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Anti impérialisme - Page 2

  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

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      A gauche
      Tunisie - Six mois de gouvernement Echahed : La crise empire !

      , par Parti des Travailleurs (Tunisie)

      Le gouvernement Echahed dirige le pays depuis six mois. Pourtant, la crise continue, et rien ne laisse présager de son dépassement prochain.
      Le processus constitutionnel est à l’arrêt, ce qui implique l’impossibilité de mettre en place les nouvelles institutions de l’Etat, comme le Haut conseil de la (...)

    • USA
      United States Muslim and refugee ban: Trump Makes Early Enemies

      , by LA BOTZ Dan

      President Donald Trump and his alt-right advisor Stephen Bannon—“President Bannon” as he is being called —are making enemies fast, and lots of them. Leaders of some of the country’s largest corporations have come out against Trump’s Muslim and refugee ban. Some Christians, including Evangelicals, (...)

    • Tunisie
      Tunisie : le militant associatif Massoud Romdhani rétabli dans ses droits

      , par BELHASSEN Souheir

      Cet article fait suite à celui disponible sur ESSF à l’adresse suivante : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article40142
      Communiqué du Comité national et international de soutien à Massoud Romdhani
      Le comité national et international de soutien au militant Massoud Romdhani a appris avec (...)

    • USA
      Isis hails Donald Trump’s Muslim immigration restrictions as a ’blessed ban’

      , by McKERNAN Bethan

      Extremist social media channels delighted with new US President’s executive order, claiming it fulfils an al-Qaeda leader’s prediction that the West would eventually turn against its Muslim citizens
      Al Qaeda, Isis and other jihadi groups are thrilled with US President Donald Trump’s executive (...)

    • Economie
      Tunisie : la victoire à portée de main à l’oasis de Jemna - Interview -

      , par BARON Alain, ETAHRI Tahar

      Interview - de Tahri Mohamed Tahar (dit Tahar Etahri), président de l’association de Jemna (Tunisie)
      Comment s’est passée, le jeudi 19 janvier, votre rencontre avec les ministères concernés ?
      Nous avons tout d’abord rencontré le ministère de l’agriculture. Le ministre était en déplacement à l’étranger, (...)

    • Women
      Iranian Migrant in Norway – The hymen: from shame to liberation

      , by BAI Mina

      On Sunday 28 August, Isra Zariat, writing for the the Norwegian broadcasting website NRK , revealed that Norwegian doctors are conducting ‘virginity tests’ on behalf of concerned Muslim parents. Doctor Therese Kristina Utgård revealed that her website Klara Klok answers questions about the hymen (...)

    • USA
      United States – Opposition, Protest, Resistance to Trump Muslim Ban – Day 2

      , by LA BOTZ Dan

      Opposition and resistance to Trump’s Muslim ban continued for a second day on Sunday, January 29 with more massive demonstrations in American cities, as some corporate CEOS as well as Republican and many Democratic politicians also spoke out against Trump’s Muslim ban.
      Democrats rushed to put (...)

    • Histoire & mémoire
      Appel pour la reconnaissance des crimes coloniaux commis par la France

      , par Collectif

      Populations « indigènes » soumises au travail forcé, dispositions racistes et d’exception – codes de l’indigénat, internement administratif, responsabilité collective, etc… – imposées aux colonisés qui, dans leur écrasante majorité, n’étaient pas considérés comme des citoyens mais comme des « sujets français (...)

    • Tunisie
      Tunisie : Grève de la faim, mon ultime recours

      , par ROMDHANI Messaoud

      Messaoud a été de toutes les luttes pour la justice sociale et la démocratie. Cela a notamment été le cas lors de la campagne de soutien aux habitant-e-s du bassin minier à laquelle les organisations syndicales française, dont la mienne, ont eu l’honneur de participer. Il est donc particulièrement (...)

     

  • 1956, la crise de Suez (NPA)

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    Soixante ans après, retour sur ces événements qui ont constitué un moment charnière dans la mise en place d’un ordre mondial aujourd’hui disparu…

    Il y a 60 ans, à la fin du mois d’octobre 1956, la France et l’Angleterre organisaient secrètement avec Israël une intervention militaire contre le régime égyptien de Nasser qui, deux mois auparavant, avait osé défier les puissances occidentales en nationalisant le canal de Suez.

    Tandis qu’à l’ONU, on recherchait une solution diplomatique pour garantir la libre circulation sur le canal, Paris et Londres déployèrent leurs avions de chasse et leurs bâtiments de guerre au large d’Alexandrie, après trois mois de propagande guerrière contre Nasser, alors décrit comme le « nouvel Hitler ». Elles armèrent et couvrirent l’intervention de l’armée israélienne, qui occupa le Sinaï. Mais moins de 48 heures après que leurs parachutistes eurent sauté sur Port-Saïd, les gouvernements du socialiste Guy Mollet et du très conservateur Anthony Eden retiraient leurs troupes sur l’injonction des Etats-Unis et de l’URSS.

    L’événement annonçait la fin de l’influence de la France et de l’Angleterre au Moyen-Orient.

    Plus généralement, alors que le gouvernement socialiste de Guy Mollet, incapable de venir à bout de la révolte de la population algérienne, venait d’intensifier la « sale guerre » dans ce pays, il présageait la fin de la domination coloniale des vieilles puissances européennes, désormais supplantées de façon irréversible par l’impérialisme américain.

    Quant à l’Etat d’Israël, qui devait son existence et sa survie à la détermination des colons juifs pour qui, après le génocide nazi, il n’y avait pas d’autre perspective que la solution sioniste, il apparut à cette occasion, pour la première fois de façon très claire, comme un gendarme de l’impérialisme au Moyen-Orient.

    Alors qu’au même moment les chars russes écrasaient l’insurrection ouvrière hongroise, c’était aussi une expression du nouvel équilibre international qui naissait de la stabilisation des rapports de forces entre les Etats à l’issue de la Deuxième Guerre mondiale, un ordre basé sur le partage du monde et du maintien de l’ordre contre les peuples entre les deux grandes puissances victorieuses, la bureaucratie soviétique et l’impérialisme américain.

    Le Canal de Suez, sous la tutelle des puissances coloniales

    Long de 193 kilomètres et large de 300 mètres en moyenne, le Canal de Suez permet de raccourcir de 8000 kilomètres – distance du contournement de l’Afrique – la navigation entre l’Asie et l’Europe. C’est un élément stratégique fondamental pour les puissances occidentales car il est une des routes les plus rapides pour acheminer le pétrole du Moyen-Orient jusqu’en Méditerranée. Mais au-delà, sa nationalisation par Nasser le 26 juillet 1956 avait éclaté comme un défi insupportable à ceux qui se pensaient comme les maîtres du monde : « le défi qu’il vient de lancer à l’Occident », s’indignait l’éditorialiste du Monde le 28 juillet 1956, en parlant de cette décision de Nasser qu’il rapprochait de la nationalisation par Mossadegh du pétrole iranien, en 1951.

    Le diplomate Ferdinand de Lesseps, qui avait conçu le projet de canal et en avait négocié la réalisation avec le « vice-roi » d’Egypte Mohamed-Saïd, avait obtenu de celui-ci, le 30 novembre 1854, « le pouvoir exclusif de constituer et de diriger une compagnie universelle pour le percement de l’isthme de Suez et l’exploitation d’un canal entre les deux mers ».  Le 15 décembre 1858, il avait fondé la Compagnie universelle du canal maritime de Suez – ancêtre de la multinationale française Suez-Lyonnaise des eaux –, qui avait son siège social à Alexandrie et son siège administratif à Paris.

    La compagnie bénéficiait en outre d’une concession qui lui donnait le pouvoir de construire, entretenir et exploiter le canal pendant une durée de 99 ans à compter de son ouverture à la navigation. Société par actions, elle était possédée à 44 % par l’Etat égyptien et, pour le reste, par 21 000 actionnaires français.

    Les travaux qui commencèrent en avril 1859 furent achevés en novembre 1869.

    Travaux pharaoniques exécutés par plus d’un million et demi d’Egyptiens dont 120 000 – nombre cité par Nasser, dans son discours annonçant le 26 juillet 1956 à la radio la nationalisation du canal – moururent sur le chantier, la plupart du choléra.

    Ce qui aurait dû être une source de revenus pour l’Egypte précipita en fait sa ruine.

    L’Etat égyptien, qui s’était fortement endetté en achetant  la moitié des actions du canal, croulait sous cette dette. La Grande-Bretagne, qui s’était un temps opposée à la construction du canal, se saisit de l’occasion pour se remettre dans le jeu et racheter ses actions à l’Egypte, dont les finances furent néanmoins déclarées un peu plus tard en faillite. En 1876, le gouvernement égyptien fut placé sous la tutelle d’une caisse de dettes dont les administrateurs – deux Français et deux Britanniques, un Autrichien et un Hongrois – organisèrent les restrictions budgétaires, le licenciement des fonctionnaires et autres plans comparables à ceux imposés aujourd’hui à la Grèce ou à d’autres pays par la Banque mondiale, le FMI et la BCE. 

    Les réactions dans la population furent tellement vives que le gouvernement égyptien fut renversé par un groupe de militaires. En 1882, les troupes britanniques intervinrent sur place et prirent le contrôle de l’administration du pays.

    Après sa rupture avec l’Empire ottoman pendant la Première Guerre mondiale, l’Egypte devint un sultanat sous protectorat britannique mais en 1922, confrontée à des révoltes populaires de grande ampleur, la Grande-Bretagne renonça à son protectorat, tout en conservant une grande influence sur le régime du roi Fouad 1er. Et ceci, jusqu’au renversement du fils et successeur de ce dernier en 1952 par de jeunes officiers progressistes, au premier rang desquels s’imposa deux ans plus tard Gamal Abdel Nasser.

    La nationalisation du canal, un « défi lancé à l’Occident »

    Comme ce sera le cas plus tard avec les exploitations sucrières à Cuba, la nationalisation du Canal de Suez se fit en représailles à des pressions impérialistes, au refus en l’occurrence des Etats-Unis d’honorer la promesse de crédits qu’ils avaient faite à l’Egypte pour la construction d’un barrage sur le Nil, à Assouan. Le barrage devait doubler ou tripler la surface des terres irriguées et fournir de l’énergie hydro-électrique.

