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Il apparaît de plus en plus que le Kremlin poursuit ses propres objectifs de guerre en Syrie, qui vont bien au-delà du simple soutien au régime Assad. Cette nouvelle réalité doit être impérativement prise en compte pour sortir de l’impasse totale qui prévaut à l’ONU.
La vision actuelle du conflit syrien repose sur l’hypothèse, à mon avis dépassée, que la Russie apporterait un soutien, certes inconditionnel, mais un soutien au régime Assad. Or il semble de plus en plus évident que le despote syrien n’est plus maître des opérations menées en son nom sur le territoire qu’il prétend gouverner. Ce sont les militaires russes, en coordination avec les « conseillers » iraniens, qui décident en premier chef.
L’ENJEU D’ALEP
Le bombardement aérien d’un convoi humanitaire de l’ONU et de la Croix Rouge internationale, durant la nuit du 19 septembre 2016, au nord d’Alep, porte toutes les marques d’une initiative du Kremlin. Il s’est poursuivi durant deux longues heures, alors même que le régime Assad avait donné son accord à l’acheminement de cette aide. Une partie des vingt civils tués sont des volontaires du Croissant rouge syrien, dont le président, Abderrahmane Attar, est un proche de Bachar al-Assad.
Rappelons enfin que l’opposition et les jihadistes n’ont aucune force aérienne, tandis que l’aviation pro-Assad n’a aucun moyen de bombardement nocturne. Le raid du 19 septembre a d’ailleurs été prolongé, durant la nuit suivante, par de nouveaux bombardements aériens d’installations médicales, cette fois au sud d’Alep. J’avais décrit sur ce blog, en avril dernier, le caractère systématique de la destruction de toute infrastructure de santé dans les zones tenues par l’insurrection à Alep. Il s’agit de briser les derniers ressorts d’une population civile, privée de soins comme de nourriture, afin de contraindre la résistance locale à la capitulation.
C’est ce scénario implacable qui a déjà conduit, à une échelle plus restreinte, à l’évacuation des combattants, mais aussi de la population civile du bastion révolutionnaire de Daraya, à proximité de Damas, le 26 août 2016. C’est bien cette alternative entre la reddition et la mort que la Russie entend imposer dans toute sa brutalité aux habitants des secteurs rebelles d’Alep. Le Kremlin a en effet ressenti comme une humiliation la rupture du siège des quartiers insurgés d’Alep, au milieu de l’été, et a tout fait pour rétablir un blocus impitoyable, au début de septembre.
La carte ci-dessous des bombardements russes sur le Nord de la Syrie, du 20 au 22 septembre, établie par l’Institute for the Study of War, prouve que les zones tenues par Daech (en gris) sont épargnées, alors que les frappes se concentrent sur le territoire tenu par l’opposition (en jaune).
LES BUTS DE GUERRE DE MOSCOU
On ne crédite pas assez Vladimir Poutine d’une vision mondialisée de son engagement en Syrie. Le président russe a parfaitement compris que le retrait ostensible des Etats-Unis hors du Moyen-Orient lui offrait le privilège de restaurer, à partir de cette région, un statut de superpuissance disparu avec l’URSS. Les intérêts anciens de Moscou en Syrie et les affinités multiples entre Poutine et Assad pèsent dès lors moins que ce grand dessein russe qui se développe depuis le Moyen-Orient vers le reste du monde.
L’intervention militaire russe en Syrie, directe et massive depuis septembre 2015, se fonde sur un discours-programme prononcé quelques jours auparavant par Poutine à la tribune de l’ONU. Le président russe s’y pose en farouche défenseur de la souveraineté des « Etats », en fait des régimes en place, contre les aspirations des peuples. Il lance ainsi une campagne idéologique qui ne peut se comparer qu’à la « guerre globale contre la terreur » de George W. Bush, elle aussi conceptualisée à la tribune de l’ONU, en 2002.
De même que la vision des néo-conservateurs américains rejetait dans l’enfer de la « terreur » toute forme d’opposition, dès lors associée à Al-Qaida, la propagande pro-Poutine stigmatise comme « terrorisme » toute contestation organisée du statu quo, aussitôt assimilée à Daech. Mais, de même que « W » s’est heurté à la réalité de l’Irak et a embourbé ses troupes dans ce pays « libéré », Poutine fait désormais l’expérience de l’incapacité d’Assad à rétablir sa position autrement que sur des champs de ruines.
