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Anti impérialisme - Page 5

  • Liban: «Les États-Unis sèment les graines d’une tragédie à long terme» (Gilbert Achcar)

    http://revolutionsarabes.hautetfort.com/media/01/01/1880988416.jpeg

    Question : La semaine dernière il y a eu un important affrontement entre les forces loyales envers le Hezbollah et le gouvernement libanais pro-occidental. Après que le Hezbollah ait repoussé l’agression israélienne en 2006, il était devenu le héros national. Maintenant la situation semble avoir changé et à nouveau des divisions profondes apparaissent. Comment l’expliquez-vous ?

    Gilbert Achcar : Vous avez raison de souligner le fait qu’il y eu un changement. Il est vrai qu’en 2006 le Hezbollah a réalisé une importante victoire et que, dans la région arabe comme dans l’ensemble du monde musulman et au-delà, il a été vu comme une force de résistance héroïque, faisant face à l’un des principaux alliés de l’impérialisme états-unien et repoussant l’agression sioniste. En effet, donc, ils avaient acquis le statut de héros.

    Et il est vrai que cette image a été affectée par les récents affrontements. Pourquoi ? Parce que, tout d’abord, les ennemis du Hezbollah, qui sont bien sûr aussi des ennemis de l’Iran à l’échelle régionale - c’est-à-dire le royaume saoudien, la Jordanie et l’Égypte - n’avaient qu’un argument pour contrer le Hezbollah et tenter de réduire l’influence iranienne.

    C’était et cela reste la carte confessionnelle : dénoncer l’Iran en tant que pouvoir chi’ite perse et le Hezbollah en tant qu’agent arabe chi’ite de l’Iran, réalisant un complot chi’ite contre les Arabes sunnites. C’est ainsi qu’il s’efforcent de présenter les choses. En 2006, cela a misérablement échoué parce que les populations dans la région - Turquie incluse, j’en suis sûr - sont fortement hostiles à Israël et à l’impérialisme états-unien et ont donc sympathisé avec le Hezbollah. Ainsi, l’éclatante majorité n’a pas gobé l’argument chi’ites contre sunnites.

    Depuis lors, le Hezbollah s’est empêtré dans la politique libanaise sur une base confession- nelle, avec des alliés qui adhérent totalement au cadre confessionnel. Par exemple, le mouvement chi’ite Amal, qui est une organisation purement confessionnelle et n’a rien à voir avec une organisation anti-impérialiste. Au cours des années 1980, Amal était plus anti-palestinien que toute autre chose. Le Hezbollah s’est ainsi empêtré dans la politique confessionnelle libanaise au point de mener récemment un assaut militaire avec ses alliés confessionnels sur les zones peuplées de sunnites à Beyrouth et ailleurs.

    Son image en a été beaucoup affectée - plus au Liban qu’ailleurs, parce que la population libanaise est naturellement plus concernée par la politique intérieure libanaise que ne le sont, par exemple, les populations turque ou égyptienne. Je crois que le Hezbollah a réagi de manière excessive lors du récent conflit. Il avait bien sûr raison de rejeter les décisions du gouvernement Siniora, mais il pouvait les défaire aisément - comme il l’a fait dans les cas précédents, lorsque ces décisions ne lui convenaient pas - sans se lancer dans une offensive militaire à Beyrouth et dans d’autres régions du Liban, avec des alliés comme Amal. Ce faisant, il a créé un très fort ressentiment sectaire.

    Ainsi, bien que militairement ils l’ont facilement emporté lors du dernier conflit, je pense que politiquement ils en sont sortis perdants. Car maintenant la polarisation confessionnelle est redevenue très intense au Liban entre les sunnites et les chi’ites. C’est très dangereux. A présent, comme en témoignent les discussions qui ont eu lieu au Qatar entre les partis libanais, la question de l’armement du Hezbollah est redevenue discutable. Or, avant les événements récents, la majorité parlementaire conduite par Hariri n’osait pas soulever cette question, surtout après que le Hezbollah ait fait la preuve en 2006 que cet armement était indispensable pour repousser et dissuader l’agression israélienne. Maintenant, après que le Hezbollah ait utilisé ses armes dans un combat intérieur pour la première fois depuis de nombreuses années, ses forces armées sont soudainement dénoncées par ses adversaires comme étant une milice sectaire.

    A mon avis le Hezbollah a commis une grave erreur, dont les conséquences sont importantes au moment où le Liban entre dans ce qui semble être un nouveau cycle de violence. Il se pourrait bien que, dans quelques années, ce qui vient de se produire maintenant apparaisse comme le premier round d’une nouvelle guerre civile libanaise, à moins que les conditions régionales et internationales empêchent ce scénario pessimiste. Pour la lutte anti-impérialiste dans la région, ce serait un coup très dur, venant après les massacres terribles entre chi’ites et sunnites, qui continuent en Irak. Si de tels massacres s’étendaient au Liban et peut-être demain à la Syrie, ce serait un désastre pour toute la région. Les seuls qui pourraient bénéficier d’une telle situation seraient Israël et les États-Unis, qui n’hésiteraient pas tous deux à exploiter une telle situation.

    Question : Est-ce que le Parti communiste du Liban ou d’autres forces laïques ont mis en avant des revendications visant à changer complètement le système de façon à ce qu’il ne soit plus fondé sur les identités et des partis confessionnels ?

    Gilbert Achcar : Le Parti communiste est actuellement la seule force de gauche significative au Liban. Les autres sont de tous petits groupes. Parmi les partis libanais d’une certaine importance, le PC est l’un des rares partis véritablement laïques, avançant un programme laïque. C’est un véritable parti multi- confessionnel, regroupant côte-à-côte des musulmans, tant sunnites que chi’ites, des chrétiens, des druzes etc. Le secrétaire général du parti est d’origine sunnite alors que la majorité des membres sont d’origine chi’ite - c’est réellement un parti multiconfessionnel. Il se prononce pour la laïcisation de la politique libanaise et avance, en tant que parti de gauche, des revendications sociales et économiques. Le PCL n’a rejoint directement aucun des deux camps principaux au Liban.

    Lors du conflit récent, il a décidé de ne pas participer aux affrontements. Bien sûr, les communistes s’opposent au gouvernement et au projet impérialiste au Liban, tout comme ils s’opposent aux agres- sions israéliennes : ils ont participé au combat contre les forces israéliennes en 2006. Mais ils ne peuvent pas partager les buts de l’opposition en politique intérieure, qu’ils dénoncent comme étant à la fois confessionnels et bourgeois. Ils critiquent les deux camps, mettant plus d’emphase sur la dénonciation des forces pro-occidentales menées par Hariri. Au cours des trois dernières années, ils ont maintenu une position indépendante de manière conséquente.

    C’est une importante amélioration de leur ligne politique, car au cours des années 1970 et 1980 ainsi que dans la période précédente le parti communiste était fortement impliqué dans des alliances sous hégémonie bourgeoise : avec Arafat durant un certain temps, avec le chef féodal druze, Joumblatt, la plupart du temps, ainsi qu’avec le régime syrien. A partir du début des années 1990, le PCL est entré dans une crise profonde et s’est fragmenté. Le parti actuel - bien plus faible, il est vrai - en est le résultat. Mais il a radicalement amélioré sa politique.

    Depuis 2005 - à partir des mobilisations de mars 2005 pour et contre la Syrie au Liban, qui ont suivi l’assassinat de l’ex-Premier ministre Hariri - le PCL a suivi une ligne véritablement indépendante. Le 8 mars 2005, le Hezbollah et ses alliés ont organisé une énorme manifestation en hommage à la Syrie et à son président Bashar al-Assad. Les forces pro-occidentales ont alors appelé à une contre-manifes- tation le 14 mars, contre la Syrie. C’est depuis lors que l’actuelle majorité gouvernementale est aussi désignée par la date du « 14 mars », alors que l’opposition l’est par celle du « 8 mars ».

    Le Parti communiste a refusé de se joindre à l’une quelconque des deux manifestations et a appelé à une troisième, naturellement beaucoup plus petite que les deux manifestations géantes des 8 et 14 mars, qui ont mobilisé chacune des centaines de milliers de personnes. La manifestation du PCL n’a rassemblé que quelques milliers de personnes, mais avec leurs drapeaux rouges, ils ont fait apparaître une troisième voie pour le Liban, rejetant les deux camps confessionnels. C’est pour cette raison que je pense que leur attitude politique s’est beaucoup améliorée, même si je continue à avoir plusieurs réserves - en particulier en ce qui concerne leur soutien à l’armée libanaise et à son chef, qui attend d’être élu président avec l’appui de toutes les forces.

    Question : Il semble que la seule voie permettent de dépasser les divisions sectaires passe par la mobilisation de la gauche politique et des organisations syndicales, qui dessinent une alternative non confessionnelle et résistent aux politiques néolibérales appliquées dans le pays. Est-ce que le Hezbollah penche vers l’organisation de la résistance contre ces politiques néolibérales ?

    Gilbert Achcar : C’est une illusion complète. Le Hezbollah n’a rien fondamentalement contre le néo- libéralisme et, encore moins, contre le capitalisme. Comme vous le savez, son modèle suprême est le régime iranien - qui n’est certainement pas un rempart contre le néolibéralisme. Bien sûr, comme tous les intégristes islamiques, ils pensent que l’État et/ou les institutions religieuses devraient venir en aide aux pauvres. Il s’agit là de charité. La plupart des religions préconisent et organisent la charité. Cela présuppose l’existence d’inégalités sociales avec des riches qui donnent aux pauvres leurs miettes.

    La gauche, par contre, est égalitaire et non « charitable ». En tout état de cause, le Hezbollah ne s’intéresse pas vraiment aux politiques sociales et économiques de l’État. Au cours de toutes les années pendant lesquelles Rafik Hariri dominait le gouvernement tandis que les troupes syriennes contrôlaient le pays, les politiques libérales les plus cruelles ont été appliquées, sans que le Hezbollah ne s’y oppose jamais sérieusement. Cela ne fait pas partie de son programme, ni de ses priorités.

