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Révolutions Arabes - Page 153

  • Tunisie. La nécessité d’une mobilisation citoyenne… (Al'Encontre.ch)

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    Entretien thématique avec Sami Souhili conduit par Alain Baron

    Le diktat du capital financier.

    Tout ce qui se passe dans notre région dépend étroitement des choix du capital financier et de sa volonté d’y imposer sa domination. C’est vrai en Tunisie, mais également en Libye, en Syrie, au Yemen, etc. Il ne s’agit pas de grandes idées abstraites, comme tout le monde le sait.

    Les guerres actuelles sont également liées aux besoins du capital financier qui n’arrive pas à faire suffisamment de bénéfices par les voies classiques. Vendre des armes reste la seule alternative générant de gros profit: il a investi dans ce secteur et il veut récupérer le maximum d’argent. Les Russes s’y mettent maintenant et essayent de prouver que leurs avions sont meilleurs que ceux des Américains. Ils veulent leur part du marché.

    La Tunisie dépend donc beaucoup de ce qui se passe dans le reste du monde, elle n’est qu’un des éléments de la chaîne. Le capital financier n’est en effet pas tunisien, mais international. Et celui-ci ne va pas attendre que la bourgeoisie vassale, locale, qui est en train d’accumuler de l’argent, ait la capacité de peser. Celle-ci est vouée à fonctionner dans le cadre du projet du capital financier international. Celui-ci fait aujourd’hui plus de profit dans les activités financières que dans la production, et il accumule des fortunes.

    Actuellement, la Tunisie, est sous le diktat du FMI (Fonds monétaire internationale) et de la Banque mondiale (BM): le pouvoir ne veut pas utiliser l’argent qu’il détient pour développer l’action publique.

    L’Etat ne manque d’argent que parce qu’il l’a décidé ainsi. Il pourrait en effet disposer de davantage de ressources: l’UGTT (Union générale tunisienne du travail) avait en effet présenté un projet concernant la fiscalité, ainsi qu’une liste de contribuables sur lesquels, selon l’ancienne loi, l’Etat aurait dû prélever des milliards. Mais le pouvoir ne l’a pas fait. Il s’agit là d’un choix.

    Simultanément, l’Etat s’endette pour appliquer la restructuration voulue par le capital financier, et 30 % de cet argent va aller au développement de l’économie numérique.

    Les menaces contenues dans le plan quinquennal

    Le plan quinquennal expose clairement ce que prévoient de faire les personnes actuellement au pouvoir en Tunisie. Malheureusement beaucoup de militant·e·s ne connaissent pas ce plan, y compris au sein de l’UGTT.

    Il ne s’agit pas de la répétition des Programmes d’ajustement structurel (PAS) lancés à partir de la fin des années 1980.

    Aujourd’hui, le capital financier se trouve dans une phase de restructuration globale de l’économie mondiale. Celle-ci vise à remplacer au maximum la main-d’œuvre stable par des salarié·e·s précaires ne disposant donc pas de la même sécurité qu’auparavant. En termes français remplacer des CDI (Contrat à durée indéterminée) par des CDD (Contrat à durée déterminée).

    En ce domaine, la situation de la Tunisie n’est pas différente de celle des autres pays, même si elle est pire en termes de chômage et d’appauvrissement.

    Cette politique passe dans l’industrie par la digitalisation, la robotisation et la mécanisation. Mais cela concerne également les services. Et comme on le sait, les services se sont beaucoup développés depuis un certain temps en Tunisie.

    Dans ce cadre, 30 % des investissements en Tunisie vont se faire dans les activités numériques, et c’est principalement à cela que va servir l’argent des prêts accordés par le capital financier international, en plus de rembourser la dette [1].

    Une volonté affichée de libéralisation et de privatisation

    L’autre caractéristique essentielle de la situation actuelle est la libéralisation et la privatisation de tous les secteurs d’activité: Santé, Enseignement, Transports, Culture, tout doit être marchandisé, tout doit permettre aux financiers de pouvoir mettre la main sur ces activités. Le scénario utilisé est tellement évident, que nous le voyons, tous, très clairement.

    Le secteur privé représente aujourd’hui 66% de l’économie tunisienne. Ses dirigeants disposent de beaucoup d’argent, ils construisent des immeubles, achètent des maisons et des voitures, etc. L’Etat, par contre, n’a pas de ressources: il ne peut pas faire de routes, il ne peut pas investir.

    En 2013, le déficit du budget de l’Etat avait atteint 6,5% du PIB, et depuis, il ne cesse d’augmenter.

    Mais on a l’impression que le pouvoir ne se soucie pas trop de cela. Il laisse prospérer l’économie informelle, et une nouvelle mafia financière se développe aujourd’hui. Elle gagne en puissance et est en train de coordonner ses efforts et ses projets non seulement avec le FMI, mais également avec les mafias financières occidentales qui veulent rapidement mettre la main sur l’essentiel de l’économie tunisienne, ou au moins disposer d’enclaves lui permettant d’accéder à des marchés beaucoup plus importants.

    Dans ce cadre, le pouvoir prévoit de légiférer pour faciliter l’accès des multinationales aux multiples domaines de l’économie digitale, de les favoriser comme c’était déjà le cas lors du tournant vers la libéralisation à la fin des années soixante-dix.

    L’accord de libre-échange «complet et approfondi» en cours d’adoption (ALECA – L’accord de libre-échange complet et approfondi entre l’UE et la Tunisie) prévoit de permettre au capital international d’investir également dans l’agriculture.

    Afin d’accroître leurs profits, les multinationales de l’agro-industrie voudraient développer des monocultures répondant aux besoins du marché mondial. La Tunisie se spécialiserait alors dans un nombre limité de cultures agricoles, sans aucune maîtrise du choix de celles-ci. Elle n’aurait plus un minimum d’autonomie sur le plan agricole, ce qui serait une atteinte à sa souveraineté.

