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Palestine - Page 39

  • Processus révolutionnaire dans le monde arabe et question palestinienne (La Brèche Numérique)

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    Le texte qui suit est la première partie d’un article publié dans l’ouvrage collectif Le Moyen-Orient en marche : perspectives croisées, qui vient de paraître aux éditions du Cygne. À la fin de l’extrait, on trouvera le sommaire du livre.

    Depuis la défaite de juin 1967 et avec le déclin du nationalisme arabe, la Palestine a souvent été considérée comme le dernier bastion (ou l’avant-garde) de la lutte anti-impérialiste et anti-sioniste au Moyen-Orient. La résistance maintenue des Palestiniens à l’occupation et à la colonisation israéliennes, de la lutte armée des années 1970 aux initiatives dites de « résistance populaire » (à partir de 2005), en passant par la première Intifada (décembre 1987), a longtemps servi de point de référence aux peuples de la région, orphelins des idéaux nassériens et/ou panarabes.

    Les bouleversements que traverse aujourd’hui le monde arabe interrogent cette approche « classique », selon laquelle les populations de la région accusaient un considérable « retard » sur les Palestiniens, ces derniers étant les seuls à avoir échappé au processus de glaciation politique et sociale entamé dans les années 1970. Certains en étaient même allés jusqu’à considérer que le monde arabe n’était plus un acteur de l’Histoire. Un éditorial du Monde expliquait encore, le 19 mars 2011, au sujet de l’expédition militaire en préparation en Libye, ceci : « Il faut associer le monde arabe aux opérations militaires. Il en a les moyens : il dispose de centaines de chasseurs. Il a l’occasion de faire l’Histoire, pas de la contempler » [1].

    Sans tomber dans les excès de l’éditorialiste – anonyme – du Monde, force est de constater que le combat palestinien a longtemps joué un rôle de lutte « par procuration » pour des populations dont les dirigeants avaient depuis longtemps abandonné les idéaux nationalistes. Or, depuis quelques mois, ce n’est plus tant le monde arabe qui « regarde » vers la Palestine, mais bien souvent le peuple palestinien qui « regarde » vers le monde arabe : de même que, par exemple, les bombardements sur Gaza en 2008-2009 avaient fait la « Une » des journaux arabes et généré un élan de solidarité avec la population de Gaza dans toute la région, la chute de Ben Ali, puis de Moubarak, ont occupé la « Une » des médias palestiniens et ont suscité chez les habitants des territoires occupés la sympathie, pour ne pas dire l’admiration, à l’égard des peuples tunisien et égyptien.

    Cette sympathie n’est pas seulement à appréhender du point de vue de la « solidarité internationale ». Elles expriment en réalité ce que l’échec des idéologies panarabes avait en partie occulté : la conscience d’une communauté de destin chez les peuples de la région, en raison notamment d’une histoire coloniale et postcoloniale commune, quand bien même les récentes histoires nationales auraient divergé. La singularité de la situation palestinienne et sa surexposition politique et médiatique lui ont conféré une place particulière dans les processus d’identification régionaux. Le renversement que nous venons d’évoquer confirme ce phénomène qui traduisait, en premier lieu, l’aspiration maintenue des peuples de la région à plus de dignité, de justice et de libertés. Avec l’irruption visible des peuples arabes sur la scène politique, les Palestiniens sortent de l’isolement, et semblent en avoir conscience.

    S’agit-il pour autant d’un réel renversement de perspective ? En d’autres termes, les bouleversements en cours peuvent-ils contribuer à ce qu’une reconfiguration de la question palestinienne s’opère ? C’est à ces questions que je tenterai de répondre dans cette étude, en trois temps : tout d’abord, en rappelant que la question de Palestine fut, après la création de l’État d’Israël, une question arabe ; ensuite, il conviendra d’interroger l’autonomisation progressive de la question palestinienne avant, dans un dernier temps, de mesurer les premiers effets visibles, sur la scène palestinienne, du processus révolutionnaire en cours.