    Les derniers affrontements ont débuté le jour où certains syndicats avaient appelé à une grève générale. Mais il s’agit de syndicats pourris, qui étaient tombés sous la coupe des Syriens avant qu’ils ne quittent le Liban. La précédente fois qu’ils avaient appelé à la grève, ce fut un échec complet, car l’opposition, c’est-à-dire en premier lieu le Hezbollah, ne l’avait pas réellement soutenu, même si elle avait approuvé la grève du bout des lèvres en tant que geste oppositionnel.

    Cette fois-ci le Hezbollah a utilisé l’occasion de la grève pour mobiliser contre les décisions politiques du gouvernement qui le concernaient et non pour s’opposer à ses politiques économiques et sociales. C’est pourquoi, bien que le conflit ait commencé le jour de la grève, les revendications économiques et sociales sont tombées dans l’oubli. Le Hezbollah ne lutte pas contre le néolibéralisme, bien qu’il puisse parfois chercher à satisfaire sa base électorale plébéienne. La seule force significative qui s’oppose au néolibéralisme au Liban, c’est la gauche, principalement le PCL.

    vendredi 17 octobre 2008 - 07h:22 Gilbert Achcar - Inprecor

    * Gilbert Achcar, professeur à l’École des études orientales et africaines (SOAS) de l’Université de Londres, est un collaborateur régulier d’Inprecor. Parmi ses ouvrages : Le choc des barbaries (Complexe, 2002 ; 10/18, 2004), L’Orient incandescent (Page Deux, 2004), La guerre des 33-Jours, avec Michel Warschawski (Textuel, 2007), La poudrière du Moyen-Orient, avec Noam Chomsky (Fayard, 2007).

    Cette interview a été réalisée par Foti Benlisoy et Aykut Kýlýç pour la revue critique turque, Mesele (Question).

    Le texte original de l’interview, en anglais International Viewpoint : http://www.internationalviewpoint.o... sous le titre : The U.S. is sowing the seeds of a long term tragedy...

    http://www.info-palestine.net/spip.php?article5214

  • Comment le Mossad a aidé le Maroc à tuer Ben Barka (Courrier International)

    Une grande enquête du quotidien israélien Yediot Aharonot publiée cette semaine met en lumière l’implication des services de renseignements israéliens dans l’enlèvement à Paris, le 29 octobre 1965, et l’assassinat de l’opposant marocain Mehdi Ben Barka

    Un jour sombre et pluvieux dans une forêt des environs de Paris. Des hommes creusent un trou pour y jeter le corps d’un homme mort étranglé peu de temps auparavant. A cet instant, personne n’imagine que le fantôme de la victime va hanter le Mossad pendant de longues années.” L’enquête des deux journalistes israéliens Ronen Bergman et Shlomo Nakdimon, publiée dans Yediot Aharonot, débute comme un polar. Paris. Une cible marocaine. Les services secrets israéliens. Tel est le décor de ce qui va devenir le dossier “Baba Batra”, une des affaires les plus délicates de l’histoire du renseignement israélien.

    La mort du célèbre opposant marocain, Mehdi Ben Barka, eut d’importantes conséquences notamment sur les relations entre le Mossad, le Premier ministre d’alors, Levi Eshkol, et Isser Harel, figure mythique des services israéliens, qui fut chargé d’enquêter sur cette affaire d’Etat, mais aussi sur les relations franco-marocaines. Comme le souligne Le Monde, qui a interviewé l'un des auteurs de l'enquête, l'article a été soumis à la relecture de la censure militaire avant publication, car la loi israélienne l’exige. Toutefois, fondé sur la retranscription d’une rencontre entre le chef du Mossad de l’époque, Meir Amit,  Levi Eshkol et Isser Harel, et sur les témoignages de nombreux acteurs de l’affaire, l'article du Yediot Aharonot révèle l’implication logistique du Mossad dans la mort de Ben Barka.

    Quels rapports de forces ?

    A l'entame des années 1960, le Mossad (chargé du renseignement extérieur et de l'antiterrorisme) a installé un siège à Paris pour organiser ses opérations dans toute l’Europe. En matière de sécurité, les relations entre Israël et la France sont alors très étroites. La France, empêtrée “dans le bourbier algérien” et aux prises avec le Front de libération nationale (FLN), a besoin de l’aide du Mossad. “Au début, cette coopération s’est traduite par le partage d’informations sur l’organisation clandestine. Puis le Mossad livra des armes qui serviront dans une série d’assassinats perpétrés par les services français contre le siège du FLN au Caire”, écrivent les journalistes de Yediot Aharonot.

    De son côté, le Mossad “utilise” Paris comme “voie d’accès à l’Afrique et à l’Asie”. Très actif, le service cherche alors à obtenir le plus possible d’informations sur les pays arabes et sur le bloc soviétique – pour les partager avec les Etats-Unis. Si le Mossad noue à l’époque des relations secrètes avec la Turquie, l’Iran et l’Ethiopie, “une cible lui manque cruellement : le Maroc”. Pays arabe modéré, le Maroc est un pays qui entretient des relations avec les principaux ennemis d'Israël. “Sans parler du fait qu’à la tête du royaume, Hassan II fait plutôt figure d’allié de l’Occident.”

    Echange de services

    “Dans le renseignement, il n’y a pas de cadeaux gratuits”, rappelle l’enquête de Yediot Aharonot. C’est en vertu de cet adage que, six semaines avant l’assassinat de Ben Barka, le Mossad s’est retrouvé débiteur d’une dette vis-à-vis du Maroc. D’après les documents utilisés par les journalistes, Israël considérait ses relations avec le Maroc comme “stratégiques” et les deux pays avaient réussi à se trouver des intérêts. Le roi Hassan II s’était laissé convaincre de “laisser des Juifs de son pays émigrer vers Israël”. En échange, l’Etat hébreu fournissait une aide logistique au Maroc, formait ses militaires. En 1965, la coopération entre les services de renseignements des deux pays prit une dimension autrement plus importante.

    En septembre 1965, expliquent Ronen Bergman et Shlomo Nakdimon, le renseignement marocain permet en effet à des agents du Mossad d’obtenir des informations cruciales. Du 13 au 18 septembre 1965, la Ligue arabe tint un sommet de la plus haute importance à Casablanca. Le roi Hassan II délivra à Meit Amir, le directeur du Mossad, tous les documents relatifs à cette rencontre ainsi que les enregistrements de la réunion, qui avait été mise sur écoute. “Ces informations très importantes donnèrent un aperçu des ambitions des plus grands ennemis d’Israël. [...] Lors de la réunion, les commandants des armées arabes avouèrent qu’elles n’étaient pas préparées pour une nouvelle guerre contre Israël”, rapporte Yediot Aharonot. C’est en partie sur ces informations que Tsahal recommanda au gouvernement de Levi Eshkol de lancer ce qui deviendra la guerre des Six-Jours en 1967. Conflit qui vit l’armée israélienne triompher des armées syrienne, égyptienne et jordanienne.

    Après cette coopération sans précédent, le Maroc voulut être dédommagé du service rendu le plus vite possible. Le nom de cette dette : Ben Barka, l’un des opposants les plus farouches du roi Hassan II. C’est ainsi que fut lancée l’opération Baba Batra – qui, en plus d’avoir les mêmes initiales que Ben Barka, désigne dans le Talmud un traité s’intéressant aux questions liées à la responsabilité individuelle.

    L’opération Baba Batra

    En échange de la coopération du Maroc lors du sommet de la Ligue arabe, le Mossad s’engagea à  suivre les déplacements de Ben Barka en Europe – l’homme était alors en exil. Mehdi Ben Barka était une figure influente au Maroc et dans le monde arabe. Homme de gauche, il soutint la révolution et le combat contre le colonialisme, et devint l’un des opposants les plus virulents au roi Hassan II.

    L’enquête révèle que le Mossad réussit à localiser Ben Barka à Genève, où l’opposant marocain relevait son courrier. “Le Mossad donna l’adresse du kiosque à Ahmed Dlimi, adjoint de Mohammed Oufkir, le ministre de l’Intérieur marocain. Les agents marocains n’avaient plus qu’à surveiller le kiosque vingt-quatre heures sur vingt-quatre, pendant deux semaines, jusqu’à ce que leur cible se montre.”

    A ce stade de l’affaire, il n’est encore question pour le Mossad que de fournir une assistance technique, tout en gardant ses distances avec une opération qui, concrètement, sera menée par les agents maro- cains. Le Mossad fournit notamment de faux documents afin de louer des voitures et des passeports aux Marocains et Français impliqués dans l’affaire pour qu'ils puissent fuir rapidement après l’opération.

    Le piège du documentaire

    “Quel était le but de l’opération pour les Marocains ?" interrogent Ronen Bergman et Shlomo Nakdimon. "La réponse dépend de la personne à qui vous posez la question. Selon l'historien spécialiste des relations israélo-marocaines, Yigal Ben-Nun, l’idée au départ, était de kidnapper l’opposant avant de le soumettre à un choix : soit il devenait ministre de l’Education du gouvernement de Hassan II (ce qui sous-entend qu’il se soumet à sa loi), soit il comparaissait lors d’un procès public pour trahison. Selon d’autres preuves, notamment les enregistrements du Mossad et du Premier ministre israélien, l’intention a toujours été de mettre fin à sa vie.”

    Le Mossad met au point un piège en montant une histoire de documentaire sur Ben Barka pour l’attirer à Paris. La suite de l’histoire est connue. Le 29 octobre 1965 : Mehdi Ben Barka arrive à Paris. Il a rendez-vous chez Lipp – la fameuse brasserie du boulevard Saint-Germain – avec un jour- naliste français. A quelques pas du restaurant, deux policiers français demandent à Mehdi Ben Barka de les suivre. Le piège se referme.

