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Révolutions Arabes - Page 100

  • Au Maroc, les minorités religieuses se sentent constamment surveillées (Al Huff' Maghreb)

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    LIBERTÉS RELIGIEUSES - Au Maroc, les groupes religieux minoritaires se sentent constamment surveillés par les autorités. La conclusion est celle du Département américain des droits de l’Homme qui vient de publier, cette semaine à Washington, son dernier rapport sur les libertés religieuses dans le monde pour l’année 2015.

    Selon les Etats-Unis, le gouvernement marocain "aurait détenu et interrogé des chrétiens marocains sur leurs croyances et les contacts qu’ils ont avec les autres chrétiens" du pays. Le Maroc refuserait également de fournir des documents administratifs aux "chrétiens locaux" ainsi qu’aux pratiquants du bahaïsme et du chiisme.

    Les représentants des groupes religieux minoritaires ont dit craindre la surveillance du gouvernement, ce qui les a conduit à s'abstenir de pratiquer leurs cultes en public, estime le département américain. Ces groupes préfèrent désormais se rencontrer discrètement dans les maisons des membres de ces communautés, selon le même rapport.

    Le rassemblement pro-Palestine

    Ce dernier regrette également les mises en scène antisémites du rassemblement pro-palestinien, organisé le 25 octobre dernier à Casablanca. Dans des photos et vidéos qui avaient alors circulé sur internet, on pouvait voir des manifestants déguisés en religieux juifs pointés par des fusils tenus par des hommes aux visages cachés par des keffiehs.

    Le Collectif des citoyens marocains contre l’incitation au meurtre des juifs au Maroc, composé de citoyens juifs et musulmans, était notamment monté au créneau pour dénoncer ces dérapages "au ton assassin" qu'il considère préoccupants "pour la sécurité physique des citoyens marocains de confession juive".

    "Bien que les Juifs ont dit qu'ils ont continué à vivre leur culte en toute sécurité au Maroc, les participants à un rassemblement pro-palestinien à Casablanca en octobre dernier ont organisé un simulacre d'exécution d'individus déguisés en juifs hassidiques", rappelle le département U.S dans son rapport.

    Les Américains n’ont pas également manqué de rappeler que plusieurs personnes avaient été arrêtées pendant le ramadan dernier pour avoir mangé en public.

    Ce dernier note toutefois quelques points positifs sur les libertés religieuses au Maroc. Parmi eux, le fait que le gouvernement ait "permis aux communautés chrétiennes étrangères d’assister à des services religieux dans des lieux approuvés".

    Le contrôle des mosquées

    Aussi, "le ministère des Habous et des affaires islamiques a continué à contrôler le contenu des sermons dans les mosquées, l'enseignement religieux islamique et la diffusion de matériel religieux islamique par les médias audiovisuels". Il a également "continué de restreindre la distribution de matériel religieux non-islamique, ainsi que des matériaux islamiques jugées incompatibles avec l'école malékite de l'islam sunnite", souligne-t-on.

    Le rapport rappelle enfin que la Constitution marocaine considère que le pays est un Etat musulman souverain et que l'islam est sa religion. "La Constitution garantit la liberté de pensée, d'expression et de réunion, et dit que l'Etat garantit le libre exercice des croyances à tout le monde".

  • « Décoloniser le féminisme » (Cetri.be)

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    (Photo: En Iran)

    Lier féminisme et islam n’est pas sans faire question : souvent, les féminismes occidentaux redoutent l’intrusion du religieux — patriarcal et régressif — et les espaces musulmans craignent le chantage néocolonial à l’émancipation des femmes.

    Sociologue et auteure, en 2012, de l’essai Féminismes islamiques, Zahra Ali s’empare de cet « oxymore » pour en exposer ce qu’elle nomme les « a priori » réciproques. Celle qui milita contre l’exclusion des élèves portant le foulard appelle à contextualiser, historiciser et rejeter les essentialismes : condition nécessaire à la création d’un féminisme international et pluriel.

    « On me nie le droit de me revendiquer en tant que féministe », avez-vous déclaré un jour, lorsque vous portiez le foulard. Qui sont donc les juges et les distributeurs de licences en conformité ?

    Bonne question. Dire que l’on parle depuis la marge ne veut certainement pas dire que l’on érige celles et ceux qui sont au centre en modèles normatifs. Mais c’est faire reconnaître que celles et ceux qui ont le monopole et la légitimité de se définir comme féministe, progressiste et égalitariste le font dans l’exclusion d’autres formes d’émancipation — et, de ce fait, ne sont pas aussi féministes et égalitariste qu’ils le prétendent. Le féminisme blanc, bourgeois, dominant est porteur, en France, d’une vision normative de l’appartenance au collectif : c’est celui qui nie les expressions alternatives de la lutte contre le patriarcat et pour l’égalité. Un discours et des pratiques de « féministes » qui n’appliquent leur conception de l’égalité qu’à une catégorie de femmes : celles qui assimilent émancipation à occidentalisation et sécularisation.

    Vous vivez à présent en Grande-Bretagne et faites savoir qu’il y est beaucoup moins difficile pour les femmes de porter le foulard, de trouver un emploi ou de poursuivre des études. Vous assurez que les autorités françaises ont condamné les diplômées le portant à faire des ménages. Comment comprendre ce décalage ?

    Sur le voile, la France est en dehors du monde : archaïque dans sa focalisation et son incapacité à reconnaître et régler son héritage colonial. Les femmes qui portent le foulard sont considérées comme la figure par excellence de l’opprimée à libérer ; elles sont essentialisées et infantilisées. En plus d’être clairement raciste et paternaliste, ce discours — qui est aujourd’hui celui du « sens commun » en France (pour reprendre l’expression bourdieusienne) — enferme les femmes et les jeunes femmes qui portent le foulard dans leur étrangeté et leur aliénation. D’autant plus lorsqu’il est suivi d’une législation contre-productive. On exclut de l’école et du travail, principaux lieux de socialisation, des femmes et des jeunes femmes au prétexte de les libérer. La Grande-Bretagne a aussi son passé colonial et son propre racisme : je ne veux absolument pas l’ériger en modèle. Néanmoins, il est clair que lorsque l’on porte le voile, ou que l’on veut exprimer et pratiquer toutes formes de religiosité, elle est un espace de vie plus accueillant. Le monde académique anglo-saxon est aussi plus intéressant pour parler des questions de religion, de racialisation et de féminismes alternatifs. En France, les études post-coloniales sont, par exemple, encore à leur stade d’émergence — alors qu’elles sont considérées, ailleurs, comme des acquis.

    Vous distinguez la laïcité originelle, dans sa lettre et son esprit, et l’usage « laïcard » qu’il en est trop souvent fait : faites-vous vôtre cette notion de « laïcité falsifiée » portée par l’historien Jean Baubérot ?

    Oui. J’aime beaucoup ses travaux sur le sujet. Je pense aussi qu’il y a falsification d’un idéal très positif, à l’origine, à savoir la neutralité de l’État face aux différentes confessions et religions — et, de ce fait, leur traitement sur une base égalitaire. Or, ce qui est aujourd’hui à l’œuvre, c’est que l’on évoque la laïcité pour dissimuler des prises de positions racistes et islamophobes. Car c’est toujours de la religion musulmane dont il est question. Une religion toujours reléguée à son statut de culte « étranger », mais aussi archaïque et barbare. D’ailleurs, s’il y a bien une dimension de rejet de la religion en tant que telle chez de nombreuses féministes qui stigmatisent les musulmanes, il serait faux de réduire cette question à une histoire franco-française de la laïcité. C’est bien d’une histoire franco-française dont il est question, mais c’est surtout d’une histoire coloniale, ou la religion de l’Autre, l’Arabe, le musulman, doit s’effacer de la sphère publique.


    Certaines formations révolutionnaires et internationalistes avaient approuvé l’interdiction du foulard à l’école au nom de l’égalité des sexes ou du combat contre l’aliénation monothéiste – songeons à Lutte ouvrière. Concevez-vous que certains puissent s’opposer au foulard de façon émancipatrice ou est-ce forcément un marqueur de rejet ethnique ou confessionnel ?

    Je pense qu’on peut s’opposer au port du voile sans être raciste, évidemment. Mais on ne peut pas décontextualiser le débat. Ce débat et la loi de 2004 ont eu lieu en France, dans un contexte où l’islam était stigmatisé — on évoquait l’archaïsme et l’obscurantisme d’une catégorie de la population uniquement, celle considérée éternellement « d’origine étrangère », et celle des banlieues. Encore une fois, je peux tout à fait imaginer qu’une partie de l’extrême gauche, en France, ait une réticence quant à l’association entre lutte politique et pratique religieuse. Oui, il y a eu une histoire de l’Église dans ce pays, qui a opprimé pendant des siècles et fait la promotion d’une organisation sociale et familiale inégalitaire et patriarcale. Mais, encore une fois, ayant vécu cette période des débats sur le voile de 2004-5, et ayant participé aux mobilisations et aux discussions avec les militants d’extrême gauche à l’époque, ce n’est pas uniquement la frilosité vis-à-vis de ma pratique religieuse dont j’ai été témoin, mais bien d’un mépris lié à mon arabité, mon « étrangeté » et mes soi-disantes « coutumes barbares ». J’ai été reléguée au statut de victime, considérée comme aliénée par mes pères et frères ; j’ai été considérée comme dangereuse ou opérant pour des réseaux obscurantistes et fondamentalistes. Et puis, encore une fois, la guerre d’Algérie n’est pas si loin. Je crois au contraire que ces débats ont dévoilé un héritage colonial inassumé — y compris dans l’extrême gauche. Il faut le dire : souvent, les forces politiques qui s’érigent comme progressistes en France sont également teintées d’un universalisme républicain qui se croit supérieur et souhaite éduquer ou civiliser… Il est dangereux de se croire le détenteur d’un modèle d’émancipation et, tout à la fois, de s’inscrire dans un discours d’identité nationale excluant. C’est là que se situe une partie de l’extrême gauche dans ce pays.