    La question de Palestine : une question arabe

    L’histoire récente nous fait souvent oublier que la question palestinienne (lutte pour la satisfaction des droits nationaux des Palestiniens) a d’abord été la question « de Palestine » (lutte pour la libération de la terre de Palestine) et, à ce titre, une question arabe. Les États arabes ont refusé la partition de 1947 et plusieurs d’entre eux ont été en guerre contre Israël à 3 reprises (1948, 1967, 1973). Lorsqu’en 1964 la Ligue des États Arabes soutient la création de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), ce n’est pas tant pour permettre aux Palestiniens de se doter de leur propre représentation que pour réaffirmer le leadership des États arabes pour tout ce qui touche à la question de Palestine.

    Le premier Conseil National Palestinien (CNP, « parlement » de l’OLP), se réunit à Jérusalem en mai 1964 sous l’étroite surveillance des régimes arabes, notamment de l’Égypte et de la Jordanie. Ahmad Choukeyri, à la tête du premier Comité Exécutif de l’OLP (CEOLP), est une personnalité relativement consensuelle auprès des régimes arabes, qui précise, dans son discours inaugural, ce qui suit : « la création de l’entité palestinienne dans la cité de Jérusalem ne signifie pas que la rive occidentale du Jourdain fasse sécession de la Jordanie. Nous voulons libérer notre patrie qui s’étend plus loin, à l’Ouest. En aucune façon nous ne menaçons la souveraineté jordanienne car cette terre a été, tout au long de l’Histoire, le refuge d’une même nation et n’a formé qu’une seule patrie » [2]. Une véritable lutte s’est déroulée, dans les années 60, pour que la question de Palestine soit prise en charge par les Palestiniens eux-mêmes. Ce fut la raison d’être du Fatah, fondé en 1959. Les fondateurs du Fatah en effet déduisent de la débâcle de 1948 et de l’incapacité des régimes arabes à libérer la Palestine, la nécessité d’une prise en charge autonome de la question palestinienne. C’est ce que certains ont nommé la « palestinisation » de la lutte [3], qu’on entendra ici comme le projet de réappropriation par les Palestiniens eux-mêmes d’une cause considérée comme confisquée par les régimes arabes. Pour le noyau dirigeant du Fatah, les États arabes sont incapables de mener à bien la lutte pour la reconquête de la Palestine car ils la subordonnent à leurs intérêts et objectifs propres et l’ont, de fait, reléguée au second plan.

    Le Fatah récuse le mot d’ordre en vogue dans les milieux panarabes : « l’unité arabe conduira à la libération de la Palestine ». Ils rendent même responsables les régimes arabes de la défaite de 1948, affirmant par exemple que l’intervention des armées arabes « a échoué car les états arabes ont écarté les forces vives palestiniennes de la bataille en suspendant leurs activités armées révolutionnaires » [4]. Dans la rhétorique du Fatah, la prise en charge de la question palestinienne par les régimes arabes n’est donc pas seulement une erreur, mais un obstacle à la libération de la Palestine. D’où la nécessité d’établir un mouvement palestinien autonome, émancipé de toute tutelle arabe, avec ses propres structures, son propre programme, sa propre direction et ses propres instances de décision. La défaite de juin 1967 donne un écho conséquent au discours du Fatah, qui prendra le contrôle de l’OLP en 1968-69 autour du mot d’ordre de la palestinisation. La guerre de 1973, par laquelle les États arabes indiquent qu’ils n’entendent plus reconquérir militairement la Palestine, confortera les positions du Fatah et le processus de palestinisation qui accompagne la désarabisation du combat pour la Palestine. En effet, l’autonomie acquise par le mouvement national palestinien est aussi le reflet du désengagement des États arabes dans le combat contre Israël, facteur déterminant de la glaciation politique régionale a partir des années 1970.

    Une autonomie palestinienne relative

    L’autonomie ainsi acquise est cependant à relativiser. Tout d’abord, le Fatah (et l’OLP) sont dépendantes financièrement des régimes arabes. Dès le début des années 1960, le mouvement de Yasser Arafat, qui prônait la lutte armée, a frappé aux portes des argentiers arabes : en 1962, Abu Jihad se rend en Algérie où il rencontre les dirigeants du FLN qui l’assurent de leurs dispositions à soutenir le Fatah. La Syrie et l’Iraq baathistes accepteront eux aussi d’apporter un soutien matériel au mouvement et d’héberger des camps d’entraînement. Le Fatah entend jouer sur les contradictions internes au monde arabe en s’appuyant, dans le cas de l’Iraq et de la Syrie, sur des régimes en compétition avec l’Égypte nassérienne, a fortiori depuis l’échec de la République Arabe Unie. Cette politique conduira Yasser Arafat à solliciter certains de ses proches pour qu’ils recherchent le soutien financier de l’Arabie Saoudite. En 1964, le leader du Fatah missionne Khalid al-Hassan pour établir un contact direct avec les autorités saoudiennes, en l’occurrence le ministre du Pétrole Ahmad Zaki Yamani. Ce dernier organisera une entrevue entre Arafat et le Roi Faysal, qui offrira une somme d’argent considérable au Fatah.