    Les journalistes d’investigation racontent ensuite comment l’opposant a été amené dans un apparte- ment.  Il y sera longuement et sauvagement torturé par Ahmed Dlimi et ses acolytes à coups de brû- lures de cigarettes, d’électrochocs et de simulations de noyade. Ronen Bergman et Shlomo Nakdimon précisent que “le Mossad n’était pas présent au moment des faits et n’a pas autorisé sa mise à mort”. D’après les témoignages de membres du Mossad à l’époque, au bout de plusieurs dizaines de minutes d'interrogatoire, Ahmed Dlimi aurait appelé ses homologues israéliens depuis l’appartement en disant : “Je ne voulais pas... il est mort.”

    Les Marocains demandent alors aux services de renseignements israéliens de faire disparaître le corps. Le cadavre de Ben Barka sera emmené, enterré en pleine nuit dans la forêt de Saint-Germain, puis “dissous à l’acide” avec des produits chimiques achetés dans plusieurs pharmacies.

    Les conséquences de l'affaire

    Yediot Aharonot explique que la mort de Ben Barka provoqua une grave crise politique en Israël. Isser Harel, figure des renseignements israéliens, chargé d’enquêter sur l’affaire, réclame la démission d'Amit, le chef du Mossad, puis carrément celle du Premier ministre, Levi Eshkol. L’enlèvement de Ben Barka en plein Paris et sa disparition avérée sur le sol français ont par ailleurs profondément marqué les relations entre la France et le Maroc, ainsi qu’entre la France et Israël.

    Des fuites bien orchestrées ont rapidement fait comprendre à l’entourage du général de Gaulle que les services marocains étaient impliqués dans la disparition de Mehdi Ben Barka. La réaction du président français fut immédiate : il décapita les services secrets français, intérieurs comme extérieurs, et ce fut la fin du SDECE (contre-espionnage). Il alla même jusqu’à demander au roi Hassan II de lui livrer Mohamed Oufkir et Ahmed Dlimi. Le refus du souverain chérifien marqua une dégradation brutale des relations diplomatiques entre Paris et Rabat, sur lesquelles plane encore aujourd’hui “l’ombre du fantôme de Ben Barka”, souligne le quotidien israélien.

    Le site d'information marocain Tel Quel rappelle se son côté qu'“à ce jour l'affaire Ben Barka n'a toujours pas été élucidée par la justice marocaine”.

    Avec Tel-Aviv, les choses furent différentes. Tout en soupçonnant le Mossad d’être mêlé d’une façon ou d’une autre à “l’affaire”, le soutien de la France à Israël a prévalu sur la nécessité de faire toute la lumière sur cette participation, soulignent Ronen Bergman et Shlomo Nakdimon. Pourtant, au moment de la guerre des Six-Jours, le général de Gaulle décida d’“un embargo absolu sur les armes”. Son discours devant l’Assemblée nationale en novembre 1967 est entré dans les livres d’histoire : “Les Juifs [sont] restés ce qu'ils [ont] été de tout temps, un peuple d'élite, sûr de lui-même et dominateur.” Deux jours après avoir prononcé ces mots, il ordonna l’expulsion des représentants du Mossad en France et le démantèlement de son siège parisien. Publié le 26/03/2015 - 16:51

    http://www.courrierinternational.com/article/renseignement-comment-le-mossad-aide-le-maroc-tuer-ben-barka

    Sur l'affaire on peut lire le polar: L'affaire N'Gustro

  • 1914-1918 : la population des colonies embrigadée de force dans la guerre impérialiste.(Lutte Ouvrière)

     
    Un demi-million de soldats venant des colonies furent jetés dans la Première Guerre mondiale par l’impérialisme français, et un sur cinq y laissa sa vie.
     
    François Hollande déclarait à leur propos, dans un discours destiné à justifier l’actuelle intervention militaire au Mali, qu’ils étaient « venus au secours de la France ». C’est un mensonge éhonté. Les Africains, les Maghrébins ou les Indochinois furent arrachés de force à leur famille. Une fois dans les tranchées, l’état-major ne leur laissa d’autre choix, comme aux soldats issus de la métropole, que de tuer ou de se faire tuer.
     
    En quoi les colonisés auraient-ils pu se sentir solidaires de cette France des industriels et des banquiers, qui avait conquis leurs pays en détruisant les villages et en massacrant leurs habitants ? Elle leur avait imposé le travail forcé, avait fait mourir des centaines de milliers d’Africains ou d’Asiatiques dans les plantations, la construction de lignes de chemin de fer ou les chantiers forestiers. La mobilisation des colonies pour cette « guerre de Blancs » fut simplement la continuation de cette oppression.

    Révoltes contre le recrutement forcé

    Lorsque, après les énormes pertes des premiers mois de la guerre, l’état-major fit massivement appel aux colonies pour compenser les vides, un quota d’hommes jeunes et valides à envoyer au front fut attribué à chaque chef de village. Les chefs de village sélectionnèrent les paysans pour la boucherie, mais dès le début les résistances s’exprimèrent et elles ne firent que s’accentuer au fil des mois. En Afrique ce furent d’abord des fuites massives en brousse. Bien souvent, la commission de recrutement arrivait dans des villages où ne restaient que les femmes, les vieillards et les enfants.
     
    Les conscrits partaient dans la consternation. Un administrateur colonial du Sénégal décrit la scène suivante : « Lorsque les jeunes gens furent présentés à la commission, les femmes, réunies dans les carrés les plus proches de la résidence, entonnèrent des chants funèbres chaque fois qu’un des leurs fut signalé apte au service. »
     
    L’abattement et les résistances individuelles firent place à la révolte collective dans plusieurs régions. En mars 1915, toute la zone du Haut-Sénégal et du Niger prit les armes contre la conscription, au point qu’il fallut envoyer 300 soldats pour la soumettre. À la fin de cette même année éclata la « grande révolte » de la Volta. Elle dura neuf mois, et ne fut écrasée qu’au prix du bombardement de centaines de villages.
    À la fin 1916, une insurrection éclata dans les Aurès algériens, lorsque fut instaurée la conscription obligatoire des jeunes de 17 ans. 16 000 soldats furent envoyés pour la réprimer, avec de l’artillerie et des avions. Ils détruisirent les villages des insurgés, volèrent leurs troupeaux, et plus de 200 révoltés furent tués. Les captifs furent parqués dans un camp près de Constantine, en plein froid.
    On est loin de la peinture idyllique de colonies « venant au secours de la France ». 

    La boucherie

    Dès les premiers mois de la guerre, quelques contingents venus des colonies furent précipités dans la bataille. En septembre 1914, le général commandant une brigade de tirailleurs algériens écrivait à son supérieur : « J’ai tué de ma main douze fuyards, et ces exemples n’ont pas suffi à faire cesser l’abandon du champ de bataille par les tirailleurs. »
     
    En décembre de la même année, dix tirailleurs tunisiens étaient fusillés pour l’exemple. Leur compagnie, qui avait refusé d’embarquer pour la France, y avait été contrainte par la force à Bizerte. Arrivée sur le front des Flandres, elle refusa de participer à l’offensive.
     
    Le général qui la commandait fit alors exécuter les ordres du général Foch : « Qu’il soit tiré au sort un tirailleur sur dix de la compagnie qui a refusé de marcher et que les tirailleurs désignés par le sort soient promenés devant le front avec un écriteau portant en français et en arabe le mot “ lâche ”, et qu’ils soient fusillés aussitôt après. »
     
    C’est dans la bataille des Dardanelles, sur le front turc, que les contingents d’outre-mer furent pour la première fois engagés massivement. Un régiment fut constitué à Marseille, pour servir de réserve au corps expéditionnaire. Africains et Antillais finirent par former les deux tiers du corps d’armée. À leurs lourdes pertes au combat s’ajoutèrent celles causées par la maladie, lors de l’hiver 1915-1916.
     
    Plus la guerre durait, plus il fut fait appel aux troupes coloniales pour remplacer les morts. À partir de juin 1916, les rotations des navires marchands réquisitionnés, où les recrues s’entassaient sur le pont à plus de 1 000 par bateau, s’accélérèrent. Après quelques jours de formation, les soldats furent jetés dans les batailles meurtrières de la Somme et de Verdun. Mais c’est surtout au Chemin des Dames, en avril 1917, que les troupes coloniales furent envoyées au massacre.
     
    Le commandant de la Sixième armée, déployée sur une partie de ce front, était le général Mangin, ancien conquérant du Soudan français, connu avant-guerre comme le propagandiste de la « Force noire ». Il prônait le recours massif aux soldats coloniaux pour compenser l’infériorité démographique de la France par rapport à l’Allemagne. « L’Afrique nous a coûté des milliers de soldats, elle doit nous les rendre avec usure », déclarait l’un de ses plus chauds partisans, Adolphe Messimy, ministre de la Guerre au début du conflit. Mangin y ajoutait une vision raciste, considérant les Noirs comme naturellement appelés à fournir des troupes de choc. Il appliqua ses théories en lançant les troupes africaines à l’assaut d’un plateau défendu par des mitrailleuses et en leur enjoignant d’avancer coûte que coûte. Ce fut une hécatombe, dans laquelle Mangin gagna le surnom de « boucher des Noirs ».
     
    La guerre impérialiste de 1914-1918 fut pour les peuples d’Afrique et d’Asie la continuation des maux que leur avait valu l’arrivée sur leur continent des conquérants français, en plus terribles encore. Lorsque le conflit prit fin, le seul souci des gouvernements fut que l’ordre colonial se perpétue comme si rien ne s’était passé. Une partie des soldats coloniaux furent d’ailleurs maintenus sous l’uniforme dans les corps d’occupation cantonnés en Rhénanie allemande et surtout en Macédoine, en Turquie et en Syrie. Ceux qui furent démobilisés n’eurent d’autre choix que de rentrer dans leurs villages pour se soumettre à nouveau aux chefs nommés par la France et aux administrateurs coloniaux.
     