    Vous avez beaucoup travaillé sur la question du féminisme islamique. Vous y brossez trois courants principaux. Pour ceux qui ne connaîtraient pas cette notion, ou qui la trouvent paradoxale dans son seul énoncé : que sont-ils, à grands traits ?

    D’abord, j’utilise ce terme au pluriel pour montrer qu’il y a diversité des expressions des féminismes s’inspirant du cadre religieux musulman, et diversité de ses contextes d’expression et de déploiement. L’idée étant que des femmes se ressaisissent du cadre religieux et réinterprètent les sources scripturaires — notamment le Coran, dans un sens égalitariste et émancipateur. Les féministes musulmanes ont en commun de considérer que le message coranique est émancipateur et que ce sont les lectures patriarcales qui se sont imposées à travers le temps qui ont trahi ce message. Le spectre va de féministes radicales à des féministes plus réformistes quant à leur appréhension desdites sources. Il y a une vraie diversité et autant de lectures que de contextes. Maintenant, en termes d’engagement social et politique, les féminismes qui s’inspirent de la religion musulmane opèrent selon des stratégies très différentes : dans le contexte français, les féministes musulmanes sont aussi des militantes qui cherchent à imbriquer antiracisme à antisexisme. Dans d’autres contextes, comme celui des pays dont la population est majoritairement musulmane et qui imposent aux femmes le Code de la Famille, les stratégies sont différentes. Le Code de la Famille repose sur une lecture conservatrice de la jurisprudence religieuse. Dans ce contexte, les féministes musulmanes, comme celles réunies autour de la plateforme Musawah, travaillent à la réforme de ses codes en proposant une lecture féministe des différentes jurisprudences musulmanes.


    Les féminismes islamiques ont, expliquez-vous, deux adversaires : le féminisme occidental, qui lui nie ses qualités féministes, et une partie de la pensée islamique qui rejette le féminisme comme création occidentale. Vous expliquez pourtant que le féminisme non-occidental est né à la même période et qu’il existe un « protoféminisme » dès les premiers temps musulmans. C’est-à-dire ?

    Déjà, il faut commencer par dire qu’il n’y a pas de « féminisme occidental » : les différents mouvements féministes de cette aire géographique que l’on appelle l’Occident sont pluriels. C’est un courant parmi cette aire, hégémonique malgré tout, qui considère qu’émancipation est synonyme d’occidentalisation. Pour se libérer du patriarcat, toutes les femmes devraient suivre un modèle unique qui consisterait à mettre à l’écart le religieux, à faire la promotion de valeur dites « occidentales ». Au final, parmi les musulmans, ceux qui considèrent le féminisme comme une forme d’occidentalisation rejoignent complètement le discours islamophobe des féministes hégémoniques. Ce qu’ont en commun ces deux discours est leur essentialisation de l’islam et de l’Occident — or ni l’un ni l’autre n’existe au singulier. Il y a différentes manières d’appréhender et de vivre la religion musulmane. Cet « Occident » n’a pas le monopole des valeurs humaines d’émancipation et d’égalité. Il a existé partout, y compris dans des contextes où la population est majoritairement musulmane, des formes d’émancipation et de lutte contre le patriarcat et les inégalités.

    Ce refus des essentialismes et ce souci de la pluralité est d’ailleurs au centre de l’ouvrage État des résistances dans le Sud, auquel vous avez contribué...

    Oui. J’insiste sur l’importance de la prise en compte du contexte et le refus de tout essentialisme. Certaines féministes musulmanes elles-mêmes ne sont pas à l’abri de tomber dans l’essentialisme, en voulant faire la promotion d’« un » islam qui serait émancipateur. Ici, la question de la classe est aussi importante : la pensée féministe musulmane s’articule dans des cercles intellectuels, bien-pensants, très élitistes. Il faut rester très attentif aux dimensions de classe, car les féministes musulmanes de classes moyennes éduquées ne sont pas nécessairement les mieux placées pour parler d’égalité. Pour moi, être féministe, c’est englober toutes les formes d’inégalité, c’est être intersectionnelle, c’est remettre en question sa position de manière permanente, c’est reconnaître la pluralité des expressions de l’émancipation des femmes et des hommes.


    L’Irak occupe une place importante de votre réflexion. Vous écrivez notamment que ce pays permet de comprendre les liens entre genre, nationalisme et impérialisme. De quelle façon ?

    Ce serait très long à expliquer ! Mais ma recherche s’intéresse à l’histoire sociale, économique et politique des femmes irakiennes et à l’évolution des mouvements féministes irakiens depuis la formation de l’État moderne. Je m’intéresse notamment à la manière dont ces mouvements se sont organisés après l’invasion américaine de 2003. Je montre comment, notamment à travers les mobilisations autour du Code de la Famille (ou Code du Statut personnel), les questions de genre se sont reposées en Irak sur un mode confessionnel, lié à l’état général de destruction et de défaillance des institutions de l’État irakien — qui, depuis 2003, sous l’impulsion de l’administration américaine, est régi par un système ethno-confessionnel. La société et le territoire irakien sont maintenant fragmentés sur une base ethno-confessionnelle (Arabes/Kurdes, sunnites/chiites) et le régime au pouvoir a proposé, dans ce contexte, d’imposer cette fragmentation à la sphère des droits des femmes. Dans un contexte de résurgence de conservatismes sociaux et religieux et de violence politico-confessionnelle généralisée, la confessionnalisation du Code du Statut personnel signifie un retour en arrière en matière de droits des femmes.


    Vous vous revendiquez d’Angela Davis et de Chandra Talpade Mohanty. Nous avions interviewé la première, qui nous fit savoir qu’il fallait « comprendre la manière dont la race, la classe, le genre, la sexualité, la Nation et le pouvoir sont inextricablement liés ». Comment, pour votre part, concevez-vous la lutte du peuple contre les possédants, c’est-à-dire la lutte des classes ?

    C’est encore une question qui mériterait des heures de discussion. Ce que je peux dire, très simplement, c’est qu’on ne peut pas promouvoir l’émancipation humaine sans prendre en compte les différentes dimensions de l’oppression et des inégalités. Cela ne veut pas dire que tout se vaut : la classe, la race, le genre, la sexualité, etc. Mais qu’il faut rester attentifs à la manière dont les inégalités s’imbriquent et se nourrissent les unes aux autres. Il faut rester vigilant quant à leurs transformations et savoir revoir ses catégories au gré de l’évolution sociale et politique. J’aime cette idée de Chandra Talpade Mohanty qui dit qu’être féministe, c’est rester au « plus près » des réalités — et donc les analyser telles qu’elles émergent, et non à partir d’un schéma idéologique ou politique préétabli. Il faut écouter et être attentif à la souffrance pour ce qu’elle est, et non pas uniquement à partir de notre manière personnelle et située de la vivre et de la définir. Commencer par se situer soi-même est essentiel. Situer sa parole, situer d’où l’on parle, plutôt que d’universaliser ses énoncés, est une première étape. Tout le monde est situé socialement, économiquement, politiquement, etc. Et construit un discours depuis une position — et pour certaines raisons.

    Vous l’avez évoqué : toutes ces études sont parfois vues comme des productions universitaires et élitistes qui ne trouvent pas d’écho dans la base, sur le terrain...

    ... Cela est directement lié à ce que je viens d’évoquer : tout le monde est situé. C’est sûr, les productions universitaires et intellectuelles sont élitistes : il faut maîtriser certains codes, avoir un « capital » culturel et intellectuel pour pouvoir y accéder. Mais cela n’empêche pas leur nécessité. Aussi, il me semble que via Internet et des médias alternatifs comme votre site, il y a un accès plus grand aux outils de la pensée critique.

    Bien des hommes se découvrent féministes dès qu’il est question d’islam, alors qu’ils sont les premiers à se moquer des féministes toujours trop « excessives ». Vous appelez donc à « décoloniser le féminisme », expliquant que ce serait même « une chance » historique pour l’ensemble du mouvement féministe...

    ... Décoloniser le féminisme veut dire reconnaître les dimensions de classe et de race dans la pensée féministe hégémonique, et mettre à égalité les différentes expressions de la lutte contre le patriarcat, sans supposer une forme linéaire d’évolution des formes de luttes sociales et politiques.

    Zahra Ali 13 juin 2016

    Entretien de Zahra Ali par la revue Ballast

    http://www.cetri.be/Decoloniser-le-feminisme
     
     
    Lire aussi:
  • Maroc: lettre ouverte en réponse aux contre-vérités sur la dette publique (Cadtm)

     

    À M. Abdelilah Benkirane, Chef du gouvernement du royaume du Maroc

    Objet : En réponse à vos contre-vérités sur la dette publique

    Monsieur le chef du gouvernement,

    J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt votre réponse à la question relative « à la gestion de la politique publique dans le domaine de l’endettement extérieur et son impact sur l’investissement et les défis de la régionalisation » |1|, lors de la séance publique de la Chambre des conseillers (sénat) le 19 juillet 2016. Ce thème nous intéresse au plus haut point au sein de l’Association pour la taxation des transactions et en aide aux citoyens (ATTAC) au Maroc car nous sommes membre du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes. Notre réseau international milite pour l’annulation immédiate et sans conditions des dettes illégitimes au Nord comme au Sud, ainsi que l’annulation des dettes odieuses et enfin le CADTM se fixe comme objectif l’abandon par les États des Programmes d’ajustement structurel (PAS).