    Mais la Tunisie a besoin de continuer à avoir une production diversifiée fournissant à la fois du blé, des légumes, de la viande, etc. L’ALECA menace cette diversité nécessaire à la satisfaction des besoins de la population à des prix correspondant, un tant soit peu, au pouvoir d’achat des citoyens.

    Et récemment, le FMI a bien fait comprendre au gouvernement tunisien que s’il voulait avoir une aide financière, il lui faudrait arrêter de fournir aux paysans l’assistance technique gratuite leur permettant de rester compétitifs.

    Déjà, les petits paysans sont en train de s’appauvrir, et si l’ALECA est mise en œuvre ils vont devoir vendre leurs terres.

    Le plan quinquennal explique l’absence de croissance économique par l’existence de multiples entraves au développement du secteur privé. Il énumère des problèmes fonciers, administratifs, bureaucratiques, ainsi que des privilèges dont bénéficieraient des individus liés à des personnes ayant des positions de pouvoir.

    Pour faciliter l’essor du secteur privé, l’Etat devrait notamment :

    • se limiter à percevoir des impôts dans le cadre de la loi de finances;
    • maintenir une fiscalité favorable aux plus fortunés car sinon ils n’investiront pas, et que s’ils n’investissent pas, le pays ne pourrait pas se développer;
    • alléger la réglementation concernant le foncier.

    Dans le plan quinquennal, un point est particulièrement mis en avant: il faudrait que la Tunisie rembourse sa dette alors que son taux d’endettement est passé de 6,8% à 50% du PIB.

    Il est expliqué que ce qui fait la valeur de la Tunisie est qu’elle avait toujours remboursé sa dette, et que c’était la raison pour laquelle elle a pu emprunter sur les marchés internationaux. Il est ajouté que la Tunisie était le premier pays africain à avoir fait cela.

    Dans la Santé, l’Enseignement, l’Agriculture ou l’Industrie, les détenteurs de capitaux et leurs porte-parole expliquent que le secteur public est incapable de se développer et d’améliorer la qualité des biens et services fournis. Pour eux, la solution serait le Partenariat Public-Privé (PPP).

    Le PPP, c’est évidemment un processus de privatisation. Dans tous les pays du monde où le PPP a été mis en place, le public s’est mis dans les pas du privé. Il est entré dans la vision du privé c’est-à-dire la rentabilisation.

    Pour moi, et dans l’intérêt de la majorité de la population démunie, la Santé ou l’Enseignement ne doivent absolument pas être soumis à ce genre de raisonnement.

    Au contraire, on doit améliorer le secteur public, et les sources de financement existent.

    L’exemple du système de santé

    Dans le secteur de la Santé, il y a eu ces dernières années une progression vers la privatisation et la marchandisation des prestations. Le secteur public n’a pas été vendu, mais il dispose de moins en moins de moyens. Le secteur privé, par contre, est en pleine expansion.

    La Santé publique repose sur la première ligne de soin constituée par les dispensaires. Plus de 70 à 80 % d’entre eux permettent d’assurer des soins de proximité : les gens ne vont pas faire 20 à 30 kilomètres pour être soignés! Mais au lieu de développer les dispensaires, les pouvoirs publics les ont laissé tomber.

    La raison en est que les «décideurs» pensent possible de les remplacer, au moins en partie, par des cabinets privés dans la mesure où tout le monde va maintenant être couvert par la Caisse nationale d’assurance-maladie.

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    Et comme cela va coûter plus cher aux patients, les assurances complémentaires sont en train de se préparer, comme cela se passe en France. Un processus de privatisation est donc en marche.

    Personne n’est content d’aller dans les hôpitaux publics. Bien sûr, le personnel en place est qualifié, mais il manque des médecins, des infirmiers, du matériel, les locaux sont vétustes et en mauvais état, etc. Les hôpitaux locaux et régionaux sont délaissés au profit d’une troisième ligne de soin composée de quelques CHU (Centres hospitaliers universitaires).

    Des gens sont contents parce qu’il est annoncé la création de nouvelles facultés de médecine et de nouvelles universités, etc. Mais en fait, cela va dégarnir complètement tout ce qui est soin de proximité, tout ce qui est prévention et prise en charge des maladies. Et cela va permettre au privé de prendre la place.

    Pour une même prestation, le coût de revient dans le privé est supérieur de 60 % à celui du secteur public. De leur côté, les promoteurs de la privatisation mettent en avant la qualité de l’hôtellerie et de l’accueil.

    Très peu de jeunes aujourd’hui veulent être médecin généraliste, ils veulent tous être spécialistes. De leur côté, les décideurs ont fait du populisme en suivant les usagers qui disent «je veux un spécialiste».

    Résultat, il y a 65% de médecins spécialistes en Tunisie et seulement 35 % de généralistes, alors que cela devrait être l’inverse.

    De plus, parmi les spécialistes du secteur public, 70 % sont des médecins universitaires. Dans le grand Tunis qui compte 3,1 millions d’habitants, il y a plus de médecins-universitaires qu’en Ile-de-France qui compte 12 millions d’habitants. Il s’agit là d’un choix en faveur de ce qui est appelé «la médecine hospitalière».

    Et maintenant, les autorités sont en train de dire qu’il faut créer des facultés partout. Cela pourrait être bien, mais en fait c’est pour jeter de la poudre aux yeux, parce que les facultés s’occupent de formation et pas de procurer des soins. De plus, les facultés forment des médecins qui travaillent ensuite dans le privé.

    Pour accomplir le même acte, les médecins de la Santé publique gagnent entre 20 et 50 fois moins que s’ils travaillaient dans le privé. Ceux qui restent dans le secteur public sont considérés comme des fous car il s’agit de deux statuts sociaux complètement différents.

