical. On assiste ensuite à une alternance de périodes de coopération et de conflictualité entre le pouvoir destourien et l’UGTT.

    La trajectoire des partis socialistes et communistes

    Après l’indépendance, les partis de gauche, sont dans un piteux état.

    • Les membres de la SFIO, qui sont presque uniquement européens, quittent la Tunisie et ce parti disparaît,

    • En ce qui concerne le Parti communiste tunisien (PCT), le départ de la plupart de ses membres français et/ou autochtones d’origine juive est partiellement compensé par l’adhésion de jeunes intellectuels tunisiens (4).

    La marginalisation de la gauche politique facilite l’instauration d’un régime autoritaire. Entre 1963 et 1981, le seul parti autorisé est celui de Bourguiba. Le seul contrepoids réel est l’UGTT envers qui le pouvoir alterne des phases de séduction et de répression. La marge est donc plus qu’étroite pour construire une alternative politique de gauche.

    Interdit en 1963, le PCT est à nouveau légalisé en 1981. Il connaît alors une évolution comparable à celle de l’ex-Parti communiste italien. À partir de 1993, il ne se réclame plus du communisme mais du centre-gauche et prend alors le nom d’Harakat Ettajdid (Mouvement de la rénovation).

    Son opportunisme envers le pouvoir ne cesse de se confirmer. En 1999, le secrétaire général d’Ettajdid déclare : « Nous entretenons les meilleurs rapports du monde avec le Président Ben Ali. Nous avons dépassé la conception d’une dualité absolue et manichéenne entre pouvoir et opposition. Parce que nous avons affaire à un pouvoir national qui est en train de réaliser de grandes réformes, sous l’impulsion réformatrice du Président Ben Ali. Aujourd’hui, nous sommes à la fois pour le soutien et la critique ». « Je soutiens Ben Ali, donc je ne serai jamais candidat contre lui, je revendique mon soutien et ma participation au consensus national, et je considère qu’il n’y a pas d’alternative au Président Ben Ali. » (5) Il convient de préciser qu’après son congrès de 2001, Ettajdid a pris ses distances avec le pouvoir et présentera un candidat aux élections présidentielles.

    II. L’émergence de gauches radicales depuis le milieu des années 1960

    Comme en Égypte, une nouvelle génération qui n’a pas vraiment vécu les luttes pour l’indépendance se lance dans le militantisme à partir du milieu des années 1960. Elle est le produit d’une rupture d’une part avec le bourguibisme, d’autre part avec le Parti communiste tunisien.

    Ces nouvelles gauches ont comme matrice commune « Perspectives » qui voit le jour en 1963. Ce courant, né à l’époque de la guerre au Viêtnam et du développement de la résistance palestinienne, se maoïse en partie à partir de 1967.

    Après avoir milité à l’Université, les anciens étudiants commencent ensuite à travailler et un certain nombre d’entre eux deviennent syndicalistes, en particulier dans l’enseignement, les banques, les PTT et la santé.

    Perspectives éclate au milieu des années 1970. Trois courants durables voient alors le jour. Celui dirigé par Ahmed Néjib Chebbi rompt avec le maoïsme. Il donne naissance en 1983 au Rassemblement socialiste progressiste (RSP) devenu en 2001 le Parti démocrate progressiste (PDP) autour de qui se constituera Al Joumhouri en 2012.

    À noter qu’un petit courant trotskiste fait à ses débuts le choix de militer au sein du RSP. Il fonde ensuite dans les années 1980 l’OCR (Organisation communiste révolutionnaire). Brisé par la répression, ce courant se maintient entre 2002 et 2011 sous la forme d’un réseau informel.

    Les deux grands courants de gauche radicale : Watad (Patriotes démocrates) et PCOT

    Deux grands courants issus de Perspectives se réclament explicitement du marxisme-léninisme :

    • Cho’la (La Flamme), qui donne ensuite naissance à la mouvance Patriote démocrate (Watad) (6),

    • Al Amel Tounsi (Le Travailleur tunisien), journal édité en arabe à partir de 1969, et dont est issu en 1986 le PCOT (Parti communiste des ouvriers de Tunisie), qui prendra en juillet 2012 le nom de Parti des travailleurs (7).

    Certaines divergences entre ces deux courants sont de nature idéologique, phénomène courant à l’époque partout dans le monde, en particulier chez les étudiants : les Patriotes démocrates (Watad) se réclament de la Chine de Mao, et le PCOT de l’Albanie d’Enver Hodja.

    D’autres divergences, plus durables, sont liées à des positionnements différents sur le plan syndical. En janvier 1978 a lieu la répression meurtrière d’une grève générale suivie d’une attaque d’ampleur contre l’UGTT. Bourguiba arrête notamment Habib Achour, le secrétaire général de l’UGTT, puis le remplace par un homme de confiance dans le but de caporaliser la centrale syndicale.

    Les militants de la mouvance Watad exigent le retour d’Habib Achour et se battent pour remettre en place la vie syndicale sur des bases légitimes. Ils font notamment paraître 6 numéros clandestins du journal Echaab (Le Peuple). Cette attitude courageuse explique en grande partie le poids important des Patriotes démocrates au sein de l’UGTT depuis des dizaines d’années (8).

    Il est parfois reproché aux militants ayant créé en 1986 le PCOT de ne pas avoir agi à l’époque de la même façon. Ils sont souvent accusés d’avoir continué à militer au sein des structures syndicales totalement annexées par Bourguiba. Ce serait une des raisons pour lesquelles le PCOT a eu par la suite une influence plus faible que les Patriotes démocrates au sein de l’UGTT.

    Une troisième divergence est liée à la volonté de maintenir ou pas la forme partidaire face à la dictature. Dans les années 1980, les Patriotes démocrates dissolvent en effet leur parti pensant ainsi mieux s’introduire dans le milieu syndical et rebâtir clandestinement l’UGTT. Le courant représenté ensuite par le PCOT a, par contre, maintenu depuis 1986 sa structuration en parti clandestin contre vents et marées.

    En 2005, une partie des Watad décide de revenir à la tradition partidaire en fondant le PTPD (Parti du Travail patriotique et démocratique). Parmi ses principaux dirigeants figurent Abderazak Hammami (décédé en 2016) qui évoluera vers le centre-gauche, et Mohamed Jmour qui fera partie en 2012 des fondateurs du PPDU et du Front populaire.

    Une des divergences entre le PTPD et le PCOT concerne les alliances que ces deux familles politiques concluent, dans les cinq dernières années de la dictature. Le PTPD et le PCOT pratiquent, en ordre dispersé, une ouverture envers des partis situés à leur droite (9).

    Le PCOT au sein de la coalition du 18 octobre 2005 qui revendique l’obtention de droits démocratiques, dont la fin de la répression contre les islamistes. On y retrouve Ennahdha, le PDP, le FDTL, et le CPR de Moncef Marzouki (10). Il convient de rappeler qu’en Égypte, des liens existent également de 2001 à 2010 entre les Socialistes révolutionnaires (trotskistes proches du SWP britannique) et les Frères musulmans (11).

    Le PTPD de son côté participe à « L’alliance pour la citoyenneté et l’égalité » formée en 2009 avec Ettajdid (ex-PC) et le FDTL (social-démocrate). Celle-ci cherche à négocier avec Ben Ali une réforme du régime.

    Si la gauche politique radicale est parvenue à survivre dans la clandestinité, elle reste faible numériquement, peu structurée (sauf le PCOT) et marquée par le sectarisme.

    Une partie de cette gauche a tendance à glisser vers le centre comme par exemple une aile du PTPD et le PSG (Parti socialiste de gauche) qui a scissionné du PCOT en 2006 (12).

    L’apparition d’un courant se réclamant de la social-démocratie

    En 1994, est fondé le FDTL (Forum démocratique pour le travail et les libertés) sous la houlette de Moustapha Ben Jaafar, un ancien militant du MDS (une scission du parti de Bourguiba).

    Légalisé en 2002, le FDTL n’est pas représenté à l’Assemblée. Il cherche vainement à négocier avec Ben Ali une réforme du régime en compagnie d’Ettajdid et du PTPD. Le FDTL participe simultanément à la Coalition du 18 octobre 2005 aux côtés du PCOT et d’Ennahdha.

    Avant 2011, le FDTL a seulement le statut d’observateur de l’Internationale socialiste : la section officielle de l’Internationale socialiste est en effet à l’époque le PSD de Bourguiba puis le RCD de Ben Ali (à noter qu’en Égypte, le PND du dictateur égyptien Moubarak était également membre de l’Internationale socialiste !).

    III. La révolution de 2011 et ses suites

    Les gauches et la nouvelle génération militant

    En Égypte, le déclenchement de la révolution a été le fait de la jeunesse, et celle-ci continue à en être la locomotive jusqu’en juillet 2013.

    Si le démarrage est comparable en Tunisie, des militant-e-s de la génération précédente s’y impliquent rapidement. Beaucoup d’entre eux appartiennent à l’aile gauche du mouvement syndical et associatif, et un certain nombre sont simultanément membres d’organisations politiques de gauche.

    Contrairement à l’Égypte une continuité politique et associative de plusieurs dizaines d’années existe en effet en Tunisie, en grande partie grâce à la protection que leur apporte l’existence de l’UGTT. Souvent enseignants ou avocats, les leaders de la gauche politique ayant longtemps milité sous l’ancien régime du temps de Ben Ali se retrouvent rapidement en 2011 sur le devant de la scène. Ils apportent leur capacité d’analyse et d’organisation, mais également leurs habitudes acquises du temps de la clandestinité avec leur lot de repliement sur soi, de sectarisme et d’éparpillement.

    En d’autres termes le renouvellement générationnel a du mal à s’opérer au sein de la gauche tout comme la féminisation de celle-ci.

    Après le 14 janvier 2011, on assiste à un foisonnement d’organisations politiques. En ce qui concerne la gauche radicale, voient notamment le jour :

    • Une seconde organisation Patriote démocrate qui se constitue autour de Chokri Belaïd en mars 2011 (MOUPAD),

    • Une petite organisation trotskiste fondée en janvier 2011 par d’anciens militants de l’OCR sous le nom de Ligue de la gauche ouvrière (LGO).

    Détricotage - retricotage des alliances

    Avec l’instauration des libertés démocratiques et la fin de la persécution d’Ennahdha, disparaît l’objet même de la coalition constituée le 18 octobre 2005 par le PCOT avec Ennahdha, le PDP et le FDTL. La rupture est ensuite définitive entre les forces de gauche et les islamistes (13).

    Après le 14 janvier 2011, l’heure n’est plus en Tunisie au dialogue avec Ben Ali que souhaitait instaurer la coalition « Alliance pour la citoyenneté et l’égalité » constituée en 2009 par Ettajdid, le PTPD et le FDTL. Aux lendemains du 14 janvier, le PTPD rompt avec Ettajdid et le FDTL qui participent aux gouvernements de transition dirigés par des anciens benalistes.

    La désagrégation de ces deux alliances dégage la voie pour un regroupement des forces politiques ayant milité ensemble de longue date pour chasser Ben Ali et qui refusent toute compromission avec les rescapés de l’ancien régime.

    Dès le 20 janvier, voit le jour une première tentative de regroupement sous le nom de Front du 14 janvier. On y retrouve notamment le PCOT, plusieurs courants Watad (dont le PTPD), la LGO et plusieurs organisations nationalistes arabes. En Égypte, un regroupement de gauche voit également le jour le lendemain de la chute de Moubarak (14).

    Mais après le pic atteint avec le départ du deuxième gouvernement Ghannouchi le 27 février 2011, les mobilisations se ralentissent. Essebsi, ancien cadre du régime Bourguiba et des débuts de l’ère Ben Ali manie habilement le bâton et la carotte. Il parvient notamment à substituer au « Comité national de la protection de la révolution » une « Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique ». Celle-ci regroupe des commissions mises en place par les gouvernements Ghannouchi et des personnalités appartenant à un large éventail de sensibilités politiques, syndicales et associatives (dont la Ligue tunisienne des droits de l’homme et l’Association tunisienne des femmes démocrates) (15).

    Le Front du 14 janvier éclate à propos de l’attitude à observer envers la Haute instance :

    • Le PCOT refuse d’y siéger estimant que son but est de « torpiller » le Conseil national de protection de la révolution (16).

    • Du côté des Watad par contre, Mohamed Jmour (PTPD) et Chokri Belaïd (MOUPAD) participent à la Haute instance.

    • Simultanément, le balancier qui avait poussé vers la gauche les Watad repart dans l’autre sens : en avril-mai 2011 ils participent en effet à des pourparlers avec des forces du centre en vue de constituer un « pôle moderniste » aux élections prévues à l’époque pour l’été. Même si un terme est mis en juin à la participation des Patriotes démocrates à une alliance centre-gauche, ces approches différentes expliquent en grande partie l’éclatement du Front du 14 janvier.

    La tradition de sectarisme reprend alors le dessus. Chacune des principales organisations de gauche est persuadée qu’elle va réaliser une percée aux élections et imposer son hégémonie sur les autres. Lors des élections d’octobre 2011, Chokri Belaïd et Mohamed Jmour sont par exemple candidats dans la même circonscription !

    À ces élections d’octobre, Ennahdha remporte 41,5 % des sièges pour 37 % des suffrages exprimés.

    Une certaine démoralisation traverse alors les forces vives de la révolution. Les militant-e-s politiques de gauche qui ont combattu pendant des années sont d’autant plus amers que leurs organisations, qui se sont présentées en ordre dispersé aux élections, ont obtenu des résultats calamiteux.