    Il ne fut pas question d’accorder des droits nouveaux aux colonisés qui avaient versé leur sang pour l’impérialisme français. Mais, dans le conflit, ceux-ci avaient pu voir de quelle sauvagerie leurs maîtres étaient capables. Cela allait contribuer à ébranler l’ordre colonial, avant que celui-ci s’effondre après un second conflit mondial et vingt ans de révoltes.
    Daniel MESCLA 
     

  • Libye : la crise, conséquence de la stratégie occidentale (Npa)

    Résultat de recherche d'images pour "libya violence"

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    Le meurtre par décapitation, commis par l’État islamique contre les 21 travailleurs égyptiens en Libye parce qu’ils étaient coptes, a bouleversé l’opinion publique internationale.

    Il met en lumière les conséquences de l’intervention militaire occidentale dirigée par Sarkozy sous les conseils judicieux de son grand stratège en géopolitique, l’ineffable Bernard-Henri Lévy...

    Depuis quatre ans, la Libye s’enfonce progressivement dans une guerre civile totale menée par les différentes milices, qu’elles soient islamiste, laïque ou régionaliste. Lors des élections de juin 2014 qui ont recueilli un faible taux de participation, les islamistes ont refusé de reconnaître leur défaite, arguant de fraudes massives.

    Un violent conflit s’en est suivi qui a divisé le pays en deux.

    D’un côté, Fajr Libya (Aube libyenne) qui dirige la capitale Tripoli et sa région et a remis en selle l’ancien Parlement, le Congrès général national (CGN), dominé par les islamistes qui se sont dotés d’un gouvernement. De l’autre, l’alliance Dignité, appuyée par le général Khalifa Haftar, et soutenue notamment par les milices de Zinten, une ville de l’ouest du pays. Ce gouvernement s’est installé à Tobrouk et est reconnu par la communauté internationale.

    A cela s’ajoutent les djihadistes, ceux d’Ansar al-Charia présents à Benghazi et liés à Al-Quaïda, et l’État islamique, constitué notamment par le groupe Majilis Choura Chabab al-Islam.

    Voix discordantes

    Dans les pays africains qui demandent une intervention militaire en arguant que les Européens doivent finir leur travail, on retrouve le Niger, le Tchad ou l’Égypte confrontée dans le Sinaï avec Ansar Bait al-Maqdis. Plus globalement, les populations des pays de la région doivent subir les conséquences du chaos libyen qui permet aux groupes islamistes de s’entraîner et de se fournir en armes.

    Au niveau occidental, les chancelleries sont plus réservées et privilégient pour l’instant le choix d’un accord politique en misant sur la conférence de Genève.

    L’idée est de réunir les deux principales fractions dans un gouvernement d’union nationale. Ramenant une relative stabilité au pays, cela permettrait de combattre les djihadistes, de reprendre l’exploitation du pétrole par les multinationales, et de retrouver le rôle que la Libye avait à l’époque de Kadhafi, contrôler l’immigration essentiellement subsaharienne vers l’Europe.

    Même si les discours du représentant des Nations unies Bernardino Leon se veulent optimistes, s’appuyant sur l’idée juste qu’il n’y a pas beaucoup de différences politiques et religieuses entre les différentes milices, il n’en demeure pas moins vrai que les conflits qui opposent les chefs de guerre sont aussi motivés par des questions financières. En effet, le contrôle des puits de pétrole, des ports mais aussi des voies où transitent les différents trafics (y compris de drogues), sont particulièrement lucratifs.

    L’insertion de l’Occident dans le processus révolutionnaire libyen qui a outrepassé largement le mandat de l’ONU, a empêché l’émergence d’une force révolutionnaire qui aurait pu au fil des combats et des mobilisations populaires s’unifier politiquement. Le renversement brutal de Kadhafi et la mainmise de la Grande-Bretagne et de la France sur le processus de transition politique a renforcé le sentiment religieux et communautaire, à l’image de l’intervention US en Irak.

    Paul Martial  26 février 2015

    * « Libye : la stratégie occidentale ». Paru dans l’Hebdo L’Anticapitaliste - 278 (26/02/2015) :
    http://www.npa2009.org/actualite/libye-la-strategie-occidentale

  • Burkina Faso : Interview avec un camarade responsable du Parti Communiste Révolutionnaire Voltaïque 12 novembre 2014 par Voie Démocratique (Maroc)

    http://www.pcrv.net/squelettes/pcrv.jpg

     

    Cher camarade, bienvenu au site officiel de la Voie Démocratique(VD) du Maroc : www.annahjaddimocrati.org.

    Votre parti est un allié de la VD, ce dernier suit avec beaucoup d’intérêt l’évolution de la situation politique dans votre pays, le Burkina Faso, et a exprimé sa position et sa solidarité au peuple burkinabè et ses forces vives par un communiqué de sa direction le 3 novembre.

    Le Burkina Faso traverse en effet en ce moment une véritable crise révolutionnaire dont un premier fruit est la fuite de Blaise Compaoré. Mais aussi et contre la volonté et l’intérêt du peuple insurgé, la prise du pouvoir par l’armée suite à un coup d’état réactionnaire dirigé par Issac Zida de ce régiment sanguinaire dit régiment sécurité du président.

    L’impérialisme français qui a soutenu le coup d’état militaire contre le régime de Tomas Sankara il y a 27 ans vient de reconnaitre qu’elle a aidé à la fuite du président déchu vers le pays voisin, la Côte-d’Ivoire, où il siège à côté de l’autre traitre Alassane Ouattara.

    Nous avons remarqué que l’analyse de votre parti repose entre autres sur le concept de processus révolutionnaire, concept que nous partageons avec vous, que nous avons testé pour analyser les vagues révolutionnaires qui ont secoué les pays maghrébins et la région du monde arabe en général et trouvons que c’est un concept fécond.

    Les facteurs objectifs et les moments importants de ce processus ayant démarré de façon considérable en 2008. Les vagues révolutionnaires de notre région ont-elles réellement influencées ce processus.

    Tout d’abord nous remercions les camarades de la Voie Démocratique du Maroc pour la solidarité internationaliste qu’ils manifestent à l’égard des luttes de notre peuple en ces moments historiques où il vient de réaliser ce mouvement populaire insurrectionnel qui a chassé l’autocrate Blaise Compaoré du pouvoir. Nos deux partis membres de la Conférence Internationale des Partis et Organisations Ml entretiennent des relations fraternelles au service de la cause révolutionnaire pour la libération nationale et sociale dans nos pays

    Pour répondre à votre première question je lie la question des facteurs objectifs à la situation de grave crise qui frappe notre pays depuis les évènements tragiques liés à l’assassinat odieux du journaliste Norbert Zongo et ses compagnons en 1998.

    Cette crise s’est transformée en une crise révolutionnaire qui s’approfondit et s’étend avec une évolution par pallier. Après les émeutes de la faim de 2008, l’année 2011 avait été marquée par de puissants mouvements sociaux qui ont touché tous les secteurs de la vie et économique et sociale et même l’armée avec des mutineries dans plusieurs garnisons du pays. En 2013, la crise connaît de nouveaux développements qui partent des faits majeurs suivants :

    -  La prise de conscience de plus en plus grande au sein de la jeunesse populaire , de la classe ouvrière , de la paysannerie pauvre et des couches moyennes urbaines .Le pouvoir de la IVè République allié et serviteur des puissances impérialistes notamment l’impérialiste français a complètement failli et ne pouvait résoudre les problèmes de la faim, de l’éducation, de l’emploi, des libertés politiques et du progrès social.


    -  La classe ouvrière et le peuple de plus en plus convaincus que ce pouvoir ne représentait qu’un clan minoritaire de prédateurs qui avaient pris l’économie de notre pays en otage et qui avaient mis en place une dictature militaire constitutionnelle pour opprimer et exploiter le peuple pour leurs maîtres impérialistes et les membres de ce groupe mafieux constitués des familles et leurs associés.


    -  Le développement des luttes populaires qui touchent l’ensemble du territoire national, qui impliquent de plus en plus les couches profondes de la société et qui frappent l’ensemble des secteurs sociaux et de l’économie nationale.


    -  Le divorce, de plus en plus en profond entre le peuple c’est-à-dire les gouvernés et le pouvoir, c’est-à-dire les gouvernants, qui traduit la faillite de toutes les institutions de la IVè République frappées d’une crise profonde et d’un discrédit total.

    Des millions de gens du peuple exclus de l’accès au droit, font de plus en plus irruption dans des luttes insurrectionnelles pour se prendre en charge .Ils expriment ouvertement leurs besoin de changement en faveur du peuple.

    Toutes ces luttes multiformes ont débouché sur la situation révolutionnaire actuelle qui secoue notre société et sur le puissant mouvement insurrectionnel du jeudi 30 octobre.

    Dans ce mouvement le peuple déterminé lançait le mot d’ordre « Blaise Compaoré dégage ». L’influence de la révolution tunisienne est évidente. Notre parti dans ses analyses a exhorté le peuple et la jeunesse à s’inspirer des révolutions dans les pays comme la Tunisie et l’Egypte mais en tirant des leçons pour l’approfondissement du processus révolutionnaire.

    Quelles sont les principales forces motrices de ce processus. ?

    Dans le mouvement actuel qui a conduit au renversement du régime dictatorial de Blaise Compaoré nous pouvons citer les composantes suivantes : les partis politiques de l’opposition bourgeoise réactionnaire dont certains dirigeants ont dans un passé récent participé activement au régime de Blaise Compaoré et donc responsables de ses nombreux crimes .Il s’agit entre autres de l’Union pour le Changement (UPC) dont le Président Diabré Zéphirin ancien Directeur Afrique du groupe Areva , lié à l’impérialisme français se présente ouvertement comme un néolibéral. ; le Mouvement pour le Progrès (MPP) fondée en janvier 2014 par des dissidents du Parti CDP de Blaise Compaoré dont les principaux dirigeants ont participé jusqu’à cette date récente au plus haut niveau à tout la politique mafieuse et criminelle de la IVè République.