    En premier lieu, je voudrais vous remercier pour votre franchise. C’est la première fois qu’un responsable gouvernemental reconnaît publiquement l’existence de conditionnalités fixées par le FMI au Maroc afin de bénéficier de prêts. Cet aveu confirme ce que nous ne cessons de dénoncer depuis des années, la perte de la souveraineté nationale. Votre déclaration à la 2e chambre du parlement marocain contredit les propos de votre ministre des Finances qui ne cesse d’assurer que le Maroc ne s’engage pas sur des conditionnalités auprès du FMI. Le gouverneur de Bank al-Maghrib, la banque centrale du Maroc, assure aussi qu’il « n’y a point de conditionnalités ». Ces deux responsables signent pourtant la lettre d’intention au nom du Maroc, destinée au FMI concernant la Ligne de précaution et de liquidité |2|.

    M. le chef du gouvernement,

    Votre réponse au sujet du jour a comporté beaucoup de contre-vérités enveloppées dans un discours démagogique. Malheureusement, à force de prêter l’oreille aux conseils du FMI, votre foi dans le capitalisme et ses piliers (les équilibres macro-économiques, le libre marché, le libre-échange, la privatisation des services publics) vous aveugle.

    Permettez-moi à ce propos de vous présenter quelques réponses différentes des vôtres au sujet de la dette publique marocaine. Ces réponses contrediront ce que vous avez l’habitude d’entendre chez les experts du FMI et des autres institutions financières internationales et même des experts du ministère des Finances.

    La dette est-elle un choix naturel ?

    « La trésorerie d’un État est comme celle d’une famille, ses dépenses dépassent toujours ses recettes. Donc, comme pour les familles, l’endettement de l’État n’est pas un problème ». C’est en ces termes simplistes que le chef du gouvernement s’est adressé aux Marocains pour les rassurer face à la hausse continue de la dette publique. Mettons de côté que la comparaison entre budget d’une famille et d’un État est complètement inopérante, mais prétendre que l’endettement privé ou public est tout à fait naturel est faire preuve soit de mauvaise foi soit d’une méconnaissance des bases de l’économie.

    Dans le contexte où un État ne garantit pas un revenu décent, des services publics et une protection sociale de qualité, les ménages marocains ont recours de manière massive à l’endettement. La dette privée finance l’accès aux services de base et même aux besoins vitaux des familles. L’usage des micro-crédits pour ce type de dépenses est la preuve vivante de cette situation d’endettement des ménages. Le cas de centaines de femmes marocaines au sud et à l’est du pays témoigne de cette situation.

    Pour sa part, la dette publique est un instrument utilisé par les créanciers pour faire main basse sur les ressources et peser sur les choix politiques et économiques des pays dans le cadre d’une nouvelle forme de colonialisme. Dans la majorité des pays du Sud, le remboursement des dettes dépasse de loin ce que dépensent ces pays pour la santé, l’éducation, le développement rural et la création d’emploi.

    À titre d’exemple, il est prévu que le service de la dette du trésor marocain en 2016 s’élève à 69 milliards de dirhams, soit 17% des dépenses du Budget général de l’État (BGE). Le service de la dette représente une fois et demie le budget de l’éducation, cinq fois le budget de la santé, cent fois le budget de la culture et cent fois le budget du département de la femme, de la famille, du développement social et de la solidarité. Concrètement, si un État consacre autant de ressources de son budget pour rembourser une dette empruntée dans les années 80 et 90, toute possibilité de développement économique et social est à enterrer.

    « Le Maroc est un bon payeur »

    « Le Maroc a une excellente réputation auprès des banques et des institutions financières, nous remboursons tout ce que nous empruntons », vous targuiez-vous avec fierté et – peut-être-naïveté devant les députés. Sauf qu’en tant que chef du pouvoir exécutif vous avez oublié de signaler que le Maroc a même remboursé la dette du colonisateur français qui a emprunté aux noms de nos ancêtres des dettes colossales. Et que même après son départ le peuple marocain a continué à rembourser cette dette jusqu’aux années 90. Je rappelle ici que l’entrée du colonialisme français et espagnol s’est fait par le biais du piège de l’endettement.

    J’aurais pu partager votre fierté, M. le chef du gouvernement, si vous aviez pu auditer les dettes du Maroc empruntées durant les Années de plomb |3|. J’aurais pu être heureux de savoir où est parti l’argent du programme d’urgence pour la réforme de l’école marocaine ? Au lieu de faire valoir vos prérogatives, vous avez préféré verser des larmes de crocodile.

    « La dette, un choix politique »

    « L’État fait le choix de l’endettement pour financer l’investissement, c’est une décision politique ». C’est ainsi que vous justifiez l’envolée de l’endettement. Vous avez vu juste : l’endettement est une décision politique. L’endettement sert, in fine, les intérêts des classes dominantes. Au lieu de procéder à une réforme fiscale radicale et à la refonte du modèle économique actuel, vous préférez financer le déficit budgétaire par l’endettement, tout en réduisant les budgets d’investissement des départements sociaux. Cet endettement est une solution de facilité et hypothèque l’avenir des générations futures.

    « Vous croyez que les grands chantiers c’est gratuit ? Vous allez les payer ! »

    Avec « l’élégance » |4| du chef de gouvernement que vous êtes, vous avez assailli les Marocains par des propos médisants et insultants. Vous venez au parlement pour nous dire que la politique des grands chantiers ne tombe pas du ciel. La station solaire Noor |5|, le TGV, les autoroutes, etc, sont financés par de l’endettement et nous allons les payer pour les décennies à venir. Quelle découverte, M. le chef du gouvernement ! Les Marocain-e-s n’ont pas besoin que quelqu’un leur apprennent des choses sur leur pays. Le premier et dernier à financer ces projets est le peuple marocain par le biais de l’endettement et de la privatisation des entreprises publiques. Ces projets avalent une bonne partie du budget de l’État depuis quinze ans, ils sont priorisés sur les projets sociaux. Venir maintenant nous faire la leçon sur ce sujet : Non merci !

    Au sujet de l’effet supposé de ces projets sur la relance économique et l’attractivité du pays, permettez-moi de douter de la réalisation de cette prophétie. Prenons le cas du TGV Tanger-Kénitra |6|. Ce projet coûtera aux Marocains plus de 25 milliards de DH, financés entièrement par l’endettement extérieur et intérieur. Ce projet est synonyme de deux choses : l’absolutisme et le népotisme au Maroc, deux fléaux que vous vouliez combattre selon votre programme électoral. Ce projet symbolisme l’absolutisme politique car il a été décidé sans concertation et dans le cadre d’un deal politique entre la France du temps de la présidence Sarkozy et le régime marocain |7|.

    La dette et les dons du TGV sont conditionnés. Ceci veut que la France nous a « offert » des prêts avec des taux d’intérêts bas, pour s’assurer les gros marchés prévus dans le cadre du TGV. Tout le TGV marocain sera livré clef en main par la France, la maintenance incluse, le tout sans appel d’offres. C’est ici que le bât blesse, M. le chef du gouvernement, le Maroc a emprunté des sommes colossales pour financer un projet -plutôt un éléphant blanc- avec un impact social limité sur la population. Au même moment, des deniers publics sont transférés sous forme de marchés et de remboursement de la dette au capitalisme local et étranger.

    Pour toutes ces raisons, nous considérons, au sein d’ATTAC Maroc, membre du réseau CADTM, que l’endettement n’est pas une fatalité ou une mesure technique. La dette publique (externe et interne) engendre un transfert massif de richesses des peuples du Sud vers les prêteurs, les classes dominantes locales prélevant leur commission au passage. Tant au Nord qu’au Sud de la planète, la dette constitue un mécanisme de transfert des richesses créées par les travailleurs-euses et les petit(e)s producteurs-trices en faveur des capitalistes locaux et étrangers.

    Le piège de l’endettement se resserre sur le Maroc de nouveau (la dette publique représente 82% du PIB). Ce cercle infernal de la dette est une des figures du transfert du poids des réformes économiques d’une classe à une autre. Pourtant, cette dette est insoutenable économiquement et socialement |8|

    Enfin, j’ai le regret de vous informer que durant les quatre ans de votre mandat, vous étiez un ardent défenseur de ce transfert et à la pointe de l’offensive contre les classes populaires.

    Veuillez agréer, M. le chef du gouvernement, mes salutations distinguées.

    11 août  Salaheddine Lemaizi Militant d’ATTAC Maroc

    PS : Nous aurions aimé vous inviter à l’une de nos activités autour du thème de l’endettement, mais votre ministre à l’Intérieur (membre essentiel et décisif au sein de votre gouvernement), continue d’interdire ces activités et à harceler nos militant-e-s. À défaut de vous inviter, le site web de l’association et du réseau CADTM sont à votre disposition pour vous proposer une nouvelle perspective sur ce sujet .

    http://www.cadtm.org/Lettre-ouverte

  • Dossier: Syndicats dans le monde arabe (Afriques en luttes)

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    Articles "Syndicalisme" sur "Afriques en Lutte"
     
     
  • Des prisonniers palestiniens en grève de la faim (AFPS)

    Palestine : prisonniers en grève de la faim - YouTube Réalisation : Chris Den Hond

    La détention administrative, un héritage britannique

    Juillet-août 2016 : des centaines de prisonniers palestiniens se sont mis en grève de la faim contre le système de la détention administrative israélienne.