MILICIENS PRO-IRANIENS ET IRREGULIERS SYRIENS
La contre-insurrection en milieu urbain, que la dictature Assad a été incapable de mener, a été assumée à partir de 2013 par les milices pro-iraniennes, d’abord le Hezbollah libanais, puis différents groupes irakiens et afghans. Les Gardiens de la Révolution, venus d’Iran, ont donné sa cohérence opérationnelle à ce dispositif disparate. C’est d’ailleurs le général Qassem Soleimani, le chef des troupes de choc des Gardiens de la Révolution, qui s’est rendu à Moscou en juillet 2015 pour alerter ses alliés russes sur les défaillances du régime Assad, alors en recul sur tous les fronts.
L’intervention russe en Syrie, en septembre 2015, a beau avoir été « cadrée » à l’ONU par Poutine, elle est donc motivée également par les faiblesses intrinsèques au régime Assad. L’armée gouvernementale, épuisée par l’hémorragie des désertions et par cinq années de conflit, n’est plus que l’ombre d’elle-même. Les troupes combattantes dignes de ce nom sont réservées à la protection du régime lui-même. La seule unité reconfigurée pour l’offensive est commandée par Suhail al-Hassan, général des services de renseignement de l’Armée de l’Air, les plus puissants de tous les « services » en Syrie. Hassan est surnommé « le Tigre » (pour mémoire, Assad signifie « lion » en arabe).
Cette contraction du périmètre d’action de l’armée loyaliste a amené l’émergence d’un vaste éventail de milices, aux titres d’autant plus ronflants que leur valeur militaire est discutable. Les militaires russes engagés sur le terrain, depuis plus d’un an, ont dû, après les « conseillers » iraniens, se frayer un chemin dans le maquis des groupes armés pro-Assad. Rien ne permet d’affirmer, contrairement aux allégations de certaines sources, que des soldats russes auraient combattu aux côtés d’irréguliers syriens.
Il est en revanche certain que le Kremlin a pris la mesure, avec un déplaisir à chaque fois croissant, du degré de corruption et d’indiscipline prévalant dans les rangs des pro-Assad. C’est pourquoi le président syrien a été convoqué à Moscou, en octobre 2015, dans un avion militaire russe. Ce déplacement est le seul de Bachar al-Assad à l’étranger depuis le début de la révolution syrienne en 2011 et il n’a été annoncé qu’après le retour du dictateur à Damas.
Poutine a jugé nécessaire de préciser qu’il était lui-même à l’initiative de ce sommet russo-syrien. De manière plus générale, les officiers russes en Syrie ont pris directement en mains la conduite des opérations, notamment lors de l’expulsion de Daech hors de l’oasis de Palmyre. Cet interventionnisme russe de plus en plus pesant amène à s’interroger sur l’insistance mise par le Kremlin à un maintien d’Assad au pouvoir : il est désormais possible que le dictateur syrien, pieds et poings liés par Moscou, soit le seul dirigeant capable d’accepter un tel degré d’ingérence multiforme de la part de son « protecteur » russe.
NEGOCIER A ALEP PLUTOT QU’A NEW YORK
En tout état de cause, le destin de la Syrie et de son président importe moins pour Poutine que la montée en puissance mondiale de la Russie, gagée sur le succès de l’aventure syrienne. Il est dans ces conditions vain d’espérer régler entre Washington et Moscou le sort de la Syrie, puisque, dans ce jeu à somme nulle, la Russie ne peut accepter qu’une victoire totale. La séquence récente à l’ONU le démontre d’autant plus crûment qu’elle a été suivie, depuis le 23 septembre 2016, d’un déluge de bombes russes sur Alep, avec destruction ciblée de trois des quatre centres de la Défense civile.
Pour sortir d’une impasse aussi désastreuse pour le système international, il est urgent de s’atteler enfin à un cessez-le-feu entre belligérants syriens à Alep. Cette approche « locale », que je prône depuis janvier 2014, à rebours des grands-messes diplomatiques sur les bords du Lac Léman, passe par la neutralisation de toutes les forces étrangères, qu’elles soient russes, pro-iraniennes ou jihadistes. Elle a l’immense avantage de ne pas poser la question du pouvoir à Damas et de contourner ainsi un blocage assuré au Conseil de sécurité de l’ONU.