    Les relations internationales et les alliances étaient encore mouvantes dans le Moyen-Orient issu de la guerre.

    C’est ainsi que l’URSS avait voté dans le même sens que les Etats-Unis en faveur du partage de la Palestine à l’ONU et que la Tchécoslovaquie fut le premier Etat à livrer des armes à Israël.

    Le 24 février 1955 fut signé sous les auspices des Etats-Unis le pacte de Bagdad, une alliance militaire entre la Turquie et l’Irak, à laquelle adhérèrent ensuite la Grande-Bretagne, le Pakistan et l’Iran. L’Egypte, sollicitée de façon pressante, refusa de la rejoindre, essentiellement à cause de la présence de la Grande-Bretagne, l’ancienne puissance coloniale détestée de la population.

    Un autre grief contre Nasser fut qu’en novembre de cette même année 1955, il annonça officiellement avoir conclu un accord avec l’URSS pour des livraisons d’armes par la Tchécoslovaquie, destinées à faire face aux incidents frontaliers qui se multipliaient avec Israël. Enfin, Nasser affirmait publiquement son accord avec les principes adoptés lors de la conférence des « non-alignés » qui s’était tenue avec Tito et Nehru, en avril 1955 à Bandoeng.

    Le 19 juillet 1956, le secrétaire d’Etat américain, John Foster Dulles, faisait savoir que les Etats-Unis retiraient l’offre de prêt précédemment faite à Nasser et invitaient la Banque mondiale à en faire autant. L’URSS, de son côté, affirmait le 22 juillet qu’elle ne financerait pas le barrage.

    Le 26 juillet, Nasser annonçait à la radio, en terminant son allocution par un éclat de rire, que le canal de Suez était nationalisé. Les actionnaires, essentiellement anglais et français, de la Compagnie du canal seraient indemnisés et les droits de passage serviraient à financer le barrage. Plus tard, en septembre, la compagnie du canal renvoya ses pilotes en escomptant que les Egyptiens seraient incapables de s’en passer. Des pilotes égyptiens furent recrutés, se formèrent sur le tas et remplirent avec succès leur toute nouvelle tâche.

    Cette politique déterminée face à la vieille puissance coloniale anglaise valut à Nasser une popularité extraordinaire en Egypte même et dans l’ensemble du Moyen-Orient. C’était une forme de revanche pour les populations qui avaient subi tant d’humiliations de la part des puissances coloniales. Et pour ces dernières, une raison supplémentaire de vouloir se débarrasser de Nasser. 

    Telles furent les raisons véritables de l’intervention militaire franco-britannique contre l’Egypte. Mais les deux compères européens se livrèrent à une machination des plus perverses, négociée en secret avec les dirigeants israéliens pour tenter de légitimer leur forfait.

    Israël entre dans le jeu

    Les dirigeants israéliens réagirent immédiatement, comme les dirigeants français et britanniques, à la nationalisation du canal. Depuis la première guerre israélo-arabe, en 1948-49, la bande de Gaza était occupée par l’Egypte et les tensions territoriales entre les deux Etats étaient incessantes. A l’origine de l’Etat d’Israël, il y avait les foyers d’implantations juives que l’Angleterre, par la déclaration Balfour de 1917, avait autorisées… sur les terres déjà occupées par les Arabes palestiniens. Une stratégie du diviser pour régner en Palestine qui était alors une de ses colonies.

    Après la guerre, en 1947, une résolution de l’ONU, votée aussi bien par les Etats-Unis que par l’URSS, organisa le partage de la Palestine et la naissance de l’Etat d’Israël.

    Un an plus tard, les dirigeants israéliens, qui pouvaient compter sur la détermination des Juifs à s’assurer un refuge en Palestine, élargirent leur territoire à l’issue de la première guerre israélo-arabe.

    Les accrochages étaient réguliers à la frontière égyptienne. Les Palestiniens qui avaient été chassés de chez eux faisaient des incursions en territoire israélien pour récupérer une partie de leurs biens et l’Etat d’Israël organisait en retour des représailles en territoire égyptien. La tension monta encore d’un cran après les achats d’armes de l’Egypte à la Tchécoslovaquie. Israël profita de la situation pour obtenir de la France des avions de chasse et des chars AMX.

    Les dirigeants de l’Etat sioniste se saisirent de l’occasion de la nationalisation du canal pour justifier une intervention de leur armée en territoire égyptien. Ils allaient bénéficier d’un sérieux coup de main de la part des gouvernements français et britannique.

    Indignité de la gauche française

    Ces derniers auraient voulu non seulement reprendre le contrôle du canal de Suez, mais aussi renverser Nasser. Cependant, le Premier ministre britannique Anthony Eden hésitait, la majorité gouvernementale conservatrice était divisée. La bourgeoisie anglaise était soucieuse de préserver ses bonnes relations avec les Etats arabes. 

    En France, le Premier ministre était le socialiste (SFIO) Guy Mollet.

    Elu au sein du Front républicain au début de l’année 1956 en promettant de faire la paix en Algérie, il avait fait volte-face moins de trois mois plus tard après un voyage en Algérie où il avait été hué et malmené par des colons français et l’extrême droite. Le 12 mars 1956, son gouvernement s’était fait voter à une très large majorité, les voix des 146 députés du PCF incluses, les pouvoirs spéciaux qui donnaient à l’état-major de l’armée toute latitude et la liberté d’utiliser la torture. Il envoya en Algérie des renforts militaires malgré les manifestations d’appelés qui ne voulaient pas de cette sale guerre.

    Pour le ministre résident Robert Lacoste, il fallait « punir » Nasser qui hébergeait au Caire des dirigeants de la rébellion algérienne et dont la radio « La Voix des Arabes » soutenait les nationalistes algériens. Un homme se signalait aussi par sa détermination à intervenir, François Mitterrand qui était alors ministre de la Justice et prônait la défense de la civilisation contre « un émule de Hitler », en reprenant le leitmotiv de la campagne politique et médiatique qui s’était déchaînée pendant l’été à Paris. Si Nasser était identifié à Hitler ; le « laisser-faire » des puissances occidentales était comparé à la lâche capitulation, à Munich en 1938, des dirigeants français et anglais devant Hitler qui venait d’envahir la Tchécoslovaquie. Cette même analogie mensongère, un summum de mauvaise foi, fut d’ailleurs utilisée une nouvelle fois par Mitterrand, devenu alors président de la République, contre Saddam Hussein après l’invasion du Koweit en août 1990.

    Le « coup monté »

    En août, Guy Mollet obtint un large accord à l’Assemblée nationale pour une intervention militaire en Egypte. Seuls les députés du PCF et poujadistes s’abstinrent. 

    Alors qu’à l’ONU, les discussions tournaient autour de la recherche de solutions diplomatiques et négociées pour permettre un retour à la libre circulation sur le Canal de Suez, à Sèvres, en France, se tinrent le 24 octobre des négociations secrètes entre les dirigeants français, britanniques et israéliens. Il y avait entre autres Guy Mollet et le chef d’état-major des armées, Challe, un des futurs putschistes d’Alger en 1961, Ben Gourion, Shimon Peres et Moshe Dayan. 

    Le plan imaginé consistait en une première attaque de l’armée israélienne aboutissant à l’invasion du Sinaï, suivie d’un ultimatum franco-britannique ordonnant aux deux parties, Israël et Egypte, de retirer leurs troupes de chaque côté du canal pour y assurer la liberté de circulation, puis, après un constat prévisible de refus de l’Egypte, d’une intervention des troupes françaises et anglaises. 

    Le 29 octobre, comme prévu, les troupes israéliennes de Moshe Dayan pénétrèrent dans le Sinaï, appuyées par des avions de chasse français sous camouflage israélien, et progressèrent très rapidement et plus loin que prévu, dans l’ensemble du Sinaï  et jusqu’aux bords du canal de Suez. Le 30 octobre, les gouvernements français et britannique adressèrent leur ultimatum, comme convenu, aux états-majors israélien et égyptien pour leur intimer l’ordre d’arrêter les combats et, comme il était prévisible, l’Egypte refusa.

    Ce fut le prétexte au déclenchement de l’intervention. Dès le lendemain de l’ultimatum, le 31 octobre, les avions français et britanniques attaquèrent l’Égypte depuis Chypre et détruisirent tous les avions égyptiens au sol. Le 5 novembre, les troupes franco-britanniques débarquèrent à Port-Saïd au mépris de l’adoption la veille d’une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU, exigeant un cessez-le-feu.

    Les Etats-Unis et l’URSS sifflent la fin de la partie

    Les Etats-Unis et l’URSS avaient déjà présenté le 30 octobre au Conseil de sécurité de l’ONU un projet de résolution ordonnant un cessez-le-feu et le retrait des troupes israéliennes du Sinaï, mais la France et la Grande-Bretagne y avaient opposé leur veto. De même Guy Mollet, Anthony Eden et Ben Gourion ignorèrent-ils la résolution votée le 4 novembre par l’Assemblée générale de l’ONU. 

    Le 5 novembre, au lendemain de la deuxième intervention des troupes « soviétiques » en Hongrie1, le maréchal Boulganine adressait à la France, à la Grande-Bretagne et à Israël un ultimatum dans lequel l’URSS menaçait d’intervenir contre leur agression « coloniale » de l’Egypte, avec toutes les armes dont elle disposait. Pour les dirigeants de la bureaucratie, l’affaire de Suez offrait une diversion, un écran de fumée qui leur permettait de masquer leur forfait contre la classe ouvrière hongroise en prenant la défense des peuples opprimés par le joug colonial. 

    Eisenhower, de son côté, était furieux que ses alliés soient intervenus sans aucune concertation avec le gouvernement américain. Le 6 novembre, les Etats-Unis vendirent massivement des livres sterling pour faire pression sur le gouvernement anglais. Celui-ci d’abord, puis le gouvernement français, acceptèrent le même jour le cessez-le-feu.

    L’Egypte accepta la présence le long du canal d’une force d’interposition de l’ONU à la place des forces françaises et anglaises, dont le retrait s’acheva le 12 décembre. Elle avait été défaite militairement, et même sévèrement, mais la victoire politique de Nasser était totale et fut un formidable encouragement  au nationalisme arabe. L’impérialisme anglais était supplanté au Moyen-Orient par l’impérialisme américain dont Israël devint le gendarme, le bras armé dans la région.