    Interview de Sahar Francis, directrice d’Addameer, association palestinienne de défense de prisonniers, avec images de manifestations de soutien aux grévistes.

    Orient XXI, vendredi 12 août 2016

    http://www.france-palestine.org/Des-prisonniers-palestiniens-en-greve-de-la-faim

    http://orientxxi.info/

     

  • Ce pire qui nous inspire (ESSF)

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    « Israël tend à devenir, dans le contexte de la guerre à outrance livrée à l’islamisme, un modèle stratégique en tant qu’Etat de sécurité avancé »

    Un basculement décisif est en train de se produire subrepticement dans la politique conduite par nos gouvernants. Cette bifurcation se produit au point de jonction de la politique intérieure et extérieure. Elle présente également la caractéristique de ne porter la marque d’aucun parti de gouvernement en particulier – elle est l’œuvre des socialistes et de leurs alliés pour la simple raison que ce sont ceux-ci qui sont actuellement aux affaires, comme elle pourrait l’être aussi bien de leurs concurrents ; on a pu en relever les prémisses sous Sarkozy déjà, et ce mouvement se poursuivra au delà des péripéties de l’élection présidentielle à venir, quelle qu’en soit l’issue.

    Ce tournant consiste en ceci :

    pour ceux qui nous gouvernent (notion à entendre dans son sens extensif, incluant les médias, entre autres), l’Etat d’Israël cesse d’être en premier lieu cette dite « démocratie » passablement interlope mais à laquelle il n’est pas pour autant question de ménager son soutien – fût-ce, en plus d’une occasion, en se pinçant le nez.

    Israël, de partenaire stratégique nécessaire, tend à devenir, dans le contexte de la guerre à outrance livrée à l’islamisme, un modèle stratégique en tant qu’Etat de sécurité avancé. Cette inflexion, dont on imagine aisément toutes les promesses qu’elle recèle pour nous en général et, en particulier pour les populations d’origine coloniale dans notre pays, est devenue tout à fait explicite après l’attentat du 14 juillet à Nice : dès le surlendemain, on pouvait entendre un haut gradé militaire israélien expliquer sur les ondes de France Inter, à une heure de forte écoute, comment cet attentat aurait pu être évité si l’on avait su s’inspirer des techniques sécuritaires rodées de longue date dans la lutte contre le terrorisme… palestinien ; et de proposer d’un ton protecteur l’assistance de l’Etat hébreu à la France, le terrorisme islamiste étant un et indivisible, et les Palestiniens en lutte contre l’occupation de leurs territoires de la même eau que Daech [1]

    Quelques jours plus tard, c’est un autre « expert », politique, celui-ci qui, dans les colonnes de Le Monde, mettait en perspective historique, pour en fin de compte les justifier par la nécessaire construction d’un Etat de sécurité, les massives atteintes aux droits de l’homme perpétrés par l’Etat sioniste au détriment des Palestiniens : « Alors qu’Israël est en général jugé et condamné pour la domination qu’il exerce sur les Palestiniens des territoires occupés, voilà que, du fait de la vague terroriste qui submerge le monde, on se penche aujourd’hui sur la lutte anti-terroriste menée par Israël et sur la vigilance publique qui contribue, elle aussi, à relever le défi » [2].

    Ces petits coups de pouce médiatiques destinés à vanter le savoir-faire israélien en matière de lutte contre le terrorisme arabo-musulman ne sont que la musique d’accompagnement de choix politiques au long cours opérés par les gouvernants de ce pays.

    Désormais, quand Manuel Valls proclame à l’occasion du dîner du CRIF (depuis longtemps réduit au statut d’officine propagandiste de l’Etat d’Israël en France) que l’antisionisme est une variété d’antisémitisme, il ne s’agit plus d’une simple et traditionnelle action de lobbying idéologique en faveur de cet Etat dont la doctrine fondamentale est que la force créé la loi [3]. Il s’agit bien désormais de frayer la voie à la notion d’une exemplarité pour nous, en France (et dans tous les pays menacés par le terrorisme islamiste) des doctrines et dispositifs sécuritaires et répressifs expérimentés par les autorités politiques et militaires israéliennes au détriment des Palestiniens – depuis les origines de l’Etat sioniste et en particulier depuis la première Intifada. [4] Il s’agit bien désormais de donner à entendre à l’opinion publique française (et internationale) que « nous » avons un problème avec l’activisme arabo-musulman comme Israël en a un. Et qu’en conséquence, dans l’esprit comme en pratique, les méthodes israéliennes sont bien fondées, désormais, à nous inspirer.

    Le premier article de foi de cette doctrine nouvelle est l’énoncé qui, depuis les attentats de 2015, s’est transmis de bouche en bouche parmi nos dirigeants et leurs supplétifs médiatiques et intellectuels : nous sommes en guerre.

    Cet énoncé est à la base de ce qui, depuis la fondation de l’Etat d’Israël, est destiné à justifier la coexistence d’une sorte d’Etat de droit (dont bénéficie la population d’origine juive) et de dispositifs d’exception et de ségrégation s’appliquant aux Palestiniens. Ces dispositifs ont évolué au fil du temps et la conquête de nouveaux territoires, au fil des guerres gagnées contre les Etats arabes ; l’existence des territoires occupés et le développement sans relâche de la colonisation juive de ces territoires les a établis désormais au cœur de l’Etat de sécurité israélien.

    Ce nous sommes en guerre acclimaté aux conditions françaises (une guerre qui n’est pas près de finir et qui peut-être ne finira jamais) est fondé sur l’idée que « nous » (communauté nationale, communauté de destin fondée sur le partage de la culture, des traditions et de l’amour du pays, mais surtout, en l’occurrence, communauté fusionnée avec l’Etat) avons désormais à prendre en considération ceci : en raison de conditions malheureuses et imprévisibles, il nous faut compter avec l’existence dans notre corps même, dans notre espace vital, de l’existence d’un virus mortel – l’islamisme.

    Ce virus a le visage inhumain d’un hyper–ennemi avec lequel nous sommes désormais engagés dans une lutte à mort. Cet ennemi est d’un type nouveau, il ne ressemble à aucun des ennemis, même les plus acharnés, que nous avons connus dans le passé. Il est non seulement ennemi de l’Etat, mais tout autant de la population, il a indifféremment le visage de l’ennemi intérieur ou extérieur, du proche (le gars de chez nous) ou du lointain (l’importateur étranger de l’idéologie barbare des Daéchiens). Il peut se faire indétectable, certains de ses représentants les plus redoutables étant des convertis, des « radicalisés » de l’avant-veille, des gamins sans traits distinctifs dont les voisins témoignent, à la télé, qu’on leur aurait donné le Bon Dieu sans confession…

    C’est dans cette brèche que va s’engouffrer l’inspiration israélienne qui, depuis les attentats de 2015, a saisi nos dirigeants : trouver les dispositifs sécuritaires aptes à faire face à cette réalité pérenne qui trouve son expression dans la formule volée au discours révolutionnaire du temps de la première guerre mondiale l’ennemi est dans notre propre pays, voilà qui conduit tout naturellement à se rapprocher de l’« expérience » d’une puissance qui, tout en faisant en sorte de cultiver son aura « démocratique » auprès du monde extérieur, a su assumer sans état d’âme son destin d’Etat de sécurité expert à organiser la coexistence des institutions démocratiques et de dispositifs d’exception destinés à surveiller, punir et ségréguer cette fraction de la population considérée comme non seulement un vivier de terroristes mais, fondamentalement, étrangère et hostile au destin d’un l’Etat-nation fondé sur une ethnicité affirmée avec d’autant plus d’intransigeance qu’elle est nébuleuse – un « Etat juif ».

    Ce qui prévaut dans l’approche de l’hyper-ennemi, c’est son caractère essentialiste : il nous hait et veut notre mort non pas pour ce que nous (lui) faisons mais pour ce que nous sommes – ceci parce qu’il est ce qu’il est – un barbare, un étranger au genre humain. Cette approche de l’ennemi est ce que les promoteurs sionistes du récit de stigmatisation des Palestiniens comme terroristes intrinsèques et les activistes de l’anti-islamisme en France ont en commun : pour les premiers, les Palestiniens haïssent les Juifs et Israël non pas à cause de la colonisation et de l’apartheid qu’ils subissent, mais en premier et dernier lieu parce qu’ils sont des antisémites incorrigibles ; pour les seconds, les islamistes et les auteurs des attentats veulent notre mort non pas parce que la France développe une politique néo-coloniale au Proche-Orient et en Afrique, mais parce que nous sommes le pays des droits de l’homme et de la douceur de vivre [5]. Cette approche compacte de l’ennemi présente l’immense avantage de nous dispenser d’écouter ce que dit celui-ci et d’avoir à prendre en considération ce que « ses raisons » pourraient être – tout ceci n’est que faux-semblant et rideau de fumée. Une seule solution, donc, la force et, pour une part, l’éradication.