    IL y a aussi des partis sankaristes que nous nommons la petite bourgeoisie radicale réformiste.

    Nous pouvons citer le Mouvement Démocratique et Révolutionnaire dirigé par notre parti au rang duquel il faut citer : La Confédération Générale du Travail du Burkina (CGTB) centrale syndicale Révolutionnaire bien implantée et considérée comme la première en terme de représentation parmi les 5 centrales syndicales que comptent le pays. A cela il faut ajouter des syndicats autonomes dans différents secteurs qui ont également une orientation du syndicalisme révolutionnaire de lutte de classes.

    La Coalition Contre la Vie Chère (CCVC) qui regroupe près de 7O organisations démocratiques de travailleurs, de la jeunesse, des femmes, des droits de l’homme, etc …)

    Le Mouvement Burkinabe des Droits de l’Homme et des Peuples joue un grand rôle dans l’éducation aux droits de l’homme et contribue à la défense des libertés démocratiques.

    Toutes ces organisations ont une implantation nationale avec des sections dans les provinces. La paysannerie est faiblement organisée, mais elle participe de plus en plus aux luttes populaires.

    Dans le mouvement insurrectionnel, la jeunesse particulièrement a joué un rôle déterminant. En plus des étudiants, des élèves des lycées et collèges, les jeunes paysans, ouvriers, artisans et le secteur informel dont une masse importante est inorganisée. Nous dirigeons l’Organisation Démocratique de la Jeunesse (ODJ) bien implantée dans plusieurs provinces du pays. L’Union de la Jeunesse Communiste de Haute-Volta (UJCHV) porte les orientations du parti au sein des diverses couches de la jeunesse populaire dans ses luttes pour ses revendications démocratiques, économiques et sociales.

    Notre pays est caractérisé par une grande tradition de vie associative et par la présence depuis de nombreuses années d’une société civile organisée et dynamique.

    Quelles sont les perspectives ? Comment concrètement à votre avis faire face aux manœuvres de l’impérialisme et de l’impérialisme français en particulier.

    Nous saluons la victoire de cette insurrection populaire qui a renversé le régime dictatorial de l’IVè République en chassant l’autocrate Blaise Compaoré du pouvoir. Le peuple a consenti de durs sacrifices pendant le long règne de 27 ans de ce régime sanguinaire marqué par les tueries de nombreux fils et filles du peuple parmi lesquels des démocrates et des révolutionnaires et nos camarades du parti et de la jeunesse.

    Mais la chute du dictateur à peine entamée, les clans putschistes de l’armée néocoloniale se sont emparés du pouvoir néocolonial dans l’objectif d’étouffer le processus révolutionnaire.

    Les puissances impérialistes (France, Etats-Unis, Union européenne) , les régimes réactionnaires des pays d’Afrique à travers la CEDEAO et l’Union africaine interviennent dans ce processus pour soit disant aider le peuple burkinabè à résoudre la crise institutionnelle et à préserver la paix. Toutes ces tractations visent à stopper l’élan du mouvement insurrectionnel vers la destruction du système néocolonial par la révolution.

    Le Burkina Faso constitue pour l’impérialisme français principalement une plateforme stratégique pour ses interventions militaires dans la sous-région ouest africaine et dans l’ensemble saharasahélienne dans un contexte de rivalités entre les puissances impérialistes pour le repartage des territoires et le pillage des ressources minières du continent africain.

    L’impérialisme français a installé dans notre pays sous couvert de lutte contre le terrorisme et les groupes armés jihadistes des troupes militaires et un corps spécial d’intervention militaire.

    L’impérialisme américain dispose au Burkina Faso de sa principale station d’écoute et de surveillance dans cette vaste région d’Afrique de l’Ouest. Toutes ces installations militaires constituent des instruments d’agression contre le Mouvement démocratique et révolutionnaire dans notre pays et des peuples africains.

    Dans cette situation complexe notre parti sur la base de sa tactique offensive et ses plans stratégiques révolutionnaires travaille pour orienter les luttes en vue de l’approfondissement du processus révolutionnaire. Dans l’immédiat nous dénonçons le coup d’Etat militaire réactionnaire et exigeons le départ des militaires du pouvoir d’Etat. La transition politique doit être conduite par le peuple insurgé à travers l’unité de toutes les forces sociales et politiques parties prenantes de ce mouvement insurrectionnel.

    Au centre de la crise révolutionnaire aujourd’hui se pose la question fondamentale du changement. Mais de quel changement il s’agit ? De quel changement ont besoin la classe ouvrière et le peuple ? Pour quel changement la jeunesse populaire descend massivement dans les rues et manifeste ?

    Aujourd’hui deux visions du changement se font face :

    - Le changement préconisé par l’opposition bourgeoise qui consiste à réformer le pouvoir néocolonial tout en préservant et en renforçant la mainmise de l’impérialisme notamment français sur notre pays. On voit bien que ce type de changement ne touche pas aux causes de la misère et de l’oppression de notre peuple : le pillage des ressources de notre pays par l’impérialisme international et ses alliés de la bourgeoisie réactionnaire, le dictat du FMI, de la Banque Mondiale, et de l’OMC.


    - Le changement que propose le PCRV, Parti communiste marxiste-léniniste et état-major du prolétariat, consiste à renverser le pouvoir de la bourgeoisie et l’impérialisme notamment français par l’insurrection populaire, à le remplacer par un Gouvernement Révolutionnaire Provisoire (GRP) qui sera le pouvoir de la classe ouvrière alliée à la paysannerie et au peuple.

    Le Gouvernement Révolutionnaire Provisoire va convoquer une Assemblée Constituante , des représentants du peuple , et d’où seront exclus les criminels politiques , économiques et les alliés de l’impérialisme , Assemblée qui va élaborer une nouvelle constitution , sous le contrôle du peuple , en vue de construire une République Démocratique Moderne qui va sortir notre pays de l’arriération , assurer et garantir l’indépendance nationale véritable.

    Interview réalisé par Mouad El-johri le 06 nov.2014

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-de-l-ouest/burkina-faso/article/burkina-faso-interview-avec-un

     

    Voir aussi:

    http://www.pcrv.net/spip.php?page=pcrv-article&id_article=46

     

     

     

     

  • La Coordination nationale Solidarité Kurdistan sur tous les fronts (AKB)

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    lundi 20 octobre 2014
    par  Amitiés kurdes de Bretagne
     

    Déclaration de la CNSK

    Les associations réunies au sein de la Coordination nationale Solidarité Kurdistan (CNSK) ont témoigné de leur solidarité avec les combattantes, les combattants et la population du Kurdistan de Syrie (Rojava?) et notamment celles et ceux du canton de Kobanê dont la résistance héroïque force l’admiration de tous. Elles ont dénoncé les préparatifs du gouvernement turc islamo-conservateur prêt à envahir le Rojava. Elles notent que les forces contestataires se mobilisent en Turquie et que l’union dans un nouveau parti - le HDP? (Parti de la Démocratie des Peuples) - des forces kurdes et d’une gauche contestataire turque est de bon augure pour des avancées démocratiques futures dans ce pays. Elles remercient le Conseil de Paris pour l’intérêt qu’il porte à la mémoire des trois militantes kurdes assassinées en plein Paris le 9 janvier 2013 et réaffirme sa volonté d’exiger que toute la vérité soit faite et que justice soit rendue. Une journée mondiale "Urgence Kobanê" sera organisée le 1er novembre prochain. Une pétition circule à l’adresse du Président de la République en soutien à Kobanê. Une conférence sera organisée le 9 janvier 2015 à Paris, au Sénat, ainsi qu’une cérémonie commémorative à la mémoire de Sakine, Fidan (Rojbîn) et Leyla devant le 147 rue Lafayette.

    Mobilisation pour le Rojava

    La CNSK demande à la France et à la communauté internationale d’envoyer de toute urgence à Kobanê l’aide militaire nécessaire pour résister et faire reculer les forces barbares du prétendu Etat islamique (Daesh). Les dernières frappes aériennes de l’US Air Force, guidées du sol par les résistants de Kobanê, ont été utiles mais pas suffisantes pour ceux qui luttent pied à pied, depuis plusieurs semaines, à armes inégales contre un ennemi puissamment armé : il est urgentissime de fournir armes anti chars et médicaments qui font cruellement défaut aux combattants kurdes. L’exemple de la Région autonome du Kurdistan irakien est à suivre : elle vient de reconnaître officiellement les trois cantons autonomes de Rojava et adopté un protocole de coopération bilatérale qui comprend l’envoi immédiat d’armes à la ville assiégée de Kobanê. La décision de la ville de Rennes d’envoyer une aide à la ville de Diyarbakir qui doit faire face à un afflux de réfugiés syriens est aussi significative : elle est assortie d’un appel à la communauté internationale pour qu’elle soutienne les Kurdes de Kobanê dans leur combat contre Daesh. La ville de Paris vient aussi de voter une aide humanitaire. Une journée mondiale "Urgence Kobanê" sera organisée le 1° novembre prochain. Toutes les organisations démocratiques sont invitées à participer à l’organisation et à la réussite de cette manifestation devant se dérouler dans chaque métropole, dans chaque région, dans chaque ville, partout où c’est possible.

    Turquie : attention danger

    La France a demandé à la Turquie de prendre toutes ses responsabilités et toutes les mesures qui s’imposent face à l’offensive de Daesh à Kobanê. Cette intervention est bienvenue s’il s’agit, comme l’a précisé le Président de la République, de l’ouverture de la frontière avec la Syrie pour permettre l’acheminement de renforts. Elle serait particulièrement inopportune s’il s’agissait d’encourager une intervention de l’armée turque. L’attitude de ce pays membre de l’OTAN a malheureusement montré que sa priorité n’était pas de combattre les djihadistes de Daesh, auxquels il continue d’apporter une aide militaire et logistique, mais d’occuper militairement cette région kurde et d’éradiquer un mode d’organisation social et politique adopté par l’Assemblée législative du Rojava, qui permet à chaque canton d’élire des assemblées citoyennes décentralisées et de se doter de structures de gouvernance incluant toutes les nationalités et toutes les religions.

