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Révolutions Arabes - Page 99

  • Israël veut briser les grèves de la faim des prisonniers palestiniens (Info-Palestine)

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    Israël intensifie sa répression sur les prisonniers grévistes de la faim en les privant de leur droit de rencontrer leurs avocats.

    Plus de 100 prisonniers, selon Addameer, le groupe de défense des prisonniers, refusent toute nourriture en solidarité avec Bilal Kayed qui a lancé la dernière vague de grèves de la faim parmi les prisonniers, et qui a maintenant dépassé 57 jours sans alimentation. La semaine dernière, Kayed a annoncé qu’il refusait tout traitement médical jusqu’à ce qu’il soit libéré. Alors qu’il s’approche de deux mois sans la moindre alimentation, Kayed ressent de lancinantes douleurs dans le corps et de profonds engourdissements. Sa vision est devenue floue et il souffre de déshydratation. Sa peau a viré au jaune et se met à peler,  ses cheveux commencent à tomber. Physicians for Human Rights-Israël a déclaré qu’il courait à présent le risque d’un accident vasculaire cérébral.

    Alimentation forcée

    Un médecin du centre médical de Barzilai, où Kayed est détenu, a déclaré à l’avocat du prisonnier que si Kayed perdait conscience, il sera gavé de force.

    Des médecins israéliens ont déjà auparavant alimenté de force des grévistes de la faim palestiniens. En janvier, alors qu’il s’approchait de 50 jours de grève de la faim, Muhammad al-Qiq avait été attaché à son lit d’hôpital et une équipe médicale lui avait administré de force des sels et minéraux par injection intraveineuse.

    La déclaration de Malte de l’Association médicale mondiale interdit à la fois d’appliquer des pressions pour mettre fin à une grève de la faim et d’imposer un traitement médical forcé. Le protocole d’Istanbul de l’Organisation des Nations Unies souligne la nécessité pour les médecins d’obtenir le consentement conscient des patients avant de procéder à un traitement médical.

    Le 9 août, à l’extérieur de l’hôpital Barzilai, les partisans de Kayed se sont affrontés avec des Israéliens d’extrême-droite dont certains criaient « mort aux terroristes », selon The Times of Israel. Les contre-manifestants auraient jeté des pierres sur la police quand celle-ci est intervenue.

    Kayed proteste contre son incarcération en détention administrative – un emprisonnement sans inculpation ni jugement et sans limite de temps – après avoir purgé une peine de prison de près de 15 ans.

    Détention sans inculpation

    Une partie des grévistes de la faim réclament leur libération, étant eux-mêmes des prisonniers politiques placés en détention administrative pour des raisons gardées secrètes. Cette pratique largement exploitée permet à Israël d’emprisonner qui il veut sur la base d’accusations non divulguées.

    Le 4 août dernier, le journaliste Omar Nazzal, membre du syndicat des journalistes et président de l’Union démocratique des journalistes palestiniens, s’est lancée une grève de la faim en signe de protestation à la fois contre sa détention sans limite de temps et en soutien à Kayed.

    Le journaliste âgé de 53 ans a été kidnappé le 23 avril à la frontière avec la Jordanie, alors qu’il allait participer à une assemblée générale de la Fédération européenne des journalistes.

    Marilyn Nazzal, l’épouse de Omar Nazzal, a rapporté que le service pénitentiaire israélien a immédiatement transféré le prisonnier dans une cellule en isolement après qu’il ait commencé sa grève.

    Le 8 août, la Haute Cour d’Israël a rejeté l’appel de Nazzal pour sa libération, comme elle le fait régulièrement lorsque les prisonniers palestiniens font appel contre les ordres de détention administrative, lesquels sont émis par des tribunaux militaires.

    Nazzal est représenté par un avocat de l’organisation Addameer, qui la semaine dernière a déclaré qu’ « il est notoirement connu et attendu que les tribunaux israéliens ne connaissent rien à la justice, mais il est de notre devoir de tenter de défendre Nazzal. »

    Mais Nazzal a annoncé à présent que le Service pénitentiaire israélien l’avait menacé de le nourrir de force lors d’un transfert en-dehors de sa cellule d’isolement. Il dit avoir été traité « brutalement » et avoir été enfermé dans une camionnette de la prison pendant des heures, jusqu’à ce qu’il ait eu la sensation de suffoquer.

    Deux frères en grève de la faim

    Les frères Mahmoud et Muhammad Balboul continuent la grève de la faim qu’ils ont lancé le 5 et le 7 juillet contre leur détention administrative, alors qu’un tribunal militaire israélien a confirmé leurs ordres de détention plus tôt cette semaine.

    Mahmoud, qui prépare son diplôme de maîtrise à l’Université Al-Quds, a été condamné à cinq mois de détention et Muhammad, un dentiste, à six mois de détention.

    Les deux frères ont été kidnappés le 9 juin, deux mois après que leur jeune soeur, âgée de 14 ans, ait été elle-même kidnappée et accusée de posséder un couteau.

    Les frères et leur jeune soeur sont les enfants d’Ahmad al-Balboul, un chef de file dans l’aile militaire du Fatah, les Brigades des Martyrs al-Aqsa, qui a été assassiné avec trois autres dirigeants palestiniens par un escadron de la mort israélien en mars 2008.

    Al-Balboul a été assassiné après que lui-même et l’Autorité palestinienne aient échoué à obtenir un accord d’amnistie de la part d’Israël.

    Chantage aux visites familiales

    En réponse à la décision prise par le Comité international de la Croix-Rouge de réduire le nombre de visites familiales pour les détenus palestiniens de sexe masculin à une seule visite par mois, l’Autorité palestinienne a décidé de couvrir les dépenses pour maintenir la seconde visite mensuelle.

    En mai, le CICR a annoncé qu’il allait réduire le nombre de visites familiales organisées dans les prisons israéliennes en raison de coûts élevés et de l’incapacité des familles de se présenter à des voyages réguliers. Les familles en Cisjordanie dépendent du CICR qui les aide à se procurer des permis de voyage pour visiter leurs proches détenus dans les prisons en Israël.

    La Quatrième Convention de Genève interdit à une puissance occupante de transférer les prisonniers à l’extérieur d’un territoire occupé. Pourtant, à l’exception d’une seule, toutes les prisons israéliennes qui détiennent des Palestiniens sont situées à l’extérieur de la Cisjordanie.

    Le CICR assure un transport essentiel aux familles qui doivent se déplacer jusqu’à sept heures de temps pour une brève rencontre avec leurs proches. Sans l’aide du CICR, le voyage pourrait leur coûter jusqu’à 250 dollars.

    Fares Qadura, responsable du Club des prisonniers palestiniens, a déclaré cette semaine que l’Autorité palestinienne allait signer un accord avec le CICR, en promettant d’assurer les coûts chaque mois de la moitié des visites familiales dans les prisons chaque mois.

    Mais avec ou sans l’aide du CICR, Israël peut de façon unilatérale annuler les permis de voyage des familles comme il l’a fait récemment à plus d’une douzaine de familles qui voulaient visiter des parents en prison.

     11 août 2016 – The Electronic Intifada


    * Charlotte Silver est une journaliste américaine indépendante vivant à San Francisco, et précédemment basée en Cisjordanie.

    http://www.info-palestine.eu

    De la même auteure :

     Israël a démoli pour 74 millions de dollars de projets européens - 7 juin 2016

     Israël multiplie les démolitions de maisons dans les territoires occupés - 8 avril 2016


     Colonisation : les vols de terres en Cisjordanie atteignent des records - 2 avril 2016

  • Les droits des femmes, un combat politique (Nawaat.tu)

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    Le 13 août, fête nationale des femmes, revient, cette année, avec un nouveau souffle de résistance féministe. Pressentie pour légion d’honneur, Sana Ben Achour, ancienne présidente de l’ATFD, a refusé les honneurs de la présidence de la République. Par ailleurs, le projet de loi intégrale de lutte contre la violence contre la femme et la fille à l’étude depuis 2013 vient d’être adopté par le conseil des ministres.