    Un nouvel équilibre mondial aujourd’hui révolu

    En ces mois d’octobre et de novembre 1956, c’est sur fond de la sale guerre d’Algérie que les vieilles puissances coloniales anglaise et française avaient lancé à l’assaut de l’Egypte leurs marines, avions de chasse et parachutistes. Les dirigeants de l’URSS, quoiqu’ils aient lancé un ultimatum pour exiger le retrait de ces troupes, n’étaient pas mécontents que l’attention soit détournée ailleurs que sur leur propre zone d’influence. Au même moment en effet, la bureaucratie « soviétique », toute déstalinisée qu’elle était, faisait intervenir contre la classe ouvrière hongroise son armée et ses  blindés pour écraser les insurgés qui se battaient pour un socialisme démocratique.

    A la guerre pour faire rentrer dans le rang les peuples qui se soulevaient contre le colonialisme correspondait dans leur zone, à l’Est de l’Europe, la répression des révoltes ouvrières.

    Ces dernières, comme les luttes de libération nationale, représentaient un danger pour l’ordre international et l’ordre social. Mais bien peu nombreux étaient ceux et celles qui dénonçaient les crimes des deux camps. Dans l’un et l’autre bloc, les crimes d’un camp servaient de justification à ceux de l’autre.

    Derrière la rivalité entre les deux blocs, derrière la « guerre froide » qu’avait déclenchée l’impérialisme américain pour tenter d’enlever à l’URSS sa mainmise sur les territoires qu’elle avait occupés à la fin de la guerre, il y avait en fait une alliance tacite contre les peuples. C’en était fini du partage officiel et déclaré du monde, que les craintes d’une révolution après la guerre avaient persuadé les dirigeants impérialistes et Staline de conclure à Yalta. Mais la convergence d’intérêts contre les peuples perdurait, en particulier face à la vague des révolutions anticoloniales.

    L’impérialisme bénéficiait d’un allié qui faisait la police contre les peuples et les travailleurs, en URSS même et dans son glacis, la bureaucratie stalinienne, un facteur réactionnaire indispensable au maintien de l’ordre international. Non seulement d’ailleurs par ses capacités d’intervention contre les travailleurs, mais également parce que le stalinisme, produit de la pression de la réaction contre la vague révolutionnaire qui avait suivi la Première Guerre mondiale, avait profondément perverti les partis et les idées qui se réclamaient du communisme.

    La guerre froide avait connu et connut encore des crises très chaudes où le monde se vit à deux doigts de la guerre mondiale – la guerre de Corée puis la crise des fusées à Cuba. Mais l’ordre international, le pouvoir des classes dirigeantes, se stabilisait et assura, sous cette forme, la perpétuation de l’exploitation des travailleurs et des peuples pendant plusieurs décennies.

    Aujourd’hui, 25 ans après la disparition de l’URSS, sous la pression de l’offensive de la mondialisation libérale et financière, ce monde a définitivement disparu, la page est tournée.

    Mis à l’épreuve de la nécessité de maintenir l’ordre mondial à lui seul, l’impérialisme américain apparaît fragilisé, son hégémonie menacée à plus ou moins longue échéance  par les nouvelles puissances impérialistes que sont la Chine, l’Inde, la Russie. La situation en Syrie où le bourreau de son peuple, Bachar al-Assad, a reçu l’appui de la Russie de Poutine sous les yeux complices des Etats-Unis et de l’Europe, est un révélateur de ce nouvel ordre mondial, fait de chaos et de violences, en proie aux forces les plus réactionnaires. Le monde des Trump, Poutine, Erdogan ou Le Pen.

    Tel est le résultat de l’offensive des classes dirigeantes pour reprendre systématiquement ce qu’elles avaient dû concéder aux travailleurs et aux peuples, les acquis de leurs luttes et de leurs révolutions. Les organisations et partis – sociaux-démocrates, communistes, anticolonialistes – qui avaient conduit ces luttes ont épuisé leurs forces, fait faillite, domestiqués d’abord puis intégrés à l’ordre dominant.

    Mais à travers les bouleversements entraînés par la mondialisation libérale et financière, la classe ouvrière a connu un développement considérable à l’échelle internationale. C’est elle qui détient les clés de l’avenir.

     
  • USA (NPA)

    usa (npa) dans Antiimpérialisme

    USA : Trump, « la paix par la force »…

    Poutine a-t-il organisé la défaite de Clinton en ayant piraté des emails du Parti démocrate pour favoriser l’élection de Trump ? C’est ce qu’affirment des responsables de la CIA, et Obama d’ordonner une enquête et de promettre des représailles. Trump, qui vient d’être élu le 19 décembre par les grands électeurs, ironise, mais ce nouvel épisode du psychodrame électoral américain est bien dans l’air du temps du rapprochement annoncé Trump-Poutine.

    « L’ami de Poutine »

    Rex Tillerson, ex-PDG du géant pétrolier ExxonMobil, a été nommé secrétaire d’État, c’est-à-dire ministre des Affaires étrangères. De par son ancienne fonction, il entretient de bonnes relations avec la Russie, en particulier avec Igor Setchine, le patron de Rosneft, le principal producteur de pétrole russe, un proche de Poutine. Il s’était opposé aux sanctions adoptées par les États-Unis après l’annexion de la Crimée en mars 2014. Rex Tillerson ne dépare pas dans l’équipe de généraux, de grands patrons et de banquiers du futur gouvernement.

    Les nouvelles relations entre Moscou et Washington se négocient en fait autour du drame syrien, où les USA ont laissé les mains libres à Moscou et Téhéran. Trump fait confiance à Poutine. La Russie a réalisé ses objectifs : son intervention militaire a sauvé Bachar el-Assad, le dictateur ami, assuré ses bases en Méditerranée, et lui a permis de conserver la dernière de ses zones d’influence dans le monde arabe. Il s’agissait aussi de mettre un terme au « Printemps arabe », de mater l’insurrection populaire.

    La chute d’Alep aux mains de l’alliance russo-­iranienne change les rapports de forces dans une région jusqu’alors dominée par les États-Unis, et par eux seuls.

    Ceux-ci sont contraints de s’entendre avec la Russie et de négocier avec l’ayatollah Ali Khamenei, dans un monde libéral et impérialiste dit « multipolaire ».

    Fin de la « normalisation » USA-Chine ?

    Le 11 décembre, à l’occasion d’un entretien accordé à la chaîne Fox News, Trump est revenu sur l’incident diplomatique qu’avait provoqué sa conversation téléphonique, le 2 décembre dernier, avec la présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen, à l’initiative de cette dernière :« Je comprends parfaitement la politique d’“une seule Chine”. Mais je ne sais pas pourquoi nous devons être liés par [cette] politique(…), à moins que nous concluions un accord avec la Chine concernant d’autres choses, y compris le commerce ».

    Il n’a aucune intention de respecter l’accord diplomatique avec Pékin dit d’« une seule Chine » qui ne reconnaît pas Taïwan, accepté jusqu’alors par Washington dans le cadre de la « normalisation » des relations USA-Chine. Cette page se tourne. Trump entend non seulement mener une guerre commerciale contre la Chine mais il dénonce aussi « l’énorme forteresse au milieu de la mer de Chine méridionale » érigée par Pékin. La saisie par la marine chinoise d’une sonde de la marine américaine dans cette zone a été l’occasion d’une violente réaction de Trump.

    De toute évidence, son prétendu isolationnisme ne signifie en rien un abandon des prérogatives de l’impérialisme américain.

    Il ne s’agit plus pour les USA de prétendre au rôle de gendarme du monde, mais de se concen- trer sur la défense de leurs propres intérêts tant économiques que politiques et militaires. Ils veulent imposer à leurs alliés de prendre leur part, en particulier au niveau de l’Otan, et enten- dent renégocier en fonction des nouveaux rapports de forces au prix de tensions exacerbées. Trump sera le Président de ce tournant dans la mondialisation. Ainsi, il a repris le slogan de « paix par la force » de Reagan… tout en décidant d’accroître les dépenses militaires !

    Mardi 27 décembre 2016 Yvan Lemaitre

    http://npa2009.org/

  • Comment une vidéo conspirationniste sur la Syrie est devenue la deuxième la plus vue sur YouTube (Les Inrocks)

    La propagande russo-syrienne à propos de la bataille d’Alep bat son plein.

    Sur YouTube, la seconde vidéo la plus vue en ce moment émane ainsi de Russia Today France, preuve de sa puissance sur internet.

    Le titre de cette vidéo est un programme en soi : “ONU : une journaliste démonte en deux minutes la rhétorique des médias traditionnels sur la Syrie”. Tous les critères pour lui assurer un buzz sur internet sont remplis : la figure tutélaire de l’ONU (argument d’autorité), le verbe “démonter” qui promet une vérité révélée, la brièveté (“deux minutes”) et la cible, assez classique (les “médias traditionnels”).

    De fait, sur YouTube, elle a cartonné. Postée le 13 décembre en pleine bataille d’Alep, elle a atteint aujourd’hui 419 000 vues, et apparaît dans les “tendances” YouTube en deuxième position, entre une vidéo humoristique et un top 10 insolite. Pourtant, il s’agit d’un exemple typique de propagande russe sur le conflit en Syrie, et donc de désinformation.

    Comment une vidéo conspi est devenue mainstream

    Pour résumer son contenu : la “journaliste indépendante” Eva Bartlett (qui travaille en fait régulièrement pour Russia Today depuis 2013) est interrogée par un journaliste norvégien sur ce qui l’autorise à dire que les informations des grands médias occidentaux sur la Syrie sont mensongères. Elle lui répond, sur un fond bleu floqué du logo de l’ONU, sans jamais être interrompue, que :

    1 / Il n’y a pas d’organisations internationales sur le terrain à Alep ;

    2 / Les sources des journalistes occidentaux (L’observatoire syrien pour les droits de l’homme et les Casques blancs) sont corrompues ;

    3 / Les entreprises médiatiques occidentales militent pour un changement de régime en Syrie ;

    4 / Enfin, elle soutient que l’armée syrienne n’attaque pas les civils.