    La difficile recherche de l’indépendance politique

    Le besoin de s’unir face à la violence de l’offensive islamiste pousse à nouveau les organisations de gauche à chercher à s’unir. Une telle coalition n’a de sens que si y participent au minimum les deux principaux courants Patriote démocrate (Watad), le PCOT et une partie au moins des nationalistes arabes.

    Plusieurs obstacles doivent être préalablement dépassés, dont notamment :

    • Les méfiances existant à l’égard des Patriotes démocrates suite à leurs ambiguïtés envers le centre-gauche, ainsi que les accusations de bureaucratisme faites envers certains de leurs responsables syndicaux ;

    • Les méfiances envers le PCOT dont :

    – une volonté supposée d’imposer son hégémonie, et cela d’autant plus qu’il est la seule force de gauche ayant une réelle tradition partidaire,

    – son alliance avec Ennahdha entre 2005 et 2010 dans le cadre de la Coalition du 18 octobre,

    – un comportement syndical privilégiant la construction de son courant politique au détriment du caractère de masse du syndicat,

    – une tendance à confondre au niveau syndical compromis et compromission,

    – sa propension à traiter de bureaucrates les responsables syndicaux avec lesquels il est en désaccord et notamment ceux du Watad (17) ;

    • Des méfiances envers les militants se réclamant de gouvernements nationalistes arabes autoritaires ;

    • La difficulté des principales organisations à traiter sur un pied d’égalité des forces plus petites comme la LGO, Tunisie verte ou l’association RAID-ATTAC, ainsi que des indépendants ;

    • La capacité limitée des organisations existantes à permettre aux jeunes et aux femmes de prendre toute leur place.

    Sur le plan de l’orientation politique, une clarification politique décisive intervient à l’été 2012 avec l’éclatement du PTPD (18). L’aile gauche du PTPD (Jmour), qui refuse toute idée d’alliance avec Nidaa, fusionne alors dans la foulée sur cette base avec le MOUPAD de Chokri Belaïd au sein du PPDU (Parti des Patriotes démocrates unifiés). L’aile droite conserve l’usage du sigle PTPD et lorgne désormais sans retenue vers le centre-gauche.

    Une nouvelle tentative de regroupement à gauche est désormais à l’ordre du jour.

    S’opposant à Ennahdha, tout en refusant de s’allier pour autant avec des forces issues de l’ancien régime, la plupart des forces de gauche et nationalistes arabes finissent par former en octobre 2012 le « Front populaire pour la réalisation des objectifs de la révolution » dont le slogan « ni Ennahdha ni Nidaa » résume le positionnement. Parmi elles les Patriotes démocrates du PPDU, le PCOT, la LGO, deux organisations nationalistes arabes, Tunisie verte et RAID (Attac et Cadtm en Tunisie).

    Certaines organisations fondatrices cessent par la suite de faire partie du Front, comme par exemple Tunisie verte, le MDS ou un petit courant Patriote démocrate souvent désigné sous le nom de Watad révolutionnaire (19). Le courant social-démocrate Qotb rejoint par contre le Front en juin 2013.

    Le Front populaire est depuis octobre 2014 la troisième force politique de Tunisie, avec 15 députés contre 5 auparavant pour ses organisations constitutives. Le Front ne dispose toutefois que de 6,9 % des députés avec 3,6 % des voix aux élections législatives et 7,8 % à la présidentielle (20).

    La situation est très différente de l’Égypte où les organisations de gauche restent faibles numériquement et ne réussissent pas à construire des coalitions stables. Après la prise du pouvoir par les militaires égyptiens à l’été 2013, la gauche est soumise à une intense répression qui la ramène à un niveau inférieur à celui atteint avant 2011.

    Depuis sa création, le Front populaire de Tunisie est périodiquement soumis à des tentations de glissement vers une orientation centre-gauche d’alliance avec Nidaa. Celles-ci se traduisent après l’assassinat de Mohamed Brahmi par la participation à un Front de salut national (FSN) au côté de Nidaa lors du deuxième semestre 2013, ce qui entraîne un grand malaise au sein du Front et un certain nombre de démissions (21).

    À partir de janvier 2014, le Front renoue avec son orientation initiale. Cela se traduit notamment par les positionnements successifs suivants :

    • Refus de ses députés, le 29 janvier 2014, de voter la confiance au gouvernement néolibéral de Jomaa qui a succédé à celui dirigé par Ennahdha (22).

    • Affirmation, le 11 décembre 2014, de la nécessité de combattre à la fois Nidaa et le duo Marzouki-Ennahdha lors du second tour de l’élection présidentielle (23).

    • Refus, fin 2014, de voter la loi de finances 2015 et le budget qui en découle (24).

    • Refus, en janvier 2015, de voter la confiance au gouvernement Nidaa-Ennahdha, et à plus forte raison d’y participer.

    • Refus en juin 2016 de participer au gouvernement d’union nationale proposé par Essebsi.

    Mais le positionnement du Front populaire n’est toutefois pas exempt d’oscillations et d’ambiguïtés.

    Le député Front populaire Fathi Chamkhi explique par exemple : « Il y a eu en 2014 un débat intense au sein du Front populaire, autour de la question des alliances électorales : une partie du Front populaire se situait dans la vague du “vote utile” et était favorable à une alliance électorale large anti-Ennahdha. » (25)

    Le petit courant social-démocrate « Qotb-Le Pôle », qui n’a aucun député, explique en effet en octobre qu’il est pour répondre positivement aux avances de Nidaa (26). Une partie du PPDU, qui a quatre députés, était sur la même position. Le député Mongi Rahaoui déclarait par exemple : « Nous sommes disposés à travailler avec ceux qui prendront en considération les éléments les plus importants de notre programme. » (27)

    Un débat comparable a rebondi en juin 2016 avec la proposition d’Essebsi de constituer un « gouvernement d’union nationale ». Contrairement à la position retenue par le Front populaire, Mongi Rahoui a notamment déclaré vouloir devenir ministre du gouvernement dirigé par Nidaa et Ennahdha, avant d’y renoncer finalement (28).

    Si depuis le début 2014, le Front populaire est progressivement revenu à son positionnement initial refusant à la fois la droite islamiste et la droite dirigée par des rescapés de l’ancien régime, cela ne s’est pas fait sans turbulences et tensions.

    Fin 2014, le Front populaire avait par exemple été à deux doigts d’une scission : les deux députés de la LGO avaient annoncé par avance qu’ils ne voteraient ni la confiance au gouvernement dirigé par Nidaa, ni le budget, et cela quelle que soit la décision qu’adopterait le Front (29). Au final, Nidaa ayant opté pour une alliance gouvernementale avec Ennahdha, cela a aidé une nouvelle fois le Front à trancher unanimement en faveur de l’indépendance envers le pouvoir.

    Suite à l’échec en août 2016 de la manœuvre du Président Essebsi visant à faire participer le Front populaire au gouvernement dirigé par Nidaa et Ennahdha, une campagne médiatique intense a lieu contre le Front populaire, alimentée par les déclarations incessantes de Mongi Rahoui.

    Malgré ses faiblesses organisationnelles et sa difficulté à mettre sur pied un programme, le Front est la seule force politique de gauche ayant une réelle existence. Toutes les tentatives de construire une force à gauche du Front populaire ont par ailleurs échoué.

    L’impasse des politiques d’allégeance aux partis dominants

    Le Parti du travail de Tunisie (PTT). Ce parti voit le jour en mai 2011, autour d’Abdeljalil Bédoui (expert économique de l’UGTT et militant associatif) et Ali Romdhane (dont le non-renouvellement du mandat au Bureau exécutif de l’UGTT est programmé pour la fin 2011). Le PTT, qui proclame sa vocation à devenir le prolongement politique de l’UGTT, disparaît rapidement de la circulation.

    Ettajdid puis Massar. Dans la continuité de son attitude antérieure, Ettajdid (qui a pris en 1993 la suite de l’ancien Parti communiste tunisien) n’a pas appelé le 14 janvier 2011 « à la chute du régime, mais bien à une porte de sortie honorable pour le président tunisien sous forme de transition négociée » (30).

    Après le 14 janvier, Ettajdid participe aux deux gouvernements Ghannouchi, l’ancien Premier ministre de Ben Ali (en compagnie du PDP de Chebbi et du FDTL de Ben Jafaar). À partir du 17 mars, ces trois partis participent à la Haute instance.

    Ettajdid met ensuite en place un « Pôle moderniste » en compagnie de Mustapha Ben Ahmed (permanent syndical qui rejoindra ensuite Nidaa Tounes puis en scissionnera en décembre 2015), du PSG (puis PS, petite scission droitière du PCOT qui sera en 2012-2014 allié à Nidaa au sein d’Union pour la Tunisie), du Parti républicain (qui fusionnera en avril 2012 avec le PDP de Chebbi pour former Joumhouri), du Riadh Ben Fadhel (qui rejoindra le Front populaire en juin 2013 avec un petit courant social-démocrate ayant conservé l’usage du nom de Pôle : « Qotb »). Les pourparlers visant à y inclure le PTPD et le MOUPAD sont rompus en juin 2011. Lors des élections d’octobre 2011, le « Pôle démocratique » obtient 5 élus puis éclate dans les mois qui suivent.

    Par la suite, Ettajdid lance, le 1er avril 2012, une nouvelle formation intitulée « La Voie démocratique et sociale » ou « El Massar » en compagnie d’une partie du PTT et d’indépendants du « Pôle moderniste ». En 2013-2014, Massar participe au regroupement Union pour la Tunisie dirigé par Nidaa (en compagnie du PTPD, du PSG et brièvement de Joumhouri). Contrairement à ses espoirs, Massar n’obtient en octobre 2014 aucun député, puis aucun ministère.

    Récidivant dans la même orientation, Massar répond favorablement en juin 2016 à la proposition d’élargissement de la coalition gouvernementale dirigée depuis février 2015 par Nidaa et Ennahdha (31). Massar obtient enfin un ministère en août 2016.

    FDTL-Ettakatol Après le 14 janvier, le FDTL prend au sein de l’Internationale socialiste la place de section officielle de l’Internationale socialiste devenue vacante après l’exclusion du parti de Ben Ali le 17 janvier 2011.

    Dans la foulée de son espoir de 2009-2010 de négocier avec Ben Ali une réforme de la dictature, le FDTL participe aux deux gouvernements de transition dirigés par l’ancien Premier ministre de Ben Ali, Mohamed Ghannouchi. Il se met ensuite à la remorque d’Ennahdha après la victoire de ce parti aux élections d’octobre 2011. Le Président du FDTL-Ettakatol se voit alors octroyer la présidence de l’Assemblée, et son parti quelques ministères en 2012-2013 dans les gouvernements dirigés par Ennahdha.

    Bilan calamiteux des partis vassaux

    Le bilan des partis ayant fait alliance avec un des deux partis dominants est catastrophique. Le parti de Marzouki (CPR) et celui de Ben Jaffar (FDTL-Ettakatol) ont exercé le pouvoir avec Ennahdha en 2012-2013. Résultat, le parti de Marzouki passe de 35 députés en octobre 2011 à 4 députés quatre ans plus tard. Quant à Ettakatol-FDTL, il est passé de 20 à 0 siège. Il en va de même pour ceux qui se sont alliés à Nidaa (dirigé par des cadres de l’ancien régime) : le PDP-Joumhouri est passé en octobre 2014 de 16 à un seul député, et les listes soutenues par Ettajdid-Massar de 5 à 0.

    * Dominique Lerouge est militant du Nouveau parti anticapitaliste (NPA, France) et de la IVeInternationale.

    Notes:

    1. En Égypte également, le mouvement ouvrier n’est pratiquement pas implanté dans la population autochtone aux lendemains de la Première Guerre mondiale.

    2. La minorité, qui est opposée à l’indépendance, prend en 1921 le nom de Fédération tunisienne de la SFIO (section française de l’Internationale socialiste).

    3. Un phénomène comparable existe en Égypte.

    4. Cf. Juliette Bessis, Cahiers du mouvement social n° 3 (1978), p. 286.

    5. Citations tirées de l’ouvrage de Nicolas Beau et Jean-Pierre Tuquoi « Notre ami Ben Ali », La Découverte, Paris 2002, pp. 75-76.

    6. Concernant la mouvance Watad, voir « Tunisie : note de travail sur la mouvance Patriote démocrate (avril-juin 2011) » : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article22112

    7. Concernant le PCOT, voir « Tunisie : note de travail sur le PCOT (avril-juin 2011) » : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article22113

    8. Sont le plus souvent issus de cette tradition Watad les militants ayant créé en 2005 le PTPD ainsi que ceux qui fondent, après le 14 janvier 2011, le Mouvement des Patriotes démocrates (MDP ou MOUPAD).

    9. Présentation en 2010 de ces deux alliances par Mohamed Jmour, à l’époque responsable du PTPD : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article19837

    10. À propos du Collectif du 18 octobre, voir : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article3436. En mars 2011, Hamma Hammami récapitule dans le magazine tunisien l’Economiste l’évolution du positionnement du PCOT envers Ennahdha : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article22113

    11. Entre 2001 et 2010, s’est développée en Égypte une forme d’unité d’action entre les Socialistes révolutionnaires et certains jeunes Frères musulmans. Les Socialistes révolutionnaires et la direction des Frères musulmans participaient ensemble aux « rencontres du Caire ».

    12. Violemment opposé à l’alliance réalisée par le PCOT avec Ennahdha au sein de la Coalition 18 octobre 2005, le PSG voit le jour en 2006 autour de Mohamed Kilani. Le PSG soutient le candidat d’Ettajdid aux élections présidentielles de 2009 puis participe avec lui au « Pôle démocratique » en 2011. Rebaptisé Parti socialiste (PS) en octobre 2012, il participe en 2013-2014 à l’éphémère coalition Union pour la Tunisie aux côtés de Nidaa Tounes, Massar (ex-Ettajdid), le PTPD et momentanément Joumhouri. Le PSG (PS) n’a eu aucun député en 2011, ni en 2014.