    Instrumentation politique et combats idéologiques

    Sur les pas des familles des martyrs qui ont refusé les décorations de Béji Caid Essebssi, le 14 janvier 2015, Sana Ben Achour prend ses distances de la présidence de la République. Défiant le pouvoir qui a recruté dans ses rangs ses anciennes camarades, Saida Garrach, conseillère de la présidence, et Bochra Bel Haj Hmida, députée représentante de Nidaa Tounes, Sana Ben Achour, insiste, selon ses proches, à se préserver du prestige des palais. Contrairement à Latifa Lakheder, ex- ministre de la culture, décorée par BCE pour « sa contribution dans la promotion du régime républicain », Sana Ben Achour continue à jouer son rôle de féministe à l’extérieur des cercles du pouvoir.

    Le refus de Sana Ben Achour de la légion d’honneur n’est pas isolé d’un contexte politique très tendu qui a marqué la validation du projet du loi intégrale de lutte contre la violence contre la femme et la fille. L’écriture du projet de loi a été marqué par un conflit idéologique entre les conservateurs, Nidaa Tounes et Ennahdha, et les progressistes féministes de la société civile. Dans les coulisses, des proches de Samira Marai, nous confirment qu’elle voulait imposer son autorité de ministre aux expertes plus chevronnées en matière du genre dont Sana Ben Achour.

    De son coté, Ahlem Bousserwel, militante des droits des femmes, qualifie le combat actuel sur les droits des femmes d’institutionnel. « Ce n’est pas une question de partis politiques mais plutôt de politiques publiques. Le problème est que les droits des femmes ne sont pas encore une priorité de planification stratégique. Espérons que le passage de la loi intégrale sera un premier jalon, et là nous pouvons dire que le ministère de la Femme aura l’honneur de l’avoir accomplie » explique Ahlem Bousserwel avant d’ajouter :

    Les militantes féministes qui ont la chance d’être dans des positions de décisions continuent à mener leur bataille en interne sur les politiques publiques. Nous ne pouvons pas évaluer l’influence en rapport avec Nidaa Tounes puisque la ministre actuelle est de Afek Tounes. Cependant, le destin de la loi intégrale nous dira si l’influence politique a servi à faire avancer la cause ou non.

    Éclairage sur quelques blocages religieux à des réformes primordiales

    Monia Ben Jemai, présidente de l’ATFD, se félicite du projet de loi qui promet de radicaliser la perception de la violence à l’égard des femmes. Le projet de loi est divisé sur trois partis: prévention, prise en charge et lutte contre l’impunité. Si quelques lois du code pénal seront réformés comme l’article 227 bis qui permet au violeur d’épouser sa victime, d’autres lois patriarcales et discriminatoires resteront encore intouchables.

    Monia Ben Jemai explique que si le projet de loi a élargi la définition de la violence conjugale en incluant l’ex époux et l’ex fiancé dans la liste des auteurs, il exclut encore le partenaire intime et ex partenaire intime ( petit ami ). Nous savons qu’en réalité les petits amis peuvent commettre des violences conjugales et pourtant ils n’ont pas été retenus dans le projet de loi de peur d’encourager les femmes à avoir des rapports sexuelles en dehors le cadre légal.

    La présidente de l’ATFD regrette, aussi, l’absence de la criminalisation du viol conjugal. « Toutes les femmes victimes de violences conjugales ( morales et physiques ) affirment avoir subies des violences sexuelles de la part de leurs conjoints. En éliminant le viol conjugal, on donne l’autorité au conjoint d’exercer une violence sexuelle dans l’impunité la plus totale. Très souvent ces viols conjugaux ont lieu durant la période de séparation » explique Monia Ben Jemai. Mais, selon la loi, ne stipule pas clairement le consentement de l’épouse pour les rapports sexuels.

    La réforme de l’article 227 bis du Code pénal, bête noire des féministes tunisiennes, n’a pas été abrogé en entier. Si le violeur n’a plus le droit de se marier avec sa victime, une grande injustice est encore présente dans le projet de loi. « Le projet de loi maintien la peine de prison entre 5 et 6 ans de prison pour tout acte sexuel consenti avec une fille entre 13 et 18 ans. Considérant que les viols sont commis systématiquement sans violence vu le phénomène de sidération qui tétanise les victimes, et considérant que les juges ignorent, en général, cette réalité et ne tiennent compte que des traces de violences physiques, nous avons peur que les viols seront, désormais, qualifiés d’actes sexuels consentis » regrette Monia Ben Jemai.

    Par ailleurs, il existe une incohérence entre l’article 127 du Code pénal et la réforme de l’article 227 bis par le projet de loi. « Selon l’article 127, le viol des filles et des garçons sont considérés de la même façon. Par contre, dans l’article 227 bis, si l’acte sexuel consenti avec une fille entre 13 et 18 ans est puni, il ne l’est pas pour le garçon. Ça veut dire que la femme peut consentir un acte sexuel entre 13 et 18 ans ? La majorité sexuel pour les hommes est considérée à 18 ans mais la majorité sexuelle des femmes, selon cette logique, est à 13 ans » relève Monia Ben Jemai.

    Concernant le harcèlement sexuel dans les institutions, le projet de loi insiste sur la répétition des actes alors qu’en réalité le harcèlement sexuel, en Tunisie, est en général commis par un seul acte. « Concrètement, le patron ou le professeur convoque sa victime et fait un chantage en demandant des services sexuels contre une bonne note à l’examen ou un salaire … » explique Monia Ben Jemai avant de pointer une des lacunes majeures du projet de loi, celui de l’inceste. Si les féministes peuvent se réjouir de la criminalisation de l’inceste, les délais pour porter plainte ont été fixés à l’age de 38 ans.

    Le problème est que les victimes d’inceste n’osent porter plainte, en général, qu’à l’âge de 40 ans. D’ailleurs dans la majorité des pays, les victimes d’inceste gardent leur droit de porter plainte à vie.

    Malgré ses lacunes et incohérences, le projet de loi intégrale est considéré par les féministes comme un acquis. Mais le rôle de la société civile ne s’arrêtera pas ici. « L’enjeu actuel est de faire voter le projet avec le maximum de réformes en faveur des femmes. Nous regrettons que les parlementaires ne soient pas formés et informés convenablement à propos la violence à l’égard des femmes. Mais nous n’allons rien lâcher ! » affirme Monia Ben Jemaii annonçant le début d’un nouveau round de la lutte pour les droits des femmes en Tunisie.

  • Annaba : une catastrophe écologique menace une partie du littoral (Algeria Watch)

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    Les complexes Fertial et El-Hadjar pointés du doigt

    Une véritable catastrophe écologique a frappé de plein fouet le fond marin d’une partie du littoral d’Annaba.

    En effet, depuis deux jours, à la cité côtière Seybouse et une partie de la plage d’échouage de Sidi-Salem à l’est du chef-lieu de la wilaya, des centaines de poissons morts ont été rejetées par la mer. Les riverains, complètement assommés par cette nouvelle, pointent du doigt le complexe de fertilisants Fertial d’Annaba, implanté aux abords de l’embouchure du Seybouse, et jouxtant la plage de l’antique cité Joinnonville, et ce, malgré les efforts développés par fertial dans le cadre de Contrat de performances environnementaux.

    En effet, nos interlocuteurs avancent qu’il ne s’agit nullement d’un phénomène naturel, mais plutôt d’un bouleversement écologique, et que les poissons auraient absorbé une substance toxique qui a entraîné leur mort.

