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Révolutions Arabes - Page 97

  • Egypte : débat autour de la liberté syndicale (Afriques en Lutte)

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    Amendée par le parlement, la loi sur les syndicats ouvriers est au centre d’un débat. Elle est jugée par certains comme non conforme au principe de l’indépendance syndicale.

    Le président de la République a ratifié les amendements intro­duits par le parlement sur la loi 35 de l’année 1976 relative aux syndicats ouvriers. En vertu de ces modifica­tions, le mandat du conseil d’admi­nistration de l’Union générale des syndicats ouvriers (organisme proche du gouvernement qui encadre les syndicats ouvriers) a été prolongé de 6 mois. La loi a aussi donné à l’ou­vrier au chômage le droit de rester membre du syndicat, une clause qui avait été annulée en 2012 par le biais d’un amendement sur la même loi sous le règne des Frères musulmans. En ce qui concerne les membres du conseil d’administration qui sont arri­vés à l’âge de la retraite, la loi stipule leur droit à poursuivre leur mandat. « Ces amendements introduits sur la loi sont procéduraux et ne satisfont pas aux véritables revendications ouvrières concernant la liberté des formations syndicales et le change­ment du système électoral. Ce conseil n’a jamais vraiment défendu les droits des ouvriers, et en vertu de la version amendée de la loi, les élec­tions longtemps attendues par les ouvriers seront reportées encore une fois », commente Kamal Abbas, mili­tant ouvrier et coordinateur général du Centre des services syndicaux. Il rappelle que le conseil d’administra­tion de l’union doit normalement être élu, mais le conseil en place depuis décembre 2011 a été nommé par l’as­semblée générale.

    Les dernières élections ouvrières remontent à 2006, c’est-à-dire à l’époque de l’ancien président Hosni Moubarak, mais suite à plusieurs recours présentés devant les tribu­naux, la justice a invalidé le scrutin. Pourtant, ces verdicts n’ont jamais été appliqués sous le régime de Moubarak. Alors que de nouvelles élections devaient avoir lieu en 2011, la révolution du 25 janvier a éclaté, et le régime de Moubarak est tombé. Après la révolution, le premier ministre désigné à l’époque, Essam Charaf, décide d’appliquer les déci­sions de justice et de tenir de nou­velles élections. Il forme un comité chargé de gérer provisoirement les syndicats ouvriers, mais il quitte à son tour le gouvernement et l’Union des syndicats ouvriers reste sans conseil d’administration jusqu’en 2012 quand, sous le gouvernement des Frères musulmans, l’assemblée géné­rale de l’union se réunit et décide de former un conseil dont les membres sont choisis directement et non pas élus par les ouvriers. Ce conseil est en fonction jusqu’à aujourd’hui.

    L’indépendance syndicale débattue

    Pourquoi donc cette décision de maintenir ce conseil en place au lieu de tenir de nouvelles élections ? Selon Fatma Ramadan, cadre et activiste ouvrière, c’est l’absence d’une volon­té politique d’ouvrir le dossier des syndicats indépendants qui est der­rière ces amendements qui ne font que garder le statu quo. Elle ne trouve pas logique que jusqu’à présent, l’Union générale des syndicats ouvriers d’Egypte reste la seule orga­nisation syndicale officielle, en dépit de la création de plusieurs syndicats indépendants qui ne sont pas encore légalisés. « Le parlement a voulu avec ces récents amendements ajour­ner le dossier controversé de la liber­té syndicale, garantie par la Constitution. La tenue de nouvelles élections ouvrières nécessite que la loi sur les syndicats ouvriers soit adaptée aux textes constitutionnels garantissant leur indépendance vis-à-vis de l’Etat, ce qui semble déranger l’exécutif », souligne Ramadan.

    L’Union générale des syndicats ouvriers d’Egypte a été fondée en 1957 et englobe 5 millions d’ou­vriers, dont presque la totalité tra­vaille dans le secteur gouvernemental ou public.

    C’est le plus grand groupe­ment ouvrier. Le nombre total d’ou­vriers en Egypte dépasse pourtant les 26 millions, selon un décompte de 2012 de l’Organisme central de la mobilisation publique et des statis­tiques (Capmas). Ce qui montre, selon Ramadan, que l’union ne repré­sente qu’une minorité d’ouvriers. « Si beaucoup d’ouvriers ont adhéré à des syndicats indépendants c’est parce qu’ils n’ont pas trouvé la protection syndicale sous l’ombrelle de l’Union générale des ouvriers alignée sur le gouvernement. A titre d’exemple, lors de la discussion de la loi unifiée sur le travail, l’union a été contre les grèves ouvrières et la liberté syndicale. Il est lamentable que tous les projets pré­sentés aux gouvernements successifs n’aient pas vu le jour », ajoute-t-elle.

    L’Union officielle avait présenté un projet de loi, le 25 octobre 2014, au ministère de la Main-d’oeuvre qui interdit la formation « d’établisse­ments parallèles aux établissements légitimes ».