    Véritable casus belli, cette occupation serait vécue douloureusement non seulement par les Kurdes de Syrie, qui sous le joug du régime Baas de Hafez Al-Assad et de Bachar Al Assad d’une République arabe syrienne, n’avaient même pas droit, durant des décennies, à une identité. Mais aussi par les Kurdes de Turquie (soit 20 % de la population) qui ont déjà prévenu : le processus de paix entre le gouvernement turc et le leader emprisonné Abdullah Öcalan pour trouver une solution politique à la question kurde sera rompu. Et la guerre reprendra. Les manifestations nombreuses et réprimées violemment qui se sont déroulées en Turquie du Sud-est (Kurdistan nord), mais aussi dans les grandes villes de la Turquie occidentale, et notamment à Istanbul et Ankara, ont déjà fait en quelques jours 37 morts et de nombreux blessés. Ce ne sont que les prémices d’une guerre civile annoncée qui déstabilisera toute la région.
    L’attitude toujours ambiguë de la Turquie suscite la méfiance quand sont annoncés des entretiens bilatéraux avec la France pouvant aborder les accords de coopération policière dont la ratification avait été stoppée in extremis. Plus que jamais il est nécessaire d’obtenir l’abandon définitif de ces accords sécuritaires "Guéant - Fabius".

    Le poids politique des Kurdes de Turquie

    Il est à noter également que le poids politique des Kurdes de Turquie croît autour du BDP, (Parti pour la Paix et la Démocratie qui s’appelle aujourd’hui DBP : Parti démocratique des régions), du HDP (Parti démocratique des peuples) et du K.C.K (Union des communautés du Kurdistan - (coma Civakên Kurdistan) qui ne proposent rien moins qu’une alternative à l’Etat-nation : "une organisation de la société puisée aux sources d’une lutte quotidienne pour la défense des libertés". Le DBP, malgré la pression de l’Etat sournois qui retient toujours dans ses geôles des milliers de détenus politiques, développe une stratégie de renforcement des structures politiques associatives et culturelles, dans les provinces kurdes : les résultats des élections municipales et régionales de mars 2014 le montrent avec des gains importants (Agri, Bitlis, Mardin) qui auraient pu être plus importants sans les fraudes (Urfa par exemple). Les Kurdes ont aussi affiché leurs ambitions nationales avec le nouveau parti, le HDP, créé par un BDP nouant des alliances nouvelles avec des forces de gauche qui se sont réunies dans un vaste mouvement de contestation gouvernementale dont l’épicentre fut les manifestations du parc Gezi d’Istanbul. Transformer le parti essentiellement pro-kurde BDP en HDP n’était pas gagné d’avance : Selahattin Demirtaş, candidat HDP à l’élection présidentielle d’août 2014, a su convaincre les populations kurdes, dont la revendication première est identitaire, de faire cause commune avec tous ceux qui, Kurdes, Turcs, Arméniens et autres minorités, contestent la politique autoritaire du gouvernement AKP et aspirent à une autre gouvernance, qu’ils soient sunnites, alévis, chrétiens, yezidis ou athées, syndicalistes, écologistes ou militants associatifs. Les principaux thèmes du programme HDP, qui se confondent avec ceux du BDP, témoignent de cette volonté : gouvernance territoriale, autonomie démocratique, éducation dans la langue maternelle, liberté de croyance, droits pour les alévis, liberté pour les prisonniers politiques, non à l’exploitation capitaliste, oui à l’écologie, non aux mesures discriminatoires contre les homosexuels, non aux interventions impérialistes en Syrie, encouragement aux Kurdes de Syrie. On peut estimer que Selahattin Demirtaş a, en frôlant les 10%, réussi ce pari. Il a su conserver - et même accroître - l’électorat traditionnel du BDP et séduire de nouveaux électeurs en prenant pied dans d’autres régions de la Turquie. Son score ouvre de véritables perspectives pour les élections législatives de 2015. En passant le seuil fatidique des 10%, Le HDP pourrait tripler, voire plus, le nombre actuel de ses députés.

    Le PKK est présent dans la vie politique et sociale en Turquie

    Le PKK, Parti des travailleurs du Kurdistan (Partiya Karkerên Kurdistanê), joue un rôle dans les quatre parties du Kurdistan et son influence va même bien au de-là, dans toute la région moyen orientale. Le PKK est très présent dans la vie politique et sociale en Turquie et le gouvernement AKP ne s’y trompe pas quand il accuse le KCK d’être la branche urbaine de "l’organisation" et quand il ouvre des négociations avec le leader incontesté et charismatique du PKK, Abdullah Öcalan, pour trouver une solution politique à la question kurde. Faire croire au monde entier que le PKK est une organisation terroriste relève d’une escroquerie intellectuelle qui ne peut que se retourner, in fine, contre ses auteurs. Ceux qui reprochent au PKK sa branche armée, les HPG? - Forces de Défense du Peuple (Hêzên Parastina Gel), oublient de préciser que sans elle le peuple kurde, en tant que peuple, aurait été, dans le contexte de terreur imposé par les forces militaires, paramilitaires et "l’Etat profond", rayé de la carte. Les dernières interventions des HPG pour venir en aide aux peshmergas du Kurdistan irakien ou pour sauver les Yezidis du piège de Sinjâr ou pour épauler les YPG? à Kobanê ont montré que le PKK n’était pas une organisation terroriste mais qu’il possédait des combattants aguerris dont la coalition avait besoin pour faire reculer le Front islamique. Il est donc urgent de retirer le PKK de la liste des organisations terroristes.

    Vérité et Justice pour Sakine, Fidan (Rojbîn) et Leyla

    Le Conseil de Paris a émis le vœu que soit apposée une plaque au 147 rue La Fayette, dans le 10e arrondissement, pour rendre hommage à Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez, rappelant que ces trois jeunes femmes kurdes, qui militaient pacifiquement pour la reconnaissance du peuple kurde, ont été lâchement assassinées le 9 janvier 2013. Il n’y a pas de mots pour exprimer le chagrin et la colère qu’éprouvent tout le peuple kurde et les amis et proches des victimes. La volonté de la CNSK est intacte pour exiger que justice soit rendue. La vérité doit éclater et un appel est lancé au gouvernement français pour qu’aucun obstacle ne vienne entraver l’action de la justice dans son travail d’identification des commanditaires. Tous les regards sont tournés vers la Turquie dont la responsabilité est manifestement engagée. C’est pourquoi la CNSK reste mobilisée pour que l’affaire ne soit enterrée au nom de la raison d’Etat. Un courrier sera officiellement envoyé à M. le Président de la République française pour lui demander de bien vouloir recevoir les familles des victimes assassinées sur le sol français. Ce geste de compassion que les familles attendent serait aussi un signal fort envoyé aux assassins et à leurs commanditaires : cet assassinat politique ne restera pas impuni. En 2015, du 14 février au 2 mars, seront rappelés, lors d’un "colonial tour" initié par le réseau "sortir du colonialisme", tous les crimes politiques commis sur le sol français depuis cinquante ans et restés impunis. Ceux de Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez ne seront pas oubliés.

    Paris le 18 octobre 2014

    Signataires  : Amis du Peuple Kurde en Alsace, - Amitiés Kurdes de Bretagne (AKB), - Amitiés Kurdes de Lyon Rhône-Alpes, -Association Iséroise des Amis des Kurdes (AIAK), - Association de Solidarité France-Kurdistan (FK), - Centre d’Information du Kurdistan (CIK), - Conseil Démocratique Kurde de France (CDKF), - Mouvement de la Jeunesse Communiste de France, -Mouvement de la Paix, - MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples), - Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), - Parti Communiste Français (PCF), - Réseau « Sortir du Colonialisme », - Solidarité et Liberté (Marseille), - Union Démocratique Bretonne (UDB).
    Soutien : Union Syndicale Solidaires.

    http://www.amitieskurdesdebretagne.eu/spip.php?article868

  • Entre cauchemar et manœuvre, une nouvelle intervention militaire de l’impérialisme en Irak (CCR)

    L’Irak est de nouveau à feu et à sang.

    Pendant que l’État Islamique en Irak et au Levant (EIIL) élargit et consolide son emprise sur les régions du nord et de l’ouest du pays, les Etats-Unis se préparent à intervenir militairement pour soutenir le gouvernement irakien en envoyant plusieurs centaines de soldats, appuyés par des navires de guerre et des frappes aériennes. L’Irak se trouve ainsi en proie à la reprise d’une guerre civile qui prend un caractère « communautaire » opposant le régime de Bagdad, dominé par les Chiites et soutenu par les puissances impérialistes, et une organisation armée djihadiste et réactionnaire, à majorité sunnite, luttant pour l’instauration d’un califat en Irak et en Syrie.

    L’occupation états-unienne de l’Irak au début des années 2000 avait ravivé les tensions internes entre les principaux peuples du pays, aboutissant progressivement au cours de la dernière décennie à la division de facto du pays en trois régions ethniques distinctes- Chiite arabe, Sunnite arabe, Kurde. Cette année, ce ravivement de tensions a débouché sur la réouverture d’une guerre civile le long de ces lignes ethniques. Depuis le mois de juin, l’EIIL contrôle la grande partie de la région arabe sunnite dans l’ouest du pays avec un certain soutien des chefs tribaux sunnites. L’armée irakienne et les milices arabes chiites contrôlent Bagdad et le sud-est du pays. Quant aux Kurdes, une nationalité opprimée, ils ont profité de la situation pour consolider l’autonomie de leur région dans le nord-est.