    Des professionnels de la mer signalent, quant à eux, que des produits toxiques mortels pourraient être déversés par une autre entreprise comme le complexe sidérurgique d’El-Hadjar, vu que parmi les poissons morts, l’on en dénombre vivant généralement dans les eaux d’oued, à savoir des carpes et des barbus.
    Aussi, dès la matinée d’hier, de nombreux secteurs concernés par cette situation, à savoir les services de l’environnement de la wilaya, de la pêche et des ressources halieutiques, de l’agriculture, de sécurité (police et gendarmerie), l’APC d’El-Bouni et les ingénieurs de l’Association nationale de lutte contre la pollution et la protection de l’environnement (Anpep), se sont mobilisés dans le but de cerner le problème.

    Du côté du service de l’environnement, l’on affirme que dès l’apparition du phénomène, avant-hier aux environs de 5h du matin, une équipe a été dépêchée sur place et des échantillons ont été prélevés et transmis au laboratoire spécialisé de l’observatoire de l’environnement d’Annaba pour analyses.

    Par ailleurs, le périmètre en question a été bouclé et sécurisé, avant le lancement de l’opération d’enlèvement des poissons morts, a tenu à rassurer le directeur de l’environnement, M. Boudalia.
    Il importe de rappeler que la côte annabie détient le triste record de la région la plus polluée d’Algérie. Contacté à ce sujet, M. Halimi, président de l’Association nationale pour la protection et la lutte contre la pollution, affirme que le bassin de la Seybouse “est confronté chaque jour à plusieurs polluants industriels et urbains émanant des différentes villes (68 communes de 7 wilayas) et usines (quelque 250), situées sur les deux rives. La pollution est arrivée à un degré si élevé qu’on annonce les prémices d’une catastrophe écologique réelle”.

    Il a révélé, dans ce contexte, que “sur les 4,5 millions m3 de polluants industriels rejetés quotidiennement dans cette rivière, 3 millions de m3 sont des huiles usagées”.

    À ses yeux, l’embouchure de la Seybouse représente un véritable catalyseur de déchets de toute sorte. “Nous sommes en présence d’un conglomérat de liquides visqueux et vaseux renfermant des vecteurs de maladies infectieuses”, conclut notre interlocuteur.

    BADIS B. Liberté, 9 août 2016

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/eco/ecologie/menace_littoral

    http://www.elwatan.com/regions/est/annaba/pollution

     

  • Algérie: Troubles sociaux (Algeria Watch)

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    La Gendarmerie nationale donne l’alerte

    La gendarmerie nationale met en garde contre la situation «préoccupante» sur le front social, malgré une amélioration constatée durant le deuxième trimestre 2016.

    «Malgré la diminution constatée, la situation sociale reste préoccupante et demeure marquée par la récurrence des contestations à caractère social», constate la gendarmerie dans son bilan du 2e trimestre de l’activité de sécurité publique générale et de police judiciaire. Selon le document rendu public lundi, la situation sur le front social a été caractérisée par l’enregistrement de 429 cas de troubles à l’ordre public, soit cinq par jour, ainsi que 691 cas de conflits sociaux.

    «L’analyse comparative par rapport à la même période de l’année précédente fait ressortir une hausse de 78% pour les conflits sociaux et une baisse de 14% pour les attroupements. Dans ce cadre, les unités de la gendarmerie nationale ont exécuté 23 réquisitions, dont 11 avec les moyens de maintien de l’ordre, soit une hausse de 15% par rapport au 2e trimestre 2015», précise le bilan de la gendarmerie.

    Les causes principales de ces mouvements sont essentiellement l’accès à l’emploi et au logement, l’alimentation en eau potable, le raccordement aux réseaux d’assainissement, de distribution de l’électricité et du gaz, l’amélioration des conditions de vie en général.

    Les wilayas concernées par la délivrance des réquisitions sont situées principalement au centre et à l’Est : Médéa, Alger, Boumerdès, Aïn Defla, Blida, Batna, Annaba, Guelma, Skikda, Mila. Ne se contentant pas, pour une fois, de détailler les causes des troubles à l’ordre public, ce corps de sécurité placé sous la tutelle du ministère de la Défense nationale estime que les revendications sociales doivent être «une priorité» des pouvoirs publics.

    «Ces préoccupations doivent être considérées comme une priorité des pouvoirs publics, qui n’ont ménagé aucun effort pour atténuer l’intensité des foyers de tension», constate la gendarmerie, qui étonne par sa franchise inhabituelle. Selon le rapport de la gendarmerie, la paix sociale a connu une «amélioration» qui se traduit essentiellement par la régression des attroupements et des contestations sociales.

    «Ce calme est le résultat de la réaction des pouvoirs publics à la prise en charge effective des préoccupations à caractère socioéconomique exprimées par les populations», lit-on dans le document, qui explique que cette régression est due notamment aux «efforts consentis par les unités de la gendarmerie sur le plan préventif, et ce, par le travail d’anticipation et la transmission de l’information aux autorités administratives en temps opportun». (...)

    Nadir Iddir El Watan, 10 août 2016

    http://www.algeria-watch.org/revolte/gendarmerie

  • Algérie: Les libertés et les droits de l’homme malmenés (Algéria Watch)

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    Arrestations, détentions provisoires prolongées et absence de procès...

    Des militants oubliés dans les prisons, des citoyens jugés et condamnés pour délit d’opinion…

    Les atteintes aux droits de l’homme se multiplient et se banalisent. Le tout dans un contexte de restriction des libertés démocratiques. Une chape de plomb s’abat sur tous ceux qui se risquent à franchir les imaginaires lignes rouges fixées arbitrairement.

    Dans la vallée du M’zab, théâtre de violences cycliques, 25 personnes et militants pacifistes, dont l’ancien président du bureau régional de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), Kamel-Eddine Fekhar, croupissent en prison depuis plus d’une année sans jugement. Ils ont été arrêtés le 9 juillet 2015 et accusés de lourdes charges allant de l’«incitation à la violence» jusqu’à l’«atteinte à la sûreté de l’Etat».

    En tout, 18 charges pèsent sur eux et rendent l’instruction longue, prolongeant ainsi leur détention provisoire indéfiniment. Il faut rappeler qu’à la veille de leur arrestation, ils étaient désignés par des responsables du gouvernement comme étant des «fauteurs de troubles à Ghardaïa». Connus pour leur engagement politique et citoyen depuis des années dans la vallée de M’zab, les détenus subissent le calvaire carcéral entre les prisons de Ghardaïa et d’El Ménéa, en attente d’un procès qui tarde à être fixé. Mais depuis, les arrestations n’ont pas arrêté. D’autres personnes ont également été placées en détention provisoire.

    Ce sont 100 personnes qui ont été arrêtées suite aux événements qu’a connus la région, au début de l’année 2015, selon les chiffres fournis par la LADDH. Des défenseurs des droits de l’homme n’hésitent pas à parler «d’arrestations qui ciblent essentiellement des militants politiques pour sanctionner une région devenue un îlot de contestation dans le Sud».

    Et au moment où les organisations des droits de l’homme revendiquaient la tenue d’un procès équitable, l’un des avocats des détenus a été placé, lui aussi, sous contrôle judiciaire. Très actif sur le dossier des détenus de Ghardaïa, maître Salah Debouz est accusé d’avoir «introduit des objets interdits en prison», d’«atteinte aux corps constitués» et de «diffamation».

    Depuis le 13 juillet dernier, il est contraint de se présenter chaque semaine au commissariat de Ghardaïa. Dans la même région, et depuis plus d’une année aussi, deux cadres du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) sont sous mandat de dépôt. Il s’agit de l’ex-président de l’APC de Berriane, Nacereddine Hadjadj, et de Noureddine Kerrouchi. Le premier est secrétaire national du parti chargé de l’environnement et le second était tête de liste du parti aux élections législatives de 2012.