    Un autre projet de la loi avait été présenté par le ministère de la Main-d’oeuvre en août 2013, qui était soutenu par les syndicats indé­pendants, mais il a été rejeté par l’Union des syndicats des ouvriers. La définition de l’indépendance des syndicats et des libertés syndicales est au centre des désaccords autour des projets de loi élaborés jusqu’à présent. L’Union générale des syndi­cats ouvriers rejette le système pluri­syndical, légalisé dans le projet de 2013. « Avoir plusieurs syndicats au sein du même établissement est dan­gereux. Cela signifie une lutte entre différentes organisations, et ceci peut affecter l’économie, alors que l’Etat a besoin d’unir les rangs en ce moment », estime Magdi Badawi, porte-parole de l’union. Et d’ajou­ter : « Ce serait une décomposition du mouvement ouvrier ». Mais Salah Al-Ansari, cadre ouvrier, n’est pas d’accord. « Avoir des syndicats indé­pendants ne signifie pas fragmenter le mouvement ouvrier, mais plutôt défendre les droits des ouvriers », réplique-t-il. Il rappelle que la tergi­versation de l’Etat sur ce dossier a été l’une des raisons pour lesquelles l’Organisation Internationale du Travail (OIT) avait placé l’Egypte sur la liste noire en 2013. « Le gou­vernement doit oeuvrer pour la levée des restrictions imposées à la créa­tion et au fonctionnement des syndi­cats ouvriers indépendants et à la mise en place d’un système garantis­sant un salaire minimum convenable réduisant les inégalités », insiste Al-Ansari.

    Le combat pour la liberté syndicale n’est pas fini.

    Cette semaine, 60 députés indépendants ont présenté à la commission des lois au parlement un projet de loi légalisant les syndi­cats indépendants et garantissant leur création sur simple notification. Jusqu’à ce que ce dossier soit rouvert, seule l’Union générale est officielle­ment reconnue comme représentant légal des ouvriers en Egypte.

    Source : Al Ahram 20 août 2016 

    http://www.afriquesenlutte.org/egypte/article/egypte-debat-autour-de-la-liberte

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  • Appel à un « jour de colère » en soutien aux prisonniers en grève de la faim (Info Palestine)

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    La santé de Bilal Kayid – prisonnier gréviste de la faim – a continué de se détériorer à un rythme rapide, selon le chef du Comité palestinien des Affaires des Prisonniers qui a appelé dans un communiqué publié ce mardi, les Palestiniens à participer à une « journée de colère » en solidarité avec tous les prisonniers en grève de la faim.

    Dans la déclaration, Qaraqe a exprimé son inquiétude concernant la santé de Kayid qui est entré ce jour-là dans son 63e jour sans alimentation, en disant après une visite avec le gréviste de la faim que Bilal Kayid s’est « transformé en un squelette. »

    Il a ajouté que le prisonnier souffre d’un épuisement sévère, d’une incapacité à parler, à entendre, à voir, à se tenir debout, tout en souffrant de graves douleurs à l’estomac, aux poumons et aux reins.

    Le gréviste de la faim est incarcéré à l’unité de soins intensifs à l’hôpital Barzilai en Israël [Palestine de 1948], où il a été menotté à son lit depuis que sa santé s’est gravement détériorée le mois dernier.

    Qaraqe a exhorté les médias et la communauté internationale à mettre Israël sous pression afin d’arrêter les violations du droit commises contre les prisonniers palestiniens, tout en appelant à une intervention arabe et internationale pour mettre fin à la détention arbitraire des Palestiniens dans les prisons israéliennes.

    Il a ajouté que le jeudi serait déclaré « journée de colère » en solidarité avec les prisonniers palestiniens.

    Bilal Kayid est un membre éminent du Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP). Après avoir été condamné à six mois de détention administrative – une politique israélienne d’internement sans inculpation ni jugement et sans limite de temps – le jour même où il devait être libéré d’une peine de prison de 14 ans et demi, il s’est déclaré en grève de la faim.

    Extension du mouvement de grève

    Les prisonniers affiliés au FPLP et dans les prisons israéliennes ont lancé des grèves de la faim de solidarité pour soutenir Kayid, avec au moins 100 prisonniers palestiniens participant à ce mouvement depuis ce lundi.

    Kayid est l’un des plus connus des grévistes de la faim depuis que le journaliste palestinien Muhammad al-Qiq s’est trouvé au bord de la mort lors d’une grève de la faim de 94 jours, pour finir par être finalement libéré en mai.

    D’autres prisonniers palestiniens ont également rejoint le mouvement de grève pour protester contre leur placement en détention administrative. Muhammad et Mahmoud Balboul sont en grève depuis respectivement le 4 et le 1° juillet, et le bien connu journaliste palestinien Omar Nazzal s’est déclaré en grève le 4 août, tandis que Ayyad al-Hreimi et Malik al-Qadi sont également en grève de la faim pour protester contre leur détention sans inculpation ni jugement.

    La politique d’Israël de la détention administrative, presque exclusivement utilisée contre les Palestiniens, a été largement critiquée par les organisations de défense des droits de l’homme qui ont accusé Israël d’utiliser cette politique afin d’éroder la vie politique et sociale palestinienne en kidnappant des dizaines de Palestiniens, sans aucune preuve d’actes condamnables.

    Mardi dans quatre prisons israéliennes différentes, quatre autres prisonniers palestiniens ont annoncé qu’ils se mettaient en grève de la faim ouverte en solidarité avec les grévistes de la faim en détention administrative et pour protester contre les récentes décisions de placer des restrictions sur les visites familiales et d’interdire la chaîne de télévision Ma’an d’être diffusée à l’intérieur des prisons israéliennes.