    Dépendant des financements et du soutien matériel étrangers, notamment arabes, le mouvement se place dans une situation doublement contradictoire avec sa revendication d’autonomie. En premier lieu, le soutien matériel est subordonné aux jeux d’alliances régionaux : la fragilité de ces alliances place le Fatah dans une situation de précarité extrême. C’est ainsi que plusieurs décennies plus tard, ce « péché originel » du Fatah aura des répercussions considérables lorsque Yasser Arafat apportera son soutien à Saddam Hussein lors de la première Guerre du Golfe, provoquant une véritable hémorragie financière de l’OLP. En second lieu, les pays « donateurs » exigent d’avoir un droit de regard sur les activités du Fatah. C’est ainsi que l’Iraq, puis la Syrie, préféreront rapidement, après avoir tenté à plusieurs reprises d’interférer dans les affaires internes du Fatah, susciter la création de mouvements « palestiniens » qui leur sont en réalité inféodés, afin de peser au sein de l’OLP.

    Un second élément renforce le caractère subalterne de l’autonomie revendiquée par le Fatah (et dont héritera l’OLP) :

    c’est le principe de « non-ingérence palestinienne dans les affaires intérieures arabes ». Pensé comme la logique et juste contrepartie de la revendication de l’autonomie du mouvement palestinien et donc de la « non-ingérence arabe dans les affaires intérieures palestiniennes », ce principe s’avère en réalité être, lui aussi, une faiblesse structurelle majeure du Fatah, qui aura de tragiques conséquences, en Jordanie puis au Liban. L’idée de la non-ingérence est en effet doublement paradoxale :
    — elle trace un trait d’égalité, avec le principe de réciprocité, entre des entités étatiques constituées et un peuple en exil… dans ces entités. Toute activité politique palestinienne au sein des États abritant des réfugiés peut être considérée par ces États comme une ingérence au sein de leurs affaires intérieures. En revendiquant le principe de non-ingérence, le Fatah offre des arguments à des régimes potentiellement hostiles et s’interdit, a priori, d’influer sur la politique des États dans lesquels vivent la majorité des Palestiniens
    — elle sous-entend que les Palestiniens pourraient conquérir une place dans le dispositif étatique arabe sans que celui-ci ne subisse de bouleversement majeur ou, plus précisément, sans que les organisations palestiniennes ne prennent en charge tout ou partie du combat contre des régimes autoritaires, conservateurs, voire réactionnaires. Cette analyse contestable sera source de débats et de tensions avec les futures organisations de la gauche palestinienne.

    Le principe de non-ingérence renforce le caractère subalterne, voire contradictoire, de l’autonomie revendiquée par le Fatah. Il indique que, malgré une rhétorique très critique à l’égard des régimes arabes, le mouvement n’entend pas entrer en confrontation directe avec eux. Conscients de leur faiblesse numérique et militaire, les dirigeants du Fatah comptent sur le soutien des États arabes dans la lutte pour la libération de la Palestine. La dépendance à l’égard des États arabes est assumée, elle participe du positionnement paradoxal du Fatah et le l’OLP dans le contexte politique et social régional à partir des années 1970. Ce positionnement paradoxal et le caractère structurellement subalterne de l’autonomie palestinienne marquera durablement le mouvement national palestinien. Si la question de Palestine est progressivement devenue une question palestinienne, elle n’en est pas moins demeurée une question intégrée au dispositif régional. À l’heure où ce dernier est en train de vaciller, rien de surprenant dans le fait que les coordonnées de la question palestinienne soient amenées à être rapidement bouleversées.