    Pour combler un peu la différence de rémunération des spécialistes, le pouvoir a commencé par mettre en place l’APC (Activité privée complémentaire au niveau des CHU) ou l’APR (Activité privée au niveau des régions). En fait, c’était une première forme de Partenariat Public-Privé. Ce système est très mauvais pour la Santé publique et facilite le passage de médecins au secteur privé. Il occasionne un surcoût des soins pour les malades et la Santé publique.

    Le résultat de cette politique a été que le poids du secteur privé a été multiplié par 20, puis par 30 en une dizaine d’années. Et la part de l’Etat dans le total des dépenses de santé est passée de plus de 50% à environ 14% actuellement.

    Tout cela n’a pas lieu par hasard, c’est une vision, c’est une politique, c’est des choix. Et le résultat, c’est l’état dans lequel se trouve le secteur de la Santé actuellement.

    Créer des comités citoyens

    Comme je l’ai dit précédemment, nous sommes actuellement face à une restructuration globale de l’économie, il ne s’agit pas d’une simple continuation de ce que faisait Ben Ali.

    Ben Ali, c’était la fin des Plans d’ajustement structurel (PAS). Là, c’est autre chose, c’est une restructuration globale. Le capital financier est en train de changer complètement l’économie mondiale. Il veut précariser massivement le prolétariat par l’intermédiaire de l’informatisation de l’industrie et des services. Il est donc urgent de résister tout de suite.

    Je suis pour que l’UGTT demande des comptes au gouvernement au sujet plan quinquennal et l’ouverture d’une discussion sur ce plan.

    Mais le problème est que ce plan devra ensuite faire l’objet d’un vote au Parlement. Et celui-ci est très majoritairement partisan de l’orientation néolibérale. C’est donc très compliqué.

    Ceux qui siègent au Parlement expliquent que ce sont les citoyens et les citoyennes qui les ont élus. Et le système politique fait que lorsqu’on élit quelqu’un, il faut ensuite attendre cinq ans pour lui demander des comptes lors des élections suivan et citoyensen avec les citoyen-! Résultat, les élu-e-s peuvent faire n’importe quoi pendant ce temps-là.

    Le second problème est que les partis politiques en Tunisie n’ont pas de projet politique clair et structuré.

    Il faut donc trouver le moyen de développer une mobilisation citoyenne pour s’opposer à la politique mise en œuvre. C’est la proposition que j’ai faite au sein de l’UGTT.

    L’UGTT a bien entendu pour tâche première de défendre les revendications immédiates des salariés, mais elle ne peut pas ne se limiter à cela.

    Appartenant à la société civile, l’UGTT a la possibilité de se coordonner avec les autres composantes de celle-ci. Elle peut simultanément s’adresser à des citoyens « epsilon » qui voient leur situation se détériorer, et les faire participer à des mobilisations.

    J’ai donc personnellement proposé au sein de la Commission administrative de l’UGTT de créer des structures qui dépassent l’UGTT.

    L’UGTT, bien sûr, est la plus grande organisation de Tunisie. Elle a de grandes traditions. Elle joue un rôle central dans le pays également parce c’est une organisation de masse ayant environ 900’000 membres.

    L’UGTT a des structures permettant de coordonner des mobilisations. Mais elle n’a pas la capacité, à elle seule, de mener des actions permettant d’empêcher la privatisation du système de Santé. Et c’est la raison pour laquelle je suis pour créer des comités citoyens de défense de telle ou telle structure de soin, de tel ou tel hôpital, ainsi que du système de Santé publique en tant que tel.

    Et c’est pareil pour l’enseignement (secteur de l’éducation dans ces diverses dimensions) et les autres secteurs.

    Ces comités seraient composés de syndicalistes, de membres d’associations et de partis politiques, ainsi que de simples citoyens voulant se battre sur un sujet donné.

    Dans ce type de cadre, ce n’est pas la seule UGTT qui va décider de faire ceci ou cela. Elle doit, à mon sens, aider à constituer ces structures citoyennes visant à défendre les acquis ainsi qu’à demander des comptes aux décideurs.

    Chaque organisation ou individu fera ce qu’il voudra, et décidera d’appartenir ou pas à ces structures.

    Je suis persuadé que les partis politiques y participeront, mais cela doit être au même titre que les autres composantes. Il n’est pas question qu’ils cherchent à imposer leur point de vue particulier.

    A mon avis, il ne faut pas attendre que tout le monde soit d’accord pour commencer ce genre d’action, parce que cela va très vite.

    L’idée est d’agir au quotidien avec les citoyennes et citoyens qui veulent se battre. Partout, on trouve des gens qui veulent lutter. Des formes de regroupements de ce type existent déjà partout, même si ils ne sont pas formalisés en comités comme, par exemple, à Sidi Bouzid, Gafsa, Kasserine, etc. Mon but n’est pas d’appuyer sur un bouton et faire bouger les gens: il s’agit de participer à un mouvement social réel qui existe déjà de façon permanente, et contribuer à le développer.

    Les comités de citoyens que je propose n’ont bien sûr rien à voir avec les Comités de défense de la révolution ayant vu le jour en 2011, et qui ont été par la suite manipulés par Ennahdha afin de faire du grabuge pour parvenir au pouvoir.

    Les comités que je propose sont en effet tournés contre la politique du capital financier. Ennahdha et d’autres partis de droite se situent dans le cadre de celle-ci, et n’ont donc aucun intérêt à en faire partie. La sélection des participants à ces comités se fera d’elle-même, du fait du type d’objectif poursuivi.

    Cette démarche est handicapée par l’absence de vision claire, intelligible et compréhensible par les gens qui ont réellement intérêt au changement.