    Le prisonnier Walid Masalmeh est également en grève de la faim pour protester contre son maintien à l’isolement.

    Violente répression

    Le mouvement de solidarité à grande échelle parmi les prisonniers a donné lieu à une répression tout aussi massive contre les prisonniers, et principalement contre ceux du FPLP par le Service pénitentiaire d’Israël (IPS), qui a mené plusieurs raids, fermant des blocs de cellules, confisquant les biens personnels et transférant les détenus pour tenter de réprimer leur mouvement de grève.

    Les autorités israéliennes d’occupation ont également interdit toute visite d’avocat aux prisonniers en grève de la faim, affirmant [avec leur cynisme habituel] que leur état de santé ne pouvait pas permettre de telles visites…

    Pendant ce temps, ces mêmes autorités d’occupation ont récemment interdit les visites familiales à au moins 54 Palestiniens emprisonnés.

    L’IPS a interdit à plusieurs reprises les visites familiales pour des dizaines de prisonniers palestiniens détenus dans des prisons à travers l’état d’Israël, et certaines familles ont déclaré avoir été retenues aux points de contrôle israéliens et contraintes de retourner chez elles dans le territoire occupé, en dépit de l’octroi de permis de visite.

    Tous ces incidents surviennent au milieu des protestations provoquées par la décision du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) de limiter, par suite de coupures budgétaires, à un seul jour par mois les visites familiales pour les prisonniers palestiniens de sexe masculin.

    Toutefois, l’Autorité palestinienne a annoncé sa décision la semaine dernière de couvrir les frais de la deuxième visite de famille pour les prisonniers palestiniens, tandis que le CICR resterait en charge d’organiser ces visites avec les autorités israéliennes d’occupation.

    18 août 2016 - Ma’an News

    http://www.info-palestine.eu/

  • Les racines coloniales de la politique française à l’égard de l’islam (Orient 21)

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    « Imam présidant la prière », Étienne-Nasreddine Dinet (ca 1922).

    « Civiliser les musulmans »

    Comment comprendre le décalage entre les attentes et besoins des Français musulmans et les orientations politiques gouvernementales ? La gestion de l’islam et du culte musulman par la France durant la période coloniale permet d’apporter une réponse et de mesurer combien la vision de Paris a été forgée par la lecture catholique du fait religieux.

    L’expansion coloniale en pays musulmans pousse les gouvernants français à rechercher une politique qui permette la centralisation des décisions en matière de gestion de l’empire, pour régir les différents statuts juridiques faisant relever les pays d’Afrique, puis ceux du Proche-Orient, de divers ministères. Une formule politique tenant compte d’une part du fait religieux musulman — plus tard du fait religieux chrétien —, et d’autre part autorisant la centralisation du pouvoir et des décisions au niveau du gouvernement de la métropole. Une fois la continuité territoriale de l’Afrique du Nord acquise par la certitude d’un protectorat sur le Maroc en 1911, cette politique musulmane se concrétise par la création de différents organismes et institutions qui concerneront à la fois l’organisation et la gestion politique de l’empire mais aussi la gestion des musulmans (émigrés et étudiants) en métropole.

    L’ensemble des ministères se trouvait représenté dans ces organismes : la Commission interministérielle des affaires musulmanes, CIAM (1911-1938), le Haut Comité méditerranéen et ses différentes commissions et sous-commissions (HCM, 1935-1939) et le Centre des hautes études d’administration musulmane (Cheam, 1936-2000). Très vite, on y a adjoint des universitaires, spécialistes du monde musulman et du monde arabo-africain, dont les plus célèbres sont Louis Massignon (islamologue, 1883-1962), Robert Montagne (sociologue-politologue arabisant, 1893-1954), Charles-André Julien (historien de l’Afrique du Nord, 1891-1991), Jacques Berque (sociologue, arabisant, 1910-1995) et Vincent Monteil (islamologue et sociologue, arabisant et africanisant, 1913-2005).

    Selon les périodes, la mise en place et la pratique de la politique musulmane ont pour fonction première soit de favoriser l’expansion coloniale, soit de maintenir la stabilité politique en Afrique du Nord, clé de voûte de l’empire. C’est une politique assumée de gestion de la religion, perçue comme un fait social total : l’islam est une idéologie de mobilisation et de contestation et un fait sociologique. Il est ahurissant de constater aujourd’hui que cette conception n’a pas changé, alors que les musulmans de France ne sont plus des indigènes, mais des Français depuis plusieurs générations, eu égard à l’installation des premières familles algériennes en France en 1882.

    Trois étapes d’une politique

    Cette politique musulmane a connu trois grandes phases qui ont combiné différentes stratégies politiques de centralisation ou d’unification. Elles ont donné, en fonction des intérêts nationaux ou internationaux, la priorité à des essais de centralisation régionale nord-africaine (avec la mise en place des conférences nord-africaines) essentiellement centrés sur une collaboration économique ou sur une centralisation régionale méditerranéenne (avec le HCM), doublée d’une centralisation politique avec prise de décisions au niveau de la présidence du conseil des ministres.