    Des millions d’Irakiens et d’Irakiennes ont ainsi été chassés de leurs maisons, victimes d’atrocités commises par chacun des belligérants de cette guerre sanglante. Dans l’ouest, des centaines de milliers de Sunnites ont été obligés de fuir le pilonnage et les bombardements de quartiers résidentiels par le régime de Bagdad. A Bagdad même, les milices arabes chiites s’en prennent violemment aux quartiers arabes sunnites. Dans le nord du pays, les forces armées de l’EIIL envahissent les villages chiites et massacrent la population, y compris les femmes et les enfants. Les minorités religieuses (Yazidis, Shabaks, Chrétiens) refusant de se convertir et de prêter allégeance sont tuées sans pitié. Cette nouvelle vague de tueries, sans doute alimentée par la guerre civile en Syrie où l’EIIL réactionnaire a joué et joue encore un rôle important dans la lutte contre le régime de Bachar al-Assad, est d’abord le fruit d’une histoire complexe construite et entretenue par l’intervention impérialiste en Irak, à la mesure des enjeux géopolitico-stratégiques et économiques et de la désintégration de l’ordre impérialiste dans la région.

    Le colonialisme et l’impérialisme, les vraies sources de tensions

    Les médias bourgeois montrent du doigt les très anciennes divisions sectaires en islam pour expliquer l’effusion de sang actuellement en cours. En réalité, ce carnage puise ses origines d’abord dans la division et la domination impérialistes de l’Irak par les puissances européennes, puis dans les interventions et l’occupation militaires états-uniennes. Au milieu du XIXe siècle, les puissances européennes ont commencé à intervenir directement dans la région du Levant. Pour mieux asseoir leur contrôle, ils privilégiaient la tactique consistant à monter les différentes nationalités, groupes ethniques et sectes les uns contre les autres. Plus tard, en 1916, la France et le Royaume-Uni se sont conjurés, avec l’aval de la Russie et de l’Italie, pour découper le Levant avec les accords Sykes-Picot. La France a pris la Syrie et le Liban actuel, alors que le Royaume-Uni a acquis la Jordanie et la Palestine.

    Les puissances impérialistes avaient promis un État aux Kurdes lors de la signature du traité de Sèvres au lendemain de la Première Guerre mondiale en 1920, mais au cours de cette année-là, elles ont découvert que la région de Mossoul en particulier et l’Irak en général étaient beaucoup plus riche en pétrole qu’elles ne l’avaient pensé. Le Royaume-Uni décida alors de garder le Kurdistan du sud en l’intégrant dans le nouveau Royaume d’Irak, lequel correspondait aux concessions de la Compagnie pétrolière turque sous contrôle britannique. Ainsi l’Etat kurde n’a-t-il jamais vu le jour. Les fonctionnaires et les officiers militaires de ce nouveau pays, à majorité chiite et créé par les Britanniques, étaient exclusivement sunnites. Comme ailleurs, les impérialistes se sont appuyés sur une minorité qui se voyait remerciée avec un certain nombre de privilèges pour être leurs relais locaux, créant ou exacerbant les tensions religieuses ou ethniques.

    Malgré ses manœuvres au Moyen-Orient, l’impérialisme étasunien poursuit son déclin dans la région…

    Après avoir envahi l’Irak en 2003, les Etats-Unis n’ont pas hésité un seul instant à adopter la même tactique de division pour assurer leur domination. Cependant, cette tactique n’a pas abouti au résultat souhaité. La purge des officiers du Parti Ba’ath du gouvernement et de l’administration s’est accompagnée d’un transfert du pouvoir des mains des Sunnites à celles des Chiites, déclenchant des rébellions sunnites contre lesquelles l’impérialisme états-unien a été obligé de mobiliser des milices chiites et des Peshmerga kurdes. Pour éviter une accélération des pressions de la part des Chiites, en 2005, le pouvoir a été organisé sur la base d’un partage communautaire : le Premier ministre serait chiite, le Président qui exerce des fonctions plutôt cérémonielles serait kurde et le Président du Parlement serait sunnite. Cette configuration a permis le maintien des gouvernements fantoches dominés par les partis chiites (et dans une moindre mesure kurdes) au détriment des partis sunnites.

    En 2006 et encore en 2010, les Etats-Unis ont imposé Maliki comme Premier ministre sous lequel la terreur anti-sunnite n’a cessé de croître avec l’aide de l’armée et des milices chiites. Après le retrait des troupes états-uniennes et des manœuvres de la part du Premier ministre contre des figures politiques sunnites, d’importantes manifestations ont eu lieu dans le pays. Au printemps 2013, les troupes du gouvernement ont attaqué des manifestants à Hawija, dans le nord,faisant au moins 44 morts. Des massacres s’en sont suivi au cours desquels des milliers d’Irakien-ne-s ont trouvé la mort, culminant dans un assaut militaire contre Falloujah et Ramadi. Alors que les chefs tribaux faisaient appel aux forces réactionnaires pour lutter contre le gouvernement de Maliki, l’EIIL a profité de ce contexte de guerre civile et de carnage pour s’implanter dans le pays et prendre progressivement le contrôle des ressources pétrolières. Aujourd’hui, pour restaurer l’ordre, les Etats-Unis préparent le terrain pour une intervention militaire du côté du gouvernement irakien sous la bannière de l’ingérence humanitaire et cherchent à s’appuyer sur des alliances contradictoires avec des puissances régionales rivales comme l’Arabie saoudite ou l’Iran, alors que la France annonce la livraison d’armes aux combattants kurdes.

    Cependant, loin d’être une démonstration de force, cette nouvelle intervention de l’impérialisme étasunien ne fait que révéler son incapacité à instaurer une stabilité qui lui soit favorable dans la région. La presse impérialiste commence d’ailleurs à évoquer la possibilité que cette intervention soit longue, avec tous les dangers que cela comporte, notamment si l’on prend en compte des conflits géopolitiques encore ouverts : Syrie, Ukraine…

    A bas l’intervention impérialiste !

    Cette nouvelle intervention militaire n’apportera rien de bon pour les masses de la région. Cette dernière décennie d’occupation militaire par l’armée impérialiste nord-américaine le montre clairement. Il n’y a aucun doute que l’impérialisme essayera de profiter de la lutte contre l’EIIL pour se re-légitimer au Moyen-Orient. Profitant du recul actuel des processus révolutionnaires arabes, une stabilisation en faveur des agents pro-impérialistes pourrait l’aider à ouvrir une situation réactionnaire qui lui soit favorable. Cependant, dans le cadre de la résistance du peuple palestinien en cours et de l’énorme rejet au niveau international de l’attaque criminel de l’Etat d’Israël contre Gaza, une nouvelle intervention impérialiste pourrait devenir se retourner contre lui, attisant la contestation au niveau régional et international.

    La responsabilité de la situation politique catastrophique en Irak incombe largement à l’impérialisme. La nouvelle intervention militaire des impérialistes et de leurs partenaires réactionnaires locaux n’augure que des souffrances supplémentaires, à des niveaux extrêmes. Pour nous, seule la classe ouvrière, en pleine indépendance politique aussi bien de l’impérialisme que des différentes forces religieuses ou capitalistes, peut unifier les masses du pays et offrir une issue progressiste face à la menace de nouvelles sous-divisions territoriales réactionnaires. Ivan Matewan et Philippe Alcoy 17/8/2014

    http://www.ccr4.org/Entre-cauchemar-et-manoeuvre-une-nouvelle-intervention-militaire-de-l-imperialisme-en-Irak

  • Les Etats-Unis et l’Irak, une intervention humanitaire? (Essf)

    L’intervention des forces américaines en Irak a été présentée dans les médias occidentaux et autres comme une intervention pour protéger les minorités religieuses et ethniques d’Iraq contres les avancées du groupe jihadiste ultra réactionnaire de l’Etat Islamique, EI, anciennement Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL).

    Cette propagande cache les intérêts politiques impérialistes des Etats Unis dans leur intervention militaire, qui n’a aucun objectif humanitaire.

    L’EI depuis le mois de juin n’a cessé de faire des avancées militaires dans différentes régions après la prise de la ville Mossoul.

    Au début l’EI agissait au sein d’une coalition hétéroclite avec des ex baathistes et des chefs de tribus, mais le groupe jihadiste a rapidement pris le dessus sur les autres composantes. [1] L’EI a réprimé toutes les composantes de la population refusant son autorité, y compris musulmanes sunnites, tout en s’attaquant aux minorités chrétiennes et aux Yezidis (minorité kurdophone dont la religion monothéiste plonge ses racines dans le zoroastrisme pratiqué notamment en Iran). L’EI a vidé la ville Mossoul de sa population chrétienne et a occupé Qaraqosh, plus grande ville chrétienne d’Irak.

    Il faut néanmoins noter la solidarité afficher par une partie de la population musulmane de Mossoul contre les exactions de l’EI contre les chrétiens.

    Des musulmans se sont en effet joints aux chrétiens pour manifester en brandissant des pancartes portant l’inscription “Je suis chrétien, je suis Irakien”, s’interposant entre leurs compatriotes chrétiens et les jihadistes de l’EI. Mahmoud Am-Asali, professeur de droit à l’Université de Mossoul, sera le premier musulman abattu par les jihadistes pour avoir défendu des chrétiens. Le samedi 19 juillet, jour de l’arrivée à échéance du fameux ultimatum de la terreur (dans lequel les jihadistes avaient proposé trois possibilités aux chrétiens de Mossoul : « l’islam, la dhimma (impôt spécial) et, s’ils refusent ces deux options, il ne reste que le glaive »), les musulmans, à Mossoul, se sont joints à la messe, à l’église, pour prier aux côtés de leurs frères chrétiens. De même le dimanche 20 juillet, à Bagdad, à l’église catholique de Saint George.

    Les avancées et la terreur exercé par l’EI ont pour l’instant provoqué la fuite de 100 000 chrétiens qui ont été forcé de quitter leurs maisons, en plus des 20 000 à 30 000 membres de la communauté Yezidis qui sont restés piégés par l’insécurité dû à l’EI dans les montagnes de Sinjar, sans nourriture, sans eau et sans abri, selon le Haut-Commissariat de l’Onu aux réfugiés. Des milliers d’au- tres, épuisés et déshydratés, ont réussi à rejoindre le Kurdistan via la Syrie. Plus de 200 000 personnes ont été déplacés au total à cause des avancées militaires de l’EI, tandis que ce dernier a commis également des massacres contre des civils.