    Toutes ces affirmations sont pour le moins contestables, comme l’ont montré les “Décodeurs” du Monde. Des récits de personnes ayant fui Alep étayent les exactions de l’armée contre des civils, les journalistes qui couvrent le conflit n’ont pas seulement recours à des sources institutionnelles, et des ONG comme Médecins du Monde et l’UOSSM sont présentes en Syrie.

     

    La vidéo, hébergée par le site dépendant du Kremlin Russia Today France (RTF), s’arrête là. Elle a été reprise par plusieurs sites extrémistes et conspirationnistes français, comme BreizhInfo, Le Salon Beige, Les Moutons Enragés ou encore Sputnik news (agence russe pro-Kremlin). Des versions en allemand et espagnol sont aussi diffusées par les chaînes locales de RT. Comment cette propagande russo-syrienne est-elle devenue mainstream sur internet ?

    “La presse de ‘réinformation’ est pratiquement majoritaire sur internet”

    Pour l’historienne Marie Peltier, auteure de L’Ere du complotisme (éd. Les Petits matins), l’audience de cette vidéo tient beaucoup à la place hégémonique acquise par RT sur le web :

    “La presse dite ‘alternative’, ou de ‘réinformation’, pourfendeuse des médias occidentaux, est pratiquement majoritaire sur internet. RT a pris une place structurante dans cette nébuleuse : il suffit qu’elle balance un élément de narration pour qu’il soit repris en cascade par une chaîne de sites conspirationnistes.”

    Lancée en 2005 pour doter le Kremlin d’un instrument de soft power, la chaîne d’information en continue anglophone Russia Today, entretient en effet depuis sa naissance un “tropisme conspirationniste”, selon Rudy Reichstadt, rédacteur en chef de Conspiracy Watch : “En 2005, RT était sponsor de la conférence Axis for Peace, à l’initiative de Thierry Meyssan, qui avait invité à Bruxelles des conspirationnistes comme Dieudonné ou encore Jacques Cheminade”.

    La particularité de cette chaîne tient au fait qu’elle considère tous les dires de la presse occidentale comme de la propagande en soi. Elle se targue donc de faire œuvre d’information, en diffusant une vision du monde opposée. “RT est dans une logique d’inversion des réalités : elle se met dans une posture de dénonciation de la propagande du camp d’en face”, explique Marie Peltier.

    “L’audience de cette vidéo trahit la défiance à l’égard des médias classiques”

    La vidéo en question en est le parangon. Dans un contexte prétendument neutre, elle fait intervenir une journaliste qui l’est supposée tout autant. Or il n’en est rien, puisqu’elle s’exprime dans le cadre d’une conférence de presse organisée par la Mission permanente de la République syrienne auprès de l’ONU : c’est donc une initiative du gouvernement de Bachar el-Assad. L'”indépendance” et la neutralité d’Eva Bartlett, journaliste travaillant dans des médias russophiles et invitée dans une conférence organisée par le pouvoir syrien sont donc très contestables :

    “Tous les experts occidentaux convoqués par RT sont considérés ici comme des grandes signatures du conspirationnisme. Mais ils sont nimbés d’une aura d’expertise sur cette chaîne”, constate Rudy Reichstadt.

    Cette vidéo illustre donc le confusionnisme qui peut parfois régner sur une question aussi saturée d’idéologie que la guerre en Syrie. A un moment charnière comme celui de la chute d’Alep, et alors que la demande d’information à ce sujet est en constante augmentation, l’internaute a vite fait de tomber dans le piège. “L’audience de cette vidéo trahit la défiance à l’égard des médias classiques”, analyse Rudy Reichstadt. Et ce ne sont pas les discours pro-russes de François Fillon, Marine Le Pen ou encore Jean-Luc Mélenchon qui vont permettre d’élucider la situation en Syrie.

  • Les carences du secteur agricole accentuent l’insécurité alimentaire (Algeria Watch)

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    En dépit d’un engouement des opérateurs étrangers à investir

    El Watan, 14 novembre 2016

    Des millions d’hectares de terre en jachère, d’autres mal exploités, certaines terres sont détournées de leur vocation, d’autres encore reclassées pour servir au bâtiment, une main- d’œuvre en désertion et des semences locales disparues du marché.

    Vue sous cet angle, la sécurité alimentaire de l’Algérie semble bien compromise. Pourtant on ne peut pas dire que la volonté politique a manqué avec le PNDA, le PNDRA, l’effacement des dettes des agriculteurs, les crédits bancaires à taux 0, etc.

    Si bien que l’agriculture a été le principal secteur porteur de la croissance économique durant une bonne partie des années 2000. Au cours des cinq dernières années, sa croissance a évolué à un rythme annuel de plus de 7% en moyenne. En 2015, la valeur ajoutée du secteur représentait 12% du PIB.

    Pourtant, les résultats semblent insuffisants, car même si le ministère de l’Agriculture avance un taux de couverture de nos besoins agricoles à hauteur de 70% par la production nationale, le pays reste entièrement dépendant des importations pour ce qui est des produits de première nécessité.

    «L’Etat est appelé à venir en permanence à la rescousse pour sauver un marché national exposé aux pénuries dès lors que le secteur agricole national couvre à peine 15 à 20 % du marché en produits de première nécessité», observe Akli Moussouni, expert agronome. La balance agricole et alimentaire est déficitaire et a quadruplé entre 2000 et 2011. «On couvre 70% de nos besoins en fruits et légumes, entre 80 % et 100% pour la viande rouge et blanche, mais on ne couvre localement que 30% de nos besoins en céréales et moins de 50% en matière de lait», argumente Laala Boukhalfa, expert en sécurité alimentaire.

    Dépendance

    Une dépendance aux conséquences économiques directes et pas seulement en termes de sorties en devises. D’après les données de l’Ifpri (International Food Policy Research Institue, 2007), une hausse de 15% des prix agricoles sur le marché international coûte à l’Algérie 0,7% du PIB en raison d’une facture d’importations agricole représentant 4,5% du PIB à plus de 3 milliards de dollars.

    Mais le problème pour l’Algérie ne s’arrête pas là. Car la dépendance aux produits agricoles commence à la base. Des experts dans le domaine agricole ont en effet tiré la sonnette d’alarme sur le fait que 80% des semences locales ont disparu et que celles qui sont importées ne font que renforcer la dépendance de l’Algérie puisqu’il s’agit majoritairement de semences hybrides utilisables une seule fois.

    Déperdition

    Le ministre de l’Agriculture reconnaît qu’il existe un problème de semence qui est en train d’être pris en charge, mais il admet aussi que son règlement prendra des années. Quand ce n’est pas la dépendance aux importations qui pose problème, c’est la déperdition des superficies agricoles qui inquiètent. Les besoins en construction de logements et d’investissements industriels ont sérieusement empiété sur le foncier agricole, mettant à l’arrêt des exploitations agricoles entières. En 2015, ce sont près de 4000 hectares de terres agricoles qui ont été reclassées au bénéfice de l’industrie.

    A cela s’ajoutent quelque 3 millions de terres qui demeurent en jachère, soit plus d’un tiers de la surface agricole utile (8,5 millions d’hectares). Certaines sont considérées à haut potentiel. Le chiffre est important, mais pour Mohamed Alioui, président de l’Union des paysans algériens, il y a lieu d’abord «de s’inquiéter des terres qui sont censées être en exploitation mais ne le sont pas».

    Pourtant le gouvernement a pris ces dernières années des décisions allant dans le sens de l’amélioration de la production agricole et de la couverture des besoins nationaux à travers des mécanismes d’aides directs au profit des agriculteurs. Ces derniers se sont vu effacer en 2009 une dette de 41 milliards de dinars, mais la décision n’aurait pas profité à qui de droit. Selon Mohamed Alioui, «50 à 60% de cet effacement n’a pas bénéficié aux véritables agriculteurs qui en avaient le plus besoin».

    Ambitions

    En cette période de crise, où l’agriculture se positionne comme une alternative au pétrole, la question de la sécurité alimentaire pose indéniablement l’impératif de réduire la dépendance aux importations pour les produits de première nécessité. Pour Akli Moussouni, la solution résiderait dans «un changement radical des politiques agricoles, dont la contrainte de dépendance vis-à-vis du produit agricole étranger doit constituer d’axe de développement».

    Dans ce cadre, le plan d’action Filaha 2019 prévoit la réduction de 30 % de la facture des importations alimentaires (2 milliards de dollars par substitution (poudre de lait, blé dur, semence pomme de terre (A), viande bovine et tomate industrielle) et le doublement des exportations. Pour ce faire, des efforts seront concentrés sur un certain nombre de filières, dont la céréaliculture, les légumes secs, le lait, les cultures fourragères, les viandes bovines et blanches, la pomme de terre, la tomate industrielle.

    Safia Berkouk


    Investissements dans le secteur agricole

    Engouement des opérateurs étrangers

    Les investisseurs étrangers et nationaux se bousculent pour la grande concession.

    Ils sont de plus de plus nombreux à frapper à la porte du ministère de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche (MADRP) pour proposer leurs projets. Jusque-là, le secteur a attribué plus de 600 000 hectares pour la réalisation de projets structurants pour un montant de 600 milliards de dinars. Et ce, au profit de 1 500 investisseurs porteurs de projets intégrés dans les filières stratégiques. Sur ce montant, la valeur des investissements en cours de mise en œuvre avec des partenaires étrangers est de l’ordre de 25 milliards de dinars pour une superficie dépassant les 10 000 hectares par projet.

    Et ce, en dehors des régions du Nord. Le cap est en effet mis sur les IDE dans le Sud et dans les Hauts- Plateaux dans les filières stratégiques où l’Algérie est dépendante des importations C’est le cas notamment à Khenchela, Adrar et Ghardaïa, a-t-on appris auprès du MADRP. Les appels lancés par le gouvernement à l’égard des investisseurs étrangers, faut-il le rappeler, remonte à plusieurs années.