    Une première phase (1914-1923) s’ouvre avec la création de la CIAM, organe consultatif sans réel pouvoir de décision, qui a néanmoins influencé les politiques. Elle montre clairement que la politique musulmane voulue s’est trouvée dès son origine enfermée dans un étau idéologique multidimensionnel qui met en jeu des choix politiques de gouvernance nationaux (centralisation versus décentralisation) et des choix politiques de gestion de l’empire (administration directe versus administration indirecte relevant de deux idéologies : assimilation vs association et laïcité vs pluralité religieuse).

    La focalisation de ces débats sur la question de la gestion et l’organisation politique de l’empire ont constitué un frein à toute tentative d’unification ou de cohérence politique, y compris au niveau de la formation et des traitements des personnels civils ou militaires appelés à servir outre-mer. Dès lors, le concept même de politique musulmane est fluctuant, utilisé par tous les acteurs politiques ou personnalités publiques concernés : il désigne une politique d’assimilation pour les uns, d’association pour d’autres, voire une synthèse des deux en fonction des intérêts en jeu. Cet état de fait a renforcé l’ambiguïté dans l’opinion publique et a rendu impossible ne serait-ce qu’une politique économique commune aux trois pays du Maghreb, les tenants de chacune des idéologies craignant de perdre en indépendance locale.

    Lors de la seconde phase (1923-1935), le consensus des différents acteurs politiques ne se fera que sur la dimension symbolique de l’islam, et sur sa «  nécessité  » diplomatique locale, régionale et internationale. C’est au cours de cette période, qui connaît un fort accroissement de la présence musulmane en métropole, que la République opte pour une gestion bicéphale de l’islam et des musulmans. D’un côté, elle délègue la gestion religieuse, sociale et répressive aux préfectures, dont la préfecture de la Seine fournit le modèle d’une administration directe à «  l’algérienne  ». De l’autre, elle fait de l’Institut musulman de la mosquée de Paris un archétype de gestion «  sultanienne  » à usage diplomatique relevant du ministère des affaires étrangères.

    Enfin, la troisième phase (1935-1954) voit la mise en place d’un quasi-gouvernement métropolitain de l’empire, avec l’aboutissement de plusieurs projets d’uniformisation de la politique à l’égard des musulmans de l’empire. Une phase dans laquelle s’inscrivent activement les plus grands orientalistes français de confession chrétienne, les fonctionnaires-savants-experts dont certains sont de fervents catholiques. C’est le cas notamment de Robert Montagne, Louis Massignon et Vincent Monteil  ; Charles André Julien et Jacques Berque étant de foi plus tiède.

    Gestion bicéphale

    L’Institut musulman de la mosquée de Paris est inauguré en 1926 en hommage aux combattants de la Grande Guerre. Il est confié à un haut fonctionnaire musulman du ministère des affaires étrangères, Si Kaddour Ben Ghabrit. Familier de la cour des sultans marocains, il veillera à donner de ce lieu une double image, celle de l’Andalousie perdue et celle de la monarchie marocaine. Le financement de la construction a relevé d’un montage subtil entre deniers de la République et deniers des territoires musulmans sous domination :
    - la loi du 9 juillet 1920 accorde une subvention de 500 000 francs à la société des Habous des lieux saints de l’islam au titre du ministère des affaires étrangères pour le gouvernement  ;
    - la ville de Paris attribue une subvention de 1 600 000 francs, prend en charge de coûteux frais d’actes notariés (cessation-enregistrement…) et concède un terrain de 7 400 mètres carrés  ;
    - le gouvernement général de l’Algérie accorde une subvention de 100 000 francs  ;
    - la Résidence de Rabat donne 100 000 francs également, inscrits sur les budgets chérifiens de 1921-1922  ;
    - la Résidence de Tunis accorde 30 000 francs, inscrits au budget 1921 de la Régence  ;
    - la colonie du Tchad octroie 5 000 francs, inscrits au budget de 1922.

    Des comités de souscription sont créés dès l’été-hiver 1920 dans toutes les villes et centres urbains d’Afrique du Nord pour récolter le budget nécessaire aux travaux de construction, soit 3 000 000 francs pour toute l’Afrique du Nord. L’argent est confié à deux banques en territoire musulman : la banque de l’Algérie pour l’Algérie et la Tunisie, et la banque d’État au Maroc pour le Maroc. En revanche, la gestion financière et la surveillance générale de l’Institut musulman de la mosquée de Paris ne sont pas confiées à Ben Ghabrit, mais à un haut fonctionnaire du ministère de l’intérieur, Paul Valroff. De leur côté, les imams présents en métropole pour assister les musulmans sont rémunérés par les deux protectorats et le gouvernement de l’Algérie.

    Cette gestion bicéphale de l’islam est toujours en vigueur. La question du financement des mosquées et celle de la formation des imams font encore débat. Le premier ministre Manuel Valls vient de décider la création de la Fondation des œuvres de l’islam en France (FOIF), dont la présidence est proposée à Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de l’intérieur  ; et il appelle à la formation d’imams français en France.

    Laïcité et organisation des religions

    La remise en cause du référent «  identitaire laïciste-universaliste  » — étroitement lié à l’actualité en France et au contexte international troublé par «  un retour à l’islam  » — réactive le besoin d’un savoir sur l’islam au sein même du champ des sciences sociales. La production universitaire et intellectuelle n’a jamais été si prolifique, les analyses politiques, théologico-politiques n’ont jamais eu autant le vent en poupe que ces derniers temps, sans parler de tous ces nouveaux programmes concoctés on ne sait comment, dédiés à l’étude de la «  radicalisation  » et à la déradicalisation des jeunes Français musulmans.