    Les mouvements de protestation contre les régimes autoritaires qui s’élèvent dans tous les pays arabes donnent à voir un autre visage des mondes arabes jusqu’ici nié dans un amas de clichés nauséabonds. De l’inadéquation supposée entre islam et démocratie, au besoin inventé des peuples arabes d’être dirigés par un leader, ces stéréotypes sont aujourd’hui visiblement balayés par des processus qui ont en réalité mûri depuis le mouvement de la Nahda au XIXe siècle.

    Si la métaphore du « printemps arabe » renvoie justement à cette idée d’une renaissance, elle cantonne aussi, le temps d’une saison, un mouvement qui promet de s’étendre sur un temps long. Aussi, parler de « printemps arabe » pour qualifier cette lame de fond semble quelque peu inapproprié. D’autant qu’il ne saurait y avoir un « printemps arabe », mais des « printemps arabes » protéiformes, tributaires de particularismes historiques, de systèmes politiques, de tissus sociaux propres à chacun des pays. D’ailleurs les « printemps arabes » sont loin de n’être qu’arabes... et montrent, à ceux qui en douteraient encore, que le peuple est un acteur politique, économique et social à part entière. Comment s’est construite cette prise de conscience et sur quels particularismes repose-t-elle ?

    En abordant ce phénomène dans ces aspects juridiques, historiques, politiques, économiques et sociaux, ce cahier — qui s’inscrit dans une série de trois opus consacrée aux révolutions arabes — propose quelques études de cas réalisées à chaud.

    Qu’elles soient entamées, maîtrisées, ou figées, ces révolutions promettent, avec des temporalités et selon des modalités différentes, des bouleversements structurels majeurs que tous doivent désormais intégrer dans leur appréhension de la région. Le Moyen-Orient, jusqu’ici perçu comme une région sclérosée, est bel et bien en marche...

    , par SALINGUE Julien

    L’ouvrage peut être commandé par votre libraire ; il est également disponible sur les divers sites internet de vente de livres.

    Notes

    [1C’est moi qui souligne. Notons ici que ces propos font écho au (tristement) célèbre discours de Nicolas Sarkozy à Dakar, prononcé le 26 juillet 2007, dans lequel le Président français déclarait notamment : « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire ».

    [2Cité par Xavier Baron, Les Palestiniens : Genèse d’une nation, Seuil, Paris, 2003, p. 76.

    [3Jean-François Legrain, « Palestine, de la terre perdue à la reconquête du territoire », Cultures & Conflits n° 21-22 (1996), p. 171-221.

    [4Yezid Sayigh, Armed Struggle and the Search for State : The Palestinian National Movement (1949-1993), Oxford University Press, 1998, p. 89.

    Source (origine)

    Le blog de Julien Salingue, 15 mars 2012.

    http://www.juliensalingue.fr/article-processus-revolutionnaire-dans-le-monde-arabe-et-question-palestinienne-101611430.html

    http://www.preavis.org/breche-numerique/article2546.html

  • Israël-Palestine. Ce qu’une membre du Conseil législatif palestinien a appris dans une prison israélienne (Al'Encontre.ch)

    La députée palestinienne Khalida Jarrar après sa libération de prison

    La députée palestinienne Khalida Jarrar après sa libération
    de prison.

    Par Amira Hass

    Khalida Jarrar, membre du Conseil législatif palestinien, a été emprisonnée sans procès, suspectée d’incitation et d’appartenance au Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP). Elle a été relâchée après 14 mois de détention.

    Des douzaines de Palestiniens qui ont été arrêtés pour des activités contre l’occupation israélienne sont ainsi relâchés chaque semaine. Les caméras qui accompagnaient la libération de Jarrar ont mis en évidence un processus qui a fait partie de la vie quotidienne de centaines de milliers de familles palestiniennes depuis 50 ans. Les premières paroles qu’elle a prononcées lors de sa libération exprimaient d’ailleurs la même chose que dit ou pense chacun des prisonniers relâchés: «C’est un jour heureux à cause de ma remise en liberté, mais c’est aussi un jour triste parce que je laisse derrière moi mes amis, les prisonniers avec lesquels j’ai vécu pendant plus d’une année.»