Que Staffan di Mistura, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie depuis 2014, cesse de se lamenter dans les couloirs de New York ou de Genève. Qu’il se rende sur-le-champ à Alep pour travailler à cette « paix des braves » entre Syriens de l’Est et de l’Ouest de la ville. Le défi est immense, mais si, comme l’affirme Ban Ki-moon, le destin de l’ONU est en jeu, alors cette voie doit être explorée jusqu’au bout. La Russie est en guerre en Syrie, il est temps d’en tirer toutes les conséquences, au moins diplomatiques.
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Parmi les femmes à bord du Zaytouna, une activiste israélienne déterminée à montrer au monde le « crime contre l'humanité » que commet son pays.
Ils auront tout essayé. Ou presque... Pour briser le blocus de Gaza imposé par les autorités israéliennes en 2007, les activistes d'une coalition d'ONG propalestiniennes lancent une nouvelle initiative, répondant au projet Flottilles de la liberté qui remonte à 2008. Cette année, ce sont des femmes des quatre coins du globe et d'horizons divers, qui ont pris la mer en direction de Gaza, dont Israël contrôle tous les accès depuis l'arrivée au pouvoir de son ennemi, le Hamas, il y a 10 ans.
Le Zaytouna (olive, en arabe), transportant douze activistes et trois membres d'équipages, tous féminins, a quitté Barcelone – ville jumelée avec Gaza – le 15 septembre. Un autre bateau, le Amal (espoir), n'a pu se joindre au périple pour raison d'avaries. Lundi, c'est à Ajaccio, en Corse, que le Zaytouna a fait escale, après une traversée houleuse. « Certaines d'entre elles (les activistes) ont eu beaucoup de mal durant le voyage, mais restent cependant déterminées à rejoindre Gaza vers le 1er octobre », confie Claude Léostic, porte-parole en France de la Flottille de la liberté, et présidente de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine.
Hier, au petit matin, l'équipage requinqué après deux nuits dans le port corse se préparait à affronter à nouveau la mer, avec, comme prochaine étape, Messine en Sicile. À la tête du voilier, Ann Wright, colonelle américaine à la retraite et ancienne diplomate démissionnaire en 2003, lors de l'invasion américaine en Irak. Politiciennes, médecins, journalistes ou même actrice hollywoodienne, telle que Lisa Gay Hamilton, les 15 femmes à bord du Zaytouna sont mues par la même détermination. « J'ai des amis à Gaza et je sais ce que la population endure », confie le Dr Fauziah Hassan, de nationalité malaisienne, contactée par L'Orient-Le Jour. « Je sais aussi combien ils sont résilients et forts malgré les épreuves, et je tiens à partir sur ce bateau pour leur exprimer notre solidarité et montrer au monde entier qu'il y a de l'espoir », poursuit-elle. À bord également, une passagère israélienne: Yehudit Ilany, assistante parlementaire auprès de la députée arabe israélienne Haneen Zoabi. Pour Mme Ilany, le blocus de Gaza a provoqué un véritable « désastre humanitaire ». « Je suis une femme israélienne et je ne peux pas supporter la situation des Palestiniens. Mon pays a commis un crime contre l'humanité », estime-t-elle. L'enjeu est de taille. Si rien n'est fait pour permettre aux plus de 1,86 million d'habitants, et plus particulièrement aux femmes et aux enfants, de vivre décemment, l'Onu prévient qu'en 2020, la bande de Gaza sera inhabitable.
« Prison à ciel ouvert »
L'envoi de ce nouveau navire a notamment reçu le soutien de 55 parlementaires européens, à l'initiative de la parlementaire suédoise Malin Björk (qui a fait la traversée Barcelone-Ajaccio, avant de repartir pour Bruxelles). Une lettre cosignée a été envoyée à Federica Mogherini, la haute représentante de l'Union européenne pour les Affaires étrangères, dénonçant l'injustice subie par les Palestiniens de Gaza, véritable « prison à ciel ouvert », et rappelant le « cauchemar » de la population suite aux récentes attaques de l'armée israélienne.