    Or, les origines du concept de politique musulmane, l’histoire des institutions qui ont été mises en place pour la définir dévoilent l’existence d’un authentique paradigme de politique publique visant à la fois les politiques religieuses françaises en situation coloniale et les Français musulmans issus des ex-territoires de l’empire. Elles dévoilent également l’ambiguïté du rapport au fait religieux, aussi bien chrétien que musulman, dans des institutions qui sont en principe laïques.

    La question de la gouvernance de populations musulmanes sous domination d’une République française laïque dissimulait des questions propres aux catholiques dans la République, à savoir :

    - le double rapport entre le politique et le religieux et l’intervention du religieux dans le politique, comme si le système républicain français et l’encyclique vaticane de Léon XIII, Rerum Novarum 1891, ne l’avaient pas définitivement tranchée  ;

    - l’égalité du christianisme avec les autres religions monothéistes qui aurait conduit inévitablement à leur traitement égalitaire par le politique.

    Ces interrogations sont projetées sur l’empire arabo-africain, dès lors que la question de la centralisation de sa gouvernance au niveau de la métropole s’est posée et qu’elle n’a trouvé d’autre facteur d’unité que l’islam. Elle s’est traduite par la récurrence de l’ambition souhaitée et crainte à la fois de fédérer ces populations musulmanes de l’empire autour d’un califat marocain sous protection française pour représenter l’islam d’Occident — qu’il faut entendre au sens d’islam de l’empire arabo-africain. Celui-ci était perçu d’emblée comme malléable à cause de la présence en son sein de nombreuses confréries, considérées comme autant d’hérésies, toutefois hiérarchisées et reflétant le modèle des églises protestantes.

    Une lecture catholique du fait religieux

    Ces projections révèlent en fait la lecture catholique du fait religieux musulman par les décideurs français et les dissensions au sein du catholicisme français sur des questions purement théologiques comme l’égalité des dogmes monothéistes, ou politiques, comme sur la Palestine ou l’indépendance des États musulmans.

    Les espaces coloniaux arabo-musulman et arabo-africain sont devenus le terrain d’expression de conflits interchrétiens, d’ordre philosophico-religieux et/ou politico-religieux. Cela grâce au rôle joué par Montagne, Massignon, Berque ou Monteil et de nombreux orientalistes arabisants et/ou africanisants, qui sont en majorité de fervents catholiques, et d’autres colonialistes laïques qui partageaient leurs points de vue au plus haut niveau de l’État français. Aujourd’hui, cette vision intégrée par les décideurs français, les personnalités publiques politiques, religieuses, laïques et certains Français musulmans est réactivée, actualisée. Elle pose très précisément la question de l’islam en France, de part et d’autre, dans des termes identiques : la radicalisation de certains jeunes et la réforme administrative de l’islam. Comme à l’époque coloniale, cette radicalisation est imputée à l’absence d’un clergé musulman (califat ou ministère du culte musulman) et à l’absence de réforme de l’islam — réforme religieuse et pas administrative, même si la question du financement est présentée comme prioritaire.

    À l’instar de la période coloniale, ce qui est en jeu, c’est la réinterprétation du Coran dans une version qui serait à la fois conforme aux lois de la République et très proche du culte catholique, dans la mesure où ce sont les textes fondateurs de l’islam qui sont incriminés. La vindicte inscrite dans le Coran et la Sunna et/ou leur aspect apocalyptique et eschatologique seraient à l’origine ou expliqueraient la radicalisation de certains jeunes Français ou Européens qui mettent en acte ces textes appris en commettant des attentats terroristes, d’après les analyses théologico-politiques d’islamologues qui ont aujourd’hui le vent en poupe, comme à l’époque coloniale. En effet, les analyses théologico-politiques des islamologues actuels qui tendent à incriminer les textes fondateurs de l’islam — alors que les Français de confession musulmane sont soumis aux lois de la République et ne les remettent aucunement en cause —, ne font que reprendre les argumentaires des fonctionnaires-savants-experts des générations précédentes qui se prévalaient de l’incompatibilité avec la pleine citoyenneté de la loi islamique (charia) et du code du statut civil musulman pour justifier la nécessité de la réforme religieuse de l’islam. Or, si soumettre les sources de l’islam à la raison critique et à l’ijtihad, c’est-à-dire l’effort d’interprétation, s’avère d’une double nécessité nationale et internationale pour les sociétés musulmanes en mutation concernant la réforme des codes de statut civil et lois issues de la loi islamique, cette «  relecture  » ne se justifiait et ne se justifie en France que par l’objectif ancien et inavoué de la création d’un nouveau schisme en islam. Un schisme qui serait totalement intégré aux autres cultes chrétiens, à défaut d’une conversion des musulmans français au christianisme.

