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Anti impérialisme - Page 3

  • Libye : la guerre privée de Sarkozy (NPA)

    Il y a quelques mois, le Parlement britannique avait publié un rapport sur la guerre en Irak dénonçant les mensonges du président US Bush et du Premier ministre Tony Blair.

    Dans un nouveau rapport publié ce 14 septembre, il revient sur la guerre en Libye.

    En février 2011, la Libye s’insurge contre Kadhafi, et des troupes du régime se dirigent vers Benghazi, la deuxième plus grande ville du pays. Des massacres atroces sont annoncés.

    Mais selon le rapport, la menace d’un massacre des populations civiles était « nettement exagérée » et n’a pas été vraiment vérifiée. Le gouvernement britannique était exclusivement focalisé sur une intervention militaire, notamment à cause du forcing diplomatique de la France. Ainsi, Sarkozy est accusé d’avoir mis la pression, notamment pour « obtenir une plus grande part de la production de pétrole libyenne », « accroître l’influence française en Afrique du Nord », mais également pour « améliorer sa situation politique en France ».

    Sarkozy a poussé l’intervention jusqu’à l’élimination physique de Kadhafi. Mediapart fait un lien entre ce volontarisme et les relations compromettantes des deux hommes, y compris peut-être financières (comme l’avait déclaré le dictateur libyen). Comme le dit Mediapart, « Sarkozy a-t-il mené une guerre privée, une guerre de blanchiment ? ». On en connaît le résultat…

    En France, aucune commission d’enquête parlementaire n’a été lancée sur la guerre en Libye. Un député en avait fait la demande en 2014, sans visiblement de réponse du président (PS) de l’Assemblée... Au-delà des changements de président, la continuité monarchique de la Ve République prime.

     
  • Israël : Netanyahou passe à la caisse, Obama encaisse (NPA)

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    Il y a quelques jours, le conseiller de Benjamin Netanyahou pour les questions de sécurité, Jacob Neguel, est allé à Washington pour signer un accord stratégique pour dix ans avec les États-Unis. Une mince affaire de 38 milliards de dollars [sic].

    Après avoir traité Barack Obama et son administration de tous les noms d’oiseaux, le Premier ministre israélien n’est pas gêné pour passer à la caisse, et j’imagine qu’il dira même merci du bout des lèvres. Obama, qui n’aime ni Netanyahou ni sa politique, fera certainement un discours sur l’amitié éternelle entre les États-Unis et Israël, d’autant qu’il veut aider Hillary Clinton dans sa campagne électorale, et comme tous les candidats à la présidence, elle a besoin du soutien des amis d’Israël.

    Netanyahou lui aussi présente cet accord comme une grande victoire personnelle.

    En fait, ce n’est pas un « big deal », comme disent les Américains : depuis plusieurs décennies déjà, Israël reçoit chaque année du Trésor américain plus de trois milliards de dollars en aide militaire, et il n’y a donc pas de changement substantiel, malgré les vantardises d’un Premier ministre qui a besoin de renforcer son soutien populaire, alors que le parquet semble décidé à aller jusqu’au bout dans son enquête sur des affaires de corruption de la famille Netanyahou.

    Pourquoi, malgré les inimitiés flagrantes et des divergences politiques importantes, l’administration états­unienne renouvelle-t-elle son soutien massif à l’État d’Israël ? Certains mentionneront l’influence du lobby pro-israélien (juif et surtout évangéliste) comme raison première de cette aide militaire sans précédent. En fait, si son influence est réelle sur les élus, elle reste relative au niveau de l’administration étatsunienne, qu’elle soit démocrate ou républicaine.

    La bonne affaire étatsunienne

    Ce qui sous-tend l’alliance stratégique pérenne entre Washington et Tel Aviv, c’est d’abord et avant tout le rôle d’Israël au Moyen-Orient et sa place dans le système de défense de l’Empire. En échange de 3,8 milliards de dollars annuels pendant dix ans et du bouclier diplomatique que Washington lui fournit, Israël protège les intérêts globaux des États-Unis dans la région… et parfois au-delà.

    Finalement, tout compte fait, il s’agit d’une bonne affaire pour les États-Unis :

    l’État hébreu remplace une 9e flotte dans la région, qui aurait coûté beaucoup plus… De plus, s’il devait y avoir des morts, ce seraient des soldats israéliens et pas des GIs. Israël est un immense porte-avion des forces armées américaines pour une somme relativement modeste.

    Le problème auquel ont parfois été confrontées les administrations américaines, c’est qu’il arrive à l’allié israélien de prendre des initiatives qui ne sont pas toujours en accord avec les priorités de la Maison-Blanche et du Département d’État. C’est la queue qui essaie de bouger le chien… Mais dès lors que des intérêts stratégiques étatsuniens sont en jeu, la queue doit se soumettre à la volonté du chien, comme vient de le confirmer l’accord entre Washington et l’Iran, ces derniers étant toujours considérés par les néoconservateurs israéliens comme une menace globale contre le monde libre [sic], qui ne peut être désamorcée que par la force.

    Avec le chèque, les États-Unis auraient bien fait d’expliquer à Benjamin Netanyahou les nouvelles réalités géostratégiques et la nécessité pour Israël de changer de disque dur.

  • 17 octobre 1961 (Que faire?)

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    À propos de La Bataille de Paris de Jean-Luc Einaudi

    Le 17 octobre 2011, la Ve république devra se souvenir de l’un des évènements les plus abjects de son histoire. En référence au film de Gillo Pontecorvo La bataille d’Alger, Jean-Luc Einaudi dresse un parallèle effarant en mettant en lumière le sort qui fût réservé aux « Français Musulmans d’Algérie » durant la période qui entoura le 17 octobre 1961.

    Pour Jean-Luc Einaudi, la « bataille de Paris » remonte à la guerre interne au mouvement indépendantiste algérien.

    Le conflit opposant le Front de Libération Nationale (FLN) au Mouvement National Algérien (MNA), qui a pour but le contrôle de la communauté algérienne, fait une centaine de morts. Si le FLN remporte cette lutte d’influence dans les années 50, c’est encore par la force qu’il doit s’imposer auprès de la population algérienne en obligeant les algériens qui résident en France à cotiser 3 000 francs par an.

    Devenu enfin hégémonique en 1958, le FLN peut alors lancer son offensive sur le territoire français.

    Les cibles visées sont des lieux stratégiques pour l’économie française mais aussi des commissariats, où des policiers perdent la vie. Comme le montre un certain nombre de procès-verbaux de syndicats policiers, les policiers s’indignent de la trop faible répression envers les militants du FLN.

    Il est alors mis en évidence par toute une série de témoignages que la population d’origine algérienne vit une véritable montée des violences policières à son égard.

    Vivant dans des conditions des plus précaires, les algériens sont victimes de « ratonades ». Ce terme désigne les rafles qui sont organisées en pleine rue, généralement la nuit, où les policiers ramassent des individus typés maghrébins, les font monter violemment dans des cars de police et les tabassent au commissariat. Une fois que ces innocents ont perdu connaissance, ils sont jetés dans la Seine, beaucoup mourront. C’est ce que Chebbah Iddir explique, un des nombreux témoignages récoltés par J-L Einaudi : « Les cinq policiers me firent monter dans le car. Là ils me fouillèrent mais ne trouvèrent rien. Alors que nous étions partis vers Colombes, les policiers firent monter dans le car un de mes compatriotes. Puis le car prit la direction de la seine. On s’arrêta près du pont d’Argenteuil. Les policiers firent d’abord descendre mon compatriote. Ils lui donnèrent des coups de crosse jusqu’à ce qu’il soit assommé. Puis le chauffeur le prit par les pieds et un autre par la tête. Ils le jetèrent dans l’eau. Peu après, je vis des petites bulles apparaître à la surface de l’eau. Mon frère était mort. » Grâce à un courage effarant C. Iddir réussit, lui, à s’en sortir.

    Ces violences racistes ne sont pas à déconnecter d’une discrimination orchestrée par l’État français.

    Celle-ci vise à faire payer la perte de l’Algérie aux Algériens résidant en France. Car si De Gaulle, fraîchement arrivé au pouvoir, veut en finir avec la guerre d’Algérie, des membres importants de son gouvernement ne l’entendent pas ainsi. Premier ministre, Michel Debré veut mener une guerre sans concession au FLN, et n’hésite pas à couvrir tous les crimes policiers. Et puis il y a celui que les militants pro-algériens appellent Charogne, celui que la république nomme M. Papon. L’auteur en trace un long portrait : collabo, tortionnaire à Constantine, il fût nommé préfet de police de Paris en mars 1958. Dès le 28 août, il organise une rafle de 5 000 algériens qui sont internés dans des lieux comme le Vel d’Hiv, qui rappelle des heures bien sombres. Là encore on pense qu’il y a eu des morts.

    Mais c’est en août 1961 que les violences s’intensifient.

    Les rafles diviennent quotidiennes, les arrêtés sont désormais constamment tabassés, humiliés voire tués. Un remaniement ministériel a lieu, où il est décidé de l’éviction d’Edmond Michelet qui était partisan de l’autonomie algérienne. Courant septembre 61, l’institut ­médico-légal relève 21 cadavres nord-africains, tous morts à la suite de violences. Le couvre-feu imposé aux FMA est déclaré le 5 octobre 1961. Face à la mise en place d’un véritable régime d’apartheid, le FLN est désormais hégémonique auprès de la population algérienne. Le 17 octobre 1961, les FMA seront volontaires pour défier pacifiquement le couvre-feu, imposé par un régime on ne peut plus raciste et appliqué par une police on ne peut plus assassine.

    Ces violences racistes ne sont pas à déconnecter d’une discrimination orchestrée par l’État français. Celle-ci vise à faire payer la perte de l’Algérie aux Algériens résidant en France Dans des termes des plus froids, Jean-Luc Einaudi retrace heure par heure, faubourg par faubourg et rue par rue le 17 octobre 61.