    Ce qui, entre autres éléments plus pratiques, va nourrir la force d’attraction du topos israélien et tendre pour nos dirigeants à l’ériger en modèle, c’est donc l’heureuse (façon de parler) coexistence entre le bon renom de « la démocratie » et l’infini des possibilités de l’état d’exception incluant des pratiques d’apartheid caractérisées. Ce qui, pour nos dirigeants désireux de tirer le meilleur parti possible de la « menace islamique », apparaît particulièrement fascinant dans le « modèle » israélien, c’est la forme d’un état d’urgence modulable, en situation de perfectionnement constant, sélectif et discriminant, et dont la caractéristique est de pouvoir s’appliquer sur la fraction de la population étiquetée comme dangereuse, à risque(s) en relation avec le syndrome terroriste, sans que pour autant soit massivement affectée l’existence des autres – ceux qui, rassemblés sous le panache tricolore identitaire, reprennent la Marseillaise en choeur au début des matches de foot, respectent les minutes de silence au doigt et à l’oeil et communient avec les victimes quand l’heure est au deuil national [6].

    Or, Israël est l’Etat qui est passé maître dans l’art de faire coexister ce double réseau de vie « normale », encadrée par la loi (et protégée par le bouclier militaro-policier) de vie démocratique cool pour les uns (la Tel-Aviv hédoniste) ou rigoriste pour les autres (la Jérusalem religieuse) et de vie rétrécie/enfermée/réprimée/discriminée/humiliée pour les autres, bref d’assurer la pérennité d’une démocratie d’apartheid, bel oxymore qui, apparemment, ne choque pas vraiment les marchands de sable de « la démocratie », en Occident, soutiens indéfectibles de ce centaure. C’est l’apparente exemplarité de ce double réseau qui intéresse vivement nos dirigeants qui se demandent comment mettre en place durablement des formes de gouvernement « raccourcies », à l’urgence, qui ne fassent pas ouvertement basculer le « démocratique » dans l’autoritaire pour autant, qui concilient le règlement formel de l’institution démocratique avec l’efficacité des dispositions administratives et policières ; qui permettent de gouverner sans faiblesse et de réprimer au besoin sans s’embarrasser de formes ceux qui incarnent le risque lié au terrorisme – sans pour autant que les autres (ceux qu’il convient de rassembler face à la « menace islamiste ») se sentent affectés par une transformation qualitative s’étant produite dans la relation entre gouvernants et gouvernés.

    L’état d’urgence, en ce sens, est taillé sur mesure et en dépit des possibilités infinies qu’il ouvre en termes de répression et de restriction des libertés par voie administrative et policière [7], il ne vise pas, par un coup de force massivement suspensif des libertés de tous et chacun, à faire passer la société toute entière sous les Fourches Caudines d’un pouvoir autoritaire ; il cherche surtout à donner un tour irrévocable à la fracture entre, disons, le parti de la manifestation unanimiste des lendemains des attentats de janvier 2015 et les autres, ennemis potentiels de l’Etat et vivier éventuel du terrorisme (les musulmans considérés comme non « modérés », id est partisans déclarés de l’assimilation et apôtres de la laïcité républicaine, bref les musulmans Canada Dry…).

    A la différence de l’état de siège, dispositif lourd qui suppose une suspension du fonctionnement de l’institution politique et un transfert de tous les pouvoirs à l’armée [8], l’état d’urgence tel qu’il a été mis en place après les attentats de novembre 2015 se destine à assurer la continuité des formes gouvernementales et la stabilité des relations entre gouvernants et gouvernés pour la grande majorité de la population – tout en installant une constellation de dispositifs permettant de combattre l’hydre du terrorisme par les moyens expéditifs requis.

    A ce propos, une approche des effets de l’état d’urgence classiquement soucieuse de la défense des libertés et de la sauvegarde de l’Etat de droit passe largement à côté du problème. Quand Agamben, dans cette même optique écrit que « Dans un pays qui vit dans un état d’urgence prolongé et dans lequel les opérations de police se substituent progressivement au pouvoir judiciaire, il faut s’attendre à une dégradation rapide et irréversible des institutions publiques » [9], il élude aussi une dimension du problème. En effet, la visée de ce dispositif et son effet effectif sur le terrain ne sont pas tant de produire une dégradation homogène des droits de chacun et des libertés du citoyen, sujet éminemment abstrait et fictif en l’occurrence, mais bien d’accentuer la fracture et le contraste entre deux « parts » ou deux régimes de la population. C’est que, quand bien même elles seraient censées, sur le papier, s’appliquer à tous et toutes, les mesures forgées dans le creuset de l’urgence s’abattent sur certaines catégories tout à fait déterminées : les perquisitions en forme de raids de vandalisation, les assignations à résidence, les contrôles au faciès renforcés, le serpent de mer de la déchéance de nationalité, le regroupement familial compliqué voire rendu impossible, les naturalisations ralenties, les mosquées fermées, les contrôles vestimentaires renforcés, les bavures policières exonérées, etc.

    Ce n’est donc pas du tout la population qui, de façon homogène et dans son ensemble, serait appelée à souffrir du tour d’écrou autoritaire effectué sous le couvert de l’état d’urgence ; en premier lieu, c’est ce qu’Agamben, précisément, appellerait la « fracture biopolitique » entre une partie de la population et l’autre qui se trouve renforcée et qui, sous l’effet de ces dispositifs, prend un tour en quelque sorte « destinal » – cette fracture se trouvant ainsi inscrite dans un horizon de « lutte à mort », de questions de vie et de mort. La plupart de ceux/celles au nom de la protection desquels sont adoptés les dispositions placées sous le signe de l’urgence ne les éprouvent pas comme atteintes à leurs libertés mais comme mesures de protection rendues nécessaires par la montée des menaces contre leur intégrité – menaces perçues comme « mortelles » par une opinion dont la pâte est efficacement pétrie par les médias et les marchands de peur.

    Bien rares seront ceux qui, dans ce contexte, s’offusqueront de ce que des policiers ou des gendarmes, voire des auxiliaires aux statuts indéfinis autant que nébuleux leur demandent d’ouvrir le coffre de leur voiture – celui qui « n’a rien à se reprocher » se fait volontiers le partenaire de la compression des libertés publiques. L’Etat sécuritaire, bien loin de fonctionner seulement au tour de vis, suppose la mobilisation d’une partie de la population (celle qui se coagule à l’Etat et voit le monde par les yeux de la police) au service de la « sécurisation » (bien illusoire) de la vie sociale, comme le montre l’attentat de Nice perpétré dans l’une des villes de France où la mise en condition sécuritaire de la population est des plus avancées.

    Mais, de même que l’attentat de la Promenade des Anglais ne demeure une énigme que si l’on oublie que la prospérité de cette ville est construite sur un apartheid inscrit dans sa géographie urbaine et humaine, de même, la mobilisation de la partie de la population rendue aux conditions de la police et soumise au discours sécuritaire a pour condition expresse et rigoureuse la cristallisation de son animosité à l’endroit des « autres » – ceux/celles que le discours de l’Etat désigne comme le vivier du risque, le monde de l’ennemi – aujourd’hui, donc, tout ce qui s’associe au nom de l’Islam.

    Or, s’il est un pays dans lequel cette fracture biopolitique a été systématiquement construite comme le fondement même de la gouvernementalité, édifiée sur l’opposition « destinale » entre Juifs et Arabes, une opposition ethnicisée et culturalisée à outrance – c’est bien Israël. On peut dire à cet égard que l’état d’urgence n’est que la manifestation ponctuelle d’un projet stratégique consistant à inscrire dans les rouages même du gouvernement des vivants l’opposition (et pas seulement la séparation) entre peuple légitime (peuple renationalisé et loyal à l’Etat) et population dangereuse car ferment de dissolution ou de destruction violente de la communauté nationale vigoureusement reterritorialisée en termes ethniques, culturalistes et fallacieusement religieux.

    Que ce soit en Israël aujourd’hui ou dans la France de l’état d’urgence, les populations dangereuses sont toujours épinglées sur un mode néo-orientaliste comme celles qui réactivent dans le présent de manière aussi absurde qu’intempestive des différends ou de vieilles plaintes coloniales d’un autre temps, des griefs historiques d’une autre époque. Ce qui rend ces post/néo coloniaux particulièrement enragés et dangereux, c’est le fait même qu’ils s’obstinent à ne pas comprendre que « l’Histoire a tranché » et que les torts subis, les crimes supposés dont ils s’acharnent à réclamer réparation sont prescrits de longue date. « Le musulman » ou l’Arabe de ce nouvel orientalisme n’est plus tant alangui, avachi, lascif, sale, comme il l’était dans les récits de voyage du XIX° siècle que « radicalisé », fanatisé, emporté par son instinct de mort et sa fascination pour le sacrifice [10]. Mais toujours, comme avant, fourbe et porté à la dissimulation – à défaut de davantage de lumières sur l’Islam, les Français ont récemment appris à la radio et dans les journaux un mot d’arabe – la taqia, la dissimulation stratégique de ses dispositions et intentions, destinée à tromper l’« infidèle »…

    Il est intéressant que nos gouvernants et nos experts de la lutte antiterroriste se tournent spontanément aujourd’hui, face à la « menace islamiste », vers le « modèle » israélien [11] plutôt que vers les souvenirs et traditions de la colonisation française et les vieilles recettes de la contre-insurrection, élaborées et mises à l’épreuve avec le succès que l’on sait dans le creuset des guerres de décolonisation (Indochine, Algérie). A l’évidence, le 11/09 fait ici époque en dessinant le nouvel horizon de la lutte contre le terrorisme islamique d’une manière si emphatique, obsessionnelle et exclusive que les racines coloniales du gouvernement à l’urgence (de l’état d’urgence comme figure dédramatisée de l’état d’exception) perdent leur visibilité. Ce qui permet à tous ceux qui pratiquent le déni de la dimension coloniale de notre histoire nationale d’affirmer que notre présent aux prises avec le terrorisme islamiste est « sans rapport » aucun avec le passé colonial (hermétiquement refermé sur lui-même).