    D’un autre côté, certains Français musulmans très pratiquants1 — en ce sens souhaitant se conformer à la lecture littéraliste des textes fondateurs dans leur vie quotidienne —, objets de la vindicte islamophobe et raciste, harcelés par les forces de l’ordre en particulier pour des questions vestimentaires dans l’espace public ces dernières années, répondent à cet état de fait par la hijra ou exode, c’est-à-dire un départ de la France, leur pays de naissance, pour aller s’installer et vivre dans un pays musulman. À l’instar des Algériens s’installant en Syrie, un territoire musulman entre 1908 et 19122, ceux d’aujourd’hui se dirigent vers le Maroc, pays musulman gouverné par un commandeur des croyants, où l’expression pluraliste des pratiques religieuses — des plus lâches au plus rigoristes — est acquise par le fait même de la suprématie religieuse du monarque sur toutes les autres.

    Aujourd’hui comme par le passé, la politique musulmane de la France modèle les mises en représentation politiques et savantes des identités religieuses en France et dans le monde arabo-africain. Elle définit aussi la structuration et la non-structuration de l’islam en France, le liant indéfiniment aux questions géopolitiques et géostratégiques ainsi qu’aux questions des migrations nord-africaines, africaines et orientales. De fait, les solutions proposées par Manuel Valls et l’appel des Français et musulmans3, qui fait écho à celui des «  musulmans évolués  » d’Algérie comme on les appelait à l’époque coloniale, ne sont qu’un mauvais remake de cette sacrée mission civilisatrice des populations musulmanes.

     

    1Il ne faut pas confondre ce phénomène de départs des Français musulmans avec celui des Français ou Européens qui ont islamisé la violence, la radicalité et partent vers la Syrie pour rejoindre les rangs de l’organisation de l’État islamique.

    2La destruction des structures et institutions religieuses musulmanes et le sabotage quasi systématique de l’enseignement arabo-musulman et des associations cultuelles par les autorités françaises en Algérie avaient fini par pousser un certain nombre de notables mais aussi de jeunes Algériens musulmans à quitter leur pays pour migrer vers la Syrie ottomane. La hijra, émigration pour la foi, fut l’ultime arme politique des Algériens pieux pour faire valoir leurs droits au libre exercice de leur culte en Algérie française.

  • Amnesty dénonce la "cruauté la plus vile" dans les prisons du régime syrien (France 24)

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    Au moins 17.723 prisonniers sont morts en détention depuis le début de la guerre en mars 2011, soit, en moyenne, plus de 300 décès par mois, d'après l'ON

    Electrocutions, brûlures à l'eau bouillante, viols: le régime syrien a eu recours sur une "grande échelle" à la torture dans ses prisons où plus de 17.700 détenus ont péri en cinq ans de guerre, a indiqué jeudi Amnesty en dénonçant "une cruauté sous sa forme la plus vile".

    "Ils nous traitaient comme des animaux. J’ai vu le sang couler, on aurait dit un fleuve", affirme Samer, un avocat en parlant de ses anciens gardiens durant sa détention.

    Son témoignage figure parmi les 65 récits d'ex-détenus qui ont croupi dans les prisons des services de renseignement du régime et dans la prison militaire de Saydnaya près de Damas, et ont été recueillis par Amnesty International.

    Les actes de torture y sont "généralisés et systématiques contre tous les civils soupçonnés d’être contre le régime", a ajouté dans son rapport l'ONG basée à Londres en dénonçant des "crimes contre l'Humanité".

    Au moins 17.723 prisonniers sont morts en détention depuis le début de la guerre en mars 2011, soit, en moyenne, plus de 300 décès par mois, d'après l'ONG. Mais selon elle, les chiffres réels sont bien plus élevés en citant des dizaines de milliers de disparitions forcées.

    De nombreux prisonniers ont été libérés soit après des différentes amnisties décrétées par le régime ces dernières années, soit après des échanges de prisonniers ou après des procès et se trouvent dans des lieux non précisés.

    Les anciens détenus ont raconté de sinistres rituels à Amnesty, notamment "la fête de bienvenue", durant laquelle les nouveaux détenus sont "roués de coups" au moyen de barres de fer, de plastique ou de câbles électriques.

    Morts 'étouffés'

    Autres sévices: décharges électriques, brûlures à l'eau bouillante et viols.

    Omar S. a raconté qu’un gardien avait contraint deux hommes à se déshabiller et avait ordonné à l’un de violer l’autre, le menaçant de mort s’il n’obtempérait pas.

    Saïd, un militant antirégime, a affirmé avoir été violé, devant son père, à l'aide "d'une matraque électrique" en étant suspendu d'un seul bras et en ayant les yeux bandés.

    La plupart des victimes d'exactions "ont raconté avoir vu des personnes mourir en détention, et certaines ont affirmé s’être retrouvées avec des cadavres dans leur cellule", selon l'ONG de défense des droits de l'Homme.

    Un ex-détenu "raconte qu’un jour la ventilation avait cessé de fonctionner et que sept personnes étaient mortes étouffées" dans des centres de détention surpeuplés, selon Amnesty.

    "Le caractère systématique et délibéré de la torture et des autres mauvais traitements à la prison de Saydnaya témoigne d'une cruauté sous sa forme la plus vile et d’un manque flagrant d’humanité", dénonce Philip Luther, directeur pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à Amnesty.

    A Saydnaya, où il fait très froid l'hiver, les détenus sont maintenus pendant des semaines dans des cellules souterraines sans couverture, selon le rapport.

    D'ex-prisonniers ont confié avoir mangé des noyaux d’olive et des écorces d’orange pour ne pas mourir de faim.