    Jarrar, qui dirige le comité pour les prisonniers au Conseil législatif, a consacré de longues années à agir en faveur des prisonniers palestiniens et à la lutte pour leur remise en liberté. «Les prisonniers ont perdu leur confiance dans le système politique», a-t-elle expliqué lors d’une conférence de presse suite à sa libération. «Ils détestent quand les politiciens se mettent en avant et font des promesses concernant leur libération alors qu’ils savent pertinemment que ces promesses sont creuses.» Elle a ajouté que les prisonniers ne croient pas non plus à la possibilité d’être libérés grâce à des échanges de prisonniers.

    Au moment de l’emprisonnement de Jarrar, le nombre de Palestiniennes prisonnières dans des prisons israéliennes a battu tous les records précédents – 61 prisonnières et détenues, dont 14 mineures. Dix prisonnières avaient été blessées au cours de leur arrestation, certaines grièvement. Cinq d’entre elles étaient des mineures.

    A cause du surpeuplement dans la prison de Hasharon, une aile supplémentaire a été ouverte dans la prison de Damon, où 20 femmes sont maintenant détenues.

    Avec précaution, Jarrar a expliqué lors de la conférence de presse: «Je sais qu’à cause de l’occupation, l’emprisonnement affecte l’entièreté de la société palestinienne, mais on devrait discuter si, par exemple, l’éducation ne pourrait pas être un moyen de lutte approprié et correct.»

    A l’initiative de la prisonnière vétérane Lina Jarbuni – dont Jarrar dit qu’elle a beaucoup appris – des prisonnières adultes gèrent une école dans les murs de la prison, avec des leçons d’anglais, d’hébreu et d’études sociales.

    Les prisonniers relâchés sont transportés dans une fourgonnette du service des prisons depuis le lieu de détention jusqu’à un des points de passage le long de la Ligne verte entre la Cisjordanie et Israël. En général on ne connaît pas l’heure exacte de leur arrivée au point de passage. La famille de Jarrar a appris qu’elle arriverait au passage de Jabara, au sud de Tulkarem, dans la matinée.

    Son mari, Rassan Jarrar, accompagné de plusieurs membres de la famille et des proches, sont arrivés au point de passage à 8h30 du matin. D’autres personnes qui voulaient lui souhaiter la bienvenue sont venues en bus depuis Ramallah, et ont emprunté la rue étroite vers le point de passage plutôt que de prendre la route directe qui passe à côté de la colonie de Avnei Hefez. Ils ont tous dû marcher à travers les arbres et les rochers sous une température proche de 38 degrés.

    Jarrar a expliqué plus tard qu’elle avait déjà été menée au véhicule du service des prisons à 8h30, mais qu’il y avait eu un retard inexpliqué. Elle avait donc préféré retourner chez ses amis en prison. Elle a été reconduite au véhicule après 10h30, et un gardien lui a menotté les mains et les pieds.

    Le trajet, qui prend en général 10 minutes, a duré une heure à cause de la circulation. Elle est restée menottée jusqu’à leur arrivée au barrage. Ceux qui l’attendaient pouvaient percevoir les signes de son arrivée. Des jeeps militaires faisaient des allers-retour entre le point de passage et ceux qui attendaient pour souhaiter la bienvenue à Jarrar.

    A 11h45, lorsque Jarrar est sortie du véhicule en portant un grand sac en plastique, ceux qui l’attendaient sont allés vers elle, malgré les avertissements de la police. Ils ont crié des salutations à la prisonnière libérée et encensaient la lutte du Front populaire.

    Aymen Oudeh, membre de la Knesset et président de la Liste conjointe [liste présentée par les quatre principales formations arabes], a utilisé son immunité diplomatique pour s’approcher de Jarrar et il a été le premier à lui donner l’accolade.

    Jarrar a expliqué aux journalistes que ce qui irrite le plus les prisonniers – à part les promesses creuses – est la séparation entre social et politique qui existe dans la société palestinienne. La réception qu’elle a reçue – aussi bien au point de passage que chez elle – ressemblait à une célébration privée du Front populaire. Seules quelques personnes qui étaient venues la saluer ne faisaient pas partie de cette organisation.