    Mais on ne va pas attendre pour agir d’avoir discuté pendant des heures ou des années dans l’espoir de disposer ensuite d’un éventuel projet très savant, très intelligent et très révolutionnaire, mais sans impact sur le réel. Tout cela ne m’intéresse pas. Je veux simplement que l’on puisse expliquer ce à quoi nous devons faire face, et définir collectivement comment nous pouvons agir.

    16-19 avril 2015, Washington, réunion de la BM et du FMI: présence du groupe tunisien avec le ministre du Développement Yassine Brahim, le ministre des Finances Slim Chaker et le Gouverneur de la BCT (Banque centrale) Chedly Ayari

    16-19 avril 2015, Washington, réunion de la BM et du FMI: présence du groupe tunisien avec le ministre du Développement Yassine Brahim, le ministre des Finances Slim Chaker et le Gouverneur de la BCT (Banque centrale) Chedly Ayari

    Les gens en ont marre des discours savants, des discours politiques n’ayant pas le moindre impact.

    Il faut certes leur parler de l’impérialisme, du capital financier, du FMI et de la Banque mondiale, etc. Mais il est encore plus nécessaire de leur proposer de s’organiser avec eux pour améliorer l’état de l’hôpital de tel ou tel endroit, pour empêcher la vente de biens appartenant au peuple tunisien.

    Pour cela, face au développement du privé, il faut commencer par dire que la Santé publique coûte moins cher, et qu’elle permet d’avoir des soins de proximité.

    Et c’est la même chose dans l’Enseignement avec le développement des cours particuliers qui poussent les élèves vers le privé. Des parents se disent en effet: «je vais mettre de l’argent une bonne fois pour toutes dans le privé pour que mon enfant s’en sorte». Et pendant ce temps là, on est en train de brader tout le secteur public.

    Il faut résister tout de suite. Certes, en ce qui me concerne, j’ai besoin de rêver, mais j’ai aussi besoin d’un impact sur le réel. En fait, j’ai besoin des deux.

    Il y a quelque chose qui manque pour le moment. Et ce n’est pas un hasard si les gens qui tiennent un discours comme le nôtre ne sont pas les plus proches des populations les plus pauvres. Des conservateurs faisant de la charité sont beaucoup plus présents que nous dans les quartiers populaires et les milieux ouvriers, et ils sont en train de s’y développer. Il serait donc temps de bouger autrement et de développer un projet beaucoup plus clair.

    Ce dont les gens ont besoin, c’est de l’action, d’être présents sur le terrain et de prendre leur destinée en mains. (10 janvier 2016. Cet article est suivi d’un article sur l’actualité )

    Publié par Alencontre le 25 - janvier - 2016

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    Sami Souhili est médecin-urgentiste à l’hôpital de Menzel Bourguiba (gouvernorat de Bizerte) depuis 1992 (après l’avoir été à Nabeul entre 1989 et 1991). Il est secrétaire général du syndicat UGTT des médecins, pharmaciens et dentistes de la Santé publique. Il est membre à ce titre de la Commission administrative de l’UGTT, l’instance nationale où sont prises les principales décisions entre deux congrès. Avec son syndicat, Sami a pris une part active aux débats sur la Santé organisés lors des Forum sociaux mondiaux de Tunis en 2013 et 2015, aux côtés de plusieurs associations et syndicats dont Sud Santé-Sociaux.

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    [1] Dès 2012, le thème de l’économie numérique a fait la une de la presse. Le ministre des Technologies de l’information et de la communication résumait ainsi le projet le 14 mai 2012: «Rappelons tout d’abord et très brièvement quels seront les enjeux de l’économie numérique pour la Tunisie?

    L’économie numérique représente une grande chance pour la Tunisie pour trois raisons. La première est qu’elle est considérée comme la plus grande ambition pour les quinze prochaines années et le gouvernement semble en être conscient.

    La seconde raison est que le pays a besoin de changer et restructurer ses administrations mais aussi repenser et transformer au plus vite les relations des secteurs public/privé. L’économie numérique en est un des vecteurs de ce changement.

    La troisième raison consiste à permettre aux compétences tunisiennes de se développer afin qu’elles servent notamment à l’export, autrement dit chercher à vendre le savoir-faire tunisien en matière des technologies de l’information et de la communication à l’étranger par la levée de toutes sortes d’obstacles pour aller dénicher des projets non seulement au Maghreb mais aussi en Afrique subsaharienne.» (Maher Gordah in L’actualité autrement, Kapitalis). On ne peut que douter des effets l’économie numérique pour «le développement» du pays et de l’emploi, en Tunisie et de l’Afrique subsaharienne. Surtout lorsque certaines études la présentent comme un «substitut du développement de l’agriculture et de l’industrie comme moteur du développement».

    Patrick Artus, économiste de Natixis, écrivait à propos de l’économie numérique, le,22 janvietr «Il existe une fascination chez les hommes politiques et dans les opinions publiques au sujet de la capacité de ramener au plein emploi les pays grâce au développement des auto-entrepreneurs, des indépendants («l’Ubérisation» de la société), du secteur des Nouvelles Technologies, du numérique. On s’interroge donc sur les réformes (du marché du travail, de la protection sociale…) capables de stimuler le nombre d’auto-entrepreneurs, d’indépendants, de développer le secteur du numérique. Mais en réalité, les auto-entrepreneurs, les indépendants et les Nouvelles Technologies ne peuvent pas ramener au plein emploi, le nombre de créations d’emplois de ce type étant beaucoup trop faible. Le retour au plein emploi dépend en réalité de la capacité à créer des emplois salariés pour les chômeurs peu qualifiés dans les services peu sophistiqués (distribution, services à la personne, restaurants-loisirs…)! (Réd. A l’Encontre)

    http://alencontre.org/moyenorient/tunisie/tunisie-la-necessite-dune-mobilisation-citoyenne.html

  • Béjaïa : Marche contre la vie chère

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    Ils étaient plusieurs centaines de travailleurs à marcher hier à partir de la maison de la Culture jusqu’à la place Saïd-Mekbel.