    13. En Égypte, après les avoir côtoyés pendant une dizaine d’années, les Socialistes révolutionnaires (SR) expliquent au printemps 2011 que les Frères musulmans sont « devenus des contre-révolutionnaires ». En juin 2012, ils appellent néanmoins à voter pour le candidat des Frères au deuxième tour des élections présidentielles, puis agiront à nouveau avec eux contre la répression après le coup d’État de l’armée en juillet 2013. Voir à ce sujet les interviews de responsables SR parus dans la revue Inprecor n° 605-606 de mai-juillet 2014 (http://www.inprecor.fr/article-Dossier Égypte-Le combat des Socialistes révolutionnaires?id=1644)

    14. En Égypte, le regroupement Tahalouf est créé le 26 janvier 2011, un courant nassérien y participe.

    15. Liste des membres de la Haute instance : http://www.tunisie.gov.tn/index.php?option=com_content&task=view&id=1488&Itemid=518&lang=french

    16. Déclaration du PCOT (15 mars 2011) : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article20733

    17. Jilani Hammami, un des responsables du PCOT explique par exemple : « Le grand fléau de la gauche, c’est que chaque fois qu’il y a des militants qui ont des postes dans l’appareil, ils se font aspirer à des positions supérieures ». « Les patriotes démocrates sont à l’UGTT, comme tout le monde certes ! Mais le problème porte sur les choix syndicaux. Eux sont avec la bureaucratie ». En décembre 2010, « ces responsables dits de gauche avaient un langage inqualifiable. Ils disaient : “nous n’agissons que dans les structures”. Nos camarades patriotes démocrates de gauche dans la direction de l’UGTT étaient contre faire quoi que ce soit qui irait contre la volonté de la direction UGTT ». (Contretemps n°11 septembre 2011 : http://www.contretemps.eu/node/1008)

    18. Sur l’éclatement du PTPD, lire les propos de Chedli Gari en juillet 2012 : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article25957

    19. Portant successivement le nom « Les Patriotes démocrates », puis « Parti Watad révolutionnaire », ce groupe constitué autour de Jamal Azhar s’est séparé du Front populaire et a ensuite éclaté (voir : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article22112).

    20. Voir : « Après les élections législatives du 26 octobre 2014 » (http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article33830) et « Une élection présidentielle dans la continuité des législatives » (http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article33634)

    21. De nombreux articles sont disponibles sur l’épisode du Front de salut national, en particulier : « Entre le “déjà plus” et le “pas encore” » (Inprecor n° 597, septembre 2013 : http://www.inprecor. fr/article-Tunisie-Entre le « déjà plus » et le « pas encore »?id=1522) et « Au congrès de la LGO, le débat sur l’appartenance au FSN » (http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article30417),

    22. « L’orientation du Front populaire » (mars 2014) : http://www.inprecor.fr/article-TUNISIE-L’orientation du Front Populaire de Tunisie ?id=1587

    23. « Déclaration du 11 décembre 2014 » : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article33807

    24. « Le débat à l’Assemblée sur le budget d’austérité » (11 décembre 2014) : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article33859

    25. « La “normalisation” est lancée », Inprecor n° 612-613, février-mars 2015 : http://www.inprecor.fr/article-Tunisie-La « normalisation » est lancée?id=1734 http://www.inprecor.fr

    26. Riadh Ben Fadhel dans La Presse du 29 octobre 2014.

    27. Voir : http://www.realites.com.tn/2014/11/06/mongi-rahoui-parmi-nos-conditions-figure-celle-de-ne-pas-sallier-avec-ennahdha/

    28. Sur l’affaire Rahoui, voir des extraits d’articles parus dans les médias tunisiens et reproduits sur ESSF : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article38728 ; http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article38758 ; http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article38788 ; http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article38800 ; http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article38970

    29. « Après les élections législatives du 26 octobre 2014 », Inprecor n° 609-610, octobre-décembre 2014 : http://www.inprecor.fr/article-Tunisie-Après les élections législatives du 26 octobre 2014?id=1680

    30. Nicolas Dot-Pouillard, La Tunisie et ses passés, L’Harmattan, Paris 2013, p. 62.

    31. Voir : http://lapresse.tn/10062016/115756/largumentaire-dun-choix.html et http://www.lapresse.tn/11062016/115791/necessite-du-dialogue-sur-le-programme-du-gouvernement-dunion-nationale.html

    Dominique Lerouge

    http://www.inprecor.fr/

    Lire aussi

  • Rojava, le PYD et l’autodétermination kurde (Inprecor)

     

    Combattante kurde des YPJ © Denilaur

    Combattante kurde des YPJ © Denilaur

    Les Kurdes de Syrie, c’est-à-dire du Kurdistan-Ouest (Rojava) sont désormais devenus des acteurs incontournables du processus combiné de révolution, contre-révolution, guerre civile et autodétermination en cours en Syrie.

    Le PYD (Parti de l’Union démocratique) avait déjà de facto pris le contrôle dans les enclaves de Kobané d’abord, puis d’Afrin et de Jazira à la suite du retrait des forces du régime Assad en juillet 2012, et il avait déclaré l’autonomie dans cette région en janvier 2014 comme réaction à ce qu’il ne soit pas invité à la deuxième conférence de Genève. Mais c’est principalement avec le siège de Kobané par l’État islamique et à l’audacieuse résistance des Unités de protection populaire (YPG) et particulièrement des femmes combattant dans les rangs des YPJ que les forces liées au PYD et l’expérience d’autodétermination au Rojava ont obtenu une légitimité et jouissent d’un soutien au niveau international. Comme nous le savons, le siège de Kobané a finalement été brisé, avec le soutien de militants kurdes et turcs passant de force la frontière turco-syrienne, des peshmergas Irakiens et bien sûr des frappes aériennes étatsuniennes. Depuis, les Forces démocratiques de Syrie (FDS) dont les YPG constituent la principale force militaire, soutenus par les États-Unis et, dans une certaine mesure, par la Russie, jouent un rôle crucial dans la guerre contre l’État islamique.

    Nous essayerons d’exposer brièvement dans cet article les racines politiques du PYD, sa place dans le mouvement national kurde de Syrie, sa ligne idéologique, ses positions dans la révolution, ainsi que les principales modalités et difficultés du processus d’autodétermination en cours dans le Rojava.

    Le nationalisme kurde sous le Baath

    Le nationalisme kurde en Syrie représente un paysage fortement fragmenté. La multitude de partis dépasse de loin ce que l’on peut voir dans les autres parties du Kurdistan. S’il est difficile de suivre les perpétuels regroupements et scissions, on peut sans doute affirmer que plus d’une quinzaine de partis kurdes sont actifs actuellement. La plupart de ces partis sont originaires du Parti démocrate du Kurdistan de Syrie (PDKS) fondé en 1957 dont se sont rapidement dégagées des tendances « gauche » et « droite », qui ont scissionné pour former des partis distincts vers 1965. Les développements fractionnaires dans les partis kurdes d’Irak (pris comme modèles), les conditions d’activités clandestines, les accusations de collaboration avec le régime et les infiltrations et interventions des services de renseignements ont perpétué les scissions. Les divergences politiques provenaient principalement du ton employé envers le régime et des revendications politiques qui allaient de la reconnaissance des droits culturels, linguistiques et de citoyenneté à la reconnaissance constitutionnelle des Kurdes comme minorité. Toutefois il est important de souligner que l’autonomie n’a pratiquement jamais été revendiquée avant 2011 (à part le parti Yekiti). Notons cependant que la citoyenneté est une question cruciale étant donné qu’après le recensement exceptionnel de 1962 plus de 120 000 Kurdes se sont vu retirer leur nationalité et ont été classifiés soit comme ajanib (« étranger ») muni d’une fiche d’état civil spécifique, soit comme maktumin, non-enregistré, sans pièce d’identité et sans droits…

    Cette multitude de partis mena dans les années 1990 à des regroupements. Ainsi les partis proches du courant irakien-kurde de Jalal Talabani se regroupèrent dans l’Alliance démocratique kurde de Syrie (« Hevbendi ») alors que ceux liés à Mesut Barzani formèrent le Front démocratique kurde de Syrie (« Eniya »). Parmi les partis non originaires du PDKS, nous devons tout d’abord bien sûr compter le PKK et son « parti frère », le PYD, fondé en 2003. Le leader du PKK Abdullah Öcalan ainsi que toute son organisation avaient bénéficié du soutien de Hafez al-Assad – dans le cadre de sa rivalité avec son voisin turc – jusqu’à la fin des années 1990, les camps du PKK étant installés en Syrie depuis le début des années 1980. Ainsi la question kurde en Syrie n’était pas à l’ordre du jour du PKK et c’est seulement après que le régime eut cessé d’abriter Öcalan et la fondation du PYD que ce dernier commença à s’intéresser à la politique syrienne. Un autre parti important fut celui de Michel Temo, le Parti de l’Avenir kurde, fondé en 2005, qui privilégia la coopération avec l’opposition arabe au début de la révolution, mais son assassinat porta un coup sévère à son mouvement, qui scissionna. Le Parti de l’Union kurde de Syrie, connu sous le nom de Yekiti et né de la fusion de plusieurs groupes – dont un petit courant trotskiste qui se réclamait dans les années 1980 de la IVe Internationale, dirigé par le poète Marwan Othman (1), doit être aussi signalé comme force de gauche dans l’éventail politique kurde. L’intervention politique de Yekiti, plus ouverte, plus radicale, visant à mobiliser la communauté kurde, et pas seulement dans le Rojava mais directement dans la capitale, avec un programme « lutte de classe », à partir de 2002, au lendemain du court printemps de Damas, a été importante au niveau de la confrontation avec le régime et de la politisation qui mena au « Serhildan » (révolte en kurde) de Qamishlo (2).

    De l’intifada kurde à la révolution syrienne.

    Un événement clé fut donc la révolte de Qamishlo en 2004, désignée aussi comme l’intifada kurde, où pour la première fois des milliers de Kurdes, à la suite d’affrontements avec des supporters nationalistes arabes lors d’un match de football et une sévère répression de la police, sortirent dans la rue pour affirmer leur identité kurde et revendiquer leurs droits de citoyenneté. Le soulèvement ne fut pas limité à Qamishlo ou à la région du Rojava, mais gagna rapidement les quartiers kurdes de Alep et de Damas. Des statues du père Assad furent renversées, des commissariats, des établissements publics, des centres du Baath furent attaqués.

    C’est lors de ce serhildan que l’on assista pour la première fois, pendant plus de dix jours, à la mobilisation d’une jeunesse kurde radicale et indépendante des partis traditionnels du nationalisme kurde et que l’on reverra dans les premiers temps de la révolution. Aux côtés de cette jeunesse radicalisée, il faut préciser que c’est surtout Yekiti et le PYD qui furent le fer de lance des mobilisations (la chaîne de télévision lié au PKK, Roj TV, appelait ouvertement à l’insurrection). Mais la répression du régime fut féroce. Des organisations de jeunesse se formèrent au lendemain de la révolte, se distanciant du pacifisme des partis traditionnels – avec parfois une orientation de lutte armée, sans pour autant passer à l’acte. La perspective de l’autonomie gagna du terrain dans les consciences face aux revendications d’égalité des droits et de citoyenneté défendues par l’Alliance et le Front (3).

    Contrairement à ce que l’on pense, les premières mobilisations spontanées en 2011 dans le Kurdistan syrien eurent lieu, assez tôt, fin mars, principalement dans la ville d’Amuda, puis de Serekaniye. Si Bachar al-Assad essaya de calmer la situation en acceptant de donner la nationalité aux Kurdes possédant le statut « d’étranger » (mais non aux maktumin) cela ne fut pas suffisant pour renvoyer la jeunesse kurde chez elle. Comme dans le reste du pays, des comités de coordination se formèrent, le Mouvement de Jeunesse kurde (TCK) fondé dans le feu des événements de 2004 joua aussi un important rôle mobilisateur.

    Au niveau des partis ce furent principalement le Mouvement de l’Avenir, Yekiti et le Parti kurde de la liberté (« Azadi ») qui prirent part aux manifestations dès le début. Les autres partis ne rejoignirent le mouvement que dans le courant de l’été. Michel Temo, leader du Mouvement de l’Avenir fut le seul à participer au Conseil national syrien (CNS), fondé lors de la conférence d’Istanbul au mois de juillet. Cette position aurait permis de nouer des liens entre les oppositions syrienne et kurde, s’il n’avait pas été assassiné en octobre 2011. Ses funérailles se transformèrent en manifestations géantes à Qamishlo. Ces mobilisations accélérèrent l’entreprise de regroupement des partis kurdes originaires du PDKS, qui finalement se ralliaient à la révolte et formèrent, sous l’égide de Mesut Barzani, le Conseil national kurde de Syrie (ENKS), auquel se joignirent aussi Yekiti et Azadi. Ainsi ce fut le plus large rassemblement du mouvement national kurde en Syrie.

    Deux partis seulement se tinrent en dehors, le parti de Temo, toujours membre du CNS et le PYD. Ce dernier, qui se tenait en marge du soulèvement qui secouait tout le pays, ainsi que la région kurde, avait fondé dès le mois de septembre une coordination de différents partis arabes baathiste de gauche (« marxiste », « communiste », « léniniste ») et un parti araméen-chrétien. Leur orientation était plutôt de négocier avec le régime afin d’obtenir des acquis démocratiques, sans perspective de renverser le régime et – selon eux – sans risquer d’ouvrir la porte à une guerre civile. Des centaines de militants du PYD sortirent ainsi de prison en même temps que les militants djihadistes.