    «Demandez donc au Fatah pourquoi ils ne sont pas venus», lança quelqu’un. «Ce n’était pas prévu comme un événement fermé.» Mais samedi soir, au Conseil législatif, des milliers de personnes ont participé à la bienvenue de Khalida Jarrar. (Article publié dans Haaretz le 19 juin 2016; traduction A l’Encontre)

    Publié par Alencontre le 22 - juin - 2016

    http://alencontre.org/une-membre-du-conseil-legislatif-palestinien-dans-une-prison-israelienne

    Commentaire: Le FPLP est un parti avec lequel le NPA a de bonnes relations

  • Interview de Laurent Merer (Afps)

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    En mission d'observation en Palestine pendant trois mois, l'amiral Laurent Merer et Corinne sa femme, respectivement à Hébron et à Jérusalem témoignent d'une réalité qu'ils ne connaissaient pas auparavant et qu'ils ont découverte durant leur séjour. Leur paroles sont justes et sans concession.
     
    Samedi prochain 18 juin  20h30
    Salle Saint Louis
    53 rue Jean Macé  Brest

    Laurent Mérer est amiral en 2ème section et ancien préfet maritime de l’Atlantique aujourd’hui installé à Brest. Avec son épouse Corinne, il vient de passer 3 mois en Palestine, dans le cadre d’un programme international du Conseil Œcuménique des Eglises répondant à une demande des Eglises chrétiennes de Palestine ; lui à Hébron, elle à Jérusalem.
    Le 24 avril, son témoignage d’une page, paru dans Ouest France sous le titre « L’ex-militaire dénonce l’horreur en Palestine », avait attiré notre attention. Nous avons souhaité le rencontrer à son retour.

    AFPS : Vous avez passé 3 mois là bas. Quelle y était précisément votre mission ?

    J’étais à Hébron pour une mission de « présence protectrice » auprès des populations qui souffrent de l’occupation dans leur vie quotidienne : faciliter l’accès au travail (présence aux check-points), aux écoles situées à proximité des colonies, aux lieux de culte. Visites aux familles dont les enfants ont été tués ou blessés, ou sont emprisonnés, à celles dont les maisons ont fait l’objet de « démolitions punitives » ou ont été murées par les services israéliens.
    Dans les collines du sud d’Hébron (SHH), présence auprès des bergers, des cultivateurs, et dans les villages soumis à des exactions de colons. Nous avons aussi un rôle d’observateur et nous consignons les « incidents » dont nous sommes témoins. Nous travaillons en relation étroite avec les organisations israéliennes et palestiniennes qui militent pour la paix.

    AFPS : Votre témoignage est paru en avril, il a eu un certain impact sans doute d’abord parce qu’il n’est pas habituel qu’un militaire s’exprime sur une situation de guerre avec une telle volonté de paix affichée, ensuite parce que vous avez adopté un ton peu diplomate qui tranche avec les propos qu’on entend souvent et qui tendent à gommer la réalité sur place.

    Il y a différentes façons de servir son pays, l’engagement militaire en est un. C’est un engagement au service de la paix dans un monde complexe. Dans ce métier on a l’habitude d’appeler les choses par leur nom : en Palestine j’ai dit tout simplement ce que j’avais vu. Le devoir de réserve implique de ne pas révéler des secrets risquant de nuire à son pays, ou de mettre en cause des personnes dans l’exercice de leurs fonctions. En Palestine j’ai vu et donc raconté ce que n’importe quel touriste curieux peut voir.
    J’y suis allé pour y être utile. J’ai découvert des choses qui m’ont révolté.

    AFPS : On vous sent aujourd’hui dans la volonté de témoigner de que vous avez vu et vécu. Il vous semble que cela n’est pas vraiment connu ?

    Le témoignage fait partie de notre engagement. C’est une demande expresse de ceux qui nous ont appelés en Palestine : les chrétiens, malheureusement peu nombreux aujourd’hui dans ce pays, qui ont lancé cet appel au nom de tous les Palestiniens, quelles que soient leurs croyances.
    Ce que nous avons vu est connu de nombreuses associations qui militent utilement pour la paix dans cette région et y font un travail remarquable, mais leur message n’est pas toujours relayé, ou bien il perd de sa force dans une actualité dense. Ce qui est important, c’est de multiplier les sources, et aussi de trouver la bonne opportunité, au bon moment pour délivrer l’information. A chacun, associations et individuels, d’agir selon ses capacités et son charisme.
    Tous ces témoignages doivent servir à éclairer l’opinion publique, mais aussi nos dirigeants politiques quand ils ont des décisions à arrêter ou des initiatives politiques à lancer. En l’occurrence, il ne faut pas qu’ils soient dupes dans leurs relations politiques avec le gouvernement israélien : au-delà des discours et des déclarations, nous leur apportons la réalité que nous avons constatée sur le terrain. C’est pourquoi l’authenticité et la crédibilité du témoignage sont importantes.