    Déjà en 2006, quand il était secrétaire général du ministère de l’Agriculture, Abdeslam Chelghoum avait invité les opérateurs étrangers à investir dans le domaine de la mise en valeur des terres par le biais du système de la concession mis en place et touchant les zones sahariennes, steppiques et montagneuses. «S’il y a des opérateurs étrangers qui veulent apporter leur contribution à la mise en valeur des terres ils sont les bienvenus», avait-il indiqué à l’issue d’une rencontre avec une délégation canadienne. Depuis, les appels se sont succédé par d’autres responsables du secteur. Il a fallu que les changements interviennent dans le cadre réglementaire notamment dans le cadre de la loi sur les concessions agricoles pour que les investisseurs se manifestent et affichent leur intérêt pour le secteur agricole algérien.

    Des mesures d’accompagnement

    Il faut dire en effet qu’une série de mesures a attiré l’engouement des investisseurs étrangers à la faveur d’une nouvelle stratégie en matière d’investissement dans le secteur agricole, qui mise sur le développement durable et la sécurité alimentaire en Algérie. Parmi ces mesures, on cite l’institutionnalisation d’une cellule d’accompagnement au ministère de l’Agriculture. Dans une de ses études, le cabinet Oxford Business Group ne manque pas d’ailleurs de le souligner.

    Projets structurants

    Il relève le nombre important de contrats d’investissements en projet ou conclus récemment, donnant comme chiffre 80 demandes d’investissements déposées au MADRP au cours du premier semestre 2016. Et rappelant par la même occasion les principaux projets conclus. A titre illustratif, celui conclu fin 2015 entre le Groupe Lacheb et le consortium américain International Agricultural Group, portant sur un mémorandum d’entente sur l’investissement de 100 millions de dollars dans la création d’une nouvelle joint-venture baptisée El Firma, dédiée à l’élevage bovin dans la région d’El Bayadh.

    Au total, six accords ont été signés entre les Etats-Unis et l’Algérie en 2015 dans plusieurs segments agricoles, dont l’irrigation, l’élevage de bétail et l’élevage de vaches laitières, ainsi que l’importation de semences. Plus récemment, le 15 septembre dernier, l’Algérie et la Chine ont signé un protocole d’accord pour l’exécution de la deuxième phase du projet pilote de l’aménagement des terres agricoles salines dans la région de Hmadna (Relizane). Pour le MADRP, ce projet est d’un intérêt stratégique pour l’Algérie, avec l’extension considérable de la salinisation des terres agricoles particulièrement dans les zones arides et semi-arides.

    Déjà en 2012, il y a eu le lancement de la première phase de ce projet pilote pour trois ans (jusqu’à 2015, entre l’Institut national de la recherche agronomique d’Algérie (INRAA) en coopération avec l’entreprise China Agriculture International Development.
    «Les résultats encourageants des expérimentations effectuées incitent à poursuivre les essais durant une seconde phase (2016-2018) avec l’appui de l’expertise chinoise», avait expliqué le MADRP après la conclusion de l’accord pour la deuxième phase du projet.
    Des intentions de projets sont par ailleurs exprimées par des partenaires français et allemands notamment.
    Samira Imadalou


    Développement des filières

    Les céréales et le lait, des défis majeurs

    Poussée par une croissance démographique et de nouvelles habitudes de consommation, la facture des ’importations céréalières a explosé face à une production nationale trop irrégulière pour répondre à tous les besoins.

    L’Algérie importe 80% de ses besoins en blé tendre et produit 60% de son blé dur. Pour le maïs, les importations sont de 100%, alors que pour l’orge, elles demeurent faibles à moins de 20%.

    Ces deux céréales sont destinées principalement à l’alimentation de bétail. 60% des céréales produites au niveau national sont du blé (dont 70% de blé dur et 30% de blé tendre). Selon une étude de l’Ipemed (Institut de prospective économique du monde méditerranéen), l’Algérie a connu une progression rapide de la consommation de blé tendre utilisé pour le pain et la pâtisserie «avec l’occidentalisation du modèle de consommation». Une demande trop forte comparée aux disponibilités réelles. Les céréales occupent à peine un tiers des terres arables et plus de la moitié des exploitants agricoles. Mais on estime cependant que la moitié de la production est réalisée par des exploitations de taille modeste (moins de 50 ha).

    La production reste marquée par une forte irrégularité. «On est à 17q/h. C’est trop faible», observe Laala Boukhalfa, selon qui «il y a des zones de culture à fort potentiel qui ne sont pas exploitées». Une étude de l’Ipemed explique cette faiblesse aussi bien par des causes naturelles (sol et climat), que techniques (semences, pratiques culturales) qu’humaine (organisation et formation des producteurs). Pour réduire la facture d’importation, le ministère de l’Agriculture a prévu dans son plan d’action 2019 de doubler la production céréalière à près de 70 millions de quintaux et d’en finir complètement avec l’importation de blé dur. Cela serait notamment possible grâce à l’augmentation des surfaces irriguées, qui passeront de 230 000 hectares en 2016 à 600 000 hectares en 2019.

    Pour Akli Moussouni, expert agronome, il est possible de couvrir «les ¾ des besoins du marché national à condition de réduire d’environ de 50% les surfaces qui leur sont consacrées, mais en investissant dans la performance de celles qui seront cultivées pour atteindre des rendements élevés (plus de 50 q/ha)». Les surfaces abandonnées par les céréales seraient ensuite consacrées aux parcours pour les filières animales (ovine en particulier)

    Le lait en crise

    Même constat ou presque pour le lait, enclin à des crises cycliques, avec un taux de collecte qui reste faible, puisque seulement le tiers de la production laitière bovine est collectée (en 2012). A la fin des années 1960, les importations totales en lait couvraient 40% des disponibilités, pour une consommation qui atteignait les 50 litres équivalent lait /habitant. Aujourd’hui, elles en couvrent plus de 50 % pour une consommation par habitant qui a presque triplé à 147 litres équivalent lait/habitant. «Nous produisons environ trois milliards de litres pour des besoins estimés à 6 milliards», observe Laala Boukhalfa.

    Près de 30% des disponibilités laitières sont destinés à l’autoconsommation ou se retrouvent dans le circuit informel, selon les chiffres du ministère de l’Agriculture. On estime que le taux d’intégration du lait cru est autour de 15% en moyenne, entre laiteries privées et publiques. Pourtant, pour augmenter cette production et son intégration dans le processus industriel de fabrication du lait pasteurisé, le gouvernement a mis en place un système de primes destiné aux producteurs, aux collecteurs et aux transformateurs.

    Rien n’y fait. Selon Laala Boukhalfa, les subventions constituent «un frein au développement de la filière». Les investisseurs «n’investissent pas car ils ne peuvent pas concurrencer un prix administré de 25 dinars le litre. Ils ne veulent pas investir dans des vaches laitières puisqu’il y a la poudre et qu’elle est subventionnée». En 2013, les subventions à la poudre de lait ont atteint 30 milliards de dinars. Mais, c’est loin d’être la seule contrainte. Dans une étude de l’IAMB (Institut agronomique méditerranéen de Bari) datant de 2015, il est noté que 99% des exploitations laitières sont du type «familial et traditionnel ».

    En 2008, «plus de 95% des exploitations laitières comptaient moins de cinq vaches, alors que celles qui disposaient de plus de 50 vaches laitières ne représentent que de 0,3% du total». Selon la FAO, la taille des troupeaux reste relativement faible, avec 6 à 8 vaches laitières par exploitation. En 2012, on estimait que le bovin laitier de race importée représentait 28% de l’effectif total des vaches laitières et assurait environ 70% de la production totale de lait de vache. Pour Akli Moussouni, la filière agit encore dans l’«archaïsme» pour au moins 4 raisons : sous-alimentation du cheptel, générant une faible rentabilité laitière, la petitesse des exploitations face à des coûts de productions trop importants, infrastructures d’élevages d’un autre âge et enfin le manque de professionnalisme.

    Insuffisances

    Si Laala Boukhalfa pose le problème de l’adaptation des vaches importées au climat algérien, il évoque également la question de la disponibilité de l’alimentation devant répondre aux besoins du cheptel. Des études publiées entre 2009 et 2013 par des chercheurs algériens (Chehat, Soukhal) montrent une «insuffisance des ressources fourragères qui constitue un obstacle au développement de l’élevage bovin en Algérie», puisqu’elles ne couvrent que 50% des besoins annuels, alors que «plus des 2/3 des besoins protéiniques du cheptel sont couverts par des aliments concentrés». En gros, les superficies fourragères ne représentent que 9% de la surface agricole utile, au moment où l’industrie des aliments du bétail est dépendante des importations des matières premières, soulignent les études.

    Selon la FAO, les contraintes liées à la production laitière en Algérie sont nombreuses, citant notamment, la faible production de l’élevage bovin, un prix de revient à la production trop important, des ressources fourragères insuffisantes, un coût de l’alimentation du bétail trop élevé et une désorganisation des réseaux de collecte. Des contraintes que le gouvernement compte lever pour les besoins de la sécurité alimentaire. A l’horizon 2019, l’objectif tracé est de réduire à 0 % l’importation de poudre de lait destinée à la fabrication de produits dérivés. Il est aussi question de promouvoir l’intégration de la production locale du lait cru par l’élargissement de son marché aux produits laitiers dérivés et le renforcement des capacités de production du fourrage.

    Safia Berkouk


    Maladies récurrentes et pratiques informelles

    Menace sur la production animale

    Avec des maladies à répétition, chaque année ou presque, une partie de l’élevage ovin, bovin et avicole est décimée. Brucellose, bronchite infectieuse, grippe aviaire, blue tongue, fièvre ap0hteuse, etc., les maladies sont multiples et leur propagation àa des degrés divers.

    Dernièrement encore, les citoyens ayant acheté le mouton de l’Aïd, n’ont pas sacrifié que ce dernier, mais également l’équivalent d’un mois de salaire pour ceux d’entre eux qui se sont retrouvés avec une viande putréfiée, impropre à la consommation. Pourtant les campagnes de vaccinations existent. En 2014, avec la fièvre aphteuse le gouvernement a dégagé une enveloppe de 100 millions de dinars pour l’achat de 900 000 doses de vaccin, alors que 1,6 million de bovins avaient déjà été vaccinés.

    Avec plus de 26 millions de têtes, l’élevage ovin représente près de 80% de l’effectif total du cheptel national devant le bovin qui en représente 6%. Importations frauduleuses d’animaux malades, abattages clandestins, non-déclaration des maladies, des pratiques hasardeuses en matière d’alimentation et d’administration des médicaments par les éleveurs, menacent cette richesse. Les résultats de l’enquête menée sur la viande de l’Aid avait mis en cause un surdosage de compléments alimentaires administrés aux bêtes en vue de leur engraissement rapide. Mais ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.