    Ils sont issus de plusieurs secteurs de la fonction publique, à savoir des communes, de la direction des équipements publics, de la culture, de l’administration publique, de l’enseignement supérieur et des œuvres universitaires, de l’éducation nationale, de la santé publique, de la formation professionnelle, etc.

    Cette action a été observée par la coordination du Syndicat national des administrations publiques (SNAPAP) qui a appelé en parallèle à une journée de grève.

    Les manifestants ont tenu à dénoncer vertement « la politique d’austérité adoptée par le gouvernement qui s’est traduite par des augmentations sur les prix de l’énergie et des services et qui ont généré, par ricochet, d’autres hausses dans certains secteurs et sur certains produits ». Les mécontents ont évoqué en mal la loi de finances de l’exercice en cours (2016). 

    « Nous sommes sortis aujourd’hui pour dénoncer la politique d’austérité décidée, sans pitié, par le gouvernement et qui a enfoncé le pouvoir d’achat des travailleurs à travers la loi de finances 2016 », a asséné Nacer Kassa, président de la coordination du SNAPAP de la wilaya de Béjaïa. Et d’ajouter : « Nous nous attendions à l’amélioration de notre pouvoir d’achat par une hausse conséquente des salaires mais nous avons été surpris par les mesures d’austérité et les augmentations entérinées dans la loi de finances que nous dénonçons énergiquement ». 

    Augmentation conséquente des salaires, révision du statut de la fonction publique et des statuts des secteurs qui en dépendent, baisse de l’IRG, révision du point indiciaire, ouverture de postes budgétaires, intégration des contractuels, arrêt des harcèlements envers les travailleurs et syndicalistes sont autant de points figurant dans la plate-forme de revendications de la coordination. 20 janvier 2016 | 19:52

    http://www.jeune-independant.net/Bejaia-Marche-contre-la-vie-chere.html

    source:

    https://www.facebook.com/PSTDZ/?fref=nf

     

  • Nouveautés sur Association France Palestine Solidarité

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  • Rassemblement en solidarité avec le peuple tunisien (Essf)

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    Solidarité avec le peuple tunisien

    En lutte pour la dignité, la justice sociale et le développement régional

    Cinq ans après la révolution, Kasserine puis plusieurs autres villes de Tunisie se soulèvent de nouveau pour leurs droits économiques et sociaux bafoués.

    La mort du jeune diplômé chômeur Ridha Yahiaoui, électrocuté alors qu’il réclamait son droit à l’emploi, souligne, de manière dramatique, que les acquis restent en deçà des attentes légitimes des populations marginalisées qui réclament travail, dignité et liberté.

    Les mesures d’urgence, décidées à la hâte par l’actuel gouvernement tunisien, masquent mal son échec et celui des gouvernements successifs à s’attaquer prioritairement aux urgences économiques et sociales et à répondre aux exigences du développement des droits économiques et sociaux des plus défavorisés.

    Le spectacle donné par les partis politiques au pouvoir, embourbés dans des querelles partisanes, ne fait que renforcer l’ampleur des mouvements déclenchés à Kasserine et qui s’étendent à de nombreuses villes et régions du pays, mouvements souvent criminalisés par les gouvernements successifs.

    Partant de ce constat, les associations, partis politiques et militants de l’immigration tunisienne en France :

    - présentent leurs condoléances à la famille du jeune Ridha Yahiaoui et leur compassion aux blessés

    - exigent l’ouverture d’une enquête sérieuse sur la manipulation de la liste des dossiers prioritaires pour une embauche dans la fonction publique et des sanctions contre les tricheurs et corrompus,

    - se déclarent totalement solidaires avec toutes celles et ceux qui, par des moyens pacifiques, militent pour leurs droits légitimes au travail, à la dignité et à la liberté,

    - expriment leur solidarité avec les populations des régions déshéritées, hauts lieux de la révolution tunisienne, qui luttent contre le laxisme du pouvoir dans la mise en place des projets de développement et l’absence de vision stratégique pour l’emploi et la lutte contre la corruption.

    - mettent le gouvernement en garde contre les graves conséquences et les risques de dérapage et de récupération par des groupes terroristes ou malfrats.

    - déclarent la création du « comité de suivi des luttes sociales en Tunisie »

    Paris, le 21/01/2016

    Le comité de suivi des luttes sociales en Tunisie appelle à :

    Rassemblement samedi 23 janvier 2016 à 15H00

    Place de la République

    Métro République, Lignes 3, 5, 8 et 11

    Premiers signataires :

    Associations : ADTF – AIDDA – AMF – ATF – ATMF – CFT – Collectif3C – Collectif Algérien, Agir pour le Changement Démocratique en Algérie – CRLDHT – FTCR – Forum Permanent de Solidarité active – MCTF – REMCC – Tunisie Plurielle – UTIT – Vérité et Justice pour Farhat Hached.

    Partis politiques : Front Populaire/France – Al Massar/France - Al Joumhouri/France – Ettakatol/France.

    Soutiens : Coopérative Economique Ecologique Sociale Aussi – Ensemble ! – LDH – MRAP – NPA – PCF – Réseau Euroméditerranéen France – Union Syndicale Solidaires.

    Les personnalités : Khaled Abichou – Mourad Allal – Tewfik Allal – Hédi Chenchebi – Mohsen Dridi – Hassen Slama.