Depuis 2008, six bateaux ont déjà tenté de briser le blocus terrestre, aérien et maritime. Si seuls deux navires sont parvenus à atteindre Gaza, les opérations ont néanmoins permis d'attirer l'attention de l'opinion publique, parfois de manière tragique. En 2010, le Mavi Marmara est arraisonné dans les eaux internationales par les forces spéciales israéliennes. Huit ressortissants turcs et un Américain seront assassinés par les commandos israéliens, ce qui provoquera une sérieuse dégradation des relations entre Tel-Aviv et Ankara, qui exigera des excuses ainsi que la levée du blocus de Gaza. La récente normalisation des relations diplomatiques entre les deux pays, suite à la signature d'un accord le 28 juin dernier, a tenté d' « effacer » l'incident, l'État hébreu acceptant d'indemniser à hauteur de 20 millions de dollars les familles des victimes. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a toutefois affirmé n'être « pas prêt à renégocier » le blocus.
En 2011, c'est au tour du bateau Dignité de subir le courroux des autorités israéliennes. Aucune violence physique ne sera à déplorer à l'encontre des passagers, pour la plupart de nationalité française, mais le navire sera pillé et sérieusement endommagé, tandis que les militants et l'équipage seront emmenés de force en Israël.
« Acte de piraterie »
L'an dernier, la Flottille pour la liberté III qui se dirigeait vers les côtes de Gaza a elle aussi été interceptée dans les eaux internationales par l'État hébreu. Trois bateaux ont dû être redirigés vers la Grèce, tandis que le Marianne, un navire norvégien-suédois, a été intercepté par la marine israélienne qui l'a escorté vers le port d'Ashdod. À son bord, se trouvaient entre autres l'ex-président tunisien Moncef Marzouki, la députée européenne Ana Miranda, ainsi que deux Israéliens et le député arabe israélien Bassel Ghattas. Claude Léostic avait alors parlé « d'acte de piraterie » et de « kidnapping ».
Toutes ces tentatives infructueuses et surtout dangereuses auraient pu décourager les activistes. La délégation exclusivement féminine à bord du Zaytouna parviendra-t-elle, cette fois-ci, à obtenir gain de cause ? Rien n'est moins sûr. « Un bateau de femmes, c'est quelque chose d'inattendu, et c'est ce qui peut les protéger des violences israéliennes. Comment faire croire au monde entier, comme les autorités israéliennes le font d'habitude, que ce bateau va être un danger pour leur sécurité ? » veut malgré tout croire Claude Léostic. « Les Israéliens tiennent beaucoup à leur image, et je pense que s'ils useront de la violence, leur image sera rapidement détériorée », poursuit l'activiste.
Selon le Jerusalem Post, les autorités israéliennes se préparent néanmoins à empêcher la flottille de forcer le blocus. « S'ils comptent user de la violence contre des femmes pacifistes et loin d'être costaudes, alors ce sont des lâches », estime le Dr Hassan. Yehudit Ilany sait, elle, de quoi ses compatriotes sont capables. « Certes j'ai peur, car je les connais et je sais qu'ils sont dangereux. Mais les gens doivent savoir ce qui se passe à Gaza quoi qu'il arrive », conclut-elle.
Quatre balles tirées par un sniper ont touché Mohammed Amassi, un jeune boulanger palestinien qui se trouvait sur la terrasse de sa maison dans le camp de réfugiés d’Al-Fawwar.
Alors qu’aujourd’hui, il essaie de se remettre de ses blessures, il se souvient des mots provocateurs du soldat avant que celui-ci tire sur lui.