    Cette opération de déliaison ou de découpage est nécessaire pour que le « modèle » israélien puisse s’imposer comme incontournable : l’Etat israélien n’a-t-il pas, par la force des choses, pris plusieurs longueurs d’avance dans la lutte contre la « violence aveugle » mise en œuvre par les extrémistes palestiniens – les attentats contre les civils innocents, les kamikazes, les attaques au couteau, à la voiture-bélier, la nécessaire veille sécuritaire perpétuelle – bref, la guerre au terrorisme ne font-ils pas partie, depuis toujours du quotidien de la population (des « vrais habitants ») en Israël ?

    L’israélisation de la politique française passe par le fait que l’Etat de sécurité tende à devenir le désir propre d’une partie substantielle de la population française (vivant en France), plutôt que les « formes de l’urgence » soient perçues par les gens ordinaires comme des contraintes et des restrictions imputables à la violence du pouvoir. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’au train où vont les choses, à supposer que l’actualité française continue durablement à être scandée par des épisodes comme ceux de Nice ou de Saint-Etienne du Rouvray, rien ne permet d’exclure que ce calcul des gouvernants s’avère payant. Encore une fois, le fait que cet alignement du sécuritaire à la française sur le paradigme israélien ne soit ni de droite ni de gauche (aux conditions de la politique des partis) assure la pérennité de l’application à le traduire en pratique – pas de souci de continuité, de ce point de vue, dans la perspective de la prochaine élection présidentielle.

    En bref, les dispositifs découlant de cette perspective se déploient à deux niveaux : la population et le territoire. Au premier d’entre eux, la très grande majorité de la population sait bien que l’état d’urgence et le tour de vis sécuritaire, la « guerre » déclarée aux islamistes – tout cela n’aura guère d’incidence sur sa vie quotidienne. On ne se mobilise pas en masse, dans un climat d’asthénie collective et de grand dégoût de la politique pour la défense de droits et de libertés dont on a (soit dit avec une infinie tristesse plutôt qu’avec cynisme) de moins en moins l’usage. On ne se mobilise pas sur des questions de principes quand on est porté à considérer que, dans le domaine de la vie publique (polis, politeia, civitas, res publica et toutes ces sortes d’antiquités…), tout se vaut et que ce tout ne vaut rien, ou pas grand chose. Dans le contexte de l’actuelle hystérie anti-islamiste inlassablement entretenue par les médias, d’un épisode sanglant à l’autre, la formation des meutes de chasse et de représailles tend à dépasser les espérances et les calculs du pouvoir – au point de risquer, un jour, de devenir incontrôlable – comme c’est régulièrement le cas en Israël lorsque se produisent des attentats.

    Sur ce plan, Agamben a raison de souligner que « dans l’Etat de sécurité, on voit se produire une tendance irrépressible vers ce qu’il faut bien appeler une dépolitisation progressive des citoyens dont la participation à la vie politique se réduit aux sondages électoraux » [12]. Mais à cela il conviendrait d’ajouter que la mobilisation sécuritaire perpétuelle de la population tend inéluctablement à produire des effets en retour qui entraînent une radicalisation autoritaire, raciste et fascisante – si ce n’est fasciste tout court – des personnels politiques et autres gouvernants : sur ce point aussi, Israël est, si l’on peut dire, un parfait « exemple », la surenchère sécuritaire entendue comme joker du gouvernement des vivants débouchant inévitablement sur l’arrivée aux affaires des partisans des solutions extrêmes dans le « traitement » de la dite question palestinienne [13].

    Depuis les attentats de janvier 2015, c’est au même processus exactement de radicalisation des corps de l’appareil d’Etat et des appareils idéologiques s’y rattachant que l’on assiste, sous l’effet de la montée des obsessions et des surenchères sécuritaires. Du coup, c’est tout le gouvernement des populations qui se trouve déporté vers l’autoritarisme, le néo-nationalisme, l’idéologie du rejet, emporté par une sorte de désir répressif sans borne – un désir de camps, de Guantanamo, de stalag et de goulag pour l’ennemi désigné et qui, chez les plus empressés, ne se dissimule même plus… Sur la Promenade des Anglais, au lendemain de l’attentat, le discours de haine se libère et le désir de ratonnade prend corps sur le modèle israélien (« Mort aux Arabes ! » est à dans ce pays le cri de ralliement courant des bandes fascistes et suprémacistes ultra-sionistes dans la foulée de tout événement sanglant mettant en cause des Palestiniens). De même du côté des gens de l’Etat en cours de radicalisation accélérée, de l’ancien ministre au flic de base, monte la fièvre de la vindicte et l’affect du « rétablissement de l’ordre ». Le fait qu’en peu de mois le terme « radicalisation » soit devenu un mot clé, magique et puissant, de ce qui tient lieu d’analytique politico-médiatico-savantasse du phénomène djihadiste fait écran à ce processus d’une tout autre importance qu’est la radicalisation de corps variés de l’appareil d’Etat à l’occasion de l’actualité djihadiste, mais aussi bien des mouvements dits sociaux récents : police, justice, armée, même, dont certains hauts gradés réclament, dans le contexte agité du moment, le droit de sortir de son rôle de « grande muette » [14].

    A l’occasion des manifestations contre la loi El Khomry, on a vu non seulement les flics, se sentant couverts, s’en donner à cœur joie mais de nombreux juges se joindre à la frairie sans état d’âme en condamnant comme à l’abattage les manifestants arrêtés par la police [15]. « Il faut que l’ordre règne à Paris ! », statuait un haut magistrat, d’un ton réglementairement versaillais.

    L’onde sécuritaire emporte tout sur son passage. Dans le contexte de l’attentat de Nice et du meurtre du prêtre de Saint-Etienne du Rouvray (juillet 2016), il n’est pas question qu’une autre actualité violente que celle des crimes d’inspiration islamiste vienne parasiter le message qui désormais circule en boucle – « ils s’en prennent à notre civilisation chrétienne, ils profanent ce que nous avons de plus sacré – nos églises ! ». Par conséquent, lorsque Adama Traoré meurt par asphyxie au cours de son interpellation par les gendarmes le 19 juillet à Beaumont-sur-Oise, dans le contexte d’une de ces « émotions » de quartier sensible qui font désormais partie du paysage post/néocolonial français, le procureur de la République de Pontoise, en zélé préfet judiciaire, censure par deux fois les rapports d’autopsie et tente d’accréditer la fable selon laquelle le jeune homme souffrait, avant son arrestation, d’une pathologie si grave que son décès s’avère sans rapport aucun avec des violences subies… Les gendarmes, eux, admettent dans leur rapport sur les conditions de l’arrestation, qu’ils ont « pesé » de tout leur poids (ils s’y sont mis à trois) sur Traoré pour l’immobiliser et les deux rapports d’autopsie mentionnent explicitement des « manifestations d’asphyxie ». Tandis donc que l’assassinat du prêtre de Saint-Etienne du Rouvray devenait un événement mondial et que le Pape en personne rendait hommage au martyr (un mort), le mensonge d’Etat s’appliquait à faire passer cet autre mort, la victime d’un autre registre de violence, non moins récurrent et obsédant que la violence islamiste (celle des flics), par pertes et profits – circulez, il n’y a rien à voir ! – injonction devant laquelle, fort heureusement, la famille et les amis d’Adama Traoré n’ont pas plié [16].

    A l’évidence et moins que jamais, dans le contexte sécuritaire construit par les syndics de faillite qui nous gouvernent, les morts de mort violente ne sont égaux. Si le procureur (de la République) de Pontoise cachetonnait aux Indigènes de la République plutôt qu’au ministère de la Justice, il ne s’y prendrait pas autrement pour faire valoir qu’en ladite République, seule compte la vie « blanche », et que quand, de surcroît, celle-ci est catholique et en soutane, le mort noir et indigène n’a plus qu’à se faire pardonner d’avoir un jour existé et à aller se faire enterrer au Mali.

    C’est ainsi, donc, que la radicalisation de l’Etat qui ne se trouve pas cantonnée dans les appareils de partis et les corps répressifs (on a vu, notamment après les attentats de janvier 2015, comment elle avait prise sur le corps enseignant embarqué dans la croisade de la défense de la laïcité) prend la forme d’une levée générale des inhibitions. On ne saurait durablement se dire et se sentir « en guerre » sans entrer dans de nouvelles dispositions ni voir se dessiner un nouveau champ d’action : la simple mise en condition de l’opinion ne suffit plus, la mobilisation est en marche ; avec la création de cette sorte de garde nationale à la Juin 1848 que l’on nous annonce, chaque citoyen décidé à prendre sa part à la lutte contre la menace vitale que font peser sur nous les combattants du djihad devient un soldat de l’ordre. C’est le temps des milices, de la vigilance patriotique, du devoir civique de dénonciation. Autant de gestes requis par l’autorité et que la population juive a, en Israël, de longue date intériorisés.