    On compterait environ 40 000 algériens désarmés qui seraient venus manifester en plein cœur de Paris.

    Sauf que la plupart d’entre eux n’arriveront jamais à former un cortège. De par les nombreux témoignages reçus, l’auteur montre la manière dont toutes les sorties de métro sont quadrillées. Dès que les algériens en sortent ils sont matraqués. Mains sur la tête, parfois inconscients, ils sont emmenés dans des bus affrétés par la RATP vers des commissariats, des centres d’internement ou des lieux réquisitionnés. À leur descente du bus ils sont de nouveau insultés, tabassés, et volés. La plupart des blessés graves ne recevront aucun soin et mourront. Par détermination, les Algérien arrivent malgré tout à former quelques cortèges. Les policiers tireront dans le tas, tuant femmes, hommes et enfants.

    Face à ce déchaînement de haine qu’ont fait les témoins ?

    Quelle fut la réaction de la population française ? Au mieux elle se rendit coupable de passivité. En effet, ­l’ouvrage démontre que bien peu de réactions ont émergé des témoins présents. Pire, des petits groupent se sont créés pour indiquer aux flics où se réfugiaient les manifestants.

    Il n’est donc pas étonnant que tout le monde ait voulu étouffer ce massacre pour mieux l’oublier ensuite. L’humanité parlera de violences importantes mais, prétextant la peur de la saisie, jamais le journal ne mènera l’enquête pour savoir ce qu’il s’est réellement passé. La population française se rassembla par centaines de milliers pour protester contre les 9 morts de Charonne, mais par quelques centaines seulement après le 17 octobre. Combien de morts ? Comment le savoir puisqu’aucune commission d’enquête n’a pu être saisie. Mais d’après les rapports du FLN, on monterait à plus de 300.

    Le livre se termine par un dernier évènement. En se rendant à une commémoration en 1990, un Algérien est arrêté par la police… au faciès. Cette anecdote, qui n’en est pas une, nous rappelle que le 17 octobre 61 n’est pas très loin, que les violences policières n’ont jamais disparu et que la racisme d’État agit toujours.

    par Gaël Braibant 25 mai 2012

    http://quefaire.lautre.net/17-octobre-1961

  • Selon Google Maps, la ‪‎Palestine‬ n’existe plus ! (Anti-k)

     
    http://i1.wp.com/www.anti-k.org/wp-content/uploads/2016/08/palestine.jpg?resize=601%2C264
     

    Selon Google Maps, la Palestine‬ n’existe plus ! Google a supprimé le nom de Palestine de ses cartes et l’a remplacé par Israël.

    La décision de Google de retirer la Palestine de ses cartes et de la remplacer par Israël‬ a été tout de suite dénoncée par le Forum des Journalistes Palestiniens.

    Selon leur déclaration, la décision de Google faite le 25 Juillet est « une partie de la stratégie d’Israël pour établir son nom en tant qu’Etat légitime pour les générations à venir et rayer définitivement de la carte la Palestine ».

    « Le déplacement vise également à falsifier l’histoire, la géographie, ainsi que le droit du peuple à avoir sa patrie, et aussi une tentative échouée de manipuler la mémoire des Palestiniens et des Arabes ainsi que du monde ».

    D’après le forum, ce remplacement est « contraire à toutes les normes et conventions internationales », ce qui souligne que Google doit refuser ses actions.

    Les internautes ont largement réagi à la décision de Google de remplacer la Palestine par Israël sur ses cartes.

    http://www.anti-k.org/

  • Fonctionnaire américain devenu Premier Ministre tunisien (Nawaat.org)

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    L’autre parcours de Youssef Chahed 
     
    L’image relayée par les médias dominants a omis une période importante du parcours de Youssef Chahed : ses années en tant que chargé de missions au département Foreign Agricultural Service à l’ambassade américaine à Tunis.
     
    Les documents de Wikileaks révèlent un autre aspect du parcours professionnel de Youssef Chahed, candidat mandaté par le président de la République Beji Caid Essebsi pour former un nouveau gouvernement. L’image relayée par les médias dominants a omis une période importante du parcours de Youssef Chahed : ses années en tant que chargé de missions au département Foreign Agricultural Service à l’ambassade américaine à Tunis, comme le montre une correspondance publiée en 2010.

    Le ministre des Affaires locales dans le gouvernement sortant et le président du comité de consensus institué par le président de la République lors de la crise qui a secoué son parti à la fin de 2015, n’est pas seulement universitaire et expert international en politique agricole, comme le mentionne succinctement sa biographie officielle. Avant, et longtemps après le 14 janvier 2011, Youssef Chahed a travaillé au Foreign Agricultural Service à l’ambassade américaine de Tunis.

    Fonctionnaire de l’ambassade américaine

    Cette agence relevant du département de l’Agriculture des États-Unis est l’un des principaux leviers de la politique économique américaine. Sa mission cible la promotion du « secteur alimentaire et l’agriculture à l’étranger », à travers la collecte d’informations sur le mouvement de l’offre et de la demande mondiales et les nouvelles opportunités sur le marché. Les activités du Foreign Agricultural Service visent en effet à améliorer la capacité des produits américains à entrer sur le marché mondial, à mettre en œuvre des programmes en vue de créer de nouveaux marchés et à maintenir la compétitivité des produits américains sur les marchés mondiaux.

    La correspondance fuitée par wikileaks, datée du 13 janvier 2010 et signée par l’ambassadeur Gordon Gray révèle les efforts consentis par les Etats-Unis pour convaincre les autorités tunisiennes de procéder à l’adoption, la commercialisation et l’utilisation de la « biotechnologie » (les OGM et les pesticides) dans le domaine de l’agriculture en Tunisie. La même correspondance met en garde contre une éventuelle réticence des autorités tunisiennes dans l’application de cette politique, sous la pression des partenaires traditionnels de la Tunisie, c’est-à-dire l’Union européenne.

    Représentant de commerce des « biotechnologies »

    La correspondance évoque aussi l’organisation d’un atelier, où sont conviés plusieurs experts américains pour effectuer des études de terrain et animer des discussions avec les acteurs clés du secteur agricole tunisien, parmi les représentants du gouvernement, les députés et les acteurs de la société civile. L’ambassadeur recommande enfin de se mettre en contact avec Youssef Chahed, chargé du suivi et de l’organisation de l’atelier et de la communication autour de l’évènement.

    Le recrutement de Youssef Chahed en tant qu’expert agricole à l’ambassade des États-Unis n’a pas été fortuit. Il est l’auteur d’une thèse de doctorat soutenue à Paris en 2003 sous le titre évocateur de «&nbsp,Mesure de l’impact de la libéralisation des marchés agricoles sur les échanges et le bien-être&nbsp,».

    L’économiste Mustapha Jouili a passé au peigne fin cette thèse. Il assure que Youssef Chahed y prône la nécessité de la libéralisation totale du secteur de l’agriculture en Tunisie et recommande des réformes foncières en vue de libéraliser l’investissement agricole et de permettre aux investisseurs étrangers de posséder des terres agricoles en Tunisie.

    Selon Jouili, des notions comme « la protection des droits des agriculteurs » ou « la souveraineté alimentaire » sont aux yeux de Youssef Chahed des slogans obsolètes et contraires aux fondements de la science moderne. Pour l’économiste de gauche, le nouveau chef du gouvernement est étroitement lié aux institutions financières mondiales et plus particulièrement à l’Organisation mondiale du commerce.

    Youssef Chahed a également assisté en tant qu’observateur, représentant les Etats-Unis d’Amérique, à la 28ème Session de la Conférence Régionale de la FAO pour l’Afrique organisée à Tunis en mars 2014.

    Sous l’aile de Béji Caid Essebsi

    Le parcours politique de Youssef Chahed a commencé au sein du parti Al Wifak Al Jomhouri qui s’est présenté aux élections de 2011 au sein de la coalition du Pôle démocratique moderniste. Le parti fondé par Youssef Chahed, son ami Slim Azzabi et Abdelaziz Belkodja a fusionné avec deux autres partis politiques pour former, en 2012, le parti Al Jomhouri.

    Un an après, Chahed a quitté le parti d’Ahmed Nejib Chebbi, pour rejoindre, avec Saïd Aïdi, Nidaa Tounes, qui fêtait alors son premier anniversaire.

    En janvier 2016, Nidaa Tounes est en pleine crise. La guerre des chefs faisait rage entre Hafedh Caid Essbsi et Mohsen Marzouk. Le président du parti Béji Caid Essbssi nomme Youssef Chahed à la tête d’« un comité du consensus » chargé d’éteindre l’incendie. Quatre des treize membres du comité ont démissionné, estimant que Youssef Chahed a fait valoir les intérêts et les dictats de Hafedh Caid Essbsi. Le groupe de Mohsen Marzouk a fini par quitter Nidaa Tounes pour former Machrou’ Tounes [Projet pour la Tunisie].

    Plusieurs observateurs ont souligné la concordance entre sa mission au sein de Nidaa et sa nomination au poste de ministre des Affaires locales. Une récompense pour le rôle qu’il a joué au profit de Hafedh Caid Essebsi, fils du président de la République, d’où les craintes du retour du clan familial au sommet de l’Etat.

    Source : nawaat.org

    Par Mohammed Samih Beji Okkez, 4 août 2016. Nawaat-tunisia

    Traduit par: Hafawa Rebhi

    Le site publie les correspondances Wikileaks

    Saoudi Abdelaziz

    http://www.algerieinfos-saoudi.com/2016/08/fonctionnaire-american-devenu-premier-ministre

  • Guerre en Irak : le rapport qui accable Tony Blair (Lutte Ouvrière)

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    Après sept ans d’enquête sur la participation britannique à la guerre en Irak, la commission Chilcot a publié son rapport le 7 juillet.