Pourquoi gaspiller les mots quand la vidéo de l’agence d’information palestinienne Ma’an montre pratiquement tout ? Les soldats israéliens sont sur la terrasse de l’immeuble d’à côté : l’un se trouve sur la terrasse du dessous, deux sur le balcon de l’appartement au-dessus de la terrasse, et deux autres sont à l’affût derrière une fenêtre de l’appartement. Quelques adolescentes et des enfants les observent depuis la terrasse voisine. Silence total. Soudain, les deux soldats sur le balcon lèvent les mains, comme pour un signal, et l’un d’eux, le sniper, se met à viser et à tirer. Sur la terrasse de l’immeuble, Mohammed Amassi est touché. Il tombe à terre et commence à ramper pour sauver sa vie, il se penche pour descendre de la terrasse. Enfin, une équipe médicale parvient à le faire descendre par une échelle. La seule chose que tient Amassi, c’est son téléphone portable. Rien sur lui n’a pu apparaître comme menaçant les soldats sur la terrasse d’en face, à environ 80 mètres de là. Le sniper l’a visé et il a tiré, l’atteignant, balle après balle. La paume de l’une de ses mains est couverte de sang ; il se tord de douleur, sidéré.
Quelques semaines plus tard, Amassi, 22 ans, est dans sa salle de séjour, étendu sur un nouveau lit réglable qui lui a été prêté par une organisation caritative palestinienne. C’est un beau jeune homme, souriant et calme. Sa maison familiale est bien tenue, comparée à d’autres à Al-Fawwar – un camp de réfugiés pauvres, le plus au sud de la Cisjordanie et l’un de ceux qui ressemblent le plus aux camps de réfugiés de la bande de Gaza, qui n’en est pas très éloignée.
Le 16 août, un très important détachement des Forces de défense israéliennes, composé de centaines de soldats, a fondu sur Al-Fawwar au milieu de la nuit.
En moins de 24 heures, ils ont tué une personne et en ont blessé des dizaines d’autres. Ce qu’ils ont saisi : deux vieux pistolets. (Amira Hass a écrit sur cette incroyable opération, « Un tué et des dizaines de blessés dans un camp de réfugiés palestiniens, tout cela pour deux pistolets », dans le Haaretz du 21 août). Les résidents du camp étaient convaincus que le raid n’était rien d’autre qu’un exercice d’entraînement de plus effectué à leurs dépens.
Nous sommes arrivés à Al-Fawwar la veille de l’Aïd al-Adha (la fête du sacrifice). Dans la boucherie, une vache est découpée pour la fête. Ceux qui peuvent se permettre d’acheter de la viande se sont rassemblés autour de la bête, attendant leur part. Les FDI effectuent rarement des raids sur ce camp surpeuplé, où vivent environ 10 000 personnes sur une zone d’un kilomètre carré. Les troupes n’y sont pas revenues depuis ce raid.
Amassi est le fils du boulanger du camp, Ibrahim Amassi, et l’aîné de six frères et sœurs. Leur boulangerie familiale est la plus ancienne d’Al-Fawwar, elle date de la fondation du camp de réfugiés au début des années 1950. Au cours des dernières années, elle a fabriqué principalement des bretzels, des biscuits et des pâtes spéciales pour les plats traditionnels. Mohammed a étudié l’aménagement intérieur de maison, mais plus tard il s’est fait boulanger, pour répondre aux besoins de sa famille. Il travaille en deux équipes chaque jour, le matin et l’après-midi, sept jours par semaine. Il n’a jamais été arrêté ni même interrogé par les autorités israéliennes. Au-dessus de la salle de séjour, où il est actuellement en convalescence, un autre appartement a été construit : c’est là qu’il vivra quand il sera marié et qu’il aura sa propre famille.
Il a une main bandée, et ses deux jambes sont marquées par les blessures et les cicatrices des tirs et des opérations qui ont suivi. Cloué sur son lit, Amassi continue de souffrir d’une douleur intense. On ne sait pas s’il sera capable de remarcher et de se resservir de sa main. À l’heure actuelle, il peut seulement boitiller tout autour en s’aidant de béquilles. Le jour de ce gros raid le mois dernier, ses jeunes frères et sœurs l’ont réveillé à 6 h 30 du matin, trois heures après que les soldats étaient entrés dans le camp. Les troupes parcouraient les ruelles et avaient pris le contrôle des immeubles. Dans un premier temps, les habitants du camp ont pensé que les soldats étaient venus pour démolir la maison de Mohammed al-Shobaki, qui a attaqué au poignard un soldat des FDI en novembre dernier et qui avait été tué ensuite. Cependant, il est vite apparu que les troupes avaient d’autres intentions, mais ils ne savaient pas lesquelles.