    Critiquant l’ENKS accusé de faire le jeu de la Turquie (en raison des rapports entre Barzani et Ankara) et du CNS qui ne donnait aucune garantie pour les droits du peuple kurde, le PYD opta ainsi pour une « troisième voie ». À travers son Mouvement pour une Société démocratique (Tev-Dem) regroupant les partis et associations de la société civile qui lui sont liés, il déclara la fondation du Conseil populaire du Kurdistan de l’Ouest, qui constituera la principale structure administrative dans le Rojava après que le PYD et les YPG y eurent pris le contrôle à la suite du retrait des forces du régime (4).

    Le PYD et le confédéralisme démocratique

    La fondation du PYD résulte d’une tendance à la décentralisation du PKK, parallèlement à un changement radical de perspective politique de la part d’Öcalan. Peu avant son arrestation en 1999, le leader du PKK avait abandonné l’objectif d’un Kurdistan indépendant et unifié (qui était désormais selon lui un « conservatisme ») et proposé un nouvel objectif stratégique reposant sur sa thèse de la « république démocratique ». Probablement formulée en vue d’ouvrir des négociations, Öcalan y proposait une résolution de la question kurde à travers la démocratisation de la Turquie, sans changement de frontière. Ainsi les objectifs étaient limités à la reconnaissance des Kurdes par l’État et au respect de leurs droits culturels (de même que la libération des prisonniers et l’autorisation des combattants de se réintégrer dans la vie civile).

    Toutefois, il s’est avéré rapidement qu’il n’était pas question de négociation de la part de l’État. De plus, avec la consolidation de la région autonome kurde en Irak à la suite de l’intervention américaine, le Kurdistan du sud (d’Irak) et le PDK de Barzani – rival historique du PKK – devenaient un pôle d’attraction pour le peuple kurde. Donc la perspective d’une résolution de la question kurde limitée à une démocratisation du régime turc contenait un réel risque politique pour le PKK. Öcalan a ainsi dû opérer à nouveau un changement de stratégie prenant en compte toutes les parties du Kurdistan (5). La fondation du PYD en Syrie (2003) et celle du PJAK en Iran (2004), de même que le projet politique qui allait plus tard prendre le nom de confédéralisme démocratique, résultent de cette nouvelle approche. Ce projet ainsi que celui de l’autonomie démocratique qui le complète au niveau local est fortement inspiré des études du théoricien socialiste libertaire Murray Bookchin (qui participa au mouvement trotskiste dans les années trente aux États-Unis). Après une reconsidération du marxisme, Bookchin remplace la contradiction capital-travail par la contradiction capital-écologie et propose un combat anticapitaliste visant à une décentralisation des villes, une production locale de nourriture, l’utilisation d’énergies renouvelables. Dans le projet « communaliste » de Bookchin, ces petites villes autonomes administrées à travers des conseils démocratiques, formeraient entre elles des unités confédérales pour la résolution des problèmes dépassant les frontières de leur commune (6). Toutefois, dans les différents textes programmatiques du PKK et les écrits d’Öcalan, ce à quoi correspondraient ces notions dans la pratique reste assez indéterminé : s’agira-t-il de la confédération des partis et organisations liés au PKK ou est-ce un projet plus vaste et inclusif ? Est-ce un projet multi-ethnique pour tous les peuples du Moyen-Orient ou bien un projet pour le Kurdistan et dont le protagoniste serait le peuple kurde ? L’autonomie signifie-t-elle un renforcement des administrations locales existantes ou bien s’agit-il d’un projet politique plus subversif (7) ? On peut multiplier les questions notamment au niveau des moyens à utiliser pour conquérir l’autonomie et des rapports avec les États concernés, sans parler de ceux avec le mode de production capitaliste…

    Ainsi que le souligne Alex de Jong dans son excellent article sur les évolutions idéologiques qu’a connu le PKK, les écrits d’Öcalan et les textes du PKK (dont Öcalan est « l’organe théorique-idéologique suprême » selon ses statuts) comportent un « potentiel du flou », ainsi il est possible de trouver toute sorte de réponses à ces questions et, avec tous les inconvénients que cela comporte, le caractère flou et inachevé de son projet politique peut s’avérer utile et l’ouvrir à des interprétations plus larges (8). Mais en dehors de ceci, se dégagent de ces textes (et de la pratique des organisations liés au PKK) deux points essentiels. Le rejet de l’État-nation (remplacé par la « nation démocratique », concept flou encore une fois) et l’importance de l’écologie et de la libération de la femme (reposant parfois sur une identification femme-nature-vie), que l’on retrouve dans la Charte de Rojava.

    Rojava, potentialités et contradictions

    Le modèle d’administration présenté dans la charte ou le « contrat social » de Rojava (2014), qui a désormais pris le nom de Système fédéral démocratique de la Syrie du Nord et du Rojava, frappe par l’accent qu’il met sur l’importance de la démocratie (« auto-administration »), des droits des femmes et des enfants, de l’écologie, de la laïcité et bien sûr du caractère multi-ethnique de la région. Dans un territoire dont les différentes parties sont contrôlées par l’État islamique, par les bandes djihadistes d’Al Nusra et d’Ahrar al Sham et par le régime sanguinaire d’Al Assad, ce n’est pas rien. Le contrat qui est dit être accepté par les peuples kurde, arabe, arménien, syriaque (assyrien, chaldéen et araméen), turkmène et tchétchène, refuse l’État-nation, l’État religieux et militaire et l’administration centrale et se déclare comme une partie d’une Syrie parlementaire, fédérale, pluraliste et démocratique.

    La dimension multi-ethnique du régime au Rojava, qui a mené à la modification de son nom – Öcalan avait d’ailleurs proposé que ce soit juste « Fédération de la Syrie du Nord » (9) – est critiquée par des courants nationalistes présents dans l’ENKS. Ainsi le secrétaire général du Parti progressiste démocrate, Ehmed Suleyman, exprime dans un entretien réalisé en janvier 2015 qu’il ne s’agit pas d’un « projet pour les Kurdes. L’autonomie démocratique a été fondée avec les arabes, les Syriaques et les Tchétchènes. Nous ne pouvons pas résoudre la question kurde de cette façon. Notre peuple doit comprendre que ce qu’ils ont fondé n’appartiendra pas aux kurdes ». Contre cette perspective d’inclure les différentes ethnies dans le processus de construction de l’autonomie certains partis de l’ENKS défendent par exemple le déplacement des populations arabes installées dans le Rojava dans le cadre de la politique de la « ceinture arabe » dans les années 1970 (10).

    Si ce contrat est principalement limité à la structure administrative, la Charte adoptée auparavant par Tev-Dem en 2013, beaucoup plus détaillée, reflétait encore plus l’esprit libertaire bookchinien des idées d’Öcalan qui a fortement inspiré le modèle du confédéralisme démocratique. Par exemple les communes sont définies comme « les plus petites unités de la société et les plus efficaces. Elles sont constituées selon le paradigme de la société où règnent les valeurs de la liberté de la femme et la démocratie écologique sur la base de la démocratie directe ». Le système économique communal est dit être dominé par l’idée de justice sociale et vise à éliminer toutes les formes d’exploitation. Les « maisons du peuple » œuvrent à « la naissance de la culture de la démocratie communale ».

    Toutefois il n’est malheureusement pas suffisant de répéter le terme de démocratie pour que celui-ci fonctionne sans entrave. Car pour l’instant il s’agit d’une démocratie… sans élections. Si le pluralisme est loué au niveau des différents groupes ethniques, sa dimension politique est plutôt absente. Que le contrat social désigne les YPG comme forces armées de Rojava, reflète bien le fait que le PYD ne soit pas enclin à partager le contrôle des territoires qu’il dirige. L’imposition de l’idéologie d’Öcalan est aussi visible au niveau de l’éducation. Tous les enseignants de l’école primaire ou autre doivent auparavant passer par une formation basée sur les textes d’Öcalan et, par exemple, dans le canton de Jazira, dans des livres d’école primaire figurent des paroles d’Öcalan et des écrits concernant la vie des martyrs du PKK (11). Mais mis à part ces exemples d’imposition d’une idéologie officielle dès le plus jeune âge (fait ressemblant très étrangement à l’expérience du kémalisme) les pratiques autoritaires à l’égard des autres partis kurdes et des groupes ethniques n’acceptant pas la domination du PYD ont été maintes fois dénoncées. Il y a eu des mouvements de protestation contre le PYD et ses pratiques, notamment à Amuda et Derabissyat en 2013, les forces de sécurités liées au PYD (les « asayish ») n’ont pas hésité à tirer sur la foule, en causant la mort de plusieurs manifestants (12). Plus récemment, en août 2016 l’arrestation de Hassan Salih, dirigeant de Yekiti, a été un acte déplorable. Salih avait déjà été emprisonné pendant un an et demi en 2003 par le régime syrien, avec Marwan Othman, et leur libération avait réuni un cortège de 4 kilomètres de long avec la participation de plusieurs milliers de personnes (13)… De plus, le fait que le régime se soit retiré (partiellement) du Rojava sans aucun conflit armé en laissant une grande partie de son artillerie et de ses munitions, tout en continuant à contrôler l’aéroport, la gare ferroviaire, des établissements étatiques, détenant un camp militaire au sud de Qamishlo et continuant à être présent à Hasseke, payant le salaire des enseignants (à part ceux des cours de kurde), est jugé par l’opposition kurde comme témoignant de la collaboration avec l’État syrien. S’il n’est pas possible d’exclure la thèse d’un certain compromis concernant le retrait de l’armée syrienne entre le PYD et le régime, soucieux de ne pas multiplier les fronts de combat, il nous semble difficile de parler à proprement dire d’une alliance entre les deux, ainsi que le montrent les récents conflits entre les forces (YPG et asayish) du Rojava et celles du régime soutenu par les milices assadiennes, de même que les bombardements de quartiers civils à Hasseke par l’aviation militaire syrienne.

    La situation est d’autant plus complexe que le PKK-PYD a pour la première fois obtenu l’occasion de concurrencer son rival historique d’Irak du Nord en construisant son propre « État », une structure administrative souveraine avec des frontières, pour l’instant toujours changeantes. La réalité d’un Rojava autonome, renforcé par la bataille héroïque de Kobané (qui constitue désormais un nouveau mythe fondateur pour le PKK), a permis à l’organisation, mutilée par l’emprisonnement de son leader et des années de négociation avec l’État turc sans résultat – s’étant de plus soldées par un bain de sang – d’ouvrir une nouvelle séquence de son histoire…

    Campisme et révolution permanente

    Les marxistes révolutionnaires n’ont pas le luxe de succomber à la tentation d’adopter confortablement une grille d’analyse campiste et une des prises de position qui en découle. Le campisme dans son sens classique désigne le fait de soutenir, dans des périodes de tensions et conflits géopolitiques, un des camps en présence, contre l’autre identifié à un mal absolu, sans prendre en compte les rapports de domination de classe en son sein. Le débat sur le campisme porte principalement sur le soutien par des forces de gauche, lors de la guerre froide, au bloc de l’Est ou de l’Ouest, respectivement au nom de l’anti-impérialisme ou de la démocratie. Une telle polarisation survient aujourd’hui concernant le conflit ukrainien et surtout la question syrienne entre les États-Unis/l’Union européenne et la Russie. Ce dont il est question dans notre cas, c’est, dans le cadre du processus combiné en Syrie, la défense, suivant la même mentalité campiste, d’un des camps en présence, c’est-à-dire des Kurdes dans leur projet d’autonomisation ou du soulèvement contre le régime, sans prendre en compte l’autre processus, en lui attribuant une importance secondaire ou bien en le plaçant dans une position adverse.

    Ainsi il ne nous est pas possible d’isoler le processus d’autodétermination kurde des dynamiques du soulèvement syrien et de porter un regard acritique envers le PYD-PKK, en jugeant comme secondaire les pratiques autoritaires et les atteintes aux droits politiques, qui sapent de plus les bases de son projet démocratique. Mais il n’est pas concevable non plus de refuser de prendre en compte le processus en cours au Rojava avec ses dimensions véritablement progressistes – qui n’ont pas leur pareil dans toute la région – et de minimiser les potentialités émancipatrices qu’elles comportent, en prétextant les rapports (en évolution permanente) avec le régime ou avec les États-Unis, qui comportent leur part de danger, ainsi que les contradictions que nous avons citées.

    Si la direction du Rojava est bien entendu responsable de ses actes et alliances, toutes ses contradictions doivent aussi être abordées dans le cadre des conflits historiques inter-ethniques entre les Kurdes et les arabes dans la région et de la rivalité entre les diverses directions du peuple kurde. Nous n’avons pas d’autre choix que de prendre la question avec toute sa complexité à bras-le-corps et d’élaborer une approche critique et constructive en même temps (14). Celle-ci doit s’appuyer sur le socle de la communauté des intérêts des classes laborieuses kurdes, arabes et des autres peuples de la région et donc de la nécessité de l’imbrication des processus d’autodétermination et de révolution.

    Rien de nouveau en cela, l’argument principal de la perspective stratégique de la révolution permanente formulée par Léon Trotski au lendemain de la révolution russe de 1905, mais ayant déterminé (surtout par son absence) le cours de tous les soulèvements révolutionnaires, de la révolution française au « printemps arabe », met en évidence cette nécessité. Les processus révolutionnaires ayant pour objectif la libération nationale et l’instauration d’un régime démocratique s’affaiblissent et finalement échouent si des mesures collectivistes, anticapitalistes ne sont pas prises, si les aspirations des classes populaires – dont le soutien est primordial – ne sont pas prises en considération et déçues. Et de même lorsque des mouvements visant à une transformation radicale, égalitaire et libertaire de la société ne respectent pas les principes démocratiques sur les territoires qu’ils contrôlent, ne reconnaissent pas le droit à l’autodétermination des autres peuples, n’agissent pas avec une perspective anti-impérialiste c’est-à-dire en toute indépendance politique des forces mondiales et régionales, leur révolution est condamnée à s’éloigner de ses objectifs initiaux, et donc vouée à l’échec.