    L’EI disposerait d’environ 10 000 hommes en Iraq et à peu près 7 000 hommes en Syrie.

    L’intervention militaire américaine se traduit pour l’instant sous forme de frappes aériennes « ciblées » contre les jihadistes de l’EI, envoi de conseillers militaires sur le terrain, ainsi que l’envoi d’armes aux gouvernements irakien et autonomes du Kurdistan irakien. La France et la Grande Bretagne ont égale- ment fourni des armes à ce dernier. Il faut souligner le soutien de l’Iran, soi disant « anti impérialiste », à ces frappes US pour assister le régime irakien allié…

    Le régime iranien a également envoyé des pasdaran, des gardiens de la révolution, en Irak pour combattre l’EI, tandis qu’il a livré à l’Irak quelques Soukhoï SU-25, des avions d’attaque au sol et de soutien rapproché dont seuls les pasdaran sont équipés au sein des forces iraniennes. De même l’Iran continue de mobiliser et financer les milices chiites irakiennes, plus de 20 000 miliciens, que la République islamique d’Iran soutient depuis des années en Irak. La présence de membres du Hezbollah libanais est également attestée dans des tâches de commandement et de coordination des opérations. L’un d’eux, Ibrahim al-Hajj, vétéran du conflit de 2006 contre Israël, a récemment été tué dans le Nord, près de Mossoul, que l’EI contrôle depuis les tout premiers temps de son offensive de juin.

    D’un autre côté, les combattants kurdes d’Irak, de Syrie et de Turquie ont uni leurs forces dans une rare alliance, mettant leur différents de côté de manière temporaire, pour faire face aux jihadistes dans le Nord irakien dans la région de Rabia et de Sinjar, à l’ouest de Mossoul. Des combat- tants kurdes du PKK turc, du PYD syrien et des peshmergas irakiens ont en effet uni leurs forces dans une collaboration sans précédent.

    L’intervention militaire US, malgré sa propagande « humanitaire », s’inscrit néanmoins dans des objectifs politiques clairs qui sont de protéger le personnel diplomatique américain en poste station- né à Erbil, les grandes multinationales du secteur des hydrocarbures, tel que Mobil, Chevron, Exxon et Total qui exploitent le pétrole dans cette région et qui y ont déjà investi plus de 10 milliards de dollars, mais l’objectif premier est surtout de maintenir le régime irakien allié, hérité de l’invasion américaine. Les Etats Unis ne sont pas intervenus lorsque Mossoul est tombé et d’autres régions et que plus de 200 000 réfugiés se sont retrouvés sur les routes en direction du Kurdistan irakien, mais lorsque l’EI mena- çait de conquérir les territoires kurdes du Nord et la capitale Bagdad au Sud.

    C’est pourquoi les Etats Unis ne veulent que des changements superficiels au sein du régime irakien, en remplaçant uniquement le premier ministre Maliki, qui a également été lâché par son allié iranien à cause de sa gestion catastrophique du pays. Le nouveau Premier ministre, Haïdar al-Abadi, est loin de représenter une révolution, c’est un proche de Maliki et il est membre du même parti Dawa, tandis qu’il a été ministre des Communications au sein du gouvernement intérimaire mis en place après le renversement de Saddam Hussein en 2003.

    Ce dernier a reçu un soutien international, y compris de l’Iran. Le premier ministre Maliki a néanmoins tenté de rester au pouvoir, mais y a renoncé finalement. A la suite de cette annonce les responsables américains ont déclaré qu’ils pourraient accélérer l’aide économique et militaire à l’Irak si le nouveau gouvernement de al Abadi est plus inclusif en direction notamment de la population sunnite d’Irak. Mais c’est oublié que c’est la formule actuelle du régime irakien et ces mêmes forces politiques qui ont mené l’Irak dans cette situation aujourd’hui comme nous l’avons expliqué dans un article en Juin.

    La protection des minorités religieuses et ethniques n’est en effet pas du tout une priorité des USA lorsque l’on observe la pratique de ses alliés politiques dans la région, qui au contraire discri- minent et oppressent leurs minorités, comme l’Arabie Saoudite et sa minorité chiite, l’Egypte et sa minorité chrétienne copte ou chiite, ou encore Israel contre la population palestinienne, y compris chré- tienne, qui les réprime et les pousse à l’exil dans les territoires de 1948 (à l’intérieur de l’Etat sioniste) et les territoires occupés de Cisjordanie et de la Bande de Gaza, sans parler de sa politique d’apar-theid, d’occupation et de colonisation. De même les Etats Unis ne faisaient que peu de cas des attaques sur les minorités à la suite de l’invasion américaine et britannique en 2003.

    Il faut se rappeler que l’origine de l’EI se trouve en effet dans la constitution d’Al Qaeda à la suite de l’invasion américaine.

    Son leader Abu Bagdadi a commencé son expérience du jihadisme après l’invasion américaine en 2003 quand il a rejoint la branche irakienne d’Al-Qaeda sous le commandement du Jordanien al-Zarkaoui. En 2010, il prends la tête de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL aujourd’hui connu sous le nom de l’EI), qui a remplacé el-Qaëda en Irak. C’est néanmoins l’implication dans la révolution syrienne, com- battant plus souvent l’Armée Syrienne Libre que le régime Assad, particulièrement à partir de 2013 qui a permis au groupe de l’EI de devenir ce qu’il est aujourd’hui.

    Les combats en Syrie ont offert à l’EI un entraînement et des opportunités d’apprentissage sans précédent. Ensuite le groupe dispose aujourd’hui de chars, hummers, missiles et autres armements lourds pris de ses combats lors de son offensive en Irak. Ce matériel, souvent de fabrication amé- ricaine et notamment abandonné par l’armée irakienne lors de son retrait de Mossoul en juin a considérablement renforcé les capacités militaires de l’EI.

    L’intervention états-unienne est mue par des intérêts politiques et impérialistes et rien d’autre. Ces intérêts commandent aujourd’hui de maintenir le régime autoritaire et confessionnel que les Etats Unis ont créé en 2003 et qu’ils soutiennent depuis. L’EI est l’ennemi des Etats Unis parce qu’il menace la souveraineté d’un gouvernement qui collabore avec les USA, et non parce qu’il est un groupe ultra réactionnaire et confessionnel qui s’attaque aux minorités et aux irakiens en général.

    De même, si les Etats Unis ne sont pas intervenus en Syrie, ce n’est pas parce qu’ils pensent que le régime Assad protège les minorités religieuses et ethniques, mais parce qu’ils ne veulent pas renverser un régime qui a servi leurs intérêts politiques en de nombreuses occasions dans le passé, notamment en réprimant les résistances progressistes palestiniennes et libanaises au Liban et en Syrie ou qui a participé à la guerre impérialiste contre l’Irak en 1991 avec la coalition dirigée par les Etats-Unis, etc…

    Les USA veulent une « solution Yéménite » avec le régime d’Assad, c’est-à-dire maintenir les structures du régime et y incorporer une fraction de la soi-disant opposition qui servirait les intérêts occidentaux. C’est pour cette raison que les USA ne sont pas intervenus en Syrie, et non la protection des minorités. D’ailleurs les exactions de l’EI en Syrie n’ont pas poussé à un changement de politique des USA par rapport au processus révolutionnaire syrien. Les évènements en Irak ont simplement poussé le régime Assad à s’attaquer davantage à l’EI, et sa base dans la ville de Raqqa, pour appa- raître comme combattant le « terrorisme » devant la communauté internationale.

    Le régime Assad depuis le début de la révolution syrienne s’est attaché en effet à attaquer les démocrates, les comités populaires et par la suite les groupes de l’armée syrienne libre, tandis qu’il libérait de prisons islamistes et jihadistes et les laissaient se développer. Ces derniers avec le soutien politique et financier de forces régionales comme l’Arabie saoudite et le Qatar ont pu se constituer en des brigades militaires importantes et bien armées.

    La protection des minorités religieuses et ethniques, et de tous les citoyens d’Irak ne pour- ra être possible que dans le cadre d’un Etat réellement démocratique, social et débarrassé du confes- sionnalisme politique et des interventions étrangères internationales et régionales.

    De la même manière cela ne nous empêche pas de soutenir l’auto-détermination du peuple kurde, et même l’indépendance du Kurdistan irakien si cela est son choix. Ce soutien ne signifie en aucun cas un soutien au chef féodal Barzani allié des USA et de la Turquie, qui au contraire doit être combattu et considéré comme ennemi des classes populaires kurdes par ses politiques autoritaires, néo-libérales et d’alliances avec l’impérialisme occidental et de collaboration régional avec la Turquie et Israel.

    C’est pourquoi nous devons nous opposer à l’intervention impérialiste des Etats-Unis et des autres pays régionaux, comme l’Arabie Saoudite et l’Iran, et s’opposer aux jihadistes de l’EI, ses cri- mes, et ses politiques réactionnaires, ainsi qu’au gouvernement autoritaire et confessionnel de Bagdad. Ce sont les interventions étrangères qui sont une des principales raisons de la situation actuelles dans le pays.

    La nécessité en Irak, et ailleurs, est de construire un mouvement populaire social, démo- crate, progressiste et laic s’opposant au communautarisme pour permettre aux classes populaires de s’opposer aux différents groupes politiques et Etats étrangers qui cherchent à les diviser sur une base religieuse et/ ou ethnique, les appauvrissent avec des politiques néo-libérales, et les oppriment au moyen de mesures autoritaires et repressives.

    Joseph Daher  18 août 2014

    Notes:

    [1] Pour un background sur les évènements de juin voir "Syrie : une révolution qui persiste, malgré tout“, Joseph Daher], disponible sur ESSF (article 32346).