En observant la scène
Ce jour-là, tout le camp est monté sur les terrasses, observant la scène, et Amassi ne fait pas exception. Sa maison a deux terrasses : une, avec un garde-corps pas très haut, où les gens s’installent les chaudes nuits d’été ; et au-dessus, une terrasse non fermée, pour la citerne à eau et l’antenne parabolique. Amassi est monté sur la terrasse supérieure pour avoir une meilleure vue. C’est dangereux à cet endroit : pas de clôture, ni rien pour se mettre à couvert. Les équipes de Ma’an et de la chaîne de télévision, Palestine Aujourd’hui, se sont placées sur la terrasse de l’immeuble adjacent, qui offre une meilleure protection contre les soldats. Les affrontements ont lieu entre les soldats et des lanceurs de pierres dans la rue principale du camp, le calme prévaut ici, sur cette colline élevée où se situe ce quartier.
Les troupes investissent quelques maisons – une trentaine selon Musa Abu Hashhash, chercheur de terrain de l’organisation israélienne des droits de l’homme B’Tselem – et ils fouillent quelque 200 maisons, creusant des trous dans des murs pour y embusquer des tireurs. Vers 9 h du matin, Amassi est en train de parler aux journalistes sur la terrasse d’à côté. Soudain, il entend un soldat qui s’est déployé sur le balcon de l’immeuble du dessous l’interpeller en arabe : « Où veux-tu la recevoir ? ». Amassi est pétrifié. Il sait ce que cela veut dire : dans quelle partie de ton corps veux-tu être touché par ma balle ?
Amassi estime que rien ne justifie la question effrayante du soldat.
La rue est calme, et Mohammed n’a rien fait qui puisse être interprété comme une menace pour les troupes qui se trouvent à 80 mètres de là à vol d’oiseau. Son père, Ibrahim, pense que les soldats ont tiré sur son fils pour montrer leur pouvoir devant les équipes des cameramen sur la terrasse d’à côté.
« Qu’est-ce que le soldat t’a dit ? » lui demande Ismail Najar, un ami d’Amassi, depuis la terrasse voisine. Mais avant qu’Amassi puisse lui répondre, il voit le soldat le viser et commencer à tirer sur lui. Trois balles vont le frapper, à un rythme rapide. La première le touche à la jambe gauche, près du genou, la deuxième entre la hanche et sa cuisse gauche, et la troisième lui fracasse la jambe droite. Quand il lève les mains et crie au soldat : « Assez, assez », le sniper tire une fois encore, comme pour un « encore, encore ». La dernière balle le touche dans la paume de la main. Ce sont des balles Ruger de calibre 22, ou Toto, et qui ne le tuent pas.
Amassi tente alors de se trouver un abri sur cette terrasse exposée, qui n’a pas d’abri. Il aurait pu tomber. Dans la vidéo publiée par Ma’an, on le voit ramper désespérément. Une échelle métallique légère, improvisée – sur laquelle j’avais peur de grimper – est le seul moyen d’accéder à la terrasse du dessus. Sans que l’on sache bien comment, les ambulanciers vont réussir à le redescendre. Ils l’emmènent à pied sur environ 150 mètres par une étroite ruelle jusqu’à leur ambulance, qui prend un chemin de déviation des soldats pour le conduire à l’hôpital Al-Ahli, dans la ville voisine d’Hébron. Amassi est à peine conscient. Il a subi des dommages au niveau des vaisseaux sanguins. Pour éviter d’avoir à l’amputer de sa jambe, il est transféré dans un autre hôpital d’Hébron, celui d’Alia. Mais là aussi, ils n’ont pas le spécialiste nécessaire. Le soir, il est alors transféré à l’hôpital gouvernemental de Ramallah, où il subit une intervention chirurgicale.