    Ainsi, une tâche principale pour la gauche radicale qui milite hors de l’espace de conflit, mis à part les indispensables actions de solidarité, est d’œuvrer au développement de cette conscience dans nos sociétés respectives contaminées par ce fléau idéologique – ressorti de sa tombe – qu’est le campisme, dont l’unique antidote demeure toujours la tradition de l’internationalisme prolétarien portée par le marxisme révolutionnaire. ■ Uraz Aydin

    * Cet article a été initialement rédigé pour le numéro d’automne 2016 de Athawra Addaima (Révolution permanente), revue des militants marxistes révolutionnaires de la région arabe.

    Notes

    1. Chris Den Hond, « Interview with Marwan Othman », http://www.internationalviewpoint.org/spip.php?article53

    2. Voir Jordi Tejel, Suriye Kürtleri. Tarih, Siyaset ve Toplum (Les Kurdes de Syrie. Histoire, politique et société). İntifada yayınları, İstanbul 2015; Sirwan Kajjo, Christian Sinclair, « The Evolution of Kurdish Politics in Syria (1927-2011) », http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article38710

    3. Julie Gauthier, « Les événements de Quamichlo : l’irruption de la question kurde en Syrie ? », Études kurdes n° 7, mai 2005.

    4. Voir Thomas Schmidinger, Suriye Kürdistanı’nda Savaş ve Devrim (Guerre et révolution au Kurdistan de Syrie), Yordam kitap, İstanbul 2015.

    5. Ergun Aydinoglu, Fis Köyünden Kobané’ye Kürt Özgürlük Hareketi (Le Mouvement de libération kurde du village de Fis à Kobané), Versus, İstanbul 2014. Voir aussi le remarquable entretien avec Emre Ongun, « Turquie : panorama et perspectives – Sur la nature du nationalisme turc, les Kurdes, le PKK et la gauche turque », http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article37297.

    6. Murray Bookchin, Geleceğin Devrimi, Halk Meclisleri ve Doğrudan Demokrasi, Dipnot, Ankara 2015 (La révolution de l’avenir, les conseils populaires et la démocratie directe –recueil d’articles).

    7. Öcalan disait par exemple « Que la Turquie me comprenne bien. Je n’ai rien contre l’État unitaire. Je respecte le drapeau. Dans ma tombe peuvent se trouver trois drapeaux. Le drapeau de l’Union européenne, celui de l’État unitaire et le drapeau du confédéralisme symbolisant la démocratie ». Cengiz Kapmaz, Öcalan’ın İmralı Günleri (Les jours d’Imrali d’Öcalan), İthaki yayinlari, İstanbul 2011.

    8. Alex De Jong, « Métamorphoses idéologiques du PKK – Une chenille stalinienne transformée en papillon libertaire ? », Inprecor n° 614/615 d’avril-mai 2015.

    9. http://www.demokrathaber.org/guncel/devlet-ocalan-la-en-son-25-haziran-da-gorustu-ortami-yumusatan-mektup-istedi-h71252.html

    10. T. Schmidinger, cf. note 4.

    11. Yasin Duman, Rojava, Bir Demokratik Özerklik Deneyimi (Rojava, une expérience d’autonomie démocratique), İletişim yayınları, İstanbul:2016.

    12. Joseph Daher, « Le PKK et la question de l’autodétermination du peuple kurde », http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article34050

    13. Tejel, voir note 2, p.250.

    14. Le document « En soutien à la lutte du peuple kurde pour vivre libre et dans la dignité » adopté par le Bureau exécutif de la IVe Internationale sous mandat de son Comité international, peut constituer un exemple pour une telle élaboration. Voir Inprecor n° 625/626 de mars-avril 2016.

  • Revue Anticapitaliste n°83

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    Revue n°83 - Dossier “Maroc”

    ÉDITORIAL

    Galia Trépère Alep, les crimes de la contre-révolution

    RUSSIE 1917 : LA REVOLUTION

    Laurent Ripart La Russie à la veille de la révolution Quand « ceux d’en bas » ne veulent plus et « ceux d’en haut » ne peuvent plus

    ACTUALITÉ

    Samuel Farber Fidel Castro et l’Etat qu’il a créé

    Manon Labaye, Alexandre Raguet Mélenchon, de L’Humain d’abord à L’Avenir en commun

    DOSSIER

    Chawqui Lotfi Du Makhzen précolonial au pouvoir absolu de la monarchie

    Chawqui Lotfi De quoi la monarchie est-elle le nom ?

    Chawqui Lotfi Une instabilité sociale et politique

    Mohamed Aboud Un nouveau cycle de luttes sociales

    Tahani B., Ouadie E., Mohamed J.  Le Maroc : pays des droits, dites-vous ? 

    Karim Oub La question amazighe

    Secteur Femmes de La Voie démocratique - Paris

    Femmes au Maroc : entre patriarcat et exploitation

    Points de vue de la gauche radicale marocaine

    Abdallah Harif Le 4e congrès national de La Voie démocratique

    Nour Samad (courant Almounadil-a) Quelques éléments sur la situation politique au Maroc 

    Amin Saber (Tahadi) La gauche marocaine : des défis nombreux 

    LECTURES

    Michael Löwy Le Voyage en terres d’espoir d’Edwy Plénel

    Georges Ubbiali 1920, le Congrès des peuples d’Orient

    FOCUS

    Séverin Lechelle Quand La Poste casse les postiers

    Revue L’Anticapitaliste n°83 (janvier 2017)

    https://npa2009.org/

  • Internationalisme des peuples ou des nations? (Médiapart)

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    Dans le fond, le débat sur la Syrie peut se poser en ces termes, pour nous, non-syriens : qu’est-ce que l’internationalisme ?

    On a souvent tendance à considérer ce terme via deux ressorts.

    Le premier, c’est celui qui, chez les plus gauchistes, consiste à commenter l’actualité, à juger les faits des autres, à déterminer qui est traître de qui ne l’est pas, à distance. Ce fut en particulier le cas lors de l’expérience Tsipras, où beaucoup ont passé plus de temps à critiquer Tsipras que l’Union Européenne, en oubliant, de fait, le soutien international concret pour engager le bras de fer avec les bourgeoisies nationales et le proto-Etat européen. Construire ces solidarités aurait pu, par ailleurs, peser sur les froideurs réformistes du gouvernement hellène, aujourd’hui engouffré dans la gestion libérale de la dette et du pays.

    Le second ressort nous est revenu à la figure avec la révolution syrienne.

    Il s’agit au contraire de considérer l’internationalisme comme des relations cordiales d’Etat à Etat, où chaque Nation défend ses intérêts, dans le respect des autres. A ce jeu-là, on ne regarde plus qui sont les « autres ».

    Par exemple, Jean-Luc Mélenchon justifie sa relation diplomatique [future puisqu’il se place en présidentiable] avec la Russie au nom d’une alliance historique entre la République Française et l’empire de Nicolas II. (Où la Russie prenait le Bosphore à la Turquie, note du blog)

    Tout en critiquant le Tsar de l’époque, il ne remet pas en cause ce dogme, et explique que les russes sont des partenaires, et ce, peu importe qui ils ont à leur tête… C’est une pensée assez gaullienne, mais également rapprochée du principe de « socialisme dans un seul pays » de Staline.

    Cette idée-là, d’une « Nation universaliste », a, en particulier, été très bien expliquée dans ses vœux pour 2017, disponibles ici. Toutefois, une incohérence persiste dans la logique de Mélenchon, c’est cette manière, in fine, de considérer certains Etats autoritaires comme fréquentables (Chine, Russie, Syrie) et d’autres comme infréquentables (EAU, Turquie, Qatar).

    Il y a donc bien ici un choix qui est fait.

    Indirectement, Mélenchon se place dans le camp d’un impérialisme contre un autre, les premiers Etats autoritaires étant autour de la Russie, les autres autour des Etats-Unis. Ce n’est pas de l’anti-impérialisme, mais du campisme. Nous reviendrons là-dessus en parlant du cas syrien.

    Pour Jean-Luc Mélenchon, le préalable politique à son internationalisme, donc, est la diplomatie étatique.

    Et, le but de la diplomatie doit être la paix. Toujours dans la même vidéo des vœux 2017, Mélenchon insiste pour dire que sa position est complètement caricaturée. Si cela a en effet pu être le cas par le fait de nombreux médias, il faut reconnaître que Mélenchon passe son temps à caricaturer la position de ses opposants, y compris de gauche et d’extrême-gauche, en les qualifiant, sans exception, « d’atlantistes ».

    De cette manière, il créé lui même une position dite « campiste », c’est-à-dire où il faudrait choisir un camp sur deux disponibles, lui se plaçant dans le camp qui ne choisit pas. Or, dans l’exemple de la Syrie, c’est à une multitude de « camps » qu’il faut se référer. Et, dans la logique du célèbre « pire que le bruit des bottes, le silence des pantoufles », en ne choisissant pas, on choisit le gagnant, ou du moins le plus fort, c’est-à-dire Bachar Al-Assad.

    Comme la vidéo – de 30 minutes, écoutez-là – est très claire et permet de débattre correctement, restons-y. Jean-Luc Mélenchon se refuse à penser que ce qui se passe en Syrie est une guerre de religions. C’est juste. Là-dessus, nous sommes d’accords.

    L’instrumentalisation de nombreux médias expliquant l’inverse est scandaleuse, visant à faire passer les arabes pour des fous, incapables de penser et de construire la démocratie. Mélenchon voit lui « une guerre de puissances », pour le pétrole et le gaz.

    S’il est vrai que les puissances ont des intérêts géo-politiques (comme partout), il est scandaleux de limiter l’insurrection populaire à une manipulation des puissances impérialistes. C’est même à la limite du complotisme. Les puissances tentent évidemment de tirer les marrons du feu, elles utilisent une situation de troubles, de faiblesses, puis de chaos, pour leurs intérêts, mais au préalable, c’est le peuple qui se lève contre une dictature sanguinaire.

    L’énorme désaccord arrive alors : Mélenchon dit qu’il ne souhaite pas choisir entre des « fanatiques modérés » et des « fanatiques » tout court d’un côté, et le régime de Assad de l’autre.

    C’est une déformation, doublée d’une insulte à la révolution syrienne. Parler des centaines de milliers de manifestants, combattants, révolutionnaires, qui, depuis 2011, se battent contre Assad et contre Daesh (Daesh qui fût en grande partie créé grâce à Assad qui a relâché des prisonniers terroristes-islamistes pour contrer la révolution) comme des "fanatiques" ; cette position est une honte sans nom.

    De plus, toujours dans une logique légale, et en se référant à l’ONU, Jean-Luc Mélenchon en appelle aux élections en Syrie et glisse, au passage, le fait qu’il faille organiser le retour en Syrie des réfugiés aujourd’hui hors de leur pays.

    A aucun moment le départ d’Assad n’est évoqué. Jean-Luc Mélenchon connaît-il seulement la situation en Syrie depuis les quatre dernières décennies ? Ce sont près de 200.000 prisonniers qui se meurent dans les geôles des Assad père et fils. Y renvoyer les réfugiés (dont beaucoup sont des révolutionnaires, ou présumés tels par le régime), sans le départ du dictateur, équivaut à les mettre en prison ! Il n’y a aucune possibilité de paix avec Assad ou avec Daesh.

    Heureusement, en Syrie, la vie politique ne se limite pas à ces deux camps.

    Il y a des partis de gauche, d’extrême-gauche, des groupes citoyens, démocrates. Des centaines de comités de quartiers, élus, se sont formés, ce sont [ou ce furent] des lieux où les citoyens décid[aient] à la base, sans attendre les élections « officielles ». C’était en partie le cas à Alep-est. En réalité, il y a une révolution en cours et il n’y a pas d’autres solutions que la victoire de la révolution si nous souhaitons la paix. La paix doit être juste, ou la paix ne sera pas.

    L’internationalisme est mal en point face aux gauchismes et aux faux-impérialistes.

    En 1990, le philosophe et militant Daniel Bensaïd expliquait « Pour exprimer un projet d’émancipation universelle, les travailleurs ont, dans leurs conditions d’exploitation, la potentialité de voir le monde en même temps avec les yeux du prolétaire chilien à Santiago, nicaraguayen à Managua, polonais à Gdansk, chinois, etc. Cette potentialité ne peut devenir effective qu’à travers la construction d’un mouvement ouvrier international, syndical et politique. S’il est vrai que l’existence détermine la conscience, l’internationalisme exige une internationale. ».

    On peut facilement dire qu’en 2016, le problème n’est pas réglé, l’ethnocentrisme dominant sans commune mesure dans les gauches du monde.

    La citation susnommée de Bensaïd est tirée de son texte Le dernier combat de Trotski. Dans ce texte, un supplément au journal Rouge, il explique avoir un objectif [lui, et la LCR] « non démesuré, mais certainement ambitieux : la reconstruction à terme d’une Internationale révolutionnaire de masse. ». Cet objectif, à l’heure de l’apparition des monstres obscurantistes et fascistes, du retour de positions campistes et de la gauche autoritaire, et du néo-libéralisme triomphant, est d’une brulante actualité.