    Salam, un avocat d’Alep détenu deux ans à Saydnaya, a déclaré que "des gardiens avaient battu à mort un entraîneur de kungfu et cinq autres détenus. Puis ils ont passé à tabac 14 autres, tous morts en une semaine. On voyait le sang couler de leur cellule."

    L'ONG, qui dénonce des "procès iniques", fait aussi état de "nourriture insuffisante, de soins médicaux limités et d’absence d’installations sanitaires adaptées" dans les prisons, "un traitement inhumain et cruel".

    La guerre en Syrie, déclenchée en mars 2011 par la répression de manifestations prodémocratie, a fait plus de 290.000 morts.

    24matins.fr  publié le

    http://www.24matins.fr/amnesty-denonce-la-cruaute-la-plus-vile-dans-les-prisons-du-regime-syrien

     

  • Yémen : les civils sous les bombes (Lutte Ouvrière)

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    Au Yémen, depuis mars 2015 le pouvoir, aidé par une coalition de pays arabes, regroupant entre autres l’Arabie saoudite et le Koweït, est en guerre contre les rebelles houthis, soutenus par l’Iran, rival de l’Arabie saoudite pour la place de puissance régionale dominante.

    Les violences ont repris depuis le 8 août, après l’échec des négociations organisées depuis trois mois et demi par l’ONU.

    D’après l’Unicef, le 13 août, une école coranique de Haydan, près de la frontière saoudienne, a été bombardée par la coalition menée par l’Arabie saoudite. Dix jeunes âgés de 6 à 14 ans ont été tués et 28 ont été blessés. Le 9 août, la capitale, Sanaa, a été bombardée de manière intensive. D’après des habitants, il y aurait eu quatorze morts dans l’attaque d’une usine de fabrication de chips. Et le 15 août, la même coalition a causé la mort de onze personnes en bombardant un hôpital de Médecins sans frontière (MSF). MSF ayant quelques moyens de se faire entendre dans les pays riches, les médias ont largement fait état de ce drame.

    Le pays est ravagé depuis un an et demi par les violences des deux camps. On comptabilise officiellement 6 400 morts, des dizaines de milliers de blessés et deux millions et demi de déplacés. Dans une escalade volontaire de la terreur, des marchés, des hôpitaux et des écoles sont régulièrement pris pour cible, alourdissant sans cesse le bilan des victimes civiles.

    En juin dernier l’Arabie saoudite a même été inscrite par l’ONU sur la liste noire des pays ne respectant pas les droits des enfants, mais seulement durant quelques jours. Une enquête avait en effet montré que 60 % des 785 enfants tués depuis le début du conflit l’ont été par l’armée saoudienne. Mais les dirigeants saoudiens avaient fait pression, menaçant de réduire leurs subventions aux agences de l’ONU. Sans parler du fait que, en tant que très bon client des marchands de canons français ou américains, l’Arabie saoudite a des arguments auxquels les grandes puissances sont très sensibles.

    De toute façon, ni les déclarations de responsables de l’Unicef ni les rapports de l’ONU n’empêcheront l’Arabie saoudite et l’Iran de continuer la guerre au Yémen.

    Élisa Caron 17 Août 2016
     
  • Des réfugié(e)s parlent avec leurs propres mots des violences subies en Libye (Anti-k)

    Amnesty International a reçu des témoignages de graves violences fréquemment infligées aux personnes réfugiées et migrantes qui traversent la Libye pour se rendre en Europe, où elles espèrent trouver la sécurité et la stabilité ; il s’agit notamment de violences sexuelles, de torture et d’exploitation.

    Voici les récits de deux réfugiés qui racontent avec leurs propres mots les graves violences qu’ils ont subies.

    Amal, 21 ans, Érythrée

    Amal a fui l’Érythrée et traversé le Soudan à la suite de l’emprisonnement de sa mère. Elle voulait échapper au service militaire d’une durée indéterminée qui l’avait empêchée d’aller à la fac et de voir sa famille pendant un an et demi. Mais alors qu’elle espérait refaire sa vie et trouver la sécurité en Europe, elle a été enlevée non loin de Benghazi, en Libye, par le groupe armé qui se fait appeler État islamique (EI) et soumise à l’esclavage sexuel.

    « EI nous a capturés fin juillet 2015. Ils nous ont séparés, d’un côté les chrétiens, de l’autre les musulmans, puis les hommes d’un côté et les femmes de l’autre. Ils nous ont fait monter dans deux véhicules qui se sont dirigés vers Tripoli, et emmenées dans un grand bâtiment ressemblant à un palace.

    Ils nous ont retenues au sous-sol ; nous n’avons pas vu le soleil pendant neuf mois.

    Ils nous ont alors dit qu’ils nous libéreraient à condition que nous nous convertissions [à l’islam], ce que nous avons fait.

    Après notre conversion, ils nous ont dit qu’ils allaient faire de nous leurs esclaves et leurs domestiques.

    Ils nous ont battues pendant trois mois, parfois avec leurs mains ou un tuyau ou des bâtons. Ils nous terrifiaient parfois avec leurs armes, ou menaçaient de nous tuer avec leurs couteaux.

    Ils nous considéraient comme leurs femmes et nous forçaient.