    Contact : mstunisie2016@gmail.com

    jeudi 21 janvier 2016

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article37022

  • Nouveutés sur l'Etincelle

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    Daech, passé du rang d’allié possible à celui d’ennemi public numéro 1


    Oil Akbar !


    Daech, né de la guerre américaine en Irak

  • Israël : le boycott que Valls veut criminaliser (Regards)

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    Alors que le mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) s’étend contre les produits israéliens, le premier ministre trouve que « ça suffit » et annonce des mesures. Sur ce sujet comme sur les autres, il faut juguler la contestation.

    Manuel Valls préfère la liberté d’expression sur une plaque commémorative que dans la bouche des militants pro-palestiniens. Le 5 janvier il dévoilait l’hommage « à la mémoire des victimes de l’attentat terroriste contre la liberté d’expression perpétré dans les locaux de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015 ». Deux semaines plus tard, le premier ministre confiait aux "Amis du CRIF" vouloir durcir les mesures contre les appels au boycott des produits israéliens.

    « Je pense que les pouvoirs publics doivent changer d’attitude vis-à-vis de ce type de manifestations », a-t-il déclaré lundi soir. « Je pense que nous allons prendre des dispositifs – mais toujours dans l’État de droit – qui doivent montrer que ça suffit, et qu’on ne peut pas tout se permettre dans notre pays. » Dans la lignée de l’interdiction des manifestations pro-Gaza à l’été 2014, Manuel Valls demeure dans une logique de criminalisation du mouvement de solidarité avec la Palestine.

    BDS : des victoires importantes

    La manœuvre est toujours la même, et bien rodée : disqualifier les critiques de la politique israélienne en les assimilant à de l’antisémitisme. « On est passé de la critique d’Israël à l’antisionisme et de l’antisionisme à l’antisémitisme. » En décembre dernier déjà, Manuel Valls condamnait devant l’Assemblée nationale le mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), dénonçant la volonté « de confondre critique légitime de la politique de l’État d’Israël avec l’antisionisme et l’antisionisme qui bascule dans l’antisémitisme ».

    Lancée en juillet 2005 par 170 organisations palestiniennes, cette campagne internationale préconise des « mesures de sanction non violentes (...) jusqu’à ce qu’Israël honore son obligation de reconnaître le droit inaliénable des Palestiniens à l’autodétermination et respecte entièrement les préceptes du droit international ». Trois types de mesures sont recommandées : boycott de l’économie et des institutions israéliennes, notamment universitaires, retrait des investissements étrangers, sanctions contre l’État et ses dirigeants.

    Le mouvement a remporté des batailles importantes l’année dernière, y compris en France : Orange a promis de rompre son contrat avec la société de téléphonie israélienne Partner Communications, le festival de BD d’Angoulême a annulé le sien avec Sodastream, une entreprise de machines à soda installée dans une colonie de Cisjordanie, et Veolia s’est complètement retiré du pays. Sur le front culturel, des vedettes comme Lauryn Hill et Thurston Moore de Sonic Youth ont refusé de jouer dans le pays.

    L’interdiction d’une critique citoyenne

    La campagne pourrait toutefois être mise à mal par la décision de la Cour de cassation, qui a déclaré illégal en octobre dernier, l’appel à boycotter des produits israéliens et confirmé la lourde condamnation de quatorze militants BDS. Ces derniers étaient entrés dans des supermarchés à Mulhouse où ils avaient crié des slogans, distribué des tracts et porté des vêtements appelant au boycott des produits israéliens. La France devient ainsi le seul pays à pénaliser les appels à ne pas acheter les produits israéliens.

    La Cour a invoqué un article de la loi de la presse qui évoque le délit de "provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race, ou une religion déterminée". Or cette loi « ne prévoit nullement de protéger la politique d’un État contre une critique citoyenne, lorsque cette critique prend la forme d’un appel au boycott de produits, rappellent les militants et intellectuels signataires d’un appel à renforcer le mouvement BDS. À de nombreuses reprises, des organisations ont appelé dans le monde au boycott de la Birmanie ou de la Russie, de la Chine ou du Mexique, sans que soit jamais évoquée une telle clause ».

    Dans le contexte d’un état d’urgence dont on a vu comment il était utilisé contre les mouvements sociaux durant la COP21, la dissuasion et la répression de la contestation étendent leur emprise, activement soutenues par un Manuel Valls dont les combats sont décidément très sélectifs.

    http://www.regards.fr/web/article/israel-le-boycott-que-valls-veut

    http://www.politis.fr/articles/2016/01/pour-valls-bds-ca-suffit-37/

  • Irak. Des images satellite confirment des destructions de masse délibérées dans des villages arabes contrôlés par les peshmergas (Amnesty)

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    Les peshmergas - combattants des unités du Gouvernement régional du Kurdistan - et des milices kurdes du nord de l’Irak ont passé au bulldozer, fait exploser et réduit en cendres des milliers de logements dans le but semble-t-il de déraciner des populations arabes, en représailles contre leur soutien supposé au groupe se faisant appeler État islamique (EI), écrit Amnesty International dans un nouveau rapport rendu public mercredi 20 janvier.

    Ce rapport, intitulé Banished and dispossessed: Forced displacement and deliberate destruction in northern Iraq, s’appuie sur des recherches réalisées sur le terrain dans 13 villages et villes, et sur des témoignages recueillis auprès de plus de 100 témoins et victimes de déplacement forcé. Elles sont étayées par des images satellite donnant à voir la destruction de grande ampleur semée par les peshmergas, ou dans certaines cas par des milices yézidies et des groupes armés kurdes de Syrie et de Turquie agissant en collaboration avec les peshmergas.