     

    • 6 janv. 2017
    •  Le blog de Avy Gerhart

    https://blogs.mediapart.fr

     

  • We must understand Syria as a popular struggle despite its complications (Socialist Resistance)

     

    Joseph Daher reports:
    The popular uprising in Syria approaches its sixth year, but the debate among the networks, associations, political parties, and individuals that make up the political left is ongoing.Alarmingly, some sections of leftist discourse on the Syrian revolution often emulate the rhetoric offered by the mainstream bourgeois, media, and even extreme right-wing groups. For example, writing for The Guardian in September 2013, Slovenian philosopher Slavoj Žižek characterized the Syrian uprising as a “pseudo struggle.” As he wrote: “there are no clear political stakes, no signs of a broad emancipatory-democratic coalition, just a complex network of religious and ethnic alliances over-determined by the influence of superpowers.”In an interview with RT a year earlier, journalist Tariq Ali similarly declared that what we are witnessing in Syria is “a new form of re-colonization by the West, like we have already seen in Iraq and in Libya.” In Ali’s view,

    Many of the people who first rose against the Assad regime in Syria have been sidelined, leaving the Syrian people with limited choices, neither of which they want: either a Western imposed regime, composed of sundry Syrians who work for the western intelligence agencies, or the Assad regime.

    Others, like veteran journalist Seymour Hersh, described the uprising in overly-simplistic terms as a near conspiracy to “destabilize Syria” that was planned at the time of George W. Bush’s presidency and continued into President Barack Obama’s term.

    Political figures like former British Member of Parliament, George Galloway, have supported anti-war movements like Stop the War Coalition, but have also defended Bashar Al-Assad’s criminal regime on many occasions. In 2013, for instance, Galloway declared that Assad is “quite a man” because “he opposes Israel, Britain, America and Qatar.“

    These are only a sampling of the many left-wing figures who analyze the Syrian revolutionary process using a “top-down” approach. They characterize the popular Syrian uprising in Manichean terms as an opposition between two camps: the Western states, the Gulf monarchies, and Turkey (the “aggressors”) on one side, and Iran, Russia, and Hezbollah (the “resistance”) on the other. In so doing, they ignore the popular political and socio-economic dynamics at the grassroots level. Moreover, they often focus disproportionately on the dangers of ISIS while ignoring the role the Assad regime played in its rise. These discrepancies must be addressed within leftist circles and movements.

    Authoritarianism and Popular Resistance

    Citing the expansion of ISIS and other extremist forces, some sections of the left claim Syria is no longer experiencing a revolution, but, rather, is in the grips of a war of conspiratorial proportions. Because of this, they argue, we must “choose a camp,” in order to find a concrete solution to the conflict. In effect, this means we must throw our support behind Assad and his allied Iranian and Russian forces. Tareq Ali declared, for example, at a rally in 2015 that “If you want to fight ISIS, you should be going in and fighting alongside Russia and alongside Assad.”

    Sadly, baseless discourse like this became particularly prominent after the Paris attack in November 2015, when ISIS affiliates killed nearly 140 Parisians in an act of terrorism. After the attack, many in the West began advocating for a “global war against ISIS.” Those on the left and right alike argued for the need to collaborate with the Assad regime, or at least seek a solution in which the Assad dynasty remains in control of the country.

    Those, like myself, who oppose this outlook are charged with being idealistic. Our critics tell us we must take “more realistic” approaches toward Syria, in order to save lives.

    What these individuals fail to appreciate, however, is that it is not enough to destroy ISIS. Brute military force alone only ensures that other militant groups will take its place, as al-Qaida in Iraq demonstrates. Real solutions to the crisis in Syria must address the socio-economic and political conditions that have enabled the growth of ISIS and other extremist organizations.

    We have to understand that ISIS’s expansion is a fundamental element of the counter-revolution in the Middle East that emerged as the result of authoritarian regimes crushing popular movements linked to the 2011 Arab Spring. The interventions of regional and international states have contributed to ISIS’s development as well. Finally, neo-liberal policies that have impoverished the popular class, together with the repression of democratic and trade union forces, have been key in helping ISIS and Islamic fundamentalist forces grow.

    The left must understand that only by ridding the region of the conditions that allowed ISIS and other Islamic fundamentalist groups to develop can we resolve the crisis. At the same time, empowering those on the ground who are fighting to overthrow authoritarian regime and face reactionary groups is part and parcel of this approach.

    Complex Dynamics

    The revolutionaries in Syria who are struggling for freedom are not unlike the revolutionaries in Tunisia, Bahrain, Libya, Egypt, and elsewhere, who oppose both the authoritarian regimes that brutalize them and the fundamentalists who reject meaningful notions of freedom and liberty.

    This popular resistance has been the most neglected aspect of the Syrian uprising. Since the revolution began, Syria has witnessed remarkable levels of self-organization—more than any other country in the region faced with similar circumstances.

    It is true that the uprising’s militarization has impacted this self-organization. Indeed, the war’s evolution has stifled the space for mass demonstrations and civic engagement, which was common during the uprising’s early years. Remnants of the original revolution still exist, however, in the form of democratic and progressive movements, which have consistently opposed all counter-revolutionary elements, including the Assad regime and extremist forces. Far from being dead, these popular forces made themselves and their democratic aspirations known in February 2016. Following the partial cessation of Russian and regime airstrikes, hundreds of civil demonstrations occurred throughout liberated areas of Syria. The chants and flags of extremist forces were notably absent from these protests.

    Among the civic initiatives in Syria, citizen-driven local councils, elected or established on consensus, exist in some regions and provide services to the local population. It is not a coincidence that the free regions of Aleppo and Douma, both run by local councils, are among the most brutalized targets of regime and Russian bombing.  That these areas represent democratic alternatives, apart from the regime and fundamentalist movements, is something Assad and his allies fear.

    Local councils are not the only civic organizations that have been established during the conflict. The Syrian Civil Defense, commonly known as the White Helmets, works to save victims of airstrikes and deliver public services to nearly 7 million people. Other popular organizations have also undertaken a range of activities and campaigns around education, health, human rights, and empowering women, to name a few. These include Women Now For Development, Keshk, The Day After Tomorrow, the Fraternity Center, and Raqqa Is Being Slaughtered Silently, among others.

    There has also been a surge of free and democratic newspapers and radio stations in the country, especially in liberated areas. Examples of these include Arta FM, Syrian Media Action Revolution Team (SMART), ANA Press, Enab Baladi, and Souriatna.

    It is imperative for leftists to appreciate these realities, and separate the aspirations of besieged Syrians from those of international and imperialist actors. Approaching Syria from a “bottom-up” rather than “top-down” perspective can help with this.

    Imperialism at Work

    It is important to remember that, even though conflicting interests exist between international and regional powers that are intervening in Syria, none of these actors care about the uprising or the revolutionaries. Instead, they have attempted to undermine the popular movement against Assad and successfully worked to strengthen sectarian and ethnic tensions in the country. These intervening forces have, for example, helped stabilize the Assad regime in order to oppose Kurdish autonomy (in Turkey’s case) and to defeat extremist groups such as ISIS (in the case of the United States).

    The intervening powers are united in their opposition to popular struggle. They seek to impose the status quo at the expense of the interests of the working and popular classes. This is precisely why viewing the Syrian revolution only through the lens of imperialist competition and geo-political dynamics will not suffice. This lens inherently obscures the political and socio-economic frustrations endured by the Syrian population that sparked the uprising.

    The Enemy at Home

    Some sections of the left and anti-war movements, especially in the UK and the United States, have refused to act in solidarity with the Syrian uprising under the pretext that“the main enemy is at home.” In other words, it is more important to defeat the imperialists and bourgeoisie in our own societies, even if that means implicitly supporting the Assad regime or Russian state.

    Among these sections of the left, communist thinker Karl Liebknecht is frequently cited. Liebknecht is famous for his 1915 declaration that “the enemy is at home,” a statement made in condemnation of imperialist aggression against Russia led by his native Austria–Germany. In quoting Liebknecht, many have decontextualized his views. From his perspective, fighting against the enemy at home did not mean ignoring foreign regimes repressing their own people or failing to show solidarity with the oppressed. Indeed, Liebknecht believed we must oppose our own ruling class’s push for war by “cooperating with the proletariat of other countries whose struggle is against their own imperialists.”

    Among many Western leftists, there has been neither cooperation with the Syrian people nor collaboration with like-minded anti-war movements. They also have failed to oppose the policies of their own bourgeois states in crushing the revolution in Syria.

    The left must do better. Solidarity with the international proletariat means supporting Syrian revolutionaries against various international and regional imperialists forces, as well as the Assad regime, all of which are trying to put an end to a popular revolution for freedom and dignity. No leftist organizations or anti-war movements today can ignore the necessity of supporting people in struggle, while opposing all foreign interventions (international and regional), especially from our own governments.

    Re-Orienting the Left

    The role of progressives and leftists today is not, contrary to suggestions from figures like Ali and Higgins, to choose between two imperialist or “sub-imperialist” forces that compete for political gains and the exploitation of resources and peoples. It is, instead, to support the popular struggle, which very obviously exists in Syria.  To do otherwise not only undermines that struggle, but also ignores the fact that progressive forces must always support the interests of the working and popular classes. To choose one kind of imperialism or authoritarianism over another is to guarantee the stability of the capitalist system and the exploitation and oppression of peoples.

    This is why, when activists demonstrate in front of Russian embassies throughout the world to demand an end to Russian bombing of the Syrian people, we should not problematize or refer to their actions as “fuelling anti-Russian sentiment.” As argued by Alex Kokcharov, principal Russia analyst at the research center IHS Country Risk, “Russia’s priority is to provide military support to the Assad government and, most likely, transform the Syrian civil war from a multi-party conflict into a binary one between the Syrian government and jihadist groups like the Islamic State.” This means, the vast majority of Russia’s air strikes do not target ISIS at all.

    In Solidarity

    As leftists, our support must go to the revolutionary people struggling for freedom and emancipation. Only through their own collective action can the Syrian people achieve their goals. This concept, which is at the heart of revolutionary politics, faces profound skepticism from some sections of the left. This should not prevent us, however, from building our solidarity on this basis.

    As Liebknecht said: “Ally yourselves to the international class struggle against the conspiracies of secret diplomacy, against imperialism, against war, for peace within the socialist spirit.” We can exclude none of these elements from our struggle to build a progressive leftist platform on the Syrian conflict.

  • For a genuine anti-imperialism (ISO)

    PRO-ASSAD leftists, your analysis is wrong.

    To support Assad and Russian intervention in Syria is to support a completely brutal counterrevolution. The Syrian uprising, along with the whole Arab Spring, was a revolt against decades of neoliberal suffocation as well as against undemocratic tyrants.

    Authoritarianism throughout the Middle East and North Africa has an intimate connection with imperialism and global capitalism. Syrians along with people across many other Arab states rose up for democracy. They had no other choice--economic desperation without any legitimate way to challenge the political establishment forced people's hands. The revolts and the people who participated in them were incredibly brave.

    We should support and defend the Arab Spring revolutions against all counterrevolutionaries, including the imperialist states that circled them like vultures from day one, trying to influence their outcomes. This means supporting the Syrian revolution.

    To call the Syrian revolutionaries "terrorists" and to say that Assad is "fighting terrorism" is to play directly into the dictator's hands. From the moment he first decided to gun down peaceful demonstrations, Assad's strategy has always been to paint the uprising as "jihadist" and claim to be fighting terrorism. This is the reason Assad actually released hundreds of jihadists from his prisons, many of whom went on to take leadership positions in actual terrorist groups.

    It's also worth noting that Assad has non-aggression pacts with these groups, leaving regime, Iranian and Russian firepower focused almost entirely on rebels, rather than on ISIS. These actual terrorist groups are yet another counterrevolutionary force completely opposed to democracy and hell-bent on crushing the Syrian revolution. This is the reason for the slogan "Assad/ISIS are the same--the only difference is the name." Both forces are counterrevolutionaries--terrorists opposed to Syrian self-determination.

    Lastly, to claim the Assad regime or its supporters are somehow "anti-imperialist" is just not true. Russian imperialism is a thing. Competition offered by a weaker imperialist state against a stronger one in a third country is not "anti-imperialism."

    What Russia is doing in Aleppo--the indiscriminate bombing and destruction--is indistinguishable from what the U.S. has done across the Middle East and North Africa. Russian bombs have the same effect as American bombs, demolishing houses, destroying whole city blocks, killing untold numbers of people. Furthermore, Assad is not only a puppet of Russian imperialism--he has also opportunistically worked with the U.S. in its imperialist goals, jailing and torturing kidnapped Iraqis for the Americans during the invasion, for example.

    Finally, the U.S. under Obama never had the goal of "regime change" in Syria. Originally, they wanted an "orderly transition," removing Assad from power while maintaining his authoritarian, neoliberal state apparatus. Since then, they have caved even on this, and have stopped demands for Assad to step down. The new wave of U.S. imperialism under Trump fully backs him.

    Assad is not an anti-imperialist; like all Middle Eastern dictators, he exists only because of imperial support. But this aside, to reduce Syria to "geopolitics" alone--an imperialist proxy war between the U.S. and Russia--is to downplay to hopes and wishes of the Syrian people and the incredible courage it took to rise up against a completely brutal anti-democratic regime.

    Don't support Assad. Don't support Russia. Don't support Iran. You can't call yourself an anti-imperialist if you do. Long live the Syrian revolution.


    Alex Ferriera, New York City January 4, 2017

    https://socialistworker.org/

    Commentaire:

    L'International Socialist Organisation est un de nos correspondants aux USA avec "Solidarity" et "Socialist Action".