En réponse à une question de Haaretz, le porte-parole de l’unité des FDI a répondu cette semaine : « Le 16 août, une opération militaire a été conduite dans le camp de réfugiés d’Al-Fawwar, avec l’objectif de contrecarrer et de frapper les infrastructures terroristes qui existent dans tout le camp. L’opération a compris des fouilles approfondies afin de s’emparer des moyens de combat, et aussi l’arrestation de cinq individus recherchés. Durant l’opération, les forces armées se sont trouvées sous des tirs réels et des troubles violents se sont développés avec des jets de pierres et de blocs de béton et des dizaines d’engins explosifs et cocktails Molotov, auxquels les forces ont répondu avec toute une série de moyens de dispersion et des tirs. La vidéo citée est tendancieuse et ne reflète pas la situation violente qui s’est développée dans le camp des réfugiés. »
Amassi va passer dix jours à l’hôpital de Ramallah. Une balle reste logée profondément tout au fond de lui, quelque part entre sa taille, sa hanche et sa cuisse gauche, et les médecins ne sont pas sûrs de pouvoir l’extraire. Si tel n’est pas le cas, il devra probablement subir une nouvelle intervention chirurgicale, en Jordanie. Près de son lit, un bocal en plastique contient des fragments des deux balles qui furent avec succès extraites de son corps. Il prend cinq types différents d’analgésiques pour tenter de soulager la souffrance.
Nous le laissons, et nous montons sur la terrasse. Il y a des tiges de fer enchevêtrées là où il est tombé. Quelques heures après qu’il a été touché, les troupes tuent Mohammed Abu Hashhash, 19 ans, qui est abattu au moment où il sort de sa maison, à quelques centaines de mètres de là, dans une autre rue. Les soldats ouvrent le feu à travers une brèche qu’ils ont ouverte dans le mur d’une maison voisine. Cette brèche, avec un portrait de l’adolescent tué peint sur le mur, constituent un monument à la mémoire de ce jeune homme dont le meurtre fut probablement inutile, comme le fut le tir sur le jeune boulanger d’Al-Fawwar.
Conférence-débat avec Pierre Stambul, coprésident de l’Union juive française pour la paix (UJFP), qui présentera également son dernier ouvrage "Chroniques de Gaza".
Organisée par l’Association Agir pour la Palestine.
C’est désormais un refrain connu, dont les ardents défenseurs de la politique du gouvernement Netanyahu usent et abusent : émettre la moindre critique sur Israël, c’est forcément être antisémite.
Une antienne vieille de plusieurs décennies, qui s’accentue à mesure que le gouvernement israélien glisse vers l’extrême-droite et annihile toute amorce de débat sur la situation en Palestine.
Les militants pacifistes qui n’ont de cesse, en France ou à travers le monde, de dénoncer le sort réservé au peuple palestinien, ceux qui appellent au boycott des produits israéliens à travers le mouvement BDS, seraient donc avant tout guidés par la « haine des juifs » ?
Mais que se passe-t-il lorsque les juifs eux-mêmes montent au créneau pour dénoncer les dérives de la société israélienne, les exactions commises dans les territoires occupés, soumis à un régime d’Apartheid ? C’est l’essence même du combat mené par Pierre Stambul au sein de l’UJFP (Union juive française pour la paix).
A l’image des engagements de l’humanitaire Rony Brauman (ex-président de Médecins sans frontières), du journaliste Michel Warchawski ou encore de l’historien Shlomo Sand, cette prise de position permet de nuancer le tableau et de garder la tête froide au moment de définir des termes trop souvent employés à tort et à travers : qu’est-ce que le sionisme ? L’antisionisme ? A quoi renvoie le terme « sémite » ? Quelle différences entre antisionisme et antisémitisme ? Peut-on être critique de la politique israélienne sans être antisioniste ?
Autant d’interrogations, parmi une foule d’autres, qu’une rencontre avec Pierre Stambul, invité par l’association Agir pour la Palestine, le 5 octobre à Montargis, permettront d’éclaircir.
Le militant ne manquera pas non plus d’évoquer la situation à Gaza, où il s’est rendu récemment. Ce territoire surpeuplé, enclavé, pris à la gorge par Tsahal, l’armée israélienne, vit dans la crainte de la prochaine attaque. La dernière, hâtivement qualifiée de « guerre », a fait plus de 2.000 victimes palestiniennes (1.500 civils, dont plusieurs centaines d’enfants). Ce dramatique épisode, durant l’été 2014, ne doit pas faire oublier, en période d’accalmie, la tragédie humanitaire quotidienne de près de deux millions de Gazaouis : la majorité d’entre eux n’a ni accès à l’eau potable, ni à des soins décents. Le taux de chômage à Gaza était le plus élevé au monde en 2015, selon la Banque mondiale.