    « Les forces armées du Gouvernement régional du Kurdistan semblent être le fer de lance d’une campagne concertée visant à déplacer les populations arabes en détruisant des villages entiers dans des zones reprises à l’EI dans le nord de l’Irak. Le déplacement forcé de civils et la destruction délibérée de logements et de biens sans aucune justification militaire peuvent constituer des crimes de guerre », a déclaré Donatella Rovera, conseillère principale sur la réaction aux crises à Amnesty International, qui a effectué les recherches sur le terrain dans le nord de l’Irak.

    Des résidents arabes ayant fui leur domicile sont par ailleurs empêchés par les forces du Gouvernement régional du Kurdistan de retourner dans les zones reprises.

    « Des dizaines de milliers de civils arabes qui ont été forcés à fuir leur domicile en raison des combats ont désormais de grande difficultés à survivre dans des camps improvisés où les conditions sont désespérées. Beaucoup ont perdu leurs moyens de subsistance et toutes leurs possessions, et n’ont plus rien vers quoi se retourner, leur domicile ayant été détruit. En interdisant à ces personnes déplacées de rentrer dans leur village et en détruisant leurs logements, les forces du Gouvernement régional du Kurdistan accroissent encore leurs souffrances », a déclaré Donatella Rovera.

    Le rapport révèle des éléments sur des déplacements forcés de population et des destructions d'habitations de grande ampleur dans des localités des provinces de Ninive, Kirkouk et Diyala reprises entre septembre 2014 et mars 2015 par les peshmergas à l’EI.

    Si des responsables du Gouvernement régional du Kurdistan justifient le déplacement de populations arabes en invoquant la sécurité, il semble pourtant que cette pratique ait pour but de punir ces personnes en raison de leurs sympathies supposées pour l’EI, et afin de consolider des gains de territoires dans des « zones contestées » que les autorités kurdes revendiquent de longue date. Cela s’inscrit dans une volonté de rectifier les abus du passé commis par le régime de Saddam Hussein, qui avait déplacé de force des kurdes, puis installé des arabes dans ces régions.

    « Les forces du Gouvernement régional du Kurdistan ont le devoir de traduire en justice dans le cadre de procès équitables les individus soupçonnés d’avoir été complices des crimes de l’EI. Mais elles ne doivent pas punir des populations entières pour des crimes perpétrés par certains de leurs membres, ou sur la base de soupçons vagues, discriminatoires et sans fondement selon lesquels elles soutiennent l’EI », a déclaré Donatella Rovera.

    L’imagerie satellite confirme les informations faisant état de destructions de masse

    Des milliers de résidents de villages arabes proches de Jalawla, dans l’est du gouvernorat de Diyala, ont fui après que des combattants de l’EI ont attaqué la zone en juin 2014. Plus d’un an après que la zone a été reprise par les peshmergas, les résidents ne peuvent pas rentrer chez eux et les villages ont été en grande partie détruits.

    Maher Nubul, père de 11 enfants ayant quitté son village, Tabaj Hamid, en août 2014, a déclaré que le village tout entier a été « aplati » après avoir été repris par les peshmergas quatre mois plus tard.

    « Tout ce que je sais, c’est que quand les peshmergas ont repris le village, les maisons étaient encore là. Nous ne pouvions pas rentrer chez nous mais nous arrivions à les voir de loin. Et plus tard ils ont détruit le village au bulldozer, je ne sais pas pourquoi. Il ne reste rien. Ils ont tout détruit sans raison », a-t-il dit.

    Des chercheurs d’Amnesty International s’étant rendus dans cette zone en novembre 2015 ont découvert que le village de Tabaj Hamid avait été rasé. Les images satellite obtenues par l’organisation montrent également que pas une seule structure n’a été épargnée.

    À Jumeili, les chercheurs ont découvert qu’il ne restait de la majeure partie du village que des décombres. Ces constats ont été étayés par des images satellite qui montrent que 95 % des murs et des structures basses ont été détruits. Sur les structures encore debout, la plupart des toits et des fenêtres ont été endommagés ou détruits.

    Dans les deux villages, l’imagerie satellite révèle par ailleurs ce qui ressemble à des traces laissées par des bulldozers, près de piles de gravats et de débris où s’élevaient auparavant des immeubles. 

    Les images satellite ont également fourni des informations tendant à prouver la destruction de deux villages situés non loin, Bahiza et Tubaykh.

    Amnesty International a par ailleurs relevé des éléments attestant la destruction délibérée de logements et de biens dans des villages arabes se trouvant sous le contrôle des peshmergas dans le gouvernorat de Ninive (nord-ouest de l’Irak).

    « Après que nos logements ont été réduits en cendres, nous étions prêts à nous retrousser les manches et à les réparer, mais les peshmergas ne nous ont pas autorisés à rentrer chez nous, puis les milices yézidies sont revenues et ont tout passé au bulldozer, même nos vergers ; il n’y a rien à sauver », a déclaré Ayub Salah, résident de Sibaya, au nord-est du mont Sinjar.

    À Sibaya et dans quatre villages arabes proches - Chiri, Sayir, Umm Khabari et Khazuqa – la plupart des maisons ont d’abord été incendiées en janvier 2015 par des membres des milices yézidies et des combattants de groupes armés kurdes syriens et turcs présents dans la région de Sinjar. Ils ont été détruits quand ces derniers sont revenus avec des bulldozers cinq mois plus tard.

    Des représentants d’Amnesty International se sont rendus dans cette zone en novembre 2015 et ont trouvé les villages largement détruits. Lors d’une mission précédente, en avril 2015, de nombreuses maisons avaient été mises sens dessus dessous et incendiées, mais elles tenaient encore debout.

    Les images satellite obtenues pour quatre de ces cinq villages les montrent également en grande partie détruits. À Sibaya par exemple, plus de 700 structures ont été endommagées ou détruites sur un total estimé à 897 structures.