    Les 6 000 pages de ses douze volumes ne contiennent pas de révélations. Mais, sous le jargon juridique et les euphémismes propres à ce genre de documents, on y retrouve à peu près tout, sur les mensonges de Blair et sur l’histoire de la guerre, minutieusement détaillée, bien que par le petit bout de la lorgnette, puisque la Grande-Bretagne n’y joua qu’un rôle secondaire, comparé à celui des États-Unis.

    Le rapport note d’abord que « ce fut l’administration américaine qui, à la fin 2001, adopta comme objectif numéro deux, après celui de chasser les talibans du pouvoir en Afghanistan, de s’occuper du régime de Saddam Hussein dans le cadre de sa « guerre globale contre le terrorisme ». Ce fut à ce moment qu’elle abandonna la stratégie du « containment » [le régime des sanctions économiques – LO] dont elle avait usé avant les attentats du 11 Septembre. » Et ce fut ainsi que Saddam Hussein devint officiellement un promoteur du terrorisme, allié d’al-Qaida, bref un homme à abattre.

    Tout un édifice de mensonges

    Les services spéciaux britanniques n’étaient pourtant guère convaincus. « En novembre 2001 », note Chilcot, « le JIC [le comité de coordination du renseignement britannique – LO] estimait que l’Irak n’avait joué aucun rôle dans les attentats du 11 septembre... et que l’existence d’une coopération pratique entre l’Irak et al-Qaida était “improbable”. » Malgré cela, ajoute Chilcot, « M. Blair proposa une stratégie visant à un changement de régime en Irak. Cette stratégie devrait être construite dans le temps jusqu’à arriver au point où il deviendrait possible de recourir à une action militaire “si nécessaire” sans pour autant perdre le bénéfice d’un soutien international ».

    À partir de là, Blair fit élaborer un édifice de prétendues preuves destinées à habituer l’opinion à l’idée de la nécessité d’une guerre contre l’Irak et à tenter d’emporter son adhésion.

    Dans sa conférence de presse tenue pour répondre au rapport Chilcot, Blair a résumé ainsi son point de vue : « Que l’on soit d’accord ou pas avec ma décision d’engager une action militaire contre Saddam Hussein, c’est une décision que j’ai prise de bonne foi... Je note que le rapport conclut clairement... qu’il n’y a eu ni falsification, ni utilisation illégitime des informations disponibles. »

    Or ce n’est pas ce que montre le rapport Chilcot. Au contraire, il détaille les manipulations auxquelles se livra le gouvernement Blair pour constituer ses fameux dossiers contre Saddam Hussein. Par exemple, on y trouve l’affaire David Kelly, un expert du ministère de la Défense, retrouvé mystérieusement suicidé après avoir révélé à la presse que l’affirmation de Blair, selon laquelle il suffisait de 45 minutes à Saddam Hussein pour mettre en action ses armes de destruction massive, relevait de la plus haute fantaisie. Il y a aussi l’affaire al-Marashi, un étudiant américain, auteur involontaire d’un chapitre d’un dossier de Blair : les services avaient tout simplement fait un copier-coller d’une ébauche de sa thèse trouvée sur Internet !

    Un mépris total pour les peuples

    Le deuxième aspect instructif de ce rapport est sa description des magouilles inextricables auxquelles se livrèrent Bush et Blair pour tenter d’avoir le soutien de l’ONU à une invasion, pour finalement s’en passer. On ne peut trouver meilleure illustration de la fiction du « droit international » et de la « communauté internationale » censés protéger les peuples. Le rapport montre que ce « droit international » n’est que la loi imposée par le plus fort, l’impérialisme américain, au reste de la planète et aux impérialistes mineurs qui, comme la Grande-Bretagne, préfèrent encore être de la partie pour augmenter leurs chances d’avoir leur part du butin lors du partage final.

    Le rapport porte aussi sur la politique désastreuse menée par les forces d’occupation en Irak : depuis la destruction des institutions civiles et militaires irakiennes, sous prétexte d’en finir avec le parti de Saddam Hussein, jusqu’à l’absence de tout projet pour reconstruire un pays détruit par 24 ans de guerre et de sanctions économiques, en passant par le soutien apporté aux forces religieuses chiites pour servir de contre-feu aux partisans de Saddam Hussein. On y trouve aussi les conséquences : la montée des milices religieuses et la guerre civile sanglante qui s’ensuivit.

    Quant à la population irakienne, à ses centaines de milliers de morts et ses millions de réfugiés, en tout, 51 pages lui sont consacrées, sans que rien ne soit dit sur ce qu’elle subit du fait de la politique criminelle des autorités d’occupation.

    Ce n’est pas le problème du rapport Chilcot, pour qui cette invasion criminelle par des grandes puissances pleines de mépris pour les intérêts de la population ne résulte que d’erreurs de jugement. Il multiplie les recommandations pour ne pas reproduire de telles erreurs, au cas où les puissances impérialistes s’aviseraient de nouveau d’envahir un pays pauvre ?

    Le rapport Chilcot s’arrête en 2009. Il faudrait y ajouter que la population irakienne a payé l’invasion par un retour en arrière de plusieurs décennies dans sa vie sociale, par une pauvreté insupportable aggravée par la corruption des partis religieux chiites et par une guerre civile qui n’en finit plus. Quant aux conséquences régionales de l’invasion, la montée des milices islamiques en Irak s’est étendue à la Syrie, donnant naissance à Daech. Par un effet boomerang, elle est revenue en Irak, tout en faisant des émules dans toute la région.

    Tout cela s’est produit parce que quelques stratèges de l’impérialisme, poussés par le lobby des majors du pétrole, ont jugé que Saddam Hussein, leur ancien homme à tout faire du temps de la guerre Iran-Irak, était devenu trop incontrôlable pour la stabilité de leur ordre régional ! Pour éliminer un foyer possible d’instabilité, ils en auront créé dix autres, avec le sang des populations prises en otage.

    Ce rapport Chilcot, rédigé par des notables de la bourgeoisie britannique, ne visait évidemment pas à dénoncer l’ordre impérialiste. Il n’en est que plus révélateur sur ce système de domination et d’oppression qui cannibalise les peuples et dont le renversement est plus urgent que jamais.

    François ROULEAU 03 Août 2016
     
  • Aux origines de la Guerre d’Algérie (Al'Encontre.ch)

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    Ces propos de Benjamin Stora – transcrits à partir d’interventions faites en 2004 sur France Culture – permettent de mettre en perspective un « événement » crucial de l’après-Seconde guerre mondiale que fut « la guerre d’Algérie » ou « la lutte d’indépendance nationale d’Algérie ». Cette lutte participa à la prise de conscience politique d’au moins deux générations de militants européens dans l’après-guerre. Il nous semble utile de republier ce texte au moment où les Accords d’Evian (1962), marquant la fin de « la guerre d’Algérie », sont l’occasion de multiples initiatives éditoriales, de films documentaires, de débats.

    Benjamin Stora est parmi les historiens français les plus connus pour ses études sur la guerre d’Algérie. Il a écrit entre autres Dictionnaire biographique de militants nationalistes algériens, L’Harmattan, 1985; Les sources du nationalisme algérien, L’Harmattan, 1989; L’histoire de l’Algérie coloniale 1930-1954, La Découverte, 1991; Histoire de la guerre d’Algérie 1954-1962, La Découverte, 2004 dernière édition; Histoire de l’Algérie depuis l’indépendance (1962-1988), Repères/La Découverte, 1995; La guerre invisible: Algérie, années 90, Presses de Sciences-Po, 2001; sous la direction de Mohammed Harbi et Benjamin Stora, La Guerre d’Algérie – 1954-2004, la fin de l’amnésie, Robert Laffont, 22 mars 2004; La gangrène et l’oubli: La mémoire de la guerre d’Algérie, La Découverte Poche, 2005; La guerre d’Algérie vue par les Algériens, tome 1, Denoël, 2007; Algérie 1954-1962: Lettres, carnets et récits des Français et des Algériens dans la guerre (avec Tramor Quemeneur), Arènes Editions, 2010; La Guerre des mémoires – La France face à son passé colonial  (avec Thierry Leclère), Editions de l’Aube, 2011; La Guerre d’Algérie expliquée à tous, Seuil 2012.

    Stora a commencé à étudier la guerre d’Algérie dès la seconde moitié des années 1970, au moment où la France découvrait enfin Vichy, entre autres grâce à l’historien américain Paxton et du documentaire d’Ophuls, Le chagrin et la pitié. Stora a été un militant politique engagé. Il l’explique dans une autobiographie politique, La dernière génération d’Octobre, Stock (septembre 2003). Benjamin Stora est né dans une famille juive en Algérie – depuis le décret Crémieux de 1870, les juifs d’Algérie sont considérés comme citoyens français – à Constantine, en 1950. En 1955, Constantine sera l’une des grandes villes soumises à une offensive militaire de l’armée française et Stora découvrira, à l’âge de 5 ans, cette guerre. Dans son autobiographie, il fait une description pleine de tact et de subtilité de son enfance, de sa famille et du choc que fut, pour lui et pour elle, la guerre d’Algérie.