    AFPS : Vous avez entendu récemment les interventions de militaires israéliens qui mettent en cause la stratégie de leurs gouvernants, de ces politiques qui claquent la porte en laissant entendre qu’Israël vire au fascisme. Comment réagissez vous ?

    De hauts responsables militaires israéliens sont effectivement intervenus récemment avec des mots très forts pour mettre en garde leur gouvernement contre des pratiques qu’ils qualifient d’inadmissibles et un état d’esprit qu’ils jugent dangereux pour leur pays. Les plus hauts responsables des services de sécurité l’avaient fait à l’automne dernier. Ces hommes et ces femmes font cela parce qu’ils sont des patriotes et qu’ils estiment que la politique actuelle du gouvernement n’apportera pas la paix aux Israéliens, encore moins aux Palestiniens.

    AFPS : Ces derniers sont souvent présentés comme des terroristes, vous avez, vous, parlé de résistants ?

    Dans tous les conflits liés à l’occupation, c’est toujours la même histoire : terroristes pour les uns, résistants pour les autres… Nous avons connu cela dans notre pays !

    AFPS : Vous savez que ceux qui en France sont aujourd’hui engagés pour les droits des Palestiniens sont particulièrement exposés. D’abord parce qu’on tend à assimiler la critique d’Israël à de l’antisémitisme et donc à une forme de racisme, ensuite au travers de jugements récents qui ont condamné des militants pour avoir appelé à boycotter les produits venant d’Israël. Comment réagissez-vous ?

    La politique est un jeu complexe, et je tiens à rester dans mon rôle de témoin et d’observateur afin de conserver ma crédibilité. Mon but est que nos dirigeants prennent leurs décisions en étant bien informés, ce à quoi je m’attache, par des voix publiques, comme la vôtre, ou par d’autres moyens.
    Quant aux accusations d’antisémitisme et de racisme, vous avez raison, j’en ai d’ailleurs eu mon lot ! C’est pour le gouvernement d’Israël un jeu facile dont il use et abuse sans retenue. Beaucoup tombent dans le piège au nom de je ne sais quel sentiment de culpabilité. Raison de plus pour être très attentif aux paroles que nous utilisons pour traiter de cette question sensible, sans pour autant avoir peur de dire la réalité de ce que nous avons vu, avec toute la vigueur des mots.

    AFPS : Vous continuez à témoigner depuis votre retour. Vous pouvez nous en dire plus ?

    J’ai fait des articles de presse, répondu à des émissions de radio ou contribué à des reportages (Europe 1, RMC, RFI, Franc Bleu…) ; j’ai aussi guidé plusieurs fois des journalistes à Hébron. Nous sommes en outre sollicités par plusieurs clubs ou associations pour porter notre témoignage. Nous ferons une conférence publique à Brest le 18 juin (20h30 Salle Saint Louis, 53 rue Jean Macé).

    AFPS : Je vous remercie. Vous pourrez compter sur le soutien de l’AFPS lors de vos témoignages. Cet article contribuera certainement à vous faire connaître davantage. Nous l’espérons comme nous espérons que vous rejoindrez durablement notre combat et notre association.

     mardi 7 juin 2016

    http://www.france-palestine.org/Interview-de-Laurent-Merer

  • La violence commence-t-elle uniquement lorsque le colon est atteint ? (Ujfp)

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    Plus de 210 Palestiniens tués en six mois, dont 47 mineurs par l’armée en tous types de circonstances, abattus lors d’attaques au couteau ou au tournevis, désarmés sur des checkpoints, blessés à terre, achevés par un soldat fier de son acte.

    Des dizaines de maisons détruites et de terres confisquées, au point que l’UE s’est inquiétée auprès du gouvernement israélien de la forte augmentation de cette pratique. Un gouvernement qui vient d’annoncer l’autorisation de 82 unités de logements dans les colonies.