    Pour le porte-parole du RCD, Atmane Mazouz, ces détentions sont synonymes d’«atteintes aux libertés qui prennent des allures inquiétantes ces derniers temps. Qu’il s’agisse de militants politiques ou de simples citoyens, la machine judiciaire est souvent instrumentalisée et n’obéit toujours pas aux lois en vigueur». Le responsable du RCD dénonce «une cabale contre les militants et un traitement en violation des dispositions de la Constitution» et décrit une situation «très dangereuse alors que la justice est soumise».

    Parmi les signes de cette dégradation des droits de l’homme, il y a la condamnation à cinq ans de prison ferme, dimanche passé, de Slimane Bouhafs, à Beni Ourtilane (Sétif) pour «atteinte aux préceptes de l’islam et propos indécents à l’égard du Prophète». De l’avis de nombreux juristes, c’est «la liberté de conscience qui est jugée». Bouhafs est connu pour avoir opté pour la religion chrétienne depuis longtemps, ce qu’il assume publiquement.

    Délit de liberté de conscience

    L’affaire Bouhafs vient rappeler toute la difficulté d’épouser une autre religion que celle de l’Etat, alors que la Constitution garantit la liberté de conscience. Depuis quelques années, de nombreux citoyens sont poursuivis sous le prétexte fallacieux de «prosélytisme». C’est la croix et la bannière.

    Depuis la scandaleuse arrestation de Habiba K. à Tiaret, en 2008, qui avait défrayé la chronique à l’époque poursuivie pour «pratique non autorisée d’un culte non musulman», de nombreux citoyens sont persécutés et poursuivis devant les tribunaux. La condamnation de M. Bouhafs vient s’ajouter à celle de Rachid Fodil de M’sila, condamné également pour «offense au Prophète et atteinte aux préceptes de l’islam».

    La liste des atteintes aux libertés d’opinion n’est pas clause, comme le confirme la condamnation de la militante Zoulikha Belarbi à 100 000 DA d’amende par le tribunal de Tlemcen pour un banale photomontage publié sur un réseau social.

    Dans le sud du pays, des citoyens qui manifestent pour leurs droits au travail subissent régulièrement un harcèlement policier et judiciaire, pendant qu’en Kabylie, des militants pour l’autonomie de la région sont interpellés ou convoqués dans les locaux de la police. Dans la plupart des cas, la répression prend le pas sur la négociation.

    Le pouvoir politique semble avoir définitivement opté pour le bâton. Une croissance dans les atteintes aux droits les plus élémentaires qui illustre la dégradation inquiétante de la situation des libertés individuelles et des droits de l’homme. Cette dernière risque de s’aggraver encore avec le verrouillage du champ politique à travers notamment la promulgation de textes de lois liberticides. 


    Hacen Ouali El Watan, 10 août 2016

    «Je n’ai constaté aucun progrès en matière de respect des libertés individuelles»

    Miloud Brahimi. Avocat et ancien président de la LADH 

    Actuellement, plusieurs personnes sont en prison et attendent depuis longtemps d’être jugées. Cet état de fait remet sur le tapis la problématique de la détention provisoire. A votre avis, pourquoi autant de lenteur alors que la loi a été revue afin d’accélérer le traitement de ces affaires ?

    La détention provisoire est un drame national. Incontestablement, des efforts sont fournis par les autorités pour remédier à cette situation. Preuve en est la décision prise dernièrement consistant à interdire la détention provisoire si la peine est inférieure à trois ans. Toutefois, sur le terrain, la situation demeure alarmante et catastrophique. Mais où réside donc le problème ? C’est la pratique juridique qui fait fi des principes les plus élémentaires en matière de détention provisoire. Mieux, elle fait fi de la présomption d’innocence. Le problème est, de mon point de vue, moins judiciaire que culturel.

    Que voulez-vous dire par un problème culturel plus que judiciaire ?

    En termes simples, il faut éduquer et former les magistrats pour leur apprendre à respecter l’importance de la présomption d’innocence et la signification de la détention provisoire. En Algérie, la détention provisoire est un drame national qui se perpétue. Les exemples dans ce sens ne manquent pas. Je vous cite un cas que je qualifierais de scandaleux et de terrible et qui ne fait nullement honneur au système judiciaire de notre pays. Le directeur général de la CNAN est détenu, à titre préventif, depuis quatre longues années.

    Trouvez-vous normal que cette personne, qui n’est poursuivie ni pour corruption ni pour détournement, attende son jugement depuis quatre ans ? Il attend d’être jugé pour une affaire de mauvaise gestion. Cela dépasse l’entendement. Cette situation est inadmissible. C’est une détention illégale, abusive, arbitraire et contraire à la loi. Et je connais beaucoup de personnes qui sont dans la même situation. Les pouvoirs publics sont interpellés. Normalement, la liberté individuelle est un principe constitutionnel. Le directeur général de la CNAN est poursuivi pour une affaire de dilapidation. D’ailleurs, je m’interroge sur la capacité des magistrats à juger une affaire relevant du domaine économique...

    Donc, la faute incombe aux magistrats...

    Depuis que j’exerce ce métier, je n’ai constaté aucun progrès en matière de respect des libertés individuelles. Nous n’avons pas une philosophie de la liberté provisoire dans notre pays. Je n’ai vu que des aggravations. Nous savons tous que la loi ne vaut que par son application. Les magistrats font partie d’un système judiciaire qui fonctionne de la sorte depuis l’indépendance du pays. Et je peux vous confirmer que le fonctionnement du système est une chose et les textes en sont une autre…

    Prenons encore le cas du général Benhadid qui a été libéré en raison de son état de santé qui s’est détérioré. Vous ne croyez tout de même pas que le magistrat a pris la décision seul de mettre ce général à la retraite en prison. Le général Benhadid n’aurait jamais dû être mis en prison à titre préventif car les faits qui lui sont reprochés ne méritent pas son inculpation. Le plus correct était de le laisser en liberté puis de le juger.

    Aujourd’hui, il y a confirmation de la peine de deux ans de prison pour le journaliste Tamalt. Qu’en pensez-vous ?

    C’est grave. Je trouve qu’il y a de l’exagération.

    Pourquoi, à votre avis ?

    Aucune idée. Je peux juste vous dire que la situation est très inquiétante. Il y a beaucoup de personnes qui attendent d’être jugées. Il y a un excès en matière de détention provisoire et les citoyens ne font plus confiance à la justice parce qu’ils ont pris conscience de l’existence de ses abus et ses excès. En tant qu’avocats et défenseurs des droits de l’homme, nous ne cesserons de dénoncer les abus de la détention et autres qui ternissent l’appareil judiciaire.


    Nabila Amir El Watan, 10 août 2016

    http://www.algeria-watch.org/fr/mrv/mrvrepr/droits_malmenes.htm

     

     

  • Nouveautés sur Association France Palestine Solidarité

    Un homme devant sa maison détruite par l'armée israélienne à Surda, en Cisjordanie. Début octobre 2015, son fils Muhannad a tué deux Israéliens dans une attaque au couteau avant d'être abattu. RFI/Nicolas Ropert

     

  • Humour algérien

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  • Les rebelles yéménites convoquent le parlement (El Watan.dz)

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    Un autre revers pour la coalition arabe

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    Lancée le 25 mars 2015, l’opération de raids aériens de la coalition arabe menée par l’Arabie Saoudite contre les rebelles houthis n’a pas atteint jusque-là son objectif. A savoir, chasser les Houthis, une minorité zaïdite d’obédience chiite, de la capitale Sanaa, qu’ils occupent militairement depuis septembre 2014 et rétablir le pouvoir du président Abd Rabbo Mansour Hadi, réfugié à Riyad.