    Pour celles et ceux qui liront ces propos, l’étude de « l’histoire de la guerre d’Algérie », c’est-à-dire de la période allant de 1954 à 1962, devrait être poursuivie en lisant des ouvrages mentionnés ci-dessus. (Rédaction A l’Encontre)

    Un sujet qui n’est plus tabou en France

    Un sujet fait un retour en force dans la société française depuis de nombreuses années, un sujet sur lequel je travaille depuis près de trente ans, l’Algérie, la guerre d’Algérie, la guerre d’Algérie dans les sociétés française et algérienne, c’est-à-dire entre les deux rives de la Méditerranée. Il est évident que cette question de la guerre d’Algérie, dont nous allons commémorer, si l’on peut dire, le 50e anniversaire de son déclenchement, puisque cette guerre commence en fait en novembre 1954, eh bien cette guerre d’Algérie, plus on s’en éloigne, et plus elle semble de plus en plus présente dans la société française d’aujourd’hui, plus elle se rapproche de nous, elle est autour de nous et elle semble travailler en profondeur la société française, que ce soit sur les questions de l’islam, que ce soit sur les questions d’immigration, ce qu’on appelle aujourd’hui le communautarisme, les questions du terrorisme, de droits de l’homme, la question de la torture. Toutes ces grandes questions ont été soulevées pendant la guerre d’Algérie, se sont produites et ont été engendrées dans et par la guerre d’Algérie. On pourrait dire aussi que cette guerre d’Algérie, cette période a été aussi trop importante dans la mesure où elle a été une période qui a vu la chute de la IVe République, la naissance de la Ve République et avec cette naissance la Constitution de la Ve République avec laquelle nous vivons encore. Et c’est donc par conséquent un événement fondateur de la Ve République. Un événement qui intègre des éléments tels que: le retour d’un million de pieds noirs, ceux qu’on va appeler les rapatriés d’Algérie; le massacre des harkis après la fin de la guerre d’Algérie, mais également le fait que cette guerre a vu des centaines et centaines de milliers de jeunes Français aller «de l’autre côté de la Méditerranée». Environ 1,2 million ont été en Algérie dans l’armée. Il s’agit d’hommes du contingent et non pas seulement de professionnels comme cela avait été le cas en Indochine. Ils ont passé 6 mois, 12 mois, 15 mois, 30 mois en Algérie. Ils y ont passé leur jeunesse, en quelque sorte. Ils ont découvert à la fois un pays magnifique, avec des paysages merveilleux, mais ils y ont aussi découvert la misère, la misère du tiers monde, le système colonial et la guerre, ce qui signifiait pour eux le rapport à la mort. Cette période les a marqués fortement.

    Pour la société algérienne, cette guerre constitue aussi de même l’acte fondateur de la nation algérienne dans la mesure où c’est au travers de cette guerre que l’Algérie a accédé à son indépendance politique en 1962. Cette guerre a vu près d’un million de paysans déplacés par l’armée française dans les «zones interdites» à partir de 1956-1957. Cette guerre d’Algérie, c’est aussi l’exode de plusieurs centaines de milliers de personnes aux frontières, c’est-à-dire au Maroc et en Tunisie. Ils ont dû attendre l’indépendance de l’Algérie pour revenir dans le pays. Enfin, cette guerre, c’est aussi pour les Algériens des exactions, des exécutions sommaires – ce que l’on appelait les «corvées de bois» – et donc aussi la mort de centaines de milliers d’Algériens.

    A partir de ces grands traits, on peut constater que cette guerre a marqué profondément les deux sociétés. La société française avec la naissance de la Ve République, avec toute cette jeunesse qui est née entre 1932 et 1943 et qui a été mobilisée dans le contingent. Cette génération a connu l’Algérie et une partie d’entre elle vit encore avec l’Algérie «dans sa tête». Il y a aussi tous ces enfants de pieds noirs, de harkis, d’immigrés – car c’est durant la guerre d’Algérie que l’immigration algérienne en France a été presque multipliée par deux. On est passé de 220000 immigrés algériens en France en 1954 à près de 400000 en 1962.

    Cette guerre a été une sorte de cataclysme social, politique et culturel. Elle n’a pas été regardée en face par la société française après 1962. Elle a été ensevelie dans l’oubli. Elle avait été à l’origine, aussi, de la mort de 25000 soldats français. Elle a été recouverte par ce qui a été appelé, quelques années plus tard, les «événements de 1968». La génération de 1968, la voix de cette génération, vient en quelque sorte recouvrir la voix de ceux du djebel (c’est-à-dire les régions montagneuses telles qu’elles sont nommées en Afrique du Nord), autrement dit la voix de ceux qui font la guerre dans ces régions d’Algérie. Il faut attendre la fin des années 1990 pour que cette guerre d’Algérie revienne avec force dans la société française. On en reparlera lorsque l’Assemblée nationale française, en juin 1999, va reconnaître qu’il n’y a pas eu d’événements en Algérie ou de simples opérations de police, mais véritablement une guerre. Elle reviendra aussi au travers de toute une série d’ouvrages sur les exactions, la torture, des livres de témoignages, et aussi par des travaux universitaires.

    Comment écrire la guerre d’Algérie ?

    Le travail historique s’est d’abord effectué sur les «traces écrites», les archives. Les principales archives sur la guerre d’Algérie sont déposées en Aix-en-Provence. La France, en 1962, a rapatrié la quasi-totalité des archives présentes en Algérie. Les Algériens se battent depuis des années pour se réapproprier une partie de ces archives. La France s’y refuse, car elle estime des «archives de souveraineté», puisque l’Algérie était française. Les archives couvrent la période 1830-1962. Elles réunissent un éventail très large, allant des archives civiles à celles des renseignements, de la police qui surveillaient les multiples manifestations des «Algériens musulmans» tels qu’ils étaient nommés. Dans l’histoire de l’Algérie coloniale, les organisations religieuses, politiques, culturelles jouent un rôle important. Les archives des Renseignements généraux sont une autre source très importante qui m’a servi, après ma thèse sur Messali Hadj [leader du nationalisme algérien, né à Tlemcen en 1898 et décédé à Paris en 1974], de faire ma thèse d’Etat sur l’immigration algérienne en France. Ces archives doivent être utilisées avec précaution, car elles renseignent aussi sur la mentalité de ceux qui sont chargés de surveiller les indigènes, comme l’administration les nommait. Dans ces archives, on trouve une partie des éléments se rapportant à l’univers des militants politiques en particulier. La presse est une autre source, même si de nombreux journaux, tels que l’Express, Témoignage chrétien, Le Canard enchaîné ou L’Observateur [qui deviendra France Observateur et aujourd’hui Le Nouvel Observateur], ont été très souvent censurés. C’est une période où la présence de la télévision n’était pas celle que l’on connaît aujourd’hui. La radio était un média très important pour s’informer, outre la presse écrite, c’est l’époque naissante du transistor. C’est en 1955 qu’Europe 1 est créée. C’est à la radio que travaille un journaliste comme Yves Courrière, auteur des Fils de la Toussaint (Fayard 1970). La couverture radiophonique de la guerre d’Algérie est une source aussi cruciale. J’ai déjà cité Europe 1, il faudrait aussi mentionner RTL. Ce sont des radios qui ne sont pas des radios gouvernementales. Il y a aussi la radio du mouvement d’indépendance, La Voix des Arabes, qui est très écoutée parmi la population algérienne musulmane. Cette dernière disposait ainsi d’informations sur ce qui se passait dans les maquis.

    Il y a une deuxième source que l’on peut réunir sous le titre: les témoignages d’acteurs. L’histoire orale est particulièrement importante si l’on a à l’esprit que la majorité de la population était paysanne, analphabète. Pour restituer les besoins, les perspectives, les désirs de cette population, il faut pratiquer la langue et communiquer avec elle. Il faut recueillir les témoignages des acteurs encore vivants. C’est la base de mon Dictionnaire biographique des militants algériens, quelque 600 portraits de militants nationalistes indépendantistes. J’ai recueilli les témoignages de ces militants et je les ai confrontés aux archives.

    Une troisième source existe. Elle a été peu utilisée jusqu’à présent. Ce sont les images, les sources visuelles. Depuis quelques années, l’attention se centre beaucoup plus sur les images fixes, la photographie et sur les images cinématographiques, les documentaires. Il y a quelque 100000 photographies qui gisent dans les archives militaires françaises au Fort d’Ivry. Il y a de même les photos prises par les appelés. Enfin, il y a les images de l’INA (Institut national de l’audiovisuel). La célèbre émission documentaire «Cinq colonnes à la une» de la télévision traitera de la guerre d’Algérie en 1959. A cela s’ajoutent les archives du cinéma de fiction.

    Aux premières origines de la guerre

    Cinquante ans après le déclenchement de la guerre en novembre 1954, la première question qu’on peut se poser, c’est comment appeler cette guerre, comment la nommer. On sait que pendant très longtemps elle n’a pas été nommée en France. L’Algérie était considérée comme composée de départements français. Il était difficile de dire qu’il y avait une guerre en Algérie puisque l’Algérie appartenait à la France, une France une et indivisible, une France jacobine. Admettre le principe de la guerre, c’était admettre le principe de la séparation, de la dislocation du territoire national. C’était impensable, c’était quelque chose qui ne pouvait pas se concevoir puisque l’Algérie avait été rattachée à la France avant même la Savoie, qui l’avait été en 1860. Dire qu’il y avait une guerre en Algérie aurait signifié reconnaître qu’il y avait une nation séparée, une nation différente de la nation française. Cela était impensable à cette époque. Il était facile de reconnaître le droit à l’indépendance pour d’autres colonies, comme le Maroc, la Tunisie, l’Indochine, le Sénégal.