  • PST (Algérie)

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    Kamel Aissat, de

     

     

    Kamel Aissat, de la direction nationale du Parti Socialiste des Travailleurs (PST) est l'invité de l’émission Tamoughli W-Assa (KBC)

    Le débat portera essentiellement sur les derniers événements qui ont touché le centre du pays, notamment la wilaya de Béjaia. L’émission sera diffusé jeudi 5 janvier 2017,a partir de 20H15,soyez au rendez-vous!

    Parti Socialiste Des Travailleurs
  • Béjaia (PST)

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    Les émeutes d'aujourd'hui à Béjaia, et dans d'autres localités, à l'instar de Ain Beniane et Bainem à Alger, répondent à des rumeurs et à des appels anonymes, s'adressant particulièrement aux commerçants et non pas aux travailleurs, aux étudiants et les autres forces sociales organisées.

    Ainsi, ce ne sont pas les syndicats,les partis, les associations et autres organisations du mouvement social qui sont à la tête de ce mouvement. C'est un mouvement sans organisation, donc inorganisé. Aussi, ces appels anonymes ne proposent pas des revendications concrètes et précises. La dénonciation de la vie chère est vague. Il n'est pas proposé par exemple le retrait de telle ou telle disposition de la loi de finances 2017. C'est un mouvement sans programme concret.

    UN MOUVEMENT SANS ORGANISATION ET SANS REVENDICATIONS CLAIRES NE PEUT PAS REUSSIR.

    Certes, la situation est explosive. La cascade des attaques contre le pouvoir d'achat des travailleurs et des pauvres gens est inacceptable. L'explosion du chômage et de la précarité sociale est inacceptable. Leur loi de finances, leur futur code du travail, leur projet de loi sanitaire sont inacceptables. Et la liste est longue. Mais, on ne peut pas se passer de l'organisation et de la clarté du projet.

    Les jeunes émeutiers de Béjaia et d'ailleurs dénoncent le mal de vivre, la misère et l'autoritarisme du pouvoir.

    Leur violence exprime avant tout leur raz le bol et leur désespoir face à la violence économique et sociale de la politique libérale. Bien sur, on est contre la destruction de nos biens publics, on est contre toutes les violences et toutes les oppressions.

    Mais, les jeunes qui se battent aujourd'hui, quelques soient les manipulations réelles ou supposées, ont besoin de nous tous.

    Nous les militants pour les libertés démocratiques et la justice sociale, nous les militants contre la dictature libérale d'une minorité de riches, nous les militants pour l'égalité et la fraternité entre les êtres humains. Alors, construisons une convergence entre ces jeunes révoltés contre l'oppression et le mouvement des luttes des travailleurs et des syndicats, des chômeurs et des femmes. Construisons l'organisation et le projet politique unitaires qui nous manquent.

    Parti Socialiste Des Travailleurs
  • Attentats, guerres, politiques sécuritaires et xénophobes... (Anticapitalisme & Révolution)

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    Un vœu pour 2017 : en finir avec cette barbarie du monde capitaliste

    L’attentat dans la discothèque d’Istanbul en Turquie, qui a fait 39 morts et des dizaines de blessés dans la nuit du 1er janvier, a été revendiqué lundi par Daech dans un communiqué se réjouissant de la mort de « chrétiens faisant la fête ». Ces mots de propagande volontairement racistes – et particulièrement mensongers, car danser et fêter le Nouvel An n’a rien de spécifiquement « chrétien » – ne diffèrent pas de ceux qu’utilise désormais depuis des années cette organisation armée contrôlant divers territoires en Irak et en Syrie. En Turquie, cet attentat va encore renforcer le pouvoir dictatorial d’Erdoğan et accentuer la guerre intérieure qu’il mène contre les Kurdes et tous les opposants politiques.

    Leurs guerres, nos morts
    De Berlin à Istanbul, en passant par Paris ou Nice, la logique mortifère des attentats répond à la guerre menée par les grandes puissances et leurs alliés en Irak et en Syrie. Dans ces deux pays, les États occidentaux interviennent depuis des années, s’arrogent le droit d’envoyer leurs armées, de soutenir des dictateurs puis de tenter de les renverser et d’écraser les populations sous les bombes. Le prétexte est toujours de rétablir la paix, mais la raison réelle est de maintenir leur influence dans cette région au profit de leurs compagnies, pétrolières ou autres. C’est cela qui fait le lit d’une organisation comme Daech, qui enrôle des gens prêts à aller se faire sauter au milieu d’autres ou à tirer sur des foules désarmées, quitte à se faire tuer ensuite par la police. Quand des attentats ont lieu dans les pays européens ou ailleurs dans le monde, ils ne sont qu’un épisode de la guerre qui se déroule depuis des années au Moyen-Orient.

    Aucune mesure sécuritaire n’arrêtera cette guerre sans fin
    Les mesures sécuritaires, les policiers et soldats déployés dans les villes, les contrôles aux frontières et l’état d’urgence prolongé n’y changeront rien. Ils ne feront qu’installer un peu plus au cœur de l’Europe l’état de guerre qui sévit depuis des années de l’autre côté de la Méditerranée, pendant que des politiciens – en premier lieu du Front National, mais bien d’autres aussi – saisissent cette occasion pour surenchérir dans les discours xénophobes et racistes. Les migrants, les réfugiés sont désignés comme des « terroristes » en puissance et sont rejetés d’un pays européen à un autre, parqués dans des camps de réfugiés ou refoulés derrière des barbelés et des murs. Là-bas, ils meurent sous les bombes des grandes puissances ou les coups des dictateurs, et ici, ils sont traités en parias… Seuls ceux qui veulent nous diviser – pour mieux nous exploiter – ont intérêt à mener ces politiques inhumaines.

    En finir avec les guerres, en finir avec le système qui les produit
    Pour la deuxième année consécutive, les exportations d’armement de la France ont atteint le montant record de 14 milliards d’euros, soit plus du double du montant de 2012, année de l’arrivée au pouvoir de Hollande. Les multinationales françaises des marchands de canon peuvent sabrer le champagne : DCNS pour les navires et les sous-marins, Airbus pour les hélicoptères, Dassault pour les Rafales, Thalès pour les satellites militaires, Nexter pour les véhicules. Pour les actionnaires des trusts de l’armement, l’argent des profits a une odeur : celui du sang des peuples. Ces guerres omniprésentes sont faites en notre nom là-bas, mais finalement, elles nous concernent ici de près, parce qu’elles nous plongent dans la même logique sanglante et favorisent l’adoption de mesures qui empiètent sur nos libertés et nos droits. Si nous ne voulons plus vivre avec ces guerres pour des années et des années encore, c’est bien le système capitaliste que nous devrons renverser, ce système qui fabrique les guerres pour mieux enrichir une minorité.

    03/01/201

    http://anticapitalisme-et-revolution.blogspot.fr/

    Commentaire: A&R est un courant interne du NPA

  • Irak, Syrie: calculs, errements et larmes de crocodile des impérialistes (A & R)

    Depuis le 15 novembre, le monde entier est ému par les cris d’alarme et les adieux déchirants que lancent les habitants et habitantes d’Alep, ville syrienne sous contrôle rebelle depuis 2012, en passe d’être totalement reprise par le régime de Bachar el-Assad.

    Son aviation bombarde l’est de la ville et les zones résidentielles de l’ouest avec le soutien d’un porte-avions russe et de milices chiites composées de combattant libanais, afghans et iraniens, aux ordres de Téhéran. Elle utilise des bombes anti-bunker, dont la puissance permet de détruire des immeubles et des abris souterrains. 

    Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, elle a détruit au moins trois hôpitaux le premier jour. Le bilan humain était estimé mi-décembre à plus de 400 morts civils, dont de nombreux enfants, et plus de 350 parmi les combattants rebelles. Des chiffres sans doute sous-estimés et en constante augmentation : l’armée syrienne ne se contente pas de pilonner des bâtiments avec leurs occupants. Elle procède ensuite à des arrestations et à des exécutions sommaires.

    À ces morts s’ajoutent au moins 40 000 déplacés, là encore un nombre qui continue de croître. Le régime s’apprête à reprendre le contrôle du pays et à gagner la guerre civile. Il procédera alors à un nettoyage ethnique et religieux en chassant la majorité sunnite des grandes villes insurgées. De leur côté, certains des « rebelles », comme le Front Fatah Al-Cham (qui prêtait allégeance à Al-Qaïda jusqu’à cette année) et les brigades Abu Amara (liées à l’Arabie saoudite et au Qatar) empêchent les civils de fuir en les assassinant ou en les enlevant.

    Au Kurdistan, l’offensive lancée par Erdoğan depuis la fin de l’été est censée marquer un tournant dans la guerre, alors qu’en Irak, une nouvelle offensive a été lancée le 28 octobre pour reprendre Mossoul, au nord du pays. La coalition internationale agit avec les forces militaires du gouvernement de Bagdad et du Kurdistan « irakien », en lien avec les milices chiites Hachd al-Chaabi, proches de l’Iran.

    L’État islamique en Irak et au Levant (Daech) subit de fortes pressions dans les deux pays. Depuis le 25 novembre, sa retraite entre les deux territoires est coupée. Mais pour combien de temps ? Et à quel prix pour les peuples de la région, toujours otages des calculs et rapports de force géopolitiques ? Exposés aux bombardements, servant de boucliers humains aux combattants de Daech en fuite, ils ont aussi à craindre les exactions des futures forces d’occupation une fois leur « libération » achevée...

    Les hésitations et retournements des États-Unis, de la Russie et des pays ouest-européens vis-à-vis des forces régionales rivales ajoutent au chaos. La Turquie ou l’Iran sont tour à tour soutenus ou mis de côté ; le gouvernement de Bachar el-Assad, longtemps cible prioritaire, est depuis l’an dernier devenu secondaire par rapport à Daech. Et les voix sont nombreuses, de Trump à Fillon, à le considérer comme le « moindre mal ». Le PKK et le PYD aux Kurdistan « turc » et « syrien », sont alternativement qualifiés d’organisations terroristes ou d’alliés valables sur le terrain, tout comme les Hachd al-Chaabi...

    Pour tenter de démêler les fils et de développer une orientation politique pour les militants et militantes anticapitalistes et internationalistes des pays impérialistes, un tour d’horizon et un détour par l’histoire récente sont nécessaires.

    En Irak

    Le Kurdistan « irakien »

    Depuis le démantèlement de l’Empire ottoman au lendemain de la Première Guerre mondiale, le territoire kurde est séparé entre l’Iran, l’Irak, la Syrie et la Turquie. Les Kurdes sont 15 millions en Turquie (20 % de la population environ), 8 millions en Iran (18 %), 7 millions en Irak (20 %) et 2 millions en Syrie (8 %).

    Excepté une éphémère république de Mahabad (capitale du Kurdistan « iranien ») en 1946, sous la protection de l’URSS, aucun État kurde n’a vu le jour.

    Le Kurdistan « irakien » bénéficie cependant d’une grande autonomie depuis la fin de la guerre du Golfe de 1990-1991. Les deux principaux partis kurdes d’Irak, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), sont des alliés de l’Iran depuis les années 1980 et la guerre Iran-Irak (trahissant au passage les Kurdes d’Iran, en lutte contre le gouvernement de la République islamique). Ils sont aussi alliés aux États-Unis depuis que ceux-ci se sont retournés contre Saddam Hussein. Leurs dirigeants ont accédé aux plus hautes fonctions grâce à l’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003. Massoud Barzani, dirigeant du PDK, est le président du gouvernement régional du Kurdistan depuis 2005. Jalal Talabani, de l’UPK, a été président de la République d’Irak de 2005 à 2014. Son successeur Fouad Massoum est issu de la même formation.

    Pour Barzani, une victoire contre Daech prouverait la viabilité d’un État kurde indépendant. Il serait un rempart contre l’État islamique bien plus solide que le faible État irakien, et à terme un tampon entre la Turquie et l’Irak. Le projet d’un référendum d’indépendance a ainsi été ravivé en février 2016. Quitte à trahir, une nouvelle fois, le reste des forces kurdes, car pour s’assurer le soutien d’Ankara, Barzani n’hésite pas à dénoncer le soutien des États-Unis au PYD, organisation sœur du PKK au Kurdistan « syrien » (voir plus bas), pourtant en première ligne dans la lutte contre Daech.

    La place de Bagdad dans le « croissant chiite »

    Si la branche chiite de l’islam ne regroupe que 10 à 15 % des musulmans du monde, elle est majoritaire en Iran (environ 80 % de la population), en Irak (51 %) et à Bahreïn (50 %). Elle occupe la première place des communautés religieuses au Liban (25 %) et compte une très forte minorité au Yémen (45 %) et au Koweït (21 %). En Syrie, sa sous-branche alaouite ne représente que 11 % de la population, mais il s’agit de la religion de la famille Assad.

    Au pouvoir, Saddam Hussein s’appuyait sur la minorité sunnite irakienne (tout de même 46 % de la population). Les partis et le clergé chiites se sont donc rapprochés de la République islamique d’Iran dès sa naissance en 1979, et plus encore pendant la guerre Iran-Irak (1980-1988). Les dirigeants du principal parti chiite, le Parti islamique Dawa (PID), ont vécu en exil, le plus souvent en Iran, de 1979 à 2003. À partir des années 1990, ils ont bénéficié du soutien des États-Unis. Le PID a ainsi participé en 1992 au Congrès national irakien, organisation créée par la CIA afin de préparer un éventuel gouvernement post-Saddam Hussein.

    Depuis 2005, les trois Premiers ministres irakiens qui se sont succédé, Ibrahim al-Jaafari, Nouri al-Maliki et Haïder al-Abadi depuis 2014, sont issus du PID. Et si l’actuel chef du gouvernement se prononce pour une plus grande indépendance vis-à-vis de l’Iran, il sait à quel point son emprise réelle sur son territoire dépend de l’aide de Téhéran.