    Explications

    Pour les professionnels de la santé animale, ces maladies à répétition ne sont pas forcément anormales. Saida Akali, secrétaire générale du Syndicat national des vétérinaires fonctionnaires en explique les raisons. «Les effectifs de ces élevages sont sans cesse en augmentation (en nombre d’éleveurs et d’animaux), le nombre de vétérinaires augmente aussi et donc les diagnostics de maladies se font aussi plus souvent et leur déclaration se font aussi rapidement». Si l’apparition de ces maladies n’étonne pas, c’est que plusieurs facteurs y contribuent. «Nos élevages ne sont pas identifiés.

    On donne des crédits à toute personne qui le demande pour faire de l’élevage sans formation, sans structure d’encadrement, etc. Aussi, la protéine animale est devenue une valeur spéculative, donc des affairistes s’occupent de présenter des denrées d’origine animale par n’importe quels moyen et méthode». Ahcene Kaci, enseignant–chercheur, spécialiste des productions animales, partage une partie de cette analyse. «Des vétérinaires n’arrivent jamais à déterminer les véritables mortalités du cheptel car les barrières sanitaires ne sont pas respectées, le nombre de laboratoires d’analyse est très insuffisant, la veille sanitaire n’existe pas et la traçabilité des produits n’est pas prise en considération par l’ensemble des acteurs de la chaîne des filières animales». Les deux spécialistes mettent également en cause les faiblesses en matière de contrôle des frontières pour ce qui est des déplacements de troupeaux qui ne sont pas «systématiques».

    La production avicole

    Cet état des lieux vaut d’autant plus pour le secteur avicole. Dans un document consacré à l’analyse de la filière, le ministère de l’Agriculture note que les limites techniques et sanitaires des bâtiments traditionnels qui représentent la quasi-majorité des bâtiments d’élevage privés, mal aérés, provoque des maladies respiratoires et entraîne des taux de mortalité élevés, ainsi qu’une difficulté de désinfection et de mise en place de barrières sanitaires. Car la filière reste dominée par les pratiques informelles. Certains experts ont estimé que 80% des abattoirs de volailles ne possèdent pas d’agrément sanitaire.

    D’autres avancent un chiffre moins alarmant. «Selon l’étude non encore publiée par Ferrah Ali, chercheur à l’INRA Algérie, l’économie informelle dans l’aviculture algérienne représente 50 %, c’est-à-dire 1 opérateur sur 2 ne dispose pas d’agrément sanitaire», estime Ahcene Kaci. Selon Laala Boukhalfa, spécialiste des questions de sécurité alimentaire, la filière avicole peut produire jusqu’à un million de tonnes par an, mais «les abattoirs existants ne peuvent prendre en charge qu’une capacité de 20%, le reste se fait dans les abattoirs clandestins», posant un grand risque sanitaire. Seulement le problème est beaucoup plus grand qu’une simple question de pratiques informelles. Ahcene Kaci estime que «le risque sanitaire à l’avenir pourrait être d’une grande ampleur» au vu des carences. Car dit-il, il n’est plus concevable d’admettre la présence «des élevages modernes de grandes capacités à côté d’autres élevages traditionnels pourvoyeurs de maladies potentielles.»

    Organisation

    Mais les types d’élevage ne sont pas les seuls à mettre en cause. Pour Saida Akli on exige trop des vétérinaires fonctionnaires sans leur donner les moyens. On leur demande «d’assurer le contrôle sanitaire, les vaccinations, les prélèvements, les enquêtes épidémiologiques, la pharmacovigilance, les comités de lutte contre les zoonoses, les contrôles laitiers. Tout ça avec des effectifs réduits, des salaires dérisoires et des moyens matériels inexistants». En parallèle, la requête formulée pour une 6e année universitaire attend toujours une réponse, les recrutements sont gelés depuis 2014 et l’installation de jeunes vétérinaires relèverait «du casse-tête», selon notre interlocutrice.

    Avec la propagation de l’informel, l’impossibilité de l’identification des cheptels, les insuffisances en matière de contrôle et le manque de moyens au profit des professionnels, la protection des citoyens et de la richesse animale devient problématique. «Nous sommes le dernier maillon de la chaîne alimentaire, mais il faudrait que tous les autres maillons fonctionnent, à commencer par l’application des lois déjà existantes», affirme Saida Akli Abondant dans le même sens, Ahcene Kaci, qui considère que le véritable problème réside dans «l’organisation des filières animales», l’Etat doit prendre «des mesures strictes pour faire respecter la législation à travers ses services fiscaux et vétérinaires». De l’autre, «les autres acteurs doivent instaurer un système de coordination dans le cadre d’un groupement interprofessionnel représentatif afin de permettre à chaque maillon de la filière (agro-fourniture, secteur agricole, agro-industrie, distribution) d’investir, de garantir une traçabilité du produit et de dégager une valeur.»
    Safia Berkouk

    http://www.algeria-watch.org/

  • Un seul héros : le peuple ! Appel à soutien (Bretagne Info)

  • Election présidentielle aux Etats-Unis : Que signifie la victoire de Trump pour le Moyen-Orient ? (ESSF)

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    Gilbert Achcar

    En matière de politique étrangère en général, et envers le Moyen-Orient en particulier, Donald Trump, en tant que nouveau président des Etats-Unis, se détachera comme l’un des hommes les plus imprévisibles à avoir occupé cette position depuis que son pays a commencé à déployer une politique impériale outremer à la fin du XIXe siècle.

    Au cours de la campagne électorale, Trump s’est en permanence contredit et a changé de position ou de ton sur de nombreuses questions. Si l’on juge cependant certains thèmes clés qu’il a souvent répétés au cours de la dernière année, voici ce que l’on peut deviner en ce moment sur la manière dont sa présidence affectera le Moyen-Orient.

    Le peuple syrien sera le premier à souffrir de cette élection.

    Les portes des Etats-Unis seront claquées devant les réfugié·e·s syriens qui voudront tenter de s’y installer, à l’exception peut-être des chrétiens dans la mesure où l’agitation de Trump contre les réfugié·e·s syriens s’est centrée autour de l’islamophobie.

    Afin de mettre un terme au flux de réfugié·e·s en provenance de Syrie, Trump a prôné la création de « zone de sécurité » dans les frontières du pays, où les déplacés syriens seraient concentrés plutôt que d’être autorisé de se rendre à l’étranger en tant que réfugiés. Il s’est vanté de faire payer les Etats du Golfe pour cette opération de la même manière qu’il prétend que le Mexique payera le mur qu’il a l’intention de construire sur la frontière entre les deux pays.

    Ensuite, Trump inaugurera une nouvelle politique d’amitié et de collaboration avec le président russe Vladimir Poutine, fondée sur un accord avec les intérêts russes.

    Au Moyen-Orient, cela comprend une reconnaissance du rôle de la Russie en Syrie comme étant positif et soutenant le régime de Baschar al-Assad comme représentant le moindre mal.

    Logiquement, cela implique que les Etats-Unis exigent de leurs alliés traditionnels dans la région qu’ils cessent de soutenir l’opposition armée syrienne. Washington soutiendra avec Moscou un « gouvernement de coalition » syrien qui comprendra des membres conciliateurs de « l’opposition ». Cela pourra ouvrir la voie à une collaboration des Etats-Unis avec le régie Assad au nom de la « guerre contre la terreur ».

    Poursuivant une politique favorisant des « hommes forts » au pouvoir, qu’il partage avec Poutine, Trump voudra améliorer les relations que Washington entretient autant avec le président égyptien Abdel-Fattah el-Sissi qu’avec le président turc Recep Tayyip Erdogan.

    Il pourrait tenter de réparer les pots cassés entre les deux hommes et les persuader de joindre leurs efforts contre un « terrorisme » qui acceptera la définition de chaque président selon ce qu’il considère comme étant le terrorisme dans son propre pays.

    Dans la mesure où Trump est prêt à se mettre à dos l’Iran en révoquant l’accord sur le nucléaire négocié par l’administration Obama, il pourrait même tenter séduire l’Arabie Saoudite de rejoindre ce qui pourrait apparaître comme le triangle sunnite d’Ankara, du Caire et de Riyad, soutenu par Washington.

    C’est là que réside la principale contradiction de la vision de Trump pour le Moyen-Orient (alors que sa position hostile à la Chine est la principale incohérence de sa vision globale) : surmonter celle-ci implique d’entraîner autant Moscou que le régime Assad à une rupture avec Téhéran.

    Enfin, un autre « homme fort » de la région dont les relations avec Washington s’amélioreront grandement sous une présidence Trump, est Benjamin Netanyahou.

    Une autre victime directe de l’élection de Trump sera ainsi le peuple palestinien dans la mesure où Netanyahou aura plus les mains libres pour « traiter » avec eux que tout autre premier ministre israélien depuis Ariel Sharon à la suite des attentats du 11 septembre 2001.

    Gilbert Achcar

    Article publié le 9 novembre sur le site d’Al-Jazeera, anglais, disponible en version originale sur ESSF.

    * Traduction A l’Encontre :
    http://alencontre.org

    http://www.europe-solidaire.org/

  • Nouveautés sur le site du NPA

    Irak, Syrie : Les peuples otages des calculs des grandes puissances (NPA)

    Les égyptiens n’ont plus de sucre, ils n’ont qu’à manger des Rafales ! (NPA 32)

    Camarades belges:

    Climat : la COP22 au Maroc et la ratification de l’accord de Paris : cette transition n’est pas la nôtre ! (LCR.be)

    Courant d'idées du NPA

    La vérité pour Mouhcine Fikri. La mobilisation se poursuit. Mohammed VI tente d’étouffer la contestation (Révolution Permanente)

    Lire aussi:

    Moroccan activists plan protests to coincide with UN climate summit (The Guardian)

     

  • Octobre-novembre 1956 : l’intervention franco-britannique de Suez (Lutte Ouvrière)

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    Le 6 novembre 1956, les troupes françaises et britanniques débarquaient à Port-Saïd en Égypte.