    Les dispositifs de contrôle se nouent à cette nouvelle subjectivité du citoyen mobilisé. Certains points de passage comme les gares, les sorties de métro, l’entrée dans certains lieux publics qui pour certains étaient des nasses destinées à la capture des sans papiers peuvent devenir de véritables checkpoints voués à la détection des terroristes [17]. Les fouilles, effectuées par des agents de sécurité deviennent banales et routinières. Les mailles du filet militaro-policier et para-policier se resserrent, notamment dans les espaces urbains, davantage à des fins de production parmi la population d’effets d’accoutumance à l’omniprésence des forces dites de l’ordre, dans le paysage quotidien, que dans le but de « sécuriser » le territoire, tâche hors de portée. Il s’agit bien de produire un « peuple » de l’Etat de police qui intériorise et fait siennes les dispositions du gouvernement à l’urgence et à la sécurité. Un peuple suffisamment dépolitisé et mis en condition par le discours anxiogène et belliqueux du pouvoir pour faire bon accueil aux mesures sécuritaires mettant à mal les libertés publiques et pour perdre entièrement de vue la notion d’un Etat de droit dont il serait, contre les abus et les coups de force du pouvoir, le gardien non moins que le bénéficiaire.

    Il s’agit somme toute pour les gouvernants de créer parmi la population les conditions propices à la maturation de l’idée (si l’on peut dire…) selon laquelle il y a une guerre à gagner, une guerre contre le terrorisme, celle-ci ne se déroulant pas seulement sur des théâtres d’opérations lointains où ce sont « les autres qui meurent », mais chez nous et parmi nous aussi, une guerre où tombent parfois des victimes qui nous ressemblent et pourraient être nos proches, nos amis, nos voisins. Dire cela, c’est dire aussi qu’il y a un ennemi à haïr, tant il est à la fois redoutable et abject, et tenter de faire en sorte que cristallise cette haine d’une manière telle que tout le reste s’efface au profit du rassemblement contre ce qui menace notre intégrité collective – l’ampleur des résistances suscitées par la loi modifiant le droit du travail montre que le compte n’y est pas encore tout à fait [18]. Mais la contamination de la population par l’esprit de l’exception n’en continue pas moins à progresser : nul ne s’émeut du caractère de guerre sans prisonniers que revêt le combat que l’Etat français conduit contre les terroristes et assimilés non seulement sur les théâtres éloignés de l’affrontement, en Syrie ou dans le Nord du Mali, mais en France même ; lorsque les unités dites d’élite de la police entrent en action contre des auteurs d’attentats, c’est pour les éliminer et non pas pour les arrêter en vue de les mettre à la disposition de la Justice. Il y a quelque temps déjà que l’opinion s’est accoutumée au fait que le terme « neutraliser » signifie, dans la bouche des journalistes et autres fabricants d’énoncés corrects, tuer, liquider.

    Ceci quand bien même le « terroriste » serait un déséquilibré qui part à l’assaut d’un commissariat de police aux cris de « Allahhou Akhbar ! » armé d’un hachoir à viande et se fait « neutraliser » par un flic armé d’un pistolet-mitrailleur et harnaché d’un gilet pare-balles. Lors de l’assaut de Saint-Denis où les tirs de la police se comptent par milliers et ceux des « terroristes » (dont une femme qui n’a pas participé aux attentats) à l’unité. A Saint-Etienne du Rouvray, l’on crible de balles sur le parvis de l’église deux types armés de couteaux. C’est une battue, l’hyper-ennemi est une bête malfaisante et le rétablissement de l’ordre ne serait pas complet si l’affaire ne s’achevait pas sur ce rite d’extermination emboîté dans les rites d’exécration. Là aussi, ces exécutions sommaires de l’outlaw ont non seulement un parfum de western mais aussi bien de conduite de la guerre contre l’ennemi intime à l’israélienne. Pour le moment, on permet encore en France aux familles d’inhumer les cadavres des auteurs d’attentats à la sauvette, ce à quoi ne consent pas toujours d’Etat d’Israël [19].

    Insistons sur ce point capital : sur l’immense majorité des gens, l’état d’exception glisse comme l’eau sur les plumes d’un canard. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la perspective même de sa reconduction indéfinie n’émeut pas grand monde, pour peu que les interdictions de braderies et autres festivités ne se fassent pas trop pesantes. Le point de bascule se situe ailleurs : l’état d’urgence dont la mise en œuvre ne relève pas d’un coup de force affectant le vie quotidienne de tous et chacun, mais s’effectue sans rupture marquée avec l’ordre constitutionnel, expose la partie ciblée de la population (le vivier supposé du « terrorisme ») à une répression d’abord administrative venant doubler la répression policière, là où auparavant, la Justice était appelée à statuer et agir : ce sont les perquisitions expéditives et les assignations à résidence, placée sous le signe des mesures dont l’exécution ne saurait s’embarrasser de procédure lourdes et lentes – l’urgence, toujours. L’administratif, c’est ici ce qui permet à l’exécutif de s’assurer, sans passer par la case de la Justice, du corps de suspects épinglés selon leur appartenance à une catégorie dont l’Etat (la police, les services de renseignement) définissent les contours – les « islamistes » [20]. Le propre de ce type de pratiques (les perquisitions comme les assignations) est de ne pas se trouver entravées par des complications formelles, ce qui va permettre par exemple de placer un individu aux arrêts à domicile sans fixer de terme à cette peine qui ne dit pas son nom – « décision » est l’euphémisme qui désigne ici la peine, bien réelle, infligée sans passer par la case Justice.

    En Israël, l’emprisonnement sans terme et par simple par décision administrative de Palestiniens soupçonnés de menées hostiles à l’Etat est une pratique courante, héritée de l’époque du Mandat britannique. On a là une matrice qui « travaille » dans des conditions où s’impose la notion d’une population établie dans les frontières de l’Etat et dont le propre serait d’être, in totto, un vivier pour le terrorisme – les Palestiniens en Israël, les musulmans activistes en France. Lorsque cette notion tend à s’enraciner dans le corps social, les dispositifs de dépistage, de tri sélectif, de surveillance, d’épinglage et de discriminations fondés sur l’origine ou la croyance (tout ce qui est de la graine d’hyper-ennemi) peuvent s’installer sans susciter de protestations massives : fichiers « S », contrôles au faciès renforcés, criminalisation des affirmations intempestives d’appartenance à l’Islam, chasse aux mineurs, etc..

    Ce qui fait encore la différence, ce sont les questions de territoire : les Palestiniens occupés sont pris dans la nasse de « leurs » territoires où ils sont assignés à un régime d’occupation militaire assorti de toutes sortes de restrictions à géométrie variable et d’où ils ne peuvent sortir que sous conditions – ou pas [21]. Nous n’en sommes pas tout à fait là, mais on remarquera que la territorialisation du conflit de l’Etat avec les post-coloniaux va bon train : lorsque le 30 juillet dernier, les amis d’Adama Traoré déposent une déclaration de « marche » à Paris (Gare du Nord-Bastille), dûment enregistrée par la Préfecture de Police, ils n’en sont pas moins bloqués par la police : pas question que les indigènes de Beaumont-sur-Oise viennent importer leur tort subi dans les rues de la capitale – et c’est ici, comme souvent, les gares du Nord et de l’Est parisiens qui font office de checkpoints [22].

    Si l’on trace une ligne reliant tous ces traits dispersés du gouvernement des vivants qui vient, on voit se dessiner une figure cachée de la politique. Une figure dynamique dont le propre est que la direction qu’elle imprime à la vie politique échappe totalement à ses acteurs. En Israël, la surenchère sécuritaire sur laquelle surfent les équipes ou plutôt les combinaisons dirigeantes successives est cette fuite en avant qui constitue le seul expédient permettant à un peuple de l’Etat (rassemblé comme illusoire peuple ethnique mais fait en vérité d’une multitude de pièces rapportées et traversé par des inégalités sociales violentes et toutes sortes d’autres facteurs de division et d’éclatement) de tenir ensemble envers et contre tout. Israël est tout sauf une nation et n’est « un peuple » qu’à la condition d’une guerre perpétuelle contre un autre peuple, dépossédé de sa terre. Un peuple en astreinte guerrière, otage du militarisme de l’Etat.

    Dans ces conditions, l’unique exutoire sécuritaire et son envers, la conquête via l’occupation et les colonies des terres palestiniennes sont ce ressort effectif d’une politique qui, de ce fait, est vouée à prospérer sur cela même qu’elle prétend combattre : le quadrillage des territoires occupés par les colonies et les routes stratégiques, l’omniprésence de l’armée, les barrages, les fouilles et les destructions de maisons, les internements administratifs – bref, tout ce qui s’effectue au nom de la sécurité est cela même qui va nourrir, du côté des jeunes Palestiniens, les vocations activistes et la mise en œuvre d’actions d’éclat plus ou moins sanglantes et toujours destinées à frapper l’imagination de l’opinion israélienne. Ce cycle infini est ce qui nourrit la « radicalisation » constante de la politique israélienne et, actuellement, la montée de formes fascistes dans le cadre même d’une démocratie parlementaire – c’est ainsi que la politique israélienne s’est transformée en machine infernale aux mains d’activistes affichant de plus en plus ouvertement leurs convictions racistes et expansionnistes, se faisant de façon toujours plus pressante les promoteurs d’une politique d’apartheid au détriment des Palestiniens, mais aussi d’aventures guerrières destinées à assurer de façon « définitive » à l’Etat d’Israël la position de gendarme de l’Occident au Moyen-Orient – de Benjamin Netanyahou en Avigdor Liberman, de Lieberman en Naftali Bennett, etc.