    Messali Hadj, le père fondateur du nationalisme politique radical algérien

    C’est pour cette raison que pendant longtemps on a parlé d’une sorte de rétablissement de l’ordre républicain, «d’opération de police», «de rétablissement de l’ordre», «d’événements». Et tous ceux qui étaient opposés étaient considérés et qualifiés comme des «rebelles», des «hors-la-loi». Il était impossible d’envisager, durant très longtemps, l’existence même d’une guerre. On ne pouvait pas parler d’une guerre en Algérie, car il en découlait que l’Algérie aurait été un territoire séparé de la France. On a trouvé une sorte de compromis avec la formule: «la guerre d’Algérie», avec un d apostrophe. D’ailleurs, le premier livre qui a traité ce thème de cette façon, c’est celui de Jules Roy, paru en 1960 et qui avait pour titre La guerre d’Algérie, aux Editions Julliard. Puis, il a fallu attendre juin 1979 pour que la France, dans le cadre de l’Assemblée nationale, reconnaisse qu’il y avait bien eu une guerre en Algérie et non pas des opérations de police. L’initiative est venue tout d’abord d’associations d’anciens combattants français et cela pour une raison: la majorité des membres de ces associations arrivaient à l’âge de la retraite et il leur fallait une reconnaissance de leur droit à la carte d’ancien combattant [qui implique le versement d’une pension]. Donc la reconnaissance officielle de l’existence d’une guerre en Algérie est liée à ce fait: des anciens combattants revendiquaient des droits sociaux, le droit à la retraite.

    Comment on qualifie cette guerre en Algérie

    En Algérie, elle est qualifiée de guerre de libération nationale. Et cela puisque l’on considérait que l’Algérie était déjà une nation formée, avant l’arrivée des Français en 1830. Il s’agissait donc de se libérer d’une occupation étrangère et de se réapproprier cette souveraineté perdue par l’arrivée française en 1830.

    Les choses, au plan historique, ne sont pas aussi simples, car l’Algérie d’aujourd’hui et de 1954 n’était pas l’Algérie de 1830. Ce fut le colonisateur qui dessina les frontières de l’Algérie, par rapport au Maroc, à la Tunisie et les frontières sahariennes. L’Algérie était en 1830 «membre» de l’Empire ottoman. Elle avait des attributs de souveraineté avec le bey [souverain vassal du sultan ou haut fonctionnaire dans l’Empire ottoman ; le terme de day est aussi utilisé, surtout pour l’Algérie] de Constantine, le bey d’Alger, avec des ambassadeurs qui représentaient des puissances étrangères à Alger et dans d’autres villes. D’ailleurs, la France, lors de la Révolution française, avait demandé de l’argent au day [chef de la Régence] d’Alger et celui-ci avait subventionné la Révolution en 1791-1792 et ce qui avait provoqué un conflit, car le day d’Alger exigeait le remboursement de cette somme et devant la lenteur de la France, il y a eu ce fameux coup d’éventail en 1827 donné au représentant de la France à Alger Deval. Cette agression avait été utilisée comme prétexte pour engager l’opération de débarquement et de conquête militaire d’Algérie en 1830.

    A côté de l’expression guerre de libération nationale apparaît aussi celle de révolution algérienne. Car cette guerre a mis en mouvement l’ensemble de la société algérienne. En dehors des déplacements de populations, des migrations indiquées précédemment, il y a eu aussi l’entrée dans l’activité politique d’une partie des femmes et une sorte d’implosion de la société patriarcale. Plus exactement, cette société a subi une crise profonde et des révoltes de générations. Ce sont les jeunes générations qui se sont le plus engagées contre la société coloniale dont ils ne voulaient plus et qui se sont mis au premier rang de cette lutte révolutionnaire.

    Ce terme de révolution a été progressivement délaissé au cours des années fin 1970 et 1980 au profit de celui de guerre d’indépendance, qui domine aujourd’hui le vocabulaire politique algérien. Cela renvoie au fait que l’Algérie, par ce combat politique, a en quelque sorte engendré la nation algérienne et s’est séparée de sa métropole coloniale. C’est ce terme-là, issu de la Révolution américaine contre les Britanniques, qui progressivement s’impose comme une réalité historique.

    1954: en fait, commence la deuxième guerre d’Algérie

    Sur la longue durée, on pourrait parler de deuxième guerre d’Algérie. En effet, la première guerre ne serait-elle pas celle de conquête menée par la France, une terrible guerre de conquête entre 1832 et 1871, avec la résistance de l’émir Abdel Kader entre 1832 et 1847, date de sa reddition, puis sa continuation au travers d’une guerre de résistance, de mouvement, qui fut très importante. Les Algériens n’ont pas accepté facilement la colonisation française. La guerre coloniale dirigée par le maréchal de France Bugeaud, gouverneur d’Algérie entre 1840 et 1847, a été impitoyable, elle a tout détruit sur son passage. Des récits ont été écrits sur cette guerre, parmi lesquels celui de François Maspero, L’honneur perdu de Saint-Arnaud (Seuil, février 2000), celui de Aschraf, historien algérien, Algérie, nation et société, qui a raconté cette première guerre d’Algérie, avec par exemple la terrible bataille de Constantine qui a duré plusieurs mois avant que la ville ne tombe. Il s’agit donc guerre d’Algérie avec le grand soulèvement de Kabylie de 1871. Ce fut le dernier grand soulèvement. La guerre de conquête a donc duré près d’une trentaine d’années et cela pour que la France puisse s’installer en Algérie.

    C’est à partir de ce moment-là que commence ce qui sera qualifié d’histoire de l’Algérie française, avec l’installation d’une vaste colonie de peuplement ne venant pas que de France mais du pourtour méditerranéen, de l’Italie, de l’Espagne… Cette histoire de l’Algérie française va faire oublier la première guerre d’Algérie, lorsque la seconde va éclater en novembre 1954.

    L’Algérie française va se mettre en place, par étapes entre des années 1850 aux années 1880. Elle va s’établir sur la base de la spoliation des terres. Beaucoup de terres vont changer de mains. Ces terres étaient pour l’essentiel fondées sur une sorte de propriété collective, soit les biens religieux, soit les terres appartenant aux tribus. Elles vont être privatisées et mises sur le marché. Cela va provoquer un appauvrissement de la paysannerie algérienne, même si une fraction de cette paysannerie va composer avec l’administration coloniale. Cette dernière va construire ce que l’on appellera une « aristocratie terrienne algérienne musulmane » qui est et sera proche des Français.

    Indépendamment de cette question de la terre – qui est fondamentale car l’identité, le nom des composantes de cette société était liée à ce type de propriété de la terre et perdre la terre revenait à perdre son nom – on ne peut pas comprendre cette Algérie française prendre en compte la colonie de peuplement. Il y a parmi ceux qui viennent de France des républicains de 1848, des communards de 1871, des militants socialistes qui sont chassés, bannis de France, et aussi tout un « petit peuple » de vagabonds, de prostituées conduit de manière plus ou moins forcée en Algérie. Mais à côté, il y avait aussi des paysans paupérisés du Midi de la France et de la Corse. Et, surtout, il y avait toute une population chassée par la misère du pourtour méditerranéen, des Espagnols en particulier qui vont s’établir dans l’Oranie [ville d’Oran]. Et Oran deviendra une grande ville espagnole. Des Italiens, des Siciliens, des Maltais qui s’installeront, par exemple, dans l’est algérien. Tous ces éléments au travers d’un « melting pot » complexe vont constituer cette petite population européenne faite de fonctionnaires, de coiffeurs, de boutiquiers, d’artisans; une population dont le niveau de vie était inférieur à celui existant dans la métropole. Mais elle avait en quelque sorte un avantage: ils possédaient la nationalité française par rapport aux Algériens musulmans qui, eux, en étaient privés. A ces nouveaux Français venus d’Espagne et d’Italie, faits Français par un décret loi de 1889, s’ajoutaient les membres de la communauté juive faits Français par le décret du 24 octobre 1870, dit décret Crémieux [Crémieux a été ministre de la Justice en 1848 et en 1870].

    Cette population européenne était organisée, pourrait-on dire, sur un mode pyramidal. Au sommet, il y avait les « Français de France », puis en dessous les nouveaux Français venus d’Espagne ou d’Italie; puis il y avait les nouveaux Français indigènes, c’est-à-dire les juifs d’Algérie; puis, au bas de cette hiérarchie savamment organisée, il y avait les musulmans qui, pour accéder à la nationalité française, devaient renoncer à leur statut personnel, c’est-à-dire à l’Islam et la religion musulmane. Cela était plus que difficile à vivre, ce ne sont que quelques milliers d’Algériens musulmans qui ont franchi le pas.

    On assiste à la mise en place de cette Algérie française où règnent à la fois une sorte de passage, de « convivialité », entre ces diverses communautés et une très forte ségrégation. Progressivement, l’Algérie deviendra un mythe. Ce n’est pas la France, puisque la majorité de la population n’a pas les mêmes droits que certains, donc l’Algérie intégrée à la France ne l’est pas complètement. Les Algériens musulmans sont des faux citoyens d’une république assimilationniste. Ce paradoxe va être levé par l’irruption du nationalisme algérien qui va revendiquer en propre la nationalité algérienne.

    L’irruption nationaliste massive de 1945 et ses racines

    Cela va s’exprimer notamment lors des manifestations de Sétif et de Guelma en mai-juin 1945, c’est une irruption des Algériens sur le devant de la scène politique. Ils réclament la libération de leur leader politique Messali Hadj. La répression massive par les forces militaires et policières françaises de Sétif et Guelma, qui a fait des milliers et des milliers de victimes, marque véritablement le début de la seconde guerre en Algérie.

    L’explosion de Sétif montre l’existence d’un nationalisme algérien. Pour comprendre les origines de la guerre d’Algérie, il faut remonter à celle du nationalisme algérien pour en comprendre la ligne de force.

    Avant la guerre de 1914, la résistance algérienne s’exprimait au travers d’une sorte de « patriotisme rural », « patriotisme paysan » qui résistait à l’accaparement des terres, à la spoliation. C’est ce « patriotisme rural », qui n’était pas encore le nationalisme politique, qui s’exprime par exemple par un attachement à l’Empire ottoman. Il y avait une attente du Mahadi [le Messie] qui viendra, un jour, libérer la population de la domination étrangère. Une attention très grande est de même portée aux événements se déroulant dans le monde arabe et musulman. L’information passait par le biais des pèlerinages à La Mecque, par la circulation de différents ouvrages, par la présence de prédicateurs en provenance du Moyen-Orient. Le nationalisme algérien, dans sa version classique, moderne, n’existe pas avant 1914.