    Ces deux vieilles puissances coloniales, alliées à Israël, entendaient reprendre le contrôle du canal de Suez nationalisé en juillet par le président égyptien Gamal Abdel Nasser. Mais l’opération militaire tourna au fiasco en quelques heures et le corps expéditionnaire franco-britannique dut rembarquer piteusement.

    Nasser avait pris la tête du pays à la suite du coup d’État de 1952 qui avait renversé le roi Farouk, sous le règne duquel l’Égypte était restée de fait un protectorat britannique. L’objectif du groupe dit des « officiers libres » dont il avait pris la tête était de moderniser le pays grâce à une politique plus indépendante. Les dirigeants américains avaient d’abord accueilli favorablement la chute de Farouk, avant d’être rapidement déçus en constatant que Nasser n’entrait pas dans leurs vues.

    La nationalisation du canal

    Lorsque les USA se montrèrent réticents à lui livrer des armes, Nasser s’adressa à la Tchécoslovaquie et à travers elle à l’URSS. Il refusa de faire adhérer l’Égypte au pacte de Bagdad regroupant les alliés moyen-orientaux des USA contre l’URSS. Nasser était pourtant fortement anticommuniste et réprima sauvagement les militants du PC égyptien, mais il entendait simplement ne dépendre d’aucune des deux grandes puissances. Il fut un des leaders de la conférence des non-alignés qui se déroula à Bandung en avril 1955, aux côtés de Tito, Nehru et Chou En-lai.

    Pour moderniser l’Égypte, Nasser comptait sur la construction du gigantesque barrage d’Assouan sur le Nil, mais le 19 juillet 1956, les USA annoncèrent qu’ils annulaient le prêt promis à cet effet. Ils espéraient amener Nasser à plus de compréhension et le forcer à cesser ce qu’ils qualifiaient de double jeu. Nasser répliqua par une action d’éclat qui fit de lui le héros du tiers-monde. Le 26 juillet, il annonçait la nationalisation de la compagnie du canal de Suez, déclarant dans un éclat de rire que l’encaissement des droits de passage financerait la construction du barrage d’Assouan. Les grandes puissances furent atterrées, tandis qu’au sein du peuple égyptien, et au-delà parmi tous les peuples dont les richesses étaient pillées par l’impérialisme, le geste de Nasser suscitait une immense fierté, et le sentiment d’être vengés. Nasser ne voulait pas plier, et proclamait fièrement : « Nous reprenons tous ces droits, car tous ces fonds sont les nôtres, et le canal est la propriété de l’Égypte. Il a été creusé par les Égyptiens, dont 120 000 ont trouvé la mort pendant les travaux. La Société du canal de Suez ne cache qu’une exploitation. »

    Les préparatifs de guerre

    Les dirigeants britanniques et français se déchaînèrent contre Nasser, le qualifiant de « nouvel Hitler ».

    Antony Eden, le Premier ministre britannique, se fit fort de « venger l’affront » et de faire revenir Nasser sur sa position par la force des armes. Outre le désir de laver l’insulte, l’impérialisme britannique n’entendait pas se laisser évincer d’une région traditionnellement sous sa coupe. D’autre part, la Compagnie était surtout entre les mains de capitaux britanniques, et dans une moindre mesure français.

    En France, le ton était identique. La gauche socialiste rivalisait avec la droite réactionnaire dans un concert de propos va-t-en-guerre. L’impérialisme français avait certes beaucoup moins d’intérêts que son compère anglais en Égypte, mais le gouvernement de Front républicain conduit par le socialiste Guy Mollet voyait en Nasser le principal soutien extérieur à l’insurrection algérienne menée par le FLN.

    Israël fut également associé aux préparatifs guerriers, saisissant l’occasion de montrer sa capacité à intervenir contre un État arabe ayant des velléités d’indépendance. Depuis deux ans déjà, la France équipait Israël en avions de combat et en chars d’assaut. C’est donc tout naturellement que l’idée s’imposa de faire participer Israël à l’expédition punitive.

    Le 25 septembre 1956, alors qu’une armada franco-britannique rejoignait les ports de Malte et de Chypre, le détail de l’opération fut mis au point. Les Israéliens devaient commencer par avancer vers le canal et les troupes franco-britanniques débarqueraient alors pour faire mine de s’interposer. Quant aux USA, les dirigeants français se faisaient fort de leur faire accepter l’opération, ce qui allait se révéler une erreur.

    Le fiasco de l’intervention

    Comme convenu, l’armée israélienne attaqua le 29 octobre. Elle occupa rapidement le Sinaï et s’arrêta. La Grande-Bretagne et la France adressèrent alors un ultimatum à l’Égypte et à Israël leur enjoignant d’arrêter les opérations. Israël, appliquant le plan prévu à l’avance, accepta et Nasser refusa. Les troupes britanniques et françaises purent alors débarquer sous prétexte de s’interposer, mais en fait pour occuper la zone du canal.

    Nasser cependant, bien loin d’être déconsidéré par cette première défaite, en sortit grandi. C’est à ce moment que s’affirma avec éclat l’opposition des États-Unis à toute l’opération, à laquelle ils n’avaient pas été associés. Les dirigeants français avaient présomptueusement affirmé que les USA seraient bien obligés de se ranger à leurs côtés pour que la libre circulation maritime soit garantie dans le canal. Le secrétaire d’État américain Foster Dulles avait pourtant signifié à Eden qu’il « refusait d’identifier la politique américaine à la défense des intérêts des anciennes grandes puissances coloniales ». Lorsque le débarquement devint imminent, les USA firent voter à l’ONU une résolution appelant à un cessez-le-feu immédiat et au déploiement d’une force des Nations unies ne comprenant aucun contingent français ni britannique.

    L’URSS, de son côté, menaça les belligérants d’utiliser « toutes les formes modernes d’armes de destruction s’il n’était pas mis fin à l’expédition ». Ce chantage à la guerre atomique était un bluff, mais en même temps c’était l’occasion pour les dirigeants soviétiques de s’affirmer comme les défenseurs de l’indépendance de l’Égypte… au moment même où, à Budapest, les troupes russes écrasaient dans le sang l’insurrection ouvrière.

    Devant l’attitude des États-Unis et de l’URSS, les troupes israéliennes durent se replier. Un corps expéditionnaire franco-britannique débarqua quand même à Port-Saïd et s’y heurta à la résistance de milices populaires levées à la hâte par le régime nassérien. Les troupes franco-britanniques du­rent rembarquer piteusement quelque temps plus tard, non sans avoir fait au moins un millier de morts égyptiens.

    L’opération se soldait par un triomphe pour Nasser, qui allait faire de lui pour des années le héros du panarabisme et le symbole de la lutte des pays du tiers-monde. En même temps les États-Unis signifiaient à la France et à la Grande-Bretagne qu’elles devaient en finir avec les expéditions coloniales : désormais, ce serait les USA qui s’en chargeraient, en tout cas au Moyen-Orient. Mais dans l’immédiat, ils devraient s’accommoder de la vague de revendications d’indépendance qui traversaient les pays du tiers-monde, encouragés par le succès de Nasser et pouvant tirer parti de l’opposition entre les deux blocs.

    Daniel MESCLA 02 Novembre 2016
     
  • Quelle indépendance 51 ans après la disparition de Mehdi Ben Berka, président de la Tricontinentale ? (Cadtm)


    Plaque commémorative sur le lieu de l’enlèvement de l’homme politique marocain, Mehdi Ben Barka, en octobre 1965 devant la brasserie Lipp, boulevard Saint-Germain à Paris. Wikipédia

     

    La légendaire affaire Ben Barka, dont la famille continue à réclamer le corps disparu depuis son enlèvement le 29 octobre 1965 à Paris par des barbouzes avec la complicité de l’État français : sa police, ses services secrets et sa justice.

    Le secret défense est invoqué, les témoins importants meurent ou se suicident, des journalistes véreux et de faux-témoins brouillent les pistes dès que se profile l’espoir d’une vérité. Les plaintes sont rejetées dès lors qu’il s’agit de protéger les amis de la France et les intérêts des entreprises françaises. Quelle justice peut-on alors espérer en France face à cette criminalité économique et financière cautionnées par les plus hautes instances de l’État ? Quelle justice peut-on espérer dans les pays africains où les élections sont truquées et les dictateurs sont soutenus par les puissances occidentales et la Françafrique toujours en place ? Quelle vérité, quelle réconciliation attendre encore du pouvoir marocain ?

    De l’assassinat de Ben Barka aux « biens mal acquis » : le rôle ininterrompu de la France de De Gaulle à Hollande, dans les « affaires africaines »
     
    C’est le 29 octobre 1965 que Ben Barka est enlevé devant la Brasserie Lipp à Paris, soit quelques mois avant de présider le comité préparatoire de la conférence fondatrice de la Tricontinentale à La Havane, en janvier 1966. Opposant au régime de Hassan II dans un Maroc où l’indépendance a été sacrifiée, Mehdi Ben Barka, condamné à mort par deux fois, quitte le Maroc en juillet 1963 pour un exil sans fin |1|. Leader tiers-mondiste, il œuvre pour unifier les luttes des mouvements de libération des trois continents : Afrique, Asie et Amérique latine. Disparu depuis maintenant 51 ans, le corps de Ben Barka reste introuvable. Les présidents français passent, mais la vérité est toujours étouffée. Hassan II, ses barbouzes et hommes de mains : Oufkir, Dlimi, Basri sont morts mais le silence demeure.

    Quatre mandats d’arrêt internationaux, signés le 18 octobre 2007 par le juge parisien Patrick Ramaël et révélés le 22 octobre lors d’une visite d’État de Nicolas Sarkozy au Maroc, ont été notifiés par Interpol après accord du ministère de la Justice.

    Ils visent le général Hosni Benslimane, chef de la gendarmerie royale marocaine, le général Abdelhak Kadiri, ancien patron de la Direction générale des études et de la documentation (DGED, renseignements militaires), Miloud Tounsi, alias Larbi Chtouki, un membre présumé du commando marocain auteur de l’enlèvement, et Abdlehak Achaachi, agent du Cab 1, une unité secrète des services marocains. Diffusés le 18 septembre 2009 par Interpol, soit deux ans après avoir été signés par le magistrat parisien, ces mandats sont contre toute attente bloqués le 2 octobre 2009 par le parquet de Paris. « Le blocage des mandats, quelques jours après leur diffusion, montre la complicité au plus haut niveau entre la France et le Maroc » a déclaré la famille de Ben Barka. On risque donc de ne jamais rien savoir sur la dépouille de celui qui a été le président de la Tricontinentale avant son enlèvement.
    Cinquante ans après l’enlèvement de Mehdi Ben Barka, la justice n’est donc toujours pas rendue.
    Sa famille n’a pas pu faire son deuil et continue à réclamer la vérité.