    Nous avons subi cela pendant quatre mois. C’était un très grand bâtiment et il y avait beaucoup d’hommes. Chaque jour certains d’entre eux abusaient de nous.

    En février [2016], ils nous ont séparées et nous avons chacune été données à un homme. Je suis restée avec cet homme […] qui ne venait que le soir, sans nourriture.

    [Au bout d’une semaine] j’ai réussi à trouver une clé pendant qu’il était absent, et je me suis enfuie. J’ai alors compris que je me trouvais en fait à Syrte.

    Je suis arrivée ici le 5 mai, à Taranto. Ils m’ont demandé pourquoi je venais en Italie, puis ils m’ont dit qu’ils pouvaient m’aider. »

    Abdurrahman, 23 ans, Érythrée

    Abdurrahman était mécanicien. Il a fui l’Érythrée à cause du service militaire d’une durée indéterminée, et a vécu pendant sept mois au Soudan. Quand il est arrivé en Libye, en juin 2015, des trafiquants l’ont remis à une bande criminelle qui l’a retenu en captivité afin d’obtenir de sa famille le paiement d’une rançon.

    « Ils nous ont tous enfermés dans une maison à Ajdabya et ils nous ont fait appeler nos familles pour leur demander de l’argent. Il y avait un homme éthiopien qui nous surveillait, et si quoi que ce soit se passait, les Libyens arrivaient et nous frappaient ; à Ajdabya ils étaient une dizaine [de Libyens]. Il y avait à peu près 250 personnes dans cette maison. Nous dormions tous sur le sol, les hommes et les femmes dans la même pièce […] On nous retenait jusqu’à ce que l’argent arrive. J’y suis resté pendant une semaine. »

    Avant de pouvoir tenter une première fois la traversée jusqu’en Italie, en janvier 2016, Abdurrahman a été forcé de travailler pour des trafiquants afin de payer son voyage.

    « Notre bateau est parti de Sabratah en janvier. C’était un canot pneumatique prévu pour 50 personnes, mais nous étions 120 à bord. Au bout de deux heures, un grand bateau libyen est arrivé avec à son bord des fonctionnaires ou des policiers, et ils nous ont ramenés sur la côte.
    Ils nous ont tous frappés près du rivage pour savoir qui était le capitaine.
    Et puis ils ont tiré une balle dans le pied d’un homme. C’était le dernier à être descendu du bateau et ils lui ont demandé où était le capitaine ; il a répondu qu’il ne savait pas, et ils lui ont alors dit que c’était donc lui le capitaine, et ils ont tiré sur lui.

    Ils nous ont ensuite emmenés dans une prison à Al Zawiya, où je suis resté pendant un mois.

    Il y avait peu de nourriture et on nous battait tous les jours. Ils utilisaient des bâtons et parfois des pistolets à décharge électrique.

    C’était une grande prison, avec 30 à 40 personnes dans chaque pièce, mais seulement un WC. Il n’y avait pas de médecins ni de médicaments et beaucoup de gens avaient la gale.

    Finalement, les trafiquants ont négocié avec les gardiens de prison et ils ont pu nous faire sortir. On nous a ramenés au même endroit exactement que là où on nous avait retenus. Deux d’entre nous sont morts de faim dans cette ferme parce qu’ils n’avaient pas eu assez à manger quand nous étions en prison.

    Le 15 mars, je suis finalement remonté dans un bateau, à huit heures du matin, et au bout de trois heures un bateau allemand est venu nous secourir.  »

    Les centres de détention en Libye sont cauchemardesques. Ce sont de véritables donjons. Et comme ils dépendent du ministère de l’Intérieur, toutes ces violences qui nous sont signalées sont commises dans des lieux de détention se trouvant sous le contrôle des autorités libyennes. Quand ils ne souffrent pas dans des centres de détention, les réfugiés et les migrants sont à l’extérieur victimes des trafiquants, maltraités, exploités, violés ou tués, étant privés de toute protection de la part des autorités.

    Quand on pense que des dizaines de milliers de personnes ont traversé – et vont traverser – la Libye dans l’espoir de trouver la sécurité, on réalise alors avec horreur quelle peut être l’ampleur de ces violences. Des milliers de personnes ont déjà perdu la vie en tentant de traverser la mer pour rejoindre l’Europe – au moins 2 742 pour cette seule année.

    Ces gens ne sont pas seulement des réfugiés et des migrants, ce sont des personnes. Ils méritent notre compassion, notre admiration, et notre aide.

    http://info.amnesty.be/adserver2/petition_17508_19103_forteresse-europe.html?petitionOptin=yes

    Les personnes réfugiées qui traversent la Libye sont très souvent victimes de violences sexuelles, à tel point que des femmes nous ont dit qu’elles prennent des contraceptifs avant de partir, car elles savent qu’elles risquent d’être violées et elles veulent éviter de tomber enceinte à la suite d’un viol. Les femmes risquent constamment de subir des violences sexuelles aux mains des passeurs, des trafiquants, des groupes armés ou encore dans les centres de détention pour migrants, et toutes les femmes avec qui Amnesty International s’est entretenue ont elles-mêmes subi de tels actes ou connaissent des femmes qui en ont subis.

    Pour en savoir plus :

    http://www.parcoursdemigrante.be/

    http://www.anti-k.org/2016/08/17/des-refugiers-parlent