    Il faudra l’impulsion donnée par la Première Guerre mondiale pour qu’arrivent en Algérie les influences qui vont participer à la construction du nationalisme algérien. Pourquoi la guerre du 1914? C’est pendant cette guerre que des dizaines de milliers de paysans algériens sont projetés sur les champs de bataille européens. Ils vont découvrir l’Europe. Ils vont être des soldats coloniaux, ils vont être des travailleurs coloniaux. Certains d’entre eux vont faire l’apprentissage de la solidarité ouvrière, découvrir l’internationalisme, découvrir les luttes sociales… Lorsqu’ils reviendront dans leur pays, leur conscience politique est grande, elle est vive. L’exemple de soldat de cette guerre de 14-18 est la figure, le personne de Messali Hadj. Lorsqu’il revient à Tlemcen après cette guerre, il ne pense plus qu’à une chose: d’une part, repartir en France et, d’autre part, de libérer son pays. En 1918-19, il a entendu parler de l’appel du président Wilson [Thomas Woodrow Wilson, élu président des Etats-Unis en 1912 et réélu en 1916] portant sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Messali Hadj a aussi entendu les appels lancés par les révolutionnaires russes en 1917 et par la suite à l’adresse des peuples colonisés et cela est fort important pour lui. Il a de même eu connaissance de la révolution kémaliste [Mustafa Kemal Atatürk, né en Salonique en 1881, mort à Istanbul en 1938, il prend la tête du mouvement national turc et sera président du comité exécutif de la Grande Assemblée nationale d’Ankara dès avril 1920] en Turquie. De retour à Tlemcen, nourri de ces « bruits », Messali Hadj sera très réceptif à la volonté qui commence à s’exprimer de se libérer de la présence étrangère, du joug colonial. La guerre de 14-18 a été un événement déterminant dans la prise de conscience politique d’un certain nombre de figures et militants du nationalisme politique algérien.

    Ce nationalisme algérien va prendre son envol dans les années 1920-1930 et s’exprimer au travers de divers courants. On y trouve le petit-fils d’Abel Kader, on y trouve Messali Hadj, qui représente l’aile gauche, on y trouve Ferhat Abbas ou des représentants du mouvement des oulémas, réformistes religieux algériens. Parmi ces courants, tous ne préconisaient pas l’indépendance de l’Algérie, du moins dans un premier temps. La plupart des courants, à l’exception de celui de Messali Hadj, étaient des courants qui, sur le territoire algérien, proposaient l’égalité des droits. Dans le fond, ils disaient: « Nous n’avons pas la possibilité de pénétrer dans la société française, dans la citoyenneté française. » Le personnage le plus connu en ce domaine est celui de Ferhat Abbas. Il croyait en une France idéale, républicaine. Il voulait opposer cette France à la France coloniale qui ne respectait pas les droits de l’homme et du citoyen. Il appartenait à l’époque à ce courant assimilationniste qui revendiquait la pleine égalité des droits. Ferhat Abbas expliquait dans son ouvrage paru en 1931 qu’il était possible d’être français et musulman à part entière. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, il va plaider pour entrer dans cette cité française. Il sera un grand déçu de la politique française et basculera ensuite dans des positions plus radicales.

    Il y avait aussi les religieux qui vont préconiser la réappropriation des traditions religieuses et identitaires avec leurs slogans: « L’arabe est ma langue, l’islam est ma religion, l’Algérie est ma patrie ». Ils vont s’implanter dans les campagnes, entre autres à travers de jeunes « scouts » algériens musulmans. Ils plaident pour un islam centralisé [où la confrérie des oulémas centralise l’activité politico-religieuse].

    Il existe aussi le courant du Parti communiste algérien. Généralement on en parle peu. Ils voulaient construire une « Algérie nouvelle », une Algérie « dans le creuset de vingt races » pour reprendre la formule du dirigeant du PCF (Parti communiste français), Maurice Thorez. Autrement dit, une Algérie où pouvaient coexister les Algériens musulmans, les Français d’origine italienne ou espagnole, etc. Ce courant était pour une Algérie séparée, une « Algérie nouvelle », sans être indépendantiste officiellement.

    Dans l’entre-deux-guerre, parmi ces courants, un courant va devenir lentement majoritaire, celui porté par Messali Hadj. Il va créer en 1926 l’Etoile nord-africaine, à Paris. Cette Etoile nord-africaine est dissoute par les autorités françaises en 1929 et elle resurgit en 1932. Messali créera plus tard en 1937 le Parti du peuple algérien, puis le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) en 1946. La majorité des militants qui vont faire le 1er novembre 1954 sont issus de ce courant, au fond tous sont issus du courant animé par Messali. Ce sont des hommes qui ont été formés par lui. A un moment ou à un autre de leur vie, ils ont pu rompre avec Messali. Mais celui-ci reste le père du mouvement nationaliste radical algérien. Et c’est en cela que l’étude de ce courant est importante. Il donnera la configuration politique du Front de libération nationale (FLN) qui conduira la lutte d’indépendance entre 1954 et 1962. Le courant messaliste était majoritaire dans la société algérienne musulmane et dans l’immigration algérienne en France.

    L’importance du courant messaliste

    Ce courant dans les milieux de l’immigration en France entre 1926 et 1930. En Algérie, étant donné la situation coloniale, il était très difficile de pouvoir s’exprimer. Les premiers immigrés algériens en France, qui sont au nombre de 80 000 à 100 000 dans l’entre-deux-guerres, vont prendre conscience, dans leur exil, d’une appartenance commune, à une nation. L’Etoile nord-africaine, qui avait été construite dans un premier temps avec l’aide du Parti communiste français – et qui va se séparer par la suite du PC –, va surtout exister dans les milieux de l’immigration ouvrière. Cette organisation emprunte beaucoup au vocabulaire du communisme de l’époque et à son mode d’organisation politique. L’Etoile préconise « l’appropriation collective des terres », la « confiscation des grandes propriétés ». La structure organisationnelle inclut des cellules, comité central, une direction centrale. Mais les nationalistes algériens ne sont pas d’accord avec les communistes, dans les années 1930 ils se sont séparés et se sont affrontés aux communistes français. Par contre, ils se sont rapprochés, ce qui est fort peu connu, d’autres courants militants, les syndicalistes révolutionnaires, anachistes et le courant trotskiste. Ce sont parmi ces courants politiques en France qu’on trouvera les meilleurs amis du nationalisme politique algérien. On peut citer Fred Zeller, Marceau Pivert [un des animateurs de la gauche socialiste dans les années 1930], Daniel Guérin [un des représentants du courant marxiste libertaire, auteur entre autres d’une anthologie sur l’anarchisme et d’un ouvrage de référence Fascismes et grand capital]. Ces derniers vont connaître Messali, ils vont être très proches des militants algériens. C’est ce que j’ai essayé de restituer dans un petit ouvrage intitulé Révolutionnaires français et nationalistes algériens,où se détachent bien quels ont été les premiers « porteurs de valises » [allusion à celles et ceux qui, de France ou de Suisse ou de Belgique, aidèrent le FLN entre 1954 et 1962]. Ce sont des militants qui appartenaient au courant socialiste, au socialisme révolutionnaire.

    En 1937 naît le Parti du peuple algérien (PPA) sous la houlette de Messali Hadj. Le changement: il s’installe en Algérie. Le centre de gravité de la lutte politique se déplace en passant de la France, de l’immigration à l’Algérie. C’est désormais sur le sol algérien même que la lutte nationaliste va prendre de l’ampleur, notamment parmi les jeunes générations. Toutefois, le PPA n’aura pas le temps d’exister véritablement car interviendra la Seconde Guerre mondiale en 1939. Messali Hadj va être arrêté, traduit devant un Tribunal militaire. Il refuse toute collaboration avec le régime du maréchal Pétain et il sera condamné à une peine de bagne par le régime de Vichy. Au cours de la Seconde Guerre mondiale aura de la peine à exister. Certes, d’autres dirigeants du PPA, à la différence de Messali, ont eu la tentation de la collaboration avec Vichy [les forces de la France libre ayant leurs quartiers en Algérie]. Cette position de Messali lui a permis de sortir de la Seconde Guerre mondiale la tête haute et d’avancer ses exigences d’indépendance. En 1943, il rencontre Ferhat Abbas. Ce dernier évolue et change de position. Les deux hommes vont créer une nouvelle organisation qui s’appelle les Amis du manifeste de la liberté (AML) qui va connaître une croissance foudroyante dès 1944. Les AML comptaient quelque 100000 adhérents, ce qui est une force considérable. Cela traduit la radicalité nationaliste de la société algérienne musulmane. Les AML représentent la dernière grande tentative unitaire des différents courants existant dans le mouvement nationaliste politique algérien. Ce sont les AML qui organiseront les manifestations de Sétif en mai-juin 1945. Ces manifestations se font à l’occasion des fêtes de célébration de la victoire en 1945. Les Algériens descendent dans la rue pour exiger la libération de leurs leaders emprisonnés. Ces manifestations s’affronteront à une véritable guerre de représailles. Et là tout bascule. C’est la tendance radicale du nationalisme algérien qui va s’affirmer comme la plus importante sur la scène politique algérienne.