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    Mehdi Ben Barka / Wikipédia

    Empêcher l’ouverture des archives pour mieux manipuler encore plus, oublier pour réécrire l’histoire

    Enlevé à la Brasserie Lipp, le 29 octobre 1965, Mehdi Ben Barka aurait été torturé dans une villa, liquidé, son corps n’a jamais été retrouvé depuis.
    51 ans après cet assassinat politique, les documents secrets ne sont toujours pas dé-classifiés, la vérité reste étouffée et les coupables protégés.
    À défaut de révéler la vérité et de juger les coupables, « l’affaire BB » tourne au roman policier, ou resurgit sous la trame d’un film d’espionnage de mauvaise série.
    Des révélations sont régulièrement publiées dans certains journaux en mal de scoop pour semer la confusion et brouiller les pistes.
    Après avoir fait disparaître le corps, on déterre des archives pour récrire l’histoire, la manipuler, la travestir puis la banaliser, pour mieux discréditer le personnage. Ainsi, les néo-conservateurs, en déterrant des révélations douteuses, refont l’histoire : où assassins et truands sont absous, et les révolutionnaires sont déshumanisés, « désacralisés » pour tomber dans l’oubli, puis effacer la vérité.
    C’est vouloir assassiner une deuxième fois Mehdi Ben Barka et par là même enterrer les idées qu’il portait.

    Exiger la vérité, c’est le droit de savoir et la mémoire contre l’oubli

    Il a existé plusieurs Ben Barka, celui du jeune nationaliste du Parti de l’Istiqlal, modéré et monarchiste, poussé aux compromissions, puis acculé à se remettre en question, en une période marquée par la radicalisation des luttes des peuples colonisés pour leur indépendance.
    Sans vouloir mystifier le personnage, le Ben Barka qui nous intéresse aujourd’hui est celui de la Tricontinentale. Pour restituer dans une lecture contemporaine, un projet qui reste toujours actuel, celui de construire des alternatives au monde globalisé que nous subissons.
    Au sortir des Indépendances, sa critique Option révolutionnaire et sa relecture reste encore actuelle.
    La période était marquée par des recherches d’alternatives, internationalistes, mondiales, aux luttes des peuples qui aspirent à une réelle indépendance.
    L’Algérie qui vient de conquérir son indépendance de haute lutte en 1962 a été le point de rencontre de tous les leaders qui ont par la suite contribué à créer la Tricontinentale. Ben Bella sera alors renversé par Boumediene en 1965.
    L’année 1965 aura été le tournant dans les luttes pour les indépendances des peuples colonisés.
    Nous savons que la plupart des leaders porteurs de cette pensée ont été tués : de Lumumba, au Che Guevara, Amilcar Cabral, de ceux qui luttaient contre les colonialismes, qu’ils soient français, belge, espagnol, portugais, nord-américain et de tous continents.

    De Patrice Lumumba à Mehdi Ben Barka

    Patrice Lumumba est assassiné avec ses compagnons le 17 janvier 1961 au Congo et Mobutu prend le pouvoir par un coup d’État.
    Conduits par avion au Katanga, ils seront amenés dans une petite maison sous escorte militaire ou ils seront fusillés le soir même par des soldats sous commandement belge. Des documents secrets officiels belges dé-classifiés, révèlent que c’est bien la Belgique qui porte la plus grande responsabilité dans l’assassinat de Lumumba. La mort de Lumumba a été une lourde perte pour la communauté des pays non-alignés. Ce n’est qu’en 2002 que le gouvernement belge a reconnu une responsabilité dans les événements qui avaient conduit à la mort de Lumumba et s’est limité à des excuses.

    À vouloir travestir l’histoire, elle ne rejaillit que de plus belle…

    La méthode utilisée pour éliminer Ben Barka en 1965 avait déjà servi en 1961 pour éliminer Patrice Lumumba. Et tout comme Ben Barka, Lumumba luttait pour un même projet politique.
    Son engagement dans le mouvement non-aligné, son projet de réformes économiques pour le nouveau Congo indépendant, la rupture avec le colonialisme belge et l’impérialisme US, le rapprochement de l’URSS pour obtenir des subventions et contrer les pressions américaines dans cette période de guerre froide. Une autre vision de l’indépendance que ne pouvait tolérer l’impérialisme car elle touchait au cœur ses intérêts dans la région, elle redonnait espoir aux millions d’Africain.es et concernait tous les peuples dominés.
    Les mêmes méthodes ont été utilisées pour faire disparaître Ben Barka et pour les mêmes raisons.
    Or, l’ouverture des documents secrets dé-classifiés permettraient de lever le doute, au pouvoir marocain de reconnaître sa responsabilité dans l’assassinat de Ben Barka, à la famille de faire le deuil, à la mémoire collective de connaître la vérité… Mais on continue à brouiller les pistes.

    Rendre hommage à Ben Barka serait de réactualiser le projet pour lequel il a été liquidé : La Tricontinentale |2|

    Au sortir d’années de dictatures en Amérique du Sud, les mouvements politiques et sociaux ont imposé une résistance à travers de nombreuses luttes et ont réussi à mettre en place des gouvernements élus démocratiquement pour reconquérir leur souveraineté et autonomie locale et régionale.
    Aujourd’hui, toujours menacée et plus que jamais à l’ordre du jour, elle passe par l’unité des luttes dans les trois continents, dans un contexte de guerres, de pillage des ressources et de soumission de nos souverainetés.

    Dans notre région dévastée par les guerres, nos mouvements sociaux restent faibles, pris en tenaille entre des bureaucraties politiques et syndicales et des régimes répressifs.

    Ces mouvements sont contenus par une répression forte qui ne tolère aucune forme d’auto-organisation. Plusieurs leaders sont liquidés, le cas de Ben Barka, au sortir de l’indépendance est le plus célèbre, mais ne fait pas oublier bien d’autres dirigeants et résistants comme Omar Benjelloun, assassiné en 1972 par des islamistes à la solde du régime, Houcine Manouzi toujours disparu, Abdallah Mounacer, assassiné, son corps jeté dans le port d’Agadir en 1997, pour avoir organisé les marins pêcheurs.

    En Afrique, les guerres incessantes et des régimes mis en place pour permettre aux multinationales de poursuivre le pillage des richesses, perpétuent des génocides sans fin. Asphyxiés par les mécanismes de la dette, dette historique, dette odieuse, dette illégitime, dette écologique, nos peuples ne cessent d’en payer le lourd fardeau.  Chassé de son pays, Mobutu avait trouvé refuge dans le Maroc de Hassan II avec une partie de sa fortune volée. Il est enterré au Maroc. Aujourd’hui, sous Mohamed VI, les nombreux congolais qui fuient les guerres, les pillages, les génocides pour demander asile au Maroc, sont pourchassés, assassinés. Un drame humain que les marocains se doivent de dénoncer mais aussi et surtout nous avons pour tâche de travailler en commun pour que l’argent du peuple volé au peuple congolais soit restitué.
    La dette du Congo comme celle du Maroc, c’est aussi cette histoire entrelacée qui se poursuit.

    Nous ne pouvons pas rembourser la dette parce que nous ne sommes pas responsables de la dette.
    Nous ne pouvons pas payer la dette parce qu’au contraire les autres nous doivent ce que les plus grandes richesses ne pourront jamais payer, c’est-à-dire la dette de sang.
    , déclara Thomas Sankara dans un brillant discours avant son assassinat le 15 octobre 1987. Longue est la liste des dirigeants et opposants disparus pour avoir voulu un autre destin pour les pays du Sud dé-colonisés.

    29 octobre 1965- 29 octobre 2015 : 51 ans après l’enlèvement, la disparition… lutter contre l’oubli

    L’histoire récente, depuis la première guerre du Golf, fait du passé table rase, mondialisation, privatisation, guerres permanentes, peuples dépossédés sur les chemins de l’exil, exilés, et frontières redessinées…
    La mondialisation néolibérale persiste à privatiser le monde, détruire les résistances, générer des guerres sans fin, dévaster la planète et réécrire l’histoire, effacer des mémoires les luttes d’indépendance, passées et à venir.
    Aujourd’hui plus que jamais nous sommes un seul peuple du Sud face à la mondialisation. Nous réapproprier nos luttes et notre mémoire collective, c’est aussi nous forger pour les luttes à venir. Les hommes meurent, mais les idées qui poussent aux résistances se renouvellent sans fin tant qu’une dictature génère encore et encore plus de misère.
    51 ans après l’enlèvement et l’assassinat de Ben Barka, la lutte se poursuit pour la vérité, pour la mémoire, pour l’histoire, car comme le dit si bien Daniel Guérin |3| : « ce mort aura la vie longue ».
    La vérité, c’est la mémoire collective des peuples contre l’oubli, transmise aux prochaines générations.
    51 ans de silence complice, ça suffit ! Exigeons toute la vérité sur l’assassinat de Ben Barka, du Nord au Sud.

     
    Souad Guennoun

    Architecte et photographe renommée, vit à Casablanca. Elle témoigne depuis plusieurs années des crises sociales du Maroc d’aujourd’hui : émigration clandestine, enfants des rues, situation des femmes, luttes ouvrières, etc. Elle filme les luttes menées contre la concentration des richesses, les restructurations d’entreprises provoquées par le néo libéralisme, les choix du régime monarchique visant à soumettre la population aux exigence

    Notes

    |1| Cf Maurice Buttin ; Hassan II-De Gaulle- Ben Barka- Ed Karthala, 2010

    |2| Vidéo sur la Tricontinentale : https://www.youtube.com/watch?v=CKb2Xo07crI

    |3| Daniel Guérin, Ben Barka, ses assassins, Plon, Paris, 1989.

     

    http://www.cadtm.org/