    Et c’est dans ce contexte là que soudain il devient fondamental (pour qui et pourquoi, nous devons nous poser la question) de dénoncer la violence de l’attentat de Sarona Tel Aviv. Le plus souvent sans avoir jamais dit un mot sur la violence que nous venons de décrire.

    L’UJFP a toujours dénoncé toute violence contre des civils, qu’ils soient palestiniens ou israéliens, juifs ou non, et a toujours en même temps refusé toute symétrie entre occupant et occupé, oppresseur et opprimé, notamment au niveau des attaques de civils, et a toujours pointé les responsabilités politiques écrasantes de ces attaques de civils, c’est-à-dire les régimes israéliens successifs d’oppression, d’occupation, de colonisation.

    Le désespoir d’une vie écrasée et sacrifiée d’avance, d’un avenir bouché, d’un horizon inexistant dû :

    - à l’impuissance politique d’une direction palestinienne divisée et au chaos que traverse le monde arabe,
    - à l’arrogance et à la violence grandissante du gouvernement israélien, de l’armée et des colons contre eux,
    - au refus des puissances occidentales de sanctionner Israël, ce qui revient à un permis de tuer.

    Tels sont les responsables qui poussent aujourd’hui des jeunes gens à des attaques où et quand ils le peuvent, sans objectif autre qu’exprimer ce désespoir.

    Les médias israéliens glosent actuellement sur les trous dans le Mur et son inefficacité. Ainsi la population israélienne (et d’autres avec elle) devrait se croire à la fois blanche de toute violence, victime d’une violence palestinienne sans cause, « radicalisée » comme ils disent, et protégée de cette violence par des murs. Le seul et pathétique espace de questionnement qui lui est ouvert est celui de leur herméticité.

    Une population enfermée, qui vit sous la botte de l’armée et des colons, à la merci d’une rencontre malheureuse avec un soldat ou un colon, avec impunité acquise pour l’oppresseur, alors que ses fils et filles sont condamnés devant des tribunaux d’exception à des dizaines d’années de prison pour des jets de pierre, a le droit de résister.

    La population palestinienne résiste massivement et quotidiennement dans la non-violence et le sumud [1] le plus souvent. Parfois, plus rarement, des combattants organisent une opération militaire (mais ces opérations sont de toute façon assimilées par le régime et les médias israéliens, voire européens à des attentats contre les civils) et parfois aussi des groupes, aujourd’hui des individus, organisent des attentats contre des civils.

    Ceux qui ont vécu la guerre d’Algérie savent ce que cela signifie, tortures et violences de l’armée coloniale contre des civils, exactions impunies de l’OAS contre des civils, attentats du FLN contre des civils...

    Pouvait-on décemment mettre sur le même plan, ces divers types de combattants ? Il y a aussi ceux qui se souviennent de l’occupation de la France et de la requalification des opérations de la Résistance en opérations terroristes. Une résistance dont personne n’aurait décemment exigé qu’elle soit désarmée ou « non violente ».

    De même, pendant la guerre du Viêt Nam, on retrouvait l’idéologie coloniale dans la dénonciation systématique des opérations du Viêt-Cong par une presse tout aussi coloniale. Mais du Viêt Nam nous avons retenu une leçon : le colon ne peut gagner, aussi puissant soit-il, contre un peuple en lutte pour son indépendance et ses droits. La seule issue lorsqu’une population indigène et une population coloniale doivent coexister dans le même espace est celle du compromis, et du partage des droits, comme de la souveraineté.

    L’écho français actuel sur les violences policières contre les manifestants opposés à la loi travail, devrait résonner à nos oreilles. Les médias du pouvoir se contentent de pointer la violence des manifestants et s’appliquent à gommer la répression policière qui accompagne la politique de mise au pas du salariat français, à coup de 49-3 et de démantèlement des systèmes de protection du travail. La méthode est globale, ne nous y trompons pas. Elle n’est pas nouvelle, mais le temps d’aujourd’hui est celui de l’effacement des causes et des responsabilités et du TINA (there is no alternative). Cela sert à imposer la loi du plus fort, envers et contre tout.

    mardi 14 juin 2016 par le Bureau national de l’UJFP

    [1Sumud un terme palestinien désignant une forme de résistance faite de détermination et de ténacité.

    http://www.ujfp.org/spip.php?article5007

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