    Le tournant de 1945: vers la lutte armée

    Après la répression dans l’est constantinois, plus rien n’est comme avant dans l’histoire de l’Algérie française. Un fleuve de sang sépare les Algériens musulmans des Européens. Toutefois, l’élément central est l’arrivée sur la scène politique d’une nouvelle génération. C’est une génération qui ne veut plus entendre parler de compromis politique. Elle veut rompre avec les modalités traditionnelles: manifestations, tracts, etc. La nouvelle génération politique qui arrive veut faire de la lutte armée d’indépendance un principe. En 1946-47, de plus en plus de jeunes se tournent vers la formation la plus radicale: le PPA, animé par Messali Hadj. Et ils rejoignent cette organisation dans la perspective d’une lutte armée. Messali, qui vient d’être libéré en 1946, doit tenir compte à la fois de l’impatience de ces jeunes militants et des options de la nouvelle administration française issue de la Libération qui se remet en place. Messali essaie de composer. Pour cela, il conçoit deux organisations. La première, baptisée Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), est une sorte de vitrine politique légale classique. Elle se bat pour l’obtention de libertés démocratiques en Algérie, pour les « indigènes musulmans algériens », pour l’amélioration de leurs conditions sociales. La seconde: dès 1947, se forme une organisation clandestine, que Messali ne désavoue pas. Elle porte le nom d’Organisation spéciale (OS). C’est une branche armée du mouvement indépendantiste algérien qui est dirigée par deux personnalités importantes: tout d’abord par Hocin Aït Ahmed, puis par Ahmed Ben Bella. Ils seront les deux leaders de cette organisation clandestine. De 1947 à 1950, cette organisation va préparer un millier de militants au sabotage, à la lutte armée. Elle prépare la formation de maquis. Donc, une branche paramilitaire prend consistance dans le nationalisme politique algérien. L’OS est séparée du MTLD.

    Le MTLD connaît un succès électoral au « second collège ». Il faut savoir que l’Algérie française qui se met en place après 1945 est une Algérie qui n’a pas tiré les leçons des effets de Sétif et Guelma. C’est une Algérie qui n’avance pas vers des réformes profondes. A partir du Statut de 1947, il y a la mise en place du double collège: le collège réservé aux Européens (le premier) et le second collège réservé aux indigènes musulmans. Dans l’Algérie coloniale s’avère ainsi l’impossibilité de la mise en place d’un système égalitaire, d’une citoyenneté égalitaire. Il faut 8 fois plus de voix pour élire un député au second collège qu’un député européen.

    La victoire du MTLD au second collège en octobre 1947 traduit l’adhésion massive des habitants des principales villes aux thèses du MTLD. La plupart des candidats nationalistes battent les candidats de l’administration, appelés les béni-oui-oui.

    Les Européens d’Algérie auraient pu s’inquiéter de cette poussée du MTLD. Non seulement on y a pas prêté attention, mais en 1948 les élections seront grossièrement truquées. Les candidats indépendantistes seront simplement arrêtés; et seuls les candidats de l’administration seront élus. Depuis cette époque, l’Algérie n’aura plus d’élections régulières, même selon le Statut de 1947.

    C’est ce qui va encourager le courant radical qui fait face aux injustices, aux inégalités juridiques, à l’aggravation des conditions sociales. Messali et Ferhat Abbas vont se retrouver progressivement dépassés par cette nouvelle génération. C’est une génération qui est en syntonie avec le processus montant de décolonisation. Elle avait connaissance de la terrible répression de Madagascar de 1947-48 par la même administration et armée françaises. Elle a face à elle la guerre d’Indochine qui se terminera par la défaite française de Dien-Bien-Phu en 1954. Il y a aussi des craquements au Maroc et en Tunisie, sans mentionner les processus à l’oeuvre dans l’empire britannique. Les paysans, en Tunisie, en 1952-53, résistent de façon armée. On les appelle les fellaghas. Un terme qui sera repris pour qualifier les combattants algériens.

    Dans ce climat, ceux qui préconisent le compromis, l’attente sont perçus comme des hommes de la résignation, c’est-à-dire ceux qui ne veulent pas briser le statu quo colonial. Ceux qui prennent le dessus sont ceux qui préconisent – et dès 1949 la victoire de la révolution chinoise a un grand écho – une radicalisation politico-militaire de la lutte, se préparent à la mener. Cette préparation se fera dans des conditions extrêmement difficiles. Elle impliquera des ruptures politiques, des tendances et elle va déboucher sur le « soulèvement » du 1er novembre 1954, date officielle du déclenchement de la guerre d’Algérie.

     Benjamin Stora Alencontre  14 - mars - 2012

    http://alencontre.org/europe/france/aux-origines-de-la-guerre-dalgerie.html

  • Libye : l’armée française engagée (Lutte Ouvrière)

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    Le ministre de la Défense Le Drian a annoncé le 20 juillet que trois sous-officiers des services de renseignement français étaient morts dans l’est de la Libye, lors de la chute de leur hélicoptère. Cela confirme ce qui était un secret de polichinelle : l’armée française intervient activement dans la guerre civile qui depuis 2011 ravage la Libye.

    La guerre a débuté en février 2011, entre Kadhafi et ses opposants, et aurait fait 15 000 morts. Mais depuis l’élimination de l’ancien dictateur en octobre 2011, suite à l’intervention des armées occidentales dont celle de la France, elle n’a guère connu de trêve et aurait encore tué plus de 5 000 personnes.

    Divers gouvernements et de multiples milices s’affrontent et se partagent le pays.

    Les impérialistes, les États-Unis bien sûr mais aussi la France et l’Italie, l’ancienne puissance coloniale, interviennent plus ou moins ouvertement. Leur but affiché est de restaurer la paix, mais elles visent surtout à défendre les intérêts de leurs trusts pétroliers. Et pour cela, elles n’hésitent pas à soutenir simultanément des camps opposés.

    Ainsi la France se range officiellement derrière le GNA, le gouvernement de Tripoli, dans l’ouest du pays, reconnu par la communauté internationale. Cela ne l’empêche pas d’appuyer à Benghazi, dans l’est, le général Haftar, qui ne reconnaît pas l’autorité du GNA. Mais il lutterait contre les milices de Daech qui dans cette région tentent de s’emparer des puits de pétrole.

    Double jeu ? Sans doute, mais surtout défense tout-terrain des intérêts pétroliers et gaziers de Total et de GDF Suez.

    Et pour le gouvernement, tant pis si quelques agents secrets ou commandos y laissent leur peau. Mais c’est ce genre de politique qui provoque les retours de bâton ici en Europe. C’est surtout la population libyenne qui en permanence paie le prix fort, en morts, en dévastations et pillages, elle qui n’a rien demandé et qui a tout à perdre à cette guerre civile.

    Vincent GELAS 27 Juillet 2016
     
  • Fascisme vert et impérialisme (La Riposte)

     
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    Nice, 14 juillet à 22h30. Un camion blanc déboule sur la Promenade des Anglais et fauche sans distinction tous les passants qui se trouvent sur sa route. Vendredi 15 juillet à neuf heures du matin, on déplore « au moins 84 morts et 18 blessés en urgence absolue », selon le site Mediapart.

    Le choc émotionnel, légitime, ne manque pas de rappeler les attentats survenus à Paris et à Saint-Denis la nuit du 13 novembre 2015. L’assassin de masse a au final été tué par la police au bout de 2 kilomètres de sa course folle. Son identité n’est pas encore certaine mais selon la police, on aurait retrouvé à l’intérieur du camion une carte d’identité au nom d’un Franco-Tunisien âgé de 31 ans. Cet individu était connu des services de police, mais uniquement pour des faits de droit commun. Pour l’instant, aucun lien formel n’a été établi avec l’organisation Etat Islamique qui sévit dans de nombreux pays depuis maintenant trop longtemps.

    Le président Hollande a tout de suite évoqué cette piste, et annoncé un renforcement des bombardements de l’armée française en Irak et en Syrie. La plupart des responsables politiques de droite et d’extrême-droite ont fait la même interprétation des faits. Le Conseil Français du Culte Musulman a immédiatement émis un communiqué condamnant les attentats et a appelé l’ensemble des Musulmans vivant en France à se recueillir pour les victimes, sans pour autant avoir évoqué la piste du terrorisme islamiste.

    D’hypothèse, cette piste est cependant devenue très vite une certitude aux yeux d’une grande partie des médias dès les premières minutes suivant le drame. Il n’est pas question ici de faire des suppositions sur la motivation du meurtrier, mais force est de constater qu’encore une fois, l’identité qui était la sienne légitime de fait la thèse du terrorisme islamiste sans analyse des traits psychologiques de sa personnalité.

    Nous nous souvenons tous du meurtre de masse perpétré en juillet 2011 par un militant d’extrême-droite norvégien. Ses 77  victimes participaient  à l’université d’été du Parti Travailliste de son pays. À l’époque, la polémique médiatique s’était surtout centrée sur son état de santé mentale. Diagnostiqué schizophrène d’abord par un premier groupe d’experts, il a ensuite été jugé sain d’esprit par une seconde équipe. Lui-même s’était dit opposé au premier diagnostic, craignant qu’il ne desserve son idéologie basée sur la haine des Musulmans. Qu’il soit malade ou pas, telle n’est pas la question ici. Mais que sa santé mentale ait été érigée en sujet numéro un par les médias suite au drame révèle une sélectivité certaine dans le recul que peuvent avoir la plupart des journalistes et des responsables politiques sur la responsabilité réelle ou supposée de l’auteur d’un attentat terroriste selon son appartenance, disons le mot, ethnique.

    Alors ceci n’excuse en rien l’auteur de la tuerie de Nice. Mais l’interprétation instantanée et sans nuance qui est faite de ce drame révèle ni plus ni moins qu’un racisme institutionnel dont les origines remontent très loin dans l’histoire française. Ce racisme a très tôt été utilisé par l’Etat français pour justifier sa politique colonialiste. Des les années 1830, les Algériens ont par exemple été jugés intrinsèquement incapables de maintenir la diversité arboricole de leur pays, justifiant ainsi l’accaparement de terres par les colons. Sans expliquer que les concentrations de populations algériennes à l’origine de la désertification étaient dues à la spoliation de terres qui était déjà à l’œuvre de la part de colons français. Cet épisode montre bien comment une interprétation raciste d’un phénomène observé dans un pays peut légitimer l’accaparement de ses ressources par un Etat plus puissant.