    Ces rebelles ont bravé encore ladite coalition en convoquant hier le Parlement. Avec la tenue de cette session, les rebelles souhaitent faire approuver par les députés la création, le 28 juillet, d’un «Conseil supérieur». «L’objectif» de cette instance consiste à «rassembler les efforts en vue de faire face à l’agression menée par l’Arabie Saoudite et ses alliés» et «gérer les affaires publiques aux niveaux politique, militaire, économique, administratif, social et en matière de sécurité», selon un communiqué des rebelles et le parti du Congrès populaire général (CPG) de l’ex-président Ali Abdallah Saleh.

    Impasse

    L’émissaire de l’ONU, Ismaïl Ould Cheikh Ahmed, qui a suspendu les pourparlers entre rebelles et gouvernement la semaine dernière, a décrit le conseil de gouvernance rebelle comme une violation des engagements pour un processus de paix. Le gouvernement yéménite a annoncé, le 31 juillet, avoir accepté un projet d’accord de paix proposé par l’ONU, mais les rebelles l’ont rejeté.

    Il s’agit notamment du retrait dans un délai 45 jours des rebelles, le retrait des zones occupées depuis 2014, dont la capitale Sanaa, la restitution des armes lourdes à l’armée, la levée du siège des villes et la libération des détenus.

    L’accord du gouvernement à ce plan est intervenu après une réunion à Riyad dirigée par le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi, considéré comme l’autorité légitime par la communauté internationale.

    Mercredi dernier, l’ONU et l’Iran se sont alarmés de la reprise des raids et des combats à grande échelle.

    «Le secrétaire général de l’ONU est profondément inquiet des informations sur l’intensification des combats dans les provinces de Hajjah, Saada et Sanaa», a déclaré l’un de ses porte-parole. «L’escalade aggrave la situation humanitaire et les souffrances du peuple yéménite». L’Iran a dénoncé l’«inaction» de la commu- nauté internationale face aux «atrocités que font subir les Saoudiens au peuple yéménite». Le ministère des Affaires étrangères à Téhéran a appelé l’ONU et les pays fournisseurs d’armes à l’Arabie Saoudite à entreprendre des «efforts effectifs pour arrêter ces attaques et prendre les mesures nécessaires pour protéger les civils».

    La veille, le département américain de la Défense avait annoncé que les Etats-Unis allaient vendre à l’Arabie Saoudite des chars, véhicules blindés, mitrailleuses lourdes et munitions, représentant un contrat de 1,15 milliard de dollars.

    Conformément à la procédure américaine en la matière, c’est le département d’Etat qui a approuvé cette vente d’équipements à Riyad, contrat qui sera concrétisé par le feu vert technique du Congrès, selon un communiqué du Pentagone. «Cette vente, telle qu’elle est proposée, contribuera à la politique étrangère et à la sécurité nationale des Etats-Unis en permettant d’améliorer la sécurité d’un partenaire régional stratégique qui a été et qui continue d’être un acteur leader pour la stabilité politique et les avancées économiques du Moyen-Orient», a indiqué l’Administration américaine.

    Depuis 2004, les Houthis mènent la guerre au pouvoir central de Sanaa. Jusqu’en 2010, six guerres ont eu lieu entre les deux belligérants. Le président de l’époque, Abdallah Saleh, les justifie par le fait que les Houthis veulent rétablir l’imamat aux dépens de la République. Le Qatar propose ses bons offices pour trouver une issue au conflit. Cependant, la médiation de 2007, suivie d’un traité en février 2008, n’a pas empêché la reprise des combats en avril de la même année.

    De son côté, Riyad est intervenu militairement en novembre 2009 à Saada, bastion des Houthis, une ville située à ses frontières. En août 2010, un autre traité a été signé à Doha entre le gouvernement et les insurgés. Après le départ de Abdallah Saleh du pouvoir, ils poursuivent leur guerre contre les nouvelles autorités de Sanaa. En la circonstance, les partisans de l’ancien président deviennent les alliés des Houthis.

    Amnay idir 14.08.16

    http://www.elwatan.com/international/un-autre-revers-pour-la-coalition-arabe

    Lire aussi:

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Houthis

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Insurrection houthiste_au_Yemen

    Qui sont les Houthis, ces rebelles qui bouleversent la donne au Yémen ?

    Non, tous les Houthis du Yémen ne sont pas chiites (et autres erreurs)

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  • Liban: un état des lieux du salafisme (Cetri.be)

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    Caricature... chiite!

    D’abord implanté à Tripoli, le courant salafiste a progressivement pris de l’ampleur au Liban tout au long des années quatre-vingt-dix. A partir de 2005, toutes les expressions salafies ont voix au chapitre. Romain Caillet explique à Religioscope l’évolution et la situation du salafisme au Liban.

    Salafisme, ou Salafiyyah, désigne une idéologie et un ensemble de mouvements sunnites islamiques modernes, de tendance littéraliste et puritaine, apparus dans la deuxième moitié du 19ème siècle en réaction à la propagation des idées européennes. Ce courant de pensée, recouvrant des mouvements aussi divers que le wahhabisme saoudien, des groupes jihadistes ou encore des tendances « légitimistes » (madkhalisme), appelle à la restauration d’une authenticité islamique par l’adhésion stricte aux principes et pratiques des textes et enseignements originaux.

    Religioscope  Peut-on dresser une brève chronologie de l’implantation du salafisme au Liban ? Quelles ont été ses figures clefs ? Quel est la trajectoire historique du salafisme dans ce pays ?

    Romain Caillet - Au Liban, le salafisme est d’abord apparu à Tripoli, ville où a grandi le théologien réformiste Muhammad Rashîd Ridâ (1865-1935), dont la revue al-Manâr, publiée au Caire, influencera le shaykh Muhammad Nâsir ad-Dîn al-Albânî (1914-1999), l’un des trois pères fondateurs du salafisme contemporain. Al-Albânî résidera lui-même plusieurs mois au Liban. Cependant, c’est un certain Sâlim Shahâl (1922-2008) qui fut le véritable fondateur du courant salafi au pays du Cèdre. Décédé à l’âge de 86 ans et formé par les oulémas de Médine, Salîm Shahâl fonde à son retour d’Arabie saoudite le groupe Shabâb Muhammad (« jeunes de Muhammad ») qui constitue la première formation salafie au Liban. Plusieurs personnalités de Tripoli, qui s’illustreront par la suite sur la scène islamique locale, notamment le shaykh Sa’îd Sha’bân (1930-1998), adhèrent alors à cette organisation, qui prendra par la suite le nom de « regroupement des musulmans » (Jamâ’at muslimûn), sans toutefois parvenir à incarner un véritable mouvement populaire.

    Au milieu des années quatre-vingt, dans le contexte de la guerre civile libanaise, le fils de Sâlim Shahâl, prénommé Da’î al-Islâm, revient diplômé de l’Université islamique de Médine et en 1992 succède à son père vieillissant à la tête du salafisme tripolitain, toujours balbutiant à cette époque.

    Tout au long des années quatre-vingt-dix, en fonction des aléas de la politique internationale et de l’état des relations diplomatiques entre l’Arabie saoudite, qui finance une partie des instituts salafis de Tripoli, et le régime syrien de Hafez Al Assad, dont l’armée occupe la capitale du Nord-Liban depuis 1985, le courant salafi prend progressivement de l’ampleur dans tout le pays. A partir de mars 2005, le départ des troupes syriennes, qui marque la fin du « protectorat » syrien sur le Liban, annonce une nouvelle ère pour les tenants du salafisme au pays du Cèdre. Avec l’avènement de la liberté d’expression au Liban, ce n’est plus seulement le salafisme inclusif et pragmatique de Da’î al-Islâm Shahâl qui a droit au chapitre mais toutes les expressions salafies, y compris celle du courant jihadiste, dont les partisans libanais expatriés à l’étranger sont sur le chemin du retour.