    En pratique, l’efficace de cette dynamique incontrôlée qui fait ressembler la politique israélienne à un camion fou se manifeste chaque jour par une nouvelle dérive autoritaire : attaques à la Poutine contre les ONG dénonçant la colonisation illégale des territoires palestiniens, tentatives de mise au pas de la culture et multiplication des actes de censure, idéologisation à outrance de l’enseignement de l’histoire, pressions exercées sur les citoyens israéliens d’origine arabe pour qu’ils proclament leur allégeance à l’Etat comme Etat juif , etc. [23].

    On sent aujourd’hui la politique gouvernementale française, dans le contexte de la lutte contre le « terrorisme islamique », emportée, toutes choses égales par ailleurs, par un type comparable de spirale obscure : tout pas franchi dans cette direction est voué à produire un effet d’aggravation du phénomène qu’il s’agit de combattre. La lutte contre le djihadisme est elle-même la première des fabriques de djihadistes, ceci aussi bien sur le front intérieur qu’extérieur : chaque tour de vis ciblé en direction de ceux que l’on soupçonne de sympathies islamistes entretient, non sans motif, le grand récit d’une persécution dirigée contre ceux qui sont les victimes de la politique de l’Occident. Quand une dite « bavure » de la coalition occidentale en Syrie fait un nombre de morts à peu près équivalent à ceux de l’attentat de Nice, c’est une sinistre comptabilité qui s’établit dans la tête de ceux qui, désespérant de la justice et du droit, rêvent désormais de rendre coup pour coup, peu important les moyens [24] ; quand, à l’occasion d’une autre « bavure », policière, celle-ci, le mensonge d’un représentant de l’Etat (de l’institution judiciaire) s’affiche à la une des journaux, c’est, de même, la chaîne sur laquelle sont montés les vengeurs en série qui se remet en marche… Cette spirale, quand bien même elle saisirait ceux/celles qui en sont les acteurs plutôt qu’elle ne serait à proprement parler un instrument entre leurs mains ou l’élément d’une stratégie, n’en confirme pas moins la thèse avancée par Agamben : l’Etat de sécurité n’est pas ce qui vise à faire face à des risques et des dangers, mais bien ce qui vit de l’entretien et de la reproduction sans fin de ceux-ci, dans un contexte durable où les déficits de légitimité des gouvernants sont criants. Qu’est-ce qu’un Valls pourrait bien vendre d’autre en effet à l’opinion [25] qu’une illusoire protection au prix de l’omniprésence de la police et de la mise à l’encan des libertés publiques ?

    Achille Mbembe insiste dans ses récents ouvrages sur les affinités entre le capitalisme et la pensée animiste, le capitalisme, dit-il, « s’institue sur le mode d’une religion animiste ». On serait porté à se demander aujourd’hui si ce type de contamination n’affecte pas tout autant les formes politiques dans ce temps où le citoyen et le sujet apeuré de l’Etat de sécurité tendent à ne plus faire qu’un. De plus en plus, dans ces conditions, le lien du dirigeant comme celui de l’homme ordinaire au réel vient à se distendre, les fuites dans l’imaginaire se multiplient, tandis que s’imposent les conduites magiques : la représentation de l’image du terroriste, l’énonciation de son nom deviennent l’objet de débats passionnés à l’occasion desquels les ténors des médias s’ébrouent dans les eaux spectrales du totem et du tabou, du mana et de l’aura (maléfique)… Dans les colonnes du Monde, un sociologue et philosophe en état de gravitation avancée énonce sérieusement : « A court terme, contre ce genre d’actes [terroristes], il faudrait une vraie politique de renseignement. Ultra-ciblée, mais ultra-secrète (sic). Mais surtout, parce qu’Internet change radicalement les fondamentaux du terrorisme, il faudrait un observatoire européen des identités (re-sic), avec des spécialistes d’Internet, des sociologues, des psychologues, etc., pour comprendre comment se construisent ces identités, en particulier les frustrations, les haines » [26].

    Bref, ça délire grave – et dans tous les sens. Ce qui porte rarement à l’optimisme, pour les temps qui viennent. [27]

    Alain Brossat, 9/08/2016

    RÉPONSE

    chantal quillot | 12 août 2016 à 10 h 28 min
    dans le genre « tout va mal » qui nous entraîne vers un dangereux pessimisme, vous oubliez totalement de parler des réactions immédiates et démocratiques du simple citoyen, soit après Charlie, soit après l’assassinat du prêtre, type aller ensemble et en tant que laïque dans les églises et les mosquées. Les français ne sont pas si suivistes !!

  • Le Front Populaire refuse de s'entretenir avec Youssef Chahed (Al Huff' Maghreb)

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    Youssef Chaheb, ex (?) fonctionnaire des USA

    Hamma Hammami dénonce une nomination "affligeante"

    Invité de la radio nationale, le porte-parole du Front populaire, Hamma Hammami, a estimé que la manière avec laquelle Youssef Chahed a été nommé au poste de chef du gouvernement est affligeante pour le peuple tunisien.

    Pour Hammami, le passage en force effectué du président de la République – qui a nommé Chahed sans consulter personne selon le concerné – a mis toutes les parties participantes aux concertations de Carthage devant le fait accompli. Et d’ajouter que le Front populaire savait, bien avant l’annonce de l’initiative présidentielle, que Youssef Chahed allait succéder à Habib Essid.

    Hamma Hammami a assuré que le successeur d’Essid fait d’ailleurs partie du cercle restreint du chef de l’État ce qui expliquerait sa désignation.

    A la question de savoir si le Front populaire allait soutenir, malgré tout, le nouveau gouvernement, Hamma Hammami a expliqué que ce soutien n’aura pas lieu d’être si jamais le Front Populaire estime que la nouvelle formation ministérielle n’investit pas assez d’effort dans la lutte contre la corruption. Et d’ajouter que son parti dispose d’une réelle stratégie pour mettre fin à la corruption devenue omniprésente dans le quotidien des Tunisiens.

    Rappelons que dans un communiqué daté du 9 août, le Front populaire a officiellement décliné l’invitation de Youssef Chahed pour une rencontre avec une délégation du parti.

    Les dirigeants du Front ont expliqué, dans le même document, que leur parti a refusé de prendre part aux concertations, de signer le pacte de Carthage et de bénir le processus de désignation de Youssef Chahed. De ce fait, le Front populaire ne pourra pas faire partie des partis politiques avec lesquels Chahed pourra s’entretenir sur le sort de sa nouvelle équipe.

    A ce sujet, et lors du même passage radiophonique, Hamma Hammami a indiqué qu’il ne s’agit pas là d’un nouveau "non" de la part du Front qui refuse, selon lui, de s’inscrire dans la logique et la politique de la corruption mais qu’il serait tout oui pour collaborer à la mise en place d’un système de réforme contre toutes ces méthodes.

  • L'Observatoire Tunisien de l'Eau met en garde contre une "révolte de la soif" (Al Huff' Maghreb)

    WATER TUNISIA

    Dans un communiqué rendu public sur a page Facebook, l’Observatoire Tunisien de l’Eau (OTE) a mis en garde contre une "révolte de la soif".

    L’OTE a pointé du doigt la politique de communication de la SONEDE (Société Nationale de l’Exploitation et de la Distribution de l’Eau) et son “manquement à sa responsabilité et à ses engagements envers les citoyens “ et reproché à la société de ne pas ”mener les études nécessaires et de ne pas intervenir aux moments opportuns pour éviter l’aggravation de la situation”, a rapporté la TAP.

    L’Observatoire rappelle, à travers son communiqué, que des mouvements protestataires ont eu lieu, en particulier dans la région de Jendouba et des citoyens ont, à maintes reprises, tenté de faire entendre leur voix et faire part aux autorités concernées de leur calvaire à cause de la non disponibilité des ressources en eau potable.

    L’OTE a rappelé, dans son communiqué, que l’accès à l’eau potable est droit fondamental, garantit par la Constitution.

    Il appelé à auditionner la SONEDE et le ministère de l’Agriculture concernant cette crise de l’eau et demande aux autorités concernées de trouver une solution urgente et immédiate aux problèmes de rupture et de perturbation de la distribution de l’eau.

    Selon l'OTE, la SONEDE devra rencontrer les représentants de la société civile et les parties concernées pour discuter des problèmes rencontrés par les citoyens et en trouver les solutions idoines.

    Le ministre de l'Agriculture, Saâd Seddik avait affirmé le mois dernier que les réserves en eau dans les grands barrages sont estimées à 882,6 millions de m3, au 27 juillet 2016, alors qu’elles avaient dépassé, l’année dernière, 1 milliard de m3.

    Il a en outre rappelé que la Tunisie est parmi les pays qui vivent sous le seuil de la pauvreté hydrique (460 m3 par personne, contre une moyenne mondiale de 1000 m3, un taux fixé par les Nations-Unies pour mesurer la pauvreté en eau), appelant les citoyens à rationaliser l'utilisation de l'eau.

    Dans un rapport publié en 2015, la World Resources Institute classe la Tunisie parmi les 33 pays les plus susceptibles de connaitre un stress hydrique (ou pénurie d'eau) d'ici 2040.

    Selon le rapport, la Tunisie se classe parmi les pays qui ont un risque très élevé de manquer d'eau dans les décennies à venir pouvant perdre ainsi plus de 80% de ses ressources naturelles d'eau d'ici 2040.

    L'UNESCO a quant à elle déjà tiré la sonnette d'alarme affirmant que la Tunisie souffrira de sérieux problèmes d'eau à l'horizon 2025.

  • Nouveautés sur Association France Palestine Solidarité

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