    Cette colonisation de l’Algérie et d’une grande partie de l’Afrique et de l’Asie a continué durant tout le 19e siècle. Au fur et à mesure, des mouvements intellectuels ont vu le jour dans les pays musulmans pour questionner leur arriération par rapport aux Etats impérialistes occidentaux. À partir du début du 20e siècle, et surtout après la révolution bolchévique en Russie, deux réactions contre l’impérialisme se sont confrontées. L’une composée de militants nationalistes et communistes, prônait l’arrimage de leurs nations aux valeurs libérales de l’Occident tout en se rendant autonomes politiquement et économiquement de celui-ci. La seconde voyait la question nationale sous l’angle religieux et se servait de la piété de la population pour la monter contre l’occupant. La question nationale était donc un enjeu entre des indépendantistes laïcs et religieux.

    Un pays comme la Tunisie a conquis son indépendance en 1956 grâce à la mobilisation de la classe ouvrière. La concurrence était rude entre tenants d’une identité arrimée à l’Occident et une identité arrimée à la culture arabo-musulmane. Mais à l’indépendance, la tendance nationaliste arabe a été écartée et une politique de nationalisations et de collectivisation a été initiée. Durant une décennie, l’économie a connu une croissance fulgurante. Grâce à ce développement économique et à une action énergique du jeune état tunisien, la société a pu se développer et les femmes du pays ont très vite conquis un haut degré d’autonomie comparé à la plupart des sociétés du monde arabo-musulman. Mais à partir des années soixante-dix, la dette qui s’est pourtant accumulée durant ces années a obligé l’état tunisien à recourir aux prêt du FMI. Ce dernier a conditionné le versement des fonds à un revirement complet de la politique économique de l’état emprunteur. Ceci a eu pour conséquence une dégradation de la vie des travailleurs et une contestation sociale grandissante. Pour endiguer cette menace, l’état a donc fait monter les mouvements extrémistes religieux afin de détourner l’attention des travailleurs de la question sociale au profit de la question religieuse.

    La même chose s’est passée en Egypte après la mort de Nasser en 1970. Le nouveau président Anouar El Sadate qui lui a succédé a opté pour un revirement total de l’économie après une décennie de politique collectiviste. Celle-ci, même si elle était motivée par des revendications nationalistes, n’en revêtait pas moins un caractère progressiste sur le plan social et des droits des femmes. La conduite autoritaire de Nasser n’a pas empêché qu’à sa mort ait eu lieu la plus grande manifestation de l’histoire de l’humanité. Or ce revirement soudain de la politique économique a suscité comme en Tunisie et à la même période un renforcement de la lutte des classes. Et comme en Tunisie, l’Etat a profité du sentiment religieux de la population pour faire en sorte que la conscience religieuse occulte la conscience sociale des masses.

    L’histoire sur le temps long montre ainsi que la religion a été instrumentalisée par certains Etats arabes pour freiner la lutte des classes. Tout comme la question nationale a été utilisée – et jusqu’à aujourd’hui – en Europe pour le même objectif. On voit du coup que la question religieuse se confond avec la question nationale dans les pays à dominante musulmane, dans un premier temps pour combattre l’impérialisme et dans un second temps pour le soutenir.

    Le nationalisme européen est quant à lui un moyen de légitimer la politique impérialiste de pays comme la France et le Royaume-Uni et un moyen utile pour endiguer la contestation sociale. En témoignent les récents événements en France depuis les attentats contre Charlie Hebdo, et les autres qui ont suivi jusqu’à celui du Bataclan. Tous étaient liés au terrorisme islamiste et la motivation première des assaillants était une réaction aux bombardements de la Syrie par les états occidentaux. Or le terrorisme islamique trouve ses origines dans la politique impérialiste des années 70 qui a consisté à faire monter le sentiment religieux des populations arabes afin d’endiguer la montée du mouvement ouvrier.

    L’intensification des bombardements en Irak et en Syrie suite à l’attentat de Nice ne fera qu’exciter davantage le ressentiment des populations de ces pays et le sentiment de stigmatisation que vit une grande partie de la jeunesse d’origine maghrébine en France. L’attentat de Nice, qu’il ait été ou non commandité par l’organisation Etat Islamique, est  une aubaine pour tous les protagonistes des guerres civiles syrienne et irakienne. Du côté des Etats impérialistes occidentaux, cela représente un boulevard pour l’accentuation de la guerre de classes qu’ils mènent dans leurs propres territoires et de l’accaparement des ressources pétrolières de la région mésopotamienne. Du point de vue de l’impérialisme russe, cela représente une légitimation accrue de son soutien à Bachar El Assad en Syrie. En France, cela signifie un ancrage des idées islamophobes encore plus grand dans la population, portées par le Front National, Les Républicains et une partie des responsables « socialistes ». Sur le plan de la politique du gouvernement Valls, cela présage d’un recul encore plus grand des libertés démocratiques au détriment du mouvement ouvrier. En pleine contestation de la Loi El Khomri, cela va porter un rude coup à la cohésion de la classe ouvrière contre la régression sociale dont elle est la victime, et un pas de plus vers le repli nationaliste. Sur le plan international, cela représente le risque très probable de l’intensification de la guerre par procuration que se livrent la Russie et les Etats-Unis. Le mouvement ouvrier ne peut s’en sortir que par une coordination internationale basée sur une analyse marxiste de la réalité d’aujourd’hui et de perspectives révolutionnaires pour l’avenir.

    RB, PCF Saint-Denis, 15 juillet 2016

    http://www.lariposte.org/2016/07/fascisme-vert-imperialisme/

  • Tony Blair infâme jusqu'au bout (Algeria Watch)

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    Le rapport « Chilcot » sur la guerre en Irak publié à Londres le 6 juillet avec sept ans de retard n'a pas apporté de révélations qui n'étaient déjà connues des opinions britannique et internationales.

    L'intérêt de son contenu est qu'il atteste et confirme la réalité de ce que ces opinions ont reproché au Premier ministre britannique de l'époque Tony Blair : à savoir que pour engager son pays aux côtés des Etats-Unis dans la guerre d'agression en Irak à laquelle une grande majorité de son opinion nationale était hostile, il a menti à celle-ci en lui affirmant que les services de renseignement du pays ont réuni les preuves que Saddam Hussein avait des armes chimiques et biologiques à destruction massive dont il était prêt à faire usage.

    Le rapport établit que par conséquent la guerre menée en Irak sous ce prétexte a été illégale et qu'en y impliquant la Grande-Bretagne, Blair est coupable. Cette conclusion rend justice à tous ceux qui dans le Royaume-Uni et ailleurs à travers le monde se sont élevés contre cette guerre et soutiennent que Blair autant que George W. Bush dont il fut le complice dévoué ont commis en l'entreprenant un crime de guerre et contre l'humanité. Il serait pourtant enfantin de croire que parce que le rapport « Chilcot » culpabilise clairement l'ex-Premier ministre de sa majesté britannique, celui-ci va devoir rendre compte à la justice anglaise ou internationale.

    Il y a certes des familles de soldats britanniques tués durant la guerre en Irak et l'occupation du pays en ayant résulté qui ont fait connaître leur intention de l'attaquer en justice comme responsable de leurs morts. Il est pratiquement impossible toutefois que leurs éventuelles initiatives dans ce sens aboutissent. L'on voit mal en effet l' «establishment» britannique toutes tendances politiques confondues permettre l'inculpation de Tony Blair qui était parvenu à l'enrôler dans sa presque totalité en faveur de la guerre en Irak. D'une certaine façon, cet establishment est aussi coupable du crime pour lequel Blair serait susceptible d'être inculpé puisqu'il a soutenu ses décisions ayant entraîné le royaume dans la guerre en Irak.

    Il ne faut pas aussi attendre que la Cour pénale internationale (CPI) s'avise de se saisir du rapport « Chilcot » pour formaliser un dossier d'accusation contre l'ex-Premier ministre britannique. Elle ne le fera pas, en invoquant à coup sûr des arguties « juridiques » dont celle établissant « qu'aucun acte d'agression antérieur à la définition arrêtée par elle en 2010 du crime de guerre ne peut être jugé par ses soins à cause du principe de la non rétroactivité juridique ». Peu lui importe qu'en l'occurrence son attitude ne dupera personne et se verra taxée comme lui ayant été dictée par le parti pris de faire prévaloir la loi des plus forts ce que sont les soutiens et protecteurs de Tony Blair.

    Infâme contre vent et marée et sûr de l'impunité, l'ancien Premier ministre british a réagi au rapport « Chilcot » en défendant le bien-fondé de sa position et de ses actes en faisant valoir « que le monde est meilleur » après la chute de Saddam Hussein et l'invasion de son pays. Les milliers d'Irakiens qui ont été tués lors de l'intervention anglo-américaine, les milliers d'autres qui ont été fauchés et continuent de l'être par le terrorisme qui a résulté dans son sillage n'ont pas donné lieu au moindre mot de compassion de sa part. Ses peines, regrets et excuses ont été aux seuls 179 soldats britanniques ayant perdu la vie dans cette guerre en Irak. Que valent effectivement les centaines de milliers d'Irakiens tués aux yeux d'un homme politique imbu de la supériorité de l'Occident et des valeurs qui sont les siennes ? Rien du tout et en tout cas pas de quoi y voir un crime contre l'humanité.

     Kharroubi Habib, Le Quotidien d'Oran, 10 juillet 2016

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/pol/irak/blair_infame.htm