    Durant l’été 2005, quelques mois après le départ du dernier soldat syrien présent au Liban, le très médiatique Omar Bakri [1] , lassé du harcèlement policier dont il fait l’objet en Grande-Bretagne, décide de s’installer définitivement au Liban, dont il est d’ailleurs originaire.

    Un an plus tard, en 2006, c’est le shaykh Sâlim ar-Râfi’î, considéré comme le chef de file du salafisme en Allemagne, et auteur d’ouvrages recommandés par le plus prestigieux des oulémas saoudiens, l’ancien Grand Mufti ’Abd al-’Azîz b. Bâz (1912-1999), qui fait son retour à Tripoli, dont il deviendra l’une des personnalités les plus influentes.

    Comment se structure le salafisme au Liban ? Et peut-on parler d’un salafisme libanais ?

    Romain Caillet - Pour des raisons liées à l’histoire particulière de ce pays, qui a connu une longue guerre civile de 1975 à 1990 et conserve une certaine culture des armes, toutes les composantes de l’islamisme au Liban sont, peu ou prou, militarisées. Les salafis libanais, dans toute leur diversité, n’échappent pas à cette règle et ses principaux leaders disposent de services de sécurité solidement armés, à l’instar des principaux hommes politiques libanais. C’est peut-être ce contexte libanais particulier qui explique l’absence, ou la faiblesse, des principaux courants salafis quiétistes présents dans le monde arabe, et largement majoritaires en France, notamment les partisans de Rabî’ al-Madkhalî, qui prône la soumission politique aux pouvoirs autoritaires, pour peu qu’ils s’affilient vaguement à l’islam. Ce courant, opposé à la quasi-totalité des luttes armées menées actuellement dans le monde musulman, représente donc une offre identitaire peu attrayante pour la jeunesse sunnite, en concurrence directe avec les jeunes chiites libanais, dont l’appartenance au camp du Hezbollah, celui de la « résistance », légitime leur usage des armes dans l’espace public.

    Sans être majoritaire, le courant jihadiste est donc assez populaire dans les milieux salafis libanais, naturellement plus enclins à la rébellion qu’à la docilité. C’est toutefois un compromis entre ces deux lignes politiques, salafis quiétistes contre jihadistes, qui représente à mes yeux la spécificité du salafisme libanais. Son influence sur la population était toutefois restée restreinte, voire relativement marginale, jusqu’à l’émergence spectaculaire du shaykh Ahmad al-Asîr [2] à la faveur de la révolution syrienne et de la vacance du leadership sunnite au Liban. En l’espace d’un an et demi, cet imam de la mosquée Bilâl b. Rabbâh, située dans la commune de ’Abrâ, à l’est de Saïda, la capitale du Sud-Liban, est parvenu à fédérer autour de sa personne plusieurs milliers de militants déterminés.

    L’affrontement entre l’armée et Fatah al-islam (un groupe salafi jihadiste mené par Sheikh Shaker al-Abssi) à Nahr al Bared en 2007 a été un tournant : le salafisme au Liban est entré sur le devant de la scène et cela a été perçu comme une menace par de nombreux libanais. Comment les différents courants salafistes au Liban se sont-ils positionnés lors de ces affrontements ?

    Romain Caillet - Cet affrontement, qualifié dans les milieux jihadistes les plus radicaux de « bataille des 200 », en référence au nombre restreint de jihadistes, retranchés dans le camp de Nahr al-Bared, vidé de ses habitants, qui pendant plus de trois mois parvinrent à tenir tête à l’armée libanaise. A posteriori, ce déséquilibre des forces démontre avant tout l’isolement de Fath al-Islam, qui ne reçut aucun soutien de la part de la population sunnite du Liban, pas même des jihadistes.

    Comment expliquer cet isolement ? Si le refus de l’islamisme radical, par une part non négligeable des Libanais de confession sunnite, constitue une première piste de réflexion, celle-ci n’explique pas l’inaction de l’ensemble des courants salafis, y compris les milices jihadistes basées dans les autres camps de réfugiés palestiniens, durant les combats. Cette absence de réaction s’explique selon moi par les nombreuses suspicions entourant l’apparition de Fath al-Islam, composée en partie de militants jihadistes ayant été libérés « opportunément » des geôles syriennes avant de rejoindre le territoire libanais, où ils bénéficièrent du soutien logistique de Fath al-Intifada, une structure palestinienne inféodée aux services secrets syriens [3] .

    Conscients de la volonté du régime de Damas de se venger de ses adversaires politiques, qui deux ans plus tôt avaient mis un terme à son protectorat sur le Liban, nombre d’observateurs en conclurent que ces militants jihadistes étaient au mieux manipulés, au pire des agents infiltrés dans les rangs des sunnites, pour mieux les discréditer en perpétrant des attentats sur le sol libanais. Cette hypothèse s’est largement vérifiée après que des membres de Fath al-Islam aient assassiné plusieurs soldats libanais, en majorité de confession sunnite, avant de commettre un attentat à la voiture piégée dans le quartier sunnite de Verdun à Beyrouth, suivi d’une explosion dans le parking du centre commercial ABC, situé à Ashrafieh le bastion chrétien des Forces libanaises, adversaires résolus du régime des Assad au Liban.

    Enfin, sur le plan politico-théologique, de nombreux membres de Fath al-Islam furent accusés de dérives extrémistes (al-ghûluw fî takfîr), voire d’appartenir à la secte hétérodoxe des Kharijites (khawârij). Ces accusations furent non seulement prononcées par des salafis quiétistes, chose relativement banale, mais également par des jihadistes libanais, sympathisants d’al-Qaïda, ce qui en dit long sur la façon dont Fath al-Islam fut marginalisé au Liban.

    Quels sont les lieux où ce mouvement se développe ? Et qu’est-ce que cette géographie nous révèle ?

    Romain Caillet - Sans surprise, le salafisme libanais se développe avant tout dans les régions où la démographie sunnite est majoritaire.

    Au Nord du pays, la ville emblématique de Tripoli, berceau du salafisme au Liban, demeure toujours son principal bastion. C’est dans cette région du Nord-Liban, qui s’étend des faubourgs du sud de Tripoli jusqu’à la plaine du ’Akkar frontalière de la Syrie, que se concentrent les forces vives du sunnisme militant mais aussi le plus fort taux de pauvreté du Liban qui, contrairement à une idée reçue, est plus élevé que dans le sud du pays, à dominante chiite, ayant pourtant subi près de vingt ans d’occupation israélienne.

    Une photo de la place an-Nûr à Tripoli où l’on peut lire en arabe : « Tripoli, la citadelle des musulmans vous souhaite la bienvenue » avec deux drapeaux noirs qui encadrent le nom d’Allah écrit en arabe.

    A Beyrouth, l’absence de leader salafi charismatique avait laissé un vide qui est en train d’être comblé par le phénomène Ahmad al-Asîr, dont les portraits commencent à s’afficher dans les quartiers populaires de la capitale libanaise. Au-delà de l’axe Beyrouth-Saïda, Ahmad al-Asîr compte aujourd’hui de nombreux soutiens dans la Bekaa, à l’Est du Liban, capables d’organiser, en coordination avec ses partisans dans la capitale et à Tripoli, des manifestations musclées et d’importants blocages de la circulation, téléguidés depuis sa mosquée de Saïda, grâce à la puissance des réseaux sociaux. Afin de prendre la mesure de son influence sur les réseaux sociaux, rappelons que la page officielle d’Ahmad al-Asîr sur Facebook a désormais dépassé les 300.000 abonnés [4].

    L’Etat libanais est un label sous lequel le pouvoir se subdivise suivant des lignes politico-communautaires. Dans quelle mesure le système libanais influence les stratégies de prosélytisme des mouvements salafistes ? Se considèrent-ils comme les défenseurs du sunnisme au Liban ?

    Romain Caillet - Tout d’abord rappelons que l’appellation salafie est (ré)apparue à l’époque contemporaine, notamment sous l’influence du shaykh al-Albânî, qui insistait pour se désigner comme tel, afin de se distinguer des autres courants s’affiliant au sunnisme, qu’il s’agisse de mouvements islamistes tel que celui des Frères Musulmans ou des confréries soufies jugées déviantes. Dans leur représentation de l’islam, les salafis se voient comme l’élite du peuple sunnite, dont ils entendent être les guides mais aussi les garants de sa dignité et ses intérêts politiques. Si le prosélytisme strictement religieux des salafis s’exprime dans un cadre plus étroit au Liban qu’ailleurs dans le monde arabe, notamment en raison de la nature multiconfessionnelle du pays du Cèdre, leur prosélytisme politique vise un public beaucoup plus large.

    Contrairement au clivage politique traditionnel, opposant « islamistes » et « laïcs » dans la plupart des pays arabes, la vie politique libanaise s’organise autour du clivage sunnites/chiites, à tel point que même les formations politiques chrétiennes se positionnent implicitement par rapport à ce clivage. Un bourgeois occidentalisé de Beyrouth, de confession sunnite, se sentira paradoxalement plus proche d’un imam salafiste de Tripoli, sous réserve que celui-ci ne soit pas sur une ligne explicitement jihadiste, plutôt que d’un homme d’affaires chiite, non pratiquant, lié à la coalition du 8 mars, dominée par le Hezbollah et favorable au régime de Bachar Al Assad.

    Le salafisme est souvent perçu comme un mouvement largement apolitique. Cependant, du Yémen à la Hollande, les différentes réalités dans lesquelles ces mouvements évoluent les a souvent forcé à participer à la chose politique, de façon directe ou détournée. Quant est-il du salafisme libanais ? Se politisent-ils en suivant les lignes de partage libanaises traditionnelles ?

    Romain Caillet - Je ne suis pas convaincu que la majorité des salafis, toutes tendances confondues soient véritablement apolitiques. Hormis les tenants du courant madkhaliste qui, avant les révolutions du « printemps arabe », avaient systématiquement pris fait et cause en faveur de la plupart régimes autoritaires du monde arabe, ce qui in fine accuse un positionnement politique, la plupart des acteurs de la scène salafie évitèrent d’investir le champ politique par précaution plus que par conviction. A titre d’exemple, si les salafis égyptiens, plutôt sur une ligne inclusive, refusèrent de présenter des candidats lors des consultations électorales se déroulant sous l’ère du régime de Hosni Moubarak, ce fut davantage par pragmatisme, face à un système politique verrouillé, que pour de réelles raisons dogmatiques. Sur la base de ce constat, j’ai été l’un des premiers observateurs à prévoir [5], au lendemain de la chute du régime Moubarak, l’entrée en politique des salafis égyptiens. Très peu de gens croyaient à cette politisation du salafisme en Egypte.

    Pour revenir au Liban, une réforme électorale est en cours qui, si elle devait être adoptée, favoriserait les candidats d’obédience islamiste tels que les Frères Musulmans, voire les salafis s’ils venaient à former un parti politique, malgré l’opposition actuelle d’Ahmad al-Asîr à un tel projet. Auparavant, les salafis libanais avaient tendance à s’aligner sur les positions de la coalition du 14 mars, qui réclame notamment le démantèlement de l’arsenal du Hezbollah et soutient le mandat du Tribunal Spécial des Nations unies pour le Liban (TSL) chargé d’enquêter sur le meurtre de Rafiq Hariri, ancien premier ministre du Liban assassiné dans un attentat le 14 février 2005.

    Si le démantèlement de l’arsenal du Hezbollah fait quasiment l’unanimité dans les milieux salafis, c’est notamment l’une des principales revendications du shaykh Ahmad al-Asîr, le TSL, provisoirement oublié depuis l’arrivée au pouvoir du Hezbollah en janvier 2011, était toutefois loin de susciter une adhésion franche et entière des salafis libanais. Peu enclins à s’en remettre à un tribunal séculier, qui plus est formé par l’ONU, les salafis libanais se sont pourtant abstenus de le condamner ouvertement, afin de ne pas froisser leurs partenaires du Courant du Futur, ni leurs bailleurs de fonds saoudiens. Du côté des jihadistes, seul Omar Bakri dénonça explicitement le TSL comme un tribunal séculier contraire à la loi islamique, auquel chaque musulman devait s’opposer. Arrêté, vraisemblablement sur ordre de Saad Hariri, alors premier ministre du Liban, après avoir été condamné en novembre 2010 par un tribunal militaire à la prison à perpétuité, Omar Bakri fut libéré, moins de deux semaines plus tard, grâce à l’intervention du Hezbollah auprès des autorités judiciaires.

    Reconnaissant envers ceux qui l’avaient sorti de prison, Omar Bakri remercia Hassan Nasrallah d’avoir répondu à son appel lancé quelques jours avant son arrestation. Au cours des mois qui suivirent sa libération, Omar Bakri participa à plusieurs émissions télévisées, retransmises sur des chaînes proches du Hezbollah. Lors de ses interventions, Omar Bakri justifia religieusement son refus du TSL, dont le verdict, s’appuyant sur des lois impies, serait forcément contraires à la loi islamique. Il déclara enfin être opposé au désarmement de la « résistance », c’est-à-dire du Hezbollah, au nom de la solidarité contre « l’ennemi sioniste ». Devenu un compagnon de route inattendu du Hezbollah, Omar Bakri ira jusqu’à assister à un meeting retransmettant un discours de Hassan Nasrallah dans la banlieue sud de Beyrouth.

    Cette alliance, au premier abord contre-nature, entre le jihadiste Omar Bakri, ayant trouvé un « protecteur » capable de tenir tête à Saad Hariri, et le parti chiite pro-iranien, à la recherche de partenaires salafis crédibles, aurait pu se prolonger si elle n’avait pas été progressivement rompue par le soutien indéfectible du Hezbollah au régime alaouite de Bachar Al Assad. Aujourd’hui, plus de deux ans après les débuts de la révolution syrienne, Omar Bakri est revenu à une ligne plus agressive envers le Hezbollah, soutenant ouvertement le mouvement d’Ahmad al-Asîr au Liban et bien entendu le principal mouvement jihadiste en Syrie, Jabhat an-Nusra, dont il envisage l’émergence à Tripoli et dans sa région.


    Les envolées anti-Hezbollah du Sheikh Ahmed al-Assir, un salafiste de la ville de Sidon, lors du rassemblement du 4 mars sur la Place des Martyrs à Beyrouth, ont été interprétées comme le signe d’une réaction sunnite face à la déréliction politique du mouvement du 14 mars. Le salafisme devient-il un refuge pour les « dépossédés » (politiques) sunnites au Liban ?

    Romain Caillet - Le rassemblement du 4 mars 2013, organisé au centre-ville de Beyrouth, avait pour but de réclamer la libération des détenus islamistes, estimés à environ 480 individus, incarcérés depuis bientôt de sept ans à la prison de Roumieh, située au Nord-Est de Beyrouth, que certains observateurs surnomment le « Guantanamo du Liban ». La plupart de ces détenus ont été arrêtés dans le contexte de l’affaire « Fath al-Islam » et depuis n’ont toujours pas été jugés, ni donc condamnés, ce qui explique la comparaison faîte avec le symbole des dérives de la guerre contre le terrorisme menée par l’administration américaine.

    La prise de parole d’Ahmad al-Asîr à l’occasion de ce rassemblement marque selon moi un tournant dans sa stratégie politique. Jusqu’ici Ahmad al-Asîr s’était en effet montré très discret dans son soutien à une cause trouvant relativement peu d’échos au sein de la population libanaise, y compris dans la communauté sunnite, contrairement à la contestation de l’arsenal du Hezbollah ou au soutien à la révolution syrienne. Je pense donc que cette présence s’inscrit dans une stratégie d’établissement du leadership d’Ahmad al-Asîr sur l’ensemble de communauté sunnite du Liban. Après avoir gagné la sympathie des milieux populaires sunnites non-islamistes, traditionnellement lié au Courant du futur, la formation politique dirigée par Saad Hariri, il souhaite désormais obtenir la reconnaissance d’une partie des jihadistes libanais, premiers concernés par la cause des détenus islamistes de Roumieh.

    En dénonçant l’injustice du « deux poids deux mesures » pratiquée par l’Etat libanais, qui incarcère sans jugement les uns, jihadistes de confession sunnite, tandis qu’elle ferme les yeux sur les assassinats commis par les autres, membres du Hezbollah chiite, Ahmad al-Asîr a ainsi souligné la faillite politique de la communauté sunnite au Liban. Ce slogan de « la communauté vaincue » (at-tâ’ifa al-mahzûma) fait, comme vous le sous-entendez dans votre question, étrangement échos à celui des « dépossédés » (mahrûmîn) ou des « déshérités », popularisé quarante ans plus tôt par l’imam Moussa Sadr, qui émancipa et unifia politiquement les chiites du Liban. C’est dans cette perspective, qui mêle sentiment d’humiliation et volonté de revanche, qu’il faut comprendre le sens de « la révolution de la dignité » (thawrat al-karâma) prônée par Ahmad al-Asîr, dont l’objectif est de mettre fin aux injustices subies, selon lui, par la communauté sunnite au pays du Cèdre.

    Est-il légitime de penser que la montée du salafisme politisé au Liban, à l’exemple de Sheikh Ahmed al-Assir, est le résultat de la faiblesse politique du mouvement du Futur, mené par Hariri fils ? Quel est l’impact de l’affrontement régional entre acteurs sunnites et chiites sur la trajectoire du salafisme au Liban et de la révolution syrienne ?

    Romain Caillet - Au-delà de son absence physique du territoire libanais, l’affaiblissement politique de Saad Hariri, qui réside actuellement entre Paris et Riyad, se mesure notamment dans la ville de Beyrouth, où son portrait est de moins en moins affiché dans les quartiers qui lui était jadis totalement acquis. A contrario, les effigies d’Ahmad al-Asîr ont surgit dans plusieurs rues de Tarîq al-Jadîda, le principal bastion sunnite de la capitale libanaise, où les bannières noires commencent peu à peu à remplacer les drapeaux bleus du courant du futur de Saad Hariri. Cette expansion iconographique de l’imam de Saida a été concomitante à la confessionnalisation de la révolution syrienne, dont les revendications parfaitement universelles de « liberté » et de « dignité », étaient pourtant parfaitement acceptables pour les autres communautés.

    Contrairement à leurs coreligionnaires libanais, nombre de Syriens, qui se définissaient auparavant comme citoyens ou simples musulmans, sans appartenances particulières, se sont découverts « sunnites » au cours de la révolution. Ainsi, le fameux slogan « ash-Sha’b as-Sûrî wâhid » (le peuple syrien est uni) fut, devant la sauvagerie de la répression, remplacé par « ad-Dâm as-Sûrî wâhid » (le sang syrien est un) avant que les manifestants, outrés du soutien des minorités au régime, ne finissent par scander à Daraya en mai 2012 « ad-Dâm as-Sunnî wâhid » (le sang sunnite est un) .

    Ce dernier slogan est aujourd’hui repris par la chaîne satellite égyptienne Safâ TV, initialement spécialisée dans la réfutation exclusivement théologique du chiisme mais qui, depuis les débuts du printemps arabe, donne aujourd’hui une dimension géopolitique à la plupart de ses émissions, ce qui la différencie de sa principale concurrente saoudienne Wisâl TV, plus centrée sur la théologie. Outre les révolutions syrienne et désormais irakienne, l’actualité au Yémen et au Bahreïn, avec bien entendu une lecture sunnite des événements, y est analysée par des universitaires et des intellectuels islamistes, tels que le sociologue Akrâm al-Hijâzî. Une attention particulière est enfin accordée aux minorités sunnites d’Iran, au Baloutchistan et dans l’Ahwaz, dont les habitants sont présentés comme des populations opprimés par le régime des Ayatollah.

    Face à l’émergence de ce bloc sunnite, la crainte d’un retour à la marginalité politique pour les chiites de la région pousse le régime iranien ainsi que d’autres acteurs politico-religieux à intervenir directement dans le conflit syrien, aux côtés des forces du régime alaouite. Plus radicaux que les miliciens du Hezbollah, dont la présence sur le terrain n’est plus ignorée par personne, les volontaires irakiens viennent récemment de former à Damas la brigade Abû-l-Fadl al-’Abbâs, regroupant des combattants fondamentalistes chiites de diverses nationalités, dernier épisode de l’internationalisation du conflit.

    Le soulèvement en Syrie a amplifié l’effet de chambre d’écho dont a souffert le Liban au cours du 20ème siècle. Si la crise syrienne s’enferme dans un équilibre sanglant de longue durée, quels seront les conséquences sur l’évolution des mouvements salafistes libanais ?

    Romain Caillet - Il paraît aujourd’hui à peu près certain que le régime alaouite ne reprendra plus jamais ses territoires perdus et que la prise des grandes villes du Nord et de l’Est, notamment Idlib, Alep et Deir ez-Zor, désormais encerclées par la rébellion, est inévitable. Pour la suite des événements, on peut raisonnablement envisager deux scénarios possibles : une défaite totale du régime, avec une fin humiliante pour Bachar Al Assad et les siens, ou bien, effectivement, la mise en place d’un équilibre sanglant de longue durée. Ce scénario catastrophe pourrait alors se dérouler selon les séquences suivantes : destruction de Damas dans d’interminables combats de rues, qui serait suivie d’une guerre confessionnelle sur le littoral alaouite et dans la région de Homs, qui constituerait alors un objectif vital pour l’Iran et le Hezbollah, afin de conserver une continuité territoriale entre le réduit alaouite et les villages chiites de la Bekaa libanaise. Si cette guerre du littoral avait lieu, elle provoquerait sans doute les plus importants déplacements de population au Moyen-Orient depuis la création de l’Etat hébreu, tandis que des affrontements opposeraient Jabhat an-Nusra aux officiers laïcs, armés par l’Occident, sur le reste du territoire syrien.

    Dans les deux cas de figure, que le régime alaouite s’effondre dans les mois qui viennent ou bien que le conflit s’éternise, les sunnites libanais, et plus encore les salafis, pourraient voir leur rôle renforcé sur la scène libanaise. De même que l’installation, initialement provisoire, de réfugiés palestiniens inversa définitivement les rapports de force entre « chrétiens » et « musulmans » (sunnites, chiites et druzes) libanais, il est probable que l’afflux des réfugiés syriens, dont l’écrasante majorité est de confession sunnite, puisse provoquer des bouleversements démographiques irréversibles. Une poursuite de l’exode syrien, sur fond d’intensification des combats sur l’ensemble du territoire, particulièrement à Damas, pourrait à terme faire du Liban, un pays à majorité sunnite, les six millions d’habitants de l’agglomération damascène n’étant qu’à quelques dizaines de kilomètres de la frontière libanaise.

    • Olivier Moos, Romain Caillet
    • 28 mai 2013

    http://www.cetri.be/Un-etat-des-lieux-du-salafisme