    À Barzanke, un village arabe proche, où quasiment chaque maison avait été rasée, des peshmergas ont essayé d’attribuer ces destructions aux combattants de l’EI, malgré l’absence d’éléments étayant ces affirmations et le fait que leurs propres collègues aient avoué qu’ils avaient détruit le village pour s’assurer que les résidents arabes n’y retrouveraient plus rien.

    À au moins deux occasions, peu après leur arrivée dans des villages détruits, les chercheurs d’Amnesty International ont été appréhendés par des peshmergas, qui les ont escortés hors de la zone et les ont empêchés de prendre des photos.

    Halte aux destructions illégales et aux déplacements forcés

    Les autorités du Gouvernement régional du Kurdistan ont été confrontées à des difficultés sans précédent sur le plan humanitaire et sur celui de la sécurité, des centaines de milliers de personnes ayant cherché refuge dans les zones se trouvant sous leur contrôle après que l’EI s’est emparé de vastes pans du nord de l’Irak en 2014. Ces circonstances éprouvantes ne doivent toutefois pas excuser les destructions délibérées et les autres graves violations commises par les forces du Gouvernement régional du Kurdistan et d’autres milices évoquées dans le rapport.

    « Le Gouvernement régional du Kurdistan doit immédiatement faire cesser la destruction illégale de maisons et biens civils, et accorder des réparations complètes à tous les civils dont le logement a été démoli ou pillé. Les civils ayant été déplacés de force doivent être autorisés à rentrer chez eux dès que possible », a déclaré Donatella Rovera.

    « Les peshmergas ne doivent pas permettre à des groupes armés et des milices qui sont leurs alliés dans le cadre de la lutte contre l’EI de commettre de telles violations. Ils contrôlent la zone depuis qu’ils l’ont reprise à l’EI en décembre 2014, et ont la responsabilité de garantir la protection de toutes les communautés.

    « Il est en outre essentiel que la communauté internationale - notamment les membres de la coalition dirigée par les États-Unis qui combat l’EI, tels que le Royaume-Uni et l’Allemagne, et d’autres acteurs qui soutiennent les peshmergas - condamne publiquement toutes les atteintes de ce type au droit international humanitaire. Ils doivent en outre veiller à ce que l’assistance qu’ils fournissent au Gouvernement régional du Kurdistan n’alimente pas ces violations. »  20 janvier 2016

    https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2016/01/northern-iraq-satellite-images-back-up-evidence-of-deliberate-mass-destruction-in-peshmerga-controlled-arab-villages/

    Commentaire:

    Il semble que ce soit dû au gouvernement kurde "autonome" quasi "officiel" du Nord de l'Irak, qui a déjà été dénoncé et non des combattants de Syrie, de Turquie ou d'Iran.

  • Tunisie: La contestation sociale était prévisible car "la population ne peut plus patienter" (Al Huff')

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    Chercheur pour le centre Carnegie, Hamza Meddeb, dit ne pas être "étonné" par la vague de contestation sociale qui a éclaté dans les régions défavorisées de Tunisie, soulignant que la population "ne peut plus patienter" face à l'absence de changements depuis la révolution.

    Face à "l'inertie" des pouvoirs publics, "le pays s'embourbe dans une crise sociale" qui "risque de déstabiliser l'expérience démocratique" née du renversement du régime de Zine el Abidine Ben Ali en 2011, prévient M. Meddeb, co-auteur de l' ouvrage "L'Etat d'injustice au Maghreb. Maroc, Tunisie".

    Êtes-vous surpris par cette explosion de la contestation?

    Hamza Meddeb: "J'étais encore à Kasserine (d'où sont parties les manifestations, ndlr) il y a deux mois et tout cela ne m'étonne pas. La situation est désastreuse, rien n'a changé depuis cinq ans. (...) On a de nouvelles générations qui constatent ça. C'est un problème d'injustice sociale et de corruption.

    Il y a beaucoup de corruption dans l'administration, en particulier locale. Beaucoup de clientélisme. Tout cela fait exploser la colère. Les manifestations ont pris et la flamme s'est propagée".

    Les premières annonces du gouvernement sont-elles suffisantes?

    "Le gouvernement a annoncé des mesures sur l'embauche à Kasserine, dans le but de désamorcer la colère. Mais celle-ci s'est au contraire propagée. Ce sont des mesures à double tranchant.

    Ce qu'a eu Kasserine, tout le monde veut l'avoir à présent! Les revendications commencent à gagner beaucoup de régions. Ces petites mesures sont contre-productives et montrent que le gouvernement n'a pas vraiment de plan stratégique, et qu'on est dans une politique à courte vue. Ça fait un an qu'il est en place et rien de concret n'a été fait. Ça lui explose à la figure".

    Faut-il alors craindre une dégradation?

    "Il me semble qu'on va vers un enlisement de la situation. Les mesures destinées à désamorcer la crise l'alimentent au contraire, et le pays s'embourbe dans la crise. Le malaise social risque de déstabiliser l'expérience démocratique. En Tunisie, il n'y a pas vraiment de mécanisme de régulation des crises sociales, c'est un système politique extrêmement fragile.

    Dans le même temps, on a une administration très bureaucratique. Il faut mesurer son inertie. On a par exemple 1,4 milliard de dollars pour les infrastructures qui sont bloqués. Ça n'est pas un problème de financement mais d'exécution.

    On a des nominations (dans l'administration locale) de responsables qui étaient en charge sous Ben Ali. On ne répond pas aux besoins de développement avec les pratiques d'un autre temps. La bureaucratie ne peut pas continuer à fonctionner comme sous Ben Ali. La population a patienté pendant cinq ans. Elle ne peut plus patienter".  

    LIRE AUSSI:

    http://www.huffpostmaghreb.com/2016/01/21/tunisie-contestation-soci_n_9041210.html?utm_hp_ref=maghreb