    L’idée d’un « croissant chiite », de l’Irak au Liban en passant par l’Iran et la Syrie, avec l’Iran comme force motrice et la Russie comme parrain international, est apparue en 2004 dans une déclaration du roi Abdallah de Jordanie. Un projet de la Turquie, en lien avec l’Égypte, l’Arabie saoudite et le Qatar, serait d’y répliquer par un « axe sunnite ».

    Mais si l’alliance politique entre Téhéran, Damas et le Hezbollah libanais est bien réelle, la convergence d’intérêts entre l’Iran et les États-Unis dans l’occupation de l’Irak, le choix de ses dirigeants et la lutte contre Al-Qaïda et Daech montrent que la situation ne peut être réduite à un simple affrontement de blocs.

    Daech au « secours » des Arabes sunnites ?

    Avec l’occupation militaire impérialiste de 2003 et donc la prise du pouvoir par les forces kurdes et chiites – fruit du compromis entre Washington et Téhéran –, la population arabe sunnite se retrouve dans la ligne de mire du nouveau pouvoir.

    C’est par exemple le cas à Falloujah, lieu emblématique des conditions qui ont mené à la naissance et au succès de l’État islamique. Ville sunnite du centre du pays, où dès le 29 avril 2003, un mois après le début de l’invasion, l’armée américaine a fait feu sur une manifestation, tuant 13 personnes, elle est un an plus tard un lieu de convergence des groupes guérilléristes, constitués de partisans de l’ancien régime (Armée des hommes de la Naqshbandiyya, Brigades de la révolution de 1920) et de religieux sunnites intégristes (Al-Qaïda en Irak, Ansar al-Islam, Ansar al-Sunna, Armée islamique en Irak, Brigade de l’étendard noir).

    C’est dans ce type d’affrontements qu’Al-Qaïda en Irak se lie à d’autres forces et individus, y compris d’anciens baasistes. De ces alliances naît l’idée qu’il ne faut pas simplement chasser les forces coalisées et les chiites, mais prendre le contrôle du pays ; autrement dit, créer, donc, un État islamique. Celui-ci est annoncé officiellement en 2006. Son premier « émir », Abou Omar al-Baghdadi, serait un ancien général de la police de Saddam Hussein.

    Il faut près de 45 000 soldats de la coalition et du gouvernement, un mois et demi de bataille en novembre et décembre 2004, et des centaines voire des milliers de victimes civiles, pour mettre fin à l’insurrection.  Pendant les dix années suivantes, la ville est maintenue sous contrôle militaire, mais sans qu’aucune politique de reconstruction et de services publics ne soit développée. En 2014, elle tombe dans les mains de l’État islamique sans résistance. Pour la population, malgré ses crimes et la terreur qu’il fait régner, Daech est souvent perçu comme un moindre mal.

    Sa reprise par les forces gouvernementales et iraniennes en mai et juin 2016 occasionne de nombreuses exactions de la part des Hachd al-Chaabi et de la police gouvernementale : détentions arbitraires, enlèvements, torture, exécutions sommaires de civils.

    La reprise de Mossoul

    Au moment où nous écrivons ces lignes, l’État islamique est presque encerclé à Mossoul. Les troupes d’élite irakiennes auraient repris le contrôle de plus de 40 % de la ville. Les peshmergas seraient près d’y entrer, tandis que les Hachd al-Chaabi occuperaient les alentours, notamment les voies menant au fief syrien de Daech, Raqa. De leur côté, les bombardements de la coalition auraient détruit les derniers ponts enjambant le Tigre, au milieu de la ville. Sans renforts ni possibilité de se réalimenter, l’État islamique serait acculé.

    Mais plus d’un million de civils sont eux aussi bloqués dans la ville. Dans les zones reprises, le couvre-feu est déclaré, preuve que les forces de libération ne sont pas exactement accueillies à bras ouverts.

    Quant à Daech, la situation ne l’empêche pas de frapper à distance. Difficile de compter le nombre des attentats anti-chiites, de Bagdad à Kaboul ou à Beyrouth. Le dernier, le 24 novembre, a tué au moins 70 pèlerins revenant de la ville sainte chiite de Kerbala, dont une majorité d’Iraniens, alors que près de 20 millions de chiites avaient participé aux célébrations religieuses de l’Arbaïn.

    Une façon de dire que même s’il perdait tous ses territoires, l’État islamique pourrait continuer longtemps ses attentats dans le monde entier. Al-Qaïda l’a fait bien avant lui.

    En Syrie

    PKK et PYD

    Le Parti des travailleurs du Kurdistan (en kurde PKK) et le Parti de l’union démocratique (PYD) sont les deux branches d’un même mouvement né dans le Kurdistan « turc » en 1978 (pour le PKK) et implanté au Kurdistan « syrien » en 2003. Les branches armées du PYD sont les Unités de protection du peuple (YPG) et les Unités féminines de protection (YPJ). Le PYD contrôle le Rojava (« Ouest » en kurde) depuis 2012, avec la coalition des Forces démocratiques syriennes (FDS), qu’il domine totalement. Il a obtenu une autonomie de fait, sans doute négociée avec Assad. D’inspiration mao-stalinienne, le mouvement prétend avoir évolué vers des idées social-démocrates, féministes, autogestionnaires et « confédéralistes démocratiques » depuis 2005.

    Le PKK est considéré comme une organisation terroriste par l’Union européenne et les États-Unis, mais pas le PYD. La Turquie considère les deux organisations comme telles. En revanche, le PKK bénéficie de longue date d’un soutien passif de l’Iran, qui l’autorise à se réfugier de son côté de la frontière. Depuis 2013, la République islamique lui fournit même des armes et un soutien logistique.

    Et un pacte de non-agression est vraisemblablement en place entre le PYD et Assad. Le sectarisme des composantes arabes de l’Armée syrienne libre (ASL) vis-à-vis des revendications kurdes explique en grande partie sa méfiance et sa mise à l’écart du reste du mouvement anti-Assad. Mais il est paradoxal que cela l’amène à une alliance, au moins de fait, avec le dirigeant nationaliste arabe.

    Certes, la lutte pour l’auto-détermination du plus grand peuple privé d’État, contre l’intégrisme, son héroïsme dans les affrontements face à l’État islamique ou la place occupée par les femmes dans les combats et l’organisation politique, placent incontestablement le courant « confédéraliste démocratique » dans le camp des organisations populaires progressistes. Mais ces qualités ne sauraient effacer les relents de stalinisme et d’autoritarisme qui doivent nous faire relativiser son caractère « libertaire » et « autogestionnaire » [Human Right Watch cite ainsi dans les territoires qu’il contrôle : « des arrestations arbitraires, des procès iniques et l’utilisation d’enfants soldats »].

    Quoi qu’il en soit, sa capacité à résister à Daech force le respect, y compris à Washington. Dès septembre 2014, au début de la bataille de Kobané, ses dirigeants militaires ont été invités par l’état-major des États-Unis à indiquer les positions à bombarder. En octobre 2015, l’armée américaine lui a largué 50 tonnes de munitions et Obama a autorisé pour la première fois l’envoi de cinquante membres des forces spéciales sur le terrain aux côtés des FDS. Un affront complet pour la Turquie, qui n’a pas cessé de bloquer sa frontière pour interdire le passage de renforts kurdes dans la lutte contre Daech.

    Erdoğan, d’abord contre le Rojava

    L’opération « Bouclier de l’Euphrate » a été lancée le 24 août, quelques semaines après la tentative de coup d’État contre Erdoğan. Pour l’apprenti dictateur, le premier enjeu est de réaffirmer son rôle vis-à-vis de dirigeants occidentaux qui semblent hésiter à le soutenir, lui qui ne joue clairement plus son rôle de stabilisateur régional.

    En reprenant l’offensive, et en prétendant la gagner, Erdoğan fait d’une pierre trois coups : combattre Daech, éliminer les FDS et regagner sa place auprès des États-Unis. L’arrestation, le 4 novembre, de députés et dirigeants du HDP [Coalition de la gauche de la gauche et de divers mouvements sociaux, le Partidémocratique des peuples a obtenu 13,4 % des voix et 80 députés en juin2015. C’est le principal parti pro-kurde au parlement turc] montre que de ces trois objectifs, le deuxième est le plus important.

    Selon ses propres mots, la Turquie entend lutter « avec la même détermination » contre Daech et le PYD pour « créer une zone libérée des terroristes au nord de la Syrie ».

    Le 24 août, une cinquantaine de chars turcs et quatre cents soldats sont donc entrés en Syrie dans le couloir de Djarabulus, seule partie de la frontière turco-syrienne sous contrôle de Daech, à l’ouest de l’Euphrate et du Rojava. Le 12 août, le FDS et les YPG/YPJ avaient repris des territoires à Daech, dont la ville de Manbij. Sans grande surprise, l’armée turque n’a pas affronté les djihadistes, en fuite dès son arrivée (les combats n’ont fait qu’un mort, dans les rangs des rebelles syriens). Elle n’a pas cherché à les poursuivre, mais s’est tournée vers les forces kurdes, les forçant à repasser à l’est de l’Euphrate. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), les frappes ont tué au moins 40 civils et blessé plus de 70 personnes dans les trois jours suivants . L’urgence pour Erdoğan étant d’empêcher la jonction des trois régions kurdes de Syrie (Afrin, Kobané et Djazira à l’est) que le FDS était sur le point de réaliser en chassant Daech .

    Désormais, la zone est donc sous contrôle de la Turquie et de composantes de l’ASL [enl’occurrence, Nourredine al-Zenki et Faylaq al-Sham, deux partis« islamistes » modérés proches des Frères musulmans et la Brigade SultanMourad, composante turkmène de l’ASL] avec la bénédiction des États-Unis qui, par la voix du vice-président Joe Biden, ont menacé de retirer toute aide aux Kurdes s’ils ne repassaient pas l’Euphrate ; et celle de la France, qui y voit un lieu où renvoyer les réfugiés syriens de Turquie, plutôt que de les laisser partir vers l’Europe 

    Longtemps première cible d’Ankara, Assad n’est désormais plus un enjeu. Le vice-Premier ministre Numan Kurtulmuş explique même qu’une fois la « zone de sécurité » créée à la frontière, des négociations devront être ouvertes, auxquelles il serait « naturel » que participe Assad. Un changement de cap qui montre un réchauffement des relations de la Turquie avec l’Iran et la Russie (fait confirmé par la presse officielle iranienne elle-même), au détriment des Kurdes. Même Poutine est donc sujet aux retournements et trahisons d’alliés, alors que la Russie assurait encore son soutien au PYD en mai dernier.

    Nos mots d’ordre

    À bas l’impérialisme et ses crimes ! Solidarité internationale !

    Dans toute cette complexité, certaines certitudes demeurent. D’abord, celle que le terreau qui a donné naissance à Daech, c’est l’occupation militaire impérialiste de l’Irak et un État défaillant, qui n’hésite pas à faire appel à des milices extra-gouvernementales, voire étrangères, pour faire régner la répression. Ce n’est certainement pas avec plus d’interventions militaires et le renforcement de l’axe chiite sous direction iranienne que les bases de Daech seront sapées. Au contraire, elles seront d’une manière ou d’une autre renforcées. Nous devons donc revendiquer l’arrêt immédiat de toutes les opérations militaires de la coalition, à commencer par les bombardements français. Le rapprochement envisagé, à Washington comme à Paris, avec Moscou, et donc Damas et Téhéran, montre bien l’hypocrisie de dirigeants prêts à défendre les pires régimes au nom de la stabilité, conscients qu’ils sont, pourtant, de renforcer la légitimité de l’État islamique auprès d’une population victime des gouvernements en place et de leurs complices impérialistes.

    Du reste, depuis septembre 2014, ces bombardements visent exclusivement Daech. En très grande partie, ils ont servi Assad en le soulageant d’un front. Et ils ne font pas moins de morts et de drames. Quant aux groupes intégristes que les impérialistes soutiennent sur place, ils commettent les mêmes exactions contre les civils.

    Ensuite, nous avons la conviction que la résistance doit venir du terrain et des peuples concernés. La désinscription du PKK de la liste des organisations terroristes, l’arrêt du soutien à Erdoğan et l’ouverture de la frontière turque sont des revendications urgentes évidentes. Leur satisfaction aurait sans aucun doute des conséquences immédiates dans la région. Elle affaiblirait Daech et presque autant la dictature naissante à Ankara. Mais défendre n’est pas soutenir ou, dans tous les cas, idéaliser le PKK et le PYD.

    Dans le reste de la Syrie, la situation n’est certes plus celle de 2011. La terrible répression et la force militaire des groupes intégristes armés par l’Arabie saoudite, le Qatar ou la Turquie ont mis à mal les cadres d’auto-organisation démocratiques, laïques et populaires. Pourtant, en janvier 2014, c’est bien la population d’Alep qui a chassé Daech. Nous devons continuer de défendre les revendications de 2011 : la démocratie, la liberté, la justice sociale, le contrôle des richesses du pays.

    Dans l’urgence, nous devons exiger l’ouverture des frontières et l’arrêt du soutien financier à Erdoğan, pour mettre fin à la prison à ciel ouvert dans laquelle sont bloqués les réfugiés. Leur accueil n’est pas une œuvre de charité, mais le minimum que puissent faire des puissances impérialistes qui sont directement responsables de la situation !

    Jean-Baptiste Pelé

    http://anticapitalisme-et-revolution.blogspot.fr

    Commentaire: Anticapitaliste et Révolution est un des courants internes du NPA, affilié à la 4è Internationale, contrairement à "